Entrepreneuriat et la lutte contre la pauvreté en république démocratique du Congo.( Télécharger le fichier original )par Ismael BUKASA UNIVERSITE INTERNATIONALE AL-MUSTAFA DU CONGO - Licence 2015 |
251661824CHAPITRE DEUXIEME :APERCU SUR L'ENTREPRENEURIAT EN RDC ET L'ENTREPRENEURIAT ISLAMIQUE Section 1 : LES GENERALITES SUR L'ENTREPRENEURIAT1.1. Historique de l'entrepreneuriat en RDCSelon J. SCHUMPETER, la création d'entreprise et d'une façon plus large l'entrepreneuriat, sont aujourd'hui unanimement reconnus comme étant des phénomènes vitaux pour la société, par leur contribution à la régénération et au développement de l'économie.(28(*)) La tendance à l'internationalisation des PME s'est renforcée au fur et à mesure au cours des dernières décennies et revient au centre des préoccupations de la communauté de recherche internationale. En effet, les PME occupent une place significative dans toutes les économies et représentent la grande part des entreprises évoluant dans le monde. Elles constituent souvent la plus importante source d'emploi et de développement économique. Par exemple, jusqu'à la fin de l'année 2005, la Chine comptait plus de 40 millions de PME.La valeur qu'elles créent représente 59% du PIB du pays et 70% des exportations. Par ailleurs, elles détiennent deux tiers des brevets d'innovation et créent 75% des emplois urbains(29(*)). La charte de PME de la RDC stipule que les PMEA constituent l'épine dorsale de l'économiemondiale en général et de l'économie congolaise en particulier ; les PMEA sont l'un des principaux moteurs de l'innovation,de la création des richesses et de l'emploi ainsi que de l'intégration socialeen République Démocratique du Congo ; Suite à la crise multiforme qui a sévi dans notre pays, lenombre des PMEA s'est fortement accru ces dernières années, notammentau niveau des micros, petites entreprises et artisanales évoluant souventdans le secteur non structuré, dit informel.(30(*)) En République Démocratique du Congo, l'importance de la création de nouvelles entreprises (PME de services) résulte de la nécessité de trouver de nouveaux emplois en remplacement de ceux perdus à la suite de la crise des années 1970 (échecs des politiques de zaïrianisation). (31(*)) La zaïrianisation étant « Une politique menée par l'ex président Mobutu en 1973 visant la réappropriation nationale de l'économie ainsi que la redistribution des richesses acquises pendant la colonisation ». C'est donc un grand partage entre citoyens zaïrois des entreprises appartenant aux étrangers. Lorsque les choses se mirent à aller de plus en plus mal pour les « nouveaux acquéreurs » incompétents, Mobutu lança la radicalisation (étatisation de ces entreprises). En 1970, Mobutu lança un plan de développement décennal (Objectif 80), visant à transformer la RDC en pays industrialise, finance par des emprunts domestiques et extérieurs.(32(*)) La Zaïrianisation campagne d'indigénisation et de nationalisation de l'économie, a rapidement suivi. Treize mois plus tard, un programme de radicalisation fut mis en place pour corriger la Zaïrianisation, ce qui entraina une concentration encore plus grande des intérêts et des ressources du pays entre les mains des proches du pouvoir. La Zaïrianisation et la radicalisation affaiblirent sévèrement l'économie du pays et eurent comme conséquences l'inflation et le chômage, la liquidation des stocks et des actifs des entreprises, ainsi qu'une pénurie des produits de première nécessité. Cette situation provoqua le départ des investisseurs nationaux et étrangers, entrainant une fuite massive de capitaux et la quasi-disparition de l'économie agricole. Durant les années 1970 et 1980, les chocs et influences externes ont conduit à l'effondrement de l'économie après 1990. Pendant les années de guerre froide, le pays était un allié stratégique des Etats-Unis contre l'Angola soutenue par les communistes. La situation économique se fragilisa davantage lorsque les prix du cuivre chutèrent brutalement dans les années 1970, après des années de croissance soutenue. En 1986, le prix du cobalt chuta à son tour de 58 %. A la fin des années 1980, la production minière diminua fortement, provoquant un effondrement généralise de l'économie. La banque centrale fit faillite et les dettes cessèrent d'être honorées, compte tenu de la pénurie des réserves en devises étrangères et la perte de tout intérêt par les acteurs internationaux à soutenir le pays. Et de scènes de pillages intervenus dans les années 1990. On a vu apparaître des politiques axées sur la promotion d'entreprise nouvelle ou de petites tailles, à l'aide d'incitations financières et fiscales (voir la création de l'OPEC5 en 1973). Malgré ces efforts, les PME/PMI congolaises ne sont pas à même « de créer un tissu économique de base favorisant la multiplication des échanges sur tout le territoire et ainsi faire décoller l'économie ». L'étude de Kabuya (2006) sur l'entrepreneuriat associatif au Congo, nous fournit un diagnostic clair sur les facteurs limitant la contribution de l'entrepreneuriat à l'économie nationale. Parmi ces facteurs dont la plupart sont contextuels, les deux plus importants demeurent « l'informel » et « l'instabilité politique ».(33(*)) En effet, en RDC, les PME formelles appartenant aux autochtones, connaissent une concurrence forte et déloyale de l'informel du fait de leur positionnement dans des secteurs à faible barrière à l'entrée. L'informel, « profitant d'une totale absence de contraintes en matière d'imposition et de réglementation sociale », met sur le marché des produits et des services qui se vendent deux fois moins chers que ceux vendus par les PME formelles. Cette stratégie de domination par les coûts due aux avantages de l'informel a conduit à la cessation d'activité de beaucoup de PME/PMI formelles. « L'usine de textile africaine (Utexafrica) basée à Kinshasa, la capitale de la R.D. Congo sombre dans une léthargie très avancée à cause de la concurrence lui imposée par les commerçants congolais qui importent frauduleusement les tissus wax de l'étranger (du Congo Brazzaville, du Kenya, de la Chine...) et les revendent à vil prix sur le marché. La Marsavco, fleuron de l'industrie congolaise, filiale du groupe Unilever (Grande-Bretagne) qui a marqué l'histoire économique de la R.D Congo pendant près d'un siècle, ferme boutique, laissant sur le tapis 8000 travailleurs pourtant expérimentés. Outre le fait que trois de ses quatre plantations de palmiers se trouvent en territoires sous occupation rebelle, on note que les systèmes fiscal et douanier du pays font que les huiles de cuisine produites localement reviennent plus chères que celles importées de Malaisie, Singapour ou Thaïlande. De même, suite aux mesures économiques irrationnelles prises par le gouvernement congolais à l'époque de « Kabila père », Marsavco n'était plus en mesure de produire certains produits, à cause de la difficulté d'accès aux devises nécessaires à l'importation des intrants. Si l'informel joue négativement chez les entrepreneurs autochtones, nous avons observé qu'il joue positivement chez les entrepreneurs étrangers (plus précisément chez les asiatiques). Du fait de leur positionnement dans des secteurs d'activité à fort barrage à l'entrée (import-export, exploitation minière, industrie), ils arrivent à intégrer l'informel dans leur chaîne de valeur. Par exemple, sur l'avenue Kato au centre-ville de Kinshasa, plusieurs commerçants ambulants congolais, voir certaines boutiques des autochtones servent d'intermédiaires dans la commercialisation des produits (chaussures, cosmétiques, habits) de grands commerçants chinois, libanais, pakistanais ou ouest-africains. Dans le secteur pharmaceutique tout comme dans l'informatique, beaucoup de congolais qui étaient employés par les Indiens montent leurs propres affaires (très souvent dans l'informel), bénéficiant ainsi du savoir-faire et des réseaux de leur ex-patron. Dans la mode (couture), les PME libanaises n'hésitent pas à sous-traiter une partie de leur activité à des ateliers ou des individus (très expérimentés mais travaillant "au noir") qui font le travail chez eux ou dans des locaux cachés, dans des conditions de sécurités insuffisantes, en utilisant une main d'oeuvre mal payée, souvent logée sur place. Cela permet de comprendre les faibles tarifs qu'ils pratiquent sur le marché. Enfin pour se couvrir contre le risque de change ; Beaucoup d'entrepreneurs ont pris cette question à la légère, d'où leur faillite. « Le risque de change est le déficit ou le gain entraîné par les fluctuations imprévisibles des cours de devises ». En RDC, ce risque est très élevé à cause justement du caractère volatile et inconvertible du franc congolais. La prise en compte de ce risque dans le management pousse les entrepreneurs à choisir le dollar américain comme devise de facturation, ces PME travaillent en étroite collaboration avec des cambistes(34(*)) congolais. Ces entreprises sont dans les secteurs à faible barrage à l'entrée : alimentation (restauration, boulangerie, boucherie...); construction (bois, briques, ciments); maroquinerie (cordonnerie, garnissage...); bricolage électronique et électrique (réparation des appareils électroménagers, téléphones, installation électrique...); informatique TIC (cybercafé, Phonie, bureautique..) éducation (écoles et universités privées); Santé (tradi-praticiens, dispensaires hors-normes...); usinage (bonbonnerie, glace, eau de boisson, alcool....); mécanique (réparation automobile, quado..) etc. Le troisième est constitué d'activités prohibées par l'Etat (import-export illégal, le marché parallèle de change, exploitation illégale de matières précieuses, proxénétisme...). Pour montrer l'ampleur du phénomène de l'informel en RDC DeHerdt et Marysse (1996) cités par la BIRD35(*)ont avancé quelques chiffres évocateurs. Pour les auteurs, en 1955, 39 % de la population active (âgée de 15 à 59 ans) se trouvait dans le secteur formel, contre 61% dans l'économie non structurée. En 1961, 29% s'y trouvaient encore, pour 71% dans le secteur informel. En 1990, 5% seulement de la population active pouvait encore compter sur le secteur formel. Au vu de ces chiffres et après des tristes événements qui ont endeuillés l'économie de la RDC (pillages de 1991, 1993) et la guerre de libération (1997) et celle d'agression (1998), on estime qu'actuellement, pas plus de 1% de la population active pouvait encore compter sur le secteur formel. En conséquence, tout projet visant le développement de la RDC, pour être sérieux, doit impérativement intégrer cette donne (l'informel) structurelle de l'économie congolaise. Qui mettent à leur disposition des devises nécessaires à l'importation des marchandises ou des intrants. La figure qui suit présente cette double face de l'informel sur l'économie du pays. * 28Jacques Marseille ; « La création d'entreprise, une exception française ou un trouble de la mémoire ? « Actes du colloque de l'ADHE sous sa propre direction ». * 29SIMIN LIN, Les caractéristiques et les contraintes principales des PME chinoises dans le processus d'internationalisation : cas de la province du Zhejiang, Centre de Recherche Magellan IAE - Université Jean Moulin Lyon 3, 5ème colloque de l'IFBAE - Grenoble, 18 et 19 mai 2009. * 30 Ministère des petites et moyennes entreprises, charte des petites, moyennes Entreprises et de l'artisanat en République démocratique du Congo, Kinshasa, le 24 août 2009. * 31 Justin KAMAVUAKU, op.cit. * 32La Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement / La Banque mondiale, Résilience d'un Géant Africain Accélérer la Croissance et Promouvoir l'Emploi en République Démocratique du Congo, Volume I Synthèse, contexte historiqueet macroéconomique, Medias Paul Kinshasa, p. 3, 2012. * 33La Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement / La Banque mondiale, Résilience d'un Géant Africain Accélérer la Croissance et Promouvoir l'Emploi en République Démocratique du Congo, Volume I Synthèse, contexte historiqueet macroéconomique, Medias Paul Kinshasa, p. 3, 2012. * 34Un cambiste est un opérateur chargé de vendre et d'acheter des devises en essayant, si possible, d'en dégager un bénéfice. Ceci n'a été rendu possible qu'à partir du moment où les monnaies sont devenues convertibles entre elles. * 35 BIRD, op. cit. |
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