4-3-Les dynamiques sociales
comme facteur de la persistance de conflits fonciers
Pour BOBO (2011), le renouvellement des cycles domestiques met
en exergue des antagonismes intra familiaux sur l'accès et le
contrôle de la terre et alimente des conflits multiples et
multiformes.Selon cet auteur, l'on ne peut comprendre les dynamiques
inhérentes aux conflits fonciers sans convoquer la cellule familiale.
Celle-ci étant à en effet le support de production des
interactions entre acteurs à propos de la terre, de son accès, de
son contrôle et de son appropriation. Ainsi, le renouvellement des cycles
domestiques pour lui conduità des situations de négociations et
de renégociations des rapports fonciers et de rapports de pouvoirs au
sein de la parenté. Cela est par ailleurs l'occasion de manipulations
des règles, des normes d'accès et d'appropriation de la terre.
Comme le souligne l'auteur, ces situations conflictuelles au sein de la famille
dont les enjeux concernent les ressources foncières sont
révélatrices de conflits multiples et multiformes. De l'intra
familial, les conflits se transposent dans la communauté toute
entière en devenant inter familiaux et même, intercommunautaires
par la remise en cause des transactions foncières extrafamiliales. Il
convient toutesfois de rappeler que cette étude, bien qu'elle nous
oriente sur les déterminants sociaux des conflits fonciers à
travers le renouvellement des cycles domestiques, ne permet pas d'expliquer
efficacement le problème qui fait l'objet de cette investigation.
Selon Lavigne-Delville (2002), la récurrence de
conflits fonciers est inhérente aux dynamiques sociales liées
à la multiplicitédes systèmes d'arbitrages. Pour cet
auteur, la multiplicité des instances d'arbitrages contribuent à
la pluralité des normes contradictoires. Ce qui pose selon lui, le
problème d'articulation entre ces structures de gestion et leur
reconnaissance et acceptabilité de la part des acteurs locaux. Un autre
problème soulevé par l'auteur est celui de la
légitimité et de la durabilité de l'arbitrage d'un conflit
donné. Pour lui, cette situation fait appel à un nombre croissant
d'institutions par lesquelles les acteurs individuels ou collectifs peuvent
faire recours pour revendiquer ou négocier des droits :
comités villageois de gestion de terroir ; chefs de canton ;
commissions foncières d'arrondissement ; autorités
religieuses et administrationterritoriale. Cela produit des contournements
d'instances d'arbitrage ; l'édiction de nouvelles normes par des
instances reconnues ou non qui contribue à aggraver la situation, les
contestations des décisions, des normes d'une instance à une
autre. C'est cela qu'il nomme le dysfonctionnement, produit de la
non-articulation entre les instances d'arbitrage.Pour Lavigne-Delville,
l'institution des services décentralisés de l'Etat sont au coeur
de la configuration de l'espace social, politique et foncier. La mise en place
de collectivités territoriales élues introduit de nouvelles
instances, de nouvelles normes, de nouvelles compétitions
foncières sur le pouvoir de contrôler le foncier et les ressources
renouvelables. Ainsi, en fonction des configurations politiques locales, des
choix politiques et institutionnels liés à la
décentralisation elle-même, la décentralisation peut
contribuer à accroitre la confusion du jeu foncier ou permettre de
reconstruire des régulations plus efficientes en donnant une
légalité aux pratiques locales ou pour définir de
nouvelles règles. A travers le problème l'interaction des acteurs
institutionnels et normatifs dans le jeu foncier local, cette étude nous
a fait réaliser des progrès dans la compréhension du
phénomène à l'étude. Elle permet par ailleurs de
saisir que les individus en fonction de leur identification à des
appartenances sociales, à des normes sociales, des valeurs et des
attentes mobilisent les instances de gestion de conflits. Le décalage
par rapport à la réalité sociale, ses règles, ses
conceptions et attentes des acteurs locaux par certaines institutions de
gestion et d'arbitrage peut occasionner la pluralité des normes, la
contradiction et accroitre les conflits. Cependant, la multiplicité des
structures de gestion et d'arbitrage des conflits ainsi que la pluralité
des normes contradictoires qu'elles produisent ne sont pas des
éléments suffisants pour traduire le phénomène
étudié.
En rappel, cette recherche s'inscrit dans une approche
théorique inductive. Elle s'entend donc plus ouverte au terrain
mobilisant en ce sens une logique de découverte de connaissances
nouvelles. Ainsi, les résultats attendus sont plus ceux qui
émergent de l'univers social étudié que de l'état
de la question.
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