Le parti unique et la question de l'unité nationale au Togo de 1961 à 1990.( Télécharger le fichier original )par Balowa KOUMANTIGA Université de Kara - Maîtrise ès Lettre Sciences Humaines 2013 |
2.2.3- Un tissu social en lambeauAprès avoir accusé la colonisation d'être la source de tous les maux dont souffre l'Afrique, les partisans de l'indépendance immédiate lors de la campagne électorale de 1958 avaient promis à leurs compatriotes une amélioration de leurs conditions de vie : hausse du prix d'achat de leurs produits (café, cacao) augmentation du pouvoir d'achat, du travail rémunéré pour tous, la fin des traitements inhumains. Bref, ils avaient fait croire à leurs compatriotes que la fin de la colonisation devait correspondre avec la prospérité. Ce n'était que de la démagogie et de la surenchère. Car, le gouvernement arrêta les augmentations des salaires des fonctionnaires ainsi que les avancements. Il supprima les indemnités des chefs, le nombre d'heures de travail passa de 40 à 45 heures, procéda à une décentralisation précoce. L'assurance maternité fut supprimée, les conventions collectives dénoncées, une taxe de 5% fut imposée aux planteurs. Toutes ces mesures anti-sociales avaient rendu le climat social morose et tendu. Les mesures d'austérité entraînèrent un désenchantement total. A cela il faut ajouter la méfiance tribale qui accélère le pourrissement du climat social. « Dans le nord surgissent des conflits entre chefs traditionnels et représentants du pouvoir qui, gens du sud se comportent comme en territoire conquis le sud remplaçant le colonisateur, européen, c'est la colonisation du nord par le sud par l'entremise du CUT » (Danioue 1994 : 185). Au lendemain des élections du 27 avril 1958, les chefs traditionnels et animateurs de l'UCPN sont traqués et au pire des cas, remplacés manu militari par des éléments favorables au CUT41(*) ; ces chefs traditionnels perdaient du coup leurs privilèges indemnités de fonction entre autres. Le refus d'intégrer les démobilisés de l'armée française qui étaient en majorité originaires du nord fut assimilé à ces comportements discriminatoires vis-à-vis du septentrion. C'est dans ces conditions qu'intervint le premier coup d'Etat le 13 janvier 1963. Une nouvelle équipe gouvernementale fut mise en place marqué par le souci de la prise en compte de la diversité politique, ethnique et régionale. Mais la volonté hégémonique et les luttes de préséances des personnalités politiques aboutissent à l'enlisement du système bicéphale qui fut mis en place. Au total, à la veille du 13 janvier 1967, le climat social et politique laissait voir que les gouvernants d'alors entretenaient des luttes partisanes qui n'avaient pour seul but que de satisfaire leur besoin d'hégémonie et d'assouvir leurs intérêts personnels et partisans. Les Togolais avaient alors connu une régression de leurs conditions de vie se concrétisant par un ralentissement des activités de production, part le chômage et l'exode massif des populations vers l'extérieur, par l'amenuisement du niveau de vie, par la misère. La genèse du multipartisme et de démocratie au Togo remonte à la période 1946-1960. Les deux courants et les formations politiques qu'ils comptent virent le jour en fonctions des nécessités de l'époque et occupèrent la scène politique. Grâce à leurs actions multiformes, les différents partis politiques ont conduit le Togo à l'indépendance le 27 avril 1960. Après l'indépendance, ces mêmes partis ont continué à animer avec les difficultés que l'on connaît la vie politique du pays. La formation de plusieurs partis sembla être le reflet d'une lutte tribale. Il faut reconnaître que la revanche politique et le tribalisme ont prévalu sur l'intérêt national et la libération du peuple togolais. De tels agissements ont raidi l'enthousiasme de certains et fait réapparaitre les antagonismes d'avant-indépendance. La lutte pour l'indépendance apparut comme une rivalité entre le Sud et le Nord ; les partis politiques étant devenus les bras politiques des communautés ou de région. Cette lutte partisane fut un des facteurs de l'éclatement de la nation en de petites unités tribales. Elle fut aussi source d'actions préjudiciables aux droits fondamentaux. L'institution du parti unique PUT accentua l'insécurité donnant à l'armée une raison pour intervenir sur la scène politique. Face à cette situation, la solution au clivage politique, semblait passer par la dissolution de tous les vieux partis impliqués une fois dans la lutte pour l'indépendance et la création d'un nouveau parti unique, creuset de toutes les tendances. * 41 Arrêté n° 91/PM/INT du 16 mai 1960, JORT 1960. |
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