PARAGRAPHE 2: Des ressources appropriées à
prévoir
La politique générale ainsi définie a
besoin des ressources humaines, matérielles et financières pour
être implémentée. Avant de rentrer dans le
développement spécifique de ces ressources pour la police
communautaire à la Sûreté Nationale, il convient de faire
une remarque, peut-être osée et ne relevant pas de notre
compétence, sur cette question au niveau national.
En effet, il est aisé de constater, au-delà des
administrations spécialisées comme la Douane ainsi que les Eaux
et Fôret, une multiplication des corps de sécurité source
de dispersion des ressources, de conflits inutiles de coexistence, de
harcèlement de la population et pour couronner le tout,
d'efficacité et d'efficience très discutables. Plus
concrètement, pour presqu'une même mission de
sécurité au sens strict de sécurité
intérieure, on a la Gendarmerie Nationale rattachée au
Ministère Délégué à la Présidence de
la République chargé de la Défense ; la
Sûreté Nationale ; la Protection Civile qui relève du
Ministère de l'Administration Territoriale et bientôt, si ce n'est
même pas déjà une réalité dans certaines
collectivités décentralisées, la police municipale dont le
cadre juridique est effectif, sera créée et organisée.
En conséquence, à l'observation directe, on assiste
aux spectacles où pour ne citer que quelques exemples :
? A Yaoundé, avant son déménagement pour
Mimboman, la Sûreté Nationale crée le commissariat de
sécurité publique du seizième arrondissement et l'implante
à Nkolmesseng ; quelques temps après, la Gendarmerie Nationale
installe une brigade juste en face du commissariat, alors que l'unité
administrative du cinquième arrondissement étant vaste, on aurait
dû se soucier d'une plus grande couverture sécuritaire en logeant
la nouvelle structure ailleurs. Le même scénario prévaut
à Douala, à Bonaberi juste après le pont du Wouri en
venant du rond point Deido ;
? A Yaoundé toujours, en termes de contrôle
routier, entre le carrefour sous-manguiers et le chef-lieu de l'arrondissement
de Nkol-afamba, 10 kilomètres environ, il y a au moins quatre postes de
contrôle : la mairie juste après le dixième arrêt,
les Eaux et Forêt, après la station Tradex, une équipe
mixte police-gendarmerie avant le carrefour Mfié-yop et à deux
cents mètres plus loin, la brigade routière de la gendarmerie.
En somme, au lieu de cette superposition de corps de
métier qui se chevauchent dans leurs activités et qui
éparpille les modestes moyens de l'Etat par les structures
parallèles, il serait
71
souhaitable de procéder à leur regroupement par
affinité de compétence pour accroitre les ressources
consacrées à une cause et fédérer davantage les
efforts et les acteurs.
Après cette parenthèse et pour revenir aux
ressources de la police communautaire, il faut en dire qu'elles relèvent
de la gouvernance sécuritaire et sont par conséquent de deux
ordres quelle que soit leur nature :
? Les ressources étatiques. La
sécurité est avant tout une attribution régalienne et
à ce titre, relève de la compétence de l'Etat qui doit
totalement fournir les ressources humaines, matérielles et
financières nécessaires à la prise en charge de la
sécurité en général et singulièrement de la
police communautaire. Il s'agit notamment des policiers bien formés, du
budget de fonctionnement, des moyens roulants tels les voitures, les motos, les
vélos ; des locaux mobiles ou fixes ; des fournitures de bureau ; du
matériel de transmission ...
Malheureusement et notamment dans les pays en voie de
développement, les ressources de l'Etat sont souvent très
limitées parfois à des degrés insoupçonnables ;
d'où le caractère avantageux de la police communautaire qui, du
fait de sa double nature participative et multi partenariale, offre un autre
type de ressources ;
? Les ressources non étatiques. Ils
sont, en dépit de leur caractère aléatoire, très
diversifiées en source, qualité et quantité. En source,
elles peuvent provenir des institutions paraétatiques, des
collectivités décentralisées, des entreprises
privées, des organismes non gouvernementaux, des particuliers... En
qualité, elles peuvent être en termes d'expertise, de
bénévolat, de liquidité, en nature... En quantité,
la relativité est de règle, la donation résultant du
volontariat.
Dans tous les cas, au cours des premières années
de lancement du processus d'internalisation de la police communautaire, l'Etat
doit être préparé à consentir plus de sacrifice en
attendant que l'appropriation du concept ne se généralise et que
les bonnes volontés ne commencent à se manifester. La politique
générale et la mise à disposition des ressources ne sont
pas les seules mesures à prendre en termes administratifs, il faut aussi
y ajouter la préparation de certaines activités
opérationnelles.
72
PARAGRAPHE 3: Des activités opérationnelles
à préparer Elles sont très variées :
? La conception des guides de référence.
Il en faut au moins trois : un guide de formation, un guide pratique
de l'agent de police communautaire, un répertoire des difficultés
d'implantation de la police communautaire.
Le premier se justifie par la nécessité de
démocratiser la nouvelle reforme tant au sein du corps de la police que
des partenaires potentiels à y impliquer. Le guide doit définir
les contenus des formations longue ou courte, ceux des séminaires et des
conférences. Il doit par ailleurs établir un chronogramme des
activités et faire des estimations en termes de coût.
Le second doit être envisagé comme une
espèce d'aide mémoire de l'agent de police
communautaire. Bien qu'une large marge d'initiative, une
polyvalence professionnelle et une capacité accrue d'adaptation au
contexte soient exigées à ce dernier, le guide doit baliser la
voie à l'agent de police pour éviter des extrapolations
préjudiciables au cadrage du concept de police communautaire. Le guide
doit contenir un bref résumé de la procédure
d'implantation d'une unité de base de police communautaire, la conduite
de l'identification des acteurs et des besoins sécuritaires locaux...
Le troisième document doit psychologiquement
préparer l'agent de police communautaire à ne pas s'attendre
à être accueilli comme un messie. Au contraire, il devrait faire
face à beaucoup de difficultés auxquelles il devrait être
sensibilisé pour ne pas céder au découragement. Au besoin,
le document lui ferait des suggestions quant à la manière de
gérer les problèmes opérationnels.
? La préparation et l'organisation des
consultations. Le projet de police communautaire peut certes
être conçu par les technocrates, mais à partir de son
statut de projet, il devrait porter déjà les marques de sa nature
communautaire en intégrant, par diverses consultations, les observations
pertinentes d'autres experts. De sorte que la mouture finale soit un consensus
et ait beaucoup de chances de réussir dans son implémentation.
? L'élaboration d'un plan de lancement graduel
des activités. Une réforme de cette envergure ne devrait
pas dès son départ être lancée sur l'ensemble du
territoire. Il est indiqué qu'elle démarre par une phase pilote
au cours de laquelle, l'expérimentation de la nouvelle reforme est
conduite dans des localités pertinemment choisies pour
73
permettre, par des leçons tirées à
l'issue de l'évaluation, de corriger la mouture du projet à
vulgariser sur l'ensemble du territoire.
? L'élaboration d'un plan de campagne
médiatique. Pour réduire à leur expression la
plus simple, les résistances à toute innovation, les
bénéficiaires doivent en être préalablement bien
informés voire bien imprégnés. La réforme de la
police communautaire ne devrait pas se soustraire à cette pratique qui
se fait à travers les médias de divers supports pour augmenter
les chances d'atteindre les cibles du projet. IL est donc recommandé de
concevoir une bonne campagne médiatique pour atteindre cet objectif.
D'ailleurs, la Sûreté Nationale dispose à cet effet d'une
cellule de communication et des relations publiques animée par des
professionnels.
? Le recadrage juridique. Dans un contexte
où a longuement prévalu la police d'ordre, l'introduction de
l'approche communautaire peut nécessiter la révision de
l'environnement juridique. Cette révision n'a pas pour but de remettre
en cause les principes fondamentaux du droit car comme Georges Levasseur et
autres, dans la recherche de la différence entre les actions publique et
civile l'affirment, « ... l'action publique est d'ordre public, il
n'est donné à personne d'y renoncer ; le ministère public,
à qui est confié son exercice... n'en a pas la disposition et ne
peut transiger à son sujet (sauf exceptions prévues par la loi)
... l'action civile est dans le patrimoine privé de la victime ;
celle-ci peut y renoncer ou transiger à son sujet.
»1.
En revanche, une relecture de certains textes à
l'instar des textes organiques de la Sûreté Nationale, voire les
codes pénal et de procédure pénale, peut s'avérer
utile pour accompagner la réforme communautaire de la police.
Ce n'est qu'après une bonne préparation
intellectuelle, par le biais des outils sus évoqués, que la phase
d'opérationnalisation peut être envisagée.
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