UNIVERSITE DE YAOUNDE II PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE DU
CAMEROUN
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II PRESIDENCY OF THE REPUBLIC
OF CAMEROON
INSTITUT DES RELATIONS INTERNATIONALES DU
CAMEROUN
ECOLE INTERNATIONALE DES FORCES DE SECURITE
INSTITUTE OF INTERNATIONAL RELATIONS OF
CAMEROON
INTERNATIONAL SCHOOL OF SECURITY FORCES
BP 1637 YAOUNDE BP 4018 YAOUNDE
LA POLICE COMMUNAUTAIRE
AU CAMEROUN : LE CAS DE LA
SÛRETE NATIONALE
Mémoire présenté et soutenu
publiquement en vue de l'obtention du Diplôme de Master en Relations
Internationales
OPTION : Sécurité
Internationale
PAR :
DESIRE BESSALA
Sous la direction du : Dr REMY MBIDA
MBIDA
Sous la supervision du : Pr JOSEPH VINCENT NTUDA
EBODE
Chargé de cours à l'IRIC
Enseignant à l'université de Yaoundé II
ANNEE ACADEMIQUE : 2014-2015
DEDICACE
i
Je dédie ce travail à :
? Mme veuve EKOBONO née Agathe MESSINA, maman, les mots
me manquent pour te rendre hommage ainsi qu'à ton feu mari, pour tout ce
que vous avez fait pour moi ;
? Roméo BESSALA, Lionnel BIDZANGA, Leïla BESSALA,
Armel BESSALA, Linda BESSALA, Arielle BESSALA, Junior BESSALA, Rodrigue
BESSALA, Sarah BESSALA, Rosamond BESSALA, mes chers enfants, puisse le modeste
niveau intellectuel atteint par votre père vous servir de balise pour
parvenir aux faîtes académiques
REMERCIEMENTS
ii
Au moment où notre séjour à l'Institut
des Relations Internationales du Cameroun s'achève, nous voulons
exprimer notre gratitude à tous ceux qui, de près ou de loin, ont
contribué à son succès, notamment :
? Le Professeur JOSEPH VINCENT NTUDA EBODE qui, en
dépit des nombreuses sollicitations dues à son rang, a
assuré la supervision de notre mémoire ;
? Le Docteur REMY MBIDA MBIDA qui, avec la minutie et la
rigueur reconnues aux universitaires, a dirigé notre travail de bout en
bout ;
? Le Délégué Général
à la Sûreté Nationale, Mr Martin MBARGA NGUELE qui nous a
accordé le privilège d'être admis à l'Ecole
Internationale des Forces de Sécurité et par ricochet à
l'IRIC et a mis le budget de l'Etat à contribution à cet effet
;
? Les enseignants et personnels d'appui de l'EIForceS et de
l'IRIC qui n'ont ménagé aucun effort pour la réussite de
notre formation.
? Nos camarades de promotion dont le soutien moral, pendant
des moments difficiles, a été pour nous une source de
réconfort.
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
iii
ABV : Auxilliaires Volontaires de la
Police
AMIS : Mission de l'Union Africaine au
Soudan
ASEAN : L'Association des Nations de l'Asie
du Sud-Est
CADDEL : Conférence Africaine de la
Décentralisation et du Développement
CDS : Comités Départementaux de
Sécurité
CFA : Communauté Financière
d'Afrique
CMS : Comité Municipal de
Sécurité
CNS : Conseil National de
Sécurité
CNSS-SN : Comité National Sectoriel de
Sécurité pour la Sûreté Nationale
CRS : Comités Régionaux de
Sécurité
CSG : Comité de Sécurité
du Groupement
CSQ : Comité de Sécurité
du Quartier
CZS : Comité Zonal de
Sécurité
D.E.A : Diplôme d'Etude Approfondie
DCO : Développement et Changement
Organisationnels
DGSN : Délégation
Générale à laSûreté Nationale
DSCE : Document de Stratégie pour la
Croissance et l'Emploi.
EIForceS : Ecole Internationale des Forces de
Sécurité
Elecam : Elections Cameroon
EMSP : Entreprises Militaires et de
Sécurité Privée
GIC : Groupements d'initiatives communes
GSO : Groupement Spécial
d'Opération
IRIC : Institut des Relations Internationales
du Cameroun
LEA : Ligue des États Arabes
NTIC : Nouvelles Technologies de
l'Information et de la Communication
OEA : L'Organisation des États
Américains
ONG : Organisations non Gouvernementales
ONU : Organisation des Nations-Unies
OSCE : Organisation pour la
Sécurité et la Coopération en Europe
PPC : Poste de Police communautaire
QPC : Quartier de Police Communautaire
RDA : République Démocratique
d'Allemagne
SARA : Scanner, Analyser, Répondre,
Apprécier.
ZPC : Zone de Police Communautaire.
LISTE DES FIGURES
iv
Figure 1 : Maillage de la Police Communautaire
au niveau national
Figure 2: Structure des effectifs d'une
unité opérationnelle de la Sûreté Nationale selon
l'article 7 du décret n°2012/540 du 19 novembre 2012 portant
organisation de la Délégation Générale à la
Sûreté Nationale
Figure 3: Maillage de la police communautaire
au niveau d'un arrondissement à prédominance urbaine
Figure 4: Maillage de la police communautaire
au niveau d'un arrondissement à prédominance rurale
V
RESUME
L'objet de l'étude porte sur la recherche de l'approche
policière la plus idoine pour relever les défis
d'évolution quantitative et surtout qualitative de la criminalité
auxquels le Cameroun est actuellement confronté.
Pour ce faire et en s'inspirant des exemples de l'Europe,
l'Amérique, l'Asie, l' ONU et de certains pays africains où, dans
les mêmes circonstances, la police communautaire mise au point par Robert
Peel a été expérimentée avec beaucoup de
succès, la problématique de l'appropriation de cette approche
communautaire par la Sûreté Nationale a été retenue
comme fil conducteur avec deux présuppositions : l'internalisation des
principes de Peel est mitigée et le Cameroun est un contexte favorable
à l'épanouissement de la police communautaire.
A travers l'examen de la doctrine d'emploi de la
Sûreté Nationale, de son organisation, de la nature de ses
acteurs, de ses stratégies et de ses modes d'action, la première
présupposition a été confirmée. La deuxième
l'a également été grâce à l'analyse d'une
part, des indicateurs nationaux tels l'existence d'une vision
stratégique de la police communautaire, la promotion de la
démocratie, de la décentralisation et de l'esprit associatif
ainsi que les limites patentes du système sécuritaire de la
police d'ordre en vigueur ; d'autre part, des indicateurs internationaux
à l'instar de l'actualité du concept de sécurité
humaine, la sublimation des droits de l'Homme et la globalisation de
l'information.
Au-delà de ces indicateurs favorables, les multiples
avantages sécuritaires et non-sécuritaires à en tirer et
dont les détails ont été exposés, constituent une
raison supplémentaire d'internaliser la police communautaire au Cameroun
et notamment à la Sûreté Nationale. Cette internalisation,
vivement recommandée en addition de la police d'ordre, passe par un
processus subdivisé en mesures administratives et opérationnelles
dont les modalités ont été indiquées.
Mots clés :
? Police communautaire ? Sûreté Nationale.
ABSTRACT
The purpose of this study focuses on the search for the most
suitable police approach to the challenges of quantitative and especially
qualitative evolution of criminality to which Cameroon is currently facing.
To do this and drawing inspiration on examples from Europe,
America, Asia, the United Nations and some African countries where, in the same
circumstances, the community policing developed by Robert Peel was tested with
great success, the issue of the adoption of the community approach by the
National Security was retained as a catalyst with two presuppositions: the
internalization of Peel's principles is mitigated and Cameroon is a favorable
development environment for Community Policing.
Through the examination of the employment doctrine of the
National Security, its organization, the nature of its actors, its strategies
and its modes of action, the first assumption was confirmed. The second was
also thanks to the analysis on the one hand, of national indicators such as the
existence of a strategic vision of community policing, the promotion of
democracy, decentralization and a spirit of association as well as the patent
limits of the security system of order police in force; secondly, international
indicators like the advent of the concept of human security, the sublimation of
human right and the globalization of information.
Beyond these positive indicators, multiple security and
non-security benefits exist, the details of which were exposed, constituting an
additional reason to internalize community policing in Cameroon and in
particular at the National Security. This strongly recommended internalization,
in addition to order police, passes through processes subdivided into
administrative and operational measures whose modalities have been
indicated.
vi
Key words:
? Community policing ? National security
vii
SOMMAIRE
DEDICACE I
REMERCIEMENTS II
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS III
LISTE DES FIGURES IV
RESUME V
ABSTRACT VI
SOMMAIRE VII
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : PARADOXE ENTRE UN CONTEXTE INDIQUE ET
UNE
INTERNALISATION MITIGEE DE LA POLICE COMMUNAUTAIRE
18
CHAPITRE PREMIER : UNE INTERNALISATION MITIGEE
DE LA POLICE
COMMUNAUTAIRE 20
SECTION I : DOCTRINE ET ORGANISATION
20
SECTION II : ACTEURS, STRATEGIES ET MODES D'ACTION DE LA
SÛRETÉ
NATIONALE 26
CHAPITRE DEUXIEME : UN CONTEXTE INDIQUE POUR LA
POLICE
COMMUNAUTAIRE 3 4
SECTION I : DES INDICATEURS INTERNATIONAUX 34
SECTION II : DES INDICATEURS NATIONAUX 40
DEUXIEME PARTIE: AVANTAGES ET PROCESSUS D'INTERNALISATION
DE LA
POLICE COMMUNAUTAIRE 1
CHAPITRE TROISIEME: AVANTAGES
INDENIABLES DE L'INTERNALISATION DE
LA POLICE COMMUNAUTAIRE AU CAMEROUN 53
SECTION I : LES AVANTAGES SECURITAIRES 53
SECTION II: LES AVANTAGES NON-SECURITAIRES 59
CHAPITRE QUATRIEME: LE PROCESSUS
D'INTERNALISATION DE LA POLICE COMMUNAUTAIRE AU
CAMEROUN .65
SECTION I: DES MESURES ADMINISTRATIVES 65
SECTION II: LES MESURES OPERATIONNELLES :
FONCTIONNEMENT TYPE
D'UNE UNITE TACTIQUE DE POLICE COMMUNAUTAIRE 73
CONCLUSION GENERALE 74
INTRODUCTION GENERALE
1
I - CONTEXTE ET OBJET DE L'ETUDE
La sécurité occupe une place capitale dans la
vie de l'Homme. Jean Jacques Rousseau, évoquant la nature humaine,
affirme que « Sa première loi est de veiller à sa propre
conservation... » 1. C'est dire à quel point le
besoin sécuritaire remonte à l'existence humaine et est
unanimement accepté comme une nécessité. En revanche, la
manière de satisfaire ce besoin indispensable a suscité, au cours
de l'histoire, des approches variées.
Les westphaliens, depuis qu'il a été
consacré en 1648 comme l'entité de regroupement humain la plus
achevée et donc le sujet par excellence de l'ordre international,
estiment que l'Etat est le meilleur garant de la sécurité. La
sécurité est par conséquent une fonction essentiellement
régalienne de l'Etat à qui le monopole de la violence a
été reconnu pour assurer le bon ordre pour l'intérêt
général.
La police qui en découle est une police d'ordre dont le
paradigme est de garantir le bon ordre par tous les moyens notamment la
coercition. David Bayley scande à ce sujet que « ... dans le
monde moderne, police désigne en général des personnes
employées par un Gouvernement qui sont autorisées à
utiliser la force physique afin de maintenir l'ordre et la
sécurité publics. »2.
Les privatistes se situent à l'opposé des
Westphaliens. Sans remettre en cause le rôle régalien de l'Etat en
matière de sécurité, ils estiment que la police d'ordre
est principalement orientée vers la sécurité des
institutions étatiques et de ceux qui les incarnent ; négligeant
ipso facto les besoins particuliers des groupes de personnes voire des
individus. Bien plus, l'Etat peut, dans certaines circonstances, être
soit débordé, soit dans l'incapacité d'assumer ses
responsabilités sécuritaires. En conséquence, ils
préconisent les initiatives privées pour renforcer la
sécurité individuelle ou de groupes.
La police qui en résulte est privée. Son
paradigme est clientéliste et elle est assurée par des individus,
des groupes d'individus ou des entreprises plus ou moins importantes. Il s'agit
là d'un phénomène en plein essor compte tenu du
caractère de plus en plus diversifié, pointu et osé de
l'insécurité dans le monde contemporain.
1 Rousseau 1762, p. 6.
2 Bayley 1983, p. 1120 ; 2003, p. 51.
2
Dans un article de sa page d'accueil consacré aux
entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP),
Malcolm Lucard, rédacteur en chef du magazine du Mouvement International
de la Croix Rouge et du Croissant Rouge, parle de croissance exponentielle.
L'auteur déclare que « ...ce secteur en pleine mutation... a
connu une croissance foudroyante au cours des dernières décennies
et ... le volume d'affaires dépasserait aujourd'hui les 100 milliards de
dollars. »1.Prenant le cas de l'Irak, le magazine affirme
qu' « Après l'invasion et l'occupation de l'Irak par les
Etats-Unis en 2003, on estime que plus de 100 000 sous-traitants privés
ont été employés, dans les rôles allant de la
surveillance des convois à l'appui logistique, en passant par le
renseignement, les postes de contrôle et bien d'autres fonctions.
»2.
La dernière approche est promue par les
communautaristes. Elle se situe dans la logique de la gouvernance
sécuritaire. Autrement dit, l'Etat, dans l'exercice de ses attributions
sécuritaires régaliennes, coopère avec des acteurs
non-étatiques pour s'attaquer aux causes de l'insécurité
et les résoudre durablement. Maurice Chalom et autres constatent
à ce propos que « ... les services de police sont
appelés à adopter une attitude proactive incluant dans leur
mandat la consultation et la participation de la collectivité...
»3.
La police générée par cette approche est
Communautaire et ses paradigmes sont la prévention et la
coopération. Elle encourage une très grande implication de la
communauté dans la gestion des problèmes de
sécurité auxquels elle peut être confrontée.
Née au XIXème siècle notamment en 1829 en
Angleterre, cette approche s'est rapidement propagée en Europe, en
Amérique, en Asie voire en Afrique. L'ONU a même
intégré cette approche en 2004 dans ses activités dans le
cadre des réformes consécutives au rapport Brahimi4
qui ont permis la création de la Division de la Police Civile au sein du
Département des Opérations de Maintien de la Paix.
Le Cameroun dont la naissance de la police moderne,
matérialisée par la création du premier commissariat
à Douala, remonte en 19255, ne s'est pas soustrait à
l'adoption généralisée de l'approche de police d'ordre par
la quasi-totalité des pays africains avant ou aux lendemains des
indépendances. Quatre vingt neuf ans plus tard et au regard de la
percée universelle de la doctrine de la police communautaire, le
Cameroun en général et la Sûreté Nationale en
particulier, l'ont-t-ils internalisée ? Avant d'analyser les
éléments de réponse à cette question, il convient
de définir les concepts clés de notre étude.
1 Lucard, 2012, P. 3.
2 Id., p. 3.
3 Chalom et al, 2001, p. 22.
4 Groupe d'étude sur les opérations de
paix de l'ONU, 2000.
5 Pondi, 1988, p. 88.
3
II - DEFINITION DES CONCEPTS
II-1- La police communautaire
Selon le réseau de recherche sur les opérations
de paix de l''université de Montréal au Canada, « La
police communautaire, aussi appelée police de proximité,
présente une approche plus préventive et
décentralisée que celle traditionnellement réactive. Faite
`' par et pour la population», elle vise à rendre les services
policiers plus transparents et redevables envers la société,
notamment en accentuant les services rendus par l'institution et en diminuant
son caractère répressif. »1.
Cette définition appelle plusieurs observations. En
terme nominatif, elle ne fait aucune différence avec la police «
communautaire », de « proximité » et leur traduction
anglaise de community policing. Elle distingue deux types d'acteurs :
la population et l'institution policière elle-même. Elle
relève une structuration décentralisée et note que son
paradigme est plus préventif que répressif à l'inverse de
la police traditionnelle, c'est-à-dire la police d'ordre. Enfin, elle
introduit la notion d'évaluation.
En revanche, le rapport de la 14e session
plénière du conseil de l'Europe du 17 avril 2007 sur le
thème : police de proximité : les pouvoirs locaux et
régionaux garants d'un nouveau partenariat, estime qu'il existe une
nuance entre la version anglo-saxonne de la police communautaire
appelée community policing et la police de proximité.
Cette nuance réside dans la formulation de la sécurité. La
formulation de la police de proximité est exclusivement institutionnelle
tandis que celle de la police communautaire est inclusive puisqu'elle associe
la population. En effet, le rapport affirme que : « le community
policing tend vers `'une police de la communauté avec la
communauté» et coproduit la sécurité avec les
habitants, tandis que la police de proximité, dans un objectif de
restauration du lien social privilégie un traitement strictement
institutionnel des problèmes.»2.
Bien plus, le même rapport intègre la police
municipale dans les approches communautaires de la sécurité et va
plus loin en militant pour le renforcement du rôle des
collectivités dans le partenariat sécuritaire avec la population
: « parallèlement aux évolutions de la police d'Etat,
les autorités locales ont depuis plus longtemps intégré le
modèle de l'ilotage
1 ROP 2013, p. 17.
2 Conseil d'Europe, 2007, pp. 20 - 21.
4
comme une référence de l'action des polices
municipales.»1. C'est dire que la différence
fondamentale entre la « police municipale » et la « police
d'Etat » se situe au niveau de leur organisation mère, la
première dépend de la collectivité
décentralisée tandis que la seconde est une institution de
l'Etat.
De tout ce qui précède, on déduit qu'en
dépit des nuances qui peuvent exister entre elles, les polices de
proximité, municipale et communautaire partagent les mêmes
caractéristiques qui sont : la prévention, le partenariat et le
rapprochement des structures de la police vers les populations. Ces
caractéristiques correspondent à certains principes de la police
communautaire fondée en 1829 par le Ministre anglais de
l'Intérieur, Robert Peel et qui ont été consignés
dans un document baptisé « Metropolitan Police Act »
et sont au nombre de neuf :
+ Prévenir le crime et le désordre, plutôt
que les réprimer par la force militaire et par la
sévérité des peines prévues par la loi.
+ Ne jamais perdre de vue que, si la police veut être en
mesure de s'acquitter de ses fonctions et de ses obligations, il faut que le
public approuve son existence, ses actes et son comportement et qu'elle soit
capable de gagner et de conserver le respect du public.
+ Ne jamais perdre de vue que gagner et conserver le respect
du public signifie aussi s'assurer la coopération d'un public prêt
à aider la police à faire respecter la loi.
+ Ne jamais perdre de vue que, plus on obtiendra la
coopération du public, moins il sera nécessaire d'utiliser la
force physique et la contrainte pour atteindre les objectifs de la police.
+ Obtenir et conserver l'approbation du public, non en
flattant l'opinion publique, mais en servant toujours de façon
absolument impartiale la loi, en toute indépendance par rapport à
la politique et sans se soucier de la justice ou de l'injustice du fond des
différentes lois; en proposant ses services et son amitié
à tous les membres du public, sans considération pour leur
richesse ou leur position sociale; en étant courtois et amical en
n'hésitant pas à se sacrifier quand il s'agit de protéger
et de préserver la vie.
+ N'utiliser la force physique que dans les cas où la
persuasion, les conseils et les avertissements se sont
révélés inefficaces pour assurer le respect de la loi ou
rétablir l'ordre; et, dans une situation donnée, n'utiliser que
le minimum de force physique nécessaire pour atteindre les objectifs de
la police.
1 Conseil d'Europe, 2007, pp. 32 - 33.
5
? Toujours maintenir avec le public des relations qui soient
de nature à concrétiser la tradition historique selon laquelle la
police est le public et le public la police, les policiers n'étant que
des membres du public payés pour s'occuper, à temps complet, en
vue du bien-être de la communauté, de tâches qui incombent
à chaque citoyen.
? Ne jamais perdre de vue la nécessité de s'en
tenir strictement aux fonctions qui sont celles de la police et de s'abstenir
d'usurper, même seulement en apparence, les pouvoirs de l'appareil
judiciaire pour venger les individus ou l'État et pour juger
autoritairement de la culpabilité et de punir les coupables.
? Ne jamais perdre de vue que le critère de
l'efficacité de la police est l'absence de crime et de désordre
et non la manifestation visible de l'action de la police pour parvenir à
ce résultat.1
Dans le cadre de cette étude, nous considérerons la
police communautaire comme une approche déconcentrée ou
décentralisée de la sécurité qui place la
prévention et la participation des bénéficiaires au centre
de ses activités de lutte contre la petite et moyenne
délinquances. Autrement dit, la police communautaire est la police du
peuple par le peuple et pour le peuple avec l'aide de professionnel pour
parodier la définition classique de la démocratie.
II-2- La Sûreté Nationale
Ce concept désigne au moins trois considérations
qui méritent d'être davantage élucidées: un corps de
Fonctionnaires, une structure de l'administration publique appelée la
Délégation Générale à la sûreté
nationale et un ensemble de missions sécuritaires.
II-2-1- La Sûreté Nationale comme corps de
métier
Selon cette acception, la sûreté nationale est,
au Cameroun, une force régulière au coté d'autres forces.
L'article 2 du décret présidentiel n° 2012/539 du 19
Novembre 2012 portant statut spécial du corps des fonctionnaires de la
Sûreté Nationale énonce en effet que «Le corps des
fonctionnaires de la Sûreté Nationale, force
régulière, est chargé, concurremment avec d'autres forces
:-d'assurer le respect et la protection des institutions, des libertés,
des personnes et des biens... ». Ce corps des fonctionnaires,
doté d'un profil de carrière, d'un régime disciplinaire et
d'un code de déontologie, est constitué de quatre cadres, dans
l'ordre décroissant :
1 Ministère de la Sécurité
Publique, 2000, p. 4.
6
? Les commissaires de police (commissaire divisionnaire,
commissaire principal et commissaire) ;
? Les officiers de police (officier principal, officier de
deuxième grade et officier de premier grade) ;
? Les inspecteurs de police (inspecteur de police principal,
inspecteur de police de deuxième grade et inspecteur de police de
premier grade) ;
? Les gardiens de la paix (gardien de la paix principal,
gardien de la paix de deuxième grade et gardien de la paix de premier
grade).
Paul PONDI abonde dans le même sens en affirmant que
«... le législateur camerounais a choisi l'appellation de
"Sûreté Nationale" pour désigner l'ensemble des forces de
police.»1 Notamment « ... le Corps des
Fonctionnaires chargé de l'application des lois et
règlements.»2.
II-2-2- La Sûreté Nationale comme
structure de l'Etat
La Sûreté Nationale ici est un service
rattachée à la présidence de la République et
relevant de l'autorité du Chef de l'Exécutif. Cette structure de
l'Etat est appelée Délégation Générale
à la Sûreté Nationale. Elle a été
créée par le décret présidentiel N°2012/540 du
19 Novembre 2012 portant organisation de la Délégation
Générale à la Sûreté Nationale. L'article 2
(1) affirme en effet que « la Sûreté Nationale est un
corps de commandement et d'administration placé sous l'autorité
du président de la république qui en est le chef
suprême. ». Pour son fonctionnement, la
Délégation Générale à la Sûreté
Nationale dispose d'un cabinet, d'une administration centrale subdivisée
en directions et des services extérieurs placés sous la
coordination de dix délégués régionaux ayant rang
de directeur de l'administration centrale.
Parlant de l'importance de la place de cet organe au sein de
l'administration de l'Etat notamment aux lendemains de l'indépendance du
pays, Paul PONDI déclare que «... la première
Sûreté Nationale fut rattachée directement au
président de la république, mais resta une direction de service,
modeste par ses effectifs et ses moyens, mais riche en responsabilités.
»3.
1 Pondi, 1988, p. 17.
2 Id., p. 16.
3 Pondi, 1988, p. 47.
7
II-2-3- La Sûreté Nationale comme ensemble
de missions sécuritaires
La Sûreté Nationale désigne enfin un
ensemble de missions sécuritaires stratégiques définies
par l'Etat. Il s'agit, selon l'article 3 du décret no2012/540
du 19 novembre 2012 portant organisation de la Délégation
Générale à la Sûreté Nationale, de :
+ assurer le respect et l'exécution des lois et
règlements ;
+ concourir à l'exercice de la police administrative et de
la police judiciaire ; + concourir à la défense nationale.
Pour nous, appréhender le concept de
Sûreté Nationale dans son aspect mission passe par la
considération que la criminalité a des causes (immédiates
ou lointaines), et des manifestations. De même, il existe respectivement
des solutions et des mesures palliatives pour gérer ces deux dimensions
au niveau de la police.
Dans cette optique, on peut dire de manière exclusive
que la Sûreté Nationale a pour missions, sur l'ensemble du
territoire, l'étiologie et la prophylaxie de la criminalité dans
le but de la résoudre durablement tandis que la sécurité
en gère les manifestations pour développer la quiétude
subjective et objective des individus ou des groupes.
De manière inclusive, les missions de la
Sûreté Nationale et de la sécurité se confondent et
vont des causes aux solutions de la criminalité en passant par les
manifestations et leurs palliatifs. En clair, il s'agit à la fois des
missions préventives et curatives.
Au total, le concept de Sûreté Nationale
désigne un corps de métier, une administration et des missions
qui peuvent être exclusives ou inclusives. La police communautaire et ses
variantes relèvent de la Sûreté Nationale dans son sens
exclusif et constituent une dimension de la sécurité et de la
Sûreté Nationale dans leur sens inclusif.
En conséquence, au terme de cet exercice de
définition des concepts, notre sujet de réflexion peut être
reprécisé de la manière suivante : la Sûreté
Nationale, qu'elle soit prise comme corps de métier, une administration
publique ou un ensemble de missions, satisfait-elle les exigences de la
gouvernance sécuritaire édictées par Robert Peel à
savoir, entre autres :
+ la prévention ;
+ la coopération;
+ une organisation décentralisée et
déconcentrée; + la petite et moyenne délinquance comme
objet ;
8
? l'imputabilité ?
III - INTERET DE L'ETUDE
L'intérêt de notre étude se décline
en trois modalités: académique, scientifique et professionnel.
Au plan académique, l'étude
vise la satisfaction des exigences universitaires pour l'obtention d'un Master
en relations internationales, option sécurité internationale : la
soutenance publique d'un mémoire sur un thème donné. En
effet, parallèlement à nos études à l'Ecole
Internationale des Forces de Sécurité de Yaoundé
(EIFORCES), nous nous sommes inscrits à l'Institut des Relations
Internationales du Cameroun (IRIC). Cette étude est donc le couronnement
de notre séjour dans cette institution.
Au plan scientifique, l'étude est une
contribution à la réflexion sur la police communautaire au
Cameroun. Nous avons en effet été frappés, pendant nos
recherches, par le contraste entre l'abondance internationale de la
documentation sur la question et sa rareté au plan national. C'est le
lieu pour nous d'émettre le voeu que notre modeste travail aiguise la
curiosité des chercheurs pour l'approfondissement de l'analyse de ce
thème sécuritaire dans notre pays en vue de son
opérationnalisation poussée.
Au plan professionnel, notre étude est
une invite des autorités de la Sûreté Nationale à
donner une égale importance à la police communautaire autant que
celle qui est actuellement accordée à la police d'ordre. Cette
préoccupation nous hante depuis notre séjour au Darfour, entre le
07 novembre 2006 et le 11 mai 2009, dans le cadre des opérations de
maintien de la paix dans cette région du Soudan. En effet, membre
successif de la Mission de l'Union Africaine au Soudan (AMIS) et de la Mission
des Nations Unies et de l'Union Africaine au Darfour, nous avons
été fascinés par la mise en oeuvre de l'approche
communautaire avec sa coproduction de la sécurité, l'immersion
dans la société... Lentement, le rêve de voir cette
approche suffisamment internalisée dans notre pays s'est
développé et s'est cristallisé. Cette étude est
donc une tribune supplémentaire pour nous, pour une plaidoirie en vue
d'une plus grande intégration de l'approche communautaire dans les
activités de la Sûreté Nationale.
9
IV - LA REVUE DE LA LITTERATURE
Elle est thématique par souci, autant que possible,
d'exhaustivité des idées sur la question au contraire de
l'approche par auteur qui nous semble limitative. Au terme de nos lectures,
nous sommes parvenus au constat selon lequel les préoccupations des
auteurs sur la police communautaire - en dépit des variances
liées, entre autres, à la géographie physique et humaine -
se recoupaient. Ces préoccupations, de manière
schématique, tournent autour de la description de l'environnement
sécuritaire qui précède l'adoption de l'approche de police
communautaire, les origines de ce modèle et ses principes, ses
stratégies et modes d'action, ses formes et ses acteurs, les obstacles
à son implantation et ses limites.
IV-1-Description de l'environnement sécuritaire
pré-police communautaire
C'est un environnement marqué par la
désuétude du modèle sécuritaire en vigueur,
généralement la police d'ordre. Il lui est reproché, entre
autres, de privilégier la sécurité des institutions du
pays et de ceux qui les incarnent au détriment de celle des populations
; de se borner à appliquer aveuglement les lois et règlements ;
de faire exclusivement une formulation institutionnelle de la politique
sécuritaire ; de ne pas à rendre compte de son
efficacité... Cette attitude de la police d'ordre la rend très
répressive, l'éloigne de la société qu'elle est
censée servir, engendre une augmentation de la criminalité et
développe le sentiment d'insécurité. Les auteurs que nous
avons lus s'accordent sur cette description.
Décrivant l'environnement pré-police
communautaire en France, Caroline Ober déclare : « Toutefois,
malgré les efforts entrepris par les autorités publiques, le taux
de croissance de l'offre publique de sécurité ne réussit
guère à rattraper celui, bien supérieur, de la demande.
D'une part, on observa une augmentation quantitative et qualitative de la
délinquance urbaine et acquisitive. D'autre part, de nouveaux
comportements répréhensibles, les incivilités, apparurent
au fil des années. Des dégradations en tout genre, des agressions
verbales, des menaces ou même des violences légères
pourrissaient le quotidien d'autrui. Ces « mini infractions »
n'étant, jusqu'alors réprimées, elles créaient un
sentiment d'impunité chez l'auteur et une exaspération de la part
de ceux qui en étaient victimes. Aussi, la nécessité de
s'adapter à un nouveau paysage de l'insécurité s'imposait,
le but étant d'apporter une réponse préventive et durable,
plutôt qu'une réponse à postériori et ponctuelle.
»1.
1 Ober, 2002, p.
8.
10
Dans la même optique, la monographie du ministère
américain de la Justice affirme que «Policing strategies that
worked in the past are not always effective today. The desired goal, an
enhanced sense of safety, security, and well-being, has not been achieved.
Practitioners agree that there is a pressing need for innovation to curb the
crises in many communities. Both the level and nature of crime in this country
and the changing character of American communities are causing police to seek
more effective methods. Many urban communities are experiencing serious
problems with illegal drugs, gang violence, murders, muggings, and burglaries.
Suburban and rural communities have not escaped unscathed. They are also noting
increases in crime and disorder. »1.
IV-2- Origine et principes du modèle de police
communautaire
La paternité du modèle de la police
communautaire est unanimement reconnue au Ministre anglais de
l'Intérieur, Robert Peel par la quasi-totalité des documents que
nous avons lus. C'est en effet en 1829 que ce membre du Gouvernement a
rassemblé les neuf principes de son approche sécuritaire et les a
consignés dans un document baptisé « Metropolitan Police
Act ». Le service de la prévention de la criminalité
canadien, dans son projet de politique ministérielle sur l'approche de
police communautaire publié énonce : « Sir Robert Peel
établissait déjà, en 1829, les principes à la base
d'une police réellement communautaire, cette approche, connue aussi sous
le vocable de « police professionnelle de type communautaire
»,a connu son essor au cours des quinze dernières
années, notamment en Amérique du Nord et dans plusieurs pays
européens dont la Belgique et l'Angleterre. »2.
Résumant les idées principales de la police
communautaire, Jean-Louis Loubet Del Bayle reconnait, en passant, l'auteur de
cette approche sécuritaire : « En fait, cette réflexion
regroupe sous ce terme, d'une manière un peu systématique, un
certain nombre d'idées sur les rapports de la police avec la
société, sur les rapports de la police avec le public, qui
avaient été plus ou moins mises en avant lors de la
création de la police métropolitaine de Londres en 1829 par
Robert Peel.».3
A l'origine, ce dernier a défini neuf principes. Chaque
pays, dans l'opérationnalisation de cette doctrine, met l'accent sur
certains principes au détriment des autres. Toutefois, au fil du temps,
une constance a semblé se dégager autour de quatre pour
caractériser la police
1 Bureau of Justice Assistance, 1994, p. 3.
2 Service de la Prévention de la
Criminalité en coll. avec le CIPC, 2000, p. 5.
3 Loubet Del Bayle, 2008, p. 102.
11
communautaire : le maillage territorial, le partenariat, la
prévention et l'évaluation de l'efficacité de la police
A ce sujet, le rapport de la 14e session
plénière du Conseil de l'Europe recense « ... une
nouvelle lecture du territoire, la recherche d'un rapprochement avec les
habitants, une conception plus proactive des interventions policières,
et la valorisation d'une approche partenariale. »1.
Pour leur part, Maurice Chalom et autres reconnaissent que
dans le cadre de la police communautaire, « ... les services de police
s'engagent dans des réformes qui convergent vers un mandat de nature
préventive et proactive dans le but d'agir efficacement sur la
criminalité et de cogérer la sécurité.
»2.
La politique canadienne en matière de police
communautaire retient quatre principes de base à savoir : « Le
rapprochement avec les citoyens ... Le partenariat avec d'autres
institutions... L'approche de résolution de problèmes... Le
renforcement des mesures préventives. »3.
IV-3- Stratégies et modes d'action de la police
communautaire
Cette rubrique brille par une confusion entre les principes,
les stratégies et les modes d'action. Caroline Ober, analysant la
réforme française de police de proximité, distingue sept
« ... nouveaux modes de travail... »4 Par
opposition implicite aux anciens qui sont au nombre de cinq. Parmi les anciens
modes, elle cite la territorialisation, le contact permanent avec la
population, la polyvalence de la fonction du policier de proximité, la
responsabilisation du policier de proximité afin de valoriser sa
fonction et un service rendu de qualité. Dans le cadre des nouveaux
modes de travail, elle évoque le recueil de la demande de
sécurité, la gestion par objectifs, la résolution du
problème, le travail en équipe, la communication interne et
externe, l'évaluation de la police de proximité et l'esprit de
service public.
Le rapport 1999-2006 de l'Association Internationale des Chefs
de Comité de Police Communautaire5 a recensé quatre
stratégies :
? La résolution des problèmes et la
prévention ;
1 Conseil d'Europe, 2007, p. 13.
2 Chalom et al, 2001, p. 10.
3 Ministère de la Sécurité
Publique, 2000, pp. 19 - 23.
4 Ober, 2002, p. 5.
5 Association Internationale des Chefs de
Comité de Police Communautaire, 2007, pp. 10 - 28.
12
+ L'engagement de la communauté ;
+ Le partenariat ;
+ Le développement et le changement organisationnel.
Par contre, Jocelyne Lavoie et Jean Panet Raymond1
retiennent trois stratégies elles mêmes subdivisées en une
kyrielle de modes d'action qu'il n'est pas nécessaire d'évoquer
ici. Ces stratégies sont :
+ La sensibilisation ;
+ La mobilisation ;
+ Les moyens de pression.
IV-4-Formes et acteurs de la police communautaire
Les formes de police communautaire sont variées. On
distingue, selon le choix des pays, la police communautaire, la police de
voisinage, la police de quartier, la police de proximité... Le document
de politique ministérielle du Canada, intitulé Vers une Police
plus Communautaire est clair sur la question : « ... il n'existe pas
de modèle universel de police communautaire, mais plutôt une
variété de modèles répondant aux
spécificités et aux besoins de chaque pays, voire de chaque
ville, mais qui renvoient tous au concept de community policing, tel qu'il
s'est développé principalement aux États-Unis et en
Grande-Bretagne. »2.
Le Conseil de L'Europe abonde dans le même sens :
«... Police de quartier, police communautaire, police de
proximité, police de base, police de contact, etc. Il n'existe donc pas
de modèle homogène. »3. En dépit de
l'unanimité qui se dégage autour de la multiplicité des
formes de police communautaire, il nous semble plus pertinent de
procéder à une catégorisation à base du maillage
territorial, le degré de participation des bénéficiaires
à la formulation des solutions sécuritaires, l'organisation
-mère de la police et la nature des méthodes d'intervention.
+ Sur la base de l'organisation-mère, on distinguera la
police d'Etat et la police municipale ;
+ Le degré de participation des
bénéficiaires à la formulation des solutions
sécuritaires discriminera la police de proximité, si la
formulation est exclusivement institutionnelle ; et communautaire si elle est
inclusive ;
1 Lavoie et Panet Raymond, 2011, pp. 161 - 229.
2 Ministère de la Sécurité
Publique, 2000, p. 11.
3 Conseil d'Europe, 2007, pp. 19 - 20.
13
+ Le maillage territorial est fonction de la nature plus ou
moins affinée de la zone d'intervention de base, on peut inclure ici :
la police de quartier, d'ilotage, de voisinage, de contact...
+ La méthode d'intervention peut être une
démonstration de force physique et même létale, on parle de
la police répressive ou par contre persuasive, volontaire et non
létale, c'est la police préventive.
Les acteurs de la police communautaire sont à l'image
de ses formes c'est-à-dire variés. La loi anglaise de 1998,
adoptée pour renforcer la police communautaire, distingue comme acteurs,
la police, les institutions publiques, les organismes du milieu et la
population : « Cette loi prévoit diverses dispositions
destinées à faciliter la recherche des solutions permanentes aux
phénomènes de criminalité et de désordre, entre
autres en conférant une base légale à
l'établissement de partenariats entre la police, les institutions
publiques et les organismes du milieu... »1.
Maurice Chalom et autres ne sont pas loin de la même
énumération mais y procèdent avec détails. Ils
comptent la police, les élus locaux, les associations des citoyens, les
gens d'affaires, les syndicats, les populations, les planificateurs urbains,
les services publics et privés : « ... le partenariat avec les
collectivités au sens large (élus locaux, associations de
citoyens, gens d'affaires, syndicats, planificateurs urbains) et l'ensemble des
institutions ou services publics et privés. »2. Au
total, les acteurs de la police communautaire sont d'une part étatiques
ou municipaux ; d'autre part, non étatiques.
IV-5- Les limites de la police communautaire
La police communautaire n'est pas une panacée contre la
criminalité. Que ce soit au canada, aux Etats-Unis, certaines
difficultés à l'implantation de cette approche sont constantes.
Il en est ainsi:
+ Des résistances intra-policières au changement
;
+ De l'appropriation approximative du concept de police
communautaire ;
+ De l'impatience à parvenir à la
réalisation des objectifs de la police communautaire ; + De
l'insuffisance des ressources humaines et matérielles.....
1Ministère de la Sécurité
Publique, 2000, p. 14. 2 Chalom et al, 2001, p. ii.
14
Le document de politique ministérielle du Canada scande
à ce sujet : « De plus, les inévitables
résistances aux changements organisationnels qu'implique l'implantation
de cette approche ont constitué un obstacle important dans plusieurs
corps policiers. »1.
Jean Paul Brodeur renchérit « Les approches
dites de proximité sont donc loin de correspondre à la
description angélique qui en a été faite lors de leurs
lancements. A l'extrême, elles semblent même pouvoir être
potentiellement dangereuses pour les libertés individuelles et
collectives. »2.
A ces limites, s'ajoutent les difficultés liées
à l'hétérogénéité du cadre de travail
de la police communautaire que W. Skogan résume en ces termes «
Une action policière qui s'appuie sur la concertation est difficile
là où la population est fragmentée en races, classes et
modes de vie différents. Si, au lieu de rechercher des
intérêts dans cette diversité, la police travaille
principalement avec les individus de son choix, la police ne sera plus neutre.
Il est aisé pour les policiers de centrer la police communautaire sur
l'assistance aux personnes avec lesquelles ils ont des affinités et avec
celles qui partagent leurs vues. Les priorités locales qu'ils signalent
alors seront celles d'une partie de la communauté et non de la
communauté tout entière»3.
V - DELIMITATION DU SUJET
Au Cameroun, la police, entendue dans son sens « ...
de la réglementation régissant l'organisation de la
société ; »4 ou « celui de
l'activité de surveillance et de répression exercée pour
l'application des règlements ; »5 pour parler comme
Paul Pondi, est une activité confiée à plusieurs organes
de l'Etat ou à divers corps de métier. On y retrouve la douane,
les eaux et forêt, les impôts, la gendarmerie, la
sûreté nationale... Aussi, convient-il de délimiter notre
sujet dans l'espace, le temps, la nature du corps de métier et
l'objet.
Délimitation du sujet par l'espace.
Géographiquement, notre étude a pour cadre le Cameroun, pays
d'Afrique centrale ayant pour capitale politique Yaoundé, peuplé
de vingt millions d'habitants et de deux cent quarante ethnies.
Subdivisé en dix régions, cinquante huit départements,
trois cent trente trois arrondissements. Les langues officielles sont le
français et
1 Ministère de la Sécurité
Publique, 2000, p. 25.
2 Brodeur, 2003, p. 257.
3 Skogan, 2003, p. 334.
4 Pondi, 1988, p. 15.
5 Id. p. 15.
15
l'anglais, l'économie est basée sur le
libéralisme communautaire, le régime politique est
présidentialiste.
Délimitation du sujet par le temps.
Comme nous l'avons dit plus haut, la police moderne au Cameroun se situe en
1925, date de création du tout premier commissariat de police.
Toutefois, il est très facile d'affirmer que le Cameroun n'étant
pas à ce moment indépendant, ne pouvait pas décider de
l'orientation de sa police. Aussi allons-nous nous intéresser
principalement à la police actuelle du Cameroun et, d'une manière
marginale ; remonter jusqu'à l'indépendance, du moins du Cameroun
oriental.
Délimitation du sujet par la nature du corps de
métier. Plusieurs corps de métier sont chargés de
la police au Cameroun. La Gendarmerie Nationale ou police à statut
militaire et la Sûreté Nationale ou la police à statut
civil s'occupent de la police générale. A coté de ces deux
généralistes, existent des administrations investies des pouvoirs
spéciaux de police à l'instar des Eaux et Forêts, de
l'Agriculture, de la Douane...Il y a même la police municipale en cours
d'organisation. Notre étude se limitera à la Sûreté
Nationale.
Délimitation du sujet par l'approche
sécuritaire. Deux approches dominent le travail de la police,
tout au moins la police d'Etat : la police d'ordre et la police communautaire.
C'est la deuxième qui constitue notre sujet d'étude.
VI - LA PROBLEMATIQUE
La doctrine de la police communautaire a certes
été mise en place au 19ème siècle, plus
précisément en 1829, mais depuis les années 1970, elle a
été vulgarisée universellement à la faveur des
insuffisances de la police d'ordre. Le Conseil de L'Europe affirme à
propos que « ... le constat peut cependant être dressé
d'une saisie de l'ensemble des systèmes policiers occidentaux par la
problématique de la proximité. Aux Etats-Unis, les premiers
projets de police communautaire émergent dans les années 1980...
»1.
La question centrale de notre étude est donc de savoir
si le système policier camerounais en général et la
Sûreté Nationale en particulier ont été
affectés par la propagation universelle de la police communautaire.
Autrement dit, quelle est la place de la doctrine de la police
communautaire dans les activités de la Sûreté Nationale au
Cameroun?
1 Conseil de l'Europe, 2007, pp. 20 - 21.
16
Cette question principale appelle une autre qui, bien que
subsidiaire, semble être un préalable à la première:
l'internalisation de la doctrine de la police communautaire est-elle
nécessaire au Cameroun en général et singulièrement
à la Sûreté Nationale ? En d'autres termes, est-il opportun
d'envisager l'intégration de la doctrine de police communautaire dans
les pratiques policières au Cameroun ?
VII - LES HYPOTHESES
De notre question centrale résulte l'hypothèse
principale suivante :
+ L'internalisation de la police communautaire à la
Sûreté Nationale est mitigée. En clair, la doctrine de la
police communautaire occupe une place marginale dans les activités de la
Sûreté Nationale.
Dans le même ordre d'idée, la question subsidiaire
induit l'hypothèse ci-après :
+ Le contexte sociopolitique et sécuritaire ainsi que
les avantages à en tirer rendent l'internalisation de la police
communautaire opportune au Cameroun. Autrement dit, la doctrine de la police
communautaire a un contexte de vulgarisation propice au Cameroun en
général et à la Sûreté Nationale en
particulier.
VIII - CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIE
En ce qui concerne le cadre théorique, Jean Marie
Berthelot1 a, dans sa typologie des schèmes
d'intelligibilité, identifié les schèmes :
+ Causal
+ Fonctionnel
+ Structural
+ Herméneutique
+ Actanciel
+ Dialectique.
Notre étude s'inscrit dans une perspective à la
fois structuraliste et fonctionnaliste. Structuralisme de Claude
Lévi-Strauss, parce que nous allons examiner la structure de la
Sûreté Nationale pour vérifier si elle favorise
l'intégration de la doctrine de police communautaire.
1 Berthelot, 1990, pp. 62 - 85.
17
C'est avec le même objectif que nous allons passer en
revue le fonctionnement actuel de la Sûreté Nationale, d'où
le fonctionnalisme promu entre autres, par Bronislaw Malinowski.
Quant à la méthodologie, ainsi que nous l'avons
relevé plus haut, la conception de la doctrine de la police
communautaire remonte à 1829 en Angleterre. Depuis cette date, elle a
fait le tour du monde avec des fortunes diverses selon les pays. En
conséquence, les méthodes qui nous semblent idoines pour
étudier la place de cette doctrine dans les activités de la
Sûreté Nationale sont historiques et comparatives.
En effet, comme le soutient Hervé
Couteau-Bégarie, la méthode historique, bien que fondamentalement
inductive, est avant tout descriptive : « ... la méthode
historique... Au premier degré,... se borne à être
descriptive, elle fournit des exemples, des modèles... La méthode
historique est fondamentalement inductive : les conclusions
générales doivent se dégager des faits eux-mêmes.
»1.
En d'autres termes, au-delà de la doctrine de la police
communautaire elle-même, les activités de la Sûreté
Nationale seront, en filigrane, examinées à l'aune de son
expérimentation ailleurs avant que les conclusions sur sa place et ses
retombées positives au Cameroun ne soient tirées.
La collecte des données sera assurée par des
instruments divers à l'instar de la consultation des documents,
l'observation directe, les entretiens.
IX - PLAN
Notre étude se déploie en deux parties
subdivisées chacune en deux chapitres. La première partie est
intitulée Paradoxe entre un contexte indiqué et une
internalisation mitigée de la police communautaire. Elle se propose,
dans son premier chapitre baptisé une internalisation mitigée de
la police communautaire, de démontrer, dans la configuration actuelle de
la Sûreté Nationale, que la doctrine de police communautaire y
occupe une place marginale en dépit, et c'est le second chapitre, d'un
contexte indiqué.
La deuxième partie porte le titre : les avantages et le
processus d'internalisation de la police communautaire. Dans son premier
chapitre, les avantages de la police communautaire, cette partie montre le
bénéfice que la Sûreté Nationale tirerait d'une
intégration accrue de l'approche de police communautaire. Le dernier
chapitre, le processus d'internalisation de la police communautaire, balise la
voie à suivre pour adopter cette approche réformiste.
1 Couteau-Bégarie, 2003, pp. 24-25.
PREMIERE PARTIE :
PARADOXE ENTRE UN CONTEXTE
INDIQUE ET UNE
INTERNALISATION MITIGEE DE
LA POLICE COMMUNAUTAIRE
18
19
Cette partie se propose, par la vérification de nos
hypothèses principale et secondaire, d'une part, d'établir le
niveau d'appropriation de la doctrine de police communautaire par la
Sûreté Nationale ; d'autre part, d'évaluer les
possibilités de succès qu'offre l'environnement camerounais
à la mise en oeuvre éventuelle de la police communautaire.
Cette partie est subdivisée en deux chapitres
respectivement intitulés :
? Une internalisation mitigée de la police communautaire ?
Un contexte indiqué pour la police communautaire.
CHAPITRE PREMIER : UNE INTERNALISATION MITIGEE
DE LA POLICE COMMUNAUTAIRE
|
20
En s'inspirant de la doctrine de police communautaire de
Robert Peel et de son expérimentation dans plusieurs pays, on se rend
à l'évidence que le caractère communautaire de la police
peut se lire à travers l'existence d'une orientation claire de la
politique sécuritaire (la doctrine), une organisation appropriée
des services (maillage territorial affiné), la nature des acteurs
impliqués (étatiques et non-étatiques), les
stratégies (de prévention) et les modes d'action (participatifs).
Ces paramètres seront confrontés à la Sûreté
Nationale, les deux premiers constituant la première section et les
trois derniers la deuxième, pour apprécier son niveau
d'imprégnation de la police communautaire.
SECTION I : DOCTRINE ET ORGANISATION
Les premiers paramètres que nous allons soumettre
à l'épreuve de la structure et des fonctions de la
Sûreté Nationale sont la doctrine d'emploi et l'organisation de ce
corps de métier avec pour objectif de vérifier son degré
communautaire et sa fidélité aux principes de Robert Peel.
PARAGRAPHE 1 : Une doctrine de police communautaire
quasi-inexistante
Le ton avait été donné par l'initiateur
de l'approche communautaire de la police, Robert Peel. Pour marquer
l'entrée en vigueur de la nouvelle doctrine, l'intéressé
n'avait pas trouvé mieux qu'un « acte métropolitain
»1. Depuis cette date, la pratique qui consiste à
prendre un acte juridique ou une orientation politique à cette fin s'est
généralisée au point de devenir un indicateur de
l'adoption de l'approche communautaire à la police.
Au Canada, c'est par une orientation politique
intitulée « Politique Ministérielle : Vers une police
plus communautaire »2 publié en décembre
2000 que le Ministère de la Sécurité Publique a
jeté les nouvelles bases de « ... la manière de
dispenser les services de police au Québec »3
appelée police communautaire.
1 Service de la Prévention de la
Criminalité en coll. Avec le CIPC, 2000, p. 4.
2 Ministère de la Sécurité
Publique, 2000, p. ii.
3 Id. p.5.
21
En Belgique, c'est la circulaire CP1 du SPF Intérieur
du 27 mai 2003 concernant la définition de l'interprétation
du community policing applicable au service de police
intégré1 que la réforme de la police de
proximité s'est mise en place.
En France, la réflexion sur la police de
proximité, bien qu'amorcée depuis 1998 voire 1995, a
été couronnée par la loi d'orientation du 29 août
2002 qui consacre la réforme sur la police de
proximité2.
En revanche, au Cameroun, aucun texte spécifiquement
dédié à la police communautaire ne figure dans la
réglementation et la législation, notamment relatives à
l'encadrement juridique des activités de la police. Dans ce chapitre,
trois textes émergent : la loi no la loi no 90/54 du 19 décembre
1990 relative au maintien de l'ordre, la loi no 90-47 du 19 décembre
1990 relative à l'Etat d'Urgence et le décret no 2012/540 du 19
novembre 2012 portant organisation de la Délégation
Générale à la Sûreté Nationale.
? La loi no 90/54 du 19 décembre 1990 relative au
maintien de l'ordre. Dans la forme, cette loi qui abroge celle no 59-33 du 27
mai 1959 sur le maintien de l'ordre public, est constituée de huit
articles étalés sur quatre chapitres.
Dans le fonds, elle donne une idée de l'orientation
politique de la sécurité au Cameroun, notamment à la
Sûreté Nationale : la répression. Plus
précisément, elle accorde aux autorités administratives,
des pouvoirs, entre autres, de réquisition des forces, des personnes et
des biens ; de restriction de la liberté ; réglemente l'usage des
armes au cours des opérations de maintien de l'ordre et définit
le cadre juridique de punition des infractions à ses dispositions.
L'article 6 stipule : « Les infractions aux dispositions de l'article
3 alinéa1et 4 ci-dessus sont punies des peines prévues par
l'article 275 du code pénal. ».
Cette loi, en dépit de son orientation
répressive, n'est applicable qu'en temps de paix ou, pour emprunter sa
propre terminologie de l'article 1, « en temps normal ».
C'est dire qu'en temps de crise, l'orientation répressive est plus
accentuée et ce ne sont pas les lois en la matière qui nous
démentiraient.
? La loi no 90-47 du 19 décembre 1990 relative à
l'Etat d'Urgence par exemple, donne des pouvoirs étendus tant aux
autorités de police qu'aux forces de police, renforçant de ce
fait, le caractère répressif de l'orientation sécuritaire
camerounaise. A titre d'illustration,
1 Conseil d'Europe, 2007, p. 28.
2 Ober, 2002, p. 7.
22
à l'article 6 alinéa 6, la durée de la
garde à vue administrative est prolongée, passant de quinze jours
renouvelables à deux mois renouvelables « ... la garde à
vue pour une durée de deux mois renouvelables une seule fois des
individus jugés dangereux pour la sécurité publique.
». Par ailleurs, le maintien de l'ordre qui, en temps de paix, est de la
compétence des forces de sécurité, peut associer en
permanence l'Armée par simple réquisition tel que prévoit
l'article 5 alinéa 5 : «requérir les autorités
militaires pour participer en permanence au maintien de l'ordre dans les formes
légales. ».
? Le décret no 2012/540 du 19 novembre 2012 portant
organisation de la Délégation Générale à la
Sûreté Nationale qui comporte les missions de la
Sûreté Nationale et tient donc lieu de document d'orientation
sécuritaire de ce corps n'intègre pas la doctrine communautaire
de la police. L'article 3 (1) résume ses missions en ces termes :
« La Sûreté Nationale a pour mission fondamentale
d'assurer le respect et la protection des institutions, des libertés
publiques, des personnes et des biens. ».
En filigrane de l'expression « assurer le respect
» transparaissent la surveillance en vue de la détection des
violations ainsi que la répression de celles-ci. Par ailleurs, dans
l'énumération des bénéficiaires de l'action de la
Sûreté Nationale, la figuration en tête de liste des
institutions est significative. Elle est indicative du centre des
activités policières, les institutions, au détriment des
personnes.
En somme, nous pouvons affirmer que dans l'arsenal juridique
du Cameroun, aucun texte encadrant spécifiquement la police
communautaire n'apparait. Bien plus, la législation et la
réglementation de l'activité policière qui existent, ont
une orientation traditionnelle vers le maintien de l'ordre, donc vers la
répression. L'organisation de la Sûreté Nationale nous
réserve-t-elle des lendemains meilleurs?
PARAGRAPHE 2 : Une organisation jacobine
Depuis sa mise en oeuvre, l'organisation de la police
communautaire n'est pas uniforme dans tous les pays. Au Canada, la
sécurité a une structuration à trois niveaux :
fédéral, provincial et communal. Dominique Raimbourg et Jean
Jacques Uryoas sont clairs sur cette répartition tripartite : «
Au Canada, la mission de sécurité est répartie sur
trois niveaux : le fédéral, le provincial et le municipal.
»1.Le premier palier est chargé de veiller à
l'application des lois fédérales. Par contre, les second et
troisième paliers, par le biais des contrats signés avec les
autorités citadines, se comportent en véritables prestataires
publics de sécurité. Il s'en suit une
1 Dominique Raimbourg et Jean Jacques Uryoas, 2011 ,
p. 2.
23
concurrence rude et une imagination fertile des approches et
modes d'action capables de conduire aux meilleurs résultats possibles.
C'est ici qu'intervient l'approche communautaire pour créer une
adéquation entre les besoins sécuritaires des populations et les
solutions apportées par les services de sécurité.
En France, Caroline Ober1 distingue une organisation
à cinq strates :
? La direction centrale de la sécurité publique
fixe au niveau national, les orientations générales ;
? Les directions départementales assurent
l'organisation et le contrôle de la mise en oeuvre de la police de
proximité ;
? Les districts qui couvrent la zone urbaine et
périurbaine et où sont installés les commissariats
centraux, jouent le rôle de coordination ;
Le secteur est une entité territoriale chargée
de la préparation, du commandement et de l'évaluation de la
mission de police de proximité ;
? Le quartier est la ligne d'exécution des attributions de
la police de proximité.
En dépit de cette multiplicité
organisationnelle, les analystes s'accordent sur deux exigences qui
caractérisent le cadre d'épanouissement de la police
communautaire : la décentralisation et le rôle
prépondérant de l'unité de base du dispositif. Cette
dernière est la véritable cheville ouvrière de la doctrine
de police communautaire. C'est en effet cette unité de base qui
identifie les composantes sociologiques de sa zone de compétence, ses
acteurs, les besoins sécuritaires, les solutions concertées,
assure le contact régulier... Bref, elle assure l'immersion sociale de
la police. Quelle que soit la forme organisationnelle adoptée, celle-ci
doit mettre un accent particulier sur la place et le rôle de cette
structure de base. Son appellation importe peu, ce sont les
responsabilités, le degré d'initiative, le professionnalisme...
qu'on lui reconnait qui facilitent l'impact de la police communautaire.
A titre d'illustration, au Japon, cette unité de base
est dénommée Koban. Maurice Chalom et autres, évoquant
cette structure japonaise, estime qu'il s'agit d'un « Système
de police japonais qui, composé de mini-postes de police communautaires
et orienté vers la résolution des problèmes, allie le
caractère indispensable de l'interaction étroite entre les
citoyens et les policiers, vus avant tout comme des membres à part
entière de la collectivité. »2. Dans le
même
1 Ober, 2002, p. 14.
2 Chalom et al, 2001, p. i.
24
sillage, Bessel, analysant l'organisation en Allemagne de
l'Est, constate que « Le pays entier fut divisé en
mini-districts d'à peu près 3500-4000 habitants, ce qui donnait,
pour toute la RDA, environ 4700 ABV. [Auxiliaires Volontaires de la
police] »1.
L'importance de l'unité de base est la confirmation que
la structuration du dispositif de la police communautaire est davantage
fonctionnelle qu'organique. Toutefois, elle a besoin d'être
adossée, et c'est la deuxième exigence, sur la
décentralisation. Ce système a plusieurs avantages dont a besoin
la doctrine de police communautaire pour mieux s'exprimer : souplesse, une plus
grande autonomie, la multiplicité des expertises. Voici ce qu'en pensent
Maurice Chalom et autres : « Dans les pays où la fonction
policière est décentralisée ... plusieurs types de
mécanismes d'échange et de concertation peuvent être
envisagés. »2.
En revanche, la centralisation ou jacobinisme a pour principe
de base, l'unicité de l'autorité et réduit les organes
déconcentrés en relais d'exécution sans grande marge de
manoeuvre. Maurice Chalom et autres sont certains que « Dans les pays
où la fonction policière est centralisée à
l'échelle nationale, il est plus difficile d'établir des
mécanismes de liaison et de concertation entre la police et les
collectivités locales. »3.
Au total, bien que la nécessité d'adapter la
police à son milieu (géographique, humain, culturel,
sécuritaire...) explique la disparité organisationnelle ; il
convient de souligner qu'un cadre décentralisé qui affine autant
que possible et valorise son unité de base, est propice à
l'épanouissement de la police communautaire.
En examinant l'organisation de la Sûreté
Nationale mise en place par le décret présidentiel no 2012/540 du
19 novembre 2012 portant organisation de la Délégation
Générale à la Sûreté Nationale, on aboutit
à trois constats : le pouvoir est très administratif et
centralisé ; le métier de policier est exercé par une
technocratie qui étend ses compétences à tous les
échelons géographiques pour appliquer, de manière
uniforme, des stratégies formulées au niveau central ;
l'existence des unités chargées de traduire en acte l'orientation
répressive de la Sûreté Nationale.
Le premier constat est clairement énoncé dans
l'article 2 « La Sûreté Nationale est un corps de
commandement et d'administration placé sous l'autorité du
Président de la République qui en est le chef suprême.
». L'article 5(2) démontre avec plus de précision le
jacobinisme de la Sûreté Nationale : « Elle
exécute les missions qui lui sont confiées par les
autorités
1 Bessel, 1999, p. 228.
2 Chalom et al, 2001, p. 41.
3 Id. p. 40.
25
gouvernementales dans le cadre de leurs compétences
respectives, en se conformant aux directives du Président de la
République. La Sûreté Nationale agit sur l'initiative de
son Chef de Corps ou de ses différents responsables, dans le strict
respect de leurs attributions. ».
Le deuxième constat se manifeste dans la nature du
personnel et la territorialisation des structures notamment la direction de la
sécurité publique. Celle-ci, au-delà des services centraux
qui en dépendent, est représentée au niveau
régional par la division de la sécurité publique, le
groupement de la voie publique ; les commissariats centraux sont placés
dans les grandes agglomérations, les commissariats de
sécurité publique sont généralement situés
dans les arrondissements ainsi que les postes de sécurité
publique.
Toutefois, depuis quelques années, on observe, dans
certaines zones des villes de Douala, de Yaoundé... des containers ou
autres locaux où exercent un nombre plus ou moins important de
fonctionnaires de la Sûreté Nationale sans que ces structures
relèvent forcément de l'organigramme de la
Délégation Générale à la Sûreté
Nationale. Ces postes de police qu'on retrouve par exemple à
Bata-nlongkak, au marché de Madagascar et à la poste centrale
à Yaoundé, participent de la volonté de la
hiérarchie de la Sûreté Nationale de rapprocher la police
de la population et sont même appelés police de
proximité.
Cependant, ces postes de police qui rappellent les koban
japonais, les ABV Est-allemands et les ilots français en matière
de police communautaire, focalisent leur action dans le domaine artificiel de
l'Etat pour y relayer l'orientation répressive de la
sécurité au Cameroun. Même la police administrative qui y
est menée, qui se réclame préventive, prévient, non
la cause de l'insécurité mais les manifestations. Mieux, elle
n'est pas préventive mais dissuasive. La solution qui en résulte
ne résout pas durablement le problème puisque la cause reste
intacte, la solution n'est pas concertée... On ne saurait donc parler de
police de proximité ici encore moins communautaire.
Le troisième constat qui a trait aux unités
répressives se manifeste par l'existence du commandement central des
groupements mobiles d'intervention au niveau central et du groupement mobile
d'intervention à la région. Ces unités constituent le bras
séculier de l'Etat pour faire régner l'ordre en temps de paix ou
de crise. L'article 16 (1) qui définit les attributions de la structure
centrale précise, en temps normal, qu'elle est chargée de
« renforcer l'action des autres forces et unités territoriales
de police pour le maintien de l'ordre préventif, la protection des
personnes et des biens... ».
26
En somme, malgré une territorialisation poussée
qui reste à affiner davantage, l'organisation de la Sûreté
Nationale est beaucoup plus jacobine et est surtout au service du paradigme
répressif. Elle s'identifie plus à la police d'ordre qu'à
la police communautaire. Qu'en est-il des acteurs, des stratégies et des
modes d'action ?
SECTION II : ACTEURS, STRATEGIES ET MODES D'ACTION DE
LA SÛRETÉ NATIONALE
PARAGRAPHE 1 : Des acteurs étatiques
La nature des acteurs qui assurent la délivrance des
services de sécurité est un indice important pour en
déterminer l'approche. L'approche de police communautaire s'inscrit dans
la gouvernance sécuritaire c'est-à-dire, intègre des
acteurs non-étatiques et étatiques divers.
Décrivant le déploiement de la police
communautaire le SEESAC distingue deux types d'acteurs. D'un coté les
acteurs de l'organisation-mère de la police - l'Etat pour notre cas -
« a) from the side of the police CBP requires an organisational
strategy that ensures that everyone in the police organisation translates the
philosophy into practice. »1. De l'autre coté, les
acteurs non-étatiques regroupant des personnes morales et physiques
«b) from the side of the community... Within different communities
there will be different structures (organisations, associations, groups, both
statutory and voluntary) that are already well established and that can be used
(tapped into) to harness community safety and partnership.
»2.
La publication du Bureau d'Assistance Judiciaire (BJA) du
Département Américain de la Justice fait la même
distinction tout en allongeant la liste des acteurs non-étatiques :
« Local government officials, social agencies, schools, church groups,
business people--all those who work and live in the community and have a stake
in its development. »3.
Au-delà de la typologie des acteurs notamment les
non-étatiques, il convient de relever l'importance de leur rôle
qui est loin d'être figuratif. Ils participent à la formulation
des stratégies et solutions aux problèmes de leur
sécurité ou tout au moins sont très proches de ceux qui en
ont la charge. La publication du BJA sus-évoquée affirme que ces
acteurs non-étatiques
1 SEESAC, 2003, p. 4.
2 SEESAC, 2003, p. 4.
3 BJA, 1994, P. 13.
27
partagent la «responsibility for finding workable
solutions to problems that detract from the safety and security of the
community.»1.
Au Cameroun par contre, les acteurs étatiques ou mieux,
les professionnels de la Sûreté Nationale ont le monopole de
l'action sécuritaire de ce Corps de métier. Ils exercent leurs
prérogatives en technocrates et de manière exclusive en
dépit des appels sporadiques à la collaboration de la population.
Pour mieux comprendre l'ampleur du problème, il est à relever
d'une part que les effectifs de la Délégation
Générale à la Sûreté Nationale sont
essentiellement constitués des professionnels tant au niveau des
services centraux que des déconcentrés ; d'autre part, selon les
témoignages de plusieurs commissaires de sécurité publique
dont ceux des 7e, 8e et 12e arrondissements de Douala,
aucun cadre formel et permanent de concertation avec les populations n'existe
pour examiner régulièrement les problèmes de
sécurité locaux et y apporter des solutions consensuelles.
Tout au plus, nous a-t-on dit, le Comité de
Coordination, créé par l'instruction présidentielle no
22/PRF du 22 novembre 1969 portant organisation des Comités de
Coordination auprès des chefs des circonscriptions administratives, se
réunit périodiquement pour discuter des questions de
sécurité. Cependant, en examinant sa composition prévue
dans l'instruction présidentielle no 06/CAB/PR du 21 mars 1978 modifiant
et complétant celle ci-dessus citée, force est de reconnaitre
qu'aucune personne de la société civile en est membre. A
l'échelon d'un arrondissement par exemple, voici la composition que
prévoit l'alinéa 43 du titre IV :
? « Le Sous-préfet ou Chef de District,
Président ? Le Commandant militaire local
? Le Commandant local de Gendarmerie
? Le Représentant local de la Sûreté
Nationale. ».
Dans la même optique, au niveau d'un arrondissement par
exemple, le Comité Local de Sécurité mis en place par
l'instruction présidentielle no 005/CAB/PR du 24 Aout 1987 portant sur
les veilles en vue de la sécurité de la Nation a, dans son
Etat-major, une composition similaire que celle susvisée. On peut en
effet lire : « Un Etat-major comprenant autour de l'Autorité
Administrative compétente, les responsables ... des services de
défense ou de sécurité ou leurs représentants.
».
1 Id. 1994, p. 13.
28
Il est donc loisible de conclure que les acteurs de la
sécurité à la Sûreté Nationale sont purement
étatiques et dispensent leurs services unilatéralement aux
populations. Cette vision n'est pas celle de la doctrine de la police
communautaire. Le statut étatique des acteurs n'a-t-il pas une incidence
sur les stratégies utilisées pour dispenser la
sécurité par la Sûreté Nationale ?
PARAGRAPHE 2 : Des stratégies réactives
Comment répondre efficacement aux défis sans
cesse croissants posés par l'insécurité ? A cette
question, la doctrine de police communautaire apporte une réponse
préventive. Autrement dit, il faut analyser la criminalité afin
d'en déterminer les causes et les résoudre durablement pour
réduire l'insécurité. On parle de stratégie de
prévention pour désigner l'ensemble des actions contre la
délinquance et la violence orientées vers la résolution de
leurs sources.
Maurice Chalom et autres affirment à ce propos que
« Pour élaborer des solutions durables qui vont au-delà
des réponses traditionnelles, il faut... promouvoir le recours aux
stratégies de prévention de la criminalité qui permettent
de réduire la délinquance et la violence et d'accroitre le
sentiment de sécurité.»1.
C'est ainsi que les communautaristes ont
développé diverses stratégies, entre autres :
l'approche de la police d'expertise communément appelée «
problem solving ». Cette méthode fonctionne comme une
intervention médicale. Elle ne considère qu'il ya problème
que lorsqu'au moins un incident sécuritaire de même nature se
produit au moins deux à trois fois. Dès lors, cette approche s'en
saisit pour procéder au diagnostic, élaborer les solutions
généralement alternatives aux procédures pénales de
concert avec la communauté et les administrer graduellement en fonction
de leur efficacité jusqu'à endiguer le mal.
A titre d'exemple, des femmes qui, dans une zone
donnée, se font régulièrement violer au cours de la
recherche du bois de chauffe, la police d'ordre attendra que le cas lui soit
signalé et se contentera d'aller faire les constatations d'usage,
d'amener la victime à l'hôpital et d'ouvrir une enquête qui
peut hypothétiquement aboutir à l'arrestation du coupable et le
même scénario reprendra. En revanche, la police communautaire ira
au-delà, elle étudiera les considérations sociologiques
des victimes, les caractéristiques de ces viols, le rythme de
consommation du bois, les éléments relatifs aux auteurs, bref
analysera les causes éventuelles du viol tout ceci en concertation avec
la communauté pour aboutir à des esquisses de solution
définitive à l'instar de
1 Chalom et al, 2001, p.6.
29
la fixation des périodicités de recherche de
bois par des femmes non isolées mais en groupe et escortées et le
problème va s'estomper durablement.
Une autre stratégie développée par les
communautaristes est l'approche SARA : scanner, analyser,
répondre, évaluer. Elle consiste d'abord à décrire
la situation c'est-à-dire identifier la nature, les auteurs, les
victimes, le préjudice... puis, à analyser les différents
rapports entre ces facteurs pour en déterminer les causes ; ensuite
examiner, avec la communauté, toutes les solutions envisageables et les
plus envisagées qu'on administre sur le terrain ; enfin, on
évalue leur efficacité par des moyens appropriés à
la situation pour vérifier si l'action sur la source du mal a
porté les résultats escomptés.
Le rapport 1999-20061 de l'Association
Internationale des Chefs de Police donne un témoignage édifiant
de la réussite de l'approche SARA à Ontario (USA) par le service
régional de la police de Halton. Le rapport affirme qu'un nombre
croissant de désordre urbain, de crimes incluant le trafic de drogue,
les grèves, le vol de véhicules, la destruction des biens... ont
définitivement été résolus, tout au moins à
75%, grâce aux actions diverses de l'approche SARA.
Une troisième stratégie des communautaristes est
baptisée Développement et Changement Organisationnels
(DCO). Elle consiste d'abord à observer l'état d'une
communauté et à y déceler, de par sa configuration ou les
comportements de ses membres, des facteurs qui peuvent y favoriser de
l'insécurité ; puis à initier avec la communauté,
des actions de développement ou d'éducation... qui
préviennent la commission des actes criminels.
En termes d'éducation par exemple, dans une
communauté où, pour acheter une bière ou un article, le
client, au milieu des bardeaux généralement nécessiteux,
retire de sa poche une liasse de billets de banque avant d'en extirper le plus
petit pour son dessein, croit montrer son aisance financière sans savoir
que parallèlement, il peut se faire prendre en filature et être
agressé. Une action d'éducation peut, à défaut
d'enrayer totalement le risque, le réduire considérablement.
S'agissant des actions de développement, un quartier
obscur peut favoriser les actes de banditisme, en emmenant les membres de la
communauté y compris la municipalité à l'éclairer,
la criminalité peut subir une baisse drastique et accroitre
conséquemment le sentiment de sécurité.
1IACP, 2007, p.
10.
30
D'autres stratégies communautaires existent à
l'instar de l'engagement communautaire, des partenariats....
Nous n'allons certes pas les décrire de manière
exhaustive, on peut néanmoins affirmer que toutes concourent à la
prévention du crime.
Le caractère préventif des stratégies de
la police communautaire contraste avec celles réactives de la police
camerounaise, notamment la Sûreté Nationale. Celle-ci utilise
principalement quatre stratégies, si on s'en tient aux assertions du
Service de Coopération Technique Internationale de Police1.
Il s'agit du maintien de l'ordre public, de la surveillance de la voie
publique, du renseignement et de l'enquête policière. Le
dénominateur commun de ces stratégies est de faire respecter les
diverses règlementations prises par les différents pouvoirs et
les municipalités d'où leur essence répressive,
réactive et tournée surtout vers le domaine artificiel de l'Etat
et accessoirement vers les quartiers.
A titre d'illustration, la loi n° 90-54 du 19
décembre 1990 Relative au maintien de l'ordre, dans son article
1er, affirme que « La présente loi relative au
maintien de l'ordre public fixe les principes d'action à observer, en
temps normal, par les autorités administratives et les
éléments de maintien de l'ordre en vue de préserver
l'ordre public ou de le rétablir quand il a été
troublé. ». Ces principes d'action ou stratégies vont,
entre autres, de la présence intimidatrice à l'usage des armes en
passant par les sommations, les interpellations, la charge...
La précision la plus importante à relever est
que ces stratégies ne visent pas à résoudre les causes des
désordres mais à gérer les manifestations. Par exemple,
les employés d'une société, responsables de familles
affamées, accumulent plusieurs mois de salaire et, après
plusieurs démarches administratives infructueuses, viennent exprimer
leur colère devant une institution, les forces de l'ordre qui
habituellement sont en alerte dans leurs postes de commandement,
n'interviennent que pour les disperser, au besoin en les brutalisant sans que
la source du problème ne soit résolue.
En somme, les stratégies réactives de la police
camerounaise en général et de la Sûreté Nationale en
particulier confirment que la prévention qui est un principe cardinal de
la police communautaire n'est pas encore prioritairement intégrée
dans la pratique du métier. En est-il autrement des modes d'action ?
1 SCTIP, 1966, pp. 249 - 349.
31
PARAGRAPHE 3 : Des modes d'action passifs
Les missions policières s'étirent sur une chaine
qui va des niveaux politico stratégique au tactique en passant par
l'opératif. Toutefois, c'est par les actions de terrain que les
bénéficiaires des services de sécurité
apprécient la nature et la qualité des modes d'opération.
Sur ces critères, les interventions de la police communautaire
diffèrent de celles de la police d'ordre.
La première, ainsi que nous l'avons relevé plus
haut, focalise son action sur la sensibilisation, la mobilisation et les moyens
de pression qui tous agissent sur la criminalité en amont. La
sensibilisation n'est autre chose que la conscientisation populaire sur la
pertinence d'un problème ou des solutions dans le but de faire adopter
de nouvelles habitudes aux membres d'une communauté. Jocelyne Lavoie et
autres la définissent mieux que nous en affirmant que « La
sensibilisation permet d'attirer l'attention des personnes et des
collectivités sur un problème et favoriser une identification
critique des enjeux et des solutions possibles par un travail
d'éducation populaire. »1.
Autrement dit, la police communautaire, pour améliorer
la sécurité d'une communauté, utilisera beaucoup plus les
réunions ou rencontres de sensibilisation sur des questions
données ; des sessions ou ateliers de formation ; des fora, des
journées thématiques, des séances d'animation
engagées... pour faire passer ses messages pour une meilleure
sécurité.
Par exemple, la récurrence des vols de voitures dans
une zone où la plupart des maisons ne disposent pas de clôtures
peut susciter une réunion de sensibilisation sur la
nécessité de créer un parking commun gardé par des
personnes rémunérées par des contributions
financières symboliques de chaque propriétaire de
véhicule.
Quant à la mobilisation, elle suscite la
solidarité des membres d'une communauté en vue de la
résolution collective d'un problème qu'une action individuelle
aurait difficilement menée ou pas du tout. R. Lachapelle est plus
explicite lorsqu'il scande que « ... la mobilisation a pour but de
susciter l'engagement et de regrouper des personnes touchées par un
problème social ou partageant un même besoin pour la poursuite
d'une action collective visant à résoudre ce problème ou
répondre à ce besoin. »2.
1 Lavoie et Panet Raymond, 2011, p. 165.
2 Lachapelle, 2003, 164.
32
En d'autres termes, la police communautaire, pour mobiliser
les membres d'une zone à la résolution d'un problème de
sécurité, fera davantage usage du porte-à-porte, de la
représentation auprès des paliers des institutions publiques, du
flash mob...
A titre d'illustration, pour traverser un ruisseau dans un
quartier, une planche ou un tronc d'arbre peut servir de tremplin et engendrer
des décès en période de crue. Par une action de
mobilisation, la police peut faire construire un ponceau même artisanal
capable d'assurer une meilleure préservation des vies.
Les moyens de pression, enfin, sont des modes d'action ayant
pour but d'inciter ceux qui ont les clefs ou décisions de solution
à un problème d'agir même s'ils n'en avaient pas la
volonté, ou voulaient retarder le moment. R. Lachapelle ne nous
dément pas lorsqu'il affirme que « Les moyens de pression font
appel à des actions visant à agir directement ou indirectement,
voire symboliquement, pour obtenir les transformations sociales
souhaitées. »1.
Plus précisément, les moyens de pression font
appel aux pétitions, tracts, dépliants affiches, photos, articles
de presse pour voir des problèmes de sécurité se
résoudre. Par exemple, un article de presse sur les conditions
d'hygiène approximatives de la nourriture vendues aux
élèves dans un établissement scolaire peut
préserver les élèves de maladies.
En revanche, les modes d'action de la police d'ordre ne
correspondent pas à celles participatives que nous venons de
décrire ; elles relèvent plus des comportements bureaucratiques
au service de la répression.
Prenons le cas de l'enquête policière, le
fonctionnaire attend généralement à son service, une
plainte, une dénonciation téléphonique ou personnelle ou
un flagrant délit pour geler les lieux, procéder aux
constatations, entendre les témoins, saisir si possible le corps du
délit et au besoin, garder à vue les présumés
auteurs avec pour objectif, de les déférer au parquet. Ces
enquêtes se révèlent souvent inefficaces pour plusieurs
raisons. Elles cherchent à résoudre la manifestation d'un
problème sécuritaire et non sa cause, la preuve en est que les
bardeaux qui assistent à la scène subissent du pickpocket;
ensuite, les enquêtes ouvertes n'aboutissent pas souvent à
l'arrestation des auteurs des actes délictueux pourtant ils existent
parmi les populations ; pire, des innocents court-circuités par un
concours de circonstances sont parfois
1 Id. p. 175.
33
présentés comme des trophées des «
fins limiers de la police ». Fort de tous ces arguments, Jean
Brodeur1 conclut carrément à l'échec de
l'enquête policière sans renseignement.
Si nous abordons quelques techniques du maintien de l'ordre et
de la surveillance de la voie publique respectivement la patrouille et les
interventions, l'efficacité est toujours peu reluisante. En effet, ces
deux modes opèrent généralement sur le domaine artificiel
de l'Etat, délaissant les quartiers résidentiels. De
manière particulière, la patrouille, hasardeuse et souvent rapide
du fait de sa motorisation, dissuade de moins en moins les malfaiteurs qui eux,
développent de plus en plus les méthodes de contournement. Quant
aux interventions qualifiées de rapides, leur rapidité est plus
nominative qu'effective en raison de la congestion de la circulation ou de
l'alerte tardive.
Bref, évoquant l'expérience
nord-américaine des années 70, Jean Brodeur affirme que les
espoirs d'efficacité placés en la patrouille motorisée,
l'intervention rapide et l'enquête policière ont été
des échecs et que « Ces recherches ont ébranlé
les piliers même de la police nord-américaine.
»2 qui, faut-il le souligner, n'était alors que la
police d'ordre.
En définitive, les critères retenus pour
vérifier l'internalisation de la police communautaire au Cameroun en
général et en particulier à la Sûreté
Nationale confirment son caractère mitigé, voire nul. Le contexte
camerounais explique-t-il cette mitigation ?
1 Brodeur, 2003, p. 86.
2 Id. p. 87.
CHAPITRE DEUXIEME : UN CONTEXTE INDIQUE POUR LA POLICE
COMMUNAUTAIRE
34
L'instauration de la police communautaire dans un pays
est-elle une fin en soi ou est-elle dictée par des facteurs
conjoncturels ou structurels ? Quand bien même c'est cette
deuxième possibilité qui en serait instigatrice, quelle est la
nature de ces facteurs ? C'est à ces préoccupations que doit
répondre ce chapitre en se fondant sur le cas du Cameroun et
singulièrement de la Sûreté Nationale. Pour y parvenir, une
revue de la genèse de cette réforme dans certains pays où
elle est intervenue a été nécessaire.
D'une manière générale, les causes, bien
que se recoupant, sont variées mais leur nature est principalement
interne ; c'est l'objet de la deuxième section qui examine les facteurs
nationaux qui peuvent justifier l'adoption de l'approche communautaire de la
police au Cameroun. A ces motivations endogènes s'ajoutent des exigences
externes qui imposent implicitement le changement des anciennes méthodes
policières de travail au profit de celles qui préservent
davantage la dignité humaine parmi lesquelles la police communautaire,
c'est l'essentiel de la première section.
SECTION I : DES INDICATEURS INTERNATIONAUX
Sans être exhaustif, trois indicateurs nous ont
semblé pertinents à savoir : l'actualité du concept de
sécurité humaine, la sublimation des droits de l'Homme et la
globalisation de l'information.
PARAGRAPHE 1 : L'actualité du concept de la
sécurité humaine
La sécurité a toujours renvoyé à
un double aspect: objectif ou physique et subjectif ou psychologique. Dans la
première acception, la sécurité est l'état d'un
individu ou d'une chose qui est à l'abri de toutes ou de moindres
menaces possibles. Dans la seconde qui est induite de la
précédente, la sécurité est un sentiment de
quiétude, une conviction qu'on est à l'abri de tous ou des
moindres risques possibles.
35
Quelle que soit l'acception considérée, la
sécurité a toujours été perçue, tout au
moins depuis 1648, comme la responsabilité de l'Etat et notamment de ses
bras séculiers que sont les forces de défense et de
sécurité. En effet, comme l'affirme Sébastian Roché
parlant des forces de sécurité, la police consiste en :
«...la distribution d'un service sur le terrain par des professionnels
qui ont recours à un répertoire de gestes professionnels peu
susceptible de modifications. Le policier recueille des traces, rédige
des documents ayant valeur légale, porte secours, court après le
délinquant dans la rue, accueille des victimes, etc.
»1.
Maurice Chalom et autres vont plus loin et affirment
même que la police doit assumer aujourd'hui des responsabilités
qui, initialement, ne relevaient pas d'elle, mais de la communauté qui y
a renoncé pour des raisons multiples. « Les services de police
sont appelés à régler un nombre croissant de
problèmes de tout genre que la collectivité ne sait plus
résoudre par elle-même, parce que les modes de régulation
communautaire se sont considérablement affaiblis du fait de la
marginalisation sociale, de l'anonymat des centres urbains et du manque
d'accès aux services collectifs... »2.
Toutes ces considérations ont eu pour
conséquences l'extinction de l'exclusivité de l'expertise
sécuritaire aux seules forces de défense et de
sécurité et l'élargissement du champ sécuritaire
à d'autres domaines faisant de l'Homme ipso facto, un tout malgré
la diversité de ses besoins et ses ondoyances d'où le concept de
sécurité humaine.
A titre d'illustration, les forces de défense et de
sécurité peuvent bien assurer leurs devoirs de protection du
territoire, des personnes et des biens ; mais si la production agricole n'est
pas à la hauteur de la satisfaction des besoins alimentaires des
populations, les prix des rares denrées vont grimper et seront
prohibitifs. L'état de famine va engendrer le mécontentement puis
les vols ; les agressions voire les émeutes et on ne pourra plus parler
de sécurité dans une zone qui traverse une telle crise.
L'Organisation des Nations Unies, consciente de
l'interdépendance de la multiplicité des expertises qui
concourent au bien- être de l'Homme et donc à sa
sécurité tout court, a introduit depuis 2005, par la
résolution numéro A/RES/60/1, une réflexion sur la
sécurité humaine avec pour objectif de faire de l'individu, le
centre des préoccupations sécuritaires au-delà de ses
autres appartenances.
1 Roché, 2009, p.
11.
2 Chalom et al, 2001,
23.
36
Cette réflexion s'est poursuivie par un débat
thématique en 2008 en marge de l'Assemblée Générale
; le rapport numéro A/64/701 du Secrétaire Général
de l'ONU en mars 2010 et la résolution numéro 64/291 de
l'Assemblée Générale intitulée « Suite
donnée au paragraphe 143 sur la sécurité humaine du
Document final du Sommet mondial de 2005. ».
En somme, « Le concept de sécurité
humaine gagne du soutien non seulement auprès de l'ONU mais aussi
auprès d'autres instances telles que des organisations
intergouvernementales, des groupes de la société civile, des
universitaires et personnalités et auprès d'un certain nombre de
gouvernements. Ainsi la notion de sécurité humaine est de plus en
plus reflétée dans les programmes des organisations
intergouvernementales telles que l'Union Africaine, l'Union Européenne,
l'Association des Nations de l'Asie du Sud-est (ASEAN), la Ligue des
États arabes (LEA) et l'Organisation des États Américains
(OEA). »1.
L'approche policière qui prend en compte, le mieux
possible, la polyvalence des expertises telle qu'encouragée par la
sécurité humaine qui, comme nous venons de le démontrer,
est plus que jamais d'actualité, est la police communautaire
comparativement à la police d'ordre. D'ailleurs, Catherine Ober
considère que la polyvalence d'expertise2 est l'une
des caractéristiques du policier communautaire. A cet argument s'ajoute
l'emprise des organismes précédemment cités sur les
questions internationales en générale et les sujets
internationaux en particulier. Il est donc loisible d'en déduire que le
Cameroun, qui n'est pas en marge de la communauté internationale, a
intérêt à internaliser la police communautaire.
L'actualité de la sécurité humaine n'est pas pour autant
le seul indicateur international du caractère propice de
l'intégration de la police communautaire dans les pratiques
professionnelles policières au Cameroun.
PARAGRAPHE 2 : La sublimation des droits de l'Homme
La protection des droits de l'Homme dans le monde est
tellement sublimée qu'un pays ou une institution qui s'en marginalise
est tout de suite mis sur le ban de la communauté internationale. Aussi,
les droits de l'Homme sont-ils devenus un facteur qui favorise l'instauration
de la police communautaire, car elle est moins encline aux méthodes
répressives autrement dit aux violations des droits humains.
1 ONU, 2011, p.2.
2 Ober, 2002, pp. 27-30.
37
Le ton est donné par l'adoption, le 10 décembre
1948, par l'Assemblée Générale des Nations-Unies, de la
Déclaration Universelle des Droits de L'Homme et du Citoyen. Ce
document, déjà dans son préambule, considère le
respect des droits de l'Homme comme « ... le fondement de la
liberté, de la justice et de la paix dans le monde.
»1 ainsi que « ... l'idéal commun à
atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les
individus et tous les organes de la société, ayant cette
déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par
l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces
droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre
national et international, la reconnaissance et l'application universelles et
effectives... »2.
L'Organisation des Nations Unies ne s'est pas
arrêtée en si bon chemin dans la valorisation et la promotion des
droits de l'Homme dans le monde. En visitant son histoire, la conclusion est
évidente que le droit a pris une valeur très considérable.
A l'origine une division des Nations Unies, il existe, depuis 2006, tout un
Conseil des Droits de l'Homme érigé par l'Assemblée
Générale en remplacement du Haut Commissariat des Nations Unies
aux Droits de l'Homme créé en 1993 en succession du Centre des
Droits de l'Homme alors basé à Genève. Le site web de ce
Conseil, parlant de son importance, affirme qu'« En plus des mandats
et responsabilités hérités de la Commission, le nouveau
Conseil des droits de l'homme dépend directement de l'Assemblée
générale et dispose de mandats élargis. Il peut notamment
faire des recommandations à l'Assemblée générale
pour élaborer de nouvelles lois internationales dans le domaine des
droits de l'homme et procéder à des Examens périodiques
universels des Etats afin de vérifier s'ils respectent leurs obligations
et engagements en matière de droits de l'homme.
»3.
En dehors de ces instruments juridiques, les droits de l'Homme
sont valorisés par le statut de Rome entré en vigueur en juillet
2002, le Droit International Humanitaire ; la Charte africaine des droits de
l'Homme et des peuples aux cotés de nombreux organismes
non-gouvernementaux tels Human Rights Watch , International Crisis Group qui
n'hésitent pas à dépêcher des observateurs, des
enquêteurs pour constater les violations des droits de l'Homme ; à
inculper ou oeuvrer pour l'inculpation des auteurs de crimes contre
l'Humanité, crimes de guerre ou génocides.
1 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
et du Citoyen, 1948, préambule.
2 Id. Préambule.
3 HCDH, bref historique.
38
Des exemples abondent mondialement et n'épargnent
aucune personnalité. Les cas des présidents en exercice du
Soudan, Omar El Béchir et du Kenya, Uhuru Kenyata, sans compter
l'ex-président de Cote d'Ivoire Laurent Gbagbo sont là pour le
démontrer à suffisance.
Le niveau national n'est pas en reste, en dehors de multiples
organismes non-gouvernementaux nationaux, le Gouvernement camerounais a
créé, par décret du 8 novembre 1990, le Comité
National des Droits de l'Homme et des Libertés avant de le transformer,
par la loi numéro 2004/016 du 22 juillet 2004, en Commission Nationale
des Droits de l'Homme et des Libertés. Cette mutation a pour but
d'accroitre le respect et la protection des droits de l'Homme car comme
l'affirme l'article 1 alinéa 2 de la loi susvisée créant
la commission, celle-ci « ... est une institution nationale de
promotion et de protection des droits de l'Homme. C'est une institution
indépendante de consultation, d'observation, d'évaluation, de
dialogue, de concertation de promotion et de protection en matière de
droits de l'Homme. ».
A titre d'exemples, la répression de la grève
à l'université de Yaoundé en 1988 au bilan de «
zéro mort » a rendu les opinions internationale et
nationale si dubitatives que cette expression est devenue le sobriquet d'un
membre du Gouvernement1, ci-devant porte-parole de ce Gouvernement.
Dans la même optique, pendant les débordements de la transition
démocratique des années 90 et le commandement opérationnel
qui les contint à Douala, la disparition des « neuf de
Bépanda » à Douala avait valu au Cameroun la
réputation de pays violeur des droits de l'Homme.
C'est dire que les gendarmes des droits de l'Homme ont
tellement été multipliés tant aux niveaux international
que national et sont si actifs que continuer à ne privilégier que
la police d'ordre qui entretient des rapports incestueux avec leur violation
est suicidaire et milite fortement pour une approche plus souple, plus
participative, plus proactive à savoir, la police communautaire.
Même dans l'hypothèse que les structures de protection des droits
de l'Homme devenaient complaisantes, tel ne serait pas le cas de la
globalisation de l'information.
PARAGRAPHE 3 : La globalisation de l'information
L'objectif ici est de démontrer qu'à
l'ère de la société de l'information où
l'évènement le moins important possible, se déroulant dans
le bled le plus ou moins enclavé possible, est
presqu'instantanément répercuté à travers le monde
par les technologies de l'information, la police camerounaise et surtout la
Sûreté Nationale, ne sauraient continuer d'opérer
1 Allusion faite au Pr. Kontchou Kouomegni, ministre
de la communication de l'époque.
39
principalement voire uniquement avec les approches et
méthodes de l'époque qui a précédé le
développement accéléré de ces nouveaux outils
d'information.
Hocine Hamid résume cette préoccupation en
déclarant qu'« En ce début de troisième
millénaire, les NTIC ont réduit notre planète à
l'échelle d'un « village global » selon l'expression de
Marshall Mcluhan. Les changements potentiels charriés par cette nouvelle
technologie sont si profonds qu'ils posent des questions fondamentales sur :
l'organisation de nos sociétés, le devenir de l'homme, du
citoyen... »1.
En d'autres termes, à cause des technologies de
l'information, de la sublimation des droits de l'Homme, une moindre bavure de
la police, généralement issue de l'approche d'ordre, fait
tellement grand bruit dans le monde entier et ternit l'image de ce corps de
métier et par ricochet celle de son pays d'origine qu'on gagnerait
à travailler plus pour la prévention (et donc la police
communautaire) que pour la répression (et donc la police d'ordre).
A titre d'exemple, la mort d'un adolescent américain,
Michael Brown, d'une ville jusque là très inconnue, le 09
août 2014, a, non seulement engendré des émeutes sur place
pendant plusieurs jours, mais aussi provoqué une onde de choc à
travers le monde en un temps record. Le Nouvel Observateur affirme à
propos que: « La petite ville de Ferguson dans la banlieue de
Saint-Louis (Missouri) a connu sa cinquième nuit d'émeutes
mercredi 13 août au soir. Des violences provoquées par la mort
samedi dernier d'un jeune Noir abattu par la police, qui ravivent le
débat sensible du racisme aux Etats-Unis. »2.
Au Cameroun, la mort engendrée par un policier dans une
auberge au quartier Coron à Yaoundé le premier mai 2014 pour une
affaire de moeurs a fait le tour du monde comme une trainée de poudre.
S'en faisant l'écho, Souley Onohiolo du journal le Messager affirme que
« L'inspecteur de police principal, Atangana Arbogaste, en service au
Gso, mais depuis des mois en détachement à Elecam où, il
assure, la garde du vice président du Conseil électoral, est
accusé d'avoir ouvert le feu sur Tshanou Jaurès, qui a
succombé quelques heures plus tard aux urgences de l'hôpital
central de Yaoundé. »3.
C'est dire que la police, en faisant son travail, doit
désormais être consciente de la présence visible ou non des
professionnels ou non de la diffusion de l'information et polir ses
méthodes
1 Hamid, 2009, p. 217.
2 Nouvel Observateur du 14 août 2014.
3 www.Camer.be du 06 mai 2014.
40
d'intervention, veiller sur le respect des droits de l'Homme ;
toutes caractéristiques qui sous-tendent l'approche communautaire.
Cette exigence de la conscience des éventuels
informateurs est d'autant plus pertinente que les technologies sont de plus en
plus variées, sophistiquées, miniaturisées et leur
ergonomie nécessite de moins en moins une expertise approfondie pour
porter à la connaissance du monde, des faits qui, hier, seraient
restés circonscrits à leur lieu de commission ou auraient
été considérés comme des détails de
l'actualité.
Mathieu Pierre et Sylvain Loizeau déclarent sans
détour à ce sujet que « Des progrès dans les
domaines de l'électromagnétisme et du traitement du signal ont
permis l'arrivée de technologies dédiées à la
mobilité, comme le GSM/GPRS (technologies de téléphonie
sans fil), l e Wi -Fi, l e bluetooth... Toutes ces technologies permettent
d'étendre les réseaux hors de l'enceinte des bâtiments, ce
qui permet à l'utilisateur lambda d'accéder à ses
informations personnelles où qu'il soit. Ces technologies sont
particulièrement en vogue actuellement. Elles reposent bien souvent sur
les protocoles réseaux existants (en particulier TCP/IP).
»1.
En somme, le Cameroun, qui fait partie du concert des nations
mondiales, ne saurait se soustraire de l'actualité de la
sécurité humaine ; de la sublimation actuelle des droits de
l'Homme et surtout de l'évolution voire de la révolution des
technologies de l'information avec toutes les conséquences que ces
instruments ont sur l'Homme et sur tous les secteurs de ses activités.
En ce qui concerne la police, c'est l'approche communautaire qui offre une
grande souplesse pour intégrer ces innovations, et mêmes les
indicateurs internes du caractère propice de cette nouvelle
stratégie policière au Cameroun ne nous démentiraient
pas.
SECTION II : DES INDICATEURS NATIONAUX
Au plan international, nous venons de soutenir, grâce
à certains indicateurs, qu'il est idoine d'internaliser la police
communautaire au Cameroun. Le contexte national est-il autant favorable ? C'est
la trame de cette section qui, pour faire cette analyse, se fonde sur trois
facteurs : l'existence d'une vision stratégique de la police
communautaire ; la promotion de la démocratie, de la
décentralisation et de l'esprit associatif ; les
limites patentes du système sécuritaire de la police d'ordre en
vigueur. Le choix de ces facteurs résulte lui-même de la
confrontation des causes et surtout les atouts qui ont motivé la
réforme communautaire de la police dans certains pays où cette
nouvelle approche a fait ses preuves.
1 Pierre, Loizeau, 2014, p. 6.
41
PARAGRAPHE 1 : L'existence d'une vision stratégique
de la police communautaire.
Quel que soit le pays où la police communautaire a
été implémentée, la grande orientation, l'impulsion
politique ou stratégique sont venues du sommet de l'Etat ou tout au
moins, du pouvoir politique. Nous avons cité plus haut, entre autres,
les cas de l'Angleterre, du Canada, de la France où des actes
législatifs ou réglementaires ont été pris pour
marquer la volonté des autorités en charge du pays de voir la
police changer l'approche sécuritaire pour infléchir la courbe
ascendante de la criminalité.
Au Cameroun, et c'est déjà une lapalissade
puisque nous avons fait ce constat plus haut, il n'y a pas une doctrine de
police communautaire. Toutefois, au-delà des discours, trois
éléments nous permettent d'affirmer qu'il existe au moins une
vision de la police communautaire.
Le premier de ces éléments est contenu dans deux
documents clefs de la vie nationale. Le Document de Stratégie pour la
Croissance et l'Emploi, élaboré en 2009 et qui donne la vision
globale et prospective du Cameroun jusqu'en 2035 relève que «
Pour renforcer la reprise économique amorcée depuis une
décennie et l'asseoir durablement, le Gouvernement a
élaboré un document de vision partagée du
Développement au Cameroun à l'horizon 2035. Elle se formule ainsi
qu'il suit : " LE CAMEROUN : UN P AYS EMERGENT, DEMOCRATIQUE ET UNI DANS SA
DIVERSITE ". »1 Point n'est besoin d'insister sur le
caractère préalable de la sécurité pour la
réalisation d'un tel objectif.
S'agissant particulièrement de la vision de la police
communautaire, c'est l'Elaboration de la Stratégie du Sous-secteur
Sécurité par le Cabinet Primat Conseil, document
recommandé par le DSCE à chaque secteur de la vie nationale, qui
est plus explicite : « Dès lors, les activités
présentes et futures de la DGSN évoluent et évolueront
dans le cadre d'une stratégie qui soutiendra une vision qu'elle a
déjà formulée à savoir "La police camerounaise, une
police de proximité, force régulière, moderne, plus
performante et au service de tous les citoyens".»2.
En combinant les deux documents, le premier
élément qui montre qu'il existe une vision stratégique
nationale se résume en la vision prospective du Cameroun à
l'horizon 2035 qui est d'être un pays émergent,
démocratique et uni dans sa diversité en s'appuyant, entre
1 DSCE, 2009, p.14.
2 Primat Conseil, 2012, p. 11.
42
autres, sur une Police camerounaise qui a pour ambition
d'être une police de proximité, une force régulière,
moderne, plus performante et au service de tous les citoyens.
Le deuxième élément visionnaire de la
police communautaire est l'effectivité de certaines mesures qui, en
dépit de leur utilisation communautaire très discutable, n'en
constituent pas moins les ingrédients de la police communautaire. Il en
est ainsi des conteneurs installés dans certains carrefours de certaines
grandes villes et appelés postes de police de proximité à
l'instar du rond point Déido à Douala et du carrefour Mvog-bi
à Yaoundé.
Dans le même sillage, à la faveur du
défilé de la fête nationale, édition 2013, est
apparu, à l'initiative du Délégué
Général à la Sûreté Nationale, monsieur
Martin Mbarga Nguele, un carré très applaudi des policiers
à vélo appelés « bikers ». Comme
l'affirme le commissaire de police principal Joyce Cécile Ndjem Mandeng,
chef de la Cellule de la Communication à la DGSN, ces bikers sont «
Une sorte d'unité versatile dont les missions à terme, dans
une approche de police de proximité, les transformeront en
îlotiers. »1.
Ces deux exemples montrent bel et bien que la vision
communautaire de la police existe mais ces moyens restent au service du domaine
artificiel de l'Etat avec les méthodes de la police d'ordre. En
conséquence, du simple fait de l'existence de ces outils qui font partie
des instruments de la police communautaire, on ne saurait parler de
l'effectivité de celle-ci, mais d'une vision.
Le dernier élément visionnaire de la police
communautaire est décrit dans l'ouvrage du Chef de L'Etat dont le titre
est évocateur : Pour le Libéralisme Communautaire
publié en 1987. Pour le schématiser sous l'angle de la
sécurité, son excellence Paul Biya part du constat que notre pays
en général et nos villes en particulier sont un
conglomérat de diversités potentiellement explosif avant de
proposer comme solution, le libéralisme communautaire.
L'auteur affirme en effet que le Cameroun est « ...
une terre de la multiplicité et de la diversité sociohistorique,
le lieu de rendez-vous d'une variété insoupçonnable de
forces centrifuges et antagonistes, d'une infinité de communautés
sectaires voire hostiles, campant face à face en une sorte de
veillée d'armes permanente où l'évidence des
particularismes ethnico-géographiques est par trop frappante : les
quartiers de nos villes revêtent parfois des spécificités
ethniques manifestes qui rappellent, en une concentration spatiale
particulièrement explosive, les contradictions humaines de notre
société. Au plan linguistique, le Cameroun
présente
1 Ndjem Madeng, 2014, p. 39.
43
l'image d'une véritable tour de Babel. Nos clivages
religieux eux-mêmes ne sont pas moins des sources possibles de
confrontations sociales. »1.
Une description aussi potentiellement conflictuelle
nécessite une approche de sécurité non seulement
étroitement suivie, mais également participative des
bénéficiaires, caractéristiques de la police communautaire
dont l'auteur avait déjà la vision en 1987 en suggérant le
libéralisme
communautaire. Ce concept sous-tend en effet un triptyque que
développe l'ouvrage : le devoir de solidarité, la liberté
d'entreprendre et la fonction régulatrice de l'Etat, principes chers
à la police communautaire. En clair, tout comme la vision
stratégique de la police communautaire, la promotion de la
démocratie, de la décentralisation et l'esprit associatif
constituent des facteurs
nationaux favorables à l'émergence de cette
réforme policière.
PARAGRAPHE 2 : La promotion de la démocratie, de la
décentralisation et de l'esprit associatif
Le Cameroun dispose-t-il des atouts que sont la
démocratie, la décentralisation et l'esprit associatif pour y
favoriser l'avènement de la police communautaire ? C'est cette
démonstration que se propose de faire ce paragraphe.
La démocratie d'abord, a cette aptitude au regard des
similitudes que les deux notions entretiennent. La démocratie est en
effet une forme d'organisation ou de doctrine politique où la
souveraineté est exercée par le peuple pour le peuple soit
directement ou indirectement. De même, la police communautaire est une
doctrine sécuritaire de la communauté pour la communauté
avec la communauté. Dans les deux cas, la participation des
bénéficiaires est essentielle d'où la corrélation
entre la démocratie et la police communautaire. C'est peut-être la
raison pour laquelle cette reforme policière nait en Angleterre,
considérée comme une vieille démocratie et s'est
propagée initialement dans les pays ayant une doctrine politique
similaire : le Canada, les Etats-Unis, la France...
En revanche, l'Afrique a tardivement intégré la
démocratie dans ses moeurs politiques ; ses premiers dirigeants
postindépendance, pour la plupart, la considérant, entre autres,
comme un facteur de division. Parlant d'eux dans son mémoire de D.E.A.
en science politique de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon, Félix
François Lissouck affirme que « Ces derniers
avançaient
1 Biya, 1987, p. 34.
44
alors deux arguments pour justifier le choix du
monopartisme : il s'agissait de rechercher l'unité nationale et de
lutter contre le sous développement. »1.
Il a fallu donc attendre deux évènements qui
ont, pour le premier survenu le 09 Novembre 1989 à Berlin et le second
du 19 au 21 juin à la Baule, bouleversé respectivement l'ordre
international et les systèmes politiques dans l'ancien empire colonial
français ; pour voir la démocratie prendre progressivement corps
en Afrique. Dans cette optique et parlant de la chute du mur de Berlin, Fabio
Liberti déclare qu' « En réalité, ce n'est pas
uniquement l'ordre européen qui s'est retrouvé bouleversé
par l'événement, mais bien l'ordre mondial.
»2.
S'agissant du changement des systèmes politiques en
Afrique, bon nombre d'analystes situent son origine ou tout au moins son
impulsion à la seizième conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement du sommet France -Afrique tenue à la Baule du 19 au 21 juin
1990 et au cours de laquelle le président François Mitterrand a
diplomatiquement, par le biais de deux conditionnalités, sommé
ses pairs africains à s'ouvrir à la démocratie.
La première conditionnalité a trait à la
liaison indispensable entre le développement et la démocratie ou
inversement. Claude Wauthier, évoquant le discours d'ouverture de
François Mitterrand à cette conférence, le cite en ces
termes « .. .C'est le chemin de la liberté sur lequel vous
avancerez en même temps que vous avancerez sur le chemin du
développement. On pourrait d'ailleurs inverser la formule : c'est en
prenant la route du développement que vous serez engagés sur la
route de la démocratie... »3.
La deuxième condition porte sur la mise en oeuvre de la
démocratie comme pré-requis pour bénéficier de
l'aide au développement. Philippe Leymarie, commentant cette
conditionnalité, dit que « .. . la France liera tout son effort
de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de
démocratie... »4.
Les évènements de la Baule et de Berlin n'ont
pas laissé le Cameroun indifférent. Après les
atermoiements des dirigeants, les revendications parfois houleuses de la
société civile, les actes juridiques révolutionnaires de
1990, consacrant l'avènement de la démocratie, furent
adoptés notamment la loi n°90/056 du 19 décembre 1990
relative aux partis politiques et bien d'autres relatives aux libertés
publiques. A tel point qu'en septembre 2011, le Cameroun
1 Lissouck, 1994, p. 1.
2 Liberti, 2009, p. 1.
3 Wauthier, 1990, p. 4.
4 Leymarie, 1990, p. 6.
45
comptait déjà deux cent soixante onze partis
politiques légalisés1. Les statistiques de Reporter
Sans Frontières, au regard du nombre de médias publics et
privés, tous supports confondus, classaient le Cameroun en 2009 au
109e rang sur 175 pays2. En somme et avant d'aborder la
décentralisation, le Cameroun est aujourd'hui un pays
démocratique et par conséquent un cadre propice au
développement de la police communautaire.
La décentralisation ensuite, autre principe
névralgique de la police communautaire, est aussi très
avancée au Cameroun et est également un très bon cadre
d'épanouissement de cette réforme policière. Au plan
interne, le Cameroun a promulgué un armada de lois en matière de
décentralisation sans compter les textes réglementaires, entre
autres : la loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 d'orientation de la
décentralisation, la loi n° 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les
règles applicables aux Régions, la loi n° 2004/018 du 22
juillet 2004 fixant les règles applicables aux Commune, la loi n°
2009/011 du 10 juillet 2009 portant régime financier des
Collectivités Territoriales Décentralisées, la loi n°
2009/019 du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale.
Le transfert de compétences entre les ministères
et les collectivités territoriales décentralisées est une
réalité et est même à sa troisième
génération. Dans les organigrammes des régions (article 27
du décret n°2008/377 du 12 novembre 2008 fixant les attributions
des Chefs de circonscriptions administratives et portant organisation et
fonctionnement de leurs services) et des communes est prévue la
création de la police municipale qui n'est qu'une variante de la police
communautaire.
Au plan international, le Cameroun qui lui-même a un
Conseil National de la Décentralisation créé et
organisé par décret n° 2008 / 013 du 17 janvier 2008, a
signé le 06 juillet 2011, un accord de siège avec la
Conférence Africaine de la Décentralisation et du
Développement Local (caddel).
L'esprit associatif enfin, est également très
poussé au Cameroun. Or, les réunions et les associations sont des
cadres par excellence que la police communautaire utilise pour porter ses
messages auprès des bénéficiaires de son action et les
sensibiliser sur les moyens proactifs d'assurer la sécurité. La
loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 relative à la
liberté d'association a tracé le cadre juridique que les
différentes catégories sociales exploitent à merveille.
Les associations sont presqu'innombrables. Moise Moupou et Lawrence Akei Mbanga
distinguent :
1 Institut National de la Statistique, 2011, p. 61.
2 Cameroun
24. Net, 2011.
46
les associations locales traditionnelles , les associations
locales de type moderne, les Coopératives, les Groupements d'initiatives
communes (GIC), les Comités de développement...1
Prenant le cas des groupements d'initiative commune, ces
auteurs affirment qu'ils « ... se développent de façon
exponentielle et constituent une véritable armée paysanne,
structurée, ramifiée, qui irrigue le village camerounais (Elong,
2005). En juillet 2004, on comptait 717 GIC dans le Noun, 761 dans la Mifi...
L'ensemble de la province de l'Ouest comptait 3 948 GIC. Pour la plupart, il
s'agit d'associations traditionnelles qui ont connu une transformation de leurs
statuts. Il faut relever l'importance des associations féminines qui
sont les véritables nourricières des populations urbaines et
rurales. »2.
Au total, la démocratie, la décentralisation et
l'esprit associatif constituent au Cameroun, une terre fertile qui n'attend que
la semence de la police communautaire pour donner à ses semeurs, une
production à la dimension de leur travail. Et même si par miracle,
la fertilité naturelle susvisée venait à disparaitre, un
engrais très accessible appelé limites de l'approche de police
d'ordre en vigueur au Cameroun, permettrait de ne pas obérer la
production escomptée.
PARAGRAPHE 3 : Des limites patentes du système
sécuritaire de la police d'ordre en vigueur
La police d'ordre a fait et continue de faire ses preuves en
tant qu'approche sécuritaire contre la criminalité.
Néanmoins, face à l'accroissement exponentiel des populations
surtout urbaines, celui des villes ; compte tenu du perfectionnement des
méthodes criminelles avec des bilans de plus en plus impressionnants et
spectaculaires, toutes choses qui contrastent avec les aspirations
évolutives des citoyens aux libertés publiques et à plus
de bien-être, la reconnaissance des limites de la police d'ordre s'est
imposée et la nécessité de s'adapter à la nouvelle
donne est devenue incontournable soit par le colmatage des brèches de
l'ancienne approche, soit par la mise en place d'une autre .
Au fait que reproche-t-on à la police d'ordre ? Un
parcours historique des pays aux vieilles traditions de police communautaire
nous permet de relever des lacunes très diversifiées. Celles-ci
vont de la corruption endémique du corps policier à
l'augmentation du taux de criminalité en passant par la violation
excessive des droits de l'Homme, les méthodes de travail
réactives et peu efficaces, la marginalisation des
bénéficiaires de la sécurité dans la formulation
1 Moupou et Akei Mbanqa, 2008, pp. 165 - 170.
2 Id. p. 168.
47
des solutions à leurs problèmes, la
distanciation de la police vis-à-vis de la population qu'elle est
censée protéger et la liste n'est pas exhaustive.
A ces sujets, certains auteurs sont formels. Alan Bryden et
Boubacar Ndiaye, après avoir examiné les maux de la police
d'ordre, sont parvenus à plusieurs conclusions dont une a retenu notre
attention : « En conclusion... on peut toutefois constater plusieurs
traits communs : premièrement, la très faible participation de la
population aux activités relatives à la
sécurité... »1. Maurice Chalom et autres
constatent que « Pour leur part, les populations continuent d'exprimer
leur insatisfaction à l'égard des réponses
apportées à la délinquance, notamment le recours à
l'incarcération... »2.
Au Cameroun, nous avons déjà
démontré, entre autres : que les méthodes de travail de la
Sûreté Nationale étaient réactives, que les acteurs
étaient étatiques. Pour ne plus nous répéter, nous
aborderons, dans ce paragraphe, les limites relatives à la corruption,
la rupture sociale entre la société et la police et la
prévalence des nouvelles menaces dites asymétriques avec pour
finalité de justifier l'opportunité de la police
communautaire.
En commençant par la corruption que le code
pénal camerounais définit en son article 134 alinéa 1
comme le fait pour « ... tout fonctionnaire qui, pour lui ou pour un
tiers, sollicite, agrée ou reçoit des offres, promesses, dons ou
présents pour faire, s'abstenir de faire ou ajourner un acte de sa
fonction. »3; on est tenté de dire qu'elle est la
chose la mieux partagée des policiers tout au moins en se mettant dans
la posture des usagers qui n'ont pas manqué de les affubler de
sobriquets dont le plus célèbre est « mange-mille
» pour signifier que la complaisance du policier camerounais face aux
transgressions de la circulation routière par exemple, est acquise
contre mille francs CFA.
Concrètement, au cours des contrôles routiers,
une série de documents précis sont exigibles aux conducteurs pour
vérifier s'ils sont en conformité avec le fisc, s'ils sont
qualifiés pour conduire le type de voiture en leur possession, s'ils se
sont acquittés de la police d'assurance...La plupart du temps, les
chauffeurs et les propriétaires de véhicules se soustraient
à leurs obligations mais poursuivent allègrement leurs
activités moyennant le versement d'un pot de vin dont le montant varie
généralement entre 250 francs CFA et 1000 francs CFA à
chaque contrôle.
1 Bryden et N'diaye, 2011, p. 7.
2 Chalom et al, 2001, p. 22.
3 Hamadou, 1998, p.128.
48
Mr. Roger Ngoh Yom, secrétaire exécutif de
transparency international Cameroun, révèle, au cours d'une
conférence de presse donnée à Yaoundé le mardi 09
juillet 2013, que « La police camerounaise, selon le baromètre
mondial de la corruption 2013, occupe la première place des
institutions les plus corrompues du pays avec un chiffre de 69%. "Elle remplace
à ce rang, les services de la douane, sortis premiers lors de la
précédente enquête sur les services les plus corrompus du
Cameroun." »1.
Bernard Amougou renchérit, parlant de la
Gendarmerie et de la Sûreté Nationale en déclarant que
« Ces deux corps autrefois d'élite, sont depuis longtemps
entrés dans la danse de la corruption et de l'enrichissement
illicite. »2. C'est dire que le ver est dans le fruit et
qu'on ne saurait rester indifférent à une telle
dépravation des moeurs d'où la nécessité de penser
à la reforme profonde de la police en général et de la
Sûreté Nationale en particulier.
En poursuivant avec la rupture de confiance entre la police et
la société, on déduirait aisément qu'elle est l'une
des conséquences de cet état de corruption
généralisé que nous venons de peindre. En effet, la
présence de la police ne rassure plus suffisamment comme elle aurait du
le faire. Un renseignement qu'un informateur communique à un agent de
police sur les agissements répréhensibles d'un individu ne le met
pas à l'abri des représailles du dénoncé que le
policier a entre temps contacté pour, grâce au chantage, obtenir
des retombées égoïstes.
Une enquête parfois objectivement, au regard des faits,
favorable au plaignant ou à la victime, est subitement retournée
contre l'un ou l'autre par une alchimie que seuls les dessous de table ou les
affinités relationnelles peuvent expliquer.
Un propriétaire de véhicule vient de se faire
braquer par des malfaiteurs qui ont emporté sa voiture. Il se rend
à un commissariat pour signaler son infortune, il lui est exigé
de l'argent pour que la station fixe de radio communique la nouvelle aux
patrouilles sur le terrain en vue d'une éventuelle traque.
Les patrouilles elles mêmes sont, surtout les
motorisées, des passages rapides voire des déplacements
d'agrément sans interaction avec les populations. Dans tous les cas,
pédestres ou motorisées, les patrouilles de police et même
les dispositifs policiers de sécurité focalisent leur attention
sur le domaine artificiel de l'Etat ou sur ceux qui incarnent l'autorité
de l'Etat au détriment de la population.
1 Cameroun web news du 10 juillet 2013.
2 Amougou, 2013, p. 112.
49
Tous ces exemples pour montrer que la rupture du contrat de
confiance qui devrait exister entre la police et la population est
consommée. Bernard Amougou, en guise de confirmation, scande «
Par ailleurs, si la confiance à l'armée en
général est acquise, tel n'est pas le cas avec la gendarmerie et
la police. »1. Alan Bryden et Boubacar Ndiaye,
pérorant sur les conséquences des tares de la police d'ordre,
vont plus loin « Ceci se traduit par un manque de confiance
généralisé de la part du public et un manque de
compréhension vis-à-vis des acteurs de la sécurité.
»2. Elie Mvie Meka, allant dans le même sens au
sujet des forces de sécurité, conclut qu' « Elles sont,
dans la plupart des cas, en rupture de confiance avec les populations qu'elles
sont censées rassurer et protéger. »3.
Terminant avec les menaces non conventionnelles dites
asymétriques, on doit admettre que si hier, elles n'étaient pas
d'actualité, aujourd'hui, elles ne sont plus de la fiction et se posent
même avec acuité. La conséquence logique est que c'est une
approche sécuritaire imprégnée de ces nouvelles menaces
qui devrait être indiquée pour y faire face. Deux types de menaces
sont retenus ici en guise d'illustrations : le trafic de la drogue et les actes
terroristes de la secte boko haram. Parmi leurs caractéristiques
communes, on peut citer la dilution des auteurs au sein des populations et par
conséquent, la difficulté à identifier les auteurs et
à lutter contre eux.
La drogue par exemple, a des chiffres en constante
augmentation en termes de production, de transit et de consommation. Pour
étayer nos propos, comparons les statistiques du service des
enquêtes et des expertises de la direction de la police judiciaire
à la Délégation Générale à la
Sûreté Nationale de 1993 et 20134. En 1993, la seule
drogue saisie était le cannabis et la quantité était de
472,35 kilogrammes. En revanche, en 2013, 5628,003 tonnes de cannabis ont
été saisies et 04 hectares de plantation détruits. La
même année, 2,7 kilogrammes de méthamphétamine ; 200
grammes de crack ; 8,2 kilogrammes et 13,5 litres de cocaïne ; 12, 350
kilogrammes d'héroïne ont été saisis.
Dans le même sillage, les actions de la secte terroriste
boko haram se multiplient à un rythme infernal notamment dans la partie
septentrionale du pays. De l'enlèvement de la famille Fournier à
l'attaque de kolofata à l'issue de laquelle, au-delà des morts,
des personnes y comprise l'épouse du vice-premier ministre Amadou Ali
ont été prises en otage en passant par les enlèvements des
trois religieux et les dix ouvriers chinois pour ne citer que ces cas, les
1 Amougou, 2013, 12.
2 Bryden et N'diaye, 2011, p. 7.
3 Mvié Meka, p. 22.
4 Bourssamon Félix, ex-chef dudit service,
téléphone 77 95 16 29.
50
victimes de cette secte deviennent de plus en nombreuses ;
leurs cibles de plus en plus symboliques...
Parlant des moyens de lutte contre ce fléau, le
général de brigade Elokobi Daniel Njock, directeur central de la
coordination de la gendarmerie nationale est formel : « Compte tenu de
la configuration géographique de la zone, l'apport de la population dans
la recherche du renseignement est par conséquent indispensable.
»1.
Cette proposition de solution montre à la fois les
limites du dispositif conventionnel et balise le chemin des avantages de la
police communautaire qui est une approche participative et donc, capable de
fournir le renseignement sus évoqué.
1Elokobi Njock, 2014, p. 13.
DEUXIEME PARTIE:
AVANTAGES ET PROCESSUS
D'INTERNALISATION DE LA
POLICE COMMUNAUTAIRE
51
52
La première partie vient de démontrer, entre
autres, que la nature favorable de l'environnement camerounais à
l'épanouissement de la police communautaire est une raison qui milite en
faveur de l'adoption de cette approche dans ce pays. La deuxième partie
ambitionne de poursuivre ce plaidoyer en présentant un argument
supplémentaire, les avantages que le Cameroun peut tirer de
l'internalisation de la doctrine de Peel. Bien plus, un processus de cette
adoption est proposé, donnant à ce pan de notre réflexion,
l'articulation en deux chapitres qui sont :
? Des avantages indéniables de l'internalisation de la
police communautaire
? Le processus d'internalisation de la police communautaire.
CHAPITRE TROISIEME:
DES AVANTAGES INDENIABLES DE L'INTERNALISATION DE LA
POLICE COMMUNAUTAIRE AU CAMEROUN
53
Nous venons de souhaiter, en démontrant que le Cameroun
est un environnement propice à l'épanouissement de la police
communautaire, que celle-ci y soit internalisée. Il reste cependant
à prouver l'intérêt que le Cameroun gagnerait à
opérer cette mutation. Autrement dit, quels sont les avantages dont le
Cameroun et notamment sa police bénéficie à introduire les
principes de l'approche sécuritaire de Robert Peel dans ses pratiques
professionnelles ? Le dessein de ce chapitre est de soutenir que ces avantages
existent et sont même très diversifiés. Jean Louis Del
Bayle, tout en résumant le but de la police communautaire qui «
est donc de rapprocher le policier de la société...
»1 détaille ses avantages «... tous les
avantages censés s'attacher à ce rapprochement :
pénétration du tissu social, collecte de renseignements,
connaissance des problèmes locaux, familiarité avec la
population, collaboration de celle-ci avec la police, limitation de l'usage de
la violence au profit de la persuasion, consensus autour D'une "police de
service" et d'une "police douce". »2. Les avantages que
nous avons retenus ont été catégorisés en avantages
sécuritaires et non sécuritaires.
SECTION I : LES AVANTAGES SECURITAIRES
Il s'agit des mesures initiées exclusivement ou non par
les services de sécurité mais qui, dans tous les cas, ont un
impact positif sur la qualité des prestations délivrées
aux usagers. Pour examiner ces avantages, notre baromètre a
sélectionné trois dimensions : une récolte abondante et
aisée du renseignement, une coproduction de la sécurité,
une réduction de la criminalité.
PARAGRAPHE 1: Une récolte abondante et aisée
du renseignement
Comment la police communautaire permet-elle une collecte
aisée des renseignements ? La réponse à cette question
passe par la compréhension de l'importance du renseignement dans
l'action des forces de sécurité, la localisation du renseignement
et les modalités de sa collecte.
1 Loubet Del Bayle, 2008, p. 103.
2 Id. p.103.
54
Que ce soit à la police où dans d'autres
secteurs de l'activité humaine, le renseignement est une aide à
la bonne décision, un moyen d'agir avec précision et surtout un
outil d'anticipation de résolution des problèmes induisant
l'économie d'énergie, des ressources... Ces différents
rôles du renseignement sont encore plus déterminants lorsqu'il
s'agit de la sécurité.
A titre d'exemple, dans un établissement scolaire, les
responsables, sous divers prétextes, exigent des frais d'examens
officiels au-delà des montants réglementaires et les
élèves estiment que le seul moyen de protester contre cette
mesure est une grève accompagnée éventuellement d'actes de
vandalisme. Si cette information parvient à temps aux autorités
qui, en réaction prompte, ramènent à l'ordre les
dirigeants de l'école concernée, on aura évité la
destruction du patrimoine de l'école, le déploiement des
policiers pour maintenir l'ordre avec les dépenses financières y
afférentes, des arrestations des meneurs et des procès
interminables.
C'est pourquoi, le Délégué
Général à la Sûreté Nationale Mebe Ngo
`ô Edgard Alain, à son temps, disait au cours d'une interview
à la Cameroon Radio and Television ; à l'issue d'une
tournée de prise de contact des services de la Sûreté
Nationale sur l'ensemble du territoire que « L'efficacité de
l'action de la Police dans la croisade contre l'insécurité et le
grand banditisme est tributaire en partie de la coopération citoyenne
des populations; la Police a besoin des informations pour traquer les
malfaiteurs qui vivent au sein de la population. »1.
Cette déclaration du Délégué
Général à la Sûreté Nationale non seulement
souligne le rôle névralgique du renseignement dans les
opérations sécuritaires, mais également indique la
localisation du renseignement : au sein de la population. Si donc cette
population n'a pas confiance en sa police, s'il n'existe pas des
mécanismes simplifiés et crédibles par lesquels cette
population peut communiquer le renseignement en sa possession, si cette
population n'est pas consciente de l'intérêt direct du
renseignement à fournir, la collecte devient hasardeuse, difficile voire
impossible. Les conséquences immédiates sont
l'inefficacité des opérations de police, la multiplication des
actes de banditisme, l'augmentation du sentiment d'insécurité et
la négligence des faits, des gestes et des individus porteurs
d'insécurité.
Voici à ce sujet, dans un article du Pr Joseph Vincent
Ntuda Ebodé à propos des enfants soldats, le témoignage de
l'un qui recueillait du renseignement dans l'indifférence même des
hommes aguerris « "J'allais dans les lignes ennemies pour
connaître leur nombre, leur position,
1 Interview accordée à Isabelle
Essono et Pamela Bitjoka de la Cameroon Radio and Television, le 11/01/2008,
sur les stratégies et les moyens mis en oeuvre par la police nationale
pour endiguer la criminalité et le grand banditisme au Cameroun.
55
les mitrailleuses. J'étais habillé avec des
vêtements sales et en lambeaux. Si les ennemis me prenaient, je disais
que je cherchais mes parents ou à manger. Ensuite, par un autre chemin,
je rentrais chez nous, et la nuit on attaquait.? »1.
En guise d'illustration, dans un quartier,
généralement, les populations connaissent les individus enclins
aux actes d'insécurité mais ne les dénoncent pas par peur
de représailles en cas de trahison des informateurs par une police
corrompue et distante des habitants. En outre, en cas de vol ou de braquage, le
corps du délit est acheté par des receleurs qui se trouvent au
sein de la population et qui parfois, sont conscients que la marchandise est le
fruit du vol mais ne dénoncent pas.
La facilitation de la collecte du renseignement par l'approche
communautaire résulte du fait que, par son essence, elle comble les
lacunes que nous venons de relever. Plus précisément, elle a une
structure hiérarchique où l'unité de base, cheville
ouvrière de l'approche, est immergée au sein de la population ;
la population participe au dispositif non seulement en tant qu'actrice, mais
aussi en tant que bénéficiaire et enfin elle est suffisamment
sensibilisée sur les retombées positives, à son profit,
des renseignements fournis ainsi que sur les comportements porteurs de
criminalité.
La conséquence est que tout fait digne
d'intérêt pour la sécurité est rapidement
communiqué et les actions appropriées prises à temps. Par
exemple, pour ne prendre que la partie septentrionale du pays où
sévissent les coupeurs de route et la secte boko haram, les conducteurs
de motos qui desservent une ligne ou un quartier se connaissent tous
généralement au point où toute présence
étrangère parmi eux qui est rapidement répercutée
peut préserver des enlèvements par la prompte identification de
l'intrus.
En somme, les principes de la police communautaire notamment
l'immersion de la police au sein de la population avec la confiance mutuelle
qui lui est inhérente, rendent la collecte du renseignement très
aisée. La coproduction de la sécurité est aussi un autre
principe et avantage de la police communautaire.
PARAGRAPHE 2: Une coproduction de la
sécurité
Dans la quasi-totalité des pays, un constat se
dégage : « Il est maintenant admis que la police et la justice
ne peuvent plus, à elles seules, arriver à réduire et
à prévenir la criminalité,
1 Ntuda Ebode, 2006, p. 116.
56
mais que la sécurité publique en tant que
bien collectif interpelle tous les intervenants sociaux et économiques.
»1.
Ce constat comporte à la fois l'échec de la
police d'ordre voire de la justice qui ont cru que la sécurité
pouvait être leur affaire exclusive et l'espoir qu'apporte l'approche
communautaire en faisant de la sécurité un bien collectif dont la
production nécessite la participation de tous. Autrement dit, la
sécurité devrait être coproduite. Cette coproduction peut
se manifester par au moins trois modalités : la réflexion
collective sur les problèmes de sécurité,
l'exécution commune des mesures adoptées contre
l'insécurité et le partage par tous de la responsabilité
des résultats obtenus.
La réflexion signifie que l'insécurité se
pose dans une communauté donnée dont les acteurs
représentatifs et constitutifs, sous l'encadrement d'un professionnel de
sécurité, peuvent se réunir pour prendre acte des
manifestations, les analyser en tenant compte de leur environnement
sociogéographique et formuler des solutions possibles susceptibles de
résorber durablement le mal. L'approche canadienne de police
communautaire affirme à ce propos que « Cette méthode
d'intervention doit être appliquée par un partenariat
stratégique avec les membres de la communauté pour trouver des
solutions permanentes aux problèmes de sécurité publique
en s'attaquant à leurs causes réelles.»2.
A titre d'illustration, dans une école maternelle
où, à la sortie, on enregistre des égarements d'enfants
qui ne regagnent pas leur domicile ; des inconnus qui viennent
récupérer les bambins qui ne sont pas les leurs pour des
directions insoupçonnées... ; la communauté
éducative, constituée à titre indicatif, des parents
d'élèves, des responsables de l'établissement, des
représentants des force de maintien de l'ordre... n'a qu'à se
réunir et après l'analyse du problème, à proposer
soit l'achat d'un véhicule de ramassage et de dépôt ; soit
une liste de personnes et leurs coordonnées par enfant,
habilitées à chercher les enfants à leur sortie sur
présentation d'une pièce d'identité ; pour voir le
problème s'estomper.
De même, l'exécution collective des mesures de
sécurité prises intègre la définition du rôle
de chaque acteur de la communauté, la circulation de l'information, la
participation aux sessions de formation et de sensibilisation, la mise en
oeuvre des résolutions prises par la majorité...A ce sujet, la
politique canadienne approuve qu' « Ainsi, agir sur le sentiment
de
1 Service de la Prévention de la
Criminalité en coll. Avec le CIPC, 2000, p. 16.
2 Voir supra, p.9.
57
sécurité de la communauté interpelle
fortement non seulement les organisations policières, mais
également les gouvernements, les municipalités, les organisations
communautaires et les citoyens, afin que tous ces partenaires contribuent
à la sécurité publique dans le cadre de leurs
activités respectives. »1.
Le dernier point de la coproduction et non des moindres est le
partage par tous de la responsabilité des résultats obtenus. Cela
suppose une détermination préalable des critères de
succès ou d'échec ; une évaluation objective et froide des
résultats auxquels on est parvenus et, si nécessaire, des
réajustements adéquats, la finalité étant, à
défaut d'éradiquer le problème, du moins le
résoudre durablement en s'attaquant à ses causes. Dans tous les
cas, les acteurs partageront ensemble soit la joie de la réussite, soit
l'amertume des limites de la solution retenue et appliquée. C'est la
même attitude qui caractérise ces acteurs pour le cas de la
réduction de la criminalité, un autre avantage de la police
communautaire.
PARAGRAPHE 3: Une réduction de la
criminalité
La réduction de la criminalité, comme avantage
de la police communautaire, est la résultante des actions menées
sur le terrain notamment sur les bénéficiaires de la
sécurité, les causes de l'insécurité, les
malfaiteurs potentiels et enfin l'évaluation du taux de
criminalité. Parlant de cet avantage de la police communautaire, le site
de la Défense Nationale et des Forces canadiennes affirme qu' «
elle réduit la criminalité grâce à des
partenariats solides entre les policiers et la communauté par le biais
d'organisations et d'activités. »2.
Les bénéficiaires de la sécurité,
dans une communauté, participent à la réduction de la
criminalité grâce à la nature préventive des mesures
de la police communautaire qui, en conscientisant les populations sur les
risques potentiels et leur management, améliorent leur comportement par
la réduction à l'exposition au danger. Par exemple, en inculquant
aux membres d'une communauté, l'habitude, au coucher, de vérifier
systématiquement que toutes les ouvertures sont effectivement et
hermétiquement fermées, on évite que les maisons ne soient
des proies faciles.
La réduction de la criminalité intervient aussi
par l'action sur les causes de l'insécurité et non sur les
manifestations. En effet, la criminalité fonctionne
généralement comme le
1 Service de la Prévention de la
Criminalité en coll. avec le CIPC, 2000, p. 11.
2
www.forces.gc.ca, aout
2014.
58
déterminisme scientifique c'est-à-dire que les
mêmes causes produisent les mêmes effets. En agissant donc sur les
causes, spécificité de la police communautaire, on va
automatiquement, à défaut d'enrayer, tout au moins réduire
considérablement les effets.
En guise d'illustration et par observation directe
personnelle, nous avons constaté que l'une des causes des accidents sur
l'axe lourd Douala - Yaoundé au Cameroun, long de 240 kilomètres
environ, est l'étroitesse de la route. Celle-ci est unique à deux
voies et au regard de l'intensité de la circulation, les
dépassements engendrent beaucoup d'accidents mortels avec des pertes
humaines régulières et nombreuses. Pourtant, pour une distance
presqu'égale entre Abidjan et Yamoussoukro en Côte d'Ivoire, une
route à double sens, (avec chaque côté plus large que la
route de douala - Yaoundé), et surtout à deux voies par sens a
été construite. Il en résulte une occurrence marginale des
accidents de circulation.
La réduction de la criminalité provient
également de la surveillance ou d'une manière
générale, de l'action sur les foyers et les individus
criminogènes. La pratique de la police communautaire commande en effet
la connaissance sociogéographique de l'environnement où elle se
déploie. Il en résulte l'identification des foyers et personnes
criminogènes contre lesquels des mesures préventives suffisent
pour étouffer la concrétisation de leurs intentions criminelles.
Il est par exemple démontré que dans un quartier où
prolifèrent des débits de boisson, ces derniers sont des refuges
où les malfaiteurs passent du temps en attendant des heures tardives
pour opérer. La surveillance de ces lieux, leur fermeture
conformément à la réglementation en vigueur et la lutte
contre le vagabondage nocturne éliminent considérablement la
commission des actes criminels.
Une bonne évaluation du taux de criminalité
démontre facilement si celle-ci est en hausse ou pas. Cela suppose une
bonne tenue des statistiques criminelles en termes qualitatif et quantitatif
avant et après la mise en oeuvre de la police communautaire pour avoir
les éléments de comparaison. A défaut, une
médiatisation excessive de quelques actes délinquants
isolés après l'implémentation de la police communautaire
peut donner l'impression de son inefficacité alors que le taux de
criminalité a réellement baissé.
En définitive, la réduction du taux de
criminalité comme avantage de la police communautaire est
délicate. Elle ne peut être ressentie que si ses
éléments constitutifs sont bien pensés et bien
appliqués. Dans tous les cas, la police communautaire n'a pas que des
avantages sécuritaires.
59
SECTION II: LES AVANTAGES NON-SECURITAIRES
Ils sont multiples et portent surtout sur l'impact positif des
mesures de la police communautaire sur certains secteurs de la vie nationale du
pays ou sur ce dernier tout entier. Nous n'avons, ici et maintenant, voulu
développer que trois : un plus grand respect des droits de l'Homme, une
image démocratique renforcée et un environnement propice au
développement des activités économiques.
PARAGRAPHE 1: Un plus grand respect des droits de
l'Homme
Aucun pays du monde n'aimerait figurer sur la liste de ceux
qui, sur les rapports annuels de la Commission des Droits de l'Homme des
Nations Unies ou de l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch par
exemples, sont indexés comme les violeurs patentés des droits de
l'Homme. Par conséquent, chaque pays, dans la conduite de ses
activités quotidiennes, veille à ce que son nom n'apparaisse pas
sur cette liste noire laquelle met le territoire concerné au ban de la
communauté internationale, réduit les investisseurs potentiels,
limite ou annule les aides internationales....
L'un des corps de métier souvent en vitrine pour
l'observation ou non des droits de l'Homme dans un pays est la police dont,
comme l'affirme MICIVIH, «... le respect des droits de l'Homme restera
un critère incontournable pour évaluer le fonctionnement et le
comportement des membres de cette ... institution qu'est la Police... .
»1. C'est pourquoi il est important, pour toute Nation,
d'adopter une approche policière, à l'instar de la police
communautaire, qui promeut le plus grand respect possible des droits de
l'Homme. L'approche susvisée y parvient, entre autres : grâce
à la réduction de la répression par la pro
activité, l'élargissement de l'assiette des surveillants de la
légalité et enfin l'imputabilité.
Le premier moyen, c'est-à-dire la réduction de
la répression, est l'un des fondements de la police communautaire.
L'expérience a montré en effet qu'une police réactive est
fortement exposée à la violation des droits de l'Homme pour ne
pas dire que leur violation est inévitable. Justifiant la réforme
communautaire de la police en Haïti par les Nations Unies, MICIVIH est
formelle qu'elle était mue par « la volonté de mettre
fin aux violations massives et systématiques des droits de l'Homme qui
caractérisaient les anciennes forces de sécurité pendant
la période du
1 Micivih, 1996, p. 3.
60
Coup d'Etat... »1. La police
communautaire, par ses mesures préventives, marginalise la violation des
droits de l'Homme et donne une bonne image du pays en la matière.
La multiplication des surveillants de la
légalité est un autre facteur du respect accru des droits de
l'Homme. La nature des acteurs de la police communautaire est multisectorielle
et intègre les organismes et institutions tant étatiques que non
étatiques. Cette hétérogénéité
crée une inter surveillance des acteurs laquelle neutralise les
velléités de violation des droits de l'Homme surtout que cette
composition cosmopolite des structures de la police communautaire va de la base
au sommet. C'est d'ailleurs ce que recommande l'Office du Haut Commissariat des
Nations Unies aux Droits de l'Homme au sujet de la surveillance des droits de
l'Homme « À l'échelon national, leur application est
suivie
Par :
Les organismes et services du gouvernement concernés,
dont la police;
+ Les institutions nationales qui s'occupent des droits de
l'Homme, telles que la
Commission des droits de l'Homme ou un médiateur
(ombudsman);
+ Les organisations qui s'occupent des droits de l'Homme et
autres organisations non
gouvernementales (ONG);
+ Les tribunaux;
+ Le parlement;
+ Les médias;
+ Les associations professionnelles (de juristes, de
médecins, etc.);
+ Les syndicats;
+ Les organisations religieuses; et
+ Les centres universitaires. »2.
L'imputabilité des abus des droits de l'Homme aux
auteurs en dépit de leur qualité de fonctionnaire de police
participe également à un plus grand respect des droits de
l'Homme. En effet, non seulement de manière presqu'inconsciente les
populations savent qu'elles peuvent se plaindre en justice contre toute
personne qui leur fait grief ; mais également, la police communautaire,
elle-même, les sensibilise sur la connaissance de leurs droits.
Logiquement donc, tout violeur de droits de l'Homme, fut-il policier, doit
assumer les conséquences de ses
1 Id. p.3.
2 Office du Haut-commissaire des
Nations Unies aux Droits de l'Homme, 2003, p. 17.
61
actes. Cette épée de Damoclès accroit
indubitablement le respect des droits de l'Homme. MICIVIH, s'agissant de la
police haïtienne, se félicite d'une telle imputabilité
inscrite dans le code de déontologie qui punit même la
négligence de dénonciation d'un viol des droits de l'Homme dont
un policier est témoin: « D'autres dispositions du Code de
déontologie participent à la protection des droits de l'Homme
face à la police : il limite l'usage de la force et l'utilisation des
armes, interdit explicitement toute forme de traitement inhumain ou
dégradant (article 10), il prévoit la désobéissance
aux ordres manifestement illégaux (article 17), et l'obligation de
rendre compte. De plus, dans les cas de violence, traitement inhumain ou
dégradant des détenus, le code prévoit une sanction
disciplinaire pour des fonctionnaires qui sont témoins de tels abus
s'ils n'entreprennent rien pour les faire cesser ou négligent de les
porter à la connaissance de l'autorité compétente.
»1.
C'est le lieu de signaler qu'autant les pays redoutent
d'être traités de violeurs des droits de l'Homme, autant ils
souhaitent être qualifiés de pays démocratiques, autre
domaine où la police communautaire contribue significativement.
PARAGRAPHE 2: Une image démocratique
renforcée
La police n'est pas seulement, dans un pays, la vitrine du
respect des droits de l'Homme, elle l'est également en matière de
démocratie. Quels sont les critères d'une police dite
démocratique et qui renforce par conséquent l'image positive de
son pays dans ce domaine ? Pour répondre à cette question, nous
allons emprunter quelques unes des caractéristiques définies par
l'OSCE en 20092, pour les confronter brièvement à
l'approche de police communautaire pour dégager sa posture par rapport
à la démocratie. Notons déjà que l'OSCE
considère que « La police est la manifestation la plus visible
de l'autorité gouvernementale responsable de la sécurité
publique. »3.
En ce qui concerne les critères d'une police
démocratique, cinq ont été énoncés par
l'OSCE: la nature des objectifs de la police, le souci du respect d'un Etat de
droit, l'adéquation entre l'éthique policière et les
droits humains, l'obligation de la police de rendre compte et d'opérer
dans la transparence et enfin, l'organisation et la gestion de la police. S'il
est superfétatoire de revenir sur les deuxième et
troisième de ces critères sur lesquels nous venons longuement de
nous étaler au paragraphe précédent notamment par
l'illustration du code de
1 Micivih, 1996, p.10.
2 OSCE, Guide pour une police
démocratique, DCAF, Genève, 2009.
3 OSCE, 2009, p. 8.
62
déontologie de la police haïtienne, il nous semble
en revanche pertinent d'examiner les trois autres.
Prenons l'organisation et le mode de gestion de la police
communautaire, nous avons, depuis le début de notre réflexion,
suffisamment démontré qu'ils sont participatifs et
relèvent de la gouvernance sécuritaire qui mutualise les acteurs
étatiques et non étatiques. Bref, comme le prévoient les
principes démocratiques, la police communautaire est l'émanation
du peuple.
S'agissant de l'obligation de rendre compte et de travailler
en toute transparence, on a qu'à revisiter la doctrine de Robert Peel en
la matière. Son principe numéro 5 est clair : « Obtenir
et conserver l'approbation du public, non en flattant l'opinion publique, mais
en servant toujours de façon absolument impartiale la loi, en toute
indépendance par rapport à la politique et sans se soucier de la
justice ou de l'injustice du fond des différentes lois; en proposant ses
services et son amitié à tous les membres du public, sans
considération pour leur richesse ou leur position sociale; en
étant courtois et amical en n'hésitant pas à se sacrifier
quand il s'agit de protéger et de préserver la vie.
»1. Fréderic Diaz et Daniel Desbiens trouvent
même que rendre des comptes est l'un des traits caractéristiques
de la police communautaire « Dans le modèle communautaire, la
police deviendrait une institution qui devrait rendre des comptes autant au
niveau de sa hiérarchie qu'au niveau de la population.
»2.
Enfin au sujet des objectifs de la police démocratique,
l'OSCE évoque le maintien de la tranquillité et l'ordre publics;
la protection et le respect des droits et des libertés fondamentaux de
la personne; la prévention et la lutte contre la criminalité, le
service et l'assistance à la population. Ici encore, les principes de
Peel, vont au-delà et insistent particulièrement sur la
prévention.
Bref, c'est par cette déclaration de Jean Louis Del
Bayle qu'on peut résumer la contribution de la police communautaire dans
le cadre de ce paragraphe « ...dans le contexte des
sociétés démocratiques, le discours dominant tend, comme
on l'a vu, à valoriser positivement l'orientation « communautaire
» que l'on vient d'évoquer... »3. C'est dire
que le Cameroun qui, de part les orientations politiques du congrès
créateur du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais en
1985 à Bamenda et les lois libérales du 19 novembre 1990, a
adopté la démocratie ; pourrait accroitre davantage la
lisibilité de cette dernière en intégrant l'approche
1 Service de la Prévention de la
Criminalité en coll. Avec le CIPC, 2000, p. 4.
2 Diaz et Desbiens, 2011, p. 5.
3 Loubet Del Bayle, 2008, 105.
63
communautaire à sa sécurité. Avec autant
d'avantages sécuritaires et les non sécuritaires
déjà examinés, comment la vie économique d'un pays
ayant jeté son dévolu sur la police communautaire ne s'en
ressentirait-elle pas positivement ?
PARAGRAPHE 3: Un environnement propice au
développement des activités économiques.
Il existe une interdépendance évidente entre la
sécurité et l'économie. Toutefois, la
sécurité étant au centre des préoccupations de
notre étude, ce paragraphe se penche sur les rôles
général et spécifique que joue la sécurité
et notamment l'approche communautaire pour favoriser le développement
économique.
Dans sa fonction générale, les activités
économiques ordinaires, ne prospèrent que dans un climat
globalement paisible. Or c'est justement cet environnement que la police
communautaire crée, par ses actions préventives sur les
mouvements sociaux, les actes courants de banditisme et le sentiment
d'insécurité. Paul Pondi dit à propos que «... la
paix publique et le calme social créent un climat de
sécurité facilitant la multiplication des contacts et contrats
commerciaux, la construction et la production des entreprises.
»1.
En d'autres termes, les investisseurs tant nationaux
qu'étrangers, ne s'accommodent pas des incertitudes dues à un
climat d'insécurité et d'instabilité qui hypothèque
la rentabilité des capitaux à déployer pour faire tourner
une économie. C'est ici qu'intervient la sécurité au sein
de laquelle l'approche de police communautaire, qui offre davantage de gages
pour une police citoyenne, se présente comme un catalyseur de
l'économie.
Dans sa fonction spécifique, la police doit
défendre l'économie nationale contre certaines menaces qui sont
de nos jours plus que d'actualité. Parmi celles-ci, on peut citer
à titre indicatif :
? L'intelligence économique entendue comme la
maîtrise et la protection de l'information stratégique pour tous
les acteurs économiques ;
? Le blanchiment des capitaux considéré comme
une activité criminelle ayant pour but de dissimuler, d'obscurcir
l'origine illicite d'un bien pour permettre à son auteur d'en jouir en
toute légalité voire le fructifier ;
? Les dérives diverses à l'instar de la
contrefaçon et la concurrence déloyale ;
1 Pondi, 1988, p. 35.
64
? Les trafics divers tels les êtres humains, la
drogue... Bref, pour emprunter la terminologie de Paul Pondi, il s'agit d'une
mission de « ... la défense de l'économie contre les
entreprises de sabotage et d'espionnage. »1.
Or, le meilleur moyen de lutte contre ces menaces est le
renseignement qui, comme nous l'avons démontré plus haut, se
trouve au sein de la population et la police communautaire, par son immersion
sociale, présente plus de chances d'efficacité et d'efficience
pour les combattre.
En somme, un plus grand respect des droits de l'Homme, le
renforcement de l'image démocratique et la création d'un
environnement propice au développement des activités
économiques sont parmi les avantages non sécuritaires les plus
représentatifs. Eu égard à ce qui précède,
pourquoi ne donc pas envisager le processus d'internalisation de la police
communautaire au Cameroun ?
1 Pondi, 1988, p. 17.
CHAPITRE QUATRIEME:
LE PROCESSUS D'INTERNALISATION DE LA
POLICE COMMUNAUTAIRE AU CAMEROUN
65
La police communautaire a beau avoir des principes originaux,
un environnement d'épanouissement propice dans un pays, des avantages
multiples et pertinents ; il n'en demeure pas moins qu'elle n'est qu'une
approche ou une philosophie sécuritaire parmi d'autres. En clair, son
adoption ou non dans un pays, est une décision souveraine qui
relève de la volonté des hautes autorités de l'Etat
concerné. L'ambition de ce chapitre n'est donc pas de dicter, puisqu'il
est consacré particulièrement au contexte camerounais,
l'internationalisation de cette réforme à la Sûreté
Nationale, mais de suggérer les étapes possibles à suivre
au cas où une telle mesure serait envisagée. Dans cette
perspective, deux groupes d'actions nous semblent indiqués : les actions
administratives et les actions opérationnelles.
SECTION I: DES MESURES ADMINISTRATIVES
Il est de notoriété publique que pour augmenter
les chances de réussite d'un projet, la réflexion
précède l'action. Le processus d'internalisation de la police
communautaire n'échappe pas à cette maxime. Par mesures
administratives, nous voulons désigner toute l'ingénierie
relative à la conception du projet que nécessite la mise en
oeuvre de l'approche communautaire dans un pays. En clair, quelles sont les
dispositions préparatoires à prendre avant la phase
d'opérationnalisation de la réforme communautaire de la police ?
Sans être exhaustif, nous en avons dégagées trois : une
politique de police communautaire à définir, des ressources
appropriées à prévoir et des activités
opérationnelles à préparer.
Paragraphe 1: Une politique de police communautaire
à définir
D'une manière générale, deux approches
policières de lutte contre l'insécurité existent
auxquelles il faut ajouter les combinaisons éventuelles : la police
d'ordre et la police communautaire. L'Office des Nations Unies contre la Drogue
et le Crime résume ces approches en ces termes : « Les
approches de l'action policière varient selon qu'elles sont
fondées sur un degré élevé de contrôle,
parfois caractérisé par un affrontement, ou qu'elles mettent
l'accent sur les avantages d'une approche reposant sur l'assentiment du public.
Les approches du premier
66
type sont habituellement très, essentiellement
réactives et de type militariste. Les approches du deuxième type
peuvent certes être centralisées, mais l'action policière
est considérée comme devant être adaptée à la
situation des communautés locales pour identifier et régler les
problèmes qui se posent. »1.
Parlant de l'internalisation de la police communautaire, sa
vision générale doit être consignée dans un document
qui peut prendre des formes variées : un acte législatif, une
ordonnance, un acte réglementaire... Quelle que soit sa nature, ce
document de politique de police communautaire doit se prononcer, en termes
d'orientations générales, sur plusieurs questions, entre autres
:
? L'opportunité de la réforme.
Depuis les indépendances ou même avant, la police a
fonctionné sur la base d'une philosophie dont il faut justifier, parfois
à travers un état des lieux qui souligne les limites de
l'existant, la nécessité de la réforme. Pour le cas de la
Sûreté Nationale, cette opportunité peut avoir pour base
les limites patentes du système de sécurité en vigueur que
nous avons déjà développées auxquelles on peut
ajouter des spécificités que nous avons éludées
;
? La nature de l'approche communautaire. Deux
options sont possibles ici, soit on remplace simplement l'approche de police
d'ordre par l'approche communautaire, soit cette dernière devient un
complément de la première avec les conséquences induites
par la coexistence. Car comme l'affirme la politique canadienne en la
matière, il est envisageable pour un pays de voir que «
L'approche communautaire ne remplace pas l'action policière
traditionnelle de nature réactive, qui demeure toujours
nécessaire. »2. Pour nous, la deuxième
option serait la plus indiquée pour la Sûreté Nationale
pour la simple raison que la police communautaire est plus efficace pour la
petite délinquance et pour la grande criminalité, ne peut jouer
un rôle déterminant que par la collecte du renseignement ;
? La définition et les objectifs de la nouvelle
approche. Il s'agit de donner une définition claire de la
nouvelle doctrine pour en faciliter la compréhension par tous et
éviter des interprétations approximatives qui peuvent plomber sa
mise en oeuvre. A ce propos, la politique canadienne, évoquant les
difficultés d'implantation de la police communautaire
1 Office des Nations Unies Contre la Drogue et le
Crime, 2008, p. 1.
2 Ministère de la Sécurité
Publique, 2000, p. 11.
67
déclare qu'« une compréhension souvent
partielle des principes à la base de l'approche communautaire, ...
conduit à les appliquer de façon tout aussi partielle;
»1.
Les objectifs doivent aussi être clairement
fixés. Pour Fréderic Diaz et Daniel Desbiens, ces objectifs se
résument au rapprochement avec la communauté et la
résolution des problèmes « Si l'on ne s'attache qu'aux
appareils policiers d'Amérique du Nord depuis le début des
années 1980, plusieurs « visages » de cette police peuvent
être dégagés et regroupés autour de deux programmes
de réforme : la police de communauté et de résolution...
»2.
Dans le même sillage, la politique canadienne retient la
performance et le rapprochement « Les objectifs poursuivis sont non
seulement de faire en sorte que les organisations policières soient plus
performantes, mais aussi qu'elles se rapprochent de la communauté avec
la communauté. »3. Dans tous les cas, le pays est
libre de fixer les objectifs, l'essentiel étant que ceux-ci soient
clairs et ne s'écartent pas des principes de la police communautaire. La
Sûreté Nationale pourrait combiner les trois objectifs ci-dessus
évoqués ;
? Le choix des principes clefs de fonctionnement.
Le fondateur de l'approche communautaire a énoncé neuf
principes qui sous-tendent l'action de la police communautaire que nous avons
développés plus haut. Le pays doit, à défaut de les
adopter tous, choisir ceux sur lesquels il entend mettre l'accent. D'une
manière générale, les politiques s'accordent sur le
rapprochement avec la population, le partenariat avec d'autres acteurs, la
décentralisation et le renforcement des mesures préventives. Pour
nous, ces quatre principes nous semblent pertinents pour faire ressentir
l'approche communautaire à la Sûreté Nationale ;
? Le choix des stratégies, des modes d'action
et des acteurs. Nous avons abordé, plus haut, chacun de ces
aspects et démontré qu'ils comportaient tous un large
éventail d'options. L'important ici est de recommander que la politique
générale doit circonscrire chacun de ces domaines de sorte que
concomitamment, l'adaptabilité au contexte communautaire soit
préservée tout en s'inspirant d'un cadre de
référence existant. En outre, s'agissant des acteurs, il serait
souhaitable de définir leurs contributions respectives
escomptées. Pour nous, la Sûreté Nationale devrait ici,
être indicative et non limitative ;
? La définition d'une organisation
policière conséquente. Il est difficile de tirer le
nouveau vin avec les vieilles outres, pour emprunter la terminologie biblique.
Autrement
1 Ministère de la Sécurité
Publique, 2000, p.25.
2 Diaz et Desbiens, 2011, p. 1.
3 Ministère de la Sécurité
Publique, 2000, p. 18.
68
dit, l'adoption de l'approche communautaire s'accompagne d'une
structuration des services allant des niveaux stratégique, au tactique
en passant par l'opératif avec une définition des attributions
flexibles faisant du niveau tactique, la cheville ouvrière de tout le
dispositif.
A ce sujet, déjà à la Présidence
de la République, le Conseil National de Sécurité (CNS)
pourrait impulser cette approche en l'intégrant dans ses orientations
générales. Puis, au sein de la Délégation
Générale à la Sûreté Nationale on
créerait un Comité National Sectoriel de Sécurité
pour la Sûreté Nationale (CNSS-SN) pour la conception et la
coordination nationales. Ensuite, on aurait les Comités Régionaux
et Départementaux de Sécurité (CRS ou CDS) chargés
de la coordination et des ajustements nécessaires à leurs niveaux
respectifs. Enfin, le Comité Municipal de Sécurité (CMS)
avec ses démembrements à développer à la
deuxième section de ce chapitre, seraient des structures tactiques de la
police communautaire;
? Les gages de réussite. Le
Gouvernement doit rendre claire, sa détermination de voir la
réforme réussir par l'expression de certains gages à
l'instar de la promotion soutenue de la nouvelle approche, la définition
des critères d'efficacité et le dégagement des ressources
nécessaires.
Conseil National de Sécurité
(CNS)
Délégation
Générale à la Sûreté
Nationale (DGSN)
Comité National Sectoriel de
Sécurité pour la Sûreté Nationale
(CNSS-SN)
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
Régional de
|
|
Régional de
|
|
Régional de
|
|
Régional de
|
|
Régional de
|
|
Régional de
|
|
Régional de
|
|
Régional de
|
|
Régional de
|
|
Régional de
|
Sécurité (CRS)
|
|
Sécurité (CRS)
|
|
Sécurité (CRS)
|
|
Sécurité (CRS)
|
|
Sécurité (CRS)
|
|
Sécurité (CRS)
|
|
Sécurité (CRS)
|
|
Sécurité (CRS)
|
|
Sécurité (CRS)
|
|
Sécurité (CRS)
|
du Littoral
|
|
du Nord-Ouest
|
|
du Sud-ouest
|
|
du Sud
|
|
de l'Est
|
|
du Centre
|
|
de l'Ouest
|
|
de l'Adamaoua
|
|
du Nord
|
|
de l'Extrême-
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Nord
|
Comité
|
Comité
|
|
Comité
|
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
|
Comité
|
Départemental de
|
Départemental de
|
|
Départemental de
|
Départemental
|
|
Départemental
|
|
Départemental
|
|
Départemental
|
|
Départemental
|
|
Départemental
|
|
Départemental
|
Sécurité (CDS) de
|
Sécurité (CDS) de
|
|
Sécurité (CDS) du
|
de Sécurité
|
|
de Sécurité
|
|
de Sécurité
|
|
de Sécurité
|
|
de Sécurité
|
|
de Sécurité
|
|
de Sécurité
|
la Haute Sanaga
|
la Lékié
|
|
Mbam et Inoubou
|
(CDS) du Mbam
|
|
(CDS) de la
|
|
(CDS) du
|
|
(CDS) de la
|
|
(CDS) Nyong et
|
|
(CDS) Nyong et
|
|
(CDS) Nyong et
|
|
|
|
|
et Kim
|
|
Mefou et
|
|
Mfoundi
|
|
Mefou et
|
|
Kellé
|
|
Mfoumou
|
|
So'o
|
|
|
|
|
|
|
Afamba
|
|
|
|
Akono
|
|
|
|
|
|
|
Comité municipal
|
|
Comité municipal
|
|
Comité municipal
|
|
Comité municipal
|
|
Comité municipal
|
|
Comité municipal
|
|
Comité municipal
|
de sécurité de
|
|
de sécurité de
|
|
de sécurité de
|
|
de sécurité de
|
|
de sécurité de
|
|
de sécurité de
|
|
de sécurité de
|
l'arrondissement
|
|
l'arrondissement
|
|
l'arrondissement
|
|
l'arrondissement
|
|
l'arrondissement
|
|
l'arrondissement
|
|
l'arrondissement
|
de Yaoundé 1
|
|
de Yaoundé 2
|
|
de Yaoundé 3
|
|
de Yaoundé 4
|
|
de Yaoundé 5
|
|
de Yaoundé 6
|
|
de Yaoundé 7
|
Figure 1: Maillage de la Police Communautaire au niveau
national
69
70
PARAGRAPHE 2: Des ressources appropriées à
prévoir
La politique générale ainsi définie a
besoin des ressources humaines, matérielles et financières pour
être implémentée. Avant de rentrer dans le
développement spécifique de ces ressources pour la police
communautaire à la Sûreté Nationale, il convient de faire
une remarque, peut-être osée et ne relevant pas de notre
compétence, sur cette question au niveau national.
En effet, il est aisé de constater, au-delà des
administrations spécialisées comme la Douane ainsi que les Eaux
et Fôret, une multiplication des corps de sécurité source
de dispersion des ressources, de conflits inutiles de coexistence, de
harcèlement de la population et pour couronner le tout,
d'efficacité et d'efficience très discutables. Plus
concrètement, pour presqu'une même mission de
sécurité au sens strict de sécurité
intérieure, on a la Gendarmerie Nationale rattachée au
Ministère Délégué à la Présidence de
la République chargé de la Défense ; la
Sûreté Nationale ; la Protection Civile qui relève du
Ministère de l'Administration Territoriale et bientôt, si ce n'est
même pas déjà une réalité dans certaines
collectivités décentralisées, la police municipale dont le
cadre juridique est effectif, sera créée et organisée.
En conséquence, à l'observation directe, on assiste
aux spectacles où pour ne citer que quelques exemples :
? A Yaoundé, avant son déménagement pour
Mimboman, la Sûreté Nationale crée le commissariat de
sécurité publique du seizième arrondissement et l'implante
à Nkolmesseng ; quelques temps après, la Gendarmerie Nationale
installe une brigade juste en face du commissariat, alors que l'unité
administrative du cinquième arrondissement étant vaste, on aurait
dû se soucier d'une plus grande couverture sécuritaire en logeant
la nouvelle structure ailleurs. Le même scénario prévaut
à Douala, à Bonaberi juste après le pont du Wouri en
venant du rond point Deido ;
? A Yaoundé toujours, en termes de contrôle
routier, entre le carrefour sous-manguiers et le chef-lieu de l'arrondissement
de Nkol-afamba, 10 kilomètres environ, il y a au moins quatre postes de
contrôle : la mairie juste après le dixième arrêt,
les Eaux et Forêt, après la station Tradex, une équipe
mixte police-gendarmerie avant le carrefour Mfié-yop et à deux
cents mètres plus loin, la brigade routière de la gendarmerie.
En somme, au lieu de cette superposition de corps de
métier qui se chevauchent dans leurs activités et qui
éparpille les modestes moyens de l'Etat par les structures
parallèles, il serait
71
souhaitable de procéder à leur regroupement par
affinité de compétence pour accroitre les ressources
consacrées à une cause et fédérer davantage les
efforts et les acteurs.
Après cette parenthèse et pour revenir aux
ressources de la police communautaire, il faut en dire qu'elles relèvent
de la gouvernance sécuritaire et sont par conséquent de deux
ordres quelle que soit leur nature :
? Les ressources étatiques. La
sécurité est avant tout une attribution régalienne et
à ce titre, relève de la compétence de l'Etat qui doit
totalement fournir les ressources humaines, matérielles et
financières nécessaires à la prise en charge de la
sécurité en général et singulièrement de la
police communautaire. Il s'agit notamment des policiers bien formés, du
budget de fonctionnement, des moyens roulants tels les voitures, les motos, les
vélos ; des locaux mobiles ou fixes ; des fournitures de bureau ; du
matériel de transmission ...
Malheureusement et notamment dans les pays en voie de
développement, les ressources de l'Etat sont souvent très
limitées parfois à des degrés insoupçonnables ;
d'où le caractère avantageux de la police communautaire qui, du
fait de sa double nature participative et multi partenariale, offre un autre
type de ressources ;
? Les ressources non étatiques. Ils
sont, en dépit de leur caractère aléatoire, très
diversifiées en source, qualité et quantité. En source,
elles peuvent provenir des institutions paraétatiques, des
collectivités décentralisées, des entreprises
privées, des organismes non gouvernementaux, des particuliers... En
qualité, elles peuvent être en termes d'expertise, de
bénévolat, de liquidité, en nature... En quantité,
la relativité est de règle, la donation résultant du
volontariat.
Dans tous les cas, au cours des premières années
de lancement du processus d'internalisation de la police communautaire, l'Etat
doit être préparé à consentir plus de sacrifice en
attendant que l'appropriation du concept ne se généralise et que
les bonnes volontés ne commencent à se manifester. La politique
générale et la mise à disposition des ressources ne sont
pas les seules mesures à prendre en termes administratifs, il faut aussi
y ajouter la préparation de certaines activités
opérationnelles.
72
PARAGRAPHE 3: Des activités opérationnelles
à préparer Elles sont très variées :
? La conception des guides de référence.
Il en faut au moins trois : un guide de formation, un guide pratique
de l'agent de police communautaire, un répertoire des difficultés
d'implantation de la police communautaire.
Le premier se justifie par la nécessité de
démocratiser la nouvelle reforme tant au sein du corps de la police que
des partenaires potentiels à y impliquer. Le guide doit définir
les contenus des formations longue ou courte, ceux des séminaires et des
conférences. Il doit par ailleurs établir un chronogramme des
activités et faire des estimations en termes de coût.
Le second doit être envisagé comme une
espèce d'aide mémoire de l'agent de police
communautaire. Bien qu'une large marge d'initiative, une
polyvalence professionnelle et une capacité accrue d'adaptation au
contexte soient exigées à ce dernier, le guide doit baliser la
voie à l'agent de police pour éviter des extrapolations
préjudiciables au cadrage du concept de police communautaire. Le guide
doit contenir un bref résumé de la procédure
d'implantation d'une unité de base de police communautaire, la conduite
de l'identification des acteurs et des besoins sécuritaires locaux...
Le troisième document doit psychologiquement
préparer l'agent de police communautaire à ne pas s'attendre
à être accueilli comme un messie. Au contraire, il devrait faire
face à beaucoup de difficultés auxquelles il devrait être
sensibilisé pour ne pas céder au découragement. Au besoin,
le document lui ferait des suggestions quant à la manière de
gérer les problèmes opérationnels.
? La préparation et l'organisation des
consultations. Le projet de police communautaire peut certes
être conçu par les technocrates, mais à partir de son
statut de projet, il devrait porter déjà les marques de sa nature
communautaire en intégrant, par diverses consultations, les observations
pertinentes d'autres experts. De sorte que la mouture finale soit un consensus
et ait beaucoup de chances de réussir dans son implémentation.
? L'élaboration d'un plan de lancement graduel
des activités. Une réforme de cette envergure ne devrait
pas dès son départ être lancée sur l'ensemble du
territoire. Il est indiqué qu'elle démarre par une phase pilote
au cours de laquelle, l'expérimentation de la nouvelle reforme est
conduite dans des localités pertinemment choisies pour
73
permettre, par des leçons tirées à
l'issue de l'évaluation, de corriger la mouture du projet à
vulgariser sur l'ensemble du territoire.
? L'élaboration d'un plan de campagne
médiatique. Pour réduire à leur expression la
plus simple, les résistances à toute innovation, les
bénéficiaires doivent en être préalablement bien
informés voire bien imprégnés. La réforme de la
police communautaire ne devrait pas se soustraire à cette pratique qui
se fait à travers les médias de divers supports pour augmenter
les chances d'atteindre les cibles du projet. IL est donc recommandé de
concevoir une bonne campagne médiatique pour atteindre cet objectif.
D'ailleurs, la Sûreté Nationale dispose à cet effet d'une
cellule de communication et des relations publiques animée par des
professionnels.
? Le recadrage juridique. Dans un contexte
où a longuement prévalu la police d'ordre, l'introduction de
l'approche communautaire peut nécessiter la révision de
l'environnement juridique. Cette révision n'a pas pour but de remettre
en cause les principes fondamentaux du droit car comme Georges Levasseur et
autres, dans la recherche de la différence entre les actions publique et
civile l'affirment, « ... l'action publique est d'ordre public, il
n'est donné à personne d'y renoncer ; le ministère public,
à qui est confié son exercice... n'en a pas la disposition et ne
peut transiger à son sujet (sauf exceptions prévues par la loi)
... l'action civile est dans le patrimoine privé de la victime ;
celle-ci peut y renoncer ou transiger à son sujet.
»1.
En revanche, une relecture de certains textes à
l'instar des textes organiques de la Sûreté Nationale, voire les
codes pénal et de procédure pénale, peut s'avérer
utile pour accompagner la réforme communautaire de la police.
Ce n'est qu'après une bonne préparation
intellectuelle, par le biais des outils sus évoqués, que la phase
d'opérationnalisation peut être envisagée.
SECTION II: LES MESURES OPERATIONNELLES :
FONCTIONNEMENT TYPE D'UNE UNITE TACTIQUE DE POLICE COMMUNAUTAIRE
Dans le cadre de cette section, nous aurions pu uniquement
indiquer les étapes à suivre sans un cas pratique. Notre section
aurait alors été intitulée simplement les mesures
opérationnelles. A cette éventualité, nous avons
préféré celle qui fait d'une pierre deux coups.
1 Levasseur et autres, 1994, p. 106.
74
Autrement dit, indiquer le processus à travers un cas
pratique par le biais de trois phases : le maillage territorial affiné ;
la déclinaison des missions ; la collecte des informations, la
coexistence des actions préventives et répressives
Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous voulons rappeler que
notre réflexion se situe dans une logique à deux volets : une
réforme globale du secteur de la sécurité ou interne de la
Sûreté Nationale avec pour dénominateur commun
d'éviter l'éparpillement des ressources. Dans le premier cas, une
administration unique, à l'instar d'un Ministère de la
Sécurité, pourrait être créée pour fusionner
les structures telles la Protection Civile, la Gendarmerie Nationale, la
Sûreté Nationale lesquelles auraient alors des
démembrements uniques allant jusqu'aux municipalités, rendant
ipso facto inopportune la création de la police municipale. En outre,
ces démembrements seraient plus étoffés en ressources et
mieux armés pour faire face efficacement aux défis
sécuritaires.
Dans le second cas, c'est-à-dire purement interne
à la Sûreté Nationale, pour nous, la création des
unités devrait épouser la configuration administrative et la
nature des unités locales policières pourrait être
réduite au strict minimum tout en préservant ces
spécificités au sein des unités qui vont survivre au
regroupement. Ces dernières seraient plus étoffées en
ressources, plus polyvalentes, mieux coordonnées et davantage à
la hauteur de leurs tâches que lorsqu'elles sont
éparpillées et sous équipées.
Pour mieux nous faire comprendre, au lieu d'avoir dans un
arrondissement unique ou une ville à plusieurs arrondissements
administratifs, beaucoup de commissariats en qualité et en
quantité dont les circonscriptions ne correspondent pas forcément
à celles de l'Administration Territoriale et que ceux-ci aient chacun
des effectifs très modestes rendant insignifiant l'impact de l'action de
la police au sein de la population ; autant avoir un commissariat par
arrondissement mais polyvalent et structuré au maximum des effectifs
conformément à l'article 7 du décret numéro
2012/540 du 19 novembre 2012 portant organisation de la
Délégation Générale à la Sûreté
Nationale qui énonce que «Les effectifs de la
Sûreté Nationale peuvent être constitués en
unités opérationnelles ainsi qu'il suit :
? Brigade : 7 à 12 hommes
? Section : 3 brigades au minimum
? Compagnie : 2 sections au minimum
? Groupement : 2 compagnies au minimum... »
Groupement
Compagnie
Compagnie
Section
Section
Brigade de 7 à 12 hommes
Brigade de 7 à 12 hommes
Brigade de 7 à 12 hommes
75
Figure 2: Structure des effectifs d'une
unité opérationnelle de la Sûreté Nationale selon
l'article 7 du décret n°2012/540 du 19 novembre 2012 portant
organisation de la délégation générale à la
sureté nationale
76
Dans cette perspective, dans une ville de moindre importance
en termes de population ou de superficie, on se limiterait à ces minima
tandis que dans un arrondissement administratif de grande importance, le
commissariat pourrait comprendre trois compagnies composées chacune de
trois sections subdivisées en quatre brigades soit un effectif total de
quatre cent trente deux policiers. Dans tous les cas, on intégrerait,
selon le besoin, les spécificités aujourd'hui éparses :
administration, intervention rapide, police judiciaire, circulation, escorte,
maintien de l'ordre, poste d'identification et les renseignements
généraux. Cette dernière spécialité peut
donc explicitement être chargée de la police communautaire et
implicitement de sa mission habituelle selon un maillage territorial
affiné ci-dessous décrit.
PARAGRAPHE 1: Le maillage territorial affiné
La police communautaire est celle qui prend principalement
soin des citoyens et son déploiement territorial en est l'un des
éléments de démonstration. Pour nous, l'arrondissement
administratif devrait avoir un commissariat couvrant toute la circonscription
et intégrant une architecture de police communautaire structurée
ainsi qu'il suit :
L'unité de base, appelée poste de police
communautaire (PPC), couvrirait dix maisons ou concessions et aurait à
sa tête, un bénévole qui en assurerait la supervision ;
? Cinq ou dix postes de police communautaire, selon la
géographie ou la densité de la population, constitueraient une
zone de police communautaire (ZPC), sous la coordination d'un comité
zonal de sécurité (CZS) ;
? Selon les mêmes critères que ci-dessus, entre
cinq et dix zones de police communautaire formeraient un quartier de police
communautaire (QPC) chapeauté par un comité de
sécurité du quartier (CSQ) ;
? Un arrondissement administratif aurait autant de quartiers
de police communautaire que possible supervisés par le comité
municipal de sécurité (CMS).
Chacune de ces structures de supervision aurait un bureau et
ses réunions seraient élargies aux acteurs dont l'expertise
s'avèrerait nécessaire par rapport à l'ordre du jour.
Comité municipal de sécurité
(CMS)
Quartier de police
|
|
Quartier de police
|
|
Quartier de police
|
|
Quartier de police
|
|
Quartier de police
|
communautaire
|
|
communautaire
|
|
communautaire
|
|
communautaire
|
|
communautaire
|
(QPC)
|
|
(QPC)
|
|
(QPC)
|
|
(QPC)
|
|
(QPC)
|
Comité de sécurité du quartier
(CSQ)
Zone de police communautaire (ZPC)
Zone de police communautaire (ZPC)
Zone de police communautaire (ZPC)
Zone de police communautaire (ZPC)
Zone de police communautaire (ZPC)
Zone de police communautaire (ZPC)
Zone de police communautaire (ZPC)
Zone de police communautaire (ZPC)
Zone de police communautaire (ZPC)
Zone de police communautaire (ZPC)
Comité Zonal de sécurité
(CZS)
Poste de police communautaire (PPC)
Poste de police
|
Poste de police
|
Poste de police
|
|
Poste de police
|
Poste de police
|
|
Poste de police
|
Poste de police
|
|
Poste de police
|
Poste de police
|
communautaire
|
communautaire
|
communautaire
|
|
communautaire
|
communautaire
|
|
communautaire
|
communautaire
|
|
communautaire
|
communautaire
|
(PPC)
|
(PPC)
|
(PPC)
|
|
(PPC)
|
(PPC)
|
|
(PPC)
|
(PPC)
|
|
(PPC)
|
(PPC)
|
Bénévole
Maison
1
|
Maison
2
|
Maison
3
|
Maison
4
|
Maison
5
|
Maison
6
|
Maison
7
|
Maison
8
|
Maison
9
|
Maison
10
|
77
N.B : il y'a autant de QPC que possible
Figure 3: Maillage de la police communautaire au niveau d'un
arrondissement à prédominance urbaine
78
Par ailleurs, dans un arrondissement à
prédominance rurale, ces quatre niveaux de l'architecture
correspondraient respectivement :
? Au hameau ;
? Au village ;
? Au groupement de villages
? A l'arrondissement administratif.
Leurs organes dirigeants respectifs correspondraient au
bénévole, au comité zonal de sécurité, au
comité de sécurité du groupement (CSG) et au comité
municipal de sécurité. Pour assurer ce découpage, les
données du Bureau Central des Recensements et des Etudes de la
population et de l'Institut National de Cartographie seraient d'une importance
capitale.
Comité municipal de sécurité
(CMS)
Groupement de
|
|
Groupement de
|
|
Groupement de
|
|
Groupement de
|
|
Groupement de
|
police
|
|
police
|
|
police
|
|
police
|
|
police
|
communautaire
|
|
communautaire
|
|
communautaire
|
|
communautaire
|
|
communautaire
|
Comité de sécurité de groupement
(CSG)
Zone de police communautaire
Zone de police communautaire
Zone de police communautaire
Zone de police communautaire
Comité Zonal de sécurité
(CZS)
Zone de police communautaire
Zone de police communautaire
Zone de police communautaire
Zone de police communautaire
Zone de police communautaire
Zone de police communautaire
Poste de police communautaire
Poste de police communautaire
Poste de police communautaire
Poste de police communautaire
Poste de police communautaire
Poste de police communautaire
Poste de police communautaire
Poste de police communautaire
Poste de police communautaire
Poste de police communautaire
Bénévole
Hameau
1
|
Hameau
2
|
Hameau
3
|
Hameau
4
|
Hameau
5
|
Hameau
6
|
Hameau
7
|
Hameau
8
|
Hameau
9
|
Hameau
10
|
79
N.B : il y'a autant de Groupement de Police
Communautaire (GPC) que possible
a d
Figure 4: Maillage de la police communautaire au niveau d'un
arrondissement à prédominance rurale
police
80
En ce qui concerne la couverture territoriale par les agents
de police communautaire, de deux à six seraient suffisants pour une zone
de police communautaire selon que le système de travail serait
alternativement diurne et nocturne ou le 3/8 c'est-à-dire deux
équipes alternent en prises diurnes de huit heures de travail et la
troisième est nocturne.
Quant à l'implantation des locaux fixes ou mobiles,
selon les moyens, elle pourrait avoir pour base la zone ou le quartier de
police communautaire et son équivalent rural. Dans le chapitre des
moyens, chaque palier de l'architecture devrait disposer d'un registre de main
courante où toute information digne d'intérêt serait
consignée. C'est le lieu de signaler la place du vélo ou moto
pour pallier la patrouille pédestre lorsque la zone géographique
à couvrir est étendue. L'architecture de la police communautaire
ainsi décrite n'étant pas une fin en soi, elle pourrait
décliner les missions ci-dessous détaillées.
PARAGRAPHE 2: La déclinaison des missions
Après la réalisation physique du
découpage territorial sus évoqué, les missions diverses
peuvent en être attendues, entre autres :
? La sélection et la formation des
bénévoles et des membres des organes consultatifs locaux de
sécurité. Ce qui est communément admis des
institutions, à savoir qu'elles ne valent que par les hommes
chargés de les animer, vaut pour le maillage territorial affiné.
Ce dernier, beaucoup plus géographique ou sociologique, est certes
déterminant dans la mise en place de la police communautaire ; mais ne
peut produire à lui tout seul le changement escompté sans
l'apport d'une chaine d'acteurs. La base de cette chaine est constituée
des bénévoles qui, cohabitant d'un poste de police communautaire
et nanti de grandes qualités morales, accepte, sans attendre une
rémunération quelconque, de coopérer avec les
professionnels de la police au nom de toute la population de son ressort
territorial. A ce titre, il porte à la connaissance de la police : tout
fait inhabituel susceptible de perturber la paix et la tranquillité ;
les atteintes à l'ordre public et à la propriété.
En outre, il participe aux réunions des organes consultatifs de
sécurité et répercute les informations reçues
à sa communauté, la sensibilise ou la mobilise en cas de
nécessité, sous l'encadrement des professionnels. L'office des
Nations Unies contre la drogue et le crime justifie mieux l'existence des
bénévoles « Les gens qui vivent et travaillent au sein
d'une communauté sont généralement les premiers à
remarquer quelqu'un ou quelque chose d'inhabituel. Les programmes de
surveillance de quartier cherchent à exploiter cette
réalité en encourageant les résidents à s'organiser
pour
81
détecter toute activité suspecte et la
signaler à des agents de police spécialement
désignés à cette fin. »1.
Le deuxième maillon de la chaine du personnel est
constitué, au-delà des bénévoles, des autres
membres des organes consultatifs de sécurité,
généralement les acteurs importants ou représentatif du
corps social. En plus des taches dévolues aux bénévoles,
ces membres participent à la formulation du diagnostic et des solutions
aux problèmes sécuritaires locaux. Ils peuvent aussi etre
emmenés à prendre, dans leurs secteurs d'activité
respectifs, des mesures tendant à résoudre en amont, les
éventuels problèmes d'insécurité. Par exemple,
l'action des professionnels de la police peut amener les autorités
municipales à revoir leurs méthodes architecturales ainsi que
l'office des Nations Unies contre la drogue et le crime « Ces agents
sont-ils formés et disponibles pour donner des avis à la
communauté locale, aux autorités municipales et aux promoteurs
locaux concernant les méthodes de conception architecturale propres
à prévenir la délinquance? Il s'agit d'une approche qui a
pour but de concevoir et de construire un environnement "à l'abri de la
délinquance", c'est-à-dire un endroit où il soit
matériellement difficile de commettre une infraction.
»2.
Le dernier maillon de la chaine de personnel est naturellement
l'ensemble des agents de la police dont le professionnalisme, en dépit
du caractère inclusif de l'approche de police communautaire, doit
baliser, sous-tendre et encadrer les initiatives et actions d'une unité
de police communautaire. Ce maillon doit particulièrement jouer un
rôle important dans la conception des outils de sécurisation de
certaines structures à forte concentration humaine à l'instar des
écoles, des universités, des marchés, des gares
routières... Quel que soit le maillon, le personnel qui en fait parti
doit minutieusement être choisi et formé pour s'acquitter
convenablement de ses attributions.
? La constitution des bases de données
sociologiques. L'approche de police communautaire impose la
connaissance voire la maitrise des géographies physique et humaine de la
zone de compétence. Dans cette optique, chaque agent de police
communautaire doit non seulement être connu par la communauté mais
surtout, en collaboration, avec les bénévoles, constituer un
fichier des éléments sociologiques des membres de sa
circonscription. Prenons le cas d'un poste de police communautaire,
subtilement, les résidents, leur nombre total (si possible), les
origines, la nature des
1 Office des Nations Unies Contre la Drogue et le
Crime, 2008, p. 17.
2 Id. p.17.
82
occupations, la structure d'âge, la configuration de
l'habitat, bref les traits sociologiques doivent être connus par l'agent
de police en rapport avec leur incidence sur la sécurité.
? Le diagnostic de la sécurité locale.
L'objectif de cette rubrique est de dresser un état des lieux
de la criminalité locale qualitativement et quantitativement. Autrement
dit, il est question de connaitre la nature des problèmes
d'insécurité, la fréquence, l'intensité, les
victimes, les auteurs, les facteurs de risques de tout genre, le potentiel de
lutte contre l'insécurité. Il s'agit là d'une mission dont
tant les policiers, les bénévoles que les organes consultatifs de
sécurité doivent s'acquitter pour préparer l'analyse de
l'insécurité et les réponses à y apporter.
? L'analyse des problèmes de
sécurité, des moyens et des approches de solution. C'est
la principale fonction de chaque strate du dispositif de la police
communautaire qui est ainsi résumée. A base des données
sociologiques et celles du diagnostic de sécurité, cette mission
peut prendre la forme préventive ou curative. Dans sa première
version, chacun des organes consultatifs de sécurité doit,
localement et selon ses spécificités, analyser les risques
auxquels les membres de sa communauté sont exposés, la
stratégie et les techniques idoines nécessaires pour les
sensibiliser afin d'en obtenir l'annihilation ou la réduction de
l'occurrence des actes criminels. Dans la deuxième formule, en
dépit des efforts de prévention, un comportement
délinquant a néanmoins lieu, la structure de coordination doit en
prendre acte et ne pas baisser les bras. Au contraire, elle doit initier toutes
les mesures immédiates et médiates pour respectivement
gérer ce cas concret et oeuvrer pour l'éradication durable de sa
cause.
L'évaluation de l'efficacité et de
l'efficience des solutions administrées. En concevant les
solutions envisagées aux problèmes locaux de
sécurité, il est souhaitable d'arrêter les critères
de leur efficacité et de leur efficience. Car, ainsi que l'affirme
l'office des Nations Unies contre la drogue et le crime, « Lorsque les
performances de la police sont gérées dans le contexte
d'objectifs préalablement fixés, l'évaluateur aura une
source d'information à laquelle il pourrait aisément se
référer pour porter un jugement sur la prestation des services de
police. »1. Il est en effet indispensable de disposer de
cet outil pour comparer la situation sécuritaire avant et après
la mise en oeuvre de la réforme communautaire de la police.
? La conduite quotidienne des affaires courantes.
Au-delà des taches fondamentales mais épisodiques que
nous venons d'examiner, le siège d'un maillon de l'organigramme
' Office des Nations Unies Contre la Drogue et le Crime, 2008, p.
6.
83
de la police communautaire doit assumer des missions courantes
au quotidien. Il s'agit, entre autres : de l'accueil physique des usagers ou la
réception de leurs appels téléphoniques pour recueillir
l'expression de leurs besoins, le traitement des demandes de service
reçues, les patrouilles de routine, la collecte des informations et des
renseignements, la rédaction des rapports et des correspondances
administratives, l'exécution des actions préventives de la
criminalité.
PARAGRAPHE 3: La circulation de l'information et la
coexistence des actions préventives et répressives
L'exercice de la police communautaire génère
à coup sûr un flux important d'information et de renseignement
dont il faut bien canaliser la circulation pour en maximiser l'exploitation.
Par ailleurs, en guise de rappel, nous avons recommandé plus haut la
coexistence des approches de police d'ordre et communautaire, toutefois,
comment rendre pratiquement cette cohabitation possible ou plutôt
harmonieuse ? Telles se présentent les préoccupations du
paragraphe.
S'agissant de la circulation de l'information, elle a un
double sens : de la population vers la police et vis-vers-çà.
Dans le premier cas et comme nous l'avons souligné
précédemment, c'est la population qui, elle-même, constate
un fait inhabituel, parfois anodin, mais pouvant avoir une incidence sur la
sécurité. Par exemple, le départ d'un résident
d'une concession ou l'arrivée d'un nouvel occupant dans une maison
peuvent sembler a priori insignifiants ; mais a postériori contribuer
à insécuriser le poste communautaire concerné d'où
la nécessité de consigner ces faits et bien d'autres dans la main
courante tenue par le bénévole pour le compte de ses cohabitant.
Il convient de faire autant pour les menaces de tout genre, les atteintes
à l'ordre public et à la propriété, des
évènements futurs qu'ils soient heureux ou malheureux. A titre
d'illustration, si une famille est frappée d'un deuil et tous ses
membres doivent se déplacer pour le village pendant tout le week-end,
une telle maison est exposée au cambriolage, l'agent de police
communautaire informé devrait renforcer les mesures de
sécurité pour prévenir les actes de cette nature. Si donc
le bénévole est efficace, objectif et exhaustif dans son travail,
l'agent de police communautaire trouvera, à son passage (deux fois au
moins par jour), une masse importante d'information et de renseignement au
point où, en parcourant les registres de main courante de sa zone de
police communautaire, il pourra, en un laps de temps, répercuter
à sa hiérarchie des données pertinentes pour la
sécurité. C'est d'ailleurs grâce à cette
méthode que nous affirmions
84
plus haut que dans le cadre de la lutte contre les menaces
asymétriques, la police communautaire facilitait la collecte du
renseignement.
Dans le second cas c'est-à-dire de la police vers la
population, la circulation de l'information peut prendre des formes diverses.
Il peut s'agir de la convocation d'une réunion restreinte ou
élargie, de la programmation d'une activité de police
communautaire, des consignes particulières de sécurité, de
modification d'un emploi de temps initialement arrêté de
manière concertée, de la communication des réajustements
instruits par un échelon supérieur... Dans tous les cas, que ce
soit pour le bénévole ou pour l'agent de police communautaire, le
registre de la main courante est une source indispensable d'information et de
renseignement qu'il faut consulter régulièrement et gérer
avec beaucoup de confidentialité. Il n'en demeure pas moins que d'autres
supports d'information puissent être envisagés selon les
contraintes du message à faire passer. La circulation de l'information
et du renseignement déteint inéluctablement sur la conduite
concomitante des actions préventives et répressives de la
police.
A ce sujet, deux options sont communément
prônées : la première veut que la police communautaire soit
focalisée sur la petite et moyenne délinquance et les mesures
purement préventives tandis que la police d'ordre se consacre à
la grande criminalité et aux mesures répressives en
conséquence les policiers sont spécialisés dans l'une ou
l'autre approche ; la deuxième encourage les policiers polyvalents et
donc qui peuvent d'une part, accomplir les missions préventives et
répressives ; d'autre part, qui, dans chaque approche, peuvent y
accomplir la plupart des spécialités qu'elle comporte.
Dominique Monjardet exprime mieux ces options « En
effet, la police de proximité bouscule les traits essentiels du
système de police français en affichant l'ambition de tourner la
police vers l'usager (plutôt que vers le sommet de la ligne
hiérarchique à Paris) et en introduisant la polyvalence (par
opposition à la spécialisation) comme base du fonctionnement des
services. »1. Entre ces deux options, laquelle
recommandons-nous pour mieux assurer la coexistence des actions
préventives et répressives ? Pour nous, cette coexistence peut se
manifester à travers, entre autres :
? L'unicité structurelle. Nous restons
fidèle à la logique de regroupement des services de la
Sûreté Nationale voire de la sécurité que nous avons
énoncée plus haut au lieu de l'émiettement actuel. C'est
donc à l'intérieur du commissariat de police de
1 Monjardet, 1996, p. 15.
85
l'arrondissement qu'une section ou plusieurs voire une
compagnie peut ou peuvent être chargée(s) des actions
préventives tandis qu'une autre ou d'autres serait ou seraient
dédiée(s) aux actions répressives ;
? L'unicité de commandement. Elle
découle de la vision organique d'un commissariat de police d'un
arrondissement que nous rappelons ci-dessus. La coordination de l'unité
est assurée par un responsable et des sous structures s'occupent
séparément des actions préventives et répressives
;
? La polyvalence fonctionnelle. Ce concept
doit être compris dans son ambivalence que nous avons
précédemment expliquée à savoir la capacité
pour un policier, d'une part, à travailler autant dans la police d'ordre
que dans la police communautaire et d'autre part, en se trouvant dans l'une ou
l'autre de ces approches, à assumer des compétences
variées. Pour mieux nous faire comprendre, prenons le cas pratique d'un
établissement scolaire secondaire, dans son fonctionnement quotidien, on
y a besoin des actions préventives donc de police communautaire. Ce qui
n'empêche pas l'agent de police y opérant, informé d'un cas
de délinquance mineure tel le vol de livres à la
bibliothèque, de se muer en enquêteur pour faire les constatations
d'usage, réunir les preuves, rechercher les auteurs et les
déférer au parquet. Le même agent de police, peut
recueillir des renseignements et rédiger des notes conséquentes
à sa hiérarchie. Ce policier est dit polyvalent à
l'intérieur de la police communautaire.
Par contre, si son action préventive n'a pas pu
étouffer l'éclatement d'une grève violente, il ne peut
plus maitriser les troubles à l'ordre public. Il cède sa place au
policiers d'ordre qui eux, vont mener les actions répressives à
cet effet. Ici encore, il n'est pas exclu que bien qu'investis d'une mission
répressive, ces policiers d'ordre utilisent des moyens pacifiques donc
de police communautaire à l'instar du dialogue, de la sensibilisation ou
de la négociation pour ramener l'ordre au lieu de la violence aveugle.
Si une telle perspective est concrétisée, ces policiers d'ordre
auront fait preuve de polyvalence dans la gestion de la grève des
pensionnaires de cet établissement scolaire.
En somme, la maitrise de la gestion de l'information et du
renseignement dans une unité de police communautaire est possible tout
comme la coexistence des approches de police d'ordre et de police
communautaire. Car, ainsi que l'affirme la politique ministérielle
canadienne, « L'approche communautaire ne remplace pas l'action
policière traditionnelle de nature réactive, qui demeure toujours
nécessaire. »1.
1 Ministère de la Sécurité
Publique, 2000, p. 11.
86
En conclusion, les mesures administratives et
opérationnelles que nous venons d'expliciter, avec la
perfectibilité inhérente à toute oeuvre humaine, peuvent
assurer une bonne implémentation de la police communautaire.
87
CONCLUSION GENERALE
Cette partie de notre travail a pour objectif de rappeler les
grandes lignes de la démarche suivie, d'exposer les données
heuristiques et d'ouvrir les horizons pour les travaux futurs ainsi que le
résument Raymond Quivy et Luc Campenhoudt (1995) « La
conclusion d'un travail de recherche social comprendra souvent trois parties :
tout d'abord, un rappel des grandes lignes de la démarche qui a
été poursuivie ; ensuite, une présentation
détaillée des apports de connaissance dont le travail est
à l'origine et enfin, des perspectives d'ordre pratique.
»1.
Ainsi, policier de profession et moulés à
l'école de la police d'ordre dans notre pays où nous accumulions
déjà une expérience professionnelle de seize années
; nous avons été fascinés, au cours d'une participation
à une mission de maintien de la paix au Darfour de 2006 à 2009
sous la bannière de l'Union Africaine et de l'Organisation des Nations
Unies, par la pratique de la police communautaire. Ce fut une grande
découverte qui suscita en nous une curiosité passionnée et
nous orienta vers les lectures pour mieux en comprendre les contours.
Quelle ne fût notre surprise de connaitre que non
seulement cette doctrine était très ancienne parce que son
élaboration, par Robert Peel, remontait en 1829 ; mais également
que son application était tellement répandue qu'elle avait
déjà embrasé l'Europe, l'Asie, l'Amérique, certains
pays africains et l'ONU en avait même fait un des leviers de sa
réforme post rapport Brahimi !
Dès lors, une question principale et lancinante nous
taraudait l'esprit : le système policier de notre pays, le Cameroun, et
notamment notre corps de métier, la Sûreté Nationale,
seraient-ils en déphasage avec l'adoption universelle de l'approche de
police communautaire ? Par ailleurs, nos lectures nous ont également
conduits à un double constat : le premier était qu'à
l'instar du Cameroun, la police d'ordre prévalait dans les pays ayant
adopté la police communautaire et la réforme - c'est le
deuxième - était motivée par la déliquescence de
l'environnement social, politique ou de l'approche sécuritaire en
vigueur. D'où la question secondaire qui nous taraudait l'esprit
à savoir, au regard du contexte camerounais, l'intégration de
l'approche de police communautaire dans la profession policière
était-elle opportune ?
1 Quivy et Campenhoudt, 1995, p. 247.
88
Notre retour à l'école, notamment au Master en
relations internationales à l'IRIC, nous a permis d'approfondir, par la
présente étude, les deux questions ci-dessus
évoquées qui ont donc été le fil conducteur ou
problématique de notre travail. Ce dernier a été
mené sur la base de deux hypothèses : l'internalisation de la
police communautaire au Cameroun et singulièrement à la
Sûreté Nationale est mitigée ; le contexte sociopolitique
et sécuritaire ainsi que les avantages à en tirer rendent
l'internalisation de la police communautaire opportune au Cameroun.
Pour ce faire, notre étude s'est appuyée sur un
cadre théorique soutenu à la fois par le structuralisme et le
fonctionnalisme ; des méthodes historique et comparative ; l'observation
directe, les entretiens ainsi que l'examen des documents comme outils de
collecte des données pour parvenir aux résultats obtenus.
D'une manière générale, ces derniers
confirment nos hypothèses de travail. Autrement dit, la police
communautaire n'est pas internalisée au Cameroun en dépit, non
seulement d'un contexte local favorable confirmé par la
vérification des indicateurs nationaux et internationaux ; mais
également des avantages sécuritaires et non sécuritaires
que cette nouvelle approche présente. D'où la recommandation de
l'adoption de cette réforme, non pas en remplacement de la police
d'ordre en vigueur, mais en complément avec les réajustements
administratifs et opérationnels qu'un tel processus impose et que nous
avons d'ailleurs indiqués.
Nous venons ainsi de jeter le pavé de la police
communautaire dans la marre camerounaise, la balle est désormais du
côté des décideurs et des chercheurs. Les premiers,
notamment ceux de notre corps de métier, pour apprécier la
pertinence et l'opportunité de nos recommandations en vue de leur
opérationnalisation ; les seconds, pour contribuer à
l'émergence de cette approche policière en peaufinant son
adaptation locale par une réflexion multiforme et enrichissante
89
90
A. OUVRAGES
1. OUVRAGES GENERAUX
+ Rousseau Jean-Jacques, 1762. Du
contrat social ou principes du droit
politique, université du Québec,
Chicoutimi, 82 P;
http://bibliotheque.uqac.uquebec. ca/ index.htm, page
consultée le 7 septembre 2014.
+ Bayley David, 1983. Vol.3 in
the Encyclopédia of crime and justice, traduit par Jean
Brodeur.
+ Berthelot Jean Marie, 1990.
L'Intelligence du social, Presses universitaires de France, Paris.
+ Lachapelle R. (2003).
L'Organisation communautaire en CLSC . cadre de
référence et pratiques, les Presses universitaires de Laval,
Québec, 293 p.
+ Biya Paul, 1987. Pour le
Libéralisme Communautaire, Pierre Marcel Fabre/ABC, Lausanne, 158
p.
+ Amougou Bernard, 2013. La
Pensée Politique de Paul Biya, Harmattan, 132 p. +
Quivy Raymond, Campenhoudt Luc 1995. Manuel de
Recherche en Sciences Sociales, Dunod, Paris, 247 p.
+ Hamadou Oumarou, 1998. Code
de lois pénales, Presse Universitaire d'Afrique, Yaoundé,
481p.
2. OUVRAGES SPECIALISES
+ Chalom Maurice et al, 2001.
Sécurité Urbaine et Bonne Gouvernance . le
Rôle de la Police, Centre international pour la prévention de
la criminalité, Montréal, 62 p.
+ Pondi Paul, 1988. La Police au
Cameroun . naissance et évolution, éd. Clé,
Yaoundé, 226 p.
+ Brodeur Jean Paul, 2003. Les
visages de la police . Pratiques et perceptions, Les Presses de
l'Université de Montréal, Montréal.
+ Bureau of Justice Assistance,
1994. Understanding Community Policing. A Framework for Action,
Bureau of Justice Assistance Response Center, Washington, 72 p.
+ Lavoie Jocelyne, Panet- Raymond Jean, 2011.
La Pratique de l'action
communautaire, 3e éd., presses de
l'université du Québec, Montréal.
+ Coutau-Begarie Hervé, 2003.
Bréviaire stratégique, Presses de L'Imprimerie de
Barnéoud, Bonchamp-Les-Laval, 96 P.
+ Service de Coopération Technique Internationale
de Police (SCTIP), 1966. La Sécurité Publique,
tome II, Imprimerie centrale commerciale, Paris, 453 P.
+ Bryden Alan, N'diyae Boubacar, Funmi Olonisakin (dir.
publ.), 2011. Gouvernance du Secteur de la Sécurité
en Afrique de l'Ouest Francophone . bilan et perspectives, Centre pour le
Contrôle Démocratique des Forces Armées,
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+ Mvié Meka Elie, 2007. Architecture
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Démocratique dans la CEEAC, Presses
Universitaires d'Afrique, Yaoundé, 252 p.
+ Office du Haut-commissaire des Nations Unies aux Droits
de l'Homme, 2003. Droits de l'homme et application des lois .
Guide de formation aux droits de l'homme à l'intention des services de
police, Nations-Unies, New-York et Genève, 226 p.
+ Organisation pour la Sécurité et la
Coopération en Europe (OSCE), 2009. Guide pour une Police
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+ Office des Nations-Unies contre la Drogue et le Crime,
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services de police : Compilation d'outils d'évaluation de la justice
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+ Levasseur Georges, Chavanne Albert, Montreuil Jean,
1994. Droit Pénal Général et Procédure
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+ Monjardet Dominique, 1996. Ce que fait la
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B. REVUES SCIENTIFIQUES
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+ Conseil d'Europe, 2007. « Police de
proximité : les pouvoirs locaux et régionaux garants d'un nouveau
partenariat », 14e SESSION PLENIERE
CG(14)8REP, 155 P.
+ Décret présidentiel n° 2012/539
du 19 Novembre 2012 portant statut spécial du corps des
fonctionnaires de la Sûreté Nationale.
+ Ministère de la sécurité
publique, 2000. Politique ministérielle : vers une police
plus communautaire, Gouvernement du Québec, Montréal, 32
p.
+ Décret présidentiel N°2012/540
du 19 Novembre 2012 portant organisation de la
Délégation Générale à la Sûreté
Nationale.
+ International Association of Chiefs of Police Community
Policing
Committee, 2007. «Award-winning
community policing strategies: 1999-2006», U.S. Department of
Justice, COPS Office, Washington, 38 p.
92
+ Service de la prévention de la
criminalité en coll. avec le Centre international pour la
prévention de la criminalité, 2000. Projet de
Politique ministérielle sur l'approche de police communautaire,
Gouvernement du Québec, Montréal, 21 p.
+ South Eastern Europe Clearinghouse for the Control
of Small Arms and Light Weapons (SEESAC), 2003. «Philosophy
and principles of community-based policing», UNDP, Belgrade, 32 p.
+ Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
et du Citoyen.
+ DSCE, 2009. Document de
Stratégie pour la Croissance et l'Emploi : cadre de
référence de l'action gouvernementale pour la période 2010
- 2020, Minpat, Yaoundé.
+ Primat Conseil, 2012. « Elaboration de
la Stratégie du Sous - Secteur Sécurité : état des
lieux », Comité de Pilotage pour l'élaboration de la
stratégie du sous-secteur sécurité, Yaoudé.
+ Institut National de la Statistique (INS),
2011. ANNUAIRE STATISTIQUE DU CAMEROUN : Recueil des séries
d'informations statistiques sur les activités économiques,
sociales, politiques et culturelles du pays jusqu'en 2010, Yaoundé,
440p.
D. BULLETINS D'INFORMATIONS
+ Lucard Malcolm, 2012. « En zone grise
» in Croix Rouge, Croissant Rouge, Mouvement International de la
Croix Rouge et du Croissant Rouge, Genève, pp 1- 9 ; http :
//www.redcross.int/fr/contact/mag_info.asp.
+ Hamid Hocine, 2009. « Les nouvelles
technologies de l'information et de la communication : Le dieu JANUS1de la
communication interculturelle », in Synergies Algérie
n° 4, pp. 217-238.
+ Ndjem Mandeng Joyce Cécile, 2014.
« «Bikers» » in SERVIR no015, Sopecam,
Yaoundé, p. 39.
+ Wauthier Claude, 1990. «
"Démocratie","Développement" ces mots piégés »
in Le Monde diplomatique, no436, p.4.
+ Leymarie Philippe, 1990. « Les africains
et les «leçons de démocratie» » in Le Monde
diplomatique, no437, p.6.
93
+ Elokobi Njock Daniel, 2014. « Une
Insécurité Préoccupante qui s'avère difficile
à circonscrire par les seules Forces Armées », in
Honneur et Fidélité, édition spéciale mai
2014, Sopecam, Yaoundé, p.13.
E. MEMOIRES ET THESES
+ Ober Caroline, 2002. La Police de
proximité : une institution rénovée en attente de
résultats probants, mémoire de D.E.A. Droit et Justice (dir.
Jacques Lorgnier, CNRS), université de Lille II, 75 p.
+ Lissouck Félix François, 1994.
Le Discours de la Baule et le Pluralisme en Afrique Noire
Francophone : essai d'analyse d'une contribution à l'instauration de la
démocratie dans les Etats d'Afrique noire d'expression
française, mémoire de D.E.A. Sciences politiques (dir. Paul
Bacot), Institut des Sciences Politiques de Lyon, 101p.
F. WEBOGRAPHIE
+ Rop, 2013. « Lexique unpol »,
http://www.opérationspaix.net/148-lexique-lexique-unpol.html.
consulté le 25 septembre 2014.
+ Raimbourg Dominique, Urvoas Jean-Jacques,
2011. « Sécurité, inspirations canadiennes »,
in Terra Nova,
http://www.le
monde.fr/idées/article/2011/05/09/securite-inspiration-
canadiennes 1518984 3232.html. consulté le 13 mai 2014.
_ _
+ ONU, 2011. « Assemblée
générale des Nations Unies Président de la 65e
session : Débat thématique informel sur la
sécurité humaine (14 avril 2011, New York) » ;
http://www.un.org/fr/ga/president/65/initiatives/human
security shtml. consulté le 15 mai 2014.
+ Haut Commissariat aux Droits de l'Homme, 2014.
« Bref historique », http :/ /
www.ohchr.org/about
us/pages/Brief History.aspx
+ Onohiolo Souley, 2014. « Cameroun -
Bavure policière : le garde du corps du vice-président d'elecam
abat un commerçant »,
http://www.camer.be,
consulté le 06 mai 2014.
+ Nouvel Observateur, 2014. « ETATS-UNIS :
Comment la mort d'un ado noir a viré aux émeutes »,
http://www. nouvelobs.com,
consulté le 14 aout 2014.
+ Pierre Mathieu, Loizeau Sylvain, 2014. «
L'impact des nouvelles technologies de l'information et de la communication :
Comment l'ouverture au grand public
94
en a modifié les utilisations initiales. »,
perso.crans.org/Pierre/documents/Les
nouvelles technologies Expose HST/les nouvelles technologies version
finale.pdf, consulté le 02 septembre 2014.
?
Cameroun24.net,
2011. « Liste des Médias au Cameroun »,
http://www.Cameroun24.net,
consulté le 04 septembre 2014.
?
Camerounwebnews.com,
2013. « Le corps de métier le plus corrompu au
Cameroun c'est ? »,
http://www.Camerounwebnews.com,
consulté le 04 septembre 2014.
? Défense Nationale et Forces Armées
Canadiennes, 2012. « Relations communautaires : À propos
du service de police communautaire ? »,
http://www.forces.gc.ca,
consulté le 06 septembre 2014.
? Mission Civile Internationale de Haïti (MiCivIH),
1996. « Rapport sur la Police Nationale d'Haïti et les
Droits de l'Homme »,
http://www.un.org/rights/micivih/rapports/rapol.htm,
consulté le 09 septembre 2014.
? Frédéric Diaz et Daniel Desbiens.
« Résistance au changement de l'institution
policière et criminalité évolutive : un paradoxe »,
Champ pénal/Penal field [En ligne], Vol. VIII | 2011, mis en
ligne le 11 juin 2011, consulté le 06 septembre 2014. URL :
http://champpenal.revues.org/7982
; DOI : 10.4000/ champpenal. 7982
95
96
97
98
DEDICACE I
REMERCIEMENTS II
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS III
LISTE DES FIGURES IV
RESUME V
ABSTRACT VI
SOMMAIRE VII
INTRODUCTION GENERALE 1
I - LE CONTEXTE ET L'OBJET DE L'ETUDE ..
II - LA DEFINITION DES CONCEPTS ..
III - L'INTERET DE L'ETUDE
IV - LA REVUE DE LA LITTERATURE .
V - DELIMITATION DU SUJET
VI - LA PROBLEMATIQUE .
VII - LES HYPOTHESES
VIII - LE CADRE THEORIQUE ET LA METHODOLOGIE .
IX - LE PLAN
PREMIERE PARTIE: PARADOXE ENTRE UN CONTEXTE
INDIQUE ET UNE
INTERNALISATION MITIGEE DE LA POLICE COMMUNAUTAIRE
CHAPITRE I: UNE INTERNALISATION MITIGEE DE LA
POLICE
COMMUNAUTAIRE
SECTION I: DOCTRINE ET ORGANISATION
Paragraphe I: Une doctrine quasi-inexistante
Paragraphe II: Une organisation jacobine
SECTION II: ACTEURS, STRATEGIES ET MODES D'ACTION
Paragraphe I: Des acteurs étatiques
Paragraphe II: Des stratégies
réactives
Paragraphe III : Des modes d'action passifs
CHAPITRE II: UN CONTEXTE INDIQUE POUR LA POLICE
COMMUNAUTAIRE
SECTION I: DES INDICATEURS INTERNATIONAUX
Paragraphe I: L'Actualité de la
sécurité humaine
Paragraphe II: La sublimation des droits de
l'Homme
Paragraphe III: La globalisation de
l'information
SECTION II: DES INDICATEURS NATIONAUX
Paragraphe I: L'existence d'une vision
stratégique de la police communautaire .
Paragraphe II: La promotion de la
démocratie, de la décentralisation
et de l'esprit associatif Paragraphe III:
Des limites patentes du système sécuritaire de la
police
d'ordre en vigueur .
DEUXIEME PARTIE: AVANTAGES ET PROCESSUS
D'INTERNALISATION
DE LA POLICE COMMUNAUTAIRE CHAPITRE III: DES
AVANTAGES INDENIABLES DE L'INTERNALISATION
DE LA POLICE COMMUNAUTAIRE AU CAMEROUN
SECTION I: LES AVANTAGES SECURITAIRES .
Paragraphe I: Une récolte abondante et
aisée du renseignement
Paragraphe II: Une coproduction de la
sécurité
Paragraphe III: Une réduction de la
criminalité
SECTION II: LES AVANTAGES NON-SECURITAIRES
Paragraphe I: Un plus grand respect des droits de
l'Homme
Paragraphe II: Une image démocratique
renforcée .
Paragraphe III: Un environnement propice au
développement
des activités économiques
CHAPITRE IV: LE PROCESSUS D'INTERNALISATION DE LA
POLICE
COMMUNAUTAIRE AU CAMEROUN
SECTION I: DES MESURES ADMINISTRATIVES
Paragraphe I: Une politique de police
communautaire à définir .
Paragraphe II: Des ressources appropriées
à prévoir
Paragraphe III: Des activités
opérationnelles à préparer
SECTION II: LES MESURES OPERATIONNELLES :
FONCTIONNEMENT TYPE
D'UNE UNITE TACTIQUE DE POLICE COMMUNAUTAIRE
Paragraphe I: Le maillage territorial
affiné .
Paragraphe II: La déclinaison des
missions
Paragraphe III: La collecte des informations, la
coexistence des actions
préventives et répressives
CONLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
A. OUVRAGES
B. REVUES SCIENTIFIQUES
C. RAPPORTS ET DOCUMENTS OFFICIELS
D. BULLETINS D'INFORMATIONS
E. MEMOIRES ET THESES
F. WEBOGRAPHIE .
ANNEXES
99
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