Année académique 2014 - 2015
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UCL - Université catholique de
Louvain Faculté de santé publique
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MASTER EN SCIENCES DE LA SANTÉ
PUBLIQUE
Le plaidoyer politique d'associations féministes
et de promotion de la santé des femmes à Bruxelles. Quels
apports à de nouvelles façons de porter les revendications
?
Finalité : Spécialisée
Option : Politiques et programmes en santé
communautaire
Mémoire présenté par
Delescluse Timothée Promoteur:
Mr Olivier Schmitz
Remerciements :
Ce mémoire est le point final d'une formation
universitaire et le fruit d'un travail de recherche de plusieurs mois. Avant
d'aller plus loin, je souhaite adresser mes remerciements aux personnes avec
lesquelles j'ai pu échanger et qui m'ont guidé dans son
élaboration.
Je tiens d'abord à remercier Mr Olivier Schmitz,
promoteur de ce mémoire, qui m'a apporté conseils judicieux et
orientations précieuses pour ce travail. Merci aussi pour le temps qu'il
m'a consacré.
Ensuite, je tiens à remercier toutes les personnes de
Vie Féminine, Femmes et Santé et la Plateforme Pour Promouvoir la
Santé des Femmes qui ont répondue à mes questions tout en
prenant le temps de me recevoir chaleureusement. Merci également
à eux de m'avoir ouvert les portes de leurs lieux de rencontres et
d'échanges.
Enfin, j'adresse mes remerciements à mon entourage plus
ou moins distant (géographiquement) pour leurs soutien et encouragements
tout au long de cette formation.
Introduction 1
Balises théoriques 2
1. Le plaidoyer 2
1.1. Nouvelles pratiques ou nouvelle appellation d'anciennes
pratiques ? : 3
1.2. Des pratiques entre deux mondes : 3
1.3. Une influence sur les décisions à nuancer :
5
1.4. Le plaidoyer en santé : 5
2. Les mouvements de femmes et mouvements pour les femmes : 8
2.1. Des mobilisations pour la cause des femmes : 8
2.2. La santé comme objet récurrent de
mobilisation en tant que femmes : 10
3. Le Genre comme concept et déterminant de santé
: 12
3.2. Le genre comme déterminant de santé : 13
Méthodologie 17
1. La MTE : Une méthode de recherche « innovante
» : 17
2. Le déroulement de notre recherche pour illustrer les
étapes de la MTE : 18
2. 1. Sensibilité théorique : 19
2.2. Problématique de recherche : 19
2.3 La collecte des données : 20
3. Le terrain et les sources de données : 22
3.1 Trois associations comme terrain de recherche 22
3.2. Les personnes rencontrées 28
3. 3. Les autres sources de données : 30
4. Les étapes d'analyse de la MTE : 32
5. Avantages et limites des choix méthodologiques : 34
5.1. Avantages et limites de la MTE : 34
5.2. Avantages et limites des méthodes de récoltes
des données : 35
Partie 1 : Une description du plaidoyer tel qu'il se
construit dans les associations : 38
1. Un plaidoyer à deux dimensions : 38
2. Un plaidoyer comme processus : 41
2.2.1. Les cinq étapes du plaidoyer : 42
3. Les outils de plaidoyer : 46
1.3.1. Les supports écrits : 46
1.3.2. Les rencontres : 48
1.3.3. Actions en rue : 48
1.3.4. Les activités quotidiennes : 50
1.3.5. La rencontre avec les décideurs : 50
Partie 2 : Deux cas illustratifs : 52
1. Le groupe de travail « Les déterminants de la
santé de la femme » 52
2. La journée pour promouvoir la santé des femmes
58
Le Care et son inégale répartition entre les hommes
et les femmes : 59
Discussion : Ce qu'on peut dire du plaidoyer de ces
associations : 64
1. Les caractéristiques du plaidoyer : 64
2.1. Un plaidoyer enraciné : 64
2.2. Différentes fonctions au plaidoyer : 67
2.3 Un plaidoyer a un niveau méso-social : 75
2. Des stratégies pour limiter les conséquences de
cette position : 76
Conclusion 79
Bibliographie : 83
Annexes : 87
Annexe 1 : Cadre conceptuel « Health Advocacy » :
87
Annexe 2 : Description des étapes de l'analyse à
partir des notes personnelles : 88
Annexe 3 : Carte « S.I.S » : 89
1
Introduction
« Faire du plaidoyer politique », cet
objectif est l'un des objectifs d'un dossier de subvention d'une association
rencontrée. Comprendre ce que cela signifie est le point de
départ de notre travail.
Le plaidoyer politique est une notion et une pratique qui se
sont imposées dans les années nonante dans les Organisations Non
Gouvernementales (ONG) internationales. Depuis il s'étend aux
associations nationales et locales avec une professionnalisation de plus en
plus importante. Son expansion et la diversité des pratiques le rendent
difficile à cerner. Le plaidoyer est souvent associé à des
pratiques de lobbying auprès des décideurs politiques. Cependant,
les acteurs le pratiquant, souvent issus de mouvements militants, s'en
différencient. Comme l'a précisé Ollion l'indistinction
entre plaidoyer et lobbying masque certaines spécificités des
pratiques de plaidoyer.
Ce sont ces spécificités que nous voulons
discuter dans ce mémoire. Nous souhaitons le faire en particulier dans
les associations féministes et de promotion de la santé des
femmes en région bruxelloise. Nous chercherons à travers ces
pages à comprendre comment se développe le plaidoyer dans ces
associations et voir en quoi leur vision et pratiques de plaidoyer sont
différentes des pratiques de lobbying auprès des
décideurs. Afin de limiter notre champ de recherche, nous
étudierons en particulier le discours défendu dans ces
associations, à savoir l'implication de la dimension de « genre
» sur la santé des femmes.
Pour cela, ce mémoire se divise en quatre parties. La
première partie contient deux sections. Nous débuterons par une
présentation théorique des différents concepts et notions
utilisées dans le mémoire, notamment le plaidoyer et le genre.
Nous montrerons aussi l'évolution des mouvements féministes et
des mouvements de femmes. Ensuite nous expliquerons la méthodologie
utilisée tout en détaillant les étapes de notre travail de
recherche. Dans la seconde partie, nous décrirons le plaidoyer tel qu'il
se construit dans les associations. Nous relèverons notamment les
étapes du processus et les outils de plaidoyer utilisés dans les
associations. La troisième partie permettra d'illustrer la partie
précédente par deux cas concrets d'activités de plaidoyer
et de faire un début de mise en perspective de notre objet de recherche.
Le premier cas analyse, à partir des PV de réunions, un groupe de
travail sur les déterminants de la santé des femmes. Puis nous
présenterons une journée à laquelle nous avons
participé intitulée « Le jour où j'ai
arrêté d'être seule à m'occuper des autres
». Enfin, la partie « discussion » revient sur les trois
grandes caractéristiques du plaidoyer de ces associations.
2
Balises théoriques
Pour mieux comprendre dans quel contexte s'inscrit notre
mémoire, nous allons dans cette partie définir le plaidoyer,
préciser ce qu'il est dans le domaine de la santé et
résumer les débats qu'il engendre. Ensuite, puisque nous ciblons
ici notre recherche sur les mouvements de femmes et associations
féministes, nous présenterons brièvement leurs
caractéristiques et évolutions. En dernier lieu, nous
détaillerons le genre comme concept récurrent dans ces
associations et qui fait partie du discours plaidé au sein des
associations. Nous détaillerons d'ailleurs son implication dans le
domaine de la santé puisque c'est ce que nous avons ciblé dans le
cadre de notre recherche.
1. Le plaidoyer
Le terme de plaidoyer (Advocacy) a
émergé dans les années 1950 aux Etats Unis et s'est
imposé dès les années 1990 dans le secteur associatif
international. Utilisé et pratiqué, à ces débuts,
dans des ONG transnationales, il tend à se généraliser
à d'autres structures plus locales. La diversité des pratiques et
l'hétérogénéité des acteurs qui le
développent en font un terme difficile à définir, aux
contours incertains. Selon Etienne Ollion, « Il n'existe aucune
définition consensuelle de ce type d'activités (...) La plupart
des travaux qui l'évoquent ne s'attardent pas à le
définir, comme s'il en existait une version implicitement
partagée. Et ceux qui s'y essaient proposent des caractérisations
qui ne se recoupent pas complètement, tant sont divers les objets
d'étude le concernant et différents les sens qui lui sont
donnés »1. Ollion ajoute que ce flou n'a pas
empêché « le succès d'un terme et la diffusion
d'une pratique »2.
Nous pouvons définir le plaidoyer à partir de ce
qu'en dit l'OMS à savoir « une combinaison d'actions
individuelles ou collectives en vue d'obtenir le soutien des politiques, un
soutien social et un support du système pour un objectif ou programme
particulier (de santé)»3. Cette définition
permet de montrer que le plaidoyer désigne l'ensemble des pratiques
visant à défendre la vision politique de l'association ou d'un
groupe d'individus et influencer le milieu socio-politique qui l'entoure. A la
différence des groupes d'intérêts commerciaux ou publics,
les « plaideurs » appartiennent généralement à
des organisations du secteur non-marchand. Le plaidoyer ne s'applique pas
uniquement aux associations de santé, nous
1 OLLION E. (2015). Des mobilisations discrètes
: sur le plaidoyer et quelques transformations de l'action collective
contemporaine. Critique internationale Vol. 67 (2) 17-31
2 ibedem
3 W.H.O. (1995). Advocacy Strategies for Health and
Development: Development Communication in Action.
3
retrouvons ainsi des activités de plaidoyer dans le
secteur de l'environnement, du développement, de défense des
droits de l'Homme...
1.1. Nouvelles pratiques ou nouvelle appellation d'anciennes
pratiques ? :
Les associations de différents secteurs ont toujours
cherché à faire entendre leur voix et obtenir des solutions
institutionnelles à leurs revendications. A l'instar d'Etienne Ollion,
nous pouvons nous demander si « nous sommes en présence d'une
« requalification » de pratiques anciennes ou d'un réel
changement dans les pratiques ? »4. Selon lui, parler de
changement des pratiques, pour certains aspects, est justifié. En effet,
ces activités se professionnalisent de plus en plus au sein des
structures associatives. Il se développe aussi une volonté
d'organiser des stratégies efficaces et influentes plutôt que de
se limiter à récolter des données et témoignages
pour produire de l'information. Enfin, certaines actions de plaidoyer
privilégient parfois les rencontres avec les décideurs, au lieu
d'adopter des formes plus contestataires d'actions collectives.
Cette transformation des pratiques peut être
expliquée par trois raisons. D'abord, les modes de gouvernance ont
évolué, conférant aux organisations non gouvernementales
une plus grande participation dans l'élaboration des politiques
publiques. Par ailleurs, il se développe une « logique de
responsabilisation (empowerment) des groupes locaux, mise en avant par les
bailleurs »5. Le plaidoyer serait alors
l'opportunité pour les défenseurs de causes d'avoir leur place
dans le système politique et ce grâce à une redistribution
de certaines formes de pouvoir. Pour Wallack, « Le plaidoyer cherche
à accroître le pouvoir des gens et des groupes et à faire
en sorte que les institutions répondent mieux aux besoins humains. Il
tâche d'élargir la panoplie de choix que les gens peuvent faire en
leur donnant plus de pouvoir pour définir des problèmes et des
solutions et participer dans l'arène sociale et des politiques plus
larges. »6. En dernier lieu, les associations
bénéficient d'une plus grande estime de la part des
décideurs grâce à leur statut associatif et aux causes
qu'elles défendent.
1.2. Des pratiques entre deux mondes :
4 OLLION É. et SIMEANT J. (2015). Le plaidoyer :
international et usages locaux. Critique internationale, Vol. 67(2),
p. 9-15.
5 Ibedem
6 WALLACK. Et al (1993) cité dans « Le leadership
en santé publique : un guide de plaidoyer pour les associations de
santé publique »
4
L'émergence des pratiques de plaidoyer nécessite
d'en tracer les contours notamment par rapport aux pratiques de lobbying. Cette
délimitation permet de montrer certaines spécificités
faisant l'objet de questionnements et de débats. Les activités de
plaidoyer oscillent, en effet, entre revendications issues d'un militantisme de
terrain et un rapprochement plus étroit avec les décideurs
politiques.
Le plaidoyer, souvent issu des mouvements sociaux et du
militantisme, est alors confronté à une transformation et une
modération des revendications. Le processus de mises en forme juridique
et institutionnelle de la cause entraine une division au sein du mouvement
quant au choix des stratégies de plaidoyer. Ce choix risque, selon
certains, d'en dénaturer la cause initiale. C'est ce que précise
Delphine Thivet « Ce processus d'adaptations successives a surtout
vocation à rendre la cause acceptable par des alliés dont les
intérêts peuvent parfois diverger de ceux du mouvement, notamment
lorsque celui-ci se tourne vers des stratégies d'action directe ou
extra-juridique »7. Cependant ce phénomène
est, selon Helene Baillot, bénéfique aux mouvements sociaux :
« Certes, les pratiques de plaidoyer semblent entraîner une
modération des discours par un double phénomène de censure
et d'autocensure, mais le plaidoyer, en tant que répertoire d'action,
circule, et cette circulation contribue à redessiner peu à peu
les contours de ce que seraient les « bonnes pratiques » en la
matière, en fonction d'une double contrainte d'acceptabilité
externe et interne. Elle fait bouger les frontières du « faisable
» et du « réaliste » et soulève donc la question
du lien indéfectible entre plaidoyer et modération des mouvements
sociaux. »8
Cette évolution du discours et son intégration
à un cadre institutionnel entraine aussi « une division du
travail » au sein des organisations qui pratiquent le plaidoyer. En
effet, il se crée une distance entre le militant au plus proche du
public et celui qui pratique le plaidoyer auprès des décideurs.
Ces activités exigent des compétences juridiques, de
communication et relationnelles qui sont souvent peu présentes chez les
membres « ordinaires » de l'organisation et en encore plus rarement
chez ceux au nom de qui ils plaident. C'est ainsi que le précise Thivet
: « le plaidoyer exige de plus en plus un apprentissage et des
compétences spécifiques que quelques militant.e.s seulement au
sein du mouvement sont à même, en l'état actuel des choses,
de mettre en oeuvre : une parole à la fois experte et policée et
la construction de liens avec les autorités. »
Enfin le rapprochement auprès des décideurs
politique amène à souligner la distinction
7 THIVET D. (2015). Défense et promotion des «
droits des paysans » aux Nations unies : une appropriation oblique de
l'advocacy par La Vía Campesina. Critique internationale.
Vol.67 (2), p.67-81
8 BAILLOT H, (2015). La carrière du plaidoyer au sein
de Jubilé USA : controverses et (re)définition des « bonnes
pratiques » militantes. Critique internationale. Vol. 67 (2), p.
33- 49
5
faite par « les plaideurs » entre lobbying et
plaidoyer. D'un côté, le travail de plaidoyer s'apparente à
du lobbying puisque il se base sur des méthodes d'influence similaires.
Cela passe, par exemple, par la création d'un carnet d'adresses de
décideurs ou une proximité concrète plus ou moins
régulière. D'autre part, les plaideurs se distinguent des
lobbyistes en certains points. Premièrement par ce qu'Ollion appelle
« une distance identitaire 9 » notamment par les causes
qu'ils défendent qui sont souvent à vocations humanistes. Ce sont
des « défendeurs de causes sans opposant
»10. Ensuite, les actions de plaidoyer s'inscrivent sur un
plus long terme et pas uniquement autour des campagnes électorales comme
c'est plus souvent le cas dans les activités de lobbying. Enfin le
travail de plaidoyer est issu d'activités et relations auprès du
public pour lequel ils plaident.
1.3. Une influence sur les décisions à nuancer
:
Pour Ollion, les évolutions dans la façon de
revendiquer ont malgré tout un impact limité sur la prise de
décision : « les plaideurs mènent une activité
qui reste en marge du pouvoir qu'ils auraient conquis ». Cette faible
influence s'explique par plusieurs raisons. Tout d'abord, les organisations et
« plaideurs » exercent leurs activités avec de faibles moyens
et souvent à effectifs réduits comparés par exemple aux
lobbyistes industriels. De plus, Carlisle 11 pointe du doigt la
perspective limitée des actions de plaidoyer issues des
communautés (Travailleurs clandestins, femmes migrantes...). Enfin, le
financement souvent public de ces activités de plaidoyer est soumis
à des critiques. Comme l'indique Ollion « outre le fait qu'ils
soient liés à des conditions, ces financements ont aussi
instauré une certaine dépendance. (...) cela a souvent
été vu comme une source de domestication de la protestation,
comme un moyen de porter des revendications qui, autrement auraient pu se
manifester de manière plus vindicative »12.
1.4. Le plaidoyer en santé :
S'intéresser au domaine de la santé et au plaidoyer
qui y est pratiqué est aussi un
9 OLLION E. (2015). Des mobilisations
discrètes : sur le plaidoyer et quelques transformations de l'action
collective contemporaine. Critique internationale Vol. 67 (2) 17-31
10 AGRIKOLIANSKY, E. (2001) « Carrières militantes
et vocation à la morale : les militants de la Ligue des droits de
l'homme dans les années 1980 » Revue française de
science politique, 51 (1), cité par OLLION E.
11 CARLISLE S.(2000).Health promotion, advocacy and health
inequalities. Oxford universtity press Vol.15 (4), 369-376.
12 OLLION É. et SIMEANT J. (2015). Le plaidoyer :
international et usages locaux. Critique internationale, Vol. 67(2),
p. 9-15.
6
moyen de mieux comprendre ce qu'est le plaidoyer. Le plaidoyer
en santé (Health Advocacy) possède lui aussi
différentes significations. Dans un premier temps, il se définit
à partir des activités qu'il englobe 13 , celles, par
exemple, développées pour défendre la cause de personnes
vulnérables en mauvaise santé. Il se décrit aussi par son
caractère revendicateur comme par exemple les activités luttant
contre les lobbyings d'industries du tabac. D'autre part, il peut avoir une
fonction de développement de « capacités » et «
capabilités » des personnes ou groupes vulnérables en vue de
leur permettre de « plaider » pour des politiques favorables à
leur santé14.
Carlisle présente, à partir d'une revue de la
littérature, un cadre conceptuel 15 (Cfr. Modèle en
Annexe 1) pour comprendre le rôle des différentes pratiques du
plaidoyer dans le secteur de la promotion de la santé et dans la lutte
contre les inégalités sociales de santé. Elle distingue
deux objectifs aux activités de plaidoyer : la protection des
vulnérables (avec une approche d'expertise et de représentation
du public) et l'empowerment des désavantagés (un rôle
facilitateur permettant la co-construction du plaidoyer avec les groupes
défavorisés). En s'inspirant de Rees16, elle ajoute un
axe à son modèle. Celui-ci correspond au niveau d'intervention
des « plaideurs »: soit ils agissent au niveau des « cas »,
c'est-à-dire avec des groupes et individus soit au niveau des «
causes » c'est-à-dire en travaillant au niveau structurel.
Elle distingue alors quatre types de plaidoyer qui
s'articulent en fonction des convictions, du contexte et des objectifs
poursuivis par « les plaideurs ».
-Social Policy reform : Ce type de plaidoyer vise
à influencer directement les politiques de mise en oeuvre de
santé positive ou encore sur les réformes de politiques sociales.
Les actions se font au niveau de la structure institutionnelle et agissent sur
les causes des problèmes de santé.
-Representation : Ce plaidoyer cherche à agir
sur les modes de vie et les comportements de santé, avec une approche
médicale de la santé. L'action se situe au niveau des individus
et des groupes.
-Community development : Dans ce type de plaidoyer, les
activités visent à développer les capacités d'agir
des communautés. Les « plaideurs » ont un rôle de
facilitateur
13 REES S. (1997) Achieving Power: Practice and Policy in
Social Welfare. Allen & Unwin, St Leonards, Australia. Cité
par CARLISLE (2000)
14 SCHWARTZ, R. et al. (1995) Policy advocacy
interventions for health promotion and education: advancing the state of
practice. Health Education Quarterly, 22, 421-426 cité par
CARLISLE (2000)
15 CARLISLE S. (2000).Health promotion, advocacy
and health inequalities. Oxford universtity press Vol.15 (4),
369-376.
16 REES S. (1997) Achieving Power: Practice and
Policy in Social Welfare. Allen & Unwin, St Leonards, Australia.
Cité par CARLISLE (2000)
et agissent avec les « cas » dans une philosophie
égalitariste.
-Community activism : Ce type de plaidoyer cherche
à fournir aux communautés les outils politiques pour lutter
contre les causes structurelles de mauvaise santé. Le plaidoyer se fait
auprès des décideurs politiques avec les groupes
défavorisés.
Carlisle précise en conclusion de son article:
«The framework does not seek to suggest that health advocacy practice
is necessarily fixed: if advocacy is to be effective, the boundaries between
different types of practice need to be mutable to allow for changing
contexts.»17
Résumé de la section
Le plaidoyer politique est un terme et une pratique qui
tendent à se généraliser dans le discours et dans les
pratiques. Il n'existe pas de définitions consensuelles. L'objectif est
de défendre la ligne politique de l'association auprès des
décideurs mais aussi de l'entourage. Les pratiques et objectifs sont
très divers et, tout en se rapprochant des techniques de lobbying, se
distinguent des méthodes de revendications traditionnelles des
mouvements sociaux.
Dans le domaine de la santé, il existe quatre types de
plaidoyer aux objectifs différents mais complémentaires.
|
7
17 Ibedem
8
2. Les mouvements de femmes et mouvements pour les
femmes :
« Plus que d'autres univers sociaux, le champ
politique est associé au masculin », cette phrase
d'introduction du chapitre « Genre et Politique » du livre de
Bereni18 souligne que les femmes ont pendant longtemps
été exclues de la sphère de décision politique et
électorale. C'est ce qui a été appelé dans les
années 80, aux Etats-Unis, le « Gender Gap », qui
désigne plus généralement « les écarts de
participation politique entre les sexes ». Genevieve Fraisse
cité par Bereni parle d' « une démocratie exclusive »
où « la séparation croissante entre sphère
publique et sphère privée, pilier du nouvel ordre politique s'est
traduite par l'exclusion des femmes de sphère publique et leur
subordination dans la sphère privée ». Il existe encore
une sous -représentation des femmes dans la sphère politique. Des
politiques de quotas et de « parité » se mettent en place dans
de nombreux pays pour y remédier.
Cependant la représentation politique n'est pas le seul
espace d'engagement et de mobilisation sociale. La citoyenneté politique
ne se limite pas à l'engagement dans un parti politique. La vie
associative est une piste permettant aux femmes de « s'impliquer
à la lisière entre sphère privée et
publique.»19. Cet engagement peut prendre deux formes
étroitement liées, aux frontières perméables : les
mouvements pour les femmes dit « féministes » et les
mouvements de femmes.
2.1. Des mobilisations pour la cause des femmes :
Le premier mouvement pour la défense de la cause des
femmes est appelé « les mouvements féministes ». Le
féminisme peut être défini comme « 1. La croyance
que les femmes souffrent de manière systématique d'une oppression
sociale et systématique en raison de leur sexe ; 2.
L'idée que cette injustice est plus importante que d'autres
types d'injustice dont les femmes souffrent en raison de leur appartenance
à d'autres groupes (par exemple : une minorité religieuse, une
classe sociale opprimée » ; 3. La conviction que
par conséquence l'intérêt commun de toutes les femmes
consiste à supprimer l'injustice dont elles souffrent en raison de leur
sexe »20. Cette définition s'applique
différemment en fonction des contextes sociaux et historique, c'est
pourquoi certains auteurs parlent « des féminismes ».
18 BERENI L. et REVILLARD A., (2012) « Un mouvement social
paradigmatique ? Ce que le mouvement des femmes fait à la sociologie des
mouvements sociaux », Sociétés contemporaines Vol.1
(85), p. 17-41
19 ibedem
20 RICHARD A., cité par BERENI L. et REVILLARD
A., (2012)
9
La mobilisation sous forme organisée et en mouvement
date du XXème siècle. Trois vagues de contestation
étroitement liées et s'influençant mutuellement se sont
succédées. Elles présentent des caractéristiques
différentes:
- La première vague date de la seconde moitié du
XIXéme siècle est axé autour de la lutte pour une
égalité juridique entre les sexes notamment le droit de vote.
- Une seconde vague se crée à partir des
années 60-70. Son mode d'organisation différent apporte une
dimension « politique » à des revendications
traditionnellement « privées ». Par exemple, on retrouve les
mobilisations pour l'avortement, la contraception...
- Après une diminution des mobilisations dans les
années 80, certains auteurs notamment Diane Lamoureux21,
parlent d'une troisième vague de mobilisation se rattachant à la
précédente mais revendiquant d'autres caractéristiques :
la non exclusion de la mixité ; le caractère englobant du
féminisme prenant en compte la diversité entre les femmes et
l'association des luttes féministes aux autres luttes comme celles
contre le racisme, le capitalisme...
Selon Beréni « les mouvements
féministes ont été traversés par de multiples
tensions qui portent sur l'enjeu de la lutte, à savoir, la
manière dont la cause des femmes doit être
définie.». Les premiers clivages sont liés à
l'étroite imbrication de ces mouvements avec d'autres luttes
contemporaines, reflétant le rapport de pouvoir qui traverse les groupes
de femmes. D'autres clivages sont d'ordre idéologique. D'une part, le
féminisme « radical » considère que « toutes
les structures sociales et politiques sont traversées par des rapports
de pouvoirs entre les sexes, et qu'il convient de les contester globalement
» et d'autre part le féminisme « réformiste
», « s'en tient à demander un aménagement partiel
des rapports de genre existants ». Enfin, un dernier clivage
s'opère dans la distinction entre féminisme « universaliste
» et féminisme « différentialiste ». Le premier
considère qu'il y a « une évolution de la cause des
femmes dès lors que les normes et comportements sont moins
marqués par les assignations sexuées ». Au contraire,
la dimension « différentialiste » défend l'idée
que c'est en « revalorisant le féminin et les
expériences « spécifiques » des femmes que peut
s'opérer la lutte contre la domination masculine ».
21 LAMOUREUX D. (2006) « Y a-t-il une
troisième vague féministe ? », Cahiers de Genre HS
n.1, p.57-74
10
2.2. La santé comme objet récurrent de
mobilisation en tant que femmes :
Les mobilisations peuvent ne pas mettre
systématiquement en avant dans le discours la lutte contre la domination
masculine. Ces mouvements sont alors appelés « mouvements des
femmes » et définis par Sonya Alvarez comme « un ensemble
de mouvements composés majoritairement, mais pas nécessairement
exclusivement de femmes, qui formulent des revendications vis-à-vis des
systèmes culturels et politiques sur la base des rôles de genre
historiquement attribués aux femmes22 ». Ces
mouvements poursuivent des buts divers et s'adressent à leurs membres en
tant que femmes, soeurs, mères, filles.
La santé est un des facteurs mobilisateurs le plus
récurrent dans le mouvement des femmes. Nous pouvons nous arrêter
par exemple sur les mouvements autour de la santé des femmes et en
particulier « le mouvement pour la santé des femmes »
né dans les années 60 aux Etats Unis.
Cette approche communautaire de la santé «
privilégie l'auto-santé comme principe de sa réflexion
et de son action. Il cherche avant tout l'appropriation des connaissances par
les groupes, le partage de ces dernières entre ses membres, la remise en
question de toute forme de pouvoir en matière de santé et, aussi,
la genèse d'un mode de connaissance du corps et de la santé qui
serait propre aux usagères. ». Les principes fondateurs sont :
1.Démédicalisation. 2. Réappropriation du corps. 3. Mise
en circulation de l'information entre femmes. 4. Multiplication des ressources
autres que médicales et augmentation des possibilités de choix
dans les thérapies. 5. Développement des mécanismes
d'intervention des usagères dans les lieux de décision. 6.
Développement de services non-existants en cas de besoin (services de
garderies, lieux de socialisation.) 7. Développement de
mécanismes autonomes d'intervention par les femmes.
Selon Saillant, diverses raisons expliquent cette contestation
et cette mobilisation autour de la santé et du corps de la femme. La
première est d'ordre culturel : « En plaçant la
santé, mais aussi le corps, au centre de ses préoccupations, le
mouvement des femmes s'est donc, en partie, inscrit dans la continuité
de cette tradition séculaire de la femme soignante et reproductrice
23». La seconde est d'ordre social en rupture radicale de
la tradition précitée, le corps devient alors ce qu'il faut
libérer pour sortir de l'asservissement. La troisième tient au
fait que le corps des femmes est l'objet d'une surmédicalisation de
cycle naturel, avec un
22 ALVAREZ S. cité par BERENI L. et REVILLARD
A., (2012)
23 SAILLANT F. (1985), «Le mouvement pour la
santé des femmes» Consulté en ligne le 27/02/2015 sur
http://www.uqac.ca/Classiques
des sciences sociales/
11
mécontentement croissant envers ce monde
médical. La dernière raison voit dans le corps « le lieu
ultime de l'aliénation, le lieu même de l'expression des rapports
de pouvoir sexués sous des formes diversifiées (...) les
conséquences néfastes de ces rapports de pouvoir se traduiraient
plus significativement au plan de la santé. »
Résumé de la section
Malgré une évolution dans la
représentation politique des femmes, celles-ci ont été
longtemps tenues à l'écart du système politique. D'autres
espaces de mobilisations se sont cependant développés pour leur
permettre de s'exprimer politiquement. Le premier espace est le mouvement pour
défendre la cause des femmes appelé mouvements féministes.
Il existe une évolution dans les revendications et des clivages dans
l'enjeu de ces luttes. L'autre espace est la mobilisation en tant que femme. La
santé est l'un des objets récurrents de ce type de mobilisation.
Notre travail analyse le plaidoyer dans ces deux types de mobilisations souvent
étroitement imbriqués.
|
12
3. Le Genre comme concept et déterminant de
santé :
Suite à la description du plaidoyer et fait un retour
sur les mouvements féministes et les mouvements pour la santé des
femmes, nous allons dans cette dernière section décrire
brièvement le genre comme concept récurrent dans le discours
féministe. Nous présenterons en particulier son lien avec la
santé.
3.1. Le concept de Genre:
Nous pouvons, pour mieux cerner le caractère
polysémique du concept « genre », nous baser sur ses usages.
Il s'applique aux deux sexes et amène à distinguer le statut
social de l'état biologique. Il peut être défini comme
« Un système de bi-catégorisation
hiérarchisée entre les sexes (hommes/femmes) et entre les valeurs
et représentations qui leurs sont associées
(masculin/féminin) »24. Ce concept nait de travaux
dans les années 50 de John Money s'inspirant de Margaret Mead
25 qui propose une autre notion que le « sexe » pour
désigner les différences sociales entre hommes et femmes.
Par la suite, le courant féministe va s'en servir pour
« dénaturaliser » le sexe. Comme l'indique la formule de
Simone de Beauvoir « On ne nait pas femme, on le devient ».
Ce courant alimente dans les années 60 les premiers travaux
féministes à ce sujet. Notamment Gayle Rubin qui, en s'inspirant
des travaux de Levi-Strauss et Freud va montrer que « le
système de genre n'est pas immuablement oppressif et il a perdu beaucoup
de sa fonction traditionnelle. Néanmoins, il ne s'évanouira pas
en l'absence d'opposition. (...) le système/genre doit être
réorganisé par l'action politique. En fin de compte
l'exégèse de Levi-Strauss et de Freud incite à une
certaine vision de la politique et de l'utopie féministe, à
savoir que notre visée doit être, non l'élimination des
hommes, mais l'élimination du système social qui crée le
sexisme et le genre »26.
Les différents courants féministes et les autres
usages amènent à adopter de nouvelles caractéristiques.
Comme le précise Bereni, ce deuxième âge des
théories du genre peut être schématisé de la
façon suivante : « 1. Le genre n'exprime pas la part sociale de
la division mais il est la division 2. Le genre précède et
détermine donc les sexes, qui en font partie 3. Le genre n'est pas
simplement un système de différenciation mais aussi un
système de domination »
24 BERENI L., CHAUVIN S., JAUNAIT A., REVILLARD A.
Introduction aux études sur le genre, Bruxelles : de Boeck
Supérieur, 2012. 256 pages
25 FASSIN E., (2008) L'empire du genre. L'histoire
politique ambiguë d'un outil conceptuel, L'Homme /Vol 4 n. 3,
n° 187-188, p. 375-392
26 RUBIN G. Surveiller et jouir. Anthropologie
politique du sexe Paris : EPEL, 2010, 485p.
13
Pour résumer, adopter une posture genrée permet
de mettre en évidence quatre dimensions analytiques qui se retrouvent
dans la majorité des études sur le genre:
1. Le genre est une construction sociale : il existe
un apprentissage tout au long de la vie des comportements des femmes et des
hommes.
2. Le genre est un processus relationnel : les
caractéristiques associées à chaque sexe sont socialement
construites dans une relation d'opposition nécessitant une articulation
entre féminin et masculin.
3. Le genre est un rapport de pouvoir : Les
relations sociales entre les sexes sont appréhendées comme un
rapport de pouvoir où les deux sexes ne sont pas uniquement
différents, il existe aussi une distinction
hiérarchisée.
4. Le genre est imbriqué dans d'autres rapports de
pouvoir, à l'intersection avec d'autres tensions et clivages comme
la classe sociale, l'âge ou encore l' « ethnie » d'origine.
3.2. Le genre comme déterminant de santé
:
Après avoir défini la notion de genre, nous
allons voir son application dans le domaine de la santé. En
épidémiologie sociale, le genre est utilisé comme
indicateur de la position sociale permettant ainsi de mesurer les
inégalités sociales de santé entre les hommes et les
femmes.
La recherche a visé à démontrer le lien
entre le contexte de vie des individus et leur santé. Les
frontières de recherche en santé se sont élargies en
allant plus loin que les facteurs biologiques alors la notion de «
déterminant » de la santé a alors
émergé. Elle désigne l'ensemble des « facteurs
personnels sociaux, économiques et environnementaux qui détermine
l'état des individus ou des populations » 27 . Ces
déterminants ont des effets différents sur la santé :
certains ont des conséquences positives (logement de qualité,
rapport sociaux enrichissants...), d'autre protègent (activité
physique, régime alimentaire, confiance en soi...) et enfin certains
entrainent des risques pour la santé (sédentarité,
tabagisme, isolement...).
Ces déterminants sont inégalement
répartis au sein de la population et entrainent des
inégalités sociales de santé qui sont selon Fassin «
le marquage de l'ordre social dans l'être physique, la manifestation
la plus profonde mais aussi la moins perçue de l'inscription du
politique dans le domaine de la santé »28
27 OMS (1995) « Health promotion Glossary »
(Consulté le 12/05/2015) « Disponible sur
http://whqlibdoc.who.int/hq/1998/WHO_HPR_HEP_98.1.pdf
28 FASSIN. D. Les enjeux politiques de la santé.
Paris: Editions Khartala, 2000. Coll. « Hommes et
Société » 346p.
14
Les inégalités sociales de santé
issues d'une inégale répartition des déterminants de la
santé :
Les inégalités sociales de santé sont
définies par l'OMS29: «Health inequities are
avoidable inequalities in health between groups of people within countries and
between countries. These inequities arise from inequalities within and between
societies. Social and economic conditions and their effects on people's lives
determine their risk of illness and the actions taken to prevent them becoming
ill or treat illness when it occurs». Nous pouvons souligner à
partir de cette définition le caractère
«évitable» et «inéquitable» de ces
inégalités.
Tableau 1. Modèle d'inégalités en
santé
Un des modèles explicatif des inégalités
sociales de santé développé par la Commission des
Déterminants sociaux de la santé de l'OMS30 permet de
comprendre le lien entre santé et genre. Le tableau 1 se concentre sur
les aspects structurels des déterminants sociaux de l'iniquité en
santé.
Ce modèle montre que le contexte
socio-économique, à savoir tous les mécanismes
politiques et socio-économiques d'une société
(système d'éducation et de sécurité sociale, les
valeurs culturelles et sociales...), influence, maintient ou renforce la
position socio-économique des individus au sein de la
société. Ces mécanismes amènent à une
stratification
29 W.H.O (2008) « Key Concepts »
« Consulté le 12/12/14 » (Disponible sur
http://www.who.int/social_determinants/thecommission/finalreport/key_concepts/en/)
30 SOLAR O., IRWIN A., (2007), A Conceptual Framework for
Action on the Social Determinants of Health. Commission on Social
Determinants of Health. 77 p.
15
sociale, définie comme « le découpage
des sociétés humaines en catégories
hiérarchisées, présentant en leur sein une certaine
homogénéité, et qui résulte de l'ensemble des
différences sociales associées aux inégalités de
richesses, de pouvoir, de prestige ou de connaissance »31.
Afin de mesurer la position sociale, ce modèle identifie des
déterminants structurels influençant la position
socio-économique des individus au sein de la hiérarchie sociale.
Ces variables « stratifiantes » sont le revenu, le travail, le niveau
d'éducation. Nous retrouvent aussi dans le modèle la classe
sociale, le genre et l'origine ethnique.
Le contexte socio-politique et les déterminants
structurels sont regroupés sous le terme de déterminants
structurels d'iniquité en santé. Le modèle souligne
également que cette assignation à une position sociale par le
contexte socio-économique s'exerce dans l'autre sens. Les individus ou
groupes d'individus peuvent aussi influencer le contexte
socio-économique en acceptant ou s'opposant à des choix
politiques ou encore en faisant évoluer les valeurs et les visions de la
société. C'est ce que nous retrouvons dans les revendications
développées dans les activités de plaidoyer des
associations féministes. Une récente revue de la
littérature de L. Farrer montre l'importance des mobilisations sociales
dans la lutte contre les inégalités sociales de santé :
« A large number of articles in the gray and academic litterature
emphasized the importances of social mobilization as part of advocacy for
healthe equity »32
Pour finir, ces déterminants structurels influencent
à leur tour des déterminants intermédiaires de
santé plus spécifiques comme les facteurs biologiques,
psychologiques et comportementaux, ou encore les conditions de vies ayant un
impact sur l'équité en santé.
Selon Cousteaux, aborder le genre et la santé est une
matière complexe et fait depuis peu l'objet d'attention : « Si
les publications récentes sur les inégalités sociales de
santé n'intègrent pas la question des différences de genre
au motif que ce thème mériterait une étude
spécifique (...), ce sujet semble néanmoins faire l'objet depuis
peu d'un intérêt manifeste, à la fois académique et
politique. » 33 et il ajoute que « la plupart des
thématiques de recherche sont liées au rôle reproducteur
des femmes et à l'assignation des femmes à leur sexe
biologique. ».
31 COULANGEON P, « Stratification sociale »,
Sociologie, Les 100 mots de la sociologie, (Consulté le 20/05/2015)
(Disponible sur
http://sociologie.revues.org/513)
32 FARRER L., MARINETTI C.,CAVACO Y. et COSTONGS C.
(2015) Advocacy for health equity : a synthesis review The Milbank
Quarterly, Vol.93 (2) (p.392=437)
33 COUSTEAUX Anne-Sophie. (2011) Le masculin et le
féminin au prisme de la santé et de ses
inégalités sociales. Sociology. French. Institut d''études
politiques de paris - Sciences Po
16
En matière de santé, on observe un paradoxe si
on se limite à l'espérance de vie. Les hommes sont
désavantagés par rapport aux femmes puisqu'ils vivent moins
longtemps que les femmes. Cependant lorsqu'on s'intéresse à la
morbidité, ce sont les femmes qui sont désavantagées par
rapport aux hommes. L'épidémiologie montre des limites dans
l'analyse des disparités de santé entre masculin et
féminin. Fassin à ce propos précise qu'« il faut
aussi considérer que, dans une perspective anthropologique qui vise
à appréhender les phénomènes
d'inégalité, toutes les morts ne s'équivalent pas,
même si le démographe les comptabilise indifféremment :
mourir en bas âge d'une rougeole ou d'une pneumonie n'est pas la
même chose que mourir victime d'un infanticide parce que l'on est une
fille et donc moins désirée qu'un garçon ».
Les critiques féministes proposent une approche
différente de l'épidémiologie sociale en analysant les
disparités en matière de santé à partir des
domaines de vie des femmes plutôt que de leurs maladies : « If
the biological finality of death can only be explained in a wider social
context the complex realities of women's sickness and health must be explored
in similar ways. In order to do this, traditional epidemiological methods have
to be turned on their head. Instead of identifying diseases and then searching
for a cause, we need to begin by identifying the major areas of activity that
constitute women's lives. We can then go on to analyse the impact of these
activities on their health and well-being ». 34
Conclusion intermédiaire :
Le concept de genre est au coeur des discours et des pratiques
de revendication des associations féministes ou mouvements de femmes.
C'est « un `outil opérationnelÇ autrement dit un outil
de travail utilisé non seulement pour la réflexion, mais aussi,
plus concrètement, pour guider et mener l'action
»35. C'est pourquoi nous chercherons par la suite,
à comprendre quelles spécificités ces mouvements apportent
au plaidoyer. En matière de santé le genre est abordé de
différentes façons selon les disciplines. Les mouvements
féministes proposent d'évaluer le niveau de santé des
femmes à partir de leurs domaines de vie et de mesurer l'impact qu'ils
ont sur leur santé.
|
34 DOYAL (1995) cité par COUSTEAUX (2011)
35 DUSSUET, A., FLAHAULT, É., LOISEAU, D (2013). Le genre
est-il soluble dans les associations féministes ? Cahiers du Genre
Vol. 55 N. 2 p.5-17
17
Méthodologie
Nous venons de présenter le contexte théorique
dans lequel nous avons élaboré notre recherche, nous allons, dans
cette partie, expliquer la méthode utilisée pour le travail. Dans
un premier temps, nous expliquerons la « Méthodologie de le
Théorisation enracinée » (Grounded theory)
(MTE) et ses principes. Puis pour les illustrer, nous détaillerons
l'évolution de notre recherche et les méthodes de récoltes
de données. Enfin nous énumèrerons les avantages et
limites de cette méthode pour notre travail.
1. La MTE : Une méthode de recherche «
innovante » :
La MTE a été développé par deux
sociologues de l'école de Chicago : Glaser et Strauss dans les
années 60. Cette méthodologie assez répandue aux
Etats-Unis connaît un intérêt grandissant dans le milieu
universitaire francophone. La récente traduction française de
l'ouvrage fondateur « The Discovery of Grounded Theory : Strategies
for qualitative research » en est une illustration36.
En opposition avec les méthodologies dites
hypothético-déductives cette méthodologie s'appuie sur
quatre opérations mentales naturelles37:
1. Mise de côté temporaire des cadres
théoriques : Le chercheur appréhende son objet de recherche
sans faire, à priori, une revue de la littérature scientifique
sur le sujet. Il base ses analyses sur ce qu'en disent les données, ce
qui favorise l'émergence de théories innovantes. Cette mise de
côté est temporaire car la littérature scientifique est
sollicitée plus tard dans la recherche afin de confronter, confirmer ou
préciser la théorie émergente.
2. Une méthode innovante pour façonner
l'objet de recherche : L'absence de recours à la littérature
et la posture « ouverte » du chercheur l'amène à ne pas
délimiter au départ un objet de recherche trop précis. Il
ne formule pas sa question de recherche au début, celle-ci émerge
en fonction des données qu'il récolte. Elle ne cesse
d'évoluer en fonction de ce que le chercheur découvre. Enfin dans
une perspective inductive, le chercheur n'appréhende pas les
données pour trouver une réponse mais plutôt comme un
phénomène à étudier, à décortiquer et
à découvrir.
36 SOULET M-H., Pourquoi traduire «The
Discovery of Grounded Theory». « In » GLASER B., STRAUSS A.
La découverte de la théorie ancrée : Stratégies
pour la recherche qualitative .Paris Editions Armand Colin, 2012. 399p.
(p.5)
37 GUILLEMETTE F. (2006). L'approche de la Grounded Theory ;
pour innover? Université du Québec à Chicoutimi.
Vol.26 (1), p.32-50
3.
18
Un aller-retour constant entre collecte de données
et analyse : A la différence des autres méthodologies qui
consistent à collecter les données puis à les analyser, la
MTE impose de faire un va et vient entre l'analyse et la récolte des
données. C'est ce qui est appelé la « comparaison constante
». Cette façon de construire la théorie amène
à confronter les résultats provisoires avec le terrain de
recherche ou encore à adapter ses outils des collectes de données
en fonction des besoins nécessaires à cette construction.
4. Une procédure favorisant l'émergence de
théorie: Les étapes d'analyse de la MTE favorisent
l'émergence de nouvelles théories notamment par la
première étape de codification qui s'élabore directement
à partir de données. Ces codes in vivo permettent de
faire émerger une théorie à partir de ce qu'en disent les
acteurs interrogés et contraint le chercheur à laisser la place
au « doute méthodique: c'est-à-dire une remise en
question des savoirs du chercheur ou un certain scepticisme par rapport au
connu » 38
Pour résumer et comme le précise Labelle, la MTE
« comprend trois facettes qui ne peuvent être isolées
; d'une part elle doit s'appuyer sur une posture scientifique,
d'autre part elle fournit les outils nécessaires (méthode) pour
collecter et analyser les données dans l'esprit de l'induction ;
finalement elle vise un objectif unique, la construction théorique
» 39
Nous avons choisi, parmi les deux traductions de
Grounded choisi le terme « Enracinée »
plutôt que « Ancrée » car il nous parait plus
adapté au processus développé par la méthodologie
qui consiste à lier données de terrain à
l'émergence d'une théorie, processus qui évolue
constamment40.
2. Le déroulement de notre recherche pour
illustrer les étapes de la MTE :
Après avoir présenté les innovations qu'a
apportées la MTE à la recherche en sociologie, nous allons dans
cette partie illustrer, à partir de notre travail, les
différentes phases d'élaboration de la théorie issue de la
MTE. Nous nous inspirons pour cela d'un article de F. Guillemette41.
Nous exposerons donc notre démarche méthodique au cours de la
recherche permettant ainsi d'adopter une position réflexive et
critique.
38 Ibedem
39 LABELLE F., NVARRO-FLORES O. et PASQUERO J.
(2012), Choisir et tirer parti de la méthodologie de la
théorisation enracinée : un regard critique depuis le terrain en
sciences de la gestion. « In » LUCKERHOFFJ. Et GUILLEMETTE F.
(2012)
40 LUCKERHOFFJ. Et GUILLEMETTE F. (2012)
Méthodologie de la Théorisation enracinée : Fondements
et procédures d'usage Québec. Presses de l'université
du Québec. 251p. (p.87)
41 GUILLEMETE F et LAPOINTE J-R. Illustration d'un
effort pour demeurer fidèle à la spécificité de la
méthodologie de la théorisation enracinée. « In
»
LUCKERHOFFJ. et GUILLEMETTE F.
(2012)
19
2. 1. Sensibilité théorique :
La « sensibilité théorique » en MTE
correspond à la réceptivité du chercheur à ce que
disent les données, cela implique nous l'avons vu plus haut une remise
en question (provisoire) des savoirs et des théories existantes.
La première étape de notre travail a
été de choisir cette méthode, peu diffusée dans la
formation en santé publique. Le choix de la méthodologie
enracinée s'est fait assez naturellement. Nous justifierons ce choix
plus tard42.
Après avoir intégré les fondements de la
MTE, il a fallu faire le bilan de ce que nous savions à propos du «
plaidoyer » et des « associations féministes » pour le
prendre en compte dans le processus de recherche. Notre «
sensibilité théorique » était limitée puisque
notre bagage théorique de jeune étudiant était faible dans
ce domaine. Cependant le milieu des associations nous était familier, il
a donc fallu prendre un temps de recul pour se rendre compte des
éventuels biais qui pouvaient s'immiscer dans l'analyse des
données. Par exemple certains termes comme « terrain » ou
« public » peuvent paraître naturels pour un travailleur du
monde associatif (ce qui l'était pour nous) mais ils doivent être
analysés avec minutie dans le cadre de cette recherche.
2.2. Problématique de recherche :
Dans un premier temps, au début de l'année
scolaire 2014-2015, il nous avait été demandé
d'élaborer une ébauche de plan pour le travail de recherche. Nous
avions à cette période décidé des grandes
thématiques pouvant faire l'objet d'une analyse, notamment « Le
Plaidoyer » « La lutte contre les inégalités sociales
de santé ». Nous n'avions pas défini de question
précise au moment de choisir la MTE comme méthode. Nous avons,
comme l'indique la méthode, choisi un « terrain » de recherche
où se présentaient ces grandes thématiques.
Nous avons décidé de nous tourner vers les
associations féministes et mouvements de la santé des femmes pour
diverses raisons. En premier lieu, car nous étions curieux de voir
comment s'organise le plaidoyer dans des associations avec une longue histoire
de mobilisations comme indiqué dans la partie théorique sur les
« Vagues féministes ». Ensuite, nous avons choisi deux
associations de tailles différentes pour pouvoir relever des
différences dans la façon d'organiser et concevoir le plaidoyer.
Nous voulions aussi rencontrer des associations de secteurs différents :
le secteur de promotion de la santé et de l'éducation permanente.
Enfin, nous avions grâce à notre réseau la
possibilité d'avoir des contacts dans ces associations. Ce terrain nous
était facilement accessible.
42 Voir en Section 5. Avantages et limites de la
MTE
20
Par la suite, la problématique s'est
précisée à partir des deux entretiens exploratoires. Nous
avons pour cela, laissé les interlocuteurs présenter leur vision
du plaidoyer à partir de leurs pratiques et connaissances. Puis petit
à petit l'analyse s'est organisée autour du « processus de
mise en oeuvre du plaidoyer », des « acteurs impliqués »
et « les différentes caractéristiques du plaidoyer ».
Enfin, nous avons ciblé, en suivant les données et nos
différentes phases d'analyse, notre question de recherche sur certaines
thématiques spécifiques abordées dans le cadre du
plaidoyer comme par exemple « le sexe et genre comme déterminant de
santé ».
2.3 La collecte des données :
La collecte des données s'est faite selon le principe
de l'échantillonnage théorique c'est-à-dire « un
processus de recueil de données au moyen duquel le chercheur rassemble,
code et analyse ses données et décide des matériaux
additionnels dont il a besoin et de l'endroit où les trouver, dans le
but de développer la théorie au fur et à mesure qu'elle
émerge »43. Les personnes et/ou situations
observées sont donc choisies par le chercheur pour mieux comprendre le
phénomène étudié. Nous allons présenter les
trois phases de collecte des données que nous avons pu identifier dans
notre démarche de recherche. Ces phases se sont entrecroisées et
n'ont pas suivies stricto sensu l'ordre chronologique de
présentation.
2.3.1. Phase exploratoire
La première phase correspond à la phase
exploratoire et s'est déroulée au cours du mois de
décembre 2014. Nous avons choisi de faire des entretiens car ils nous
paraissaient adaptés à l'objet de recherche. Le choix de cette
méthode est justifié dans la partie suivante.
A ce stade-là, nos entretiens portaient sur des
thématiques comme : « Présentation de l'association »
« Le plaidoyer : Comment s'organise-il? Quelle forme prend-il ? Pour quoi
faire du plaidoyer ? ». La thématique de santé
n'était pas directement abordée mais celle-ci venait
naturellement soit parce que la personne faisait partie d'une association dite
de promotion de santé, soit parce que nous nous présentions comme
étudiant en santé publique.
Nous avons rencontré à cette étape deux
personnes : Carole, coordinatrice d'une Maison Mosaïque de Vie
Féminine. Nous avons eu son contact grâce à une personne
que l'on connaît en commun. Et Carine, contactée après la
lecture d'un article de la revue « Education Santé » sur
l'Asbl Femmes et Santé et la PPSF44.
43 GLASER B., STRAUSS A. La découverte de la
théorie ancrée : Stratégies pour la recherche qualitative
.Paris Editions Armand Colin, 2012. 399p.
44 BARBIER C. (2014). L'approche du genre comme
déterminant de la santé Education Santé. (305),
p.5-7
21
2.3.2. Précision de l'objet de recherche
La seconde phase correspond à la phase de
précision de l'objet de recherche afin d'étudier plus finement le
phénomène de plaidoyer dans ces associations. Nous avons
interrogé quatre informatrices. Les rencontres se sont faites par «
effet boule de neige ». C'est-à-dire que nous demandions à
chaque interlocutrice de nous relayer auprès de personnes qu'elles
jugeaient pertinentes de nous faire rencontrer. Nous les sélectionnions
à partir des contacts reçus et en fonction des résultats
que nous avions déjà pu tirer dans les premiers entretiens. Par
souci de temps et de précision de l'objet de recherche, nous n'avons pas
rencontré de personnes d'autres associations. Nous avons
néanmoins eu, au sein de ces associations, une diversité dans les
interlocutrices puisque toutes n'ont pas les mêmes rôles dans
l'organisation du plaidoyer. Cette recherche de variation nous semblait
importante pour enrichir notre théorie sur le phénomène de
plaidoyer et y identifier certaines contradictions et tensions. Nos entretiens
portaient sur des thématiques et dimensions abordées lors des
premiers entretiens comme « les étapes d'élaboration du
plaidoyer » ou encore « les différents outils de plaidoyer
». Nous avons aussi questionné sur les discours défendus
lors du plaidoyer.
2.3.3. Elargissement à d'autres méthodes
de collectes:
La dernière phase correspond à une nouvelle
orientation dans le choix des méthodes de collecte de données.
Les entretiens et leur analyse ont permis de mieux cerner le plaidoyer mais
nous avons décidé d'aller plus loin dans l'étude en
analysant les discours des associations. Il nous avait paru insuffisant
d'étudier le plaidoyer en mettant de côté le discours qui
est défendu. Nous voulions aussi mieux comprendre comment s'organisent
ces actions de plaidoyer. Pour cette raison, nous avons commencé
à analyser différents documents produits par les associations
mais aussi participé à une journée organisée par la
PPFS. L'observation nous semblait être adaptée. En effet, comme le
précise H. Becker45, « Toute chose se déroule
quelque part. (...) ce que vous étudiez existe en un lieu
spécifique qui affectera nécessairement votre objet ».
A partir de ce moment nous sommes allés plus loin que l'analyse des
pratiques discursives des personnes interrogées et avons tenté de
participer à certaines activités qui étaient
considérées par les interlocutrices comme des activités de
plaidoyer.
45 BECKER H.S. Les ficelles du métier.
Paris : La Découverte, 2002. 360p.
22
3. Le terrain et les sources de données :
Dans cette section, nous allons détailler notre terrain
de recherche et les différentes sources de données
utilisées pour élaborer notre travail de recherche.
3.1 Trois associations comme terrain de
recherche
3.1.1 Vie Féminine
Vie féminine (VF) est une Association Sans But Lucratif
(asbl) qui se décrit comme un mouvement féministe visant à
« défendre une société solidaire et
égalitaire » en remettant en question les systèmes de
domination « du patriarcat, du capitalisme et du racisme
»46.
En 2010, le mouvement a mis en exergue douze conditions pour
« une société égalitaire, solidaire et juste »
ancrée dans le quotidien des femmes. Ces conditions sont les suivantes :
« un travail de qualité qui s'équilibre avec la vie
personnelle , · la garantie d'une autonomie
financière à toutes les femmes, tout au long de la vie
, · Un modèle de consommation durable,
équitable et accessible à tous , · Les soins aux
autres sont une responsabilité collective partagée par
tous , · Les professions de soins aux autres sont
reconnues et valorisées , · Les femmes
disposent d'un réel temps pour elles , · Les femmes
sont libérées du poids des stéréotypes sexistes
, · La maternité n'est ni une obligation, ni une source
de discrimination , · les violences et injustices
à l'égard des femmes sont considérées comme
l'expression du modèle patriarcal et combattues comme telles
, · les politiques et les institutions prennent en
compte les besoins et les intérêts des femmes , ·
les femmes sont au coeur des luttes pour le changement
, · Les femmes construisent une solidarité entre elles
»
L'association inscrit ses actions dans « un projet social
et culturel ». L'option féministe est envisagée pour
établir des rapports égalitaires entre hommes et femmes.
L'utilisation d'outils et méthodes d'éducation permanente permet
« l'autonomie et l'émancipation des femmes », et en
particulier des femmes de milieux populaires. Les débats,
expériences et vécus de femmes sont valorisés en vue de
« construire ensemble » leur identité. Enfin, de par ses
activités VF vise un rassemblement « pour influer les
politiques qui régissent leur vie ». Ce rassemblement et la
participation active des membres est garantie par une organisation en
réseau qui « allie proximité et coordination, diversifie
les formes d'adhésion et de participation, permet à chacune
d'influer sur le projet, de prendre ses responsabilités et de participer
à la décision, rendre possible la formulation des revendications
qui traduisent les changements qu'elles veulent avoir »
46 VIE FEMININE (2014) (Consulté le 31/03/15) «
Disponible sur
http://www.viefeminine.be/spip.php?rubrique311&var
mode=calcul »
23
Le mouvement s'articule autour de six thématiques :
- « Lutte contre la précarité et la
pauvreté » : Chercher à aborder les questions de
précarité avec un point de vue féminin
- « Lutte contre les statuts précaires et
promotion des emplois de qualité » : Chercher à valoriser
l'accessibilité à des emplois de qualité qui permettent un
revenu décent.
- « Lutte contre les violences conjugales et
familiales » : Identifier les pistes d'action et de prévention face
aux violences conjugales et familiales
- « Promouvoir la santé et le bien-être
des femmes » : « Avoir une lecture féministe des politiques de
la santé et du bien-être »
- « Promouvoir une image positive du féminisme
et lutter contre le sexisme » : Développer des actions de
sensibilisation et d'information au sujet du féminisme et de ses aspects
positifs.
- « Se construire des chemins d'autonomie et se
construire des chemins de droits » : Permettre aux femmes d'augmenter leur
autonomie et leurs choix pour « peser sur leur vie et la
société ».47
Pour chacune de ces thématiques, des travaux de
recherche, d'analyse et des outils sont développés afin de
permettre aux groupes de femmes d'aborder des thématiques qui les
préoccupent. Y sont aussi associées des prises de position,
issues d'un travail collectif, permettant aux femmes d'avoir une vision commune
à défendre.
VF est une organisation qui fonctionne en réseau avec
des groupes de femmes bénévoles et militantes qui s'organisent de
façon autonome. Elles sont parfois appuyées et
accompagnées par des animatrices de l'association selon les
thématiques ou en fonction des localités. Ces entités
locales sont réparties sur la Belgique francophone : Bruxelles, Centre
Hainaut, Brabant Wallon, Région Picarde, Charleroi/Thuin,
Liège/Seraing/Verviers, Huy/Waremme, Namur/Ciney/Walcourt et
Luxembourg.
Les activités des entités locales sont diverses
et variées. L'objectif est de mettre à disposition des femmes un
lieu et un temps de rencontre et d'échange. Cela peut être des
journées de rencontre autour d'une thématique, des ateliers
bien-être, des groupes de parole, des groupements d'achats, la
rédaction d'un journal ou encore la mise en place des formations sur,
par exemple, le système institutionnel ou les violences conjugales.
47 Ibedem
24
Il existe aussi, au niveau national, une coordination dont
l'objectif est de relayer les réalités des différentes
entités à une plus grande échelle et renforcer le discours
des femmes par une mise en réseau. Cela permet aussi de
développer des campagnes nationales de sensibilisation sur des
thématiques communes à tout le territoire. C'est le cas de celle
organisée en 2013 : « La Caravelle du Droit des Femmes » ou
encore « 14 priorités pour 2014 » qui visent à faire
passer un message commun à l'organisation auprès des membres, de
la société civile mais aussi auprès des
décideurs.
L'entité bruxelloise de VF regroupe le plus de lieux
d'échanges puisqu'il y a sur la
région Bruxelles-Capitale cinq lieux différents
:
- L'espace Femme de Jette
- L'espace Couleurs Femmes d'Ixelles
- La Maison Mosaïque de Laeken
- La Maison Mosaïque d'Etterbeek
- Vie Féminine Bruxelles
Ces lieux sont des « espaces de rencontre entre des
femmes d'origines diverses » permettant d'aborder des questions
relatives à leur vie familiale et la vie de quartier. Les
activités proposées sont le reflet des demandes faites par les
femmes. A l'instar des autres entités de la Belgique Francophone et avec
une visée d'éducation permanente, les activités peuvent
être des cours d'alphabétisation et de français,
d'informatique, des écoles de devoirs pour les enfants ou encore des
ateliers créatifs ou de santé et bien-être.
En plus de ces lieux qui permettent d'offrir des espaces de
rencontre, l'entité bruxelloise de VF se charge de prendre position par
rapport à certaines politiques mises en place sur le territoire et d'y
organiser des formations pour sensibiliser et diffuser une vision
féministe des événements qui touchent la région.
Nous pouvons notamment citer des formations comme « FeminismeS :
outils pour décoder, levier pour agir » ou encore «
L'Europe et le Grand Marché Transatlantique ». Nous
reviendrons plus tard sur ces activités.
25
3.1.2. Femmes et Santé:
Femmes et santé (FS) est une asbl créée
en 2005 à l'initiative de deux femmes médecins qui souhaitaient
permettre de diffuser des informations, des réflexions au sujet de la
santé des femmes qui traversent la cinquantaine. L'Asbl inscrit son
travail dans le « Mouvement pour la santé des Femmes
»48 qui cherche à passer de la
démédicalisation à l'auto-santé et refuser
l'hyper-médicalisation de la société, en particulier son
contrôle sur le corps de la femme.
Avec une grille de lecture féministe, l'objectif
initial était de réduire la surmédicalisation lors de la
ménopause, qui est, selon l'informatrice rencontrée, «
l'aboutissement de tous les préjugés : arrêt de la
productivité, de la reproductivité... ». Les
activités veulent renforcer le lien entre le corps et la santé,
en utilisant les ressources des femmes, leurs liens de solidarité et par
l'échange de savoirs et compétences. Par la suite la demande des
femmes rencontrées pendant les activités s'est portée sur
les générations plus jeunes en pointant notamment leur manque de
connaissance en matière de corps, sexualité et vie amoureuse.
C'est ainsi qu'en 2007, des ateliers intergénérationnels se sont
mis en place pour « réinventer une culture de transmission
entre femmes de différentes générations». Enfin,
le dernier volet de ces ateliers porte sur l'acquisition de connaissances sur
les déterminants de la santé par une démarche de promotion
de la santé.
L'asbl organise depuis dix ans des ateliers sur « la
santé sexuelle et reproductive, » des groupes de travail et de
parole pour les femmes autour de la cinquantaine, des rencontres
intergénérationnelles et des ateliers de santé sur
différents thèmes (coeur, seins, périnée,
auto-examen gynécologique...). Ces activités se font toujours sur
une base interactive et positive où les capacités et les
aptitudes des participantes sont mises en valeur en vue d'agir sur ce qui
«amène à la santé », à titre
individuel et collectif.
FS est autogérée avec des décisions et
orientations prises au sein du conseil d'administration. Les animatrices sont
de différentes formations universitaires et parcours personnels.
Certains ateliers et groupes de femmes sont gérés de façon
autonome. Il arrive que certains quittent l'association.
Le public rencontré par l'association est,
d'après une évaluation réalisée par un
étudiant49, composé à : 55 % de participantes
issues de milieux populaires, parfois précarisés ; 35 % de
participantes issues de classes moyennes ; 20 % des femmes issues de
l'immigration,
48 SAILLANT F. (1985), «Le mouvement pour la
santé des femmes» Consulté en ligne le 27/02/2015 sur
http://www.uqac.ca/Classiques_des_sciences_sociales/
49 LUSSIGNAN P.-H. (2013) « Travail
d'Evaluation dans le cadre des activités organisées par l'ASBL
Femmes & Santé »
26
sans formation ni activité professionnelle.
La moyenne d'âge a évolué au cours des dix
ans d'activités puisqu'elle était exclusivement centrée
autour des femmes entre 40 et 50 ans mais depuis quelques années de plus
en plus de femmes de la tranche d'âge 25-35 ans ont intégré
le groupe.
La dimension politique du fait d'adopter une vision
féministe dans le domaine de la santé est quelque chose que
l'association n'a pas porté seule et c'est à cet égard
qu'a été créée à la demande de la
Communauté Française la «Plateforme pour promouvoir la
santé des femmes» (PPSF).
3.1 3.Plateforme pour promouvoir la santé des
femmes
La PPSF est, comme nous l'avons dit précédemment
une plateforme créée en 2007 à la demande de la
Communauté Française à FS. L'objectif était de
créer un réseau entre les acteurs abordant la santé de
femmes. Elle réunit des professionnels et non-professionnels autour de
projets d'échanges, de collaboration et de réflexions, dans une
optique, comme son nom l'indique de promotion de santé centrée
sur les femmes. Les participantes viennent à la plateforme à
titre individuel ou au nom de leur organisation (Gams-Belgique, Le monde selon
les femmes, Bruxelles Laïque, CEFA asbl, Question Santé...). La
PPSF cherche avant tout à favoriser la mise en réseau en vue de
mettre en commun les connaissances et compétences des différentes
adhérentes. Elle crée « un laboratoire politique »
où s'échangent les réflexions autour de concept de
promotion de la santé des femmes.
Les participantes revendiquent « une approche globale et
féministe, égalitaire et solidaire de la santé ». A
cet effet, elles s'engagent à travers leur charte à :
« 1. Préserver, construire et collectiviser
les savoirs qui permettent à chacune de s'approprier sa santé et
d'être une actrice avertie et compétente dans ses choix.
2. Favoriser et redynamiser les liens entre les femmes
à travers leurs savoirs. Réinventer une culture d'enseignement,
d'échange et de transmission intra- et
intergénérationnelle.
3. Défendre la promotion de la santé des
femmes et l'auto-santé face à l'extension du domaine
médical au service du pouvoir politique et des intérêts de
l'industrie pharmaceutique, biotechnique et cosmétique.
4. Lutter pour l'application effective pour toutes les
femmes des droits sexuels et reproductifs.
5.
27
Récolter, analyser et mettre à disposition
des connaissances, études, outils et alternatives utiles pour
éclairer le choix des femmes et pour sensibiliser tous les acteurs de la
santé.
6. Relayer les valeurs féministes dans le cadre
des politiques de santé et favoriser les actions sur les
déterminants de santé.
7. Réclamer davantage de moyens financiers pour la
promotion de la santé, considérant celle-ci comme prioritaire par
rapport à la médecine préventive.
8. Mobiliser des femmes de terrain mais aussi des
universitaires et des expertes pour élargir la compétence de la
plateforme, sa dynamique, son rôle et son impact auprès des
femmes, auprès de tous les acteurs de la santé et auprès
des autorités. »50
Depuis sa création et grâce à des
rencontres régulières ouvertes à toutes, la plateforme a
participé à l'organisation de la 11ème
Rencontre Internationale Femmes et Santé de septembre 2011 et la
publication de ses actes51. Elle a aussi eu l'occasion de mettre en
place des Journées autour de thématiques de santé à
l'occasion de la journée internationale de la santé de la femme.
Par exemple, l'édition de 2013 portait sur l' « auto-santé
», celle de 2015 sur l'influence du care sur la santé des femmes.
De plus, elle permet grâce à la mise en réseau de
différentes organisations de participer, co-organiser ou participer
à des séminaires (La sollicitude a-t-elle un sexe ? Mai
2014), des congrès (Congrès l'université de
Liège sur la santé des femmes. Février 2015) ou
encore des ateliers interdisciplinaires (Empowerment : parlons-nous le
même langage ? Octobre 2013). Enfin, la plateforme est aussi un lieu
d'échanges, d'analyse et d'étude à l'instar du «
Programme 2015-2018 : Etude sur la spécificité du genre comme
déterminant de la santé des femmes ».
50 PLATEFORME POUR PROMOUVOIR LA SANTE DES FEMMES
(Consulté le 10/12/14) « Disponible sur
http://www.plateformefemmes.be/ »
51 RIFS (2011) « 11éme Rencontre
Internationale Femmes et Santé. Bruxelles Belgique »
(Consulté le 05/05/2015) « Disponible sur
http://www.genreenaction.net/IMG/pdf/RIFS11.pdf
»)
28
3.2. Les personnes rencontrées
Après avoir présenté notre terrain
d'analyse, nous allons, dans cette partie décrire les personnes
rencontrées pour récolter les données utiles à
notre recherche. Par souci d'anonymat, les prénoms ont été
volontairement modifiés.
Carole : Elle est coordinatrice d'une Maison
Mosaïque de Vie Féminine. Comme nous l'avons vu les Maisons
Mosaïque sont des antennes de VF au plus proche du public à la base
des mouvements de revendications. Carole est chargée de veiller au
fonctionnement de la structure en organisant les activités (cours de
français, école des devoirs, cours d'information, ateliers
bien-être...) en collaboration avec les animatrices, la recherche de
subsides, assurer le lien avec les autres entités de VF mais aussi les
autres organisations de la commune. Elle est salariée de
l'association.
Son expérience professionnelle permet de mieux
comprendre le plaidoyer car elle est en contact permanent avec les femmes du
réseau et connaît leurs conditions et contextes de vie. En
matière de plaidoyer et de revendications, sa place et celles des
animatrices sont précieuses car toutes elles doivent être
attentives à ce que les femmes vivent, expriment et demandent afin de
pouvoir en faire l'objet d'une analyse plus approfondie et un plaidoyer par la
suite.
Carine : Elle est la seconde personne que nous avons
rencontrée dans le cadre de notre travail. Elle est membre fondatrice de
FS. Médecin de formation, après avoir travaillé pendant
plusieurs années dans le milieu hospitalier, elle a créé
l'association et anime certains ateliers. Elle était dans l'association
lors de la création de la PPSF où elle se charge, avec l'appui
d'autres personnes, de coordonner les activités (organisation des
réunions, communication interne et externe...). Elle exerce à
titre bénévole chez FS et dans la PPSF.
Son témoignage était précieux pour le
recueil de données car elle occupe une position à cheval entre
les deux associations et a pu suivre dès le début leur
évolution. Elle semblait pouvoir donner des explications claires sur les
activités et messages de plaidoyer portés par les associations et
leurs évolutions historiques. Enfin, elle nous a permis grâce
à son réseau de rencontrer d'autres personnes et de participer
à des activités de la plateforme.
Manue : Cette personne nous a été
indiquée par Carine. Après avoir fait un stage dans l'association
FS dans le cadre de sa formation en Santé Publique à l'ULB, Manue
est restée impliquée à titre bénévole dans
l'association mais aussi dans la PPSF. Elle contribue à
l'élaboration et la rédaction des dossiers de financements et
apporte un appui dans
29
l'organisation des activités des deux entités.
Sa participation est ponctuelle et comme elle le dit elle-même : «
Dans la plateforme, je suis un membre mouvant, je ne représente pas
une association, je ne suis pas mandatée donc j'y vais de manière
plutôt individuelle avec des moments où je me suis plus
impliquée et des moments où je me suis un peu retirée
».
Nous avons tenu à la rencontrer, car elle travaille
depuis quelques années sur les dossiers de FS et PPSF et a
participé à certaines activités de plaidoyer ce qui
représente un atout dans la récolte d'informations sur les
messages de plaidoyer, leurs constructions et leurs diffusions.
Fouzia : C'est une femme qui a, autrefois,
participé aux activités de la Maison Mosaïque (VF) et s'est
impliquée au fur et à mesure dans les projets de la structure. En
tant qu'ancienne femme battue elle a été une personne motrice
dans l'organisation d'activités de plaidoyer sur ce sujet. Elle est
maintenant bénévole active dans la Maison Mosaïque (aide
pour les animations, soutien lors des activités extérieures, aide
logistique...) et participe aussi aux groupes de travail qui se mettent en
place chez VF sur le thème de la violence à l'encontre des femmes
en vue de créer des outils ou de développer un plaidoyer.
Nous avons pu avoir son contact grâce à Carolle.
Son témoignage nous a paru important car son point de vue est
différent des autres personnes puisqu'elle a participé et
développé le plaidoyer à partir de son expérience,
tout en étant accompagnée par VF.
Aline: Aline est coordinatrice nationale de la
thématique santé de VF. Elle est chargée de suivre toutes
les activités de VF au niveau national (partie Francophone). Elle, avec
d'autres collègues, identifient les sujets récurrents et font le
lien entre les entités locales et régionales de l'organisation.
Aline peut être considérée comme « multitâche
» puisqu'elle peut à la fois être avec les animatrices et les
femmes lors d'une action, participer ou organiser des groupes de travail sur
différentes thématiques, se charger de la recherche de fonds au
niveau national et développer des activités de plaidoyer comme la
rédaction de communiqué de presse, le contact avec des
décideurs politiques ou encore l'organisation de campagne nationale en
concertation avec les différentes antennes de l'association et
partenaires éventuels.
Nous avons tenu à la rencontrer car sa position lui
permet d'avoir une vision d'ensemble des messages et activités de
plaidoyer, transversale à toutes les régions. De plus, c'est elle
qui est chargée de la thématique santé pour l'association.
Son expérience lui permet aussi de suivre des revendications issues de
réalités récurrentes à différentes
régions et qui
30
aboutissent à un plaidoyer sociétal. Nous
pouvions ainsi mieux comprendre l'articulation entre les différents
niveaux de revendication.
Gisela. : Gisela est « la responsable
régionale adjointe », chargée de coordonner les
activités de VF en région bruxelloise. Elle a aussi « une
fonction multitâche » d'animatrice, de formatrice, de
secrétaire... qui consiste à accompagner les antennes
bruxelloises (notamment les Maisons Mosaïque) dans leur projet et
d'assurer un lien entre les différentes actions de la région et
le relais au niveau national en cas de besoin. Elle s'occupe aussi de la
recherche de fonds. Plus spécifiquement, en matière de plaidoyer,
elle co-organise et participe aux activités en vue d'une
visibilité en région bruxelloise. Enfin, elle coordonne certains
groupes de travail notamment celui sur la dimension de genre comme
déterminant de la santé. Elle participe aussi à ce titre
à la plateforme pour promouvoir la santé des femmes.
Nous voulions connaître son expérience car elle
occupe aussi une position stratégique dans les activités de
plaidoyer, à la fois dans celui au plus proche du public mais aussi le
« plaidoyer de revendication ». Son point de vue permet de mieux
comprendre l'articulation entre les différents niveaux de VF et les
autres organisations publiques ou non marchandes de la région
bruxelloise (cpas, plateforme pour promouvoir la santé des femmes...)
3. 3. Les autres sources de données :
Nous présentons maintenant un descriptif des sources de
données utilisées. Tout comme dans les descriptions, nous
reviendrons plus en détail sur ce que nous avons pu observer et
récolter comme données dans la suite du travail.
Les Compte Rendus de réunions d'un groupe de
travail :
Nous avons, au cours d'un entretien, obtenu tous les comptes
rendus d'un groupe de travail qui s'est mis en place chez VF pendant plus d'un
an. Ce groupe de travail intitulé « Groupe de travail sur les
déterminants de santé » avait pour but de comprendre ce qui
influence la santé des femmes. Il y a un PV pour chacune des
séances, un article publié à ce sujet dans le MOC et une
fiche descriptive du groupe de travail.
Nous avons essayé d'identifier comment se construit le
message de plaidoyer, qui participe à ces animations et comment est-ce
qu'il s'organise concrètement ? Comment sont incluses les participantes
dans le processus de plaidoyer ? Quel discours est défendu ?
31
Observation au colloque PPSF :
Nous avons participé à un colloque
organisé par la PPSF le 28 mai à l'occasion de la journée
internationale de la journée de la femme. Il avait pour titre «
Le jour où j'ai arrêté d'être seule à
m'occuper des autres ». Cette journée avait pour objectif de
dénoncer et de trouver des solutions alternatives à la
répartition inégale entre les hommes et les femmes du soin aux
autres. L'organisation de cette journée annuelle constitue la principale
activité de la plateforme. Elle permet de regrouper toutes les
associations participantes et est ouverte à tout le monde. Nous avons
observé qui participait à la journée et été
attentif au discours. Nous voulions comprendre comment s'organisait la
rencontre, les échanges et dans quelle phase du processus de plaidoyer
s'inscrivait cette activité.
Tableau 2 : Récapitulatif des
récoltes de données :
|
Phase 1 : Exploratoire
|
Phase 2 : Précision de l'objet de
recherche
|
Phase 3 : Elargissement à d'autres méthodes
de recherche
|
Méthodes de récolte des
données
|
Entretiens compréhensifs
|
Entretiens compréhensifs
|
Observation
Analyse de documents
|
Qui ?/ Quoi ? / Où ?
|
-Carolle (VF)
- Carine (FS / PPSF)
|
- Manue (FS/PPSF) - Fouzia (VF) - Aline (VF) - Gisela
(VF/PPSF)
|
-Journée de la PPSF
- PV du groupe de travail « Déterminant de la
santé des femmes »
|
Quand ?
|
Décembre 2014
|
De janvier à avril 2015
|
Participation et analyse : Mai 2015
(Le groupe s'est réuni pendant un an de 2013 à
2014)
|
Dimensions questionnées /
observées
|
« Présentation de l'association »
« Le plaidoyer : sa forme / le but / comment s'organise ?
Qui l'organise ? » « Le lien avec la santé ? »
|
« Les processus de plaidoyer » « Les acteurs
impliqués » « Les types de plaidoyer » « Le discours
plaidé »
|
« L'organisation des activités »
« Qui participe ? » « Recherche de contradictions
/ similitudes / tensions avec les entretiens » « Processus
d'élaboration du plaidoyer»
|
32
4. Les étapes d'analyse de la MTE :
La MTE se base sur six étapes pour favoriser
l'émergence d'une théorie. Ces étapes, tout comme les
phases d'échantillonnage théorique sont étroitement
imbriquées et ne respectent pas exactement l'ordre chronologique de
présentation. Chacune de ces étapes est illustrée en
Annexe 2 à partir des notes personnelles de travail.
1. La codification :
La codification consiste à « étiqueter
» ce que disent les informateurs sur notre objet de recherche. Il existe
différents types de codage mais nous avons utilisé des codes
in vivo52. C'est-à-dire que nous avons, dans
l'ensemble, étiqueté et listé des « codes » en
utilisant les mots et expressions dits textuellement par les informateurs
eux-mêmes. Au fur et à mesure des entretiens certains codes
déjà utilisés ont été assignés
volontairement à ce que disait le nouvel interlocuteur. A cette
étape, il a fallu rester au plus proche de ce que les informateurs nous
disaient.
2. La catégorisation conceptuelle
Afin de monter d'un échelon dans la
théorisation, nous avons procédé à la
catégorisation, deuxième étape de la MTE. Nous avons pour
cela regroupé les codes et identifié une catégorie qui
permettrait de les englober. La catégorisation et la prise de recul se
sont souvent faites à partir de codes existants du même corpus ou
à partir des catégories établies dans d'autres entretiens.
D'après Lejeune C. 53 , il existe quatre types de
catégorisation54. Nos catégorisations ont varié
entre catégorisation fonctionnelle et prototype. Lors des entretiens
suivants, nous avons plus procédé à des «
catégorisations classificatoires ».
3. La mise en relation
Chaque catégorie est ensuite reliée à une
autre selon trois principes :
- empiriquement : c'est-à-dire en suivant le corpus ;
- spéculativement : en suivant l'intuition du chercheur
;
- théoriquement : à partir de ce que peut en dire
la littérature sur le sujet.
Nous avons, dans le cadre de notre travail,
privilégié les deux premiers principes.
52 GUILLEMETE F et LAPOINTE J-R. Illustration d'un
effort pour demeurer fidèle à la spécificité de la
méthodologie de la théorisation enracinée. « In
»
LUCKERHOFFJ. et GUILLEMETTE F.
(2012)
53 LEJEUNE C. Manuel d'analyse qualitative : Analyser sans
compter ni classer. Liége : De Boeck, 2014.,149p.
54 Les types de catégorie :
Classificatoire : « qui sert à classer » ; Prototype
: « appartenance relative et graduelle » ;
Fonctionnelle : « relie les éléments qui vont
ensemble sans se ressembler » ; Concept : «
Catégorie comme synonyme de concept »:
4. 33
L'intégration
Les trois premières étapes se sont
principalement déroulées pour les premiers entretiens. A partir
des troisième et quatrième entretiens, nous avons pu obtenir un
début de saturation théorique pour certaines dimensions du
phénomène. La saturation théorique correspond à
l'étape où plus rien de nouveau et de consistant n'émerge
de la collecte des données55. Les derniers entretiens ont
validé ou précisé les codes et catégories
précédemment élaborés. Nous avons notamment
précisé les étapes du plaidoyer et distingué deux
types de plaidoyer. La phase d'intégration a donc consisté
à préciser sur quoi la recherche portait et identifier les
caractéristiques et spécificités du
phénomène dans ces associations. C'est là que nous avons
utilisé les analyses de corpus de texte ou les prises de note de
terrain.
5. La modélisation
Afin de mieux cerner notre théorie émergente,
nous avons schématisé les catégories finales
élaborées à partir des données. L'évolution
du modèle a été permise grâce à des
mémos rédigés suite à l'analyse de chaque
entretien. Nous cernions les évolutions et variations théoriques
à intégrer dans le modèle.
6. La théorisation
Afin de dégager une théorie explicative, nous
avons procédé à la vérification des conclusions
théoriques. Cette étape a été faite au cours des
entretiens mais aussi lors de l'analyse des corpus de texte et lors de
l'observation. Nous avons cherché à confronter nos
résultats avec de nouvelles données empiriques,
différentes des discours. Nous avons ainsi inclus des cas
négatifs permettant de vérifier notre modèle.
55 GLASER B., STRAUSS A. La découverte de la
théorie ancrée : Stratégies pour la recherche qualitative
.Paris Editions Armand Colin, 2012. 399p.
34
5. Avantages et limites des choix
méthodologiques :
Après avoir présenté la
méthodologie utilisée, nous énumérerons dans cette
partie les avantages et les limites des choix méthodologiques. Nous
reviendrons dans un premier temps sur la MTE comme méthodologie de
recherche puis nous nous concentrerons sur les méthodes de collecte de
données.
5.1. Avantages et limites de la MTE :
La MTE est adaptée à l'étude du plaidoyer
dans des associations féministes. Sa nature inductive permet d' «
explorer les phénomènes humains sans résultat
présupposé ni de théorie préconçue et permet
de laisser émerger de nouvelles compréhensions de recherche
»56. D'autant plus que le plaidoyer a des contours flous
et une grande diversité de pratiques. En effet, des doutes persistent
entre requalification de pratiques anciennes ou phénomène
nouveau. En outre, pour nous cette approche est adaptée à notre
vision de la recherche qui laisse la place à l'acteur plutôt
qu'aux visions et théories acquises par le chercheur. Enfin, ce travail
est celui de la fin des études. C'est l'occasion d'expérimenter
des méthodes qui ne sont pas promues dans la formation universitaire en
santé publique, en plus d'un objectif de recherche
Ce dernier point est aussi une limite. Tout au long du
parcours, il nous a été difficile, voire parfois, peu rassurant
d'évoluer sans les balises théoriques sollicitées au
début et de ne pas partir avec une problématique précise.
L'induction analytique n'est pas un processus auquel nous sommes formés
dans le parcours universitaire. Dans un premier temps, il a été
laborieux pour nous de mettre de côté, la lecture car nous avons
le réflexe d'aller d'abord voir ce que disent les auteurs. Nous avions
aussi, avec cette méthode, la crainte de « réinventer la
roue ». Ensuite, la MTE nécessite beaucoup de temps et
d'expérience pour maitriser le travail de recherche et ne pas tomber
dans les pièges de la dispersion lors des premières analyses de
corpus. Ces limites et risques ont été très vite
perçus dans la démarche de recherche. Pour limiter ces
conséquences nous avons régulièrement lu des ouvrages
clés sur la méthode et été accompagné par le
promoteur. Enfin les étapes développées pour favoriser
l'émergence d'une théorie sont parfois compliquées
à utiliser avec des données issues de l'observation. Au cours de
notre travail, nous n'avons pas su intégrer à notre
modélisation théorique toute la matière issue de
l'observation.
56 PLOUFFE M.J. (2012) « La MTE en tant qu'apport au
développement de recherche en arts » « In »
LUCKERHOFFJ. Et GUILLEMETTE F. (2012) Méthodologie de la
Théorisation enracinée : Fondements et procédures d'usage
Québec. Presses de l'université du Québec. 251p.
(p.87)
35
5.2. Avantages et limites des méthodes de
récoltes des données :
De façon générale, la récolte de
données qualitatives implique de faire ce que Kauffman appelle le «
Regard sur soi » qui correspond à une attitude «
d'autocontrôle et de décisions continuelles
»57, et ce lors des récoltes des données
mais aussi tout au long de la recherche. Nous avons à cet égard
pris le temps de noter les choix à faire entre les différentes
méthodes. Nous avons aussi régulièrement pris du recul par
rapport à nos caractéristiques en tant que chercheur. Celles-ci
doivent être soit limitées à certains moments soit
utilisées à d'autres moments mais dans tous les cas prises en
compte dans l'analyse. Nous pouvons notamment citer l'influence du fait que
c'est un chercheur homme qui a fait la recherche dans des associations
féministes. Selon nous, cela n'a pas été un obstacle car
nous étions familiers du milieu associatif et nous n'étions pas
dans des associations qui défendent la non-mixité. De plus, nous
pouvons aussi noter l'intérêt que pouvait apporter la recherche
pour les activités de plaidoyer. Effectivement, le rapprochement avec le
milieu universitaire a été parfois revendiqué comme utile
pour la démarche de plaidoyer.
Cependant cette proximité avec le milieu a
également été un obstacle à certains moments. La
nécessaire distanciation avec l'objet de recherche n'était pas
facilitée par cette proximité, ce notamment lors de
l'observation.
Les entretiens :
Les entretiens nous ont paru, dès la phase
exploratoire, très pertinents pour l'objet de recherche car ils
permettent d'acquérir « un matériau diversifié
» 58 et fécond, basé sur l'expérience et les
pratiques des informateurs. Pendant les entretiens nous étions à
l'aise et avons créé les conditions pour que les informateurs se
confient spontanément. Grâce à l'effet boule de neige, nous
avons pu avoir des informateurs clés avec des informations
adaptées à notre recherche.
Cependant, lors de l'analyse des corpus de document, nous
avons noté certains manques dans la relance des informateurs pour des
notions qui auraient été pertinentes pour l'analyse. Cela est une
limite des entretiens et de l'analyse par MTE, qui demandent une grande
souplesse et une expérience. Il faudrait arriver à laisser la
parole libre dans un cadre tout en étant attentif à des
éléments pertinents.
57 KAUFMAN J.-C. - L'entretien compréhensif.
Paris, Nathan - 128 Sociologie, 1996. 126 p.
58 Ibedem
36
L'observation :
L'observation était justifiée car elle permet de
récolter des données d'un objet portant sur des pratiques qui
s'organisent dans des lieux précis. Le plaidoyer ne se limite pas
à des discours, il s'organise, se prépare et se pense à
des temps donnés où se croisent ceux qui le mettent en place.
Nous voulions avoir plus d'éléments que ce que nous disaient nos
informateurs pour confronter nos modèles avec des pratiques.
Après plusieurs entretiens, nous avons pu être
assez vite impliqués dans les événements de plaidoyer.
Nous n'avons pas informé que nous étions là dans le cadre
de la recherche même si tout le monde nous avait identifiés comme
l'étudiant en santé publique. De plus, nous avons
participé à des événements ouverts à tout
public. Cette immersion nous a permis d'avoir accès à des temps
utiles pour notre recherche.
Nous pouvons cependant apporter un bémol à ce
type de récolte car il nécessite une expérience qui n'est
pas évidente à acquérir dans les études.
L'observation demande une préparation, une concentration et prise de
note que nous n'avons pas toujours su gérer. Nous avons d'ailleurs
participé à différents événements comme les
10 ans de l'Asbl de FS et une réunion d'organisation de la
journée de PPSF mais celle-ci n'a été utile que pour se
familiariser avec l'observation. En effet, cette fois-là, nous n'avons
pas su tirer d'éléments utiles pour notre recherche. La
participation à la journée est aussi peu concluante. Nos
données s'apparentaient parfois plus à un compte rendu de
conférence qu'à une observation. Ces éléments sont
aussi expliqués par le caractère chronophage de l'observation qui
n'avait pas été assez pesé lors des choix de
récolte de données.
Le corpus de textes :
Toujours dans l'optique d'approfondir notre analyse du
phénomène de plaidoyer et de comprendre comment s'organisent les
événements et la diffusion du discours, nous avons jugé
pertinent d'analyser des documents écrits. Cette méthode a
l'avantage d'être accessible, surtout dans notre cas, où les
documents nous ont été donnés spontanément. Nous
avons ainsi pu analyser une dizaine de réunions, ce qui nous aurait
été impossible avec le temps que nous avions pour la
recherche.
La limite principale est que nous sommes aussi face à
un corpus qui a été rédigé par quelqu'un et qui ne
permet pas d'avoir tous les éléments que pourrait nous offrir la
participation. Il présente des incompréhensions inhérentes
à la rédaction d'un PV. Afin de réduire ces biais nous
avons pris le temps de questionner une seconde fois une travailleuse de VF qui
faisait partie du groupe de travail sur certains de ces documents.
Résumé de la partie :
Nous avons utilisé pour notre travail la MTE, qui par
quatre opérations mentales naturelles permet de construire une
théorie. Nous avons pour cela présenté le
déroulé de notre travail de recherche : de la sensibilité
théorique au recueil des données en passant par l'analyse de
notre sensibilité théorique. La théorie se construit
à partir d'un terrain précis, nous avons choisi trois
associations (Vié Féminine, Femmes et Santé et la
Plateforme pour promouvoir la santé des femmes). Notre récolte de
données s'est déroulée en trois phases dans lesquelles
nous avons utilisé trois méthodes différentes: des
entretiens, un corpus de texte et de l'observation. Par la suite nous avons
décrit les étapes d'analyse des données à partir de
nos notes personnelles. Enfin, nous avons présenté les avantages
et les limites de ces choix théoriques et des choix de récolte de
données.
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38
Partie 1 : Une description du plaidoyer tel qu'il se
construit dans les associations :
Après avoir présenté le cadre
théorique de notre travail et la méthodologie, nous allons dans
cette partie rendre compte de ce que nous avons pu tirer de nos entretiens,
analyses de textes et observations. Elle se présente en deux sections.
La première section décrit le processus du plaidoyer tel qu'il se
déploie dans les associations que nous avons rencontrées. Dans un
second temps, nous énumèrerons les outils de plaidoyer
utilisés dans ces associations.
1. Un plaidoyer à deux dimensions :
Le plaidoyer est un ensemble de pratiques articulées
entre elles dont l'objectif est de transformer un problème individuel en
un problème collectif, voire public. Il a deux dimensions en fonction de
l'étape où il se situe dans la construction du problème
public. Selon Knoefel, dans une perspective constructiviste, le problème
public est directement lié « aux perceptions, aux
représentations, aux intérêts et aux valeurs des acteurs
concernés à titre d'individus et/ou de groupes organisés
». Une situation privée problématique devient un
problème social (Partagé par un grand nombre) puis un
problème public (Objet de préoccupation pour les
décideurs) et enfin une politique publique (Implémentation
concrète d'une législation)59.
Le tableau de la page suivante, construit à partir de
notre analyse des entretiens décrit le plaidoyer des associations. Il
permet de mettre en exergue les deux dimensions du plaidoyer et les outils
utilisés pour le mettre en place. Il montre aussi à quel niveau
le plaidoyer intervient dans l'élaboration du problème.
59
KNOEPFEL. et al. (2001). cité
par AUBIN (Année scolaire 2014-2015) « Cours LSPRI 2000 Analyse des
politiques publiques - UCL »
39
Tableau 3. : Description de la situation du plaidoyer dans les
étapes d'élaboration du problème
La première dimension est appelée «
Plaidoyer de terrain». Le terme « terrain » correspond
aux lieux et activités qui se font avec les femmes d'une zone
géographique précise. Cela peut être une Maison
Mosaïque pour VF, des ateliers entre femmes pour FS. Ce sont toutes les
activités faites au plus proche du public de l'association. A ce
stade-là, les personnes s'impliquant dans le plaidoyer perçoivent
et vivent un problème qui devient, dans leur perception, une injustice
ou une discrimination. Elles cherchent alors à en analyser les causes,
les caractéristiques et les solutions pour y remédier. Comme le
mentionne Rees60, cette dimension du plaidoyer se caractérise
par les activités qui la composent et qui se développent avec les
individus, dans le but de d'avoir une écoute, un accompagnement et des
outils pour décortiquer ces injustices. Ces activités sont des
animations, des formations et rencontres.
« Dans une Maison Mosaïque, nous parlions des
problèmes de logement. A ce stade là nous abordons une
réalité. Le plaidoyer part souvent de l'individu et de son
vécu. Il faut se rendre compte que c'est quelque chose de
partagé, et que ce n'est pas un hasard.» Gisela
« Donner aux femmes, là où elles sont
les outils pour qu'elles puissent porter une parole politique, critique sur
leur situation » Héléne
60 REES S. (1997) Achieving Power: Practice and Policy in Social
Welfare. Allen & Unwin, St Leonards, Australia. Cité par
Carlisle (2000)
40
Cette forme de plaidoyer se retrouve dans la transformation de
situations privées problématiques en un problème
collectif, du moins perçu comme collectif, et partagé par
d'autres femmes au sein d'un groupe donné et de quelques autres
associations. C'est d'ailleurs à ce moment que se développent les
premiers éléments du cadrage. En effet, un problème
individuel devient, avant d'être un problème collectif, « une
injustice collective » mobilisatrice pour la suite du plaidoyer.
« Comme c'est quelque chose de vécu, on se dit
que dans une stratégie de renforcement collectif, ça peut
être intéressant de se saisir nous-même de cette question.
(...).Nous sommes en train de prendre conscience de l'injustice. (...) A partir
de là, on essaye de voir comment nous pouvons réagir ensemble
face à cette situation » Carolle
En ce qui nous concerne, les associations se revendiquent
féministes, c'est-à-dire avec une revendication sociale et
politique « reposant sur la conviction que les femmes subissent une
injustice spécifique et systématique en tant que femmes, et qu'il
est possible et nécessaire de redresser cette injustice par des luttes
individuelles et collectives ». Elles cherchent, par leurs pratiques
à remettre en question « les systèmes de domination que
sont le patriarcat, le capitalisme et le racisme». Les associations
abordent alors la situation problématique privée des femmes
rencontrées au sein de ce qu'appelle Goffman un « Cadre »
correspondant à des « schémes
d'interprétation qui permettent aux individus de localiser, percevoir,
identifier et étiqueter des situations au cours de leur vie »,
dans l'action collective le cadre a « une fonction
interprétative, simplifiant et en condensant des aspects du monde
externe, de manière à mobiliser des adhérents potentiels,
à obtenir le soutien de leur auditoires et à démobiliser
les adversaires ». Ce cadre se retrouve dans les activités de
plaidoyer que développe l'association tout au long du processus.
Par la suite, le plaidoyer peut prendre une forme plus
revendicatrice qui cherche à faire de ce problème collectif un
problème social et publique c'est-à-dire qui fait l'objet d'une
reconnaissance sociale et d'une mise à l'agenda politique pour apporter
des réponses structurelles. Cette dimension, appelée «
Plaidoyer de revendication », axe les activités
vers un objectif de revendication et de diffusion à un plus large public
pour le sensibiliser et trouver des solutions collectives. Cela peut aussi
s'apparenter à un travail de lobbying auprès des décideurs
politiques. Pour Rees61, cette forme de plaidoyer s'attaque à
des causes qui
61 Ibedem
41
échappent au contrôle des individus..
« Un groupe travaille depuis un an sur l'influence
des déterminants de la santé chez les femmes. Elles essayent de
décortiquer ça et d'analyser tous les facteurs qui influencent la
santé des femmes. Et ce qui va sortir de là, c'est ce qui va
amener à une interpellation politique mais ça sera la fin d'un
processus. Ce n'est pas quelque chose qu'on fait d'emblée »
Carolle
2. Un plaidoyer comme processus :
Nous avons, dans le cadre de notre travail, identifié
quatre étapes d'élaboration du plaidoyer dans les associations
rencontrées : 1. Prise de conscience d'une injustice collective 2a. La
construction d'un point de vue 2b. La construction d'une
légitimité 3. La formulation et le choix des outils de plaidoyer
4. La revendication. Une cinquième étape, mentionnée par
une informatrice, qui n'est pas faite dans les associations est l'étape
de l'évaluation de l'impact de ce plaidoyer.
Un guide de l'agence canadienne de santé
publique62, à l'attention des associations en vue de les
former et de les sensibiliser au plaidoyer en santé présente
aussi des étapes pour la construction d'un plaidoyer efficace : 1.
reconnaître le problème; 2. élaborer un
énoncé de position/politique; 3.
définir les buts et objectifs; 4.
déterminer les possibilités et les risques; 5.
repérer les intervenants et leur opinion; 6.
choisir sa méthode de plaidoyer; 7. formuler des
messages clés; 8 créer un plan d'action; 9.
l'instaurer et l'évaluer.
La différence d'étapes entre le guide et ce que
nous avons trouvé s'explique par plusieurs raisons. La publication
canadienne est un guideline précis et détaillé, à
suivre pour élaborer un plaidoyer politique pour un problème de
santé. Ils insistent sur l'anticipation et la préparation
rigoureuse et méthodique du plaidoyer pour une revendication. Notre
étude du plaidoyer a dégagé ces étapes car elles
sont récurrentes mais ne sont pas systématiques et
appliquées stricto sensu. De plus et nous le verrons plus tard
le plaidoyer se construit à l'initiative des femmes et ne poursuit pas
toujours dès le départ, un objectif précis de
revendication. Celui-ci se construit au fur et à mesure du processus.
62 ASSOCIATION CANADIENNE DE SANTE PUBLIQUE (2009) « Le
leaderchip en Santé Publique : Un guide de plaidoyer pour les
associations de santé publique »
42
2.2.1. Les cinq étapes du plaidoyer :
Tableau 4. : Les étapes du plaidoyer :
1. Prise de conscience d'une injustice collective
A ce stade, l'objectif est de rendre compte qu'une situation
problématique individuelle, à cause des différents
mécanismes de domination, est une injustice collective. Il faut qu'il y
ait cette phase de prise de conscience pour pouvoir enclencher toutes les
autres étapes du plaidoyer. Nous retrouvons donc à cette
étape le travail de plaidoyer qui prend la forme d'animations,
d'ateliers et d'échanges entre femmes. C'est aussi entre autre le
travail d'éducation permanente qui est à la base du travail de
plaidoyer.
« Il faut d'abord prendre conscience de l'enjeu
collectif. Ça ce n'est déjà pas évident. Les femmes
sont parfois fort isolées, avec des statuts culpabilisants, qui ne
travaillent pas, de milieu populaire, migrantes. (...) Du coup c'est
déjà tout un travail de dire « on vit plus ou moins toutes
les mêmes choses et on trouve que c'est injuste » »
Carolle
2a. Construction d'un point de vue et d'une vision commune:
Cette étape consiste à développer une
analyse et un argumentaire en fonction de la problématique qui touche
les femmes. Cela s'illustre par des groupes de travail ou de réflexion
qui permettent d'analyser les situations d'injustice, de faire des liens avec
d'autres
43
problèmes et de déceler les causes et les
conséquences de ce problème. Il s'agit de décortiquer des
situations pour pouvoir argumenter et rendre plus fort le message à
diffuser par la suite. Le terme de « construction » montre que c'est
un processus plus ou moins long qui évolue au fur et à mesure des
échanges. Ce travail peut prendre différentes formes : soit
à huis clos avec certaines femmes soit lors de rencontres nationales par
exemple où il peut être plus créatif.
« Nous allons essayer de développer un point
de vue. Par exemple, il y a eu une recherche action sur la
précarité et les violences conjugales. Là, nous prenons
vraiment le temps de pouvoir développer une analyse fine, à
partir de tout ce qu'on observe» Carolle
« Avec les femmes, nous sommes parties de dessins
'qu'est-ce que c'est la violence pour vous ?'. Les femmes dessinaient. Quand on
voit les dessins, on a l'impression que ce sont des dessins d'enfants mais ils
veulent dire beaucoup de choses, après, on en a fait avec une
dessinatrice et on a pris ceux qui représentait le plus la violence
contre les femmes. On a sélectionné une quinzaine et de ces
dessins-là, on a travaillé avec des animatrices pour plaider et
lutter contre ça » Fouzia
2b. Construction d'une légitimité :
Cette étape est liée à la
précédente et se fait parfois en même temps. En effet la
légitimité se construit par l'argumentaire élaboré
dans la phase de construction du point de vue et de la vision autour d'une
problématique. Cependant la construction d'une légitimité
passe aussi par les partenariats et les échanges avec d'autres
structures associatives féministes ou d'autres secteurs. Cela permet de
multiplier les points de vue et d'être attentif à des
problématiques récurrentes chez les femmes. Les partenariats avec
l'université permettent aussi d'avoir une plus grande
légitimité. Ce travail de co-construction d'un savoir et d'une
légitimité est assez courant mais n'est pas
systématique.
« Dans ce domaine-là (secteur du logement), on
est plus dans un travail de réseau avec d'autres associations Je trouve
que c'est intéressant de le faire quand il y a des enjeux communs car on
a plus de force. Mais parfois quand on a des choses assez spécifiques,
on ne rencontre pas toujours les acteurs qui partagent les mêmes
enjeux» Carolle
« L'université est importante comme partenaire
car elle porte une voix légitime. (...) La place des universités
dans le plaidoyer à tout son sens. C'est aussi eux qui vont être
écoutés, en fonction des recommandations qu'ils font.»
Manue
44
Le nombre de personnes impliquées dans cette
étape est aussi un moyen d'augmenter la légitimité. Elle
est à la fois destinée à une éventuelle
revendication auprès de décideurs politiques mais aussi sur le
terrain auprès des autres acteurs impliqués dans le plaidoyer
(autres associations, public de l'association...)
3. Formulation et choix de méthodes de revendications
:
Cette troisième étape consiste à exposer
son point de vue dans une optique de revendication ou de dénonciation et
de choisir la façon la plus adaptée pour porter cette parole
revendicatrice. Il s'agit dans ce cas de construire un argumentaire pour une
demande et des revendications précises à destination des
décideurs politiques, médias mais aussi du grand public. La
différence avec les étapes précédentes
réside dans le fait que le plaidoyer bascule dans une optique de
revendication et d'interpellation. L'objectif est alors de transformer le
problème collectif en problème social et public.
« Quand ça reste au sein de la Maison
Mosaïque, ça va plus ou moins mais alors le dire publiquement, de
se sentir légitime et finalement sortir la parole du cocon, c'est autre
chose et ça prend beaucoup de temps. » Carolle
Le choix des stratégies de revendications
dépend alors des objectifs de ce plaidoyer, des ressources disponibles
et du temps qu'il faut pour mettre en place les activités de
revendications.
4. La revendication :
La revendication est le produit final et la fin du processus
de plaidoyer et rend visible tout le travail de construction en amont. Cette
revendication peut être directement adressée à des
décideurs politiques ou au grand public. Il faut, à cette
étape être très créatif et inventif pour arriver
à être le plus représentatif des situations vécues
par les femmes si celles-ci ne peuvent pas participer. Comme nous l'avons vu
dans la partie sur les outils de plaidoyer, les outils peuvent être
très variés.
5. Mesurer l'impact du plaidoyer:
Mesurer l'impact du plaidoyer au niveau des décisions
politiques et de l'opinion publique peut être une cinquième
étape pour clore le processus de plaidoyer. Cependant ces
évaluations ne sont pas faites systématiquement par les
associations. Les personnes
45
rencontrées ont le sentiment que certaines de leurs
actions ont fait évoluer les choses mais la dimension complexe et
multifactorielle d'une prise de décision décourage
l'évaluation plus approfondie de ces actions. Les travailleuses ont
cependant un retour de ce qui se dit et fait au niveau politique, qu'elles
transmettent à nouveau aux autres membres des associations afin
d'être mises au courant des évolutions.
« Pour les violences, j'ai lu la déclaration
gouvernementale et je pense que quand même si on n'avait pas fait toutes
nos activités et les autres associations, on ne serait peut-être
pas arrivé là. Ce n'est pas la première fois qu'on se pose
la question. Evaluer l'impact est très complexe. » Gisela
Le plaidoyer est considéré comme complet
lorsqu'il comprend toutes ces étapes et aboutit à une
revendication. C'est un parcours qui est souvent long et fastidieux. Cependant,
dans la dimension « Plaidoyer de terrain », les activités ne
visent pas forcément à aboutir à une revendication. Il se
peut alors que cela fasse un retour en arrière pour alimenter une
étape précédente du plaidoyer. Par exemple, les ateliers
et activités de construction d'un point de vue et d'une forme de
légitimité permettent par la suite de créer un outil ou
des supports pour favoriser « la prise de conscience d'un enjeu collectif
». A l'inverse dans certaines situations d'urgence (par exemple un projet
de loi proposé par un décideur, contraire aux valeurs de
l'association), la dimension « Plaidoyer de revendication » se passe
d'un travail politique co-construit avec les femmes.
Dans ce cadre-là, une activité de plaidoyer peut
réunir différents objectifs du plaidoyer.
« Il se peut qu'il y ait des prises de positions dans
l'urgence, en fonction de l'actualité. Nous ne refaisons pas pour cela
tout le processus. C'est le travail de tous les jours qui nous donne la
légitimité de parler car ancré et co-construit »
Aline
46
3. Les outils de plaidoyer :
Cette partie illustre les différentes façons et
formes de faire du plaidoyer et de l'interpellation politique. Nous avons
dressé une liste non exhaustive des différents outils pour faire
du plaidoyer politique. Comme l'indique Aline « il n'y a pas une ou
deux ou quatre formes d'activités, ça peut être autant que
de projets et de besoins ».
Nous avons divisé ces activités en cinq groupes
souvent étroitement imbriqués avec des frontières
perméables : 1. Les supports écrits ; 2. Les rencontres; 3. Les
actions en rue ; 4. Les activités quotidiennes ; 5 Les Prises de contact
avec les décideurs.
1.3.1. Les supports écrits :
Dans cette catégorie nous retrouvons toutes les
publications développées par l'association afin de diffuser un
message à un public plus ou moins ciblé. Nous pouvons distinguer
:
· Les articles de presse : Les articles de presse
papier ou numérique sont un moyen de diffuser une information à
un grand nombre de personnes, professionnelles ou non, en fonction du journal
qui les publie. Ils sont diffusés par l'association, par des
journalistes ou partenaires extérieurs. Ils permettent d'accroitre la
visibilité de l'association.
Par exemple, le journal « Axelle » est un
périodique de VF où sont abordés des sujets propres
à l'association. Ces articles peuvent être le reflet d'un long
travail d'analyse interne à l'association ou au contraire être
développés rapidement en réaction à un
événement d'actualité : « « Axelle » se
penche chaque mois sur les petites et grandes choses qui font la vie des
femmes. Avec, en filigrane, l'envie de changer le monde...
»63.
Quant à F&S nous pouvons citer des articles
récents parus à « Education Santé »
où un article présente l'association et ses travaux : «
L'asbl a vu le jour il y a bientôt 10 ans (...) (elle) veut
maintenant aller plus loin et creuser la question du genre en promotion de la
santé »64
Les articles sont un des moyens de faire un feed-back aux
membres de l'association des actions qui ont fonctionné, de ce que la
mobilisation a apporté.
« Un point presse reprend les rapports politique et
« voilà, on a obtenu telle ou telle chose » ou bien « on
est passé dans tel ou tel média ». Carolle
63 AXELLE MAGAZINE - VIE FEMININE (consulté le
30/03/2015) « Disponible sur
http://www.axellemag.be/fr/
»
64 BARBIER C. (2014). L'approche du genre comme
déterminant de la santé Education Santé. (305),
p.5-7
· 47
Les publications :
Nous avons regroupé sous ce terme toutes les
publications de l'association. Le but est de produire un savoir à partir
des activités et situations observées et vécues par le
public de l'association. Ces publications peuvent aussi prendre la forme
d'études approfondies où peuvent être impliquées des
partenaires associatifs ou des chercheurs universitaires. Elles sont
diffusées à tous les membres de l'association et permettent
d'avoir une ligne directrice argumentée. Pour l'extérieur, ce
sont aussi des moyens de défendre un point de vue.
Par exemple VF publie « Prises de positions » :
(...) c'est un document écrit à la fin d'un processus de travail
sur une thématique et qui dit « voilà la situation,
voilà notre analyse et voilà nos recommandations »
Aline.
· Les manifestes, les mémorandums :
Ces documents sont plus le fruit de concertations internes
qui permettent de construire une identité commune à
l'association. Ces écrits, destinés aux membres de l'association,
alimentent son « cadre d'action ». C'est aussi l'occasion de diffuser
un point de vue à l'extérieur.
« A partir d'un aller-retour entre les
régions, elles ont identifiées 14 priorités politiques
pour 2014, écrites de façon simple (...) Ces 14 priorités
sont à toutes les échelles du mouvement et deviennent nos
priorités. Autant la présidente que les coordinatrices
nationales, après nous allons nous servir de ça avec la
légitimité du fait que ça a été construit
par 10 000 femmes » Aline
· Les lettres ouvertes :
Les lettres ouvertes sont souvent une interpellation directe
destinée à une personnalité politique compétente
dans le domaine d'intervention. Ces lettres sont en parallèle
diffusées dans les médias et sont accompagnées d'autres
activités de plaidoyer. Par exemple une lettre a été
adressée en 2014 à Maggy De Block en même temps qu'une
action devant son bureau.
« VF a transmis une lettre à la
Secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration avec des
revendications très précises en lien avec les vécus de ces
femmes, pour améliorer les pratiques en termes d'Aide Médicale
Urgente. »65
65 VIE FEMININE (2014) (Consulté le 31/03/15) «
Disponible sur
http://www.viefeminine.be/spip.php?rubrique311&var
mode=calcul »
48
1.3.2. Les rencontres :
La catégorie « rencontres » regroupe toutes
les journées et rencontres organisées par l'association pour
diffuser un message, faire avancer une réflexion ou interpeller. Dans
ces catégories nous tenons à préciser que les
décideurs font (ou non) la démarche de venir en réponse
à une invitation. Nous pouvons distinguer :
· Les « journées », ouvertes au public
:
Ces événements ouverts au public portent
souvent autour d'une thématique choisie et plaidée par
l'association. Ils peuvent prendre la forme d'une conférence, d'ateliers
et/ou de repas. Ils sont ouverts à tout public qui gravite de
près ou de loin autour de l'association et intéressé par
le sujet. Nous pouvons y retrouver les travailleurs, les membres de
l'association, les professionnels de même secteur ou des
personnalités politiques. L'invitation de ces dernières est
l'occasion d'interpeller et de rencontrer le public en lien avec cette
thématique.
· Les rencontres avec l'invitation des responsables
politiques :
Ce type d'événements est à l'initiative
des femmes qui font partie de l'association et qui développent des
supports pour témoigner de leurs situations et des problèmes
qu'elles souhaitent soumettre aux responsables politiques. Cela peut prendre la
forme d'une exposition photo, d'une pièce de théâtre... ces
activités ont un double objectif : transmettre un message et
développer une activité créatrice de lien social entre les
femmes. Nous pouvons citer comme exemple la Maison Mosaïque de Laeken :
« Une fois, nous avons fait un projet photo sur le
quartier, des photos de situations qui n'allaient pas dans le quartier (...)
Les échevins sont venus au vernissage, Les femmes de la Maison
Mosaïque ont pu les interpellr directement » Carolle
1.3.3. Actions en rue :
Cette catégorie décrit les actions
organisées en rue ou en itinérance.
· Manifestations en rue :
Nous regroupons ici toutes les actions où la rue est
un lieu d'expression publique. Nous retrouvons par exemple, les manifestations
lors de la journée de la Femme, qui sont l'occasion de rappeler les
revendications de l'association. Cela peut aussi être les mouvements
comme « La marche mondiale des femmes » :
49
« Un mouvement mondial d'action féministe.
Tous les cinq ans, depuis 2000, des femmes de tous âges, de diverses
origines ethniques, culturelles, religieuses, politiques, de classes et
d'orientations sexuelles différentes, marchent pour dénoncer les
causes à l'origine de la pauvreté et des violences envers les
femmes. »66
· Actions ciblées sur une thématique :
Ces actions en rue peuvent aussi être ciblées
sur une thématique et organisées uniquement par l'association.
Nous pouvons par exemple citer une action de VF déployée sur la
place la Bourse sur la violence faite aux femmes :
« Avec d'autres femmes, nous sommes parties de
'qu'est-ce que la violence pour vous ? » et nous dessinions. (...) on a
sélectionné deux ou trois dessins et on en a fait des affiches
qu'on a présentées sur l'espace public à la Bourse. Avec
ces dessins-là, souvent en rouge, très expressifs, on m'a
demandé si je voulais témoigner dans l'espace public par des
capsules sonores. (...) j'ai témoigné deux fois deux heures et
ils ont pris des phrases et ils les ont diffusées à la bourse.
» Fouzia
· Actions ciblées vers une personnalité
politique ou une institution :
Ces actions visent à engager la responsabilité
d'une personne ou d'une institution en particulier. Nous pouvons citer une
activité organisée par VF devant le bureau de Mme Maggie De Block
pour témoigner des difficultés rencontrées par les femmes
migrantes d'accéder aux soins :
« Nous avons fait une action symbolique devant le
cabinet de Maggie De Block : on a inscrit sur des robes des paroles de femmes
vivant des situations difficiles face à la santé. C'était
des témoignages anonymes car les femmes sont en situation
irrégulière mais nous voulions tout de même porter leur
parole ». Aline
66 VIE FEMININE (2014) (Consulté le 31/03/15) «
Disponible sur
http://www.viefeminine.be/spip.php?rubrique311&var
mode=calcul »
50
1.3.4. Les activités quotidiennes :
Nous regroupons dans cette catégorie toutes les
activités quotidiennes organisées par les associations avec les
femmes ayant une portée politique et revendicatrice car elles permettent
la diffusion d'un message auprès du public de l'association. Notamment
sur l'engagement féministe.
« Nous avons fait des groupes ensemble, on ne peut
pas changer la société mais ce sont des petites graines qu'on va
semer pour la suite » Carine
· Les activités entre les membres de
l'association :
Ces activités s'apparentent à des groupes de
parole, des cafés citoyens et permettent de
sensibiliser et de s'approprier des thématiques souvent
privées avec une visée politique. Par exemple les ateliers de
« F&S » : «Comment me procurer une intimité en
tant que femme, pour moi, C'est le premier levier politique. Est-ce que
ça doit toujours être moi qui vais chercher l'enfant à
l'école? Est-ce que mon homme peut m'aider? » Carine
· Les formations :
VF organise régulièrement des formations
ouvertes à tout public pour acquérir des outils et une approche
féministe. C'est l'occasion de transmettre son discours et ses
revendications.
Sur le site de Vie Féminine :
« VF organise des formations à destination de
toute personne engagée dans le secteur socioculturel. Des formations
à l'animation de groupes, pour acquérir un regard
féministe sur la société ou de nouvelles méthodes
de communication... »67
1.3.5. La rencontre avec les décideurs :
Cette dernière catégorie d'outils de plaidoyer
correspond à tous ceux qui impliquent une rencontre entre le(s)
décideur(s) politique(s) et les personnes qui ont une revendication
à faire. D'après Aline, l'objectif est « qu'il n'y ait
plus cette barrière physique, entre nous « les citoyens » et
vous « le politique ». Ces rencontres peuvent prendre plusieurs
formes :
· Invitation d'un responsable politique à une
rencontre :
L'idée de ce type d'action est de permettre aux femmes et
membres de l'association de rencontrer directement les décideurs et de
les interpeller
67 VIE FEMININE (2014) (Consulté le 31/03/15) «
Disponible sur
http://www.viefeminine.be/spip.php?rubrique311&var
mode=calcul »
51
directement en les invitant. C'est ensuite à lui ou
elle de faire la démarche de se déplacer.
« L'an passé pour les élections par
exemple on avait invité une représentante des partis politiques
suivants : MR/ PS/ Ecolo/ PTB » Carolle
· Présentation devant les décideurs :
Ce type d'action se distingue de la précédente
par le fait que c'est l'association ou les femmes qui se déplacent et
vont directement voir le décideur là où il se trouve. Cela
peut être dans l'hémicycle du parlement ou là où il
siège.
« Un séminaire d'action s'est fait au parlement
entre professionnels, où nous avons rapporté la voix de
différentes associations » Carine
· Travail relationnel avec le(s) décideur(s) :
Cette partie s'attarde sur une activité dite
relationnelle qui consiste à établir des échanges
privilégiés avec certains décideurs, sensibles aux
activités de l'association et à la cause défendue. Cela
s'apparente à des activités de lobbying. Et permet d'obtenir un
soutien favorable auprès d'autres décideurs.
Par exemple FS au sujet d'un député «
Il a voulu nous aider, promouvoir notre action et nous avons pu grâce
à lui aller au parlement pour témoigner sur des violences que les
femmes subissent». Carine
Cette relation se construit au fur et à mesure des
rencontres et des échanges au cours du mandat. Il faut recommencer
lorsqu'il y a un changement politique :
«Le bourgmestre d'avant nous connaissait depuis
longtemps. Il était venu à nos activités et nous l'avions
amené petit à petit à s'intéresser à
nous. Comme il est parti, tout est perdu. Il faut tout recommencer
depuis le début ». Carole
Résumé de partie :
Cette partie nous a permis de comprendre comment se
déploie le plaidoyer dans les associations. Il correspond à un
ensemble d'actions qui visent à faire d'un problème privé,
un problème public. Il se divise pour cela en deux dimensions : celle du
terrain et celle de la revendication.
Quatre étapes différentes permettent de rendre
le processus de plaidoyer complet : la prise de conscience d'une injustice ; la
construction d'une légitimité ; la construction d'un point de vue
; le choix des méthodes de revendication et enfin la revendication.
Les outils utilisés pour faire du plaidoyer peuvent
être regroupés en cinq catégories : les supports
écrits, les rencontres, les activités quotidiennes de
l'association, les rencontres et enfin la rencontre avec des
décideurs.
|
52
Partie 2 : Deux cas illustratifs :
Afin de mieux comprendre comment se déroule le
plaidoyer dans les associations, nous allons dans cette partie le
présenter à partir de cas concret d'actions. La première
section décrit les activités d'un groupe de travail sur les
déterminants de la santé des femmes et la seconde revient sur une
journée organisée par la PPSF à l'occasion de la
journée mondiale de la santé des femmes.
1. Le groupe de travail « Les déterminants
de la santé de la femme »
Ce groupe de travail nous permet d'illustrer
différentes étapes du « Plaidoyer de terrain » et
aborde le genre comme déterminant de santé. Il s'est mis en place
chez VF en vue de « co-construire une approche féministe de la
santé des Femmes » 68. Nous décrirons aussi
d'autres actions qui se sont déroulées en lien avec cette
activité. Les données sont issues des compte-rendus de rencontres
et de documents internes à l'association.
Ce travail prend racine dans des ateliers et dans les
animations faites avec les femmes
au sein des Maisons Mosaïque et dans différentes
entités locales de l'association. Le lien entre mauvaise santé et
situation d'injustice est perçu par les travailleuses et fait alors
l'objet d'ateliers pour sensibiliser sur « l'impact des
systèmes de domination sur la santé : patriarcat, capitalisme et
racisme »69.
Dans cet extrait, Carolle présente les motivations et
origines du groupe de travail :
« Ce qui est sûr c'est que pour toutes les
questions de santé, on essaye avec les femmes et dans les analyses
d'interpellation politique de faire le lien entre santé et
discrimination H/F et de montrer que tout est lié. Travailler sur la
santé des femmes c'est aussi travailler sur ces autres
déterminants. Et ce n'est pas forcément évident. (...)
Travailler sur ces déterminants est déjà un projet en soi.
Donc on ne veut pas brûler les étapes en allant directement
à des conclusions qu'on imagine. Peut-être qu'on se trompe et que
c'est plus complexe que ça. Du coup, un travail va être fait en
amont. Par exemple, il y a un groupe qui, depuis un an, analyse les facteurs
qui influencent la santé des femmes. Ce qui va sortir de là va
nous amener à une interpellation politique mais ça sera la fin
d'un processus. Ce n'est pas quelque chose qu'on fait d'emblée.
»
Le groupe de travail est donc issu des questionnements, doutes
et réflexions des
68 PV « Groupe de travail »
69Ibedem
53
animatrices. L'objectif principal était, en
co-construisant cette approche globale et féministe de la santé
de « pouvoir orienter nos projets santé au niveau local et
identifier les enjeux principaux en matière de santé des femmes
»70.
Pour atteindre cet objectif le groupe de travail s'est
réuni sur dix séances afin de répondre à la
question « Par quoi et comment est influencée la santé
des femmes ? ». Le genre et le sexe comme déterminants
transversaux de la santé sont alors abordés tout au long des
échanges et des rencontres.
La méthodologie utilisée pour construire ce
savoir est appelée « Méthodologie d'intervention
sociologique » déjà utilisée au sein du mouvement
dans d'autres groupes de travail. Son objectif, expliqué dans un livret
mis à disposition des animatrices, est de « créer un
savoir à partir de ce que vivent et constatent les femmes, sur une
problématique qui les préoccupe avec une visée de
changement en proposant des pistes concrètes de solution »
71.
Encadré n.1 : La Méthodologie
d'intervention sociologique :
La méthodologie d'intervention sociologique est «
la pratique d'une théorie qui s'appuie sur la capacité
d'analyse et d'interprétation des acteurs pour appréhender le
sens de leurs engagements et des situations dont ils font
l'expérience.»72. Cette pratique a
évolué depuis son invention, initialement la pratique
était dite de « conversion » c'est à dire
« se concentre sur la portée sociologique et historique de
l'engagement des acteurs pour saisir en quoi ils sont porteurs de
transformations sociales ». Par la suite, l'intervention sociologique
va s'intéresser à d'autres problématiques, les enjeux
changent de nature et devient, comme le propose Cousin, une pratique de «
restitution ». C'est-à-dire qu'elle «
relève d'une approche plus compréhensive, en offrant
l'opportunité à des acteurs de donner du sens à leur
expérience sur la base d'un travai co-construit avec les
sociologues. (...) elle tente de lier un raisonnement
général à une expérience particulière
»73.
|
Le travail se base sur quatre outils précis, à
savoir :
- Une grille de lecture en étoile pour rendre compte des
différentes dimensions du
problème inscrit au centre de l'étoile. Elle
sert de référence au cours des rencontres et évolue en
fonction des échanges.
- Une ligne de temps
- L'intervention d'experts
70 PV « Groupe de travail »
71 Ibedem
72 TOURAINE A. (1978) La voix et le regard, Seuil
1978 cité par Olivier Cousin (dir.) (2010) « L'intervention
sociologique. Histoire(s) et actualités d'une méthode »
Presses universitaires de renne, coll. « Didact sociologie »
177p.
73 COUSIN O. ; RUI S. (2011), « La
méthode de l'intervention sociologique. Evolutions et
spécificités » Revue Française de science
politique. (Vol.61) p.513-532.
54
- La retranscription des débats
Il y a eu dix séances de 2h environ entre le 22 avril
2013 et 2 juin 2014. Ci-dessous, un tableau avec le nombre de participantes et
d'animatrices présentes tout au long des rencontres. Il y a, à
minima, pour chaque séance, une animatrice et une preneuse de note. Nous
pouvons remarquer que le nombre de participantes a fortement diminué au
cours des mois.
Tableau 5. : Détail des effectifs lors du groupe de
travail :
Séance
|
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
6
|
7
|
8
|
9
|
10
|
Animatrices
|
3
|
3
|
3
|
3
|
3
|
2
|
2
|
2
|
2
|
2
|
Participantes
|
7
|
14
|
12
|
9
|
8
|
9
|
6
|
6
|
6
|
5
|
Intervenants extérieurs
|
0
|
0
|
0
|
1
|
1
|
1
|
1
|
0
|
0
|
0
|
Il existe deux types de séances, certaines sont dites
« fermées » car la participation est limitée aux
animatrices et participantes. Les séances dites « ouvertes »
sont, quant à elles, des séances où des intervenants
extérieurs sont invités à venir présenter leur
vision et leurs connaissances sur le sujet abordé. Les femmes
choisissent en fonction de leur réseau et de leurs envies les personnes
qui interviennent. Les quatre personnes choisies sont : Carine Markestein
(coordinatrice de FS) qui a abordé la surmédicalisation des
femmes et la relation soignant-soignée ; Eric Colle (Mutualité
Chrétienne) qui a expliqué la marchandisation de la santé
; Ariane Estenne (Vie Féminine) qui a discuté de la santé
mentale des femmes et enfin Peter Verduyckt (Observatoire de la santé et
du social de Bruxelles) qui a fait un retour sur la notion des
déterminants et qui a présenté la situation de
santé des femmes en région bruxelloise.
Les séances se déroulent souvent de la
même façon : Il y a toujours en introduction un temps convivial,
de détente et de relaxation. On retrouve parfois des jeux pour faciliter
les échanges entre les participantes. Puis vient le coeur de la
séance où sont prévues les discussions pour
réfléchir sur le sujet ou débattre en fonction de ce qu'a
présenté l'intervenant. Pour finir, les participantes expriment
les ressentis, attentes et doutes qu'elles ont eus lors de la séance.
Les échanges sont facilités par des outils ludiques par exemple
de photo-langages, où les participantes expriment ce qu'elles pensent
à partir d'une image ou photo. Il y a aussi un « code de la route
», établi dès le début des rencontres qui permet
d'établir des règles de respect de parole tout au long des
séances.
Au terme des rencontres, les réponses à la
question « Par quoi et comment la santé des femmes est
influencée ? » formant une branche sont :
55
- « Les cycles de vie, l'utérus, les droits
sexuels et reproductifs, l'éducation à la
santé et aux droits reproductifs et sexuel,
l'avortement
- Le corps médical classique, la relation
médecin-patient, l'accés au système de
soins, la représentation féminine dans la
recherche scientifique
- La migration
- Le logement
- La monoparentalité
- Les violences (sexuelles, économiques, morales,
psychologiques et physiques), la
violence conjugale
- L'accessibilité économique, la
précarité, l'argent
- Le sport, l'alimentation, l'hygiène de vie
- Les soins aux autres
- L'isolement, l'organisation des soins,
- Les tabous, l'entourage, la culture, la littérature
et l'éducation
- L'image des femmes dans les médias, l'influence de
la pub, l'accés à l'information
et les stéréotypes liés au sexe.
»
De plus des facteurs omniprésents transversaux ont
été identifiés : « Le temps, la psychologie, la
santé mentale, les politiques de santé, le sexe, l'environnement,
l'environnement géographique et la santé physique. »
En parallèle de ce groupe, les participantes ont
participé à des actions de VF organisées lors de la «
Caravelle des Droits des Femmes ». C'est une campagne nationale faite en
2014 pour promouvoir les droits de femmes. Elle a trois objectifs « Se
réapproprier ses droits (comme outil de sensibilisation sur les droits)
; mettre en réseau et revendiquer de nouveaux
droits74 ». Les femmes du groupe de travail ont
proposé trois thématiques lors de ces rencontres qui ont eu lieu
un peu partout en Belgique :
- La santé mentale : « Des scénettes
de stéréotypes » ont été imaginé pour
aborder de façon humoristique les stéréotypes dont sont
victimes les femmes « la dépressive, l'hystérique... ».
L'objectif, en les jouant dans l'espace publique était de
débattre autour de ces visions et de l'impact que ces
stéréotypes peuvent avoir
74 CARAVELLE DES DROITS DES FEMMES - VIE FEMININE
(Consulté le 25/04/2015) « Disponible sur
http://www.viefeminine.be/caravelle/spip.php?article34.
56
sur la santé des femmes et aussi comment cela se
transmet lors de l'éducation des enfants.
« La désobéissante »
: Une jeune femme désire être « pilote
d'avion » et le dit à ses parents, en l'occurrence à son
papa. « Papa je sais ce que je veux faire ! Je veux être pilote
d'avion... ». Le Papa : « ma fille mais qu'est-ce que tu racontes ?
TU ES UNE FOLLE ? Est-ce que tu as déjà vu une femme piloter un
avion ? C'est un métier de mec... Tu ne vas pas être capable.
» «Ta maman te l'a déjà dit, une femme c'est mieux
qu'elle soit enseignante comme ça tu auras du temps pour tes enfants
.... »
« L'hystérique » :
Une femme s'occupe des tâches ménagères,
elle a l'air bien fatiguée. Son partenaire rentre, il n'y a pas du pain
« Ce n'est pas possible, dois-je m'occuper de tout ? Même acheter du
pain... ». La femme lui répond en criant « Quoi ? Tu rigoles
ou quoi ????». L'homme « et ben, c'est parti, voilà comme elle
crie, l'hystérique...».
- La relation soignant-soigné : «L'Action
Carte S.I.S » (Cfr. Annexe 3) proposait aux femmes rencontrées dans
l'espace public de témoigner de leurs inégalités
vécues dans le cadre d'une relation de soin. La carte S.I.S.
était pour l'occasion rebaptisée « Carte Inégalitaire
de Santé ». Il y a aussi eu un jeu de rôle où les
femmes étaient invitées à (re)jouer une consultation
médicale.
- La santé des femmes ainées : Une
pièce de théâtre intitulée « Quel toit pour
vieillir » présentant les maisons de repos permettait d'alimenter
un débat sur cette thématique. D'autres partenaires
étaient présents lors de la rencontre comme « habitat et
participation ».
Le groupe de travail, nous l'avons vu n'est pas allé
jusqu'à une interpellation politique bien que cela était un
objectif au début des rencontres. « Le travail politique »
s'est cantonné à la création d'un outil d'animation
à réutiliser en interne. Dans l'idée, cet outil aurait
été une version simplifiée de la méthodologie de
l'intervention sociologique et visait à « Sensibiliser les
femmes à la lecture des déterminants de santé et une
approche globale et féministe , · Questionner
et répondre à la question « Par quoi et comment est
influencée la santé des femmes , · Prendre
conscience du besoin de prise en main de sa santé , · Oser le
changement et Rendre visible le travail au sein de Vie Féminine
et ailleurs »75. Faute de subside et ne faisant plus
partie des priorités, cet outil n'a pas été
créé. Nous retrouvons là un élément
mentionné dans la partie « Etapes du plaidoyer » qui montrent
que certains outils de plaidoyer ne vont
75 PV du groupe de travail
57
pas jusqu'à l'interpellation mais permettent
d'alimenter la réflexion et la prise de conscience nécessaire au
plaidoyer.
Les réunions du groupe de travail illustrent bien le
double objectif de ces activités de « plaidoyer de terrain ».
Elles permettent la construction d'un savoir commun partagé, issu du
vécu des participantes où le genre et le sexe, perçus
comme facteurs discriminants, occupent une place centrale. Cela constitue de la
matière pour le plaidoyer et la mobilisation à différentes
étapes. C'est aussi l'occasion d'apporter des connaissances et
compétences aux femmes participantes dans une approche collective. Il y
a l'envie de se regrouper et d'échanger sur la spécificité
féminine en matière de santé.
Gisela à propos du groupe : «le groupe voulait
aller vers des revendications mais c'était plutôt du travail de
déconstruction, d'analyse et faire émerger une lecture où
le genre est un déterminant et en quoi être une femme influence ma
santé différemment qu'en tant qu'homme (...) Parfois, on n'arrive
pas jusqu'au bout mais ce n'est pas pour autant qu'il est moins valable que
d'autre. L'important c'est que les femmes puissent se rendre compte et puissent
aussi arriver à se regrouper».
Les discours des intervenantes choisies par le groupe est
mobilisateur et à considérer comme du plaidoyer politique,
à visée collective. Le genre comme déterminant de
santé est analysé comme un rapport de pouvoir. Par exemple, les
trois enjeux principaux pour la santé des femmes présentés
par Catherine Markestein illustrent bien cet aspect : « Le
fécondité féminine et la société de
production (le corps considéré comme « machine »
productive » ; la consultation médicale
traditionnelle (ou le rapport de domination dans une consultation
médicale) ; Promouvoir le changement (ou de l'intime au
politique) ». Nous pouvons aussi souligner certaines de ces
interventions lors des questions-réponses : « Transformer
l'intime en politique commence par la déconstruction des discours
dominants » ; « C'est le libre choix de dire « oui
» ou « non » qui est le plus important (...) il ne faut pas
oublier que nous avons le pouvoir de décider de notre corps ».
Arianne Estienne qui intervient sur la Santé Mentale va aussi dans ce
sens-là: « Le défi est de questionner pour trouver des
réponses ensemble. Une piste pour inciter la solidarité est de
commencer par déconstruire les normes établies. (...) Le
collectif est thérapeutique en soi, c'est là qu'on retrouve des
ressources pour surmonter des moments difficiles ».
58
Dans les rubriques des PV, «Ressentis des participantes
», nous pouvons souligner l'effet qu'ont ces interventions sur certaines
participantes et l'importance de l'aspect collectif de ce type de
rencontres.
(Séance 1) « Nos attentes : « Espace
d'écoute, de partage et d'entraide ; Décoder la
santé du point de vue des femmes ».
(Séance 2) « On constate qu'on connait les
déterminants mais qu'on y réfléchit pas » « La
lecture de l'étoile est très enrichissante »
(Séance 4) « Nous avons l'impression que lors
des séances précédentes nous avons oublié que nous
sommes maitres de notre santé ». A propos de la relation
soignant-soigné « Nous avons le droit de connaitre et de savoir ce
qui nous arrive (...) Nous sommes les expertes, cependant il y a des limites
». Au sujet d'ateliers self help, où le but est de faire
soi-même certains examens gynécologiques « Nous ne sommes
pas prêtes à participer à des groupes d'exploration
gynécologique. Cette réticence est peut être liée
à la culture ou à l'environnement social qui nous entoure. En
tout cas nous sentons que nous sommes sur le bon chemin».
(Séance 6) « Nous avons
énormément de travail à faire, le fossé entre
politique et la réalité/besoins des femmes est très grand.
Si chaque personne se renferme sur soi, il n'y a pas d'évolution. (...)
Il est nécessaire de combattre ensemble. »76
2. La journée pour promouvoir la santé
des femmes
Dans la même optique d'analyse ancrée, nous
allons dans cette partie revenir sur une autre action de plaidoyer des
associations. Le 28 mai 2015, à l'occasion de la journée
internationale de la santé des femmes, la PPSF a organisé pour la
3ème édition une journée de réflexion sur la place
du soin aux autres (le Care) au sein de notre société. Ouverte au
public, elle était intitulée : « Le jour où j'ai
arrêté d'être seule à m'occuper des autres ».
Cette journée avait pour objectif de dénoncer et trouver des
solutions alternatives à la répartition inégale entre les
hommes et les femmes du Care.
Pour bien la comprendre, nous définirons
brièvement le Care puis nous présenterons le
déroulé de la journée à laquelle nous avons pu
participer. Nous dégagerons ensuite des éléments utiles
à l'étude du plaidoyer dans ces associations. Nos données
sont issues d'observations et des documents récoltés lors de la
journée.
76 PV groupe de travail
59
Le Care et son inégale répartition entre
les hommes et les femmes :
Le Care est défini par Tronto comme « une
activité générique qui comprend tout ce que nous faisons
pour maintenir, perpétuer ou réparer notre «monde» en
sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible
»77. C'est un processus actif avec quatre aspects
étroitement liés : « Se soucier de » ; « Prendre
en charge » ; « Prendre soin » ; « Recevoir le soin ».
Elle précise que le care est indissociable de la notion de charge «
Se soucier de quelqu'un ou de quelque chose implique davantage qu'une
simple envie ou intérêt passager, mais bien plutôt
l'acquiescement à une forme de prise en charge ».
La principale critique faite par le courant féministe
porte sur le fait que cette « sollicitude » accentuerait la
distinction entre les hommes et les femmes en l'assignant majoritairement aux
femmes et cela impacterait négativement leur santé. L'objectif de
ce colloque et des autres activités est de partager cette «
sollicitude » (et sa charge) avec tous, en recherchant des solutions
concrètes alternatives et collectives. Selon Sen, ces
inégalités persistent aussi parce qu'elles sont acceptées
par les victimes « l'opprimé finit par accepter cet ordre
inégal pour se transformer en un complice implicite » et
d'ajouter « cette idée (Les femmes se sacrifiant pour les
autres) ne sert pas les intérêts des femmes mais sert plutôt
à justifier l'ordre établi »78
La journée s'est déroulée en deux temps.
Le matin était consacré à des présentations en
plénière par deux intervenantes et l'après-midi, des
ateliers en grands ou petits groupes.
Le matin, en introduction, deux travailleuses de VF,
association impliquée dans la PPFS, ont défini le care et l'ont
présenté comme une affaire de société avec une
responsabilité collective des citoyens et citoyennes. Cependant, ce
« soin aux autres » serait de façon systématique
assigné aux femmes. Le rôle maternant et d'aide aux autres serait
construit socialement et amènerait la femme à devoir choisir
entre ne pas s'investir dans le soin aux autres et culpabiliser, ou s'investir
dans le « care » mais le faire bénévolement. En effet,
beaucoup d'activités du « Care » ne sont pas valorisées
financièrement. Les intervenantes ont poursuivi en posant la question de
savoir si les femmes pouvaient réellement faire ce choix. Enfin, cette
assignation socialement construite impacterait le quotidien et la santé
des femmes. L'objectif de cette journée était de débattre
et réfléchir aux enjeux du « care » comme valeur de
société. Il y a alors l'envie de rendre visible le travail de
care porté par les femmes et de ne pas en faire une affaire uniquement
de femme.
77 TRONTO J. (2008) « Du care » Revue du
MAUSS Vol.2 (32) p 243/265
78 SEN (1967) cité par GILARDONE M. (2009)
« Inégalités et de genre et approche par capabilités
: quelle mise en dialogue ? » Revue Tiers Monde Vol. 2 (198) p.
357-371
60
Voici un extrait de la note d'intention de la journée
:
« La maternité est, par exemple, une
expérience qui justifie bien souvent cette assignation du care en
désengageant les hommes des tâches liées au soin des
autres. Nous souhaitons interroger le Care en lien avec la maternité et
en dehors de celle-ci, y compris le choix de ne pas devenir mère, et
leur impact sur la santé des femmes. Le point de départ de nos
interrogations est féministe et le processus collaboratif que nous
souhaitons mettre en place, alliant nos réflexions à nos
expériences professionnelles et personnelles, visent à
créer un savoir et une intelligence engagés sur la matière
»79.
Et en conclusion de l'introduction :
« Nous devons décortiquer nos
réalités pour faire de réels choix. Le care n'est pas une
affaire de femmes, c'est une affaire de société. Il faut donner
à chacune les moyens pour, à son rythme, le bousculer, le
questionner, l'interroger afin de plus le partagé ».
En seconde partie, une intervenante du « Monde selon les
femmes », une autre asbl de la plateforme, a exposé sa
présentation intitulée : « Masculinité et Care
». Celle-ci s'apparentait aux formations que donne l'Asbl sur le genre et
questionnait la place des hommes dans le « care » et les mouvements
féministes. Pour commencer, elle a fait un retour historique sur la
notion de virilité et ce qu'on entend par « masculinité
». Puis, elle a décrit les mouvements d'hommes qui se sont
créés en réponse aux mouvements féministes. L'un,
dit « masculiniste » est considéré par l'intervenante
comme anti-féministe et vise à défendre les droits des
hommes. L'autre courant dit, « Pro-féministe » est en lien
avec les mouvements féministes et veut « repenser les relations
de subordination ». En lien avec ce mouvement et pour conclure,
l'intervenante a proposé trois pistes d'actions pour un partage des
tâches de Care au sein de la société: « Mettre en
place un travail concerté entre mouvements féministes et les
hommes pro-féministes ; un travail des hommes pour le changement
individuel et collectif sur la notion de genre ; un engagement politique pour
lutter contre les structures de pouvoir masculin ».80
La dernière partie de la matinée était
réservée à Thérèse Clerc. Cette femme de 84
ans était impliquée dans les mouvements féministes des
années 60 en France. Elle était invitée lors de la
journée pour présenter son projet d'habitat collectif, à
Paris, pour femmes séniors appelé « Baba Yaga ».
D'après son intervention, l'objectif de ce projet était «
d'aider celles qui veulent rester autonomes » et de proposer
« des fonctions innovantes à la vieillesse », en
79 LALMAN L. (2015). La Sollicitude a-t-elle un
sexe? Enjeux du care et de la maternité. Document distribué
à la journée du 28 Mai 2015
80 Extrait de la présentation
61
créant par exemple « Une université
Populaire des Vieilles et Vieux » ou des rencontres
intergénérationnelles au sein de la structure. Elle a aussi
présenté son passé de militante dans les mouvements de
libération des femmes.
Dans l'après-midi, l'objectif était
d'échanger à partir de témoignages sur les choses
concrètes qui peuvent être mises en place pour mieux
répartir les tâches du Care entre les hommes et les femmes. Dans
un premier temps, en grand cercle avec tous les participants, des personnes ont
témoigné en réponse à l'appel qui avait
été fait pour la journée :
« Vous vivez seule, à plusieurs, en famille,
en couple, en habitat groupé, en communauté ou autrement et vous
avez expérimenté des pratiques alternatives ou innovantes pour
une répartition plus juste des activités du care
(activités qui permettent de maintenir, de prendre soin ou de soigner la
vie des autres) ? Votre témoignage nous intéresse !
»
Voici les quelques témoignages qui ont servi de base
pour les ateliers en groupes : Plusieurs ont porté sur l'habitat
groupé comme piste de solution à la charge du care. Par exemple,
François qui a créé avec sa femme, « une maison
communautaire inclusive ». L'objectif est de vivre sous le même toit
avec sa famille mais aussi avec des personnes en difficulté et
isolées. La vie communautaire permettant d'être un soutien dans
les activités de la vie quotidienne. Il y a aussi eu un
témoignage sur « Le Jardin du Béguinage » qui
est un habitat groupé pour personnes âgées. D'autres
témoignages portaient sur la création d'asbl qui permettent un
soutien et une entraide collective. Par exemple, l'asbl « Solo mais pas
seule » propose aux femmes divorcées un soutien dans les
démarches administratives et juridiques et des ateliers pour un partage
d'expériences. Enfin, Aline a témoigné sur le groupe de
femmes et dont elle fait partie où l'objectif est de partager des
expériences entre femmes pour « favoriser un échange des
savoirs communs ».
En fin de journée, deux personnes ont
présenté une campagne d'associations féministes et autre
(CADTM/VF /Le monde selon les femmes/Femmes CSC/ La marche mondiale des
femmes). Celle-ci est en cours et s'intitule « V'là la facture
». L'objectif est de mesurer le coût des soins aux autres
portés par les femmes et d'exiger que ce cout soit réinvesti en
services publiques. A partir d'une fausse fiche d'impôt, les femmes sont
invitées à compléter le nombre d'heures travaillées
pour « la garde d'enfants en bas âge » ou « Soins aux
personnes en grande dépendance »... Voilà le texte
d'introduction qui présente l'animation :
62
« Nous sommes des féministes
indigné_e_s face à l'injustice et à la violence des
mesures d'austérité. Nous exigeons un audit féministe ! Au
nom du remboursement de la dette, les femmes perdent leurs droits les plus
fondamentaux . · droit à l'autonomie financière, à
la santé sexuelle et reproductive, à la protection sociale,
à la justice, à la protection contre toute forme de violence...
Nous exigeons que cet argent soit réinvesti dans les services publics
pour la collectivité »
L'analyse et la participation à cette journée
nous permet de souligner trois éléments du plaidoyer qui se
retrouvent aussi dans ce que disent les informatrices.
Premièrement le quotidien et le concret sont la source
de revendication du plaidoyer. Les ateliers et temps d'échanges
participent à ce partage d'expérience quotidienne et
amènent à une revendication. C'est aussi ce que souligne Fassin
« La participation politique des femmes des milieux populaires prend
sa signification par rapport à ce territoire qui leur est assigné
dans la division sexuelle de l'activité sociale, mais qu'elles se
réapproprient et qu'elles revendiquent à travers leur lutte
. · le quotidien. En fait, c'est souvent dans le cours de ces
mobilisations que se développent des fondements plus idéologiques
du mouvement »81 L'engagement se construit à partir d'une
contestation de l'oppression masculine, et ce à différents
niveaux : individuel, familial, collectif et sociétal. Ce constat et la
mobilisation réduisent ainsi la distinction entre la sphère
privée et la sphère publique.
Ensuite, on peut remarquer, notamment avec l'animation «
Vlà la facture » que la revendication se fait en lien avec
d'autres causes que le genre qui impactent négativement la santé
des femmes. Nous retrouvons, une convergence et des analogies avec d'autres
mouvements sociaux où les causes de mobilisations sont
différentes (mouvements ouvriers, lutte contre le racisme...). Ceci est
expliqué par Gayle Rubin : « les travaux de Freud et Levi
strauss nous permettent d'isoler le sexe et genre « du mode de production
» et de contrer une certaine tendance a expliquer l'oppression de sexe
comme un réflexe de forces économiques (...) cela suggère
une conception du mouvement des femmes comme analogue, plutôt
qu'isomorphe, au mouvement de la classe ouvrière ». 82
81 FASSIN. D. Les enjeux politiques de la santé.
Paris: Editions Khartala, 2000. Coll. « Hommes et
Société » 346p. (p.236)
82 RUBIN G. Surveiller et jouir. Anthropologie
politique du sexe Paris : EPEL, 2010, 485p.
63
Pour finir, nous pouvons souligner que pour les associations
rencontrées, réduire l'impact du genre sur la santé ne
passe pas par une solution « radicale ». Elle doit aussi se
construire avec les hommes. La non-mixité dans la revendication
politique n'est pas systématique et les hommes sont même parfois
invités à « rejoindre le mouvement ».
Carine a propos du « care » «Il faut qu'il
y ait une discussion et que ça soit vraiment mis sur l'ordre du jour des
politiques. On peut faire des groupes mixtes et non mixtes (hommes et femmes
séparés) par ce que je trouve que c'est aussi très
important pour les hommes aussi qu'ils puissent parler de leurs
difficultés et de cette nouvelle tâche aussi. »
La conclusion de la présentation du monde selon les
femmes lors de la journée sur le Care implique aussi les hommes dans
« le changement individuel et collectif des hommes dans la notion de
genre (...) et un engagement politique pour lutter contre les structures du
pouvoir masculin ».
Résumé de la partie :
Cette partie nous a permis de nous rendre compte à quoi
ressemblait concrètement des activités considérées
comme faisant partie du plaidoyer. Celles-ci ont différentes fonctions
(analyse, revendication, échanges...). Nous avons vu que le genre est
perçu comme un rapport de pouvoir et que tout le travail de plaidoyer
consiste à le remettre en question pour une meilleure santé des
femmes. Et ce à tous les niveaux (individuels, collectifs et
institutionnels). Dans ces associations, le plaidoyer se construit et
émerge à partir de quotidien des femmes.
|
64
Discussion : Ce qu'on peut dire du plaidoyer de ces
associations :
Les parties précédentes nous ont permis de
décrire le plaidoyer et de voir comment il se déploie dans les
associations. Nous avons commencé à présenter certaines
spécificités que nous allons approfondir dans cette partie.
Le plaidoyer de VF/FS/PPSF possède certains traits
caractéristiques utiles à mettre en exergue dans un contexte
où les mouvements sociaux et associations adoptent des techniques de
lobbying classique83. Dans un premier temps, nous expliquerons, par
analogie avec la MTE, que le plaidoyer des associations s'enracine et se
nourrit des réalités quotidiennes partagées par les femmes
du mouvement. Ensuite, nous montrerons que le rôle émancipateur du
plaidoyer est prédominant par rapport à ses autres fonctions
possibles. Enfin nous verrons que les associations occupent une place
intermédiaire dans son élaboration. Cette position entraine des
conséquences parfois perçues comme négatives. Celles-ci
sont acceptées ou limitées par certaines stratégies et
méthodes développées par les membres de l'association.
1. Les caractéristiques du plaidoyer :
2.1. Un plaidoyer enraciné :
La position intermédiaire des associations amène
à avoir un processus de construction du plaidoyer qui s'apparente
à la démarche du chercheur de la MTE. La théorie, et
surtout le rapport final, serait la revendication issue du plaidoyer. Cette
analogie nous permet de montrer que le plaidoyer est à la fois une
manière de penser et de concevoir la revendication et une façon
concrète de procéder.
Dans un premier temps, nous pouvons nous arrêter sur les
fondements de la MTE qui sont aussi des traits caractéristiques du
plaidoyer des associations suivies :
Tout comme la MTE, le plaidoyer est à la fois une
démarche et une méthode. Le plaidoyer développé
dans ces associations est en opposition avec un plaidoyer
déconnecté des réalités vécues par les
personnes défendues. La participation des femmes au plaidoyer n'est pas
vu comme un moyen mais est le principal enjeu du plaidoyer. En plus
d'être un paradigme, cette méthodologie « enracinée
» s'inspire de différentes méthodes d'animations issues
notamment de l'éducation permanente et obligent les travailleuses
à être créatives dans les méthodes de
revendications.
83OLLION E. (2015). Des mobilisations
discrètes : sur le plaidoyer et quelques transformations de l'action
collective contemporaine. Critique internationale Vol. 67 (2) 17-31
65
« Pour moi, le plaidoyer n'est pas qu'une
stratégie de revendication à partir du moment où c'est
aussi une manière de faire pour remonter la parole citoyenne. Cela doit
se faire tout en utilisant des outils et un discours que les gens puissent
continuer de s'approprier et comprendre. » Manue
La théorie issue de la MTE est construite à
partir d'un terrain donné. Le chercheur doit très tôt
s'immerger dans ce terrain pour y récolter les données qui
servent de point de départ à la théorie. Les associations
défendent aussi cette position d'ancrage et d'enracinement où le
plaidoyer émerge et se nourrit de ce qui est vécu et se dit dans
les Maisons Mosaïques ou lors des ateliers et des rencontres. La notion
d'enracinement montre aussi que le plaidoyer se nourrit et évolue
constamment en fonction de ce qui se passe dans le contexte de vie des
femmes.
Carolle « Je travaille beaucoup plus sur le terrain.
Ce qu'on y voit c'est plutôt de l'argumentaire, de la nourriture qui peut
faire du plaidoyer en lien avec la réalité. Nous relayons ce
qu'on observe. (...) c'est un travail ancré »
« Pour le plaidoyer, on doit commencer par une
réflexion ancrée avec les femmes» Carine
A l'instar de la « comparaison constante », il y a
un aller-retour régulier entre le plaidoyer qui se construit et ce qui
est défendu et dit « à la base du mouvement ». Les
associations revendiquent une proximité avec « cette base »
pour avoir une justesse et exactitude dans le message qu'elles portent.
Manue : « Nous allons porter ce message mais c'est
important que les citoyennes continuent d'être en vis à vis avec
nous et que les femmes non- professionnelles continuent de parler. Elles
doivent pouvoir dire "tiens là ça ne nous correspond pas ce que
vous dites, ce n'est pas là qu'on veut aller ». L'idée n'est
pas d'écarter totalement une chose ou une autre mais rester dans le va
et vient entre institutionnel, associatif, le politique et puis le citoyen
parce que le citoyen, on le perd beaucoup plus vite que les autres.
»
Sur certains points, le plaidoyer est développé
comme la théorie où le chercheur ne fait pas totalement partie du
terrain qu'il observe. Les travailleuses de l'association jouent un rôle
similaire au chercheur qui façonne et élabore une théorie,
à partir des données, avec des outils et méthodes qu'il
maitrise. Les travailleuses accompagnent les femmes dans le processus de
plaidoyer sans parler à leur place mais les suivent jusqu'à la
revendication, objet final du plaidoyer.
66
La suspension, dans le cadre de la recherche d'un recours aux
cadres théoriques est la principale différence entre les deux
processus. En utilisant la MTE, le chercheur met de côté la
théorie lorsqu'il appréhende le terrain. A l'inverse, dans le
cadre des activités de plaidoyer, les associations développent
les activités avec une approche « féministe ». Ce
bagage et ce prisme entrainent forcément un biais dans la construction
de tout le reste du plaidoyer.
Pour finir, les étapes de la MTE nous permettent de
revenir sur les étapes concrètes de construction du plaidoyer.
Pierre Paillé dit à propos de la MTE : « Une politique
des petits pas dont le point de départ est une réalité
locale et contextuelle qu'il s'agit de hisser à un niveau
théorique par un travail méthodique de terrain »84
- La récolte de données s'apparente aux
activités des maisons mosaïques ou les ateliers où
l'objectif est d'être attentif à ce qui se dit et
s'échange.
- La codification et catégorisation s'apparentent au
travail de relais d'information où les travailleuses repèrent des
éléments qui sont récurrents. La prise de distance
correspond à la montée des informations à un niveau
supérieur qui permet d'aborder des sujets transversaux.
Aline « On a dans les maisons mosaïques des
relais qui captent les informations et sujets et nous le transmettent. (...)
Ces réalités sont peut-être celles de beaucoup d'autres
alors le mouvement s'en saisit.»
- Les activités de mise en réseau permettent de
comparer, regrouper et partager ce qui se dit dans différents
secteurs.
- La théorisation et modélisation regroupent
toutes les démarches d'analyse, de construction de point de vue et
d'argumentation du plaidoyer.
Carolle « Pour affiner ce qu'on va dire, on va
être à l'écoute de ce que les femmes des ateliers vont nous
dire. »
Résumé :
Le plaidoyer revendiqué dans les associations se
distingue du lobbying de par cette dimension enracinée et ancrée
dans des réalités quotidiennes. Il n'en exclut cependant pas
certaines pratiques. Dans la section suivante, nous verrons que le plaidoyer a
différentes fonctions.
|
84 PAILLE P. (2012) « Une enquête de
théorisation ancrée : les racines et innovations de l'approche
méthodologique de Glaser et Strauss » « In » GLASER
B., STRAUSS A.
67
2.2. Différentes fonctions au plaidoyer
:
2.2.1. Une fonction émancipatrice
pré-dominante:
La fonction émancipatrice et
«capabilisante85» du plaidoyer est prédominante par
rapport aux autres. Le plaidoyer est majoritairement utilisé par les
travailleuses comme un moyen de mobilisation et dans une stratégie de
renforcement individuel et collectif des femmes. Chaque activité et
action est alors pensée dans l'objectif de fournir aux femmes des outils
pour une plus forte implication politique et citoyenne. Cela se construit dans
une optique de changement à l'échelle individuelle et
sociétale.
Carine : « Je ne sais pas si vous êtes au
courant des notions comme "Capabilité". Nous avons traduit ça en
capacité effective. Pour nous, c'est une pensée importante,
à savoir chacune a dans son actualité concrète une
amélioration maximum possible. A la fois dans le contexte social et
culturel dans lequel vit une personne mais aussi pour une population. C'est
ça qui est important, mais c'est difficile »
Selon les personnes interrogées, ce rôle est
justifié par le fait que les femmes rencontrées expriment une
crainte, un désintérêt et une incompréhension envers
le « monde politique » mais aussi parce qu'elles ont des conditions
de vies (femmes isolées avec des enfants, sans revenu) qui ne leur
permettent pas de s'investir.
« Les femmes sont parfois isolées, elles ne
travaillent pas, viennent de milieux populaires. Parfois, elles ne se sentent
pas légitimes pour dénoncer. On leur renvoie une image
culpabilisation, de ne pas avoir de place, de ne pas avoir de rôle
». Carolle Cet aspect est aussi confirmé par un rapport de
l'Observatoire de la santé bruxellois (2015) : « De nombreuses
femmes ont exprimé leur déceptions et la rupture de la confiance
envers le « monde politique » en raison des promesses de 2014 lors
des élections mais pour lesquels il n'y a pas eu d'amélioration.
»
Pour VF, cette prédominance du rôle
émancipateur s'explique par son histoire et son rôle d'association
d' « éducation permanente » dont l'objectif est de permettre
aux femmes d'acquérir : « Une prise de conscience et une
connaissance critique des réalités de la
société ; des capacités d'analyse, de choix, d'action et
d'évaluation ; des attitudes de responsabilité et de
participation active à la vie sociale, économique, culturelle et
politique. 86 ». Ce renforcement des capacités de
mobilisation vise à faire des femmes des acteurs politiques
impliqués dans leur contexte de vie.
85 Cf. Encadré
86 FEDERATION WALLONIE BRUXELLES (2003) (Consulté le
12/05/15) « Disponible sur
http://www.educationpermanente.cfwb.be
»
68
Aline : « Je peux dire quelle philosophie nous avons.
Nous ne faisons pas du lobby pour le lobby, nous faisons de l'éducation
permanente, nous inscrivons le plaidoyer dans notre travail avec le public. A
tous les niveaux de nos actions. (...) Le plaidoyer est une partie
intégrante du travail d'éducation permanente(...) Notre
philosophie est de ne pas uniquement en faire quelque chose qui appartient
qu'aux spécialistes»
Chez FS et PPSF, la dimension revendicatrice du plaidoyer est
issue des objectifs défendus par « la promotion de la santé
». La Charte d'Ottawa, son texte fondateur fait du plaidoyer une de ses
priorités : «Advocacy has been recognized as one of three major
strategies for achieving health promotion goals, the others being enablement
and mediation» 87 . Le plaidoyer est donc un moyen de
favoriser une meilleure santé.
Manue à propos de FS : « Chez FS c'est une
démarche de promotion de santé, ils partent vraiment des
vécus, des ressentis et font remonter une voix plus commune.
»
Encadré 2 : Approche par capabilité :
La capabilité est définie par Sen comme le
« « pouvoir être » ou « pouvoir faire » d'un
agent, c'est-à-dire l'ensemble des réalisations qu'un agent est
capable, et serait capable de faire, et d'être face à un ensemble
d'opportunités »88. L'approche par
capabilité dépasse la notion d'individu et vise à voir en
chaque personne un agent. Toujours selon lui, l'agent « est quelqu'un
d'autonome, capable de définir ses propres choix et de les
réaliser de manière rationnelle en leur affectant efficacement
des moyens pour une finalité donnée. À la
différence de l'individu, cette finalité va au-delà de son
seul intérêt.»
Dans l'ensemble les activités des associations
s'inscrivent dans une approche de « capabilité en santé
» développé par Ruger, défini comme «
Confidence and ability to be effective in achieving optimal health
» à partir de quatre facteurs : « biologic and
genetic disposition / intermediate and broader social, political and economic
environment / access to public health and healthcare system
».89
|
Le processus plus valorisé que le
résultat :
Pour les travailleuses, le processus de construction du
plaidoyer est plus valorisé que le résultat. Autrement dit
l'important est de valoriser ce qui s'est fait lors des activités et
tout au long du processus de construction du plaidoyer. Et ce, dans sa
dimension « de terrain » ou « de revendication » Il s'agit
de voir ce qui a été retenu comme connaissances et
compétences réutilisables par la suite dans la vie quotidienne
des femmes. L'objectif est aussi de permettre aux femmes d'être moins
isolées et de rencontrer d'autres personnes qui partagent aussi les
mêmes difficultés.
87 OTTAWA CHARTER cité par CARLISLE S. (2000). Health
promotion, advocacy and health inequalities. Oxford universtity press
Vol.15 (4), 369-376.
88 GLOSSAIRE « Les mots de Sen...et
au-delà », Revue Tiers Monde 2009/2 (n° 198), p.
373-381.
89 RUGER J. (2010) Health Capability:
Conceptualization and Operationalization Am J Public Health. Vol.
100(1): p.41-49.
69
Cet aspect est plus important que le résultat,
c'est-à-dire la réponse politique à la revendication. En
effet, les personnes interrogées reconnaissent avoir une faible
influence sur les décisions politiques. Les revendications aboutissent
rarement à une mise à l'agenda politique. Les membres de
l'association et les femmes impliquées dans le plaidoyer ont parfois le
sentiment d'être à contre-courant des décisions et
priorités politiques.
Héléne « Le plus important, c'est ce
qui sera fait avec les femmes, dans ce processus, essayer d'avoir des
éléments que les femmes pourront retirer individuellement et
collectivement. C'est de l'empowrement90. C'est moins grave, si la
ministre ne donne pas suite à notre rencontre, mais on l'a fait et
ça c'est avec toute la préparation et la construction. Le
processus est le coeur de tout ça »
Encadré 3. : L'empowerment :
Issu de mouvements féministes, l'Empowerment est
défini comme « un processus de transformation des relations de
pouvoir entre individus et groupes sociaux ». 91 Il
s'attaque à trois piliers : L'idéologie qui justifie les
inégalités (par exemple : le genre) ; en changeant les
modalités d'accès et de contrôle des ressources
économiques, naturelles et intellectuelles et en transformant les
institutions et les structures qui renforcent et maintiennent les rapports de
pouvoir existants (comme la famille (idem que selon Sen),
l'Etat...)92. L'empowerment se distingue du
pouvoir de domination qui s'exerce sur quelqu'un ( « power over
») et se définit plutôt comme un pouvoir créateur qui
rend apte à accomplir des choses ( « power to »), un
pouvoir collectif et politique mobilisé notamment au sein des
organisations de base ( « power with ») et un pouvoir
intérieur ( « power from within ») qui renvoie
à la confiance en soi et à la capacité de se
défaire des effets de l'oppression intériorisée.
|
Le plaidoyer et la revendication sont vus comme un
défi :
Le plaidoyer est vu comme un défi et une suite au
parcours des femmes de l'organisation. L'accompagnement et le soutien qu'elles
ont reçus lors des activités leur permettent de se sentir plus
valorisées et légitimes de revendiquer en public ce qu'elles
perçoivent comme injuste.
Fouzia à propos de son expérience dans une
activité sur les violences faites aux femmes : « J'ai besoin de
dire : « j'ai été violentée ». Je n'ai besoin
pas de m'excuser mais de me motiver. Et ça, ça c'est un combat
quotidien. (...) C'est un défi, un défi de sortir de l'anonymat,
d'aller sur les marches de la bourse. C'est le centre de Bruxelles.
»
90 Cfr. Encadré Empowerment
91 CALVES A.-E., (2009) « « Empowerment » :
Généalogie d'un concept clé du discours contemporain sur
le développement », Revue Tiers Monde Vol.4 (200) p.
735-749
92 BATLIWALA (1990) cité par CALVES A.-E.,
(2009)
70
2.2.2 Les fonctions stratégiques et
constructivistes du plaidoyer comme autre fonctions:
Dans un contexte de restriction budgétaire et de flou
institutionnel, une autre fonction du plaidoyer est la défense des
intérêts et la ligne politique de l'association. Les associations
sont majoritairement dépendantes des subsides pour mettre en place leurs
activités. Or le système institutionnel belge est complexe avec
différents niveaux de pouvoir qui rend compliqué les
activités du secteur de l'action sociale et de la promotion de la
santé. De plus, la sixième réforme de l'Etat accentue le
flou que ressentent les acteurs du secteur associatifs quant à leur
avenir.
A titre d'exemple : un extrait du « Mémorandum
Education permanente 93» :
« Le secteur de l'éducation permanente : un
secteur primordial qui subit de plein fouet les coupes budgétaires et
les conséquences des politiques d'austérité (...) Par
ailleurs, le transfert de certaines compétences en matière
d'emploi vers les Régions, effet de la 6ème réforme de
l'Etat, loin d'apaiser les esprits, soulève une interrogation majeure :
« Quel avenir pour le secteur de l'Education Permanente ? »
Conclusions similaires dans le secteur de la « Promotion de
la santé 94» :
« Face aux incertitudes du transfert de la promotion de
la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles à la
COCOF, le secteur bruxellois a décidé de ne pas rester les bras
croisés et de s'organiser pour faire entendre sa voix dans
l'intérêt des citoyens »
Carine explique à ce sujet les difficultés pour
l'association :
« J'ai d'ailleurs un nouveau dossier qui a
été refusé, c'est un autre problème pour le moment
car on a un arrêt des subsides »
Les associations sont dépendantes pour vivre, des
activités et surtout du public qu'elles prétendent
défendre. Le plaidoyer est alors une stratégie pour obtenir des
subventions ou faire connaître ses convictions et positions au grand
public et aux décideurs. Le plaidoyer s'apparente alors à des
stratégies de communication. L'objectif de visibilité de
l'organisation met de côté la fonction prioritaire
d'émancipation défendue dans le cadre du plaidoyer. Le travail
consiste plutôt à présenter ses activités et les
situations vécues par le public auprès de
93 FESEFA (2014) « MÉMORANDUM FESEFA ÉDUCATION
PERMANENTE : Propositions et
recommandations post-électorales » (Consulté
en ligne le 20 juin 2015) « Disponible sur
http://www.cessoc.be/system/files/webfm/M%C3%A9morandums/M%C3%A9morandum%20postelectoral
%202014-FESEFA.pdf »
94 CBPS (2014) « 6ème Réforme de l'Etat, le
secteur de la promotion de la santé s'organise ! » Bruxelles
Santé n°74, p.8-10
71
qui les associations travaillent. Obtenir un soutien financier
permet alors de développer des activités utiles pour le public.
Cette fonction du plaidoyer adopte des pratiques similaires au lobbying
puisqu'il s'agit d'être au plus proche des décideurs. Il est
développé par les salariés de l'association. Ceux-ci
reconnaissent cette activité comme inévitable mais ne
l'apprécient pas forcément.
Aline « Ce qu'il peut se passer, c'est qu'au niveau
des politiques, j'ai remarqué qu'il y avait des histoires de...
ça vaut parfois la peine d'essayer de trouver des chemins (Signe d'un
serpent avec la main (...) je me dis parfois c'est assez intéressant de
faire des coups de gueule ou alors d'essayer d'avoir des fonds par d'autres
chemins. C'est une question de réseau. Mais bon du coup, ça fait
quand même mal. Pour les contrats de quartier, nous on a eu ce subside
mais il y a une somme de fond que d'autres qui font un très bon travail
dans le quartier n'auront pas »
La dernière fonction du plaidoyer est de servir
à diffuser une approche féministe des problèmes
sociétaux. C'est ce qu'on peut appeler la « construction sociale
». Le concept de « construction sociale » montre que la
santé et ses problèmes peuvent être, comme le mentionne
Fassin « à la fois un construit social, au sens de ce que les
agents traduisent dans le langage de la maladie, et une production de la
société, au sens de ce que l'ordre du monde inscrit dans les
corps. On peut donc, d'un côté, parler de sanitarisation du social
et, de l'autre, de politisation de la santé »95.
Une typologie de « construction sociale » permet de
montrer différentes formes d'usage du terme. Selon Loriol96,
dans tous les cas de figure, la notion renvoie « partiellement ou
totalement à l'analyse de la connaissance du monde social, avant d'en
venir éventuellement aux effets de cette connaissance sur le mode social
lui-même (...) certains auteurs minoritaires y voient la production
sociale d'une situation ou d'une institution concrète.
C'est-à-dire de la façon dont un ensemble d'évolutions, de
stratégies et de mécanismes sociaux a-priori distincts se
combinent pour faire apparaître une situation ou une institution
nouvelle. Ce résultat peut soit être vu comme intentionnel, soit
au contraire comme non voulu par les acteurs en présence ».
95 FASSIN D (2005) « «Le sens de la
santé. Anthropologie des politiques de la vie » dans «
Anthropologie médicale. Ancrages locaux, défis globaux ».
Chapitre 14, pp. 383-399. Québec: Les Presses de l'Université
Laval; Paris: Anthropos , 467 pp
96 LORIOL M. (2006) « Réflexions sur
la notion de « construction sociale » CNRS/Paris I
72
Dans les deux associations, le plaidoyer permet de participer
à la construction sociale d'un problème « féministe
». Les problèmes des femmes et leurs situations de vie sont
abordés à travers le prisme du féminisme qui rappelons-le
se base sur la conviction que les femmes subissent une injustice
spécifique et systématique en tant que femmes et qu'il est
possible et nécessaire de redresser cette injustice par des luttes
individuelles et collectives. Le plaidoyer est alors perçu,
étudié et revendiqué à partir de cette conviction.
Cette dimension se retrouve alors aux deux extrémités du
processus du plaidoyer : à la fois dans les activités de terrain
mais aussi dans le discours défendu lors de la revendication. C'est une
particularité que signale Bereni où les associations ou
mouvements de femmes « peuvent devenir des lieux de transformation de
la conscience de genre en conscience oppositionnelle (...) remetant en cause la
hiérarchie sexuée. »97
« L'éducation permanente féministe,
consiste à construire avec les femmes un regard critique sur leur
situation, l'analyser à l'aide de notre grille de lecture (lutte contre
discrimination patriarcale, capitaliste et raciste) et qu'à partir de
cette base elles identifient les idées d'action qu'elles veulent.
» Aline.
A titre d'illustration, lors de la journée pour
promouvoir la santé des femmes, un atelier proposait à tout le
monde de faire une conclusion participative. Il fallait répondre comme
« qu'est-ce que je retiens de la journée ? Qu'est-ce que je
dirais de cette journée à quelqu'un d'autre ? ». Les
conclusions étaient écrites sur un bout de papier affiché
à la sortie. L'un d'eux concluait « Je suis une
féministe qui s'ignore ».
2.2.3. Des fonctions qui s'apparentent à des
tentatives plus qu'à des succès
Chacune de ces fonctions est perçue comme importante et
prioritaire mais son impact peut être limité ou faire obstacle
pour les associations.
Premièrement, dans le cadre du plaidoyer, la
défense d'une vision « féministe» dessert parfois. Les
`grandes causes' (l'environnement, accès aux soins des migrants...)
défendues par certains « plaideurs » de l'article d'Ollion
sont un atout dans le plaidoyer98. A contrario, la défense
d'enjeux féministes peut entrainer des réticences au sein du
gouvernement ou dans les autres associations. En effet, les associations
féministes ne sont pas toujours perçues comme
97 BERENI L. et REVILLARD A., (2012) « Un mouvement
social paradigmatique ? Ce que le mouvement des femmes fait à la
sociologie des mouvements sociaux », Sociétés
contemporaines Vol.1 (85), p. 17-41
98 OLLION E. (2015). Des mobilisations
discrètes : sur le plaidoyer et quelques transformations de l'action
collective contemporaine. Critique internationale Vol. 67 (2) 17-31
73
novatrices dans leurs revendications et peuvent faire l'objet
de préjugés. Cela peut entrainer des conséquences
négatives comme le refus de subsides.
« Je suis allée à cette rencontre avec
l'appréhension que de nouveau, quand on vient d'un milieu
féministe, ou en tout cas si on aborde la question du genre, très
rapidement, les gens se disent 'oh elles vont encore nous emmerder avec leur
histoire d'égalité, qu'elles l'ont déjà..' donc moi
je pars toujours un peu tout doux et j'essaye de voir comment les gens
réagissent » Manue
« Alors ça on le reproche à ce projet
qu'on a introduit. Parce que moi nous sommes de l'ancienne bataille de 68 et
parfois c'est trop militant, trop féministe » Carine
En second lieu, à l'instar de ce qu'en dit Ollion, le
plaidoyer politique des associations reste à la marge des
décisions politiques. Dans les deux associations, l'impact sur les
décisions politiques est perçu comme faible et marginal.
Même si elles obtiennent certaines « victoires » celles-ci
restent négligeables par rapport aux ressources mobilisées pour
les activités déployées.
« Franchement c'est rare que l'on obtienne ce qu'on a
demandé. Surtout en ce qui concerne le droit des femmes et vu le
contexte politique actuel. Il y a parfois des petites victoires, heureusement.
Il faut les fêter parce qu'elles sont précieuses, sinon on
déprime. » Héléne
Ceci peut être expliqué par le caractère
parfois flou des revendications. Les activités de plaidoyer aboutissent
rarement à des revendications et exigences précises. Elles
permettent plutôt de faire ressortir des réalités qui sont
complexes et difficilement résolvables par des politiques
concrètes.
« Nous faisons des actions dans le but de faire
émerger des choses mais pas de dire on veut ça
précisément. On fait plutôt une récolte d'analyse
plutôt que des demandes concrètes. » Gisela
Enfin, nous tenons aussi à nuancer la fonction
émancipatrice du plaidoyer. Les activités de plaidoyer permettent
aux femmes de rencontrer d'autre femmes, de se sentir écoutées,
valorisées tout en acquérant certains outils qui permettraient
une reprise du pouvoir. Mais beaucoup d'indices nous montrent que celle-ci
reste aussi limitée.
Le premier tient au fait qu'il n'y a jamais eu de mesure ou
d'évaluation de l'éventuel impact que pourraient avoir ces
activités sur les capacités acquises par les femmes.
« Je pense que le quantifier, ce n'est pas simple et
on est très mauvais là-dessus. Je pense que ce serait bien de
voir en quoi on arrive à une capacitation pendant le parcours de
plaidoyer et la capacité d'agir sur les politiques. Pour pouvoir
justifier que le plaidoyer est un outil et un moyen à promouvoir pour
réduire les inégalité sociales de santé, il faut
pouvoir essayer de mesurer l'impact » Gisela.
Notre participation à la journée de la PPSF nous
as aussi permis de voir que les ateliers ne sont pas accessibles à tout
le monde. Le discours utilisé lors des présentations par exemple
était théorique et universitaire. Un groupe de femmes qui
n'écrivait pas bien français99 a d'ailleurs
quitté la salle lors de la matinée. Enfin lors de l'atelier en
après-midi une femme a dit « C'est vrai que toutes ces
solutions sont intéressantes mais moi je ne m'y reconnais pas. Je suis
seule avec mes deux enfants, je ne vois pas du tout comment je pourrais vivre
dans une maison communautaire ».
Résumé :
Le plaidoyer a trois fonctions principales : une fonction
émancipatrice pour les femmes, une fonction stratégique pour la
défense d'intérêt et enfin une fonction constructiviste.
Enfin nous avons vu que certaines de ces fonctions bien que prioritaires ont un
impact parfois limité.
|
74
99 Observation faite à partir de la feuille
de présence qui circulé.
75
2.3 Un plaidoyer a un niveau méso-social :
Le plaidoyer de VF/FS et PPSF s'inscrit à un niveau
méso-social à cheval entre des revendications individuelles
liées à un contexte précis et des revendications
collectives mobilisatrices à l'échelle nationale. L'articulation
entre ces deux sphères est complexe et nécessite d'utiliser des
méthodes d'animation et d'organisation particulières. Cette
position méso-sociale confère aux associations deux rôles
dans la construction du plaidoyer.
D'un côté, elles se positionnent comme relais des
revendications sociales locales et revendiquent un changement dans des
pratiques quotidiennes. En effet, l'implication quotidienne des femmes dans le
plaidoyer est « énergivore », il prend du temps et est parfois
très technique créant une distance entre décideurs et
citoyens. Le rôle des associations est alors de soutenir, valoriser,
écouter et outiller les femmes dans leurs revendications. Les
animatrices et membres des associations sont là pour accompagner les
femmes qui souhaitent s'approprier un sujet et en faire un objet de
revendication.
Gisela : « Nous on est souvent en transmission de
quelque chose, en relais du local vers le national. On est relais des
réalités de vie des femmes. La politique ça fait peur aux
femmes, c'est loin, et là c'est à nous de lever ce
frein-là, c'est notre boulot, d'outiller, rendre possible et
légitimer la parole.
D'un autre côté, cette position permet d'avoir
une plus grande légitimité auprès des décideurs car
elles forment un mouvement qui mobilise beaucoup de personnes. De plus, elles
construisent et leur revendication à travers la plateforme politique, ce
qui leur permet d'être un poids dans l'échiquier politique.
Aline : « Pour nous ça reste au coeur de notre
plaidoyer, d'un côté, on outille notre public pour qu'elles se
sentent en capacité et légitimité et de l'autre
côté on tape sur la table en disant : "on est un mouvement
d'éducation permanente, la parole qu'on vous renvoie, c'est la parole
des femmes, vous allez les écouter."»
Manue : « L'objectif est de pouvoir accompagner en
proposant des supports, des techniques de travail mais aussi arriver
grâce à notre situation d'intermédiaire à
décortiquer le système politique pour l'expliquer aux citoyen s.
»
76
2. Des stratégies pour limiter les
conséquences de cette position :
La position méso-sociale des associations et leur
processus de plaidoyer, à cheval entre mobilisation sociale et lobbying
entraine des conséquences acceptées ou perçues comme
négatives. Nous retrouvons d'ailleurs les mêmes enjeux que ceux
présentés dans la partie théorique. Les associations
développent alors des stratégies pour y remédier.
Un plaidoyer moins structuré
:
Le plaidoyer de ces associations est moins «
structuré » que dans les méthodes de plaidoyer de type
lobbying car chaque groupe de femmes peut construire son propre plaidoyer. Les
revendications se retrouvent à la fois au niveau local, régional
ou national. Il y a des temporalités très différentes
entre les revendications, certaines se construisent en quelques semaines
d'autres sur plusieurs années.
Gisela : « La grande complexité et richesse
dans notre mouvement, c'est qu'on agit sur plusieurs niveaux (locales,
lobbying, plaidoyer, revendications, outils, formations.). (...) Ce n'est pas
linéaire et simple mais on accepte cette complexité.
»
Une division entre les acteurs impliqués dans
le plaidoyer
Tout au long du processus de plaidoyer, il y a une
inévitable distinction entre les acteurs impliqués. Au
début de la revendication, les acteurs impliqués sont les femmes
des maisons de quartiers ou des ateliers, accompagnées par les
travailleuses de ces structures. Puis la revendication s'inscrit sur un plus
long terme et nécessite des compétences plus approfondies. Les
acteurs impliqués sont alors différents. Il y a de moins en moins
de femmes de la base et de plus en plus de professionnelles qui travaillent
à temps plein sur le plaidoyer.
Manue « Ça veut aussi dire, comment est-ce
qu'on continue d'être dans cette démarche
citoyenne : de continuer d'entendre les femmes et de ne
pas commencer à faire une
plateforme de professionnelles. Assez vite on va vers
ça »
Une transformation du discours :
De plus, cette transformation des acteurs impliqués
s'accompagne d'une évolution et une transformation du discours, ce qui
est perçu comme négatif. Le plaidoyer qui a pour objet la
revendication auprès des décideurs oblige parfois à un
certain relativisme et entraine une « dépolitisation » du
message.
Carine « Avec le plaidoyer, on toujours l'impression
de faire du relativisme, des compromis et c'est une grande discussion pour nous
qui sommes souvent issues des mouvements militants ».
77
Cet aspect est lié au fait que dans les revendications,
la voix du citoyen tend à être délégitimée
par rapport à la voix de l' « expert ». En effet, il
est difficile d'être entendu si les revendications sont issues de «
l'expérience ».
Aline : « Les femmes qui vivent toutes sortes de
chose ont une expertise à donner : celle du terrain. Mais comme la
décision politique est de plus en plus aux mains de spécialistes,
d'experts, faire valoir la parole de non spécialiste ce n'est pas simple
C'est un gros boulot de pouvoir dire que l'expertise nait de
l'expérience »
Des stratégies pour limiter ces
conséquences :
Cette distinction des acteurs et la transformation du discours
sont perçues comme négatives par les travailleuses. Elles
développent alors des stratégies spécifiques pour les
limiter.
Premièrement, les travailleuses ont quasiment toutes
une « multi casquette ». C'est-à-dire qu'elles sont souvent
amenées à travailler comme animatrice, à s'impliqué
dans la recherche de financement, à participer à des rencontres
inter-associatives ou encore à l'élaboration d'un document ou
d'une action de plaidoyer.
Gisela « Tout travail chez VF est multiple et
multitâche, on est à la fois animatrice, formatrice,
secrétaire, à l'écoute des femmes puisqu'on participe
aussi beaucoup aux actions»
En second lieu, les actions et interventions sont
pensées pour s'adapter aux disponibilités des femmes qui veulent
s'impliquer. Celles-ci peuvent intervenir quand elles veulent et quand elles
peuvent. Par exemple, la PPSF est ouverte aux associations mais aussi à
toute personne volontaire qui veut venir à titre individuel. De plus,
nous l'avons vu, les outils de plaidoyer sont très variés et
cherchent à être le plus créatif possible pour assurer la
participation des femmes.
Gisela « Il faut permettre à chacune de
participer là où elles désirent. Là où elles
se sentent à laisse. Pouvoir dire qu'on cherche à porter sa
parole et son témoignage jusqu'au bout. Et montrer qu'il est
partagé par d'autres »
Enfin comme nous l'avons vu dans l'analyse du groupe de
travail, la construction du plaidoyer s'inspire de la méthodologie de l'
« intervention sociologique » d'Alain Touraine qui tente d'impliquer
les femmes dans l'élaboration du plaidoyer.
Les groupes de travail des associations, qui amènent
parfois à une revendication s'inscrivent dans la pratique de «
restitution » de l'intervention sociologique, C'est-à-dire
que cette méthodologie « relève d'une approche plus
compréhensive, en offrant l'opportunité à des acteurs de
donner du sens à leur expérience sur la base d'un travai
co-construit avec les sociologues. (...) elle tente de lier un
raisonnement général et une expérience particulière
»100. Ces temps permettent aux femmes de discuter et
contester des raisonnements dans l'objectif de présenter et restituer
une analyse liée à leur expérience. La participation des
femmes permet une meilleure compréhension du discours de plaidoyer et de
réduire sa technicité.
Résumé :
Les associations occupent une position particulière
dans l'élaboration du plaidoyer qui leur confère un double
rôle : d'un côté elles relaient et outillent pour construire
le plaidoyer et de l'autre elles permettent d'avoir une plus grande
légitimité. Cette position intermédiaire entraine des
conséquences inhérentes au plaidoyer. Celles-ci sont
acceptées ou perçues comme négatives. Afin de le limiter,
les associations développent certaines stratégies comme les
fonctions « multitâches » des professionnelles ou encore des
méthodologies favorisant une fidélité du plaidoyer
à ce que vivent et revendiquent les femmes.
|
78
100 COUSIN O. ; RUI S. (2011), « La méthode de
l'intervention sociologique. Evolutions et spécificités »
Revue Française de science politique. (Vol.61) p.513-532.
79
Conclusion
« Lorsque l'objectif est la production de la
théorie, on est constamment à l'affût de perspectives
émergentes qui modifieront la théorie et nous permettront de la
développer. Ces perspectives peuvent apparaître jusqu'au dernier
jour de l'étude ou lorsque le manuscrit est en cours de correction
; ainsi, ce qui est publié ne représente pas le texte
final mais seulement un pause dans le processus sans fin de la
production de théorie ». 101
Cette remarque nous paraît pertinente en ce début
de conclusion et illustre bien ce qui a jalonné notre travail. Notre
objectif était de parvenir à figer l'objet de recherche sans que
viennent sans cesse s'y ajouter de nouvelles perspectives. Pour conclure ce
travail nous allons brièvement en rappeler les objectifs et conclusions
pour ensuite porter un regard différent sur notre objet, à savoir
les apports de son étude à titre personnel. Enfin, nous finirons
par des recommandations pour les associations rencontrées et des
perspectives de recherche pour la suite.
Cette étude visait à cerner les
évolutions du plaidoyer dans les associations locales et nationales et
comprendre leurs spécificités par rapport aux activités de
lobbying. Au moment d'écrire ces mots, nous pouvons dire que l'expansion
du terme et des pratiques de plaidoyer à d'autres structures que les
organisations internationales tendent à en redessiner les contours. Nous
retrouvons dans les associations, les mêmes problématiques et les
mêmes enjeux que le plaidoyer des grandes organisations. Etudier le
plaidoyer, par le biais de la MTE, des associations féministes et des
mouvements de la santé des femmes, nous a permis de mettre en exergue
certaines de ses caractéristiques et d'identifier les étapes de
construction du plaidoyer. Les « plaideuses » s'approprient les
techniques de plaidoyer en y incorporant des fonctions et
spécifiés liées à leur histoire militante, leurs
convictions et idéologies. Ainsi le plaidoyer émerge et se
nourrit des réalités quotidiennes et vise un objectif
d'émancipation où le processus de construction importe plus que
son résultat politique.
101 GLASER B., STRAUSS A. La découverte de la
théorie ancrée : Stratégies pour la recherche qualitative
.Paris Editions Armand Colin, 2012. 399p.
80
La conclusion est aussi l'occasion de présenter ce que
ce travail a pu nous apporter à titre personnel. En effet, il est le
point final d'une formation mais aussi le point de départ d'une seconde
carrière professionnelle qui en est forcément impactée.
Nous allons dans cette partie revenir sur les apports de ce mémoire.
Nos connaissances sur le plaidoyer ont évolué au
cours de ce travail. Au moment de commencer la recherche, le plaidoyer nous
paraissait être une activité réservée à des
spécialistes, dans des grandes organisations où les
compétences techniques de communication, de droit étaient
incontournables. A l'instar de certains lieux de décisions politiques,
les pratiques du plaidoyer nous semblaient un tant soit peu nébuleuses.
Son analyse dans les deux associations rencontrées, nous a permis de
l'envisager comme un outil d'éducation permanente plutôt
qu'uniquement comme outil d'influence des décideurs politiques. Il nous
parait dès lors plus accessible et pertinent à mettre en place au
sein de notre pratique professionnelle future dans le secteur de la
santé communautaire. Et ce pour plusieurs raisons :
Dans un premier temps, la formation et tout
particulièrement le mémoire nous ont permis de mieux comprendre
l'importance de l'implication des associations, groupes d'individus et
individus dans l'élaboration des politiques de santé. A ce propos
Fassin explique que « l'ordre politique qui s'édifie autour de
la santé ne se constitue pas seulement à travers, d'un
côté le pouvoir de guérir (les professionnels de la
santé) (...) de l'autre, le gouvernement de la vie (les institutions et
action de santé publique). Il fait également intervenir (...) le
citoyen, qui n'est pas détenteur d'une compétence technique, ni
pourvu d'une autorité particulière dans le domaine sanitaire
(...) c'est parce qu'il est concerné au premier chef par ce qui se joue
autours de la santé qu'il peut y revendiquer sa place
»102. L'évolution de notre parcours professionnel
est le reflet de cette réflexion, puisqu'il commence par une formation
d'infirmier puis une spécialisation en santé communautaire pour
finir par le master en santé publique. C'est notamment dans le
mémoire que nous avons cherché à comprendre comment cette
implication des groupes d'individus peut prendre forme et quels sont les
obstacles à ces différentes formes d'implication. Cela nous
conforte dans l'idée d'une santé publique
développée pour les individus en veillant à ce qu'ils
s'impliquent dans les décisions qui les concernent. Nous avons aussi pu
mettre à jour des limites à cette implication et la
complexité des rapports entre les acteurs par rapport à un
problème politique.
102 FASSIN. D. Les enjeux politiques de la santé.
Paris: Editions Khartala, 2000. Coll. « Hommes et
Société » 346p.
81
Le travail des associations féministes basé sur
de l'éducation permanente ou de la promotion de la santé, nous
permet de mettre en exergue la richesse du travail de différents
secteurs. La question féministe et le genre rassemblent dans la PPSF des
acteurs qui n'ont pas les mêmes formations, visions et secteurs
d'activité. Nous soulignerons donc ici l'importance de prendre en
compte, dans notre pratique professionnelle à venir, la
multiplicité des points de vue à propos d'un problème
relevant de la santé. Un décloisonnement entre les
différents secteurs nous parait tout à fait justifié et
pertinent pour répondre aux exigences d'une vision globale de la
santé.
Enfin, ce travail nous permet de nous rendre compte de
l'importance des pratiques réflexives au quotidien. Intervenir sur des
questions de santé impose de prendre en compte la complexité et
l'évolution des phénomènes. Ce travail s'apparente
à des pratiques de recherche qualitatives. Ce travail nous a permis de
renforcer les connaissances et compétences dans la récolte de ces
données, de leur analyse mais aussi de leur organisation en vue d'agir
dans un contexte donné. Le travail de recherche permet aussi de
s'exercer à la mise à distance et l'analyse de nos propres
pratiques.
Un autre apport de ce travail qui peut être
abordé sous un angle plus personnel est celle du genre et du
féminisme. Le fait que ce soit un homme qui fasse ce travail a
suscité des interrogations. Faire cette étude a été
pour nous d'une grande richesse pour plusieurs raisons.
Premièrement, passer du temps dans ces associations
nous a permis d'en apprendre plus que nous pensions et de mieux mesurer la
richesse du milieu féministe. Il nous a permis de nous rendre compte de
la diversité du secteur, des contradictions et des forces qui se
développent dans ces mouvements. Cela nous permet de confirmer le besoin
d'aller rencontrer, échanger, observer des lieux et situations qui ne
nous sont pas familiers pour élargir notre point de vue sur une question
de santé Ces dimensions sont pour nous très importantes à
prendre en compte dans le secteur de la santé. Nous avons aussi, dans
ces associations, particulièrement apprécié l'inscription
de leurs actions dans deux pôles différents: la recherche d'un
bien être individuel et la recherche de solutions collectives à
des situations perçues comme injustes.
En second lieu, le genre est pour nous une dimension assez
nouvelle que nous pensons transversale à différentes questions de
santé. Elle mérite selon nous, même si ce n'est pas la
seule, d'être plus étudiée, enseignée et prise en
compte dans les formations de santé publique. Ce travail nous a permis
d'en comprendre les principaux enjeux au niveau individuel et
82
collectif.
Etudier un phénomène où le genre est au
coeur de la revendication a eu une influence sur nous tout au long de la
recherche. Au-delà de la dimension politique et politisée du
genre, -largement débattue dans les associations- son analyse nous a
amené à prendre du recul par rapport à nos propres normes
et tenter d'en mesurer l'influence dans notre quotidien personnel et
professionnel.
En dernier lieu, il nous apparaît que ce mémoire
a permis de collecter des informations qui pourraient «inspirer»
d'autres structures associatives, notamment celles qui développent un
plaidoyer sans utiliser des outils d'éducation permanente et de
promotion de santé. Les conclusions détaillent les étapes
de construction et peuvent donc servir de points d'appui aux méthodes de
construction, notamment en utilisant des méthodes participatives comme
celle de la méthodologie d'intervention sociologique.
Enfin, certaines pistes de recherche mériteraient selon
nous d'être approfondies et pourraient faire l'objet d'autres travaux.
Tout d'abord, l'objectif d'émancipation et de renforcement des
capacités des femmes, pensé comme l'objectif prioritaire du
plaidoyer, pourrait être plus approfondi. Il s'agirait alors de
comprendre les freins, les opportunités et les réels apports dans
la vie des femmes de ce type d'action et d'en mesurer les effets
bénéfiques sur la santé, à plus ou moins long
terme. En second lieu, nous suggèrerions aux associations
d'évaluer plus précisément l'impact et les
résultats des activités de plaidoyer au niveau du public mais
aussi des décideurs. Cela en vue de les améliorer et de plus
peser dans la prise de décision. A cet égard, il serait
intéressant de mettre en exergue les facteurs d'influence sur les
décisions ou sur le public, à développer dans le cadre
d'un plaidoyer.
83
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87
Annexes :
Annexe 1 : Cadre conceptuel « Health Advocacy
» :
88
Annexe 2 : Description des étapes de l'analyse
à partir des notes personnelles :
1. La codification :
Code . « Stratégie de renforcement
collectif » .
Extrait . Du coup, là, comme c'est quelque chose de
vécu et qu'on se dit que dans une stratégie de renforcement
collectif, ça peut être intéressant de se saisir
nous-même de cette question
Code . « Prise de conscience »
.
Extrait . A un moment donné sur le terrain, nous
sommes rendu compte de ça, (...) On prenait conscience qu'il y avait
quelque chose qui se passait.
Code . « Le résultat du plaidoyer : pas
une fin mais un moyen »
Extrait . Il y a des plaidoyers qui aboutissent à un
résultat politique. Par exemple, la création du ministère
de la femme. C'est bien mais ce n'est pas une fin en soi, c'est un moyen pour
une société solidaire
2. La Catégorisation
Catégorie . « S'adapter
à la vision sociétale » (Fonctionnelle)
Codes assignés "Transformer un message""revoir son
dossier"" s'adapter à la vision
sociétale""reformuler"compromis"
Catégorie . « Construction d'un point de
vue » : (Fonctionnelle)
Codes assignés "travailler le plaidoyer""travailler
sur les déterminants""travaille de mise en relation""groupe de
travail""développer un point de vue""analyse""construction d'un
message"
Catégorie « Garder un continuum entre
terrain et politique » .
Mémo . Un des enjeux du travail plaidoyer comme
porteur de la parole citoyenne est d'arriver à garder ce continuum entre
terrain et politique. La continuité est un élément
clé du plaidoyer pensé pour remonter la parole citoyenne.
3. Mise en relation
-Relation « Faire un travail politique »
(avec) « Réseautage » et « Adapter le message »
:
Mémo personnel. Relation de dépendance.
Relation d'apport de l'un à l'autre. Le travail politique passe par ces
activités.
-Relation « Injustice collective » (avec)
« Prise de conscience d'un enjeu collectif ». Mémo
personnel . Relation de dépendance. Il y a au début une injustice
collective qui
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n'est pas perçu comme tel et la
première étape et d'arriver à avoir une prise de
conscience collective de cette même injustice
-Relation . · « Stratégie de
plaidoyer » avec « Interpellation directe » « Diffuser un
message sur la place publique » « Organisation
d'événements »
Mémo personnel. · Cette
catégorie englobe les autres. Elle précise quels types de
stratégies peuvent se développer dans le cadre du plaidoyer. Nb
. · Il faut questionner s'il en existe d'autres.
4. L'intégration : Exemple de notes personnelles sur
les PV de réunion du groupe de travail :
« Nous souhaitons
co-construire notre approche globale et
féministe de la santé des femmes avec des lunette de «
Droits » par la mise en place d'un groupe de réflexion sur les
déterminants de santé afin . · - de
pouvoir identifier les enjeux principaux de santé des femmes (...)
- de lancer un travail politique sur des questions de «
droits » et sur la santé des femmes (...) -
impulser un nouveau souffle sur cette question»
Mémo personnel . · Dans cet
extrait, on retrouve les caractéristiques du plaidoyer qui s'articule
entre travail d'analyse pour construire un argumentaire à l'égard
des décideurs mais aussi diffusion en interne au sein du mouvement.
L'approche féministe en santé fait partie du
plaidoyer.
Annexe 3 : Carte « S.I.S » :
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