UNIVERSITE DE KARA
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FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
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DEPARTEMENT D'HISTOIRE
Laboratoire d'Analyse d'Histoire sociopolitique
(LaHisPo)
LE PARTI UNIQUE ET LA QUESTION DE L'UNITE NATIONALE AU
TOGO DE 1961 A 1990
Mémoire pour l'obtention du diplôme de
Maîtrise
Option : Histoire Contemporaine
Spécialité : Histoire politique et
des relations internationales
Présenté et soutenu par :
Sous la direction
de :
Balowa KOUMANTIGA
M. Kodjona KADANGA
Professeur Titulaire
Février 2013
INTRODUCTION GENERALE
Le 27 avril 1960, le Togo accédait à la
souveraineté internationale avec une diversité de partis
politiques, héritage des luttes pour l'indépendance. Mais le
pluralisme politique ne survécu pas longtemps à
l'indépendance. Les autorités politiques voulaient consolider les
indépendances par la reconstruction nationale, la résolution du
problème de l'instabilité politique et des divisions que le
multipartisme était soupçonné d'incarner. Elles
interdirent les partis politiques existants. Le parti unique,
« une réalité des indépendances en
Afrique » (Amah 2010 : 75), devait servir de tremplin
à l'idée de l'unité nationale.
En effet, de manière générale, sur le
continent africain, au lendemain des indépendances, les nouvelles
élites politiques manifestèrent leur volonté de sortir du
sous développement qui caractérise leurs pays et dont l'une des
causes a pour nom la désunion. Il y avait nécessité de
consolidation des indépendances et de reconstruction nationale. Selon
les propos de Tom Mboya (Cité par Amah 2010 : 65) :
« Un Etat a besoin de maintenir l'unité
comme base de tout développement. [...]. Le pays doit être
placé sous la direction d'une seule formation politique, un parti fort
et efficace pour pouvoir mobiliser pleinement le potentiel de la population
afin que l'indépendance se traduise en termes de développement
significatif qui puisse satisfaire les espoirs du peuple. Ce but ne peut pas
être atteint sous un régime de pluralisme politique
... »
Pour ces besoins énoncés ci-dessus, le choix du
parti unique s'imposa à tous. Ainsi devait-on avoir par exemple le Parti
démocratique gabonais (PDG) au Gabon, le Parti de la révolution
populaire du Bénin (PRPB) au Benin, le Parti démocratique de
Guinée (PDG) en Guinée, l'Union démocratique du peuple
malien (UDPM) au Mali et le Parti de l'unité togolaise (PUT) puis le
Rassemblement du peuple togolais (RPT) au Togo1(*). L'un des thèmes phares fut la construction de
l'unité nationale. Ainsi, le défi du développement
passerait-il par l'unité, la conjugaison des efforts. C'est ici qu'on
retrouve la plénitude du vieil adage selon lequel l'union fait la force.
A cause de la diversité ethnique, le multipartisme présentait un
risque pour l'Afrique car il était synonyme de tribalisme ou de
régionalisme, nocifs à l'unité nationale.
Pour les autorités politiques africaines, le
système du parti unique avait pour avantage de sacrifier les
intérêts particuliers à l'intérêt
supérieur donc « la lutte contre les forces
centrifuges » (d'Almeida-Topor 1999 : 232)
Le système du parti unique fut donc
présenté comme une nécessité impérative pour
construire plus aisément l'unité nationale et sortir du
sous-développement par la recherche du consensus. C'est ainsi que
« des théories furent élaborées pour faire
du parti unique une nécessité organique [...] l'instrument par
excellence de l'intégration » (d'Almeida-Topor
1999 : 232).
Au Togo, de 1945 à 1961, plusieurs partis politiques
constituaient les acteurs majeurs de la vie politique. En 1961, le
Président Sylvanus Olympio instaura de fait un parti unique, le PUT.
Trois ans plus tard, il fut déchu par un coup d'Etat mené par une
jointe militaire dirigée par le sergent Gnassingbé Eyadema qui
considérait cette initiative comme une dérive autoritaire. Mais,
dans le même souci d'unir tous les Togolais, Nicolas Grunitzky successeur
de Sylvanus Olympio organisa en février 1963, une table ronde qui
était aussi un projet voilé de parti unique (Batchana 2008 :
350).
Arrivé au pouvoir à la faveur du coup d'Etat du
13 janvier 1967, le lieutenant colonel Gnassingbé Eyadema dissout par
décret n°67-1 du 11 mai 19672(*) les partis existants ainsi que les associations
affiliées et opta pour le monolithisme politique. Selon son
appréciation, la pratique du multipartisme avait conduit à un
affrontement entre partisans de différentes tendances. Ainsi, cette
mesure visait à « éviter les affrontements
sanglants et les déchirements dans lesquels le Togo eut, perdu son
âme. » (Cornevin 1988 : 464).
Le décor fut alors planté pour un système
politique dont le souci premier est l'unité, facteur indispensable d'un
développement harmonieux et durable. Plusieurs motivations expliquent
cependant le choix porté sur ce thème
Les ambitions du système monolithique étaient
nobles et permettaient de nourrir de l'espoir quant à son succès
à unir tous les Togolais en ce sens qu'il devait être synonyme
d'absence de toute contradiction. Mais le Togo connait un coup de force en
1963, conséquence d'un malaise politique. Ce coup de force devrait
inaugurer une nouvelle politique plus libérale mais en 1969 le parti
unique fut à nouveau adopté jusqu'en 1990. Cette fois-ci on
assista durant la fin des années 1980 et le début des
années 1990 à un renouveau libéral avec la
résurgence des revendications populaires en faveur d'une
démocratie pluraliste. Le succès de ces revendications remet en
cause et pose avec acuité le problème des valeurs
incarnées par le parti unique.
En effet, tout comme en 1963, cette période fut celle
d'incertitudes, de violences et de troubles sociopolitiques dont le Togo va
continuer par porter les stigmates jusqu'à l'aube du troisième
millénaire. Les manifestions du 05 octobre 1990 dont l'objectif est de
mettre fin au parti unique, aboutirent aux assises nationales puis à
l'adoption d'une nouvelle constitution réinstituant le multipartisme au
Togo. Depuis lors, le Togo vit une ère de turbulence et à chaque
fois que l'occasion se présente les Togolais n'hésitent pas
à s'affronter. Dans ce contexte, on s'interroge sur les initiatives
visant à résorber la question de l'unité nationale au Togo
sous le parti unique. Le parti unique a-t-il triomphé des causes de son
institution ? C'est là toute la question qui motive notre
recherche. Les autorités togolaises continuent jusqu'à nos jours
de prêcher la réconciliation et l'unité nationale ; ce
qui rend la question toujours nouvelle, d'actualité et d'importance.
La période sur laquelle porte notre étude est
significative et mérite qu'on s'attarde sur la justification des bornes
chronologiques choisies.
Les années 1961 et 1990 constituent les limites
chronologiques de ce sujet d'étude.
En effet, après les élections de 1958,
l'atmosphère politique était très tendue du fait des
violences à caractères politiques, de la méfiance et de la
suspicion qui régnaient entre les différentes tendances. Le
gouvernement opta pour le système du parti unique en 1961. Le CUT lors
de son congrès des 21 et 22 janvier 1961 fit peau neuve et devint le
PUT. De nouvelles élections furent recommandées pour mettre en
application le projet du parti unique. Ainsi, les élections du 9 avril
1961 furent organisées et le gouvernement mit tout en oeuvre pour mettre
l'opposition hors de la course pour le pouvoir. En 1962, le Président
sylvanus Olympio décréta la dissolution des partis
existants3(*), parachevant
ce qu'il avait entreprit depuis 1961. Après les coups d'Etat de 1963 et
de 1967 il fut à nouveau institué le parti unique et le RPT fut
créé le 30 novembre 1969 à la suite de l'appel historique
du 30 août de la même année.
En ce qui concerne 1990, c'est l'année où
s'exprima de manière explicite une volonté de rompre avec le
système du parti unique. En effet, entre 1980 et 1990, on assiste
à une détérioration de la situation économique,
sociale et politique qui accentue la précarisation de la vie. De loin,
la chute du mur de Berlin, l'effondrement du bloc soviétique et surtout
le discours de la Baule4(*)
vont constituer le soubassement des soulèvements qui embrasent le
continent africain au début des années 1990 et dont le Togo ne
sortira pas indemne.
L'année 1990 fut marquée par des troubles
sociopolitiques qui vont aboutir deux ans plus tard, à l'adoption d'une
nouvelle constitution réinstaurant le multipartisme : c'est la fin
de la troisième République. Le Togo s'engagea sur la voie de la
démocratie, une voie qui fut parsemée d'embûches et de
traquenards, alors qu'elle était sensée déboucher sur le
succès politique, le progrès social et le
développement.
Toute recherche vise des objectifs qui constituent en
même temps un facteur supplémentaire de motivation. Quels sont
donc ceux qui sous-tendent le présent travail ?
A travers cette étude, nous avons voulu apporter une
contribution à la connaissance de l'histoire contemporaine du Togo. En
effet, de manière générale, l'histoire postcoloniale
présente un grand intérêt dans la mesure où
après un demi-siècle d'indépendance, il est indispensable
de s'interroger sur l'évolution des Etats modernes et de
déterminer les tendances selon lesquelles les Etats postcoloniaux de
l'Afrique se construisent.
« On a, de tout temps, beaucoup disputé
sur la meilleure forme de gouvernement, sans considérer que chacune
d'elles est la meilleure en certains cas, et la pire en
d'autres » disait Jean-Jacques Rousseau dans Le Contrat social
ou Principes du droit politique. Entre 1945 et 1960 le Togo vit sous un
régime de multipartisme ; de 1961 à 1990 c'est le parti
unique et après 1990 c'est le retour au multipartisme. L'étude
historique de ce sujet permet de suivre et de comprendre un aspect des
différentes mutations qui sont intervenues dans la vie politique du
Togo. L'histoire postcoloniale du Togo fait l'objet de toutes les
interprétations mêmes les plus erronées. A défaut de
toutes études scientifiques ou universitaires, les
générations présentes qui n'ont pas vécu cette
période ne la connaissent que par ouï-dire ou par d'autres sources
dont la fiabilité reste douteuse, l'analyse populaire prend donc le
dessus ce qui n'est pas sans conséquence sur la cohésion sociale.
Par exemple, notre surprise fut grande de constater que certains de nos
témoins (au moins deux fois plus âgés que nous) ignore
l'existence d'un parti unique bien avant le RPT, pourtant ce sont des acteurs
locaux de la vie politique. Ceci est un exemple parmi tant d'autres qui montre
une méconnaissance de l'histoire politique du Togo et faute de pouvoir
l'appréhender sous toutes ses facettes, certains politiciens passent
leur temps à haïr les anciens dirigeants et à magnifier
d'autres sur la base d'informations qu'ils maîtrisent peu ou pas,
intoxicant l'environnement social. A ces raisons, il faut ajouter le souci de
recueillir des témoignages vivants chez des acteurs encore en vie mais
menacés par la force de l'âge ou la baisse du niveau de
l'espérance de vie.
Ainsi le présent travail se veut un remède ou du
moins un palliatif à ces difficultés et vient en
complément aux recherches déjà effectuées dans le
domaine en attendant que les prochaines recherches viennent l'étayer et
combler ses lacunes. Ce travail est un exposé qui tente d'analyser le
parti unique dans son contexte spatio-temporel, la vie politique et
socio-économique et de dresser le bilan des efforts de mobilisation et
d'unification sous ce régime.
Tous ces objectifs se reflètent à travers la
problématique qui oriente notre recherche.
Pour résoudre le problème de
l'instabilité politique et des divisions incarnées par le
multipartisme tout en assurant la continuité de l'activité
politique, l'option du parti unique fut prise et qui s'est
concrétisée par la création du PUT puis du RPT. La
question principale à laquelle nous nous proposons de répondre
est la suivante : Quel a été le bilan du parti
unique en tant que facteur d'unité du peuple togolais de 1961 à
1990 ?
L'analyse de cette question permettra d'appréhender
l'action du parti unique dans l'édification de l'unité nationale
ainsi que son impact sur la vie politique nationale entre 1961 et 1990. De
cette question principale se dégage plusieurs autres interrogations.
Le Togo accède à l'indépendance avec une
diversité de partis politiques qui se sont illustrés par leurs
antagonismes avec pour conséquence une détérioration du
climat politique et socioéconomique. Cette situation justifia l'adoption
du parti unique pour l'unité et le développement du Togo.
En quoi a consisté la vie politique et socio-économique
sous le régime du parti unique ?
Après plus de vingt ans de monolithisme politique, le
parti RPT est accusé et récusé par les populations qui se
soulèvent. Quel bilan peut-on dresser des efforts de
mobilisations et d'unification après ces décennies du
régime du parti unique ?
Le présent travail porte sur le sujet
intitulé : « Le parti unique et la question
de l'unité nationale au Togo de 1961 à
1990 ». Il renferme des concepts que nous supposons
nécessaire d'élucider.
Un parti unique est un parti politique ayant
généralement sur le plan légal et constitutionnel le
monopole de l'activité politique dans un Etat. Dans ce type de
régime, le parti est animé par une idéologie qui devient
la vérité officielle. Le parti confondu à l'Etat s'octroie
le monopole des moyens nationaux pour soumettre l'ensemble de la
société civile à son idéologie. Pour M.
Jérémie Kadoumta5(*), Le parti unique fut inspiré du modèle
communiste de l'Union soviétique dans lequel les moyens de production
sont sensés appartenir à l'Etat. Mais cette conception a subit
une perversion dans le cadre africain et implique que les moyens de productions
appartiennent aux dirigeants.
Mis à part les variantes d'un pays à l'autre, le
régime de parti unique est caractérisé de façon
générale par l'absence de contre-pouvoirs, l'intrusion sur la
scène politique de l'armée, la restriction ou l'absence des
libertés fondamentales (libertés d'expression, d'opinion...etc.),
le verrouillage politique, la gabegie ou le pillage des ressources, la
corruption gouvernementale etc. (Kadanga 2007 : 28). Ainsi donc, un
régime de parti unique s'oppose-t-il par principe à celui ayant
adopté le multipartisme. Un parti unique tend à imposer une foi
et une volonté commune. Il supporte mal la diversité, la
pluralité des options. Le parti unique se veut une organisation
transversale qui transcende les particularismes régionaux et ethniques
des anciens partis rivaux. Le régime de parti unique a été
le plus souvent qualifié d'anti-démocratique parce que ne
permettant pas l'expression de tous les droits humains
énumérés dans la déclaration universelle des droits
de l'homme et du citoyen. Dans un tel régime, le monopole de la vie
politique aboutit à la concentration des pouvoirs dans les mains des
seuls cadres du parti qui s'approprient l'Etat et même parfois la vie
politique se cristallise autour d'un seul personnage considéré
comme le seul capable de diriger le pays. Cette pratique à pour
conséquences la proscription de la mémoire collective de certains
faits passés qui ne font pas la gloire du chef, la
célébration des anniversaires reposant sur les hauts faits de ce
dernier, le changement des emblèmes (hymnes, devises), etc. (Kadanga
2007 : 30). La plupart des partis uniques se sont proclamés
démocratiques au sens où c'est le gouvernement du peuple par le
peuple et pour le peuple, c'est-à-dire la démocratie populaire.
Alors que paradoxalement la démocratie et les droits de l'homme refusent
catégoriquement toute forme de pensée unique.
Le concept de parti unique évoque aussi l'idée
d'une organisation et d'un appareil de parti au service d'une idéologie
et de tâches nationales.
Mais pour Dr Chambrier-Rahandi Eloi, commissaire politique du
Parti démocratique gabonais (PDG), cette dernière
définition correspond à une notion européenne et plus
exactement marxiste, qui n'a de commun avec le parti unique africain que la
forme6(*).
En effet pour lui, à la différence des autres
partis dans le monde, le parti unique africain ne représente pas les
intérêts d'une classe et ne constitue pas l'instrument de
domination et de l'exploitation étrangère. Ainsi le parti unique
africain se définirait avant tout par ses buts et son instauration se
justifie par la nécessaire efficacité des gouvernements sur le
plan politique, économique et administratif. La tâche qu'ils
s'assignent est triple : construire la nation, mettre sur pied et faire
fonctionner l'Etat, mobiliser toutes les forces vives pour le
développement économique et social du pays. Cette tâche
s'expliquerait par la situation historique qu'occupent les Etats africains sur
l'échiquier international : pays nouvellement
décolonisés se trouvant en état de dépendance
économique et devant par conséquent s'organiser le plus
rapidement et le plus efficacement possible pour décoller.
De ces propos il ressort que les partis uniques en Afrique
procèdent moins d'une volonté doctrinale que d'une volonté
de développement, il résulte que dans leur fonctionnement, les
partis uniques se veulent ou se disent démocratiques puisqu'ils
prônent en leur sein le dialogue, la critique et la contestation
constructive et n'exerce aucune dictature ni sur les individus ni sur les
institutions. Mais ceci n'est resté que théorique. Le parti
unique a été une idée pour faire endormir les gens. Le
parti unique a été au service du pouvoir en place, il constituait
un outil de propagande et d'imposition des politiques. De ce fait il ne pouvait
prétendre aboutir à l'unité nationale.
Quant à « l'unité », du
latin « unitas » qui dérive de
« unus » c'est-à-dire un, le dictionnaire Larousse
le défini comme le caractère de ce qui est un, unique par
opposition à ce qui est pluriel. C'est le caractère de ce qui
forme un tout dont les diverses parties constituent un ensemble indivisible.
C'est un état d'harmonie, d'accord. Dans le même contexte,
« unir », c'est joindre l'un à l'autre, de
manière à former un tout pour établir une communication,
un lien d'intérêt pour une cause commune. Unité nationale
est donc un état d'esprit issu du résultat de la fusion des
micros patries que sont les communautés. C'est un effort de dissolution
de l'unité mentale tribale pour aboutir à la volonté de
vivre ensemble qui caractérise la nation. L'unité nationale est
de ce fait le résultat d'un effort de transcendance de la conscience
tribale, une construction nationale qui requiert de compréhension et des
sacrifices. L'unité consiste à installer une certaine harmonie,
une cohésion entre les différentes couches sociales mais aussi la
classe politique par l'identification et la résolution définitive
de ce qui constitue la pomme de discorde et par des moyens qui tendent à
la convergence des intérêts et au consensus. Les partisans du
parti unique ont pensé que ce but pouvait être atteint par la
pensée unique et au mépris des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, ce qui fut un leurre.
Le principal handicap à l'unité nationale est le
tribalisme qui se définit comme un état d'esprit se traduisant
par un certain nombre de comportements, attitudes et réflexes
dictés par l'attachement à sa communauté plutôt
qu'à une autre. A une échelle plus élevée le
tribalisme devient le régionalisme voire le racisme. La région se
définissant comme un ensemble de plusieurs communautés
regroupées dans un cadre géographique soit par leur histoire
propre soit par l'administration.
Le fait que ces deux concepts que nous venons
d'éclairer (parti unique et unité nationale) aient en commun le
mot « un » a même suscité, au Togo comme
partout ailleurs en Afrique, beaucoup d'espoir car une autre expérience
devait être menée. « Mais après trois
décennies, force a été de constater que c'est
l'immobilisme. » (Kadanga 2007 : 7)
Plusieurs hypothèses sont alors élaborées
pour servir de base à cette étude.
Pour répondre valablement à la
problématique nous partons des hypothèses suivantes :
La lutte pour l'indépendance avait eu pour
répercussions fondamentales l'éveil d'un profond sentiment
national. Mais très vite le pays va perdre cet acquis dans des
déchirements et affrontements partisans. Les régimes de Sylvanus
Olympio (1958-1963) et de Grunitzky (1963-1967) qui se sont
succédé au Togo, sont accusés par les discours de
tribalisme et d'avoir incarné la division.
Le régime du parti unique RPT se prévaut une
certaine stabilité et fait croire que toutes les données sociales
positives sont de son oeuvre. Il fait cependant l'objet de critiques les plus
acerbes selon lesquelles, en voulant établir la justice sociale le parti
unique a versé dans l'excès et par conséquent a
exacerbé les clivages sociaux qui ont légitimé sa
création et qu'il était sensé combattre.
Toujours selon les critiques, le parti unique est
qualifié de liberticide, ses dirigeants d'autoritaires et la question de
l'unité nationale et de développement économique a servi
aux dirigeants pour asseoir leur pouvoir et a favorisé la main mise du
parti sur l'Etat.
Les manifestations de 1990 sonnent le glas du parti unique et
ouvrent l'ère du multipartisme. Les populations qui espéraient
voir leur quotidien s'améliorer, se sont rendues à
l'évidence que ce n'était pas la fin du calvaire avec les
blocages qui laissent envisager une transition mal négociée.
Pour répondre à notre problématique, nous
avons recouru à plusieurs types de sources dont nous exposons ici la
méthode de collecte.
Afin de bien répondre à la problématique
énoncée plus haut, nous avons recouru à plusieurs et
différentes types de sources.
D'abord les sources écrites, leur recherche nous a
conduit à visiter les bibliothèques de l'Université de
Kara, du département d'histoire de Kara, de l'Université de
Lomé, de la FLESH à Lomé, de l'INSE, du Club des amis du
livre et de la lecture (CALEA) à Lomé où nous avons
consulté des mémoires, des thèses et bien d'autres livres
ayant trait à notre thème. Les consultations à la
bibliothèque de la Chambre du commerce et de l'industrie du Togo (CCIT)
nous ont beaucoup édifiés. Nous y avons trouvé certains
journaux officiels, les bulletins officiels de la Chambre du commerce, de
l'agriculture et de l'industrie de la République togolaise7(*), des rapports sur les
séminaires de sensibilisation politique et d'un symposium national qui
fournissent beaucoup de renseignements sur le RPT.
La curiosité et l'envie de savoir plus nous ont
amené à poursuivre notre recherche à la
bibliothèque nationale. Là, il s'agissait de fouiller les
journaux officiels, les documents sur la planification du développement
au Togo, des livres sur l'évolution de la vie politique au Togo et en
Afrique.
Aux archives nationales du Togo, nous avons retrouvé
une abondante documentation portant sur les partis politiques et leurs
activités pendant la période coloniale. Les documents sur la
période postcoloniale sont un peu rares. Là aussi quelques
thèses et mémoires ont été exploités
A ces différents sites, nous avons effectué des
photocopies, des photographies de pages à l'aide d'un appareil photo
numérique et recopier des portions de textes quand celles-ci ne sont pas
trop volumineuses.
Ensuite, les sources informatiques à l'instar des sites
web ont été consultés ainsi que l'encyclopédie
encarta 2008 et son dictionnaire qui furent d'une utilité pas des
moindres. A ce niveau, les documents contenants les informations
intéressantes ont été téléchargés ou
imprimées.
Enfin, pour compléter cette gamme variée de
document, nous avons recueilli auprès de personnes des
témoignages oraux et écrits sur la vie politique, le PUT et le
RPT, indiquant les circonstances de leur création, leur oeuvre et son
implication sur la vie politique du Togo. Les personnes consultées sont
des hommes politiques et des observateurs de la vie politique. Nous les avons
interrogés sur la base d'un questionnaire par avance établi qui a
servi de guide pendant les entretiens. Les prises de notes restent les seuls
supports des témoignages oraux. L'ensemble des sources consultées
aborde diversement la question objet de notre étude.
Les archives, journaux et autres publications officielles
consultés nous renseignent sur les partis politiques.
Aux Archives nationales du Togo (ANT) et dans la série
Affaires politique et administratives (APA) notamment la sous-série 2APA
de quelques circonscriptions nous avons trouvé des rapports de
réunions de manifestations des partis politiques comme le CUT, la
JUVENTO, le PTP, l'UCPN, le RPT. Nous y avons aussi trouvé des
procès verbaux, des correspondances et des rapports de
dédommagement des violences qui ont suivies les élections du 27
avril 1958.
Les rapports de congrès du Rassemblement du peuple
togolais et le livre vert nous informent sur les structures et organisations,
les statuts ainsi que le fonctionnement du parti.
Pour ce qui est de la presse togolaise surtout à partir
de 1969, ses organes (Nouvelle marche ou Togo-presse, Togo-dialogue et espoir
de la nation) informent sur les orientations des politiques nationales et les
réalisations accomplies dans les domaines économique, culturel et
social. La question du parti unique est aussi abordée dans des ouvrages
et travaux de recherches.
Elles sont composées de livres d'histoire, de science
politique, de sociologie politique, de thèses et de mémoires et
traitent tous des sujets ayant trait de près ou de loin à notre
sujet d'étude.
J-M. Denquin (2001) établit la relation entre la
politique et la société affirme que : « Tous
les phénomènes politiques sont des phénomènes
sociaux [...]. Les phénomènes politiques sont nés des
besoins de la société.» (Denquin 2001 : 31). Il en
vient à la conclusion que les phénomènes politiques sont
l'émanation nécessaire du social et soutient que ces
phénomènes trouvent leurs sources dans les antagonismes sociaux
qui sont la traduction et l'instrument de la lutte entre les groupes qui
s'affrontent au sein de la société. Il aborde l'étude des
régimes politiques.
P-F. Gonidec (1971) analyse de son côté les
systèmes politiques de l'Afrique post-indépendante en relevant la
participation de chaque composante de la société (l'élite,
les chefs traditionnels, l'armée,...) à la composition de la
classe politique.
D.G. Lavroff (1978) replace les partis politiques dans le
contexte de leur émergence et leur évolution. Il souligne leur
caractère tardif et simultané. Parlant des partis uniques, il
décrypte leur structure et les arguments évoqués par les
dirigeants pour justifier leur instauration. Parmi ces arguments, on note le
désir de construire l'unité nationale et de développer
l'économie de l'Afrique.
J. KI-Zerbo (1972) et d'Almeida-Topor (1999) analysent
l'évolution politique de l'Afrique depuis la période
précoloniale jusqu'à la période de démocratisation
en passant par son occupation, la décolonisation et les
indépendances. J. Ki-Zerbo analyse entre autres, les systèmes
politiques traditionnels et montre comment ceux-ci ont
dégénéré sous l'effet de la colonisation.
D'Almeida-Topor relève les grandes continuités et ruptures dans
l'évolution de l'Afrique indépendante : le temps des
espérances, l'ère des vicissitudes le processus de
démocratisation.
Les ouvrages spécifiques sur le Togo foisonnent et
abordent pour certains, objectivement dressant un bilan sans complaisance ni
concession et pour d'autres passionnément, l'évolution politique
de ce pays.
N. Gayibor (1997 ; 2005) retrace la marche politique du
Togo depuis 1884 jusqu'à l'indépendance en 1960. Il relève
les acteurs politiques, les interrelations et met en relief les valeurs
cardinales qui ont favorisé ce processus. C'est ainsi qu'il
écrit :
« Pour les gens qui sont devenus les peuples du
Togo, celui-ci a donc été avant tous un espace de
liberté.
Amenés à s'organiser au tour d'un pouvoir
plus ou moins centralisé, les peuples togolais ont su mettre au point
par réajustements progressifs et non par des «constitutions»
formelles des systèmes politiques remarquablement agencés,
où les pouvoirs des uns s'équilibraient mutuellement et
prévenaient les risques de tyrannie.
Cohabitation pacifique, liberté, tolérance,
équilibre, harmonie politique... N'y a-t-il pas là bien des
leçons qui pourraient encore avoir leur valeur dans
l'avenir ? » (Gayibor 1997 : 392-393)
R. Cornevin (1988) va au-delà en évoquant les
évènements politiques de l'après indépendance.
E. Amah (2010), dans son étude sur la
problématique des élections au Togo, aborde aussi l'aspect de la
question sous le parti unique. Pour lui les élections sous le parti
unique quand bien même elles furent une formalité parce que sans
réels enjeux, exprimaient une soif de démocratie. C'est pourquoi
celles-ci évoluèrent de l'imposition des candidatures en 1979
à leur libéralisation à partir de 1985.
E. Batchana (2008) analyse de son côté
l'influence de la presse sur le pouvoir public et vice-versa. Il retrace tout
comme Yagla (1978) le climat sociopolitique qui à prévalu avant
l'institution du parti unique. Sur la question de la conception de la presse
sous le régime du parti unique il estime que c'était une
conception dirigiste et que la presse était sous surveillance (Batchana
2008 : 346). Quant à Yagla il trouve par rapport à son
analyse que le « mal togolais » qui a trouvé sa
solution sous le parti unique RPT plonge ses racines dans « la
distinction fondamentale entre une région sud très
scolarisée ouverte au commerce international et une région nord
restée très traditionnel ». Et c'est faute de
n'avoir pas consacré tous leurs efforts au
« rééquilibrage nord-sud », seule
condition nécessaire à son avis à l'édification de
la nation togolaise, que les régimes précédents ont
échoué.
T.G. Tété-Adjalogo (2007) abordant la même
question « nord-sud », abonde dans le même sens que
Yagla et localise les origines de cette dernière dans la
géographie, l'anthropologie et l'histoire coloniale
(Tété-Adjalogo 2007 : 42). Ainsi écrit-il :
« Les disparités économiques, politiques, sociales
et culturelles ont servit de matrice à la question
nord-sud ». Cependant il trouve que certaines dispositions comme
la célébration du 13 janvier8(*), ont perpétué la question et propose
comme solution de « tourner le dos à la
célébration... ». Quant à J. Menthon
(1993), il affirme dans son épilogue que : « les
rivalités - ethniques se sont atténuées au Togo lorsqu'on
a cessé d'opposer à tout propos le Nord au Sud [...]
lorsqu'à été interdite toute référence
à l'ethnie » (Menthon 1993 : 248)
Y. Agboyibor (1999) dans une oeuvre à l'allure
autobiographique retrace son parcours d'homme politique en évoquant la
manière dont il a vécu certains évènements en union
ou en rivalité avec d'autres acteurs politiques. Son avis sur l'impact
du système du parti unique est sans équivoque : cette
pratique a conduit à l'asphyxie et à la paralysie du pays et
empêché l'épanouissement du peuple. (Agboyibor
1999 :184). Cette position est partagée par
Tété-Adjalogo9(*) (2006) qui établit un véritable
procès au RPT. Cette critique est illustrée par cette paronomase
dans laquelle il affirme que : « Le creuset imaginé
se matérialise en un corset, un carcan, un bourbier concret. [...] Le
parti unique est devenu un parti inique ».
(Tété-Adjalogo 2006 : 31)
J. Menthon (1993) et C. Toulabor (1986) dressent une autopsie
des différents régimes qui se sont succédé au Togo.
« Du libérateur à l'autocrate » est
la formule utilisée par Menthon (1993 : 140) pour résumer le
parcours politique de Sylvanus Olympio. Toulabor identifie les fondements du
régime Eyadema qu'il appelle « les mythes
fondateurs » (l'assassinat du Président Olympio et
l'accident de Sarakawa en sont les principaux.).
T. Talim (2008) consacre son étude au Rassemblement du
peuple togolais (RPT) à travers son armature, son fonctionnement et son
programme. Il évalue le parti par rapport à son programme et
finit sur une interrogation sur le meilleur type de régime. Pour lui le
bilan de l'action du parti en matière de développement ressort
des efforts louables mais insuffisants. Cependant, il relève quelques
insuffisances notamment, sur le plan des droits de l'homme (torture de
citoyens, disparitions...). Sur cet aspect il conclut que le système
« s'est en réalité révélé
n'avoir été rien d'autre que le creuset de manifestation de tous
les phénomènes néo-paternalistes dont le paroxysme allait
à contrario précipiter la fin. » (Talim
2008 : 106)
T. Danioue (1994) à travers son analyse prend en compte
les dimensions politique, historique, sociale et dresse dans une
métaphore médicale la genèse puis procède à
l'examen clinique du « mal togolais » qu'il définit
comme l'ensemble des facteurs historiques, géographiques,
économiques, sociologiques, psychologiques, culturels et politiques qui
perturbent durablement la vie politique au Togo et donnent lieu à des
crises politiques qui finissent par emporter les institutions politiques et
leurs hommes.
Quant aux personnes ressources abordées sur la question
qui nous préoccupe dans cette étude, elles aussi livrent
d'importantes informations.
Les sources orales nous ont livré des informations
contradictoires évidemment selon les bords politiques de nos
interlocuteurs. Selon qu'on soit aujourd'hui de l'opposition ou de l'ex RPT,
les informations divergent sur certains points. Bref disons que les
informations sont empreintes de militantisme mais aussi parfois
d'objectivité. On retrouve tout de même le consensus sur certains
faits mais leur analyse est divergente. Les entretiens ont tourné de
manière globale sur trois points essentiels : les raisons qui ont
milité en faveur de l'adoption du parti unique, les réalisations
du parti RPT en faveur de l'unité nationale et l'impact de l'adoption du
parti unique sur la vie politique, sociale et économique.
L'exploration des sources électroniques nous a permis
de récolter des informations d'ordre général sur le parti
unique en Afrique, sur l'évolution des régimes politiques dans le
monde et aussi sur l'histoire du Togo depuis les indépendances
jusqu'à nos jours.
Les différentes sources consultées ont
été soumises à une analyse
L'objectif de cette analyse a été de
vérifier la fiabilité des informations recueillies afin de fonder
les résultats du présent travail sur des preuves fiables.
L'analyse a consisté à confronter toute la
typologie de sources plus haut énumérées afin de relever
les constances et les versatilités dans les informations en notre
possession. Les différentes sources ont été
examinée tant sur le fond que sur la forme.
Sur la forme et au niveau des sources orales, les
témoins ont été choisis en fonction de leur orientation
politique et parfois des responsabilités présentes ou
passées à quelque échelle que ce soit au sein de leurs
formations politiques. Au niveau des documents écrits, nous avons
recherché leur authenticité et cherché à voir dans
quel contexte chacun des dits documents a été
rédigé et à quel fin.
Sur le fond en ce qui concernent les sources orales, certains
témoins ont été choisis pour leur capacité
d'analyse et pour leur présumée connaissance de la question qui
fait l'objet de notre recherche. Mais, ces critères n'ont pour autant
pas fait de leurs témoignages des paroles d'évangile. Les
témoins ont été rencontrés individuellement, mais,
leurs témoignages ont fait l'objet de rapprochement et de recoupement
par le jeu de la confrontation et du ré-questionnement afin de
vérifier la concordance des informations. Au cours de certains
entretiens des témoins nous ont demandé de répondre
nous-mêmes au questionnaire auquel nous les soumettions pour ensuite
discuter ces réponses. A l'occasion nous avons fondé nos
réponses sur nos lectures et sur les témoignages passés.
Cette procédure nous a permis de confronter donc non seulement les
sources orales et les sources écrites mais aussi les sources orales
entre elles. Les mêmes questions ont été posées de
diverses manières chez un même témoin pour essayer de
récolter autant d'informations et voir si celui-ci ne varie pas dans ses
réponses.
Les sujets sur les partis politiques ont fait l'objet
d'études aussi bien des historiens que des politologues et des
sociologues pour ne citer que ceux-ci. Au vue de cela il a fallu faire appel
à une approche interdisciplinaire pour l'analyse des données.
Tout ceci ne s'est pas passé sans difficultés.
Au cours de notre recherche nous avons rencontré des
difficultés inhérentes à la nature du thème. Nombre
de recherches portant sur des thèmes politiques sont perçues
comme visant à relever les faces cachées d'un pouvoir, à
attirer l'attention sur lui et souvent à contredire les discours
légitimant que l'on tient pour le préserver. Ainsi sommes-nous
suspectés d'espionnage. Dans ces conditions il n'a pas été
facile pour nous de recueillir des témoignages oraux :
méfiance ou des réponses qui nous laissent sur notre soif. Cette
difficulté, liée en partie au climat social qui a
caractérisé une partie de la période (décembre 2011
- avril 2012) au cours de laquelle nos recherches ont été
menées (ambiance sociale marquée par une crise universitaire et
du corps des enseignants, le tout sur un fond de précarisation
générale de la vie), a accentué la méfiance et
rendu du coup difficile l'accès à certaines sources
d'informations orales.
Mais l'une des difficultés réside aussi dans la
peur que nous, jeunes chercheurs, avons à s'approcher de certaines
personnes ressources, compte tenu de leur statut et de leur rang social, une
peur qui se justifie certes à certaines occasions mais qui est souvent
fondée sur des préjugés.
Une autre difficulté est que l'analyse d'un
système politique même si elle est nécessaire ne permet pas
de répondre à toutes les questions que l'historien se pose parce
que, comme le souligne Kadanga (2007 : 3), « en politique,
les forces obscures qui sont parfois essentielles dans la compréhension
de certains actes échappent souvent à l'historien
politique ».
Enfin ouvrir le dossier de l'histoire postcoloniale se
révèle une véritable gageure tant il est difficile de
faire parler le passé immédiat, certains acteurs étant
encore en vie et les faits portant le sceau du secret10(*). Sans oublier les tabous qui
frappent certains sujets. Même, après plus de deux
décennies de démocratie, les langues se délient
très difficilement. Mais, si nous sommes parvenus au terme de notre
entreprise, c'est que nous avons pu surmonter quelques uns des défis qui
s'imposaient à nous. Ceci grâce à la constante
disponibilité et à la sollicitude toujours
témoignée de notre directeur de recherche, de nos enseignants et
de nos devanciers dans la recherche.
Ainsi, pour surmonter ces difficultés il a fallu
convaincre de la justesse, de la scientificité et de l'objectif purement
académique de notre entreprise, présenter nos documents
académiques, et parfois, nous faire accompagner chez nos témoins
par leurs amis. Il a fallu aussi s'armer de courage, de patience et être
une personne à tout oser. Ceci nous à permis de nous rendre
compte que certaines difficultés ne le sont que de façade.
Ainsi la panoplie de documents que nous avons pu consulter a
permis de répondre à certaines de nos interrogations.
Afin de mieux cerner notre problématique, ce travail
est structuré en deux parties :
La première partie intitulée :
« Crise politique et institution du parti unique RPT
(1961-1969) », fait un aperçu et une
analyse de la situation politique depuis la création des partis
politiques jusqu'à l'institution du parti unique passant par les
difficultés des luttes pour l'indépendance et leurs
conséquences sur l'après indépendance. Elle fait aussi
part belle des raisons évoquées pour justifier l'urgence du parti
unique au Togo, du processus qui a abouti à la naissance du
Rassemblement du peuple togolais, de l'organisation et de la structure du
parti.
La deuxième partie, « Le parti
RPT et la vie politique et socioéconomique sous le régime
monolithique (1969-1990) », traite quant à elle
du parti unique et de la problématique de l'unité nationale. Dans
cette dernière partie, nous dressons le bilan et faisons une analyse de
l'action du RPT en faveur de l'unité nationale ainsi que des
différents moyens mis en oeuvre. Elle est également
consacrée à l'analyse des implications du parti unique sur la vie
politique du Togo et sur la nouvelle dynamique politique dans laquelle le Togo
s'est engagé à partir de 1990.
PREMIERE PARTIE :
CRISE POLITIQUE ET INSTITUTION DU
PARTI UNIQUE RPT (1961-1969)
L'histoire du Togo de 1945 à 1990 se résume de
manière générale, en deux périodes fortement
contrastées :
La première dite démocratique fut marquée
par une diversité de partis politiques et les tentatives infructueuses
d'instauration d'une démocratie pluraliste entre 1945 et 1967. Cette
première période a vu foisonner différents partis
politiques qui se sont battus chacun avec sa particularité pour la
même cause : l'indépendance. Mais aussitôt après
avoir gagné ce combat contre le joug colonial, la vie politique va
s'enliser dans des affrontements entre partisans des différents partis.
Cette crise sociopolitique engendra évidemment des tensions sociales que
vinrent accentuer les premières tentatives d'institution du parti
unique. Cette situation entraina l'intervention de l'armée pour une
première fois en 1963 et pour une seconde fois en 1967.
La seconde qui va de 1969 à 1990, fut la période
du parti unique proprement dit marquée par « le parti-Etat
RPT ». Suite à l'enlisement de la situation politique du pays
après les deux putschs militaires, le Rassemblement du peuple togolais
(RPT), parti unique, fut créé. Il anima seul la vie politique
togolaise durant deux décennies (1969-1990).
Quels ont été les partis créés
entre 1946 et 1967 ? Qu'est-ce qui faisait leur particularité et
quel bilan peut-on dresser de leurs actions ? Le multipartisme togolais
fut-il un échec au point que le parti unique apparaisse comme la seule
solution susceptible de ramener la paix et la sécurité dans le
pays ? Voilà les interrogations qui vont faire l'objet de notre
préoccupation dans cette partie. Il s'agira donc de présenter le
panorama de la situation politique entre 1946 et 1963 en passant en revue les
différentes formations politiques ainsi que le bilan de leurs actions et
d'aborder le processus qui a abouti à la création du parti unique
RPT.
Chapitre Premier :
EVOLUTION SOCIOPOLITIQUE
AU TOGO DE 1946 A 1967 : LA LUTTE POUR L'INDEPENDANCE ET LES PERIPETIES DE
L'INSTITUTION DE FAIT DU PARTI UNIQUE PUT
Le Togo a enregistré sur le plan politique durant la
période allant de 1946 à 1960, une diversité de partis
politiques avec dans leur agenda la lutte pour l'indépendance. Mais
dès les lendemains de cette indépendance, commencent par se
manifester des désirs unitaires afin de palier aux difficultés
constatées dans la lutte pour l'indépendance, de prévenir
les éventuels conflits liés aux sociétés
polyethniques et de favoriser l'intégration nationale et le
développement. On assista à l'apparition de la théorie de
l'intégration nationale basée sur le parti unique. Les manoeuvres
de concrétisation de cette théorie commencèrent en 1961
avec les élections du 9 avril 1961, elles se poursuivirent en 1962 par
la dissolution des partis politiques. En 1963, intervint le premier coup
d'Etat ; les partis furent autorisés à reprendre leurs
activités. En 1967, intervient le second coup d'Etat. Les partis
politiques vont être à nouveau dissouts.
Comment les partis politiques togolais ont-ils
été formés ? Quelle à été leur
contribution ? Quel bilan peut-on établir de ces partis ? Il
s'agira donc dans ce chapitre de voir le contexte de la naissance des
différents partis, leur évolution et les conséquences de
leurs actions.
1- Le paysage politique togolais de
1946 à 1967
De 1946 à 1960, deux courants d'essence conjoncturelle
se partagent la scène politique au Togo avec des partis politiques qui
apparaissaient comme les bras politiques des régions. Après les
élections de 1958, des violences politiques sur fond de méfiance
régionale opposèrent nationalistes et progressistes. Dans cette
atmosphère très tendu, le gouvernement de Sylvanus Olympio opta
pour le système du parti unique et créa le Parti de
l'unité togolaise (PUT) en 196111(*). En 1962, sur la base de la constitution de
196112(*), il dissout les
autres partis existants (UDPT et JUVENTO). Malgré cette initiative
l'instabilité perdura. Ainsi, elle servit de prétexte à
l'intervention d'une jointe militaire avec pour conséquence un coup
d'Etat. La situation qui vient d'être décrite est la somme des
actions des différents partis qui ont animé la vie politique au
Togo.
1.1- Les partis politiques au Togo
entre 1946 et 1967
Jusqu'en 1945 il n'existait pas de partis politiques au Togo.
C'est la conférence de Brazzaville (30 janvier-8 février 1944)
qui insista sur les progrès économiques et sociaux à mener
dans l'empire colonial français. La création de l'Union
française13(*),
à travers la Constitution de 1946, favorisa l'autonomie administrative
des colonies : elle garantissait l'accès des autochtones à
tous les emplois, et leur donnait une représentation politique plus
large. L'Union française avait évolué en Afrique noire
dans le sens d'une association plus lâche. Le Togo et le Cameroun
passèrent du statut de pays sous mandat à celui de territoires
sous-tutelle. Dès cet instant, la naissance des partis fut
favorisée et il se développa au Togo plusieurs partis politiques
représentant deux courants de pensée : Le courant dit
nationaliste et le courant dit progressiste.
1.1.1- Le courant dit
nationaliste
Le courant dit nationaliste était composé du
CUT14(*) et de la JUVENTO.
Il s'est illustré par ses prises de positions aux antipodes de la
volonté de l'administration coloniale.
1.1.1.1- Le Comité
de l'unité togolaise (CUT)
Ses principaux dirigeants furent Augustino de Souza
(président), Sylvanus Olympio (1er vice-président), Jonathan
Sanvi de Tové (Secrétaire Général) (Gayibor
1997 : 200).
Le CUT était à l'origine, une association
fondée le 13 mars 1941 par le haut commissaire français au Togo,
Lucien Montagné comme le stipule l'article 1 de l'arrêté
n°131 bis du 13 mars 1941 : « Il est créé
dans le territoire du Togo sous tutelle administrée par la France une
association qui se dénomme Comité de l'unité
togolaise ».
L'objectif de cette association était de
« contrecarrer les activités des nostalgiques de la
période allemande qui s'agitaient pour réclamer le retour de
l'ancienne puissance colonisatrice » (Yagla 1978 : 66), de
« resserrer les liens entre les habitants du Togo et de
rechercher les moyens à assurer la collaboration franche et totale avec
la puissance mandataire en vu du progrès et du bien être
matériel et moral des Togolais »15(*) (Ajavon 1989 : 21).
Sa composition reflétait cette volonté de
raffermir les liens de fraternité entre Togolais car on y retrouvait des
personnalités originaires de toutes les régions du pays. Mais le
26 avril 1946 à l'occasion du renouvellement de son bureau au
congrès de Kpalimé, le CUT changea d'orientation pour devenir un
parti politique. Le nouveau bureau formé ne comptait aucune
personnalité de la région septentrionale (Batchana 2008 :
282). Ces derniers se sentirent exclus de fait16(*). Le CUT inscrit à son nouveau programme les
revendications des peuples éwé notamment leur
réunification et la création d'un Etat éwé. Le CUT
prenait alors un caractère irrédentiste. Cette option de la
question éwé qui frise la sécession constitua la
spécificité de la lutte pour l'indépendance du Togo. Cette
particularité a donné une connotation ethnique à la
revendication de l'indépendance prônée par le CUT.
Devant l'inévidence de cette réunification, le
mouvement pan-éwé se transforma en mouvement pan-togolais et
devint le porte étendard de la revendication de l'indépendance
immédiate du Togo. Batchana (2008 : 259) qualifie le CUT d'une
« association pro-française rebelle » pour
ainsi résumer le parcours de ce parti qui tomba en disgrâce
dès lors qu'il avait osé affronter les intérêts
coloniaux. La raison de cette farouche opposition est tout aussi
réaliste : la politique menée en Afrique par les puissances
occidentales qui a consisté à exploiter les colonies pour leurs
besoins de développement. Pour les leaders de ce parti, les
européens restés maîtres du pays depuis plus de trois
générations n'ont accordé aucun intérêt
à l'Afrique et précisément au Togo. Ainsi, sont-ils
responsables des maux dont souffre le continent. Leur départ
était alors synonyme de la fin de ces maux. Le CUT entretenait un
concubinage de raison avec la JUVENTO. Après la victoire de leur
coalition aux élections du 27 avril 1958 le tandem CUT-JUVENTO se
disloqua devant l'autoritarisme CUT et sa volonté de l'inféoder
en dépit des recommandations du 8è congrès de la
JUVENTO17(*) sur les
modalités de création d'un parti unique.
1.1.1.2- La
JUVENTO
D'un nationalisme inouï et intransigeant, la JUVENTO, un
mouvement de la jeunesse et allié du CUT était une aile marchante
du courant nationaliste, créée le 25 septembre 1951 par Messan
Aithson (Gayibor 1997 : 202). La JUVENTO a le mérite d'avoir
posé en terme clair la problématique de
l'autodétermination et s'est distingué par « des
positions extrêmes un peu gauchistes volontiers
marxistes »18(*) (Menthon 1993 : 20). Ses principaux dirigeants
furent Messan Aithson, Ben Apalo, maître Anani Santos, Firmin Abalo,
Boniface Dovi, François Amorin.
1.1.2- Courant dit progressiste
Le courant progressiste était soupçonné
d'être en connivence avec l'autorité coloniale et d'être
discrètement appuyé par celle-ci. Il regroupait le PTP et
l'UCPN19(*).
1.1.2.1-Le Parti togolais
du progrès (PTP)
Crée le 09 avril 1946 sur l'initiative de la France, le
PTP était en majorité sinon en totalité composé
d'agents de l'administration publique. Son but principal était
de :
« Resserrer les liens entre les habitants du
Togo et de rechercher les moyens propres à assurer la collaboration
franche et loyale avec la puissance mandataire en vue du progrès et du
bien être matériel et moral des Togolais. » (Ajavon
1989 : 21).
Il combat dans ses activités le mouvement pan
éwé qu'il accuse de tribalisme, d'égoïsme,
d'être au service des intérêts britanniques et surtout
d'être contre la présence française au Togo. Contrairement
au CUT, le PTP s'oppose à l'indépendance immédiate et
souhaite une autonomie dans l'union française. Ainsi s'oppose-t-il
idéologiquement au CUT. Le parti affirmait sans ambages sa
fidélité à la France sans toutefois faire
l'économie des critiques : dénonciation de scandale par la
presse, plaintes contre la différence de salaire entre Blancs et Noirs,
hausse du prix des produits importés bref tous les excès de
l'administration. Ainsi le journal le progrès20(*) écrivait :
« Nous préférons que notre pays
continue à se confier à la France plutôt qu'au brigandage
de quelques compères. Dans un cas, nous parfaisons notre maturité
pour devenir rapidement maître de nos destinées, dans l'autre nous
sommes secoués par un bouleversement dangereux. Nous demandons
simplement que la France reste jusqu'à terme, rapide, de son mandat
parce que la France est déjà chez nous et fait un travail que
nous voulons voir achever au bénéfice du pays tout
entier. » (Batchana 2008 : 265).
Les ténors du PTP furent Pedro Olympio
(président), John Atayi, (1er vice président) Nicolas Grunitzky
(secrétaire général). (Menthon 1993 : 21).
1.1.2.2- L'Union des chefs
et populations du nord (UCPN)
L'autre parti progressiste était l'Union des chefs et
populations du nord (UCPN). Créé le 02 juillet 1951, il
regroupait tous les chefs supérieurs, les chefs de canton et de village
ainsi que les intellectuels du nord-Togo tels que Derman Ayeva, Maman Fousseni,
Djobo Palanga, Martel Agba, Albert Kpatcha, Valentin Blakimé, Antoine
Méatchi, Baguilma Ywassa, Mateyendi Sambieni. A l'origine le parti
était une association à caractère social avec pour
dénomination « Fraternité togolaise union des chefs
du nord »21(*). Très vite, face au séparatisme du CUT,
l'association devint un parti politique en 1951 (Danioue 1994 : 123).
Pourquoi un parti à caractère clairement
régionaliste peut-on être amené à se demander. En
concentrant sa clientèle dans le nord, la composition de l'UCPN
était en contraction avec les normes en matière de formation de
parti politique et de ce point apparaissait plus comme un lobi. Devant la
revendication de l'unification des éwé incarnée par le
CUT, l'UCPN apparaît comme l'affirmation de l'identité du Nord
(Bograh 2003 : 40). A ceci, peut s'ajouter le retard de
développement qui caractérise cette région du pays. Ainsi,
les raisons qui justifient l'existence de ce parti sont à la fois
politiques et socio économiques. Babaka Birrégah chef
supérieur des Nawdba déclarait à une réunion du
parti à Dapaong le 30 novembre 1953 :
« Je prie le parti de faire connaître
à l'administration française ce qui nous intéresse :
la construction de bâtiments modernes pour améliorer notre
standard de vie économique et entreprendre aussi des travaux utilitaires
dans nos régions comme ceux qui sont faits au
sud »22(*).
La création de l'UCPN serait aussi le désir de
la prise en compte des intérêts des populations du nord. Ainsi,
l'UCPN dépassait de loin le contexte de la décolonisation et
posait un autre problème : celui de la gestion du pays après
l'indépendance c'est-à-dire l'équilibre social et
politique entre les différents groupes sociaux. Elle exprima la peur de
se sentir lésé ou relégué à un
arrière plan dans le partage du patrimoine national. Pour les
populations ressortissantes du nord, l'indépendance immédiate ne
devait pas être une libération comme ils la souhaitaient, mais
plutôt un changement de maîtres qui cette fois-ci seraient leurs
propres frères. Ce fut donc pour eux une double lutte : d'abord
pour l'indépendance et ensuite pour une prise en compte de leurs
intérêts (participation active à la vie politique,
développement de leur milieu). Après l'indépendance,
l'histoire semble leur donner raison. En effet le CUT au pouvoir, s'illustra
par la mise à l'écart de la gestion des affaires publiques
nationales des peuples non éwé ou alliés à
eux ; dès lors en coalition avec le PTP ils incarnèrent
l'opposition à la fois politique et tribale des communautés du
nord qui s'estimèrent exclus du développement économique
et social.
1.1.2.3- Le Mouvement
populaire togolais (MPT)23(*)
Il a été créé en 1954 et ses les
leaders furent Pedro Olympio, John Atayi, Samuel Aquereburu, André
Akakpo. Ce mouvement a eu moins d'écho que les autres avec qui il
faisait et défaisait les alliances.
Ces différents partis présentés ci-dessus
ont été les principaux acteurs qui ont animé la vie
politique au Togo avant l'indépendance et peu après.
Malgré leur diversité on assistait en fait à une
bipolarisation de la vie politique (Gayibor 1997 : 174) avec d'une part la
coalition CUT-JUVENTO et d'autre part le tandem PTP-UCPN. Ils avaient aussi au
delà de leurs divergences des traits communs : ils sont d'essence
conjoncturelle, ont une assise régionale qui assurait la
stabilité et la précision de leur électorat et n'avaient
ni programme précis ni doctrine définitive24(*).
1.2- Les élections et les
rivalités politiques de 1946 à 1963 : division,
règlement de compte, régionalisme
Les différentes coalitions de partis politiques
étaient par essence opposées. Les différents scrutins
électoraux qui meublèrent cette période,
constituèrent des occasions pour en découdre les unes avec les
autres avec pour conséquences, des violences paradoxalement entretenues
par les vainqueurs.
1.2.1- Violences électorales
et contestations
Les élections dans leur ensemble ont donné lieu
à des scènes d'euphorie générale de la part des
vainqueurs mais aussi et surtout à des débordements
déplorables et des exactions qui ont consisté à brimer les
soi-disant opposants au camp victorieux. Cette euphorie se traduisit
également par des violences politiques et des règlements de
comptes souvent sanglants.
Les partis politiques ont animé les différents
scrutins. En 1946, le CUT avait remporté toutes les élections que
ce soit pour le renouvellement de l'Assemblée législative, au
Conseil de la République française, ou à
l'Assemblée française. De 1951 à 1958 la victoire
s'inversa au profit du courant progressiste (Toulabor 1986 : 19). Le CUT
boycotta toutes les élections notamment en 1951 lors du renouvellement
de l'Assemblée territoriale et en octobre 1956 lors du
référendum sur l'autonomie. Il dénonçait aussi par
les boycotts, les conditions dans lesquelles se faisait l'organisation de ces
élections (Gayibor 1997 : 214). En réponse à toutes
ces contestations, les militants CUT furent victimes d'intimidations.
En effet, la politique de répression
systématique était la solution aux contestations pour fraudes
électorales, manipulations des listes et des cartes électorales
entre 1951 et 1957. Les évènements de Vogan le 23 août
1951, les arrestations de militants nationalistes, la suppression de bourses
aux étudiants, les martyrs de Pya après le passage de la mission
onusienne furent enregistrés au cours de la même période
(Gayibor 1997 : 211). Les Togolais impliqués dans ces violences
étaient-ils maîtres de leurs actes ? Etaient-ils que des
exécutants soumis à une obéissance
irraisonnée ? Etant dit que nous somme encore dans le contexte de
l'époque coloniale, il se posait la question de la responsabilité
de l'autorité coloniale d'abord dans l'organisation des élections
puis dans la gestion des contentieux y afférent. Dès lors que les
élections présentaient un enjeu qui l'affectait notamment son
départ, il jouait le rôle d'arbitre impartial (Amah 2010 :
56). On pourrait donc conclure à l'entière responsabilité
de l'administration coloniale dans les violences qui ont suivi les
élections. Le soutien de l'autorité coloniale à la
création de certains partis fut un moyen de diviser le peuple pour mieux
régner ; les élections en furent un autre moyen de plus. Les
élections, enjeu pour les intérêts coloniaux avaient servi
à diviser davantage les populations. Les victimes de ces
répressions vont garder rancunes et se venger le moment venu.
En 1958, le CUT et son allié remportèrent 32 des
46 sièges à pourvoir pour le compte de la chambre des
députés. De 1958 et 1963 les heurts et
échauffourées violents opposant partisans nationalistes et
progressistes se feront de plus en plus quotidiennement.
1.2.2- L'intérêt
régional au centre des rivalités entre nationalistes et
progressistes
Les Togolais ne se sont pas divisés sur la question de
l'indépendance ; mais plutôt sur la démarche à
suivre. Les progressistes voulaient atteindre l'indépendance en suivant
les étapes selon le souhait de la France alors que les nationalistes
réclamaient l'indépendance sur-le-champ (Gayibor 1997 :
190). Ceux qui ont choisi la collaboration sont-il moins nationaliste? Pas
vraiment ; peut-être étaient-ils conscients qu'il faille
éviter une rupture brutale avec la France ou étaient ils
méfiants ou craintifs vis-à-vis du CUT et de ses visées
tribalistes.
L'UCPN et le PTP se sont alliés à la France.
Pour eux, contrairement au CUT qui voulait que l'indépendance politique
précède l'indépendance économique, il fallait que
l'indépendance économique précède
l'indépendance politique. C'est pourquoi R. Ajavon déclarait
devant la commission de l'ONU au Togo :
« Nous n'avons pas manqué de dire enfin
que dans un pays neuf, l'indépendance économique doit
nécessairement précéder l'évolution politique.
[...]. Sans doute, nous prenons peu à peu conscience de notre
personnalité. Mais, cette personnalité ne pourra
s'épanouir et s'affirmer que lorsqu'elle aura été
suffisamment fécondée par des efforts de la civilisation
occidentale [...] C'est pourquoi, il ne serait pas raisonnable de concevoir
notre indépendance en dehors du cadre de l'union
française. »25(*)
Mais l'attitude des progressistes relèverait aussi d'un
calcul politique : retarder l'indépendance et
bénéficier des efforts de développement afin de
réduire le déséquilibre en la matière entre les
différentes parties du territoire. Cette opposition de l'UCPN et du PTP
a eu le mérite d'avoir amené la France qui voulait continuer
à bénéficier du soutien de ces derniers à
entreprendre en 1951 un programme de développement économique et
social dénommé FIDES26(*). Ce programme a permis la réalisation de
nombreuses infrastructures notamment, les axes routiers, les ponts, les
écoles et collèges d'enseignement général, les
dispensaires, des barrages et une mise en valeur rationnelle des terres au
bénéfice du pays. D'autre part la collaboration a permis
d'adoucir un temps soit peu la réaction de la France et d'éviter
un bain de sang comme ce fut le cas en Algérie. Les progressistes ont,
permis par le biais du chantage qu'ils faisaient à l'autorité
coloniale, d'obtenir de lui certaines exigences que rien ne pouvait lui faire
lâcher (Gayibor 1997 : 206). C'est l'exemple de la République
autonome.
Les violences que nous venons d'évoquer ainsi que les
considérations partisanes laissaient voir qu'il y avait un manque
d'unité nationale préjudiciable au développement du Togo.
Les autorités imputaient la responsabilité de ce déficit
en unité nationale à la diversité des partis politiques,
c'est pourquoi ils envisagèrent le parti unique comme tremplin.
1.2.3- Les élections du 9
avril 1961, une tentative d'institution du parti unique au Togo
Bien avant l'indépendance du Togo le 27 avril 1960, les
tenants du pouvoir ont été tentés par l'expérience
unitaire. La JUVENTO exprima ce désir lors de son 8e Congrès tenu
à Bè les 9 et 10 avril 1960. Les leaders de ce mouvement
estimaient que :
« L'unité doit se réaliser en vue
de travailler à bâtir ce pays. Notre jeune nation n'a pas de
capitaux et doit compter essentiellement sur les bras de ses citoyens pour
assurer son développement. C'est le self-help auquel nous sommes tous
acquis. On conçoit bien que sans cette unité aucun investissement
humain n'est possible »27(*)
Plusieurs raisons furent évoquées pour justifier
cette volonté dont la situation économique du Togo
caractérisée par le sous-développement, la pénurie
de l'élite politique, l'inadéquation du multipartisme pour le
Togo à cause de la diversité ethnique (Batoumaena 2008 :
19). Les congressistes estimaient qu'une fois l'indépendance acquise,
« la formation de plusieurs partis politiques ne pourra provenir
que de lutte de personnes ou de tribalisme... »28(*). Bien plus, le multipartisme
compromettrait à terme l'indépendance du Togo car :
« L'existence d'une opposition dans les pays neufs incite leurs
gouvernements à chercher un appui à
l'extérieur »29(*). À l'issue de ce congrès, plusieurs
pistes furent explorées pour la réalisation du parti unique.
Parmi ces pistes, l'unité d'action ou le comité d'action,
l'intégration individuelle ou collective négociée ou
encore la fusion-création.
Le CUT avait les mêmes ambitions pour le parti unique.
Lors de son Congrès des 21 et 22 janvier 1961 tenu à
Atakpamé30(*), il
devint le PUT et reprit les recommandations de la JUVENTO. La négation
de l'opposition devint une nécessité pour parvenir au parti
unique, le CUT envisagea de phagocyter son allié la JUVENTO (Batoumaena
2008 : 21). Le PUT opta donc pour un passage en force et les
élections du 09 avril 1961 en furent la consécration.
En effet, le 09 avril 1961, une triple élection
(Elections législatives, présidentielles et
référendum pour approbation d'une nouvelle constitution) fut
organisée. Mais finalement, seul le PUT participa à cette
consultation. Les autres partis (l'UDPT et la JUVENTO) ne purent surmonter les
nombreuses entraves mises par l'administration (Batoumaena 2008 : 57).
Leurs candidatures furent rejetées, le premier pour n'avoir pas
respecté les délais de rigueur (Toulabor 1986 : 22) et le
second pour « non respect des pièces devant être
jointes à la déclaration » (Wiyao 1997 : 57). Ce
fut donc sans grande surprise que la liste du PUT fut
plébiscitée. L'UDPT et la JUVENTO dénoncèrent la
mascarade. Pour eux, le PUT a « tordu le cou au principe de
l'alternance au pouvoir et usé des moyens
antidémocratiques » (Wiyao 1997 : 58). C. Toulabor
(1986 : 22) comparant la nouvelle constitution issue de cette
élection et la précédente (celle du 23 avril 1960) estime
que : « La nouvelle constitution du 9 avril 1961 s'inspire
de la conception très présidentialiste du pouvoir de Sylvanus
Olympio et institue un président aussi fort que celui des Etats-Unis, un
parlement aussi faible que celui de la Ve
République... ».
Mais au lendemain de ces élections remportées
par le PUT, se déchaînèrent tout comme en 1958, des
violences contre l'opposition (Toulabor 1986 : 22). Dans cette
atmosphère, le Président Sylvanus Olympio décida en 1962,
la dissolution de la JUVENTO et de l'UDPT31(*), consacrant le Parti de l'unité togolaise
(PUT) comme parti unique. Cette initiative fut écourtée par le
coup d'Etat du 13 janvier 1963 dont les meneurs estimaient que c'était
de l'autoritarisme (Agbobli 1999 : 22). Au demeurant un bilan peut
être dressé de l'action des différents partis.
2- Bilan de l'action politique au
Togo entre 1958 et 1963
La victoire des partis nationalistes au
référendum du 27 avril 1958, ouvrait de nouvelles perspectives
pour un développement désormais endogène centré sur
les réels intérêts de la nation en marche vers son destin
dans un élan d'enthousiasme et de dynamisme populaire. Qu'est-ce qui fut
fait du point de vue économique et politique ?
2.1- Bilan
socioéconomique
Sur le plan économique, on s'accorde à dire que
le premier régime au pouvoir au Togo a posé les jalons d'une
économie moderne et ambitieuse que ses successeurs continueront à
appliquer. Des efforts notables ont été enregistrés sur
divers plans.
2.1.1- Des efforts dans le domaine
socioéconomique
L'économie du Togo à l'époque où
celui-ci accéda à l'indépendance est
caractérisée par une forte dépendance de
l'extérieur. Comme dans tous les pays anciennement colonisés, le
budget était déficitaire et assujetti aux aides et subventions
extérieures. Economiste de formation, le Président Sylvanus
Olympio32(*)
s'était donné pour objectif de rendre autonome l'économie
du Togo. Ainsi des mesures d'austérité vont être prises.
Elles ont consisté à économiser en arrêtant les
augmentations des salaires des fonctionnaires ainsi que les avancements,
à supprimer les indemnités des chefs, à augmenter le
nombre d'heures de travail qui passe de 40 à 45 heures, à
décentraliser en chargeant les collectivités locales de
l'exécution de leurs décisions. Le résultat de ces mesures
sera l'atteinte de l'équilibre budgétaire en 1960 (Menthon
1993 : 128). Cette politique ne manqua pas d'avoir de perverses
conséquences sociales.
Dans le domaine de la coopération internationale, il
était pratiqué une politique de la porte ouverte. Afin de
favoriser l'intégration sous-régionale, il prônait un
regroupement économique dans la sous-région ouest africaine.
Au cours de la présidence de Grunitzky33(*) de nombreuses infrastructures
ont été réalisées notamment la construction du
grand marché de Lomé, le bitumage de la route Anfoin - Tabligbo,
du tronçon Kpalimé - Atakpamé - Badou, l'adduction
supplémentaire d'eau à Lomé. L'Etat avait pris une
participation dans une usine de matière plastique qui devait s'ouvrir
à Lomé au mois de janvier. Ce projet qui couta 575 millions de
francs CFA devait rapporter 100 millions par an. Sa participation au capital de
la Compagnie togolaise des mines du Bénin (CTMB) était
passée de 2 à 20%34(*).
Plusieurs projets cependant : il s'agit de la
construction de nouvelles pistes à l'aéroport et au port de
Lomé dont la mise en service était prévue pour avril 1967,
l'allongement de la jetée jusqu'à 1.325 m pour permettre aux
bateaux d'accoster dès le mois d'avril de la même année,
l'agrandissement de la voie Aflao - Hillacodji et l'adduction d'eau à
Sokodé35(*).
En matière d'industrialisation les choses sont
davantage restées à l'étape des projets. Toutefois
quelques réalisations sont à relever.
2.1.2- Un début
d'urbanisation du pays
En 1958, Sylvanus Olympio avait obtenu un financement allemand
pour la construction d'un port. Sous sa présidence, l'usine textile de
Datcha fut implantée ainsi que la brasserie de Lomé. Une
pharmacie d'Etat fut également créée (Menthon 1993 :
131). Dans ses projets,
« Il compte aussi renforcer les principaux axes
routiers36(*) desservant
les pays limitrophes et remettre en valeur les installations ferroviaires
héritées des Allemands, construire un barrage
hydro-électrique mener divers projets agro-industriels et assurer un
socle d'équipements aéroportuaires, sanitaires, et
scolaires »37(*).
Il pensait également à une zone franche à
l'arrière du futur port. L'exploitation des phosphates avait
commencée depuis 1957.
En 1966 le gouvernement prévoyait l'installation d'une
cimenterie et d'une usine d'engrais phosphatés et de marais, des travaux
d'aménagement de la féculerie de Ganavé.
En 1965 le Produit intérieur brut (PIB) était
estimé à 37,1 milliards (estimation faite à partir des
données de 1962), le PIB par personne s'élevait à 21.900
et le budget primitif dégageait un excédent de 598 millions. La
production annuelle du phosphate était évaluée à
6.300 tonnes38(*).
En somme, le gouvernement de Sylvanus Olympio (1960 - 1963),
à mis en place les conditions de gestion endogène de
l'économie en équilibrant le budget, en décentralisant, en
dotant le pays des structures économiques et en lançant les
actions économiques dans le secteur des infrastructures, de
l'agriculture, de l'industrie, de la consommation. Celui du Président
Nicolas Grunitzky, tout en ayant à coeur de décrisper le climat
politique, a poursuivi l'oeuvre économique entreprise auparavant en
exécutant certaines actions économiques initiées par son
prédécesseur. Des efforts avaient été faits pour
assurer au Togo un avenir économique meilleur mais ils furent
insuffisants par rapport aux besoins des populations qui espéraient
mieux. Non seulement ils furent insuffisants, ils furent aussi
inégalement répartis sur le territoire national où la
partie méridionale apparaît nettement privilégiée au
détriment de la région septentrionale. Ce qui fut une cause de
frustration des populations ressortissantes qui y voyait une façon de
les marginaliser. Et pire, ces efforts de développement furent
sapés par l'atmosphère politique
2.2- Bilan politique : la
goutte d'eau qui déborda le vase
Sur le plan politique le bilan est froid. Le climat politique
se caractérisa par des violences et une détérioration du
tissu social. Les antagonismes des luttes pour l'indépendance ont eu des
conséquences fâcheuses au point que cette période auxquels
s'ajoutent les dérives du monopartisme (1969-1990), constituèrent
le terreau des violences des années 1990.
2.2.1- Les violences,
conséquences des antagonismes politiques
Les partis politiques de part les mobiles qui ont
présidé à leurs créations étaient
opposés. Leur composition laissa entrevoir de fait leur
« assise régionaliste »
(Tété-Adjalogo 2007 : 35) renforçant cette opposition
régionaliste qui trouve ses origines dans l'histoire
(Tété-Adjalogo 2007 : 42). Ce qui donna un caractère
régionaliste à toute action politique.
Entre 1958 et 1963 les incendies de maisons, les brimades, les
bastonnades, la destruction des biens : maisons palmerais, meubles,
plantations, les chasses aux sorcières, ont rythmé la vie des
populations (Toulabor 1986 : 20) Les arrestations et perquisitions
étaient devenus monnaie courante. Toute personne
soupçonnée d'entretenir des liens avec l'opposition, des fois
sans preuves suffisantes, pouvait être arrêtée même au
sein du camp nationaliste. Ce fut le cas de l'arrestation de Messan Aithson
ancien secrétaire de la JUVENTO. L'arrestation massive de deux cents
chefs traditionnels du PTP. Ce qui conduit plusieurs leaders politiques
à l'exil. Cette situation fut dénoncée par plusieurs
interpellations du gouvernement de Sylvanus Olympio.
Les violences dans leur ensemble ont été
orchestrées par les « ablorés sodja39(*) ». Ce terme
recouvre un amalgame de différents individus et comportements :
Véritable police politique, les ablorés sodja étaient
à l'origine chargés de la protection des leaders nationalistes.
Mais après le 27 avril 1958, ils se chargent de la répression des
adversaires politiques. Il y a aussi des individus zélés, des
partisans du CUT qui, naguère, ont souffert de l'oppression et qui n'ont
pas pardonné à leurs adversaires. Il y a enfin des individus peu
scrupuleux, opportunistes guidés par des objectifs propres (Gayibor
2005 : 669). « Là où les ablorés sodja
passent les personnes et leurs biens trépassent »
(Danioue 1994 : 168). Ils ont semé le désarroi parmi les
paisibles populations.
Leur mode opératoire consistait à s'attaquer aux
hommes et à leurs biens. Ce qui nous amène à penser qu'ils
étaient familiers aux milieux dans lesquels ils opéraient ou bien
qu'ils bénéficiaient de la complicité des autochtones. De
toutes les façons, ces violences ont porté un coup dur au
multipartisme togolais. Par son silence et au mieux la timidité de sa
réaction, l'autorité en place laissait entrevoir qu'il
n'était pas innocent. Ces violences posent le problème de
l'exercice du pouvoir que confèrent les victoires électorales.
2.2.2- La gestion du pouvoir entre
1958 et 1967
De manière générale, les victoires
électorales au lieu qu'elles soient considérées comme
celles du peuple togolais dans son ensemble étaient accaparées
par les partis politiques qui, dans l'exercice des responsabilités,
n'associaient pas les autres. Ce fait que nous évoquons n'est l'apanage
exclusif ni des progressistes ni des nationalistes. L'observation de la
composition des différents gouvernements qui se sont
succédé depuis l'autonomie en est une révélation.
Le gouvernement Grunitzky ne comptait aucun membre nationaliste c'est de
même que ceux de Sylvavus Olympio ne comprenaient pas de progressistes.
Ces derniers dans un cas ne sont pas invités au gouvernement. Dans
l'autre cas les présumés vainqueurs se sentant investi de tout
pouvoir, se livraient volontiers à des ignominies qui amputaient aux
supposés vaincus toute dignité humaine et tout désir de
collaborer. A ce propos Claude Feuillet (1991 : 90) écrivait :
« Entre 1956 et 1967, [...] Chaque fois qu'un parti remportait
les élections, son appareil laminait les vaincus, accaparait toutes les
places, éliminait parfois physiquement l'opposition ».
Cette situation est plus expressive au lendemain des
indépendances où les différents gouvernements ainsi que la
haute administration (ambassadeurs, directeurs etc.) s'illustrent par leur
composition monocolore aussi bien politique que tribale. Ils
révèlent une composition politiquement et tribalement
homogène40(*).
Cette situation a contribué à créer chez
les nordistes un complexe d'infériorité et chez leurs
frères du sud un complexe de supériorité et à
renforcer chez les premiers la conviction que les seconds cherchent à
confisquer le pouvoir. Le problème du Togo post-indépendant fut
donc non seulement de n'avoir pas associé des personnalités du
nord mais aussi de n'avoir pas associé les soit disant vaincus (UCPN et
PTP) à la gestion du nouvel Etat en se cachant derrière des
pratiques de pseudo-démocrates qui consisteraient pour le gagnant de
gérer tout seul afin d'éviter la paralysie de l'action
gouvernementale. Dans le contexte de la naissance des nouveaux Etats africains,
les gouvernements d'union nationale n'avaient-ils pas l'avantage de
fédérer les compétences des divers horizons ? Sur la
question, Danioue dans son analyse affirme que :
« L'absence de l'unité nationale ou
conscience nationale nécessitait une diligence des gouvernants au
partage du pouvoir politique avec toutes les sensibilités politiques
représentatives de la diversité régionale hors de toutes
considérations occidentalo-centriste d'exercice du
pouvoir. » (Danioue 1994 : 179)
Au-delà du fait de n'avoir associé ni l'UCPN ni
le PTP à l'exercice du pouvoir au lendemain de l'indépendance, la
volonté de monopolisation du pouvoir par le CUT aboutit à la
dislocation du front nationaliste et à la création du PUT parti
unique en 1961 qui cache au-delà des raisons évoquées
« l'autoritarisme des dirigeants togolais d'alors qui ne
voulaient rien partager une fois le pouvoir politique entre leurs mains et
refusaient toute forme de critique » (Bograh 2003 : 21).
Au lendemain de l'indépendance, le pouvoir politique
semble devenir l'enjeu des affrontements au Togo. Dans le souci de le
préserver, le régime en place évolua vers le
système présidentialiste qui avait pour avantage dans ce contexte
de préserver l'exécutif du contrôle parlementaire et de le
mettre à l'abri de toute critique et de toute action subversive des
députés. L'absence de contre pouvoir laissait libre cour au
gouvernement qui n'avait de compte à rendre à personne.
L'esprit dogmatique des leaders du CUT constitua un frein
à l'acceptation des besoins des autres formations politiques qui
réclamaient plus de justice sociale, gage d'intégration nationale
et de stabilité politique. Ainsi la mise en cause du pouvoir du
Président Sylvanus Olympio s'explique-t-elle par son incapacité
à traiter un problème politique né de la volonté
des uns et des autres de participer plus activement à la gestion des
affaires de l'Etat.
Cette volonté de préservation du pouvoir
à amener les partisans du gouvernement à réprimer toutes
contestations et restreindre l'exercice des libertés dont les
libertés d'association et de formation de parti politiques, participant
ainsi à la détérioration du climat social.
2.2.3- Un tissu social en
lambeau
Après avoir accusé la colonisation d'être
la source de tous les maux dont souffre l'Afrique, les partisans de
l'indépendance immédiate lors de la campagne électorale de
1958 avaient promis à leurs compatriotes une amélioration de
leurs conditions de vie : hausse du prix d'achat de leurs produits
(café, cacao) augmentation du pouvoir d'achat, du travail
rémunéré pour tous, la fin des traitements inhumains.
Bref, ils avaient fait croire à leurs compatriotes que la fin de la
colonisation devait correspondre avec la prospérité. Ce
n'était que de la démagogie et de la surenchère. Car, le
gouvernement arrêta les augmentations des salaires des fonctionnaires
ainsi que les avancements. Il supprima les indemnités des chefs, le
nombre d'heures de travail passa de 40 à 45 heures, procéda
à une décentralisation précoce. L'assurance
maternité fut supprimée, les conventions collectives
dénoncées, une taxe de 5% fut imposée aux planteurs.
Toutes ces mesures anti-sociales avaient rendu le climat social morose et
tendu. Les mesures d'austérité entraînèrent un
désenchantement total. A cela il faut ajouter la méfiance tribale
qui accélère le pourrissement du climat social.
« Dans le nord surgissent des conflits entre
chefs traditionnels et représentants du pouvoir qui, gens du sud se
comportent comme en territoire conquis le sud remplaçant le
colonisateur, européen, c'est la colonisation du nord par le sud par
l'entremise du CUT » (Danioue 1994 : 185).
Au lendemain des élections du 27 avril 1958, les chefs
traditionnels et animateurs de l'UCPN sont traqués et au pire des cas,
remplacés manu militari par des éléments favorables au
CUT41(*) ; ces chefs
traditionnels perdaient du coup leurs privilèges indemnités de
fonction entre autres. Le refus d'intégrer les démobilisés
de l'armée française qui étaient en majorité
originaires du nord fut assimilé à ces comportements
discriminatoires vis-à-vis du septentrion.
C'est dans ces conditions qu'intervint le premier coup d'Etat
le 13 janvier 1963. Une nouvelle équipe gouvernementale fut mise en
place marqué par le souci de la prise en compte de la diversité
politique, ethnique et régionale. Mais la volonté
hégémonique et les luttes de préséances des
personnalités politiques aboutissent à l'enlisement du
système bicéphale qui fut mis en place.
Au total, à la veille du 13 janvier 1967, le climat
social et politique laissait voir que les gouvernants d'alors entretenaient des
luttes partisanes qui n'avaient pour seul but que de satisfaire leur besoin
d'hégémonie et d'assouvir leurs intérêts personnels
et partisans. Les Togolais avaient alors connu une régression de leurs
conditions de vie se concrétisant par un ralentissement des
activités de production, part le chômage et l'exode massif des
populations vers l'extérieur, par l'amenuisement du niveau de vie, par
la misère.
La genèse du multipartisme et de démocratie au
Togo remonte à la période 1946-1960. Les deux courants et les
formations politiques qu'ils comptent virent le jour en fonctions des
nécessités de l'époque et occupèrent la
scène politique. Grâce à leurs actions multiformes, les
différents partis politiques ont conduit le Togo à
l'indépendance le 27 avril 1960. Après l'indépendance, ces
mêmes partis ont continué à animer avec les
difficultés que l'on connaît la vie politique du pays. La
formation de plusieurs partis sembla être le reflet d'une lutte tribale.
Il faut reconnaître que la revanche politique et le tribalisme ont
prévalu sur l'intérêt national et la libération du
peuple togolais. De tels agissements ont raidi l'enthousiasme de certains et
fait réapparaitre les antagonismes d'avant-indépendance. La lutte
pour l'indépendance apparut comme une rivalité entre le Sud et le
Nord ; les partis politiques étant devenus les bras politiques des
communautés ou de région. Cette lutte partisane fut un des
facteurs de l'éclatement de la nation en de petites unités
tribales. Elle fut aussi source d'actions préjudiciables aux droits
fondamentaux. L'institution du parti unique PUT accentua
l'insécurité donnant à l'armée une raison pour
intervenir sur la scène politique. Face à cette situation, la
solution au clivage politique, semblait passer par la dissolution de tous les
vieux partis impliqués une fois dans la lutte pour l'indépendance
et la création d'un nouveau parti unique, creuset de toutes les
tendances.
Chapitre Deuxième :
DISSOLUTION DES ANCIENS
PARTIS POLITIQUES ET NAISSANCE DU RASSEMBLEMENT DU PEUPLE TOGOLAIS (RPT), PARTI
UNIQUE (1967 - 1969)
Le coup d'Etat de 1963 avait mis fin au premier parti unique
et libéralisé les activités politiques. En 1967, tous les
partis accusés d'être à l'origine des divisions, ont
été dissous. En lieu et place il a été
créé un seul parti : le Rassemblement du peuple togolais
(RPT) avec pour principale mission de réaliser la cohésion
nationale, condition sine qua non de l'équilibre politique et
partant du développement économique du Togo. Comment a-t-il
été créé ? Et quelles implications cela a-t-il eu
sur la vie politique ?
Ce chapitre analyse le processus qui a conduit à la
naissance du RPT de même que sa structure et son organisation.
1- La dissolution des partis et
les raisons de l'institution du parti unique au Togo
Après moult hésitations et tractations, en 1969
l'armée qui avait pris le pouvoir évoque la même
théorie que ses prédécesseurs pour instituer un nouveau
parti unique : le RPT. Mais avant toute chose, il fallait passer par la
négation du multipartisme. Les auteurs du coup d'Etat du 13 janvier 1967
dissout les partis politiques.
1.1- La dissolution des partis
L'indépendance politique du Togo le 27 avril 1960 avait
suscité un espoir chez les populations togolaises heureuses d'avoir
recouvré leur liberté et leur dignité. Très
tôt cet espoir s'évanouit devant les difficultés de plus en
plus grandes dans lesquelles le Togo se trouva plongé.
En effet, le régime des partis entre 1946 et 1967 avait
été caractérisé par des luttes politiques
fratricides qui avaient fini par entraîner le Togo au bord du gouffre. Au
lendemain de la victoire du CUT aux élections de 1958, une
véritable chasse aux sorcières s'était
déclenchée contre tous les adversaires politiques ou
supposés ainsi. Le CUT avait entrepris de prendre sa revanche sur les
autres partis. Dans ce contexte surchauffé, un climat
d'insécurité général s'installa. K. M'Gboouna
déclare que :
« La tempête était
prévisible, car la nation angoissée et
désespérée se cherchait. C'est alors que le 13 janvier
1963, l'armée consciente de ses responsabilités intervient, sans
ambition politique, dans la vie de la Nation. Elle mit fin au système
existant pour qui l'intérêt personnel primait
l'intérêt général »42(*).
Ce premier coup d'Etat se justifie donc par le divorce entre
les dirigeants et le peuple.
Après ce coup d'Etat, un gouvernement dit d'union
nationale fut mis en place. Ainsi donc Grunitzky et Méatchi, un duo
éphémère (13 janvier 1963-13 janvier 1967) avaient
été rappelés de leur exil pour diriger les affaires du
pays. Ils formèrent un gouvernement d'union nationale
présidé par Grunitzky et avec pour vice-président
Méatchi. Pour Menthon (1993 : 141), ce gouvernement comptant six
(6) membres était empreint de « l'obsession de la
rivalité nord-sud ».
Mais ce gouvernement43(*) par ses faiblesses et par ses disputes
d'hégémonie a laissé reprendre les luttes intestines qui
sapèrent son autorité et entrainèrent une anarchie
remettant ainsi pour une nouvelle fois en cause l'évolution de la
société.
Une preuve supplémentaire était ainsi faite de
l'incapacité des partis à s'entendre pour assurer la gestion des
affaires dans l'intérêt du pays.
L'armée intervint de nouveau le 13 janvier 1967 pour
prendre les reines du pays au nom de la sauvegarde de l'unité nationale.
Les dirigeants étaient accusés de n'avoir pas pris en compte les
aspirations du peuple. Ainsi, pour les nouvelles autorités :
« Les anciennes formations politiques bien
qu'ayant entrevu la nécessité de l'unité nationale, comme
l'indique, soit leur dénomination, soit leur mot d'ordre, n'ont pas
malheureusement pu amorcer d'une manière sérieuse une
ébauche de solution efficace. Et bien que nombre de leurs responsables
et militants aient montré leur attachement et leur dévouement
à la cause de ce pays et demeure encore disponibles pour le
nécessaire combat à mener pour sa promotion, les anciens partis
politiques ont buté de manière évidente sur le
problème majeur de l'unité nationale »44(*)
Cette raison légitima aussi bien le deuxième
coup d'Etat que le choix du parti unique.
Après ce nouveau coup d'Etat, un Comité de
réconciliation national (CRN) fut mis en place dirigé par le
colonel Kleber Dadjo mais pour quelques mois. Le 14 avril de la même
année, trois mois plus tard, le Général Gnassingbé
Eyadema devenait le quatrième Président du Togo.
Dans ce contexte de crise marqué par une succession de
quatre présidences en moins d'une décennie, le nouveau
Président, dans le cadre de l'exercice des libertés publiques
décida par décret n° 67-111 du 13 mai 196745(*), l'interdiction de tous les
partis politiques existants ainsi que des regroupements affiliés. Il
leur était reproché de s'être formés en coterie et
d'avoir créé des divisions artificielles. Le système
multipartiste était accusé d'aggraver la scission entre le nord
et le sud.
Cette suppression fut bien accueillie par la population car
elle allait atténuer les rivalités existantes (Menthon
1993 : 151). Ainsi, la suppression des partis politique était
considérée comme une mesure d'assainissement.
1.2- Les raisons et avantages
officiels du choix du parti unique
Les raisons de l'institution de parti unique découlent
du contexte politique ci-dessus décrit.
A l'origine, le parti unique n'était pas du goût
du chef de l'Etat togolais Eyadema. Il déclarait à ce sujet en
mai 1967 que : « Je suis opposé fermement au parti
unique au Togo. Afin de favoriser la critique, il faut deux partis politiques.
Un seul parti n'est pas la démocratie. Car alors, l'opposition n'a
d'autre moyen pour s'exprimer que de comploter. »46(*)
Le 30 mai 1967, le Président par l'ordonnance
numéro 67-22 créa un comité constitutionnel47(*) chargé de
rédiger un projet de constitution qui sera présenté au
peuple. Les membres de ce comité furent nommés par ordonnance
numéro 67-202 du 06 octobre48(*). Mais ce projet ne connut aucun aboutissement
à cause de l'opposition qu'il avait suscité (Amah 2010 :
67). Le 12 janvier 1969, le Président annonça lors d'une
allocution49(*) à
la nation la reprise prochaine des activités politiques et renouvela son
désir de mettre en place une constitution. Ce message provoqua des
manifestations de protestation dans le pays. (Danioue 1994 : 227). Des
délégations des localités telles que Notsè,
Tabligbo, Bafilo, Vogan, Dapaong, Sokodé avec leurs chefs traditionnels
à leur tête furent reçues par le président.
Celles-ci marquèrent leur opposition à la libéralisation
de la vie politique et contre tout projet constitutionnel (Toulabor 1986 :
80). Le Président suspendit sa décision. A propos de ces
manifestations et de leur motif, R. Taton cité par E. Amah (2010 :
67) écrit :
« De telles manifestations peuvent être
naturellement considérées avec un certains scepticisme hors du
continent africain. Pourtant, tous les observateurs étrangers ont
constaté la ferveur et la sincérité de ces manifestations
générales, le chef de l'Etat jouit d'une popularité
considérable qu'explique son oeuvre de création d'une
unité nationale que les précédents régimes
n'avaient pas pu réussir. »
L'auteur n'a pas tort car Toulabor (1986 : 80) et Menthon
(1993 : 151) sont dubitatifs sur leur caractère spontané.
En réalité l'hostilité de certaines
populations à la libéralisation de la vie politique se justifie
par leur méfiance vis-à-vis du multipartisme au regard des
conséquences que celui-ci a engendrées pour elles. Et la
popularité du Général président s'explique par les
premières mesures qu'il a prises et qui ont abouti à un
apaisement général.
« En effet, il libéra les prisonniers
politiques, fit rentrer les exilés, bannit les méthodes de
répression, donna aux citoyens togolais le droit à une expression
libre et constructive, confia les postes de responsabilité politiques et
administratives et techniques aux Togolais sur la seule base de
l'efficacité et de la compétence sans tenir compte de leur
origine ethnique. »50(*)
Face à toutes ces mesures qui auguraient une nouvelle
ère et ajouter à cela la volonté politique des
autorités de réaliser l'unité nationale, l'on ressuscita
et adopta le parti unique51(*). Le Président lui-même
déclarera : « Mon but est de réaliser la
réconciliation nationale. Jusqu'à maintenant nous n'avons jamais
eu la paix. » (Toulabor 1986 : 86).
L'adoption du parti unique s'inscrit également dans la
lutte contre le néo-colonialisme caractérisée par le rejet
des valeurs occidentales, l'affirmation de la personnalité, de
l'authenticité africaine et de la dignité de l'homme noir. Elle
marque la volonté des Africains d'asseoir sur des bases saines leur
indépendance politique et économique débarrassées
de toute domination étrangère. Dans tous les domaines, l'objectif
a été de se rapprocher davantage des réalités
profondes de la société africaine. Il sera déclaré
dans le rapport politique, lors du deuxième congrès du
Rassemblement du peuple togolais tenu à Lama-Kara52(*) que : « Il
est en effet temps que l'Afrique trouve sa voie propre au développement.
Les modèles qui ont prévalu dans d'autres pays et qu'on nous a
tant vanté les mérites ont, après plusieurs
décennies, démontré au grand jour leur inadéquation
et leur inefficacité »53(*)
Et le rapport conclut qu'« A chaque peuple
d'inventer son mode de développement en tenant compte de son
authenticité et de sa spécificité. ».
Plus tôt, le chef de l'Etat togolais, dans son discours
à l'ouverture de la commission paritaire CEE-EAMA en 1973 à
Lomé, avait déclaré pour expliquer et justifier l'option
politique faite par le Togo que : « Le multipartisme
à l'européenne appliqué brutalement chez nous au lendemain
des indépendances nous avait conduit au bord du
gouffre »54(*)
Le cas du Togo qui vient d'être ici exposé n'est
pas une exception. De manière générale sur le plan
africain il se posait la question du type d'Etat à créer. Ainsi,
pour les dirigeants il s'agissait de créer un Etat fort afin d'aboutir
à de véritables nations. Les arguments évoqués par
les dirigeants pour imposer l'unicité de point de vue furent entre autre
la nécessité de construire l'unité nationale et d'assurer
le développement économique. Pour ces défenseurs, le parti
unique permet de surmonter les oppositions existantes et de réaliser
l'unité nationale. Le parti unique permet d'empêcher la division
du pays entre plusieurs partis politiques qui ont presque tous une base
ethnique ou régionale.
Le choix du parti unique fut diversement
apprécié. Beaucoup d'Africains et d'Européens avaient
condamné ce système au nom des règles à la
démocratie (Lavroff 1978 : 30). Pour J.-M. Denquin (2001 :
50), c'est un régime dictatorial qui vise à
« restaurer l'apolitisme transcendant de
jadis ».
Au Togo le choix du parti unique fut soutenu et
encouragé par des populations pour des raisons que nous connaissons
déjà. L'opposition à ce système ne fut pas
ouvertement proclamée à l'intérieur. Mais elle se
manifesta sous la forme de coup d'Etat visant le chef de l'Etat. Elle prit donc
la forme d'une prise de revanche visant à assassiner le chef de l'Etat
supposé être l'assassin du Président Sylvanus Olympio.
C'est ainsi que la plupart de ces tentatives de déstabilisation furent
attribuées aux partisans de se dernier.
Mais pour les autorités, le parti unique avait
plusieurs avantages55(*)
dont entre autres :
- créer l'union, la solidarité entre tous les
Togolais sans distinction d'origine, de religion, de sexe,
d'âge ;
- éteindre les discordes préexistantes du fait
de la colonisation et du multipartisme d'antan, facteur ayant paralysé
la marche du pays en avant. Cette union excluait obligatoirement le tribalisme,
le régionalisme, bref tout esprit de « clocher »
nuisible et préjudiciable à une action concertée et
collective indispensable au progrès de la collectivité
nationale ;
- il correspondait aux traditions africaines à base
communautaire et aussi parce que l'état de sous-développement
exige la mise en commun des ressources naturelles, humaines pour permettre le
décollage économique ;
- il correspond à la conception africaine du
pouvoir56(*).
De ce qui précède il ressortirait que le parti
unique était le meilleur moyen de lutte contre le régionalisme et
le reflexe ethnique. Il constituait de ce fait le ciment de l'unité
nationale.
Dès lors, pour renforcer les acquis de la nouvelle
politique entreprise depuis 1967 et vaincre le sous-développement et
tous ses maux, le Général Eyadema créa le Rassemblement du
peuple togolais (RPT).
2- Naissance du RPT
Deux étapes ont abouti à la naissance du
RPT : l'appel du 30 août et le congrès constitutif de
novembre 1969.
2.1- L'appel historique du 30
août 1969 à Kpalimé
« Nuti fafa nami »57(*). C'est par ce slogan que le
général Eyadema le 30 août 1969, lança l'appel
historique à Kpalimé. Cet appel allait s'avérer la pierre
angulaire de la construction nationale : mission du RPT. Cet
évènement inaugure pour le Togo une nouvelle politique et un
nouvel ordre. Le qualificatif « historique » utilisé
démontre à quel point cette date est une référence
dans l'histoire politique du Togo en général et du RPT en
particulier.
En effet, relevant l'importance de cette date lors du premier
congrès statutaire à Kpalimé, M. Koffi Koffi58(*), commissaire régionale
du RPT à Klouto dira que : « le 30 août est
pour les Togolais ce qu'est le 14 juillet pour les
Français ». De même Talim (2008 : 29)
rapprochant les conditions de création du RPT et du RPF59(*) écrit que :
« Le 30 août est comparable à ce que le 7 avril 1947
est pour les Français. »60(*)
Dans cet appel le Président invitait tout Togolais,
toutes les forces vives de la nation à se fondre dans un grand
mouvement. Il disait en substance : « Cette politique de
paix qui recueille votre unanime assentiment ne doit pas être une oeuvre
éphémère et fragile [...] Elle doit être
pérennisée dans un vaste mouvement, un regroupement
général qui puisse unir tous les fils du
pays. »61(*)
Le RPT devait-il être l'héritier des anciens
partis politiques ? Non le Président est formel sur la question et
relève les caractéristiques qui démarquent le RPT de ces
anciens partis :
« Il ne s'agira pas d'un parti où
triompheront comme jadis, la haine les règlements de comptes, les
divisions les luttes d'hégémonie, les intérêts
personnels, mais un seul et véritable creuset national où
viendront se fondre les forces véritables de ce pays à quelque
parti qu'elles aient appartenu. »62(*)
Poursuivant son discours, il précise quant aux
buts :
« Ce regroupement de tous les hommes de bonne
volonté, qu'ils soient nouveaux ou partisans devra oeuvrer pour une
reconversion totale des mentalités pour l'union et la solidarité
effective de tous les Togolais. Il sera le haut lieu d'un dialogue libre en
assurant la participation réelle de chaque citoyen à l'oeuvre de
paix politique et de restructuration fondamentale de notre
économie »63(*)
A l'issue de cet appel, des délégations se
succédèrent au palais présidentiel pour en
témoigner au Président leur soutien. Mais ces mobilisations
suscitent des interrogations quant à leur caractère volontaire et
spontané. Il n'est pas exclu qu'elles aient été
suscitées par les autorités pour justifier leur choix et donner
une impression de légitimité.
L'appel historique du 30 août venait ainsi de jeter les
bases du mouvement RPT64(*). Celui-ci sera porté sur les fonds baptismaux
lors du congrès constitutif.
2.2- Le congrès
constitutif
Environs trois mois après l'appel historique, les 28,
29 et 30 novembre eut lieu le congrès constitutif du RPT à
Lomé. A l'issue des travaux, le mouvement était formellement
constitué. L'appel historique du 30 août dont le congrès
constitutif est la suite logique, venait de se concrétiser pour
répondre au besoin de mobilisation de toutes les énergies, ainsi
que de toutes les ressources humaines et matérielles indispensables au
développement équilibré garant de progrès social
des populations (Debbasch 2004: 12). Le mouvement est doté de ses
statuts et structures sur le plan national dont un Bureau politique
composé comme l'indique le tableau qui ci-dessous.
Tableau n°1 :
Composition du Bureau politique du RPT au sortir du congrès constitutif
de novembre 1969
Postes à pourvoir
|
Noms et prénoms des élus
|
Président National
|
Général Etienne Eyadema
|
Secrétaire Général
|
Edouard Kodjo
|
1er Secrétaire Général Adjoint
|
Henri Dogo
|
2ème Secrétaire Général Adjoint
|
Jacques Togbé
|
Délégué aux affaires économiques
|
Jean Badassou
|
Délégué à la jeunesse et à la
culture
|
Dr Johnson Romuald
|
Délégué aux affaires sociales et
féminines
|
Dr Alexandre Nabédé
|
Délégué aux relations extérieures
|
Pr Valentin Vovor
|
Délégué à la presse et à la
propagande
|
Alphonse Kortho
|
Trésorier Général
|
Benoît Bedou
|
Trésorier Général Adjoint
|
Mme Eunuce Adabunu
|
Conseillers
|
Commandant James Assila
|
Mme Véronique Bitho
|
Mme Julie Bocco
|
M. Gervais Djondo
|
M. Mama Fousseni
|
M. Nanamale Gbegbeni
|
M. Amadou Guinguina
|
M. Joachim Hounlede
|
M. Barthelemy Lamboni
|
M. Benoît Malou
|
M. Jean Tevi
|
Source : Tableau conçu par
nous-mêmes à partir de la liste des membres du bureau politique
après le congrès, Togo-presse n°2222 du 2
décembre 1969.
A l'endroit de ces membres du Bureau politique, le
Président déclarera que :
« Chaque membre du bureau politique doit
être convaincu :
Que le peuple togolais en a assez du désordre et
aspire à la paix dans la réconciliation et dans le dialogue
sincère ; qu'il est jaloux de sa liberté, de sa
dignité et de son indépendance souvent bafouées par les
régimes antérieurs ; qu'il est horrifié devant la
pratique du népotisme, de la gabegie et du vol organisé des fonds
publics... »65(*)
Le congrès prit des résolutions qui allaient
marquer le cours de l'évolution de la politique du parti. Par exemple la
résolution n°3 convie tous les Togolais quels qu'ils soient,
indépendamment de leurs ethnies et de leurs antécédents
politiques à se mobiliser autour d'un mot d'ordre : union et
solidarité pour bâtir un Togo nouveau dans l'amour, la
fraternité et la justice. La résolution n°6 décline
la politique économique financière que le parti entend mener dans
le futur à savoir entre autres : repenser le problème de la
paysannerie, promouvoir la mise en valeur des terres par la politique des
grands travaux, étudier une restructuration agraire qui tienne compte
des exigences de développement, poursuivre l'industrialisation.
Le premier congrès statutaire du RPT eut lieu du 12 au
14 novembre 1971 à Kpalimé. Sa mission principale était de
décider des options politiques qui allaient désormais
régir la vie politique du Togo. A cette occasion, les congressistes
rejetèrent de nouveau l'idée d'une constitutionnalisation du
régime.
Comme l'indique son nom, le congrès constitutif fut
également l'occasion de donner une forme concrète au parti en le
dotant de textes organiques et de ses structures qui se profineront au fur et
à mesure de l'évolution du parti et des nouvelles exigences.
3- Structure et organisation du
RPT
Dans l'organisation du mouvement deux types d'organes se
dégagent : les organes centraux et les organes
décentralisés
3.1- Les organes centraux
Le Congrès, le Conseil national, le Comité
central et le Bureau politique constituent les quatre organes centraux.
3.1.1- Le Congrès
Selon les textes du parti, le Congrès est l'instance
suprême du mouvement et se compose des membres du Conseil national et des
délégués régionaux (article 19)66(*). Lui seul est habileté
à prononcer la dissolution du parti. Il se réunit ordinairement
tous les trois ans et extraordinairement sans délai pour approuver les
rapports des organes centraux mais cette règle n'a jamais
été respectée (Talim 2008 : 32).
3.1.2- Le Conseil national
Il se réunit annuellement pour traiter des questions
politiques et administratives du parti et faire des recommandations au bureau
politique. Il se compose des membres du Bureau politique, du gouvernement des
diplomates accrédités à l'étranger, des
délégués régionaux et des différentes ailes
marchantes et autorités militaires. C'est en fait un congrès en
miniature. Ses attributions sont de ce fait à peu près les
mêmes que ceux du congrès. Il statue sur les problèmes
urgents de la nation qui ne peuvent pas attendre jusqu'au congrès mais
qui ne méritent tout de même pas la convocation d'un
congrès extraordinaire.
3.1.3- Le Comité
central
Il correspond en terme mathématique au Bureau politique
+ gouvernement. Il est en quelque sorte l'organisateur ou le cerveau concepteur
du parti puisque c'est lui qui conçoit et oriente les activités
dans tous les domaines. Pour Talim (2008 : 36) il est
« l'Assemblée du parti ». Cette
qualification conviendrait plus au congrès qui délibère et
adopte les rapports, les comptes et élit les membres du bureau
politique.
3.1.4- Le Bureau politique
Selon l'article 30 des statuts du RPT, il est
« l'organe de direction et d'animation du mouvement. Il dirige et
contrôle la vie de la Nation sous tous les aspects politiques,
économiques, sociaux et culturels »67(*). Le comité central
conçoit mais c'est le Bureau politique qui exécute d'où le
nom d'organe exécutif que lui attribue Talim (2008 : 37). C'est le
seul organe central dont les membres font l'objet d'une élection.
3.2- Les organes
décentralisés
Ils reposent sur l'organisation administrative du territoire
et sont composés de comités régionaux, cantonaux, de
villages et de quartiers
3.2.1- Les Comités
régionaux
On les retrouve comme le nom l'indique dans les régions
ou circonscriptions administratives. C'est la plus haute institution
décentralisée du parti.
En théorie il est habileté à faire des
propositions ou suggestions au bureau politique mais il subit la loi de la
transcendance de la hiérarchie. Dès lors il se conforme à
la volonté supérieure.
3.2.2- Les Comités
cantonaux
Ils existent dans chaque canton et sont constitués de
délégués des villages constituant le dit canton. Le nombre
de délégués est proportionnel à la taille des
villages.
3.2.3- Les Comités de
villages
Dans chaque village il y a un comité de village
composé de trois (3) représentants par cellule de quartier.
3.2.4- Les Cellules de
quartiers
Dans chaque quartier il est constitué une cellule de
quartier avec à sa tête un bureau élu de trois (3) à
cinq (5) membres selon l'importance du quartier. La cellule de quartier est le
dernier organe du parti dans la hiérarchie.
Chacune de ses organisations de base est placée sous
l'autorité du responsable administratif de la dite localité qui
est un membre de droit, secondé d'un Secrétaire du RPT. Elles se
réunissent pour étudier toutes les questions qui leur sont
soumises par les organes supérieurs. Elles sont en théorie la
source des propositions mais dans les faits il s'est avéré
qu'elles ne sont là que pour obéir à la volonté
supérieure et donc mettre en application les décisions de
l'autorité centrale.
Chacun des différents comités fut dirigé
par un bureau avec qui, il entretient des relations horizontales. Les
comités entretiennent entre eux des relations basées sur la
hiérarchie tout comme les bureaux eux-mêmes. Voir l'organigramme
ci-dessous. Officiellement la communication est ascendante mais dans la
réalité elle a été verticale.
Organigramme structurel du
RPT
Congrès National tous les 3 ans
Conseil national
Bureau politique
Comité central (au moins 1 fois/trimestre)
Région (préfecture)
Canton
Village
Quartier
Bureau du village
Bureau régional
Bureau cantonal
Bureau de quartier
Cellule de quartier
Comité régional au moins 2 fois/an
Comité de village
Comité cantonal
Source : Organigramme établi par
nous à partir de la structure décrite dans le livre vert du RPT
En dehors de cette armature, le parti disposait de commissions
spécialisées.
3.3- Les commissions
spécialisées
Au total cinq (5) commissions ont été
installées (article 36) avec chacune à sa tête un membre du
Bureau politique, pour examiner et faire des propositions chacune en ce qui la
concerne des affaires relevant de sa compétence. Il s'agit de :
- la commission des affaires politiques et de la reforme
administrative ;
- la commission des affaires économiques ;
- la commission de l'éducation, de la jeunesse et de la
culture ;
- la commission des affaires sociales, syndicales et
féminines ;
- la commission de la propagande et de la presse.
Les membres de chacune de ces commissions font l'objet de
nominations par le Président de la République. Elles (les
commissions) sont en quelque sorte des services techniques chargés
d'étudier la viabilité de tous les projets ou de proposer tous
les moyens successibles d'aboutir à la réalisation des objectifs
du parti. Ils viennent ainsi en appui au comité central et au bureau
politique dans la conception et dans la réalisation des projets.
Dans la vulgarisation et la concrétisation des projets
propres à assurer les buts du parti, les associations affiliées
furent d'un poids incontournable.
3.4- Les associations
affiliées au RPT
Talim (2008 : 47-60) est assez prolixe sur la question de
l'historique de ces associations. Il s'agit de la Jeunesse du rassemblement du
peuple togolais (JRPT), de l'Union nationale des femmes du Togo (UNFT), de la
Confédération nationale des travailleurs du Togo (CNTT) et de
l'Union nationale des chefs traditionnels du Togo (UNCTT).
3.4.1- La Jeunesse du
rassemblement du peuple togolais (JRPT)
Portée sur les fonds baptismaux le 18 novembre 1972,
elle a été un cadre idéal de la jeunesse pour la formation
civique, la participation active et rationnelle aux diverses actions de
propagande politique, de développement et de promotion sociale et
culturelle du Togo. Pour les autorités, elle symbolisait l'espoir du
Togo nouveau. La JRPT avait pour objectif de fédérer et d'unir
toute la jeunesse. Ainsi en dehors de la présence de ses organes dans
les différentes entités territoriales du pays, ils vont aussi se
faire beaucoup présents dans les établissements scolaires et
centres de formation. Bref, partout où jeunesse est, JRPT y est. Elle
constitua donc par son dynamisme le fer de lance du parti.
3.4.2- L'Union nationale des
femmes du Togo (UNFT)
Elle fut fondée le 29 mars 1972 pour regrouper toutes
les femmes du Togo. A son actif on compte l'augmentation du taux de
scolarisation des jeunes filles, l'accès des femmes à toutes les
fonctions et à des postes de responsabilité. L'UNFT participa
à toutes les réunions et manifestations du RPT, à des
séminaires, colloques et conférences internationales. Exemple de
la Confédération mondiale des villes jumelées (FMVJ)
à Lomé en 1976. Elle oeuvra pour affranchir la femme togolaise
des pesanteurs sociales et culturelles, pour son émancipation et sa
participation effective à la vie publique. Son poids politique fut tout
aussi incontestable. L'UNFT fit parti du Conseil national. Plusieurs de ses
membres furent présents aux instances suprêmes du RPT tels le
Comité central et les commissions spécialisées. Tout comme
d'autres associations, elle était représentée dans les
commissions électorales.
3.4.3- La
Confédération nationale des travailleurs du Togo (CNTT)
La Confédération nationale des travailleurs du
Togo vise à mettre un terme à l'éparpillement et à
la division qui sévissait en matière syndicale dans le secteur du
travail. Elle s'illustra dans la formation et l'encadrement des travailleurs
par la mise en place des comités d'entreprise avec pour mission
d'enseigner les vertus essentielles de l'homme : l'efficacité dans
le travail, la conscience professionnelle, l'honnêteté, l'esprit
de camaraderie, la solidarité agissante, le sens de la justice. La CNTT
procéda à une réorganisation des syndicats de base et
installa des organes régionaux dans toutes les circonscriptions
administratives du pays, organisa des séminaires de formation. Elle fut
une école de formation idéologique, civique et d'éducation
des travailleurs.
Elle oeuvra à faire du syndicalisme togolais un organe
de soutien et de participation à la politique gouvernementale en
répudiant toute intervention étrangère ou
idéologique susceptible de nuire aux aspirations des masses laborieuses.
La CNTT avait voulu être à l'avant-garde de la révolution
économique.
Sur le plan politique, une confiance réciproque
s'établit entre les responsables politiques et les responsables
syndicaux. L'action de la CNTT avait pour but de permettre une information des
problèmes de l'heure portés qui devaient être portés
à la connaissance des travailleurs par le bureau fédéral.
Face à l'administration, accusée de se
désintéresser de la politique, la CNTT se devait également
de s'engager dans la conquête de celle-ci par la mobilisation pour sa
participation aux activités politiques.
Sur le plan social on assista à une réduction
des foyers de tension, la signature des accords de salaires ainsi que des
conventions collectives.
3.4.4- L'Union nationale des chefs
traditionnels du Togo (UNCTT)
Les chefs traditionnels ont pris une part active dans la vie
politique sous le RPT. Ils constituaient les antennes les plus fidèles
placées auprès des populations. En effet tout comme les
précédents régimes il s'agissait pour le parti de
s'attacher la loyauté des chefs traditionnelles. L'UNCTT mettait sa
sagesse au service des couches de base dont ils sont plus proches et son action
à travers chaque chef fut décisive dans la mobilisation des
masses.
Ces associations sont à caractère national mais
elles avaient des démembrements au niveau de chaque entité
territoriale. Voulues du pouvoir, elles révèlent sa
volonté de regrouper les différentes classes sociales afin de
faire converger les intérêts spécifiques à chacune
d'elles et les intérêts catégoriels pour les travailleurs.
Ces différents regroupements permettent en même temps un meilleur
contrôle par les autorités et un parfait conditionnement des
différentes catégories concernées. Les différentes
ailes marchantes furent de fidèles associés du pouvoir qui chaque
année tout comme le parti même recevaient de l'Etat une subvention
au titre de la contribution de l'Etat au budget de fonctionnement68(*). Ces subventions annuelles les
aliénaient davantage et faisaient d'elles des obligées du
pouvoir.
En fait, il s'est révélé qu'avec la
création du parti unique, il fallait des organisations de la
société civile toutes nouvelles. Toutes ses associations rentrent
dans la logique de la volonté d'unir, de maîtrise de la
société à travers ses différentes strates, et
d'enracinement du parti et de ses idéaux. Elles donnaient des gages au
pouvoir établi ainsi ont-elles participé efficacement à
l'enracinement des idéaux du parti et à l'expansion de la culture
politique qui a pris le pas, comme dans bien d'autres pays africains, sur les
autres activités. Celle-ci était nécessaire pour
l'édification de la nation togolaise; et la volonté d'y parvenir
fut si manifeste pour que l'on ne s'attendît pas à la
réalisation de l'unité togolaise, laquelle doit être
caractérisée par la reconversion des mentalités, le
travail pour et dans la liberté pour la patrie et dans la
fraternité synonyme du dépassement des barrières ethniques
et régionalistes.
3.5- Le RPT : un parti
doté d'une structure calquée sur celle du peuple
Le RPT à l'instar de bien d'autres partis uniques
africains a choisi une organisation de type pyramidal. A travers cette
structure ce parti traduit une volonté d'identification du parti au
peuple.
Le parti RPT dans le souci de réaliser l'unité
s'est voulu d'abord le parti du peuple tout entier pour pouvoir se confondre
réellement et intimement avec le peuple togolais dans sa
totalité. Il se voulait la structure de base du pays, et sa
véritable « colonne vertébrale », un
mouvement d'encadrement et d'animation des populations à tous les
niveaux. C'est ainsi qu'il se dota des ailes marchantes : JRPT, UNFTT,
CNTT, UNCTT et des associations des ressortissants69(*) de divers localités
pour relayer et dynamiser l'action du parti. Ces ailes marchantes avaient pour
rôle d'éveiller la conscience nationale des masses et des
élites par une éducation et une formation
appropriée70(*).
Ainsi, ont-elles contribué efficacement à l'enracinement de la
culture politique au Togo.
Le RPT se voulait un parti de masse dont le programme d'action
est conforme avec l'intérêt national. Tout citoyen togolais
était synonyme de membre du RPT. Dans l'intention que le parti soit
présent partout, il se dota de structures permettant de vivre la
réalité du peuple. Le RPT considéré comme parti du
peuple, devait tenir cette qualité non pas du fait que tous les citoyens
y adhéraient, mais plutôt du fait qu'il était sensé
percevoir et refléter les aspirations du peuple. Bien qu'étant un
parti unique, le RPT professait qu'il était un parti
démocratique71(*)
c'est-à-dire un gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple
comme il ressort de ce passage :
« A l'analyse de la situation togolaise, force
est de reconnaitre, qu'à l'heure actuelle, une seule formation politique
est souhaitable au Togo. Cela est conforme au principe d'Union et de
Solidarité nationale, et compatible avec la démocratie si, comme
nous le ferons, le RPT est le haut lieu d'un dialogue libre et
sincère. »72(*)
C'est pourquoi à travers sa structure, il se met en
contact avec le peuple de façon à percevoir et à traduire
ses aspirations les plus légitimes. L'existence de cellules de base
traduit la volonté d'établir un contact permanent avec la
population et de lui permettre de s'exprimer directement. Les comités du
RPT ont une base géographique (quartier, village, canton...) comme
l'indique l'organigramme structurel (page 50). A la base les cellules de
quartier devaient être choisies démocratiquement, de façon
à être l'émanation de la volonté de la population.
Les organes directeurs, au sommet, devaient à leur tour découler
des organes inférieurs de sorte que théoriquement, ils soient
représentatifs de la base. Mais on ne peut affirmer avec certitude ni
que toutes ces structures soient toujours en place ; ni qu'étant en
place, elles soient d'inspiration démocratique. Mais une chose est
claire ces structures reflètent la volonté des dirigeants que le
parti soit en constante liaison avec le peuple. Il était à
craindre que les organes directeurs ne se détachent de la base. Et dans
le souci d'associer la base aux décisions, un mécanisme de
courant ascendant a été établi mais qui malheureusement
n'a consisté pour les dirigeants qu'à tenir épisodiquement
des discours politiques dans le souci de politiser les masses. Les barons
retournaient chacun dans sa base pour vulgariser et faire valoir le bien
fondé des mesures prises afin de susciter l'adhésion populaire.
Le parti est à partir de ce moment devenu un instrument aux mains du
gouvernement et une administration chargée de transmettre les ordres du
gouvernement. Au départ il exprimait les aspirations du peuple ce qui
justifie les manifestations de soutien mais il s'est mis ensuite à vivre
une vie indépendante. La réalité première qui
était le peuple a cédé la place au parti. A ce moment le
peuple a vu ses désirs (aspirations) entravés par des
institutions déficientes et détournées de leurs buts par
quelques individus.
Après l'intervention militaire de 1963, la gestion des
affaires fut confiée à Nicolas Grunitzky et Antoine
Méatchi. Mais le pays fut à nouveau plongé dans une crise
de prééminence de personnes accentuée par les
rebondissements des acteurs politiques déchus par le coup d'Etat de
1963, entraînant un second, celui de 1967. Les nouveaux responsables
politiques à partir de 1967 décidèrent la dissolution des
partis politiques optèrent pour la solution du parti unique. Ce choix a
été considéré avec scepticisme par certains.
Malgré tout, on a constaté une certaine ferveur car celui-ci
s'était déclaré au service d'une cause qui le
légitime : l'unité nationale que les
précédents régimes n'avaient pu réussir.
Certes, cette option à reçu l'adhésion
d'une partie de la population mais il serait faux de croire qu'il ait fait
l'unanimité. Ceci justifie la quête de l'assise populaire et la
politique de réconciliation nationale que le parti a entrepris et qui
sont le reflet d'une certaine fragilité.
Les rivalités éminemment politiques et
régionalistes vont-ils pouvoir se dissoudre ou se fondre dans un seul et
même parti ? Le RPT va-t-il pouvoir fédérer toutes les
forces contradictoires du pays ? Le RPT va toujours clamer l'unité
nationale comme son cheval de bataille. Qu'en est-il de cette unité tout
au long de son existence ? C'est à ces questions que tente de
répondre la deuxième partie.
En somme la période de 1946 à 1969 a
été marquée par la naissance des partis politiques puis
par les premiers pas des Togolais sur le chemin de la démocratie. Elle a
aussi vu naître les démons de la haine et des règlements de
comptes dont les Togolais n'ont pas pu se débarrasser si tôt et
qui eurent des répercutions profondes sur la suite de l'histoire.
Les dirigeants étaient certes animés de bonne
volonté et plein de bonnes visions pour leur peuple si on
considère les discours73(*). Mais les comportements ont été entre
temps en total désaccord avec ces discours. Ceci est l'une des
réalités en politique : les actes et comportements ne
correspondent pas souvent aux discours.
La liberté au nom de laquelle et pour laquelle ils se
sont battus aux côtés de leur peuple fut compromise par les
violences.
Les violences politiques ont jeté d'une part un
discrédit sur le multipartisme en établissant l'équation
multipartisme = violences politiques. D'autre part, elles ont
légitimé le choix du parti unique comme la solution unique pour
mettre fin aux divisions et favoriser l'unité. Mais l'institution du
parti unique (le PUT) n'a pu mettre un terme à ces violences. Au
contraire, celles-ci furent exacerbées par les autorités qui en
panne de crédibilité cherchaient à consolider leur
pouvoir. En 1963 et 1967, deux coups de force intervinrent pour arrêter
ce qu'on considérait comme étant des dérives, sans pour
autant éloigner la tentation unitaire. En 1969 les gouvernants
optèrent à nouveau pour le parti unique et créèrent
le RPT. Le premier parti unique était apparu comme un moyen pour les
tenants du pouvoir d'alors d'assouvir leur désidérata politique
qui était de gérer le pouvoir sans partage. Qu'en fut-il du
second et d'ailleurs le plus connu ?
DEUXIEME PARTIE :
LE
PARTI RPT ET LA VIE POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE SOUS LE REGIME MONOLITHIQUE
(1969-1990)
Dès son arrivée au pouvoir, le
général Gnassingbé Eyadema fit de la réconciliation
nationale, de la stabilité et de la paix le triptyque sur lequel il
entendait fonder sa politique dite de nouvelle marche. Plusieurs actions sur
divers plans, notamment sur les plans politique avec la politique de
réconciliation nationale et socio-économique furent entreprises,
découlant des origines des maux dont souffre le Togo. Quel bilan peut-on
dresser de l'action du parti ? Les actions initiées ainsi que les
moyens utilisées eurent des implications sur la vie politique et
socioéconomique. Quelles furent ces implications ?
Il s'agit dans cette partie, d'étudier dans un premier
temps les divers moyens utilisés par le parti et dans un second temps
d'aborder son action quant aux enjeux de son époque. Il revient à
faire un bilan d'action du parti unique RPT dans le sens de l'unité
nationale et de ressortir les implications sur la vie politique
économique et sociale.
Chapitre Troisième :
LE RPT ET L'OEUVRE DE
CONSTRUCTION DE L'UNITE NATIONALE (1969-1990)
Le climat politique délétère qui
régna au Togo à la veille de 1967 avait compromis de facto la
paix et la cohésion nationale. Le peuple togolais aspirait
profondément à un nouveau style d'existence. C'est ainsi que le
Rassemblement du peuple togolais, dès sa création, a inscrit dans
son agenda ses préoccupations et édicter une politique dite de
Nouvelle Marche ou « New-Deal »74(*) définie comme
« une nouvelle manière d'aborder les problèmes
d'une mentalité positive ». Le RPT s'engagea dans la
réalisation de ses objectifs dont l'unité nationale est la
priorité des priorités. Faut-il le rappeler, la
réalisation de tout but ou objectif se fait en terme de moyens
c'est-à-dire de procédés ou mieux de techniques et
d'actions.
Dans ce chapitre, il s'agira donc pour nous de relever les
moyens mis en oeuvre sous le régime RPT pour triompher les causes de
l'institution de ce parti, puis de dresser un bilan de son action en faveur de
ces mêmes causes.
1- Les moyens mis en oeuvre pour
la construction de l'unité nationale
Réaliser l'unité nationale, c'est réunir
les parties de manière à former un tout organique. Pour
réaliser l'unité nationale au Togo, il a nécessité
plusieurs moyens que nous pouvons résumer en pratiques juridiques et en
pratiques politiques.
1.1- Les pratiques juridiques
Il faut entendre par moyens juridiques tout ce que
l'autorité a cru devoir prendre comme mesure assimilable au droit.
Ainsi, après le deuxième coup d'Etat, la première mesure
réglementaire tendant à réaliser l'unité fut la
dissolution et l'interdiction par décret présidentiel des partis
politiques. Le choix du monopartisme qui sera institutionnalisé par la
constitution de 1980 reste en lui-même le second moyen.
En effet le pays était resté dans un vide
juridique jusqu'en 1979, année où un référendum fut
organisé pour ratifier une constitution proposée par le RPT et
qui légalisait le parti unique. La diversité des partis
politiques était considérée par le pouvoir en place comme
néfaste à la cohésion comme l'indique les propos suivants
du général Eyadema : « Je me suis
demandé ce qui était à la base de la division de nos
populations ; c'étaient les partis politiques car il suffit que
deux frères de même père et de même mère
soient de partis différents pour qu'ils ne se parlent
pas »75(*).
A cela il faut ajouter la législation
électorale. Sous le parti unique les élections s'apparentent
à un référendum. Les électeurs sont appelés
à ratifier les choix du parti. En vertu de cette législation tout
candidat à une quelconque élection ou ce qu'on pouvait
désigner par tel devait être issu du parti76(*). En conséquence, le
Président Eyadema restait le seul candidat aux élections jusqu'en
1990. Par contre au niveau des législatives, à la
différence de la première législature (1980-1985), la
seconde législature (1985-1990) fut caractérisée par la
diversité de candidats mais tous issus du RPT (Amah 2010 : 81). Et
le Président de la République pouvait justifier cette option en
ces termes :
« C'est pour éviter de réveiller
le démon de la politique politicienne qui a failli engendrer la guerre
civile, que le parti, au premier stade de [l'expérience] parlementaire,
a cru bon de proposer lui-même des candidats pour être élus
députés [...] Compte tenu des résultats positifs de cette
expérience, et dans le souci de poursuivre le processus de
démocratisation amorcé, les candidats à l'occasion du
prochain renouvellement de l'Assemblée voleront de leurs propres
ailes » (Danioue 1994 : 256).
La concentration des pouvoirs fut aussi l'une des pratiques.
Au terme de la constitution de 198077(*), le chef de l'Etat détenait la totalité
du pouvoir exécutif. Il est tout ; il est le chef des armées
(article 16)78(*),
détenteur du pouvoir réglementaire (article 15) et du pouvoir
discrétionnaire de nomination (article 17) et chef du gouvernement
(article 20). Parlant de cette situation de concentration des pouvoirs en
Afrique, P-F. Gonidec, éminent analyste politicien écrit :
« Principium et fonds détenteur du pouvoir gouvernemental,
dont les ministres ne sont que les organes d'exécution, le
président de la République est le chef dans toute la
plénitude du terme. » (Gonidec 1971 : 270)
La centralisation s'opéra aussi au niveau de
l'administration du territoire. Les délégations spéciales
de circonscriptions et des délégations spéciales
municipales restèrent longtemps en vigueur après la dissolution
des conseils de circonscription ainsi que des conseils municipaux instaurer
sous la première République79(*).
L'ensemble de ces moyens juridiques favorisait la
stabilité dans la mesure où l'unicité des candidats aux
élections, d'ailleurs sans enjeux véritables, épargnait le
pays de contestations électorales sources de violences ouvertes et
d'instabilité. Toutefois, nous ne pouvons affirmer avec certitude que le
choix des candidats au sein du parti se faisait à l'unanimité et
donc qu'il n'y avait pas de contestations internes. La concentration des
pouvoirs quant à elle permettait au président de la
République d'user de tout son poids pour faire appliquer les mesures
d'intérêt national sans souffrir de blocage. Ainsi, elle
était-elle source de stabilité et aussi d'assurance d'une
pérennité au pouvoir. Par ces moyens le parti s'est
enraciné partout et pouvait réaliser sa politique d'unité
nationale.
Ces pratiques ont été complétées
par des pratiques politiques.
1.2- Les pratiques politiques
L'un des moyens politiques a consisté à
évoquer et à instrumentaliser l'histoire afin de dénoncer
les violences et le tribalisme sous toutes les formes. Ainsi les acteurs de la
vie politique entre 1958 et 1963 sont accusés de tribalistes comme
l'illustre cet extrait de discours du Président-fondateur du RPT, le
général Gnassingbé Eyadema prononcé à
l'ouverture du troisième congrès statutaire du RPT :
« Nous avons souvenance des efforts, des
privations, des sacrifices consentis par les uns et les autres pour que naisse
la Nation togolaise. Mais malheureusement, ce combat commun, qui aurait
dû rapprocher les hommes et unir le peuple, a été
très tôt détourné de son but, par une caste de
dirigeants privilégiés, avides de pouvoir pour le pouvoir, avait
vite fait de confisquer à son bénéfice exclusif le fruit
de l'effort commun. Ainsi, il s'installait contre la volonté du peuple,
une oligarchie de circonstance dont l'action était fatale à
l'unité nationale. »80(*)
L'exaltation du sentiment national par l'histoire devait
servir à sublimer le présent et constituer un ferment pour
l'unité nationale. Au delà de ce discours, c'est tous les
discours ou presque qui stigmatisent ce comportement chez les premiers
dirigeants du Togo indépendant. La dénonciation et la
condamnation du tribalisme devaient aboutir à un désaveu du
tribalisme et par ricochet magnifier le parti qui devait
bénéficier des effets bénéfiques du rejet de cette
vile attitude. La dénonciation et l'instrumentalisation visait aussi
à dissuader les populations de toute idée d'opposition ou de
contestation.
La dénonciation à outrance des complots de
déstabilisation, même les plus imaginaires, relève de la
même logique. L'idéologie officielle tendait à
présenter les opposants comme des ennemis à la nation, qui sont
contre l'unité nationale81(*).
Un autre procédé fut la dénonciation de
l'impérialisme et du néocolonialisme. Le 24 janvier 1974, sorti
indemne de l'accident d'avion à Sarakawa, le Président ne tarda
pas à trouver derrière cet évènement la main de
« la haute finance internationale ». Cette accusation n'est
ni aussi simple ni aussi gratuite. Tout à coup le peuple s'unit
derrière ses dirigeants pour condamner cet acte ignoble. Ainsi
l'anti-impérialisme, un des thèmes phares du RPT contribuait
à la recherche de l'unité nationale.
Le rejet du néocolonialisme s'est accompagné du
rejet de la culture exotique.
La politique de l'authenticité culturelle a
été mise à contribution dans la recherche de
l'unité. Elle consistait en l'affirmation de la culture togolaise dans
sa diversité car l'affirmation de sa culture propre est un
élément de prise de conscience, facteur d'unité et de
cohésion. Dans les faits, elle n'est pas allée plus loin que
l'abandon momentané des prénoms chrétiens et des habitudes
vestimentaires alors qu'elle devait mettre en lumière la vocation
culturelle propre à chaque région. Ce qui fait dire qu'elle n'a
été en réalité qu'une campagne de
déchristianisation des prénoms.
Tout parti assure la cohésion interne par une
idéologie82(*).
Dans le cas du RPT, parti unique togolais, quelle est son
idéologie ? Au RPT, on affirme ne pas avoir une idéologie
mais plutôt des idéaux83(*). A première vue, l'absence d'une
idéologie relève de la politique d'ouverture inaugurée
sous la première République et de la politique de non alignement
dans un monde que se partageaient les idéologies capitaliste, socialiste
et communiste afin de bénéficier en cas de besoin de l'aide
extérieur au développement. Mais ce refus de s'affubler
d'idéologie révélerait aussi une stratégie visant
à se débarrasser de tout ce qui pouvait être source de
diversion dans la mesure où le choix d'une idéologie
éloignerait de facto les adeptes de toute idéologie contraire.
L'absence d'une idéologie chez le RPT dénote d'une souplesse
d'une ouverture du parti unique togolais contrairement à ses pairs
africains.
Le contrôle de l'information fut un autre moyen. Ainsi
le pouvoir s'est assuré une bonne maîtrise du quatrième
pouvoir. Pour ce faire on assista à une restriction de la liberté
d'expression. La presse fut mise sous surveillance (Batchana 2008 : 346)
car :
« Les dissensions entre Togolais dues en grande
partie aux luttes stériles de la politique ont été
volontairement et soigneusement entretenues par les lettres et documents
anonymes distribués clandestinement dans le dessein de continuer par
dresser les citoyens, les collectivités et les groupements les uns
contre les autres et de maintenir la haine et les troubles dans notre
pays » (Batchana 2008 : 346).
Dès 1967, des dispositions avaient été
prises tendant à un meilleur contrôle du secteur de l'information
par exemple la déclaration des machines à écrire et
à reproduire les documents84(*).
Dans ces conditions, la presse privée et
indépendante disparu au profit de la presse nationale. Mais, cette
dernière fut mise au service du parti et de son chef et de son image de
marque (Batchana 2008 : 355). La politique qui présidait à
la fabrication et à la diffusion des organes de la presse togolaise,
pouvait se résumer en quelques mots : informer les Togolais des
orientations politiques nationales et des réalisations accomplies dans
les domaines économique, culturel et social, afin de les préparer
à la mobilisation et au militantisme au sein du RPT.
Le désir de contrôler l'information relève
du « souci permanent et de la volonté inébranlable
de conduire enfin le Togo à une véritable et sincère
réconciliation nationale »85(*). Le caractère
multinational des Etats africains en général et du Togo en
particulier nécessitait plutôt une politique favorisant la
cohésion nationale.
Tous ces moyens ont été accompagnés par
des actions concrètes.
2-/ Les actions en faveur de
l'unité nationale
La volonté du RPT d'unir tout le pays se manifesta par
plusieurs actions sur plusieurs plans, notamment politique (politique de
réconciliation nationale) et socioéconomique
(développement intégré et intégral).
2.1- Sur le plan politique :
la politique de réconciliation nationale et de
répartition des responsabilités politiques et administratives
La création du parti et même sa
dénomination et sa devise « union et solidarité-
servir » reflètent une volonté d'unir puisqu'il devait
constituer un « creuset national » où se
fondraient toutes les forces quelle que fut leur origine. Donc une sorte de
« melting pot » qui devait permettre une synergie
des efforts en vu du développement. Nul n'ignore que la cohésion
nationale d'un Etat est une condition sine qua non de son
équilibre politique, et partant, de son développement.
La volonté de réconciliation et d'union du parti
fut clamée dans son hymne86(*) qui fut adopté comme hymne nationale en
remplacement de « Terre de nos aïeux. »
Toujours dans le souci de lutter contre le régionalisme
et le tribalisme, il fut procédé à la répartition
des responsabilités politiques de manière équitable entre
le Nord et le Sud ainsi que la répartition
« proportionnelle » des membres du bureau politique du
parti et du comité centrale selon l'appartenance ethnique comme
l'indique les tableaux ci-dessous dont l'analyse montre la volonté
d'intégration nationale et de faire du parti un parti
transrégionale. Car dira un orateur :
« l'unité et la solidarité suppose le partage entre
les membres de la même communauté des devoirs, des obligations et
des richesses »87(*).
Au niveau de l'administration, on assista à un
« panachage administratif » (Danioue 1994 : 244),
c'est-à-dire que les postes de responsabilités (directeurs et
directeurs adjoints) étaient aussi partagés sur les mêmes
critères. Ainsi, les tableaux ci-dessous indiquent la répartition
des responsabilités politiques entre 1971 et 1990.
Tableaux n° 2 :
Composition des bureaux politiques du RPT de 1971 à 1976
Communauté d'appartenance
|
Région d'origine
|
Nombre de membres
|
Composition du bureau politique du RPT après son
premier congrès statutaire des 12, 13, 14 novembre 1971 à
Palimé selon l'appartenance tribale et régionale des
membres
|
Evhé = 3
Mina = 2
Kabyè = 4
Moba = 1
Ana = 1
Lamba = 1
Kotokoli = 1
Konkomba = 1
Kambolé = 1
|
Maritime = 4
Plateaux = 2
Centrale = 3
Kara = 5
Savanes = 1
|
Quinze (y compris le Président-Fondateur du RPT)
|
Composition du Bureau politique du RPT après son
deuxième congrès statutaire du 26 au 29 novembre 1976 à
Kara selon l'appartenance tribale et régionale des membres.
|
Evhé = 3
Mina = 2
Kabyè = 4
Kotokoli = 1
Bassar = 1
|
Maritime = 3
Plateaux = 1
Centrale = 2
Kara = 3
Savanes = 0
|
Neuf (y compris le Président-Fondateur du RPT)
|
Source : Tableau établi par nous
mêmes par combinaison des tableaux de Yagla (1978 : pp.191-193)
Tableaux n°3 :
Composition du comité central du RPT de 1971 à 1976
Communauté d'appartenance
|
Région d'origine
|
Nombre de membres
|
Composition du comité central du RPT à
l'issue de son premier congrès statutaire des 12, 13, 14 novembre 1971
à Kpalimé selon l'appartenance tribale et régionale des
membres
|
Evhé = 2
Mina = 12
Anhlo = 1
Kabyè = 11
Akposso = 1
Nawdéba = 2
Moba = 3
Ana = 1
Lamba = 2
Kotokoli = 2
Konkomba = 1
Kambolé = 1
Bassar = 1
Libanais = 1
Tchamba = 1
Tchokossi = 1
|
Maritime = 19
Plateaux = 3
Centrale = 6
Kara = 15
Savanes = 4
|
Quarante-huit (y compris les membres du bureau politique)
|
Composition du comité central du RPT
après son deuxième congrès statutaire du 26 au 29 novembre
1976 à Kara selon l'appartenance tribale et régionale des
ministres
|
Evhé =6
Mina =9
Kabyè =8
Nago =1
Nawdéba =2
Moba =1
Ana =2
Lamba =1
Kotokoli =3
Bassar =1
|
Maritime =11
Plateaux =5
Centrale =5
Kara =11
Savanes =2
|
Trente-quatre (y compris les membres du bureau politique et du
gouvernement)
|
Source : Tableau établi par nous
mêmes à partir d'une combinaison des tableaux de Yagla
(1978 : pp.192- 194)
Tableaux n° 4 :
Répartition des ministres des Gouvernements du Général
Eyadema de 1972 à 1990 selon l'appartenance tribale et régionale
des ministres
Communauté d'appartenance des
ministres
|
Région d'origine des ministres
|
Nombre de ministres
|
Gouvernement au lendemain du référendum
du 9 janvier 1972
|
Evhé =1
Mina =3
Kabyè =5
Kotokoli =1
Konkomba =1
Moba =1
Akposso =1
|
Maritime =4
Plateaux =1
Centrale =2
Kara =5
Savanes =1
|
Treize (inclus le chef de l'Etat, ministre de la défense
nationale)
|
Gouvernement à l'issue du 10ème
anniversaire de l'accession de militaires au pouvoir (1977)
|
Evhé =2
Mina =4
Kabyè =3
Lamba =3
Kotokoli =3
Nawdeba (Losso) =1
Nago =1
Ana =1
Bassar =1
|
Maritime =4
Plateaux =3
Centrale =2
Kara =5
Savanes =1
|
Quinze (inclus le chef de l'Etat, ministre de la défense
nationale)
|
Gouvernement de1978
|
Evhé =2
Mina =4
Kabyè =3
Lamba =1
Kotokoli =1
Nawdeba (Losso) =1
Nago =1
Ana =2
Bassar =1
|
Maritime =4
Plateaux =4
Centrale =2
Kara =5
Savanes =1
|
Dix-sept (inclus le chef de l'Etat, ministre de la défense
nationale)
|
Gouvernement du Général Eyadema en
1990
|
Evhé =4
Mina =4
Kabyè =2
Lamba =1
Kotokoli =2
Ana =1
Konkomba =1
Akposso =2
Peuhl =1
|
Maritime =4
Plateaux =4
Centrale =2
Kara =5
Savanes =1
|
Dix-huit (inclus le chef de l'Etat n'occupant plu de
portefeuille)
|
Source : Tableau établi par nous
mêmes à partir d'une combinaison des tableaux de Yagla
(1978 : pp.130- 132) et de nouvelle marche n° 3117 du 14
février 1990.
A l'analyse de ces tableaux, il ressort que le RPT se veut un
parti intégrateur, fédérateur. On y retrouve la
volonté de représenter comme une sorte de reproduction
photographique du peuple. L'équation parti = peuple était presque
admise. Le parti cherchait à s'enraciner dans chaque espace
géographique. Ainsi, donc les nominés étaient
sensés représenter leur ethnie et leur région. Cependant,
il n'est pas moins légitime de s'interroger sur l'efficacité
d'une telle pratique car il peut s'avérer un danger à vouloir
effectuer les nominations et les recrutements dans l'appareil politique et
administratif sur la base des critères régionalistes ou ethniques
car ceci revenait à chercher non pas un homme pour un poste mais
plutôt un poste pour un homme étant dit que celui-ci est
sensé représenté une sensibilité régionale
et ethnique. On aboutit dans ce cas à la création des postes
fictifs. Un autre inconvénient est que cette politique a fait des
privilégiés par le jeu de la cooptation et du clientélisme
(Danioue 1994 : 127). M. Mela88(*) estiment que cette répartition relève
de « la corruption et de l'achat de conscience ».
B. Budema89(*) va au
delà et pense que « le parti unique a fait des
privilégiés (les militants) ».
De ces différentes appréhensions, on peut
retenir que le recrutement du personnel politique et administratif aurait
créé une frustration chez les minorités et
créé des disparités entre les populations les unes pensant
que si telle région ou ethnie a plus de représentants dans les
institutions ou dans l'administration, c'est parce que c'est la région
ou l'ethnie d'origine du Président90(*). Ainsi cela aurait-il au contraire installé un
climat de méfiance et de suspicion entre les populations qui ont
commencé par se soupçonner de favoritisme. Ainsi le parti unique
en s'appuyant sur le critère ethnique dans le recrutement de
l'élite et dans l'allocation des ressources aurait reproduit les
contradictions et les conflits et régénéré les
réflexes identitaires qu'il entendait combattre.
Mais, il s'avère aussi que l'appartenance
régionale n'était pas le seul critère de nomination, le
degré de militantisme, la loyauté et la fidélité
étaient également déterminants dans les
nominations91(*).
La politique de répartition des responsabilités
politiques et administratives s'est accompagnée d'une politique de
réconciliation nationale qui a consisté à gracier les
condamnés à morts et à accorder une amnistie aux
détenus. Cette grâce présidentielle se manifestait souvent
à l'occasion des fêtes du 13 ou du 24 janvier. Le 23 janvier 1974,
il y eut une libération de détenus politiques et une amnistie
générale.
Les sensibilisations politiques pour la promotion de
l'unité et de la solidarité nationale étaient
organisées par les ailes marchantes. C'est l'exemple du séminaire
national de sensibilisation politique des conseillers d'orientation scolaire et
professionnelle tenu à Lomé du 4 au 6 mai 1981, du
séminaire de formation politique tenu à Lomé du 22 au 24
février, du symposium national du 10e anniversaire tenu à
Lomé du 21 au 23 octobre 1981.
2.2- Sur le plan
socio-économique
Si les actions et gestes politiques sont indispensables
à l'union, il est à noter qu'ils ne suffisent pas à eux
seuls à la réaliser. Conscient de cela et du fait que la paix (la
paix n'étant pas seulement l'absence de guerre mais aussi un état
intérieur et psychologique de bien-être social) est une condition
sine qua non de l'unité et vice versa, le RPT ne devait
ménager aucun effort pour entreprendre des réalisations
socio-économiques sur toute l'étendue du territoire. Il va
entreprendre une politique de développement équilibré
étant entendu que le déséquilibre de développement
entre les différentes régions du pays était
considéré comme un frein considérable à
l'unité. Partout on insista sur l'égalité des chances et
la justice sociale. Un orateur déclarera lors du symposium national du
10e anniversaire que : « L'unité c'est avant tout un
développement harmonieux. »92(*) Plusieurs réalisations
ont été faites dans différents domaines.
2.2.1- Développement des
infrastructures économiques et des services
Doter le pays d'infrastructures viables capables de contribuer
au développement national harmonieux a été l'un des
principaux objectifs. Ce secteur englobe plusieurs volets (énergie,
hydraulique villageoise, les infrastructures de transports routiers et
aériens, les infrastructures de télécommunication,
assainissement et voirie, adductions d'eau, tourisme, habitat et logement,
urbanisme, cadastre, cartographie, topographie). Les investissements acquis
pour ce secteur au cours des quatre plans quinquennaux sont allés en
crescendo. Au total, le secteur a bénéficié entre 1966 et
1985 d'un investissement de 249110,1 millions de FCFA (Voir le tableau n°6
p. 73).
Les infrastructures de transports routiers et aériens
furent les plus privilégiées. Celles-ci répondent plus
à un besoin économique mais participent davantage à la
consolidation de l'union étant dit qu'elles permettent le
désenclavement des régions et établissent des relations
communicationnelles entre ces dernières ainsi que leurs occupants. Ce
fait est important si l'on sait qu'il existait depuis l'époque coloniale
un certain complexe vis-à-vis du sud (ce complexe va savamment ou par
maladresse être accentué). En effet le sud était
considéré par les gens du nord comme le pays des Blancs
« samaa » chez les nawdeba par exemple. Donc les voies de
communication participent au décloisonnement du pays. C'est à
juste titre et pour lui conférer ce rôle unificateur que l'axe
Lomé-Dapaong, la Nationale n°1 a été baptisée
« la route de l'unité nationale »93(*)
Ce même désir de doter les différentes
parties du territoire des mêmes infrastructures conduit à la
construction de l'aéroport de Niamtougou. Entre temps le port autonome
de Lomé avait été inauguré en 1968. Tous les
chefs-lieux de préfectures furent équipés en eau et en
électricité. Ces infrastructures mises en place ça et
là avaient pour objectif d'assurer dans les mêmes conditions les
mêmes conforts de base et éviter ainsi l'exode rural. Elles ont
permis l'intégration de tout le territoire au circuit national.
2.2.2- Développement
rural
Le secteur du développement rural a été
un autre des secteurs ayant retenu l'attention des autorités. La place
de l'agriculture dans l'économie nationale (environ 30% du PNB) a fait
d'elle une priorité nationale. Plusieurs actions furent
réalisées dans ce domaine dont l'augmentation du prix d'achat aux
producteurs des principaux produits d'exportation (café, cacao,
coton).
Les structures de développement furent
créées et des institutions de recherche dans le domaine agricole
implantées (exemple de la création de l'école nationale
d'agriculture)94(*).
Le gouvernement lança en mars 1977, une politique dite
de révolution verte avec pour objectif l'autosuffisance alimentaire.
Pour faciliter toutes les opérations pouvant concourir au
développement de l'agriculture, de l'élevage, de l'artisanat et
de la pêche ainsi que pour faciliter la commercialisation des produits
provenant de ces activités, il fut créé la Caisse
nationale de crédit agricole (CNCA)95(*). Afin d'optimiser les rendements, le gouvernement
manifesta la volonté de moderniser le secteur de l'agriculture par la
mécanisation. Il avait dans ce sens acquis des tracteurs. Il
procéda à une reforme agraire soutenu par le projet FED96(*) concrétisé par
l'installation des populations dans la zone d'Agbassa.
2.2.3- Développement du
secteur industriel du commerce et de l'artisanat
Le secteur industriel embryonnaire en 1966 avec 11,8% du PIB
s'est développé et représentait en 1980, 20%. Ceci
s'explique par la diversification des produits au sein des unités
existantes et par la création d'unités nouvelles et la
stimulation du secteur des PME. Le souci de réduire la dépendance
du pays vis-à-vis de l'extérieur poussa les autorités
à privilégier la production sur place de biens industriels.
Plusieurs unités industrielles furent mises au point dont la raffinerie
de pétrole à Lomé, les unités de transformation des
produits agricoles : Togo-fruit à Kara, sucrerie à
Anié, l'usine textile à Kara et à Datcha, la brasserie
à Kara (Talim 2008 : 79). L'objectif de ces équipements est
certes de renforcer l'économie et partant d'optimiser les recettes de
l'Etat, mais leur positionnement géographique visait à
« atténuer les erreurs » qui datent de
l'époque coloniale et qui on consisté à marginaliser
l'intérieur du pays.
Cependant, la politique d'industrialisation a connu un
échec pour diverses raisons. La volonté politique des
autorités politiques de doter le pays de toutes les infrastructures et
en même temps a conduit à des prises de décision
unilatérale sans des critères rationnels et objectifs et donc et
à des erreurs de choix technologique pour certaines unités comme
par exemple la raffinerie de pétrole et l'aciérie.
2.2.4- Secteur socioculturel et
des ressources humaines
Les autorités se sont montrées aussi
préoccupées par l'équipement en infrastructures
sociocommunautaires : établissement scolaires, les maisons du parti
à Lomé et à Kara, etc.
L'exonération de la taxe civique fut l'une des mesures
sociales phares visant à améliorer les conditions de vie des
populations97(*).
Pour faire face aux problèmes de santé, les
hôpitaux furent construits dans chaque chef lieux de préfecture.
En 1970 des Centres hospitaliers régionaux furent construits à
Dapaong, Kara, Sokodé et Atakpamé98(*).
Le tourisme de masse fut considéré comme un
facteur d'unité nationale car il devait favoriser la connaissance
mutuelle développer la solidarité nationale. Les chefs lieux de
régions furent dotés d'infrastructures hôtelières et
les chefs lieux de préfectures des campements ou résidences pour
visiteurs.
Sur le plan de l'emploi, les retombées de la politique
d'industrialisation furent la création de l'emploi. D'autres structures
furent mises en place pour soutenir et développer l'emploi. Des
structures de formation et de perfectionnement furent créées avec
un effort net au niveau de la formation : des établissements
scolaires (primaire, collège, lycée moderne et technique) furent
construits dans toutes les préfectures. Une université fut
construite à Lomé en 1970.
La justice sociale prônée par le pouvoir se
manifesta au niveau scolaire par la répartition équitable des
bourses d'études. Toutes ces réalisations ont été
faites grâce à un développement planifié.
2.3- La planification, un objet de
développement harmonieux
Sous le régime du parti unique, le Togo confirme et
renforce les bases du développement planifié qui, sur une base
bi-décennale, devait le conduire au décollage économique
à l'horizon 1985. Les tableaux ci-dessous nous résument pour le
premier, les prévisions de financement et pour le second les
financements réalisés pour les quatre plans quinquennaux de 1966
à1985.
Tableau n° 5 :
Tableau récapitulatif des montants des financements prévus des
quatre plans quinquennaux de développement économique et social
(en millions de francs courants)
|
1er Plan
1966-1970
|
2e Plan
1971-1975
|
3e Plan
1976-1980
|
4e Plan
1981-1985
|
Ensemble des plans
|
Développement rural
|
5 233,3
|
12 497,2
|
80 293,5
|
66 559,1
|
164 583,1
|
Ressources humaines
|
-
|
-
|
300
|
2 473,9
|
2 773,9
|
Infrastructures économiques
|
22 293,4
|
72 542,4
|
61 206,5
|
90 994,1
|
24 7036,4
|
Socio-culturel
|
4 630,4
|
17 765,4
|
60 476,7
|
34 399,6
|
117 272,1
|
Ind. Commerce artisanat
|
3 828
|
25 672,9
|
77 981
|
7 389,5
|
114 871,4
|
Total général
|
359 85,1
|
128 477,9
|
28 0257,7
|
201 816,2
|
646 536,9
|
Source : Tableau
réalisé par nous même sur la base des données du
Ministère du plan et de l'industrie, 20 ans d'efforts de planification
pour le développement du Togo, p.139.
Tableau n° 6 :
Tableau récapitulatif des montants des financements acquis des quatre
plans quinquennaux de développement économique et social (en
millions de francs courants)
|
1er Plan
1966-1970
|
2e Plan
1971-1975
|
3e Plan
1976-1980
|
4e Plan
1981-1985
|
Ensemble des plans
|
Développement rural
|
4 478,4
|
12 468,2
|
24 616,9
|
41 784,8
|
83 348,3
|
Ressources humaines
|
-
|
-
|
267
|
541,4
|
808,4
|
Infrastructures économiques
|
19 661,7
|
43 400,2
|
84 440,1
|
101 608,1
|
249 110,1
|
Socioculturel
|
3 830,6
|
17 752,2
|
29 617,7
|
15 932,4
|
67 132,9
|
Ind. Commerce artisanat
|
5 858,3
|
23 221,7
|
110 509,3
|
27 246,1
|
166 835,4
|
Total général
|
33 829
|
96 842,3
|
249 451
|
187 112,8
|
567 235,1
|
Source : Tableau
réalisé par nous même sur la base des données du
Ministère du plan et de l'industrie, 20 ans d'efforts de planification
pour le développement du Togo, p.139.
Un rapprochement entre les deux tableaux nous permet de
constater les taux de réalisation suivant : développement
rural 50% ; ressources humaines 29% ; infrastructures
économiques 100% ; socioculturel 57% ; industrie, Commerce et
artisanat 145% et un taux global d'environ 88%.
Quel bilan peut-on dresser des efforts de décollage
économique et de développement ?
La politique de l'égalité sociale permit sur le
plan scolaire une diversification et une abondance de compétences sur le
plan national. Elle aboutit à la réforme de l'enseignement en
1975. Sur le plan sanitaire elle permit l'extension de la couverture sanitaire
par le rapprochement des centres de soins avec pour conséquence la
réduction du taux de mortalité, la lutte contre les grandes
pandémies et l'augmentation de la population qui passa de 2,10 millions
d'habitants en 1971 à 3,24 millions en 198799(*).
Les efforts sur le plan agricole ont été
couronnés par l'atteinte de l'autosuffisance alimentaire.
Sur le plan industriel, c'était la diversité des
unités industrielles ainsi que de la production.
Sur le plan culturel, la politique de l'authenticité
culturelle au delà des préjudices, a permis pour un temps soit
peu de remettre la culture traditionnelle à l'honneur par la promotion
des habitudes authentiques (habillement, alimentation...). Bien menée,
elle pouvait avoir des incidences économiques notamment, permettre de
promouvoir les produits locaux et donc de booster la production locale.
Ces efforts ont été accompagnés par le
concours de l'aide extérieure au développement qui
représente en 1990, 203 484 000 dollars dont 54% en dons et 56% sous
forme de prêts100(*). Pour les trois derniers plans quinquennaux (voir le
tableau ci-dessous) et pour les secteurs des équipements administratifs
et de l'industrie, du commerce, et de l'artisanat elle représente
environ 75% du financement total.
Tableau n° 7 :
Tableau récapitulant deux secteurs avec leur financement interne et
externe
secteurs
|
2e plan
1971-1975
|
3e plan
1976-1980
|
4e plan
1981-1985
|
Financement interne
|
Financement externe
|
Financement interne
|
Financement externe
|
Financement interne
|
Financement externe
|
Equipements administratifs
|
1 956,8
|
284,4
|
6 599,5
|
14 549
|
237,7
|
7 502,8
|
Industrie, commerce, artisanat
|
10 140
|
13 081
|
16 422,8
|
94 086,5
|
12 864,1
|
14 381,9
|
Source : 20 ans d'efforts de planification pour le
développement du Togo : Méthodologie, évolution
macroéconomique, bilan physique, bilan financier, p. 135.
Globalement les quatre plans ont connu un succès. Ils
ont été financés à hauteur de 87,73% et le PIB a
connu une nette évolution passant de 43,5 milliards de francs CFA en
1965 à 312,8 milliards de francs CFA en 1985. Le taux de croissance
annuel moyen fut de 10,4% et le PIB a plus que doublé de 1970 à
1977, triplé de 1970 à 1980 et quadruplé de 1970 à
1984. La période 1967 - 1977 fut celle de croissance économique
accélérée induite par une conjoncture favorable (hausse
des cours des matières premières).
Ceci ne doit pas occulter certains écueils liés
tant à la gouvernance qu'aux aléas de la conjoncture mondiale.
Cette période de relative prospérité fut
suivie d'une période de tassement de la croissance occasionnée
par une conjoncture défavorable (baisse des cours des matières
premières, crise énergétique, sécheresse)
doublée d'une mauvaise gouvernance (corruption, gabegie, favoritisme,
laxisme) qui a occasionné au niveau des investissements des
éléphants blancs (Menthon 1993 : 164). Il s'ensuivit un
blocage du développement qui imposera la suspension du système de
planification et la mise en oeuvre des systèmes d'ajustement structurels
de la banque mondial et des plans financiers du Fonds monétaire
international qui seront poursuivis tout le long de la décennie 1990.
En fait, du fait des évolutions divergentes de ses
ressources et de ses emplois, l'économie togolaise est devenue
structurellement débitrice. Les politiques d'ajustements mises en oeuvre
depuis la fin de la décennie soixante-dix (70) n'ont guère
inversé cette tendance en raison, principalement, de l'atrophie de
l'investissement.
En effet, les résultats attendus de la mise en oeuvre
des PAS n'ont pas été effectifs. Ces programmes ont
perpétué la dépendance du Togo vis-à-vis de
l'extérieur. Les ressources financières reçues de
l'extérieur ont servi à payer en priorité la dette de
l'extérieur. Or, pour réaliser un développement
auto-entretenu, il avait fallu dégager une épargne
intérieure suffisante pour l'investissement101(*). Il faut ajouter à
cela la faiblesse de l'épargne nationale, la pression
démographique, le problème des investissements
complémentaires, l'apathie administrative, et la conjoncture
internationale qui ont été d'énormes difficultés
pour l'économie togolaise et qui ont repoussé le décollage
économique aux calandres grecs. Les difficultés
économiques des années 1980, leurs répercutions sociales
auxquelles s'ajoutent les antécédents politiques ainsi que les
abus du parti unique, constituèrent une matrice aux soulèvements
de 1990.
2.4- L'unité
nationale : utopie ou réalité ?
Au cours de nos recherches un observateur averti nous a
posé la question à savoir si la politique de l'unité
est-elle du ressort de l'Etat ou d'un parti. Vu la légitimité et
la pertinence de la question nous avons jugé nécessaire d'y
apporter une approche de solution. Ainsi notre avis sur la question est que
c'est l'Etat qui mène la politique générale. De ce fait
c'est l'Etat qui légitimement mène la politique de l'unité
nationale. Mais dans le cas du parti unique il est à noter une confusion
des institutions de l'Etat et des organes du parti. Les membres du gouvernement
se retrouvent dans les instances nationales du parti. Dès lors, les
idéaux du parti deviennent les axes directeurs de la politique du
gouvernement. Dans la logique du parti unique, c'est le parti qui incarne le
pouvoir politique. Et dans le cas précis ce sont les organes du RPT qui
se chargent de la conception de la politique de l'Etat et de sa mise en
application102(*). Et en
vertu de la prééminence édictée plus tard, le
Bureau politique se trouve au-dessus du gouvernement. Donc celui-ci est
appelé à se conformer à la volonté du Bureau
politique et à exécuter ses décisions. Cette mise au point
ainsi faite, abordons la question proprement dite qui concerne cette
section.
La politique de l'unité nationale n'a pas
été évoquée pour la première fois par le
RPT. Bien avant, lui les différents gouvernements qui se sont
succédé ont eu également ce souci. Le 27 avril 1960, dans
son discours à l'occasion de la proclamation solennelle de
l'indépendance du Togo, Sylvanus Olympio alors Premier ministre de la
République togolaise disait en substance : «Les vielles
querelles tribales, les vielles animosités de familles doivent
définitivement disparaître. De l'océan aux
frontières du Nord, de l'Akposso au Mono, le Togo doit être un,
libre et fier » (Cornevin 1988 : 313)
Ainsi, la politique de l'unité nationale venait
d'être lancée officiellement. Le parti allié du CUT, la
JUVENTO lors de son 8e congrès inscrivit la question de l'unité
nationale à l'ordre du jour des débats et fit plusieurs
propositions toutes liées à la formation d'un parti unique.
« L'unité doit se réaliser en vue de travailler
à bâtir ce pays. » peut-on lire dans le rapport de
ce congrès. Ainsi le développement était lié
à l'unité ; elle aussi à son tour liée au
parti unique. Leur appréhension de la diversité des partis
politiques fut la même qu'en 1969. En 1961, il créa le PUT qui se
révéla être une dérive vers la dictature.
Trois ans plus tard, estimant que le régime d'Olympio
avait profondément divisé les Togolais, Nicolas Grunitzky,
deuxième Président du Togo, plaça son mandat sous le signe
de la réconciliation nationale avec des discours
considérés à bien des égards comme unionistes. En
février 1963, il organisa une table ronde regroupant tous les acteurs de
la vie politique nationale pour aplanir les divergences afin d'aboutir à
la réconciliation et à l'union (Toulabor 1986 : 56). Mais le
deuxième coup d'Etat témoigne que l'objectif ne fut pas
atteint.
La recherche de l'unité sera l'essence de la
création du RPT. Celui-ci montra toute sa volonté à unir
comme le font ressortir les pratiques ainsi que les actions que nous avons
exposés plus haut et qui visent cet objectif. Mais au finish, peut-on
dire que l'unité est un acquis ? Avant toute réponse
précisons que la recherche de l'unité nationale est une
quête permanente. L'unité ne peut donc pas être un acquis
définitif. Ainsi, le parti unique togolais le RPT à oeuvrer pour
l'effectivité de cette unité mais la politique de l'unité
nationale s'est perdu dans les discours. L'unité est donc restée
un voeu. Les évènements de 1990 au Togo sont la preuve de
l'échec de la politique de l'unité nationale. Après ces
évènements certains partis politiques qui naitront furent
identifiés comme la réincarnation des partis dissous en 1967
c'est ainsi que l'UFC sera identifié au CUT donc le cycle recommence.
Il faut dire que l'assassinat de Sylvanus Olympio a toujours
hanté la vie politique togolaise. La revendication ouverte de cet
assassinat, par le Président Eyadema originaire du nord a fait
apparaître cet acte comme le summum et la
dégénérescence d'un conflit Nord-Sud. Dès cet
instant, comment un parti créé par lui peut-il arriver à
réconcilier et à unir tous les peuples malgré toute la
bonne foi exprimée ? Les dirigeants venaient ainsi de compromettre
les chances de réconciliation et d'unité nationale. De plus, les
différents complots de déstabilisation du régime RPT en
1970, 1985 et 1986, ont été attribués au clan Olympio et
alliés et en général à l'opposition. Et ceux-ci ont
été contraints à l'exil ou faits prisonniers. Les discours
n'hésitaient pas à vilipender celui qui est
considéré par certains, comme le « père de
l'indépendance ». Le changement de la devise nationale et de
l'hymne national ainsi que la célébration de la date anniversaire
de la mort du Président Sylvanus Olympio dénommée
fête de « la libération nationale », ont
été considéré comme une volonté de proscrire
de la mémoire collective des Togolais le souvenir de cet homme. Ces
éléments ont plutôt raidi et radicalisé davantage
les positions de ceux qui se réclamaient de l'opposition. Ainsi la
« révolution démocratique » sonne comme une
occasion de prise de revanche des présumés écartés
du pouvoir depuis la mort du leur en 1963. Tout comme le parti unique fut
à la mode dans les années 1960, le multipartisme le fut dans les
années 1990. Garder le parti unique pouvait être considérer
comme un retard sur la « modernité ». A cela il faut
ajouter le désir légitime d'élargir le panel des
libertés brimées par le parti unique. Tous ces
éléments ont contribués au rejet du parti unique et
à la revendication du multipartisme comme garant de la
démocratie.
Crée en 1969, par le Président le
général Gnassingbé Eyadema, le RPT a été
véritablement institutionnalisé par la constitution de 1980 qui
dans son préambule stipule que :
« le peuple togolais, horrifié par la
politique de haine, de division et de règlement de compte des
régimes précédents, s'est engagé dans la voie de
l'unité nationale et du développement économique sous la
direction exclusive du Rassemblement du peuple togolais. Il [le Rassemblement
du peuple togolais] guide toutes les institutions de la République et
veille au respect des devoirs du citoyen. »
Ceci illustre à suffisance la mission qui fut
assignée à ce parti ainsi que la place que celui-ci était
appelé à occuper désormais dans le pays : un parti
supra institutionnel. Son hymne : « Unité
Nationale » ainsi que sa devise : « Union, Paix,
Solidarité » au terme de cette même constitution
remplacèrent « Terre de nos aïeux » et
« Travail-Liberté-Patrie ». Fort de sa mission le
parti se dota de structure qui favorise celle-ci pour ainsi apparaître
comme l'épine dorsale de la société togolaise.
Coopération entre les élites au sein des
institutions pour maîtriser les relents tribalistes et les conflits
segmentaires. Ainsi peut se résumer et se comprendre la politique de
répartition des responsabilités pratiquée sous le RPT.
Cette politique avait l'avantage de neutraliser les tendances centrifuges
inhérentes à toute société plurale. On peut donc
affirmer que la politique de répartition des responsabilités
politiques et administratives était une réponse de circonstance
à une époque où les uns et les autres manifestaient leur
volonté de se voir impliqué dans la gestion du nouvel Etat
indépendant. Elle répondait ainsi au souci de gestion des
macroéquilibres géopolitiques nationaux.
Chapitre Quatrième :
LES IMPLICATIONS DU PARTI
UNIQUE DANS LA VIE POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE AU TOGO (1969-1990)
Né d'abord de la volonté des premiers
responsables de sortir de l'impasse politique, le parti unique a reçu
une forte adhésion populaire. Le RPT par sa structure et dans son
fonctionnement s'engagea à concrétiser les objectifs qui ont
sous-tendu sa création notamment l'édification de l'unité
nationale et l'amélioration de l'économie, les finances et
l'administration avec pour finalité le développement. Il
n'hésita pas à prendre des mesures tendant à l'atteinte de
ces objectifs. Mais au finish les résultats n'ont pas été
à la hauteur des promesses. En quoi le parti nique a-t- il faillit
à sa mission d'unification du peuple togolais ? Le parti unique a
véhiculée la pensée unique. Quelles sont les implications
de ce système politique sur la vie politique au Togo ? C'est
à ces diverses interrogations que se propose de répondre le
présent chapitre.
1- Le verrouillage politique sous
le parti unique
L'adoption du parti unique ne manqua pas d'avoir des
répercutions politiques. Parmi celles-ci
l'affaiblissement des contre-pouvoirs, la restriction des libertés
fondamentales (libertés d'expression, d'opinion, syndicale etc.). En
bref, on assista un chevauchement des pouvoirs législatif, judiciaire et
exécutif dans les mains de la personne du chef de l'Etat et la
confirmation de la présence de plus en plus marquée de
l'armée sur la scène politique.
1.1- Déficit
parlementaire
Au lendemain du coup d'Etat de 1967, l'une des
premières mesures des putschistes avait été de dissoudre
les partis politiques ainsi que les associations et d'interdire toutes
activités politiques. Le Président Eyadema déclara
à quelques reprises vouloir libéraliser de nouveau la vie
politique, mais à chaque fois ce furent des manifestations hostiles
à la libéralisation de la vie politique, qui eurent raison.
Ainsi, cette interdiction resta en vigueur jusqu'à la création du
RPT décidée comme palliatif au vide politique.
En effet prenant prétexte de l'opposition des
populations qui refusaient son départ du pouvoir, Eyadema décida
de créer le RPT comme parti unique. La création du RPT consacra
l'interdiction définitive de toute activité politique
parallèle. Le RPT devint donc le seul cadre légal pour abriter
toutes les activités politiques. La constitution de 1980 proclama
à cet effet en son article 10, la disposition selon laquelle :
« Le système institutionnel togolais
repose sur le principe du parti unique qu'incarne le Rassemblement du peuple
togolais. Toutes les activités politiques y compris celles qui
concourent à l'expression du suffrage s'exercent exclusivement au sein
du Rassemblement du peuple togolais et librement dans le cadre des lois et
règlement et dans le respect de la souveraineté nationale et de
la démocratie. »103(*)
L'exercice d'activités politiques parallèles
était donc synonyme d'un affront contre le pouvoir ; et
était intolérable dans un tel système. Cette situation a
conduit l'opposition à la clandestinité et la plupart de ses
membres à s'expatrier104(*). Les complots étaient devenus son moyen
d'expression privilégié105(*). Les libertés inscrites dans la constitution
de la troisième République (art. 6) ne pouvaient donc s'exercer
que dans les limites du parti unique. Reste à savoir si dans la
réalité toutes les libertés pouvaient s'exprimer au sein
du RPT106(*).
On assistait à une restriction des libertés
fondamentales (libertés d'expression, d'opinion, syndicale etc.)
Le régime se caractérisa par l'absence de
réels contre-pouvoirs. L'Assemblée nationale de 1963 avait
été emportée par le coup d'Etat de 1967. Pendant plus de
dix (10) ans, le pays resta sans parlement. Il sera renouvelé à
l'issue du scrutin du 30 décembre 1979. Pour avoir une idée des
pouvoirs des députés de la première législature de
la troisième République, il faudra rappeler les conditions qui
ont présidé à leur élection.
Les candidats avaient été choisis au sein du
parti par le Bureau politique. Tout comme pour le poste de présidence de
la République, on avait des candidats uniques. A chaque siège
correspondait un candidat unique. On avait donc une Assemblée monocolore
qui, au vu des critères qui ont prévalu lors de l'élection
de ses membres, ressemblait à un Comité central bis. A
première vue, le choix des candidats par le parti fait des
députés, non pas, des représentants du peuple, comme cela
aurait dû l'être, mais des représentants du parti. Mais
quand on se rappelle que l'équation parti = peuple est admise au sein du
RPT, le procédé trouve pleinement son sens et sa
justification.
Pour la deuxième législature, les candidatures
furent libéralisées. La nouvelle Assemblée élue
comportait des candidats indépendants. Mais cette fois-ci
également, elle ne pouvait jouer son rôle de contrôleur de
l'action gouvernementale. Elle ne faisait qu'entériner les
décisions et se résigner aux actes du gouvernement (Agboyibo
1999 : 26). A cela, il faut ajouter l'absence d'une justice
indépendante.
1.2- Déficit judiciaire et
concentration des pouvoirs
La résolution numéro 5 de la commission des
affaires politiques lors du deuxième congrès demandait,
« la suppression pure et simple du principe de
l'indépendance de la magistrature et son intégration dans les
cadres normaux de la fonction publique »107(*).
L'indépendance de la magistrature avait
été donc supprimée pour éviter à celle-ci de
concurrencer les décisions du pouvoir108(*). Cette mesure visait à concrétiser le
principe de l'unicité des vues. Le Président avait
déclaré à ce propos :
« On m'objecte parfois l'indépendance de
la magistrature ; mais qu'est-ce que cela veut dire ? S'il s'agit
pour les magistrats de juger en conscience et en toute liberté d'esprit,
je suis d'accord. Mais, s'il s'agit de vouloir faire cavalier seul,
d'être un Etat dans l'Etat, de vivre en retard et à contre courant
de notre évolution, alors, non, je ne peux y
souscrire. »109(*)
Ce fut entre autres une aliénation de la magistrature
et sa mise au service du pouvoir. Les décisions rendues par la justice
devaient être conformes à la volonté des autorités
politiques. Tout comme le parlement, la magistrature avait de ce fait un
rôle décoratif et servait à donner un caractère
légal aux décisions du pouvoir central.
Le monopole de la vie politique aboutit à la
concentration du pouvoir dans les mains des seuls cadres du parti. Et la vie
politique se cristallisa autour de la seule personne du chef de l'Etat. Yagla
(1978 : 148) l'exprime en ces termes : « En
réalité, c'est le Général Eyadema qui incarne seul
le pouvoir gouvernemental au Togo et l'exerce... ».
La suspension de la constitution et la dissolution de
l'Assemblée nationale ainsi que des partis politiques avait
créé un double vide (vide politique et vide juridique), et permis
au Président de la République de détenir seul, les
pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire (Yagla 1978 :
150). Pendant longtemps, on assista à un chevauchement des trois
pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) dans le creuset du
parti unique qui distribuait les ordres. Dans le parti aussi le
président occupait une position prédominante et
prééminente. L'article 32 stipule à cet effet que :
« Le Président national assume la haute direction du
mouvement et donne les impulsions nécessaires à sa bonne
marche. »110(*).
A toute cette gamme de responsabilités, il faut ajouter
celle de chef d'Etat major des Forces armées togolaises (FAT). Le
principe de l'unicité des vues prôné par le congrès
de Lama-Kara et consacré par la constitution de janvier 1980 donna
à la volonté du Président du Rassemblement du peuple
togolais un caractère dogmatique (Agboyibo 1999 : 26) et favorisa
le désir de tout ramener à soit.
L'existence du parti unique a aussi eu comme implication la
confirmation de la présence de plus en plus marquée de
l'armée sur la scène politique.
1.3- L'armée, un instrument
au service de l'unité nationale
Très embryonnaire dans les pays africains, sauf dans
ceux ayant connu les luttes armées avant l'accession à
l'indépendance, mais dans l'ensemble sous équipée,
l'action de l'armée en politique fut au prime abord sous estimée
par les spécialistes des études militaires (Gonidec 1971 :
243). Et surtout dans un pays comme le Togo ex pupille de l'ONU, où le
recrutement était interdit, le rôle politique des militaires fut
minimisé. Les pronostiques des spécialistes furent
déjoués. Au Togo, on sait que l'armée s'est
illustrée deux fois de suite en 1963 et en 1967, remettant ainsi en
cause la consigne d'Aristote dont la trilogie sociale refusait aux soldats de
prendre les rênes du pouvoir.
En dehors de quelques querelles hégémoniques qui
proviennent de la volonté des uns de mieux se repositionner dans la
hiérarchie, l'armée togolaise va vite apparaître comme le
corps le plus solidaire, présentant une unité relative depuis le
temps où elle fut dirigée par le général Eyadema.
Au Togo, le rôle de l'armée évolua selon les époques
et selon les circonstances : sous la première République,
elle joua le rôle d'« arbitre entre les gouvernants et les
gouvernés », celui d'« arbitre de conflit
entre gouvernants » sous la deuxième République
(Danioue 1994 : 514, 516). Sous la troisième République, il
fut confié à l'armée le rôle de pierre angulaire de
l'unité. Dans son message à la nation, à la veille du 13
janvier 1973, le président déclarait que :
« L'union de tous les Togolais s'est faite sans
heurt, autour de son armée parce quelle était latente au coeur
des fils de ce pays qui souffraient de la désunion. Voulant que tous les
Togolais participent à cette entreprise de rénovation, ne voulant
exclure de cette immense tâche aucune énergie, aucune bonne
volonté, aucune compétence, nous (armée) avons
décidé l'amnistie générale, vidé les prisons
et rappelé les exilés. L'appel de Palimé fut lancé
sans aucune exclusive et le Rassemblement du Peuple Togolais est
né. »
Cette déclaration montre à suffisance le
rôle assigné à l'armée. Le parti même fut un
produit de l'armée et s'articulait autour de celle-ci. Ceci se
reflète dans le programme du parti qui stipule que :
« Tous les citoyens d'un pays naissent civils.
C'est plus tard que ceux qui se destinent à la carrière des armes
endossent l'uniforme. [...] Le « New-Deal » propose ici
comme ailleurs une reconversion totale des mentalités ; ne
serait-ce que parce que l'exclusion de l'armée de la vie politique des
Nations est aujourd'hui un phénomène dépassé. [...]
Par ailleurs cette intégration de l'armée à la Nation ne
peut que donner à celle-ci stabilité et
solidité. »111(*)
Ainsi l'armée se fit présente dans les
différents organes du parti ainsi que dans l'administration, et au
gouvernement aux côtés des civiles appelés à
l'accompagner dans sa mission. L'armée fut donc fortement
politisée comme ce fut le cas de nombreux groupes sociaux. Elle fut
placée sous le contrôle du parti dont elle était devenue
une des filiales. L'armée devait ainsi se consacrer à cette
oeuvre délicate : faire de l'Etat togolais une nation,
c'est-à-dire persuader les Togolais à accepter la notion d'une
nation, d'un Togo nouveau avec une conscience nouvelle, celle de la
« Nouvelle marche ». Ceci justifierait l'attitude de
certains Togolais qui s'opposaient à la volonté de l'armée
de se retirer de la vie politique et appelaient celle-ci à
s'intégrer progressivement à la vie de la nation togolaise.
La volonté d'intégration de l'armée avait
aussi pour avantage disait-on, de permettre un bon encadrement du peuple pour
aboutir à l'unité y compris par la contrainte. Ceci explique
qu'elle soit capable d'imposer sa volonté. Les fêtes nationales
étaient l'occasion pour elle de montrer sa force et sa puissance
dissuasive (Toulabor 1986 : 98). A l'ouverture du deuxième
congrès du RPT, le général Eyadema décrivait les
caractéristiques de l'armée en ces termes :
« Une armée nouvelle, cohérente,
authentique, décidée à garantir la sécurité
du peuple a vu le jour au Togo. Elle milite ardemment dans les organes du
mouvement et nous savons tous que, dans les camps, nous n'avons pas que des
soldats éprouvés, connaissant leur métier, celui des
armes, mais également et surtout des militants militaires. C'est pour
cela que l'armée n'hésite pas à développer, en
dehors de ses casernes, des opérations spécifiques et utiles.
C'est pour cela que dans la mesure du possible, et pour autant que les besoins
en encadrement le permette, des officiers sont appelés à diriger
services ou administration »112(*).
Ses effectifs sont allés, comme l'affirme C. Toulabor
(1986 : 101), en crescendo ainsi que les moyens. De 229 militaires
à l'indépendance y compris les forces de police, leur nombre
avait atteint 12 000 en 1990.
Mais l'armée extrapola quelquefois dans sa mission en
régentant les libertés publiques selon sa seule
appréciation, ce qui suscita l'attention du général qui
lui adressa une mise en garde en ces termes : « Vous n'avez
pas le droit de retourner contre le peuple les armes dont le peuple vous a
doté pour assurer sa sécurité. »113(*)
Cette omniprésence de l'armée fut aussi l'un des
handicaps à l'unité nationale d'autant plus que celle-ci ne
faisait pas l'unanimité au sein des populations de par sa composition.
Lors de la conférence nationale le délégué du
comité d'action contre le tribalisme évoquant cette composition
l'accusait de tribalisme114(*). Voici les statistiques sur lesquels il avait
fondé son accusation : effectif en 1991 = 12 000 dont 2 000 pour le
Sud et 10000 pour le Nord. Une telle accusation qu'elle soit vraie ou fausse
n'est pas de nature à favoriser un climat de confiance indispensable
à l'édification de l'unité nationale. A l'heure du
multipartisme, son ombre hante la vie politique togolaise et elle est
accusée dans ses prestations de partialité même quand, elle
agit par simple devoir de loyauté vis-à-vis de l'autorité
politique de qui elle dépend. Le verrouillage politique sous le parti
unique, eut plusieurs conséquences.
2- Les conséquences du
verrouillage politique
Le verrouillage politique a eu pour principales
conséquences la proscription de la mémoire collective des faits
passés, l'adoption de nouveaux emblèmes notamment l'hymne et la
devise nationale, les droits de l'homme bafoués. Ce sont
conséquences qui portèrent préjudice à
l'unité nationale.
2.1- La proscription de la
mémoire collective des faits passés
Le Togo n'a l'exclusivité de ces pratiques qui
consistaient à proscrire de la mémoire collective des faits
passés. Les dirigeants sous les partis uniques à travers le monde
ont souvent succombé à la tentation de célébrer des
évènements se rapportant à eux. Le Président
Sylvanus Olympio fit de son anniversaire de naissance, le 06 septembre, un jour
férié (Menthon 1993 : 134). Sous la troisième
République, on assista à la proscription de la mémoire
collective de certains faits passés et la célébration de
la gloire du chef. Par exemple, la fête de l'indépendance le 27
avril fut supprimée par la loi du 21 mai 1987. La
célébration des anniversaires reposa sur les hauts faits du
Président Eyadema. Les fêtes les plus
célébrées au Togo étaient : la fête du
13 janvier, du 24 janvier, du 2 février. La liste de ces fêtes va
en s'allongeant au gré des évènements. Brefs tous les
évènements heureux comme malheureux se rapportant à la vie
du Président seront célébrés. Des effigies du
Président Eyadema furent érigées et les places publiques
baptisés en son honneur115(*). L'animation participa au culte de la
personnalité (Toulabor 1986 : 222).
La proscription de la mémoire collective des faits
passés a fragilisé davantage le sentiment national dès
lors que tous les Togolais ne se reconnaissaient pas dans les faits
évoqués. Pour eux l'histoire était mutilée et
servait à la légitimation du pouvoir en place. Dans ce contexte
ils ne pouvaient se joindre aux initiatives visant l'unité. Le 13
janvier, date anniversaire de l'assassinat du Président Sylvanus Olympio
est célébrée avec faste. Pour le régime RPT cette
date symbolise l'anniversaire de la « libération
nationale ». Il faut dire que cette célébration comme
d'ailleurs toutes celles liées au régime Eyadema a divisé
les Togolais car elles ne faisaient pas l'unanimité au sein de l'opinion
nationale. Les partisans des régimes défunts ne participaient pas
à ces célébrations qui auraient dues si elles
étaient consensuelles être des occasions de ferveur nationale et
de communion entre Togolais. L'adoption de nouveaux emblèmes contribua
à faire des Togolais des « déracinés »
au regard de leur histoire.
2.2- L'adoption de nouveaux
emblèmes
Le troisième congrès du Rassemblement du peuple
togolais réuni en session extraordinaire les 27, 28 et 29 novembre 1979
à la maison du parti116(*) à Lomé, décida à travers
l'unique résolution de la commission politique et de la réforme
administrative, l'adoption d'un nouvel hymne et d'une nouvelle devise. La
résolution stipulait que :
« Le congrès [...] considérant la
recommandation du 2è conseil national relative au choix d'un seul et
unique hymne pour la nation et le parti pour assurer à tout moment et en
tous lieux, la cohésion de l'ensemble du système politique
national,
Considérant que l'hymne doit refléter les
aspirations profondes du peuple,
Considérant que l'unité nationale et
africaine est au centre des préoccupations de notre parti le RPT et son
président fondateur le Général Gnassingbé
Eyadema,
Décide d'adopter comme hymne national :
Unité nationale »117(*).
Cette résolution fut entérinée par la
constitution qui précise en son article premier que « la
devise de la République est Union- Paix-
Solidarité »
En application de cette disposition l'on chantait
désormais lors des cérémonies officielles et dans les
établissements scolaires l'hymne du parti «Unité
nationale» devenu l'hymne nationale en remplacement de «Terre de nos
aïeux». La devise «Travail- Liberté- Patrie» fut
remplacée par «Union- Paix- Solidarité».
Cette mesure resta en vigueur jusqu'aux insurrections de 1990
qui réclamèrent le rétablissement de la devise et de
l'hymne issus de l'indépendance.
2.3- Les droits de l'homme
bafoués
Sur le plan des libertés individuelles et collectives,
la troisième République s'est montrée réfractaire
(Batchana 2008 : 348). On assistait à un bafouement des droits de
l'homme qui furent violés118(*). Sous le parti unique, les libertés publiques
étaient finalisées et leur objectif était de participer
à la construction de l'unanimisme conformément au principe de
l'unité des points de vue édicté par le congrès de
Lama-Kara (résolution n° 3) et consacrée par la constitution
de 1980 (article 10). Suite aux récriminations contre cette situation,
il fut créé le 09 juin 1987, la Commission nationale des droits
de l'homme (CNDH). Celle-ci fut présidée par Maître Yaovi
Agboyibo. Ainsi, cette commission avait pour but d'assurer la protection des
administrés contre les éventuels abus de l'administration et
amener celle-ci à mettre fin aux violations dont la
réalité est vérifiée. La tâche de cette
commission ne fut pas aisée ; elle entra certaines fois en conflits
ouverts avec l'autorité (Kadanga 2007 : 33). Les cas de violations
les plus récurrentes recensées par la CNDH furent : les
extraditions irrégulières, les retraits illégaux de
pièces, les atteintes à la liberté religieuse, les
entraves au droit au travail, inertie de l'administration, les atteintes au
statut des fonctionnaires, les atteintes au droit de propriété,
les suppressions de leurs fonctions ou de la jouissance de leur pension de
retraite119(*).
La naissance de la CNDH fut une marque d'ouverture et
l'expression de la volonté de l'autorité de reconsidérer
la question des droits de l'homme. Cette volonté fut exprimée par
le Président dans un message le 30 août 1989 :
« Cette pratique de la démocratie appelle la
liberté d'expression reconnus à tous. Ce droit doit
également s'exercer dans le respect scrupuleux de la loi et de la
dignité des personnes et des institutions »120(*)
L'action de la CNDH obligea le pouvoir à lâcher
du leste en matière des droits de l'homme et des libertés
fondamentales. La liberté d'expression et d'associations fut
autorisée121(*)
et on assista à la naissance des organes de presse privée et des
associations telles que la Ligue togolaise des droits de l'homme (LTDH),
Association pour la promotion de l'Etat de droit (APED), Association togolaise
de lutte contre la torture (ATLT), Association pour la liberté de la
presse, (ATLP), Association pour la croissance sociale et la liberté
(ACLS), Comité d'action contre le tribalisme et le racisme (CATR),
Groupe de réflexion et d'action des jeunes pour la démocratie
(GRAD), Mouvement estudiantin de lutte pour la démocratie (MELD),
Organisation universitaire de lutte pour la démocratie (OULD) et Union
des jeunes avocats (UJA). Ces associations jouèrent l'alternative des
partis politiques dans la mesure où ceux-ci étaient toujours
frappés d'interdictions122(*). Ces associations ne sont-elles pas l'expression
d'une divergence de point de vue ? Le foisonnement des associations est
l'expression que le pouvoir avait la possibilité de laisser se
créer d'autres partis, mais qu'il n'en fut pas ainsi faute de
volonté politique.
Le verrouillage politique et la monopolisation du pouvoir
considérées sous le parti unique comme source de stabilité
avaient laissé voir par les différentes dérives
recensées, les faiblesses inhérentes à ce système.
Ces difficultés qui ont été sources de nombreux
préjudices n'ont pas favorisé l'unité nationale que le
parti était sensé incarner. Elles ont au contraire,
précipité le retour des phénomènes qui avaient
précédé sa création : le
phénomène tribaliste reprit du poil de la bête.
Le système du parti unique, de par sa durée et
ses conséquences, exerça une influence déterminante sur la
transition vers le pluripartisme. Ainsi la vie politique sous le parti unique
porterait à coup sûr une responsabilité dans la marche
trébuchante des pays africains en général et du Togo en
particulier vers la démocratie.
3- Le
parti unique et la transition démocratique
Dans les années 1980 et surtout à partir de
1990, le parti unique était devenu
obsolète. Cet état trouve ses causes dans la situation
socio-économique et politique interne mais aussi dans la conjoncture
internationale marquée par la chute du mur de Berlin, l'effondrement du
bloc soviétique et surtout la conférence franco-africaine de la
Baule.
Cette situation imposait implicitement un changement de
régime. Les acteurs politiques s'engagèrent dans des
négociations et dialogues politiques dont la plus importante la
conférence nationale.
3.1- Le parti unique aux antipodes
du multipartisme
Les conditionnalités démocratiques notamment le
multipartisme étaient devenues depuis les années 1980 un
critère non négociable dans les relations entre l'occident et
l'Afrique. L'acceptation et la mise en application des exigences
démocratiques ne furent pas aisées du fait des différences
fondamentales qui existent entre ces deux types de régime parti unique
et multipartisme.
3.1.1- L'obsolescence du parti
unique
Dans les années 1980 et surtout à partir de
1990, sous la pression internationale (ajustement structurel,
déclaration de la Baule), les pays africains n'ont plus eu aucun choix,
sinon de s'orienter vers le système démocratique au besoin en
trainant les pieds. Le parti unique était donc devenu obsolète
par rapport au contexte international et aux besoins des populations qui
aspiraient à plus de liberté. Au Togo, l'ancien parti unique,
contre mauvaise fortune fit bon coeur et sembla soutenir le processus
démocratique. Il accepta de jouer le jeu mais tout en se donnant les
moyens de le contrôler, par la tricherie électorale, la limitation
des libertés notamment celles de l'opposition qui furent reconnues,
même si elles n'existaient que de nom. Cette duplicité de l'ex
parti unique augurait des changements difficiles.
3.1.2- Les difficiles
changements
L'abandon du monopartisme et l'adoption du multipartisme n'est
pas allé de pair avec les habitudes. Ainsi on a continué à
vivre des pratiques qui montrent que certains acteurs ne se sont pas toujours
déconnectés avec l'ancien régime. L'ancien parti unique
qui a survécu au « vent de la
démocratisation » et qui continua de dominer la scène a
toujours été accusé d'avoir la mainmise sur l'Etat ;
cette attitude étant la conséquence de la primauté dont il
bénéficiait en tant que parti unique.
En effet la primauté du parti fut proclamée par
la constitution de 1980 dans son préambule : « Le
Rassemblement du peuple togolais, parti unique prime sur toutes les
institutions » ; « il guide les institutions
et veille au respect des devoirs du citoyen ». Cette disposition
était la concrétisation de la résolution numéro 3
du deuxième congrès statutaire qui demandait que soit effective
la primauté du Rassemblement du peuple togolais et de ses instances,
dans les structures de l'Etat, et qu'en conséquence et de manière
spécifique, le Bureau politique national soit placé au dessus du
gouvernement. De plus le principe de l'unicité des vues
prôné par le congrès de Lama-Kara et consacré par la
constitution de janvier 1980 donnait un caractère dogmatique à
toute décision.
D'autres habitudes furent également
dénoncées : le monopole des moyens de communication, le
refus et la dissuasion à l'alternance, le musellement de l'opposition,
la continuité dans les pratiques clientélistes, l'intimidation
des populations. Les libertés fondamentales étaient officielles
mais pas évidentes. Ceci amène à penser que les
changements espérés ne furent que de nom et que dans la
réalité, la démocratisation n'aurait guère
modifiée les choses. Dans cette même logique, Professeur Daniel
Bourmaud estime que : « La démocratie n'aurait rien
changé sous les tropiques englués dans l'épaisseur d'un
autoritarisme indéracinable »123(*).
Malgré l'avènement du multipartisme, il n'y a
pas eu de réelle discontinuité avec l'ancien parti unique. Le
Togo adopta le multipartisme mais on assistait aux survivances du parti unique.
Les habitudes de vingt ans ne pouvaient être facilement nettoyées
d'un coup de balai. Vingt ans de parti unique n'avait pas permis
l'éclosion de la culture de la concurrence qui est une
caractéristique du multipartisme et le pouvoir en place n'ayant pas
l'habitude des critiques se lassait des critiques formulées à son
encontre.
La démocratie est un long apprentissage et le parti
unique n'a pas favorisé le développement de la culture
démocratique. Bref, à l'heure de la démocratie, le Togo se
trouvait confronté à la permanence d'une culture du parti
unique.
Le déficit ou carence de la culture démocratique
chez les acteurs politiques engagés dans la vie politique est d'une part
à l'origine des échecs enregistrés dans le processus de
démocratisation de l'Afrique en général et du Togo en
particulier. D'autre part, l'antienne de la diversité ethnique en
Afrique a servi pour justifier la difficile implantation de la
démocratie en Afrique. Ainsi, la diversité et l'adversité
culturelle, ethnique, sociologique qui caractérisent le continent
africain freinerait l'assimilation de cette idéologie exogène
qu'est la démocratie qui a réussi ailleurs grâce à
des réalités toutes différentes.
Mais les difficultés sont aussi liées à
une transition mal négociée entre les nouveaux acteurs et les
anciens notamment lors de la conférence nationale.
3.2- La Conférence
nationale togolaise, un procès du parti unique
Au début des années 1990, le contexte
sociopolitique international est marqué par des turbulences d'une grande
portée historique. En Europe et précisément en Allemagne,
c'est la chute du mur de Berlin en novembre 1989 puis la balkanisation de
l'URSS. Ces deux évènements marquent la victoire de la
démocratie incarnée par les puissances occidentales (USA, Grande
Bretagne, France) sur le communisme prôné par les
soviétiques. Lors du sommet de la Baule en juin 1990, la France
conditionna son aide bilatéral aux pays africains pour le
développement aux progrès de la démocratie. Les Africains
ne manquèrent pas l'occasion pour renverser les régimes
jugés liberticides. On assista en Afrique à ce qu'on a
appelé le « vent de l'Est » marqué par des
revendications populaires en faveur d'une démocratie pluraliste. Les
conférences nationales semblèrent un passage obligé vers
la démocratie. Plusieurs pays connurent ces assises nationales avec des
fortunes diverses.
3.2.1- La Conférence
nationale togolaise, les espoirs douchés d'une sortie de crise
Au Togo, la conférence nationale s'est tenue du 8
juillet au 28 août 1991 à l'Hôtel du 2 Février avec
pour mission de permettre une transition en douceur vers le multipartisme. Pour
ce faire, la conférence nationale devait être l'occasion d'un
bilan sociopolitique et de réconciliation nationale (Adikou 2008 :
39). Elle retint l'attention de la population qui espéra des lendemains
plus paisibles et plus radieux. Relevant l'importance de cette
conférence, C. Améganvi cité par M. Adikou (2008 :
26) estime que :
« La conférence nationale fut un moment
important dans l'histoire du peuple togolais du fait des espoirs dont celui-ci
la chargea. Elle le fut aussi parce qu'elle a permis, pour la première
fois de débattre publiquement du bilan d'un régime qui
jusqu'à lors permettait rarement qu'on le critique depuis sa venue au
pouvoir. De ce fait elle reste pour le peuple togolais un symbole et une
référence historique pour lui avoir donné l'occasion
d'être aussi directement et publiquement confronté à
l'histoire ».
Mais elle se transforma en un tribunal où se
déroula le procès du parti unique. Pour ce faire, elle proclama
unilatéralement sa souveraineté en violation des accords du 12
juin 1991 entre l'opposition et le pouvoir124(*). Au lieu de discuter de l'avenir du pays, les
nouvelles forces politiques livrèrent à la vindicte populaire
l'oeuvre du parti unique et de son président ; ainsi se
succédaient les accusations et les énumérations de
violation des droits de l'homme. Parlant de ces conférences qui se sont
tenues en Afrique à partir de 1990, Mathieu Ngirumpatse que Cite T.
Danioue (1994 : 432) estime qu'elles n'ont pas été
« un forum de consensus, mais d'accusations, où l'on
semble croire que l'on peut résoudre tous les problèmes rien
qu'en déballant les faiblesses de l'ancien
système. »125(*)
Dans cette même logique, V. Okana cité par M.
Adikou (2008 : 40) estime pour sa part que
« La conférence aurait pu être
l'occasion pour l'ensemble de l'élite togolaise de se retrouver pour
réfléchir sur l'avenir du pays. Malheureusement, elle fut
préparée à la hâte et prise d'assaut par de nombreux
délégués qui n'étaient que des hommes politiques
aux ambitions masquées. »
Le consensus qui avait prévalu à la convocation
de la conférence nationale au Togo vola en éclat avec la
proclamation de sa souveraineté. Elle était vouée
dès lors à un échec du moment où elle ne faisait
plus l'unanimité au sein de la classe politique. Des gens ont pu tourner
en dérision l'appellation de conférence nationale souveraine pour
en faire « la conférence nationale souterraine ».
Les mesures qui y furent adoptées aux termes des travaux, dissimulaient
mal l'intention des conférenciers.
3.2.2- Les mesures prises, un
règlement de compte à l'ex parti unique
La conférence nationale décida entre autres
mesures de la création d'un poste de premier ministre et d'une
assemblée transitoire le Haut conseil de la République (HCR). Le
Président de la République était dépouillé
de tous ses pouvoirs au profit de son premier ministre. Le pire fut la mesure
prise par le HCR de dissoudre le parti RPT le 26 novembre 1991. Après
plus de vingt ans ceci s'apparentait à un coup d'Etat et le pouvoir le
ressentit comme une humiliation. Et ce sont des difficultés
d'application des conclusions de cette conférence qu'apparurent les
blocages considérés comme le refus de collaborer de l'ancien
régime. Pour Agboyibo « Les décisions prises par la
conférence nationale ne pouvaient entraîner les innovations
attendues que si elles avaient l'adhésion d'une large majorité de
la classe politique et des populations » (Agboyibo 1999 :
159).
Somme toute, la Conférence nationale togolaise fut un
échec. Elle enlisa davantage le pays dans une longue crise et accentua
la crise de confiance entre les nouveaux et les anciens acteurs de la vie
politique togolaise. Selon Agboyibo (1999 : 60) :
« Le sort malheureux de la conférence
nationale est le résultat de plusieurs facteurs dont le principal est la
substitution d'une logique de bras de fer pour une conquête
immédiate du pouvoir à la logique initialement convenue pour un
dialogue national en vue de créer les conditions pour la
réconciliation nationale ».
Les partisans du multipartisme avaient cru devoir liquider
l'héritage du parti unique. L'esprit vindicatif qui a
caractérisé la période de la transition vers la
démocratie a ainsi sa part de responsabilité dans la difficile
marche du Togo à la démocratie.
Il ressort de l'analyse de ce qui précède que
les nouveaux acteurs de l'échiquier politique national à partir
de 1990, auraient été obsédés par le goût du
pouvoir et n'auraient vu dans la démocratisation qu'une modalité
particulière d'accès aux fonctions dirigeantes.
Bref, les mutations en cours dans les années 1990 au
Togo, furent affectées par les pesanteurs unitaires, les facteurs
internationaux, l'effet des conjonctures et des acteurs qui
s'entremêlaient pour faire émerger la démocratie
pluraliste.
Au total, dans sa quête de l'unité nationale,
plusieurs moyens ont été utilisés mais, la perversion
aboutit à des pratiques néfastes telles que : la
proscription de la mémoire collective de certains faits passés,
la célébration des anniversaires qui repose sur les hauts faits
du chef, l'érection des effigies126(*), le changement d'hymne et de la devise nationale, la
politique d'authenticité culturelle, le baptême des places
publiques. Ces pratiques sont considérées comme des
manifestations du désir de tout ramener à soi et portent une part
de responsabilité dans l'échec de la politique de
l'édification de l'unité nationale. Certains de ces comportements
resteront ancrés dans les habitudes au point de constituer un handicap
à l'émergence et à l'implantation d'une réelle
démocratie.
Le RPT parti unique sous la direction de son
Président-fondateur, le général d'armée
Gnassingbé Eyadema fit de la réalisation de l'unité
nationale son credo politique. L'observation de la situation politique et
socio-économique en amont et en aval du parti unique, permet de conclure
que le plus grand acquis de l'ère du parti unique fut la paix et la
stabilité politique et économique si relatives ou si discutables
soient-elles. Les avatars de ce système ont cependant contribué
à écorner, à brader cet héritage et conduiront
à sa chute.
En effet, au lendemain des indépendances, le parti
unique a tenté de consolider l'Etat et l'unité nationale par le
recours à une théorie bien commode : le développement
supposant ordre, mobilisation, engagement et abnégation, le peuple
devait être discipliné et faire preuve de patience car le
développement était au bout de l'effort. Dans ces conditions, le
système politique, ne pouvait se permettre d'être permissif. Le
pluralisme politique était un luxe accessible aux seuls pays nantis.
Quant aux libertés que les intellectuels revendiquaient haut et fort,
elles ne pouvaient qu'être destructives ; elles ne pouvaient que
miner le système, désengager les populations, remettre en cause
l'ordre et le pouvoir, bref, déstabiliser les régimes.
Ces mêmes avatars ont constitué du plomb dans
l'aile de la démocratie multipartite. Au demeurant, le processus
démocratique est l'otage du dualisme entre les tenants de l'ordre ancien
(le parti unique) et les nouveaux acteurs de l'échiquier politique,
partisans de la démocratie
CONCLUSION GENERALE
De 1946-1960, le Togo a vécu sous le multipartisme. Les
différents partis s'opposèrent quant à
l'échéance d'accès à l'indépendance. Ces
difficultés liées à l'accès à
l'indépendance se cristallisèrent plus tard et on assista
à une première tentative d'institution du parti unique en 1961.
Celui-ci fut accusé d'avoir mis à mal l'harmonie sociale. Ce
projet fut écourté par un coup d'Etat en 1963 qui fut suivi d'un
autre en 1967. Les partis politiques identifiés comme le noeud furent
à nouveau dissous. En lieu et place, il fut créé un parti
unique : le RPT qui monopolisa l'activité politique jusqu'en
1990.
Né de la volonté des dirigeants soucieux de
résoudre définitivement les problèmes de violences
à caractères politiques, le RPT sous la direction de son
président-fondateur le général d'armée
Gnassingbé Eyadema ambitionnait d'épouser les aspirations du
peuple du moins dans sa majorité. La réalisation de
l'unité supposant la mise en oeuvre de divers moyens, le parti ne
ménagea aucun effort pour y parvenir. De la politique de
réconciliation nationale à celle d'un développement
équilibré du pays, le tout dans l'esprit d'une justice sociale
équitable, tout fut mis en oeuvre pour aboutir à l'unité.
Au regard de son oeuvre, l'on peut affirmer que le RPT a
vécu et il a tant soit peu contribué à
l'édification de la nation. En dépit de ces efforts fournis dans
l'édification de l'unité nationale, le parti laissa voir les
limites de la volonté politique avec le retour en force des anciens maux
après deux décennies d'accalmie.
Les effets pervers inhérents au parti unique
(verrouillage politique, la personnalisation du pouvoir et la main mise du
parti sur l'Etat) et certains comportements tels que ceux qui ont
consisté à vilipender les précédents
régimes, ont constitué un handicap à l'atteinte des
résultats. Ils ont au contraire, creusé un fossé entre les
tenants du pouvoir et une partie de la population nostalgique des
précédents gouvernants qui d'ailleurs n'ont pas rallié
l'initiative politique.
D'abord instrument d'union comme l'indique son nom même
ainsi que sa devise et son hymne, le parti fut utilisé à d'autres
fins notamment, pour consolider le pouvoir du chef. L'unité nationale a
été plus un moyen de consolidation du pouvoir et de main mise du
parti sur l'Etat qu'un but et le parti unique fut le tremplin. La recherche de
l'unité s'est faite au mépris des droits de l'homme
(liberté d'expression, syndicale, etc.).
Le parti unique avait fait fi dans son fonctionnement, de la
« palabre127(*) », une des pratiques usuelles dans la
résolution des conflits en Afrique. La pensée unique qu'il a
véhiculée a contrairement, à ce que l'on avait
souhaité contribué aux cassures sociales constatées avec
l'avènement du multipartisme. Les frustrations et les rancoeurs ont
été étalées au grand jour, mettant en cause la
cohésion nationale tant souhaitée.
L'institution du parti unique a été en
général précédée par un coup d'Etat
conséquence d'une crise social, politique et économique. Son
déclin a été également marqué par les
soulèvements populaires, preuve que la politique du parti unique n'a pas
été concluante.
La politique du parti unique avait l'avantage d'éviter
les manifestations les plus tangibles du manque d'unité lié
à la diversité et à l'adversité culturelle par la
maîtrise des relents tribalistes et des conflits segmentaires. Ainsi,
peut-on dire que le parti unique a été une réponse
conjoncturelle à une situation historique donnée
caractérisée par la volonté de réaliser
l'unité nationale. Mais cette politique devait s'ouvrir peu à peu
et disparaître dès lors qu'elle avait permis d'atténuer les
clivages sociopolitiques et les conflits qui existaient.
L'unité nationale ne saurait être une
donnée. Elle semble plutôt être une fin. En tant que telle,
l'édification de l'unité nationale est une quête
permanente. Elle doit consister à : créer une
communauté politique homogène par réduction des tensions
et des disparités, faire disparaître les éléments de
division, les facteurs de tension, les situations conflictuelles qui sapent
l'unité nationale, promouvoir le respect de la différence ainsi
que des libertés fondamentales, promouvoir le bien être des
populations sans lequel toute entreprise est vouée à
l'échec. Bref, aujourd'hui elle pourrait passer d'une part, par la mise
en oeuvre des recommandations de la CVJR.
Au Togo, plusieurs facteurs expliquent les difficultés
rencontrées dans les réalisations de l'unité
nationale : les contrastes naturels, le déséquilibre
socio-économique qui a des causes aussi humaines que naturelles.
L'unité nationale prônée est menacée par deux
phénomènes qui empoisonnent la vie politique nationale. Le
premier, c'est l'usage qu'ont fait les leaders politiques de leur origine soit
pour s'attirer l'électorat, soit pour se donner une assise politique. Le
deuxième, c'est la bipolarisation de la politique sur une base
régionaliste qui voudrait que le pouvoir en place soit assimilé
à une région avec pour conséquence d'être
rejeté par les ressortissants de l'autre région mais soutenu par
« sa » région et qui limiterait l'une des pratiques
les plus importantes de la démocratie, l'alternance au pouvoir, la
recherche dangereuse d'une rotation ou d'une succession des régions aux
commandes de la nation. Dès lors, on peut soutenir avec la CVJR
que : « les mémoires collectives ethniques demeurent
encore aujourd'hui les principaux cadres des références des
individus et groupes sociaux »128(*) et qu'il demeure donc posé la question de
l'identité nationale collective, indispensable à l'unité
nationale.
Au terme de ce travail, notre sentiment est d'avoir
contribué à la connaissance de l'histoire du Togo. Les recherches
futures pourraient-elles permettre d'étayer, de préciser et
compléter les présents résultats.
ANNEXES
ANNEXE 1 :
Répartition des différents
ministères des Gouvernements sous Sylvanus Olympio selon l'origine
ethnique, régionale et villageoise des différents
ministres
Ethnie d'appartenance des ministres
|
Région d'origine des ministres
|
Localité d'origine des ministres
|
Nombre de ministres
|
1er Gouvernement
|
Evhé = 1
Ahlon = 1
Mina = 4
|
Maritime = 5
Plateaux = 1
Centrale = 0
Kara = 0
Savanes = 0
|
Agoué (Bénin) = 3
Kpalimé = 1
Kéta (Ghana) = 1
Aného = 1
|
Six ministres
|
2e Gouvernement
|
Evhé = 1
Ahlon = 1
Mina = 4
Moba = 1
Tyokossi = 1
|
Maritime = 5
Plateaux = 1
Centrale = 0
Kara = 0
Savanes = 1
|
Agoué (Bénin) = 3
Kpalimé = 1
Kéta (Ghana) = 1
Aného = 1
Mango = 1
Bombouaka = 1
|
Huit ministres
|
3e Gouvernement
|
Evhé = 2
Mina = 5
Akposso = 1
Moba = 1
Tyokossi = 1
|
Maritime = 5
Plateaux = 3
Centrale = 0
Kara = 0
Savanes = 2
|
Agoué (Bénin) = 3
Kpalimé = 2
Kéta (Ghana) = 2
Aného =1
Mango = 1
Bombouaka = 1
|
Dix ministres
|
Source : Danioue 1994 : 183
ANNEXE 2 :
Discours du 30 août 1969 prononcé par le
Président Eyadema à l'occasion de l'appel historique de
Kpalimé
Mes chers compatriotes de Palimé,
Ma suite et moi sommes profondément touchés de
l'accueil si fraternel et si chaleureux qui nous a été
réservé aujourd'hui dans votre bonne ville de Palimé.
Merci à vous, autorités administratives et
traditionnelles, merci à vous, population de Palimé et des
hameaux les plus reculés de la circonscription de Klouto.
Les diverses manifestations et la joie qui éclaire
chacun des visages qui m'entourent sont des preuves concrètes de la
réalité de votre réconciliation et de votre union. Cela
est un réconfort pour le gouvernement que je préside, un
témoignage d'une union désormais complète de
l'armée et du peuple, un échec à la politique d'opposition
de l'armée au peuple,
Ce magnifique résultat a été possible
avec le temps qui a toujours été l'avocat impitoyable contre le
mensonge en faveur de la vérité. En effet, voici bientôt
trois ans, l'armée de la nation togolaise, votre armée, est
intervenue pour la seconde fois dans le cours de l'histoire nationale, avec
pour unique objectif de mettre un terme aux luttes fratricides, aux divisions,
aux querelles de clans qui menaçaient jusque dans les fondements
l'existence de l'indépendance de la nation.
Rétablir la paix, promouvoir de façon
décisive et concrète le développement économique et
social de la nation, lutter contre la gabegie, mettre en place une politique
d'assainissement financier, telles étaient les préoccupations
essentielles du gouvernement qui prit alors en charges les destinés de
la patrie.
Aujourd'hui, force est de reconnaître que ses objectifs
ont été atteints.
La réputation de sérieux de notre pays est de
plus en plus confirmée sur le plan international : notre
économie croît selon un rythme que tous les experts s'accordent
à trouver satisfaisant ; les fruits de l'expansion se repartissent
de façon équitable, tandis que le progrès social
s'accentue de jour en jour. La paix règne dans nos villes et
campagnes.
C'est pourquoi le 12 janvier dernier, en toute conscience,
j'ai décidé que le moment était venu de passer la main aux
civils en autorisant le retour aux activités politiques. Mais alors
c'est massivement que vous avez rejeté cette idée et l'ampleur de
vos manifestations traduisait combien était farouche votre opposition
à toutes résurgence des anciennes formations politiques.
Mes chers compatriotes ! Au mois de janvier, vous avez
donc signifié clairement votre indéfectible attachement à
la politique d'union et de réconciliation à laquelle mon
gouvernement s'est attelé.
Vos sentiments m'ont alors dicté l'impérieux
devoir de poursuivre l'oeuvre de paix et de stabilité qui a permis au
pays de se retrouver enfin, tel qu'il se désire. En effet, que veut
notre peuple, sinon la paix, la stabilité et la sécurité,
toutes choses qui prévalent largement depuis bientôt trois ans.
C'est alors que me conformant à la volonté
populaire, j'ai été amené, ensemble avec les membres de
mon gouvernement, à reconsidérer la décision qui
autorisait la reprise des activités politiques au Togo.
L'approbation fut unanime. De toutes les régions du
pays affluèrent des témoignages de soutien qui furent pour les
membres et pour moi-même un réconfort et un encouragement
exceptionnels.
Cependant, cette politique de paix qui recueille votre unanime
assentiment ne doit pas être une oeuvre éphémère et
fragile. Il convient de lui donner des assises solides ; il convient de
l'organiser. Cette politique doit pouvoir survivre dans les esprits et dans les
faits, au-delà des aléas et des vicissitudes qui guettent toute
l'oeuvre humaine. Elle doit être pérennisée dans un vaste
mouvement ouvert à tous les fils du pays.
Mes chers compatriotes, c'est ce regroupent que je propose
aujourd'hui, solennellement, à tout le peuple togolais.
Il ne s'agira pas d'un parti, où triompheront comme
jadis, la haine, les règlements de comptes, les divisions, les luttes
d'hégémonie, les intérêts personnels, mais un seul
et véritable creuset national où viendront se fondre les force
véritables de ce pays, à quelque parti qu'elles aient appartenu.
Ce groupement de tous les hommes de bonne volonté, qu'ils soient
nouveaux ou qu'ils aient été partisans, devra oeuvrer pour une
reconversion totale des mentalités, pour l'union et la solidarité
effectives de tous les togolais.
Il sera le haut lieu d'un dialogue libre et
démocratique, assurant la participation réelle de chaque citoyen
à l'oeuvre de paix politique et de restructuration fondamentale de notre
économie.
Mes chers compatriotes, il est temps que nous entreprenions
ensemble, à brève échéance, une nouvelle
marche ; guidée par des principes nouveaux ; il est temps que
nous définissions en commun une nouvelle manière d'aborder nos
problèmes, que nous nous départions définitivement de nos
anciens comportements pour un meilleur devenir de la nation togolaise. Les
temps sont venus pour qu'ensemble nous élancions avec enthousiasme vers
le but le plus noble qui soit : bâtir la cité
Vive la circonscription de Palimé
Vive la République togolaise.
Source : Togo-presse de 31 août
1969.
ANNEXE 3 : Quelques importantes résolutions
du RPT
a/ Résolution relative à l'adoption de
l'hymne national
Le 3è congrès du Rassemblement du peuple
togolais réuni en session extraordinaire les 27, 28 et 29 novembre 1979
à la maison du parti à Lomé,
Considérant la recommandation du 2è conseil
national relative au choix d'un seul et unique hymne pour la nation et le parti
pour assurer à tout moment et en tout lieux, la cohésion de
l'ensemble du système politique national,
Considérant que l'hymne doit refléter les
aspirations profondes du peuple,
Considérant que l'unité nationale et africaine
est au centre des préoccupations de notre parti le RPT et son
président fondateur le Général Gnassingbé
Eyadema,
1) Décide d'adopter comme hymne national :
Unité nationale
dont le texte suit :
Hymne : Unité Nationale
Couplet I
Ecartons tout mauvais esprit qui gène l'Unité
Nationale
Combattons- le tout comme l'impérialisme
Les règlements de comptes, la haine et
l'anarchie
Ne font que freiner la révolution
Si nous sommes divisés, l'ennemi s'infiltre
Dans nos rangs pour nous exploiter.
Refrain n°1
A l'Union, l'Union, l'Union oh! Togolais
Nos ancêtres nous appellent.
La paix, la paix, la paix oh! Togolais
Nos aïeux nous l'ordonnent.
Couplet II
N'oublions du tout l'appel historique du 30 août
69
Ecoutons-le retentir à jamais
Notre voie de salut c'est le rassemblement
Rassemblement de tous les Togolais
Pour la grande victoire, togolais debout!
Portons haut le flambeau de l'union
Couplet III
Ecartons le mauvais esprit qui gène l'Unité
Africaine
Ecartons-le tout comme l'impérialisme
Les coups de canons et les coups de fusils
Ne font que freiner l'élan de l'Afrique
De notre désunion l'impérialisme
profite
Profite bien pour nous opposer
Refrain n°2
bis
La paix, la paix, la paix oh! Dieu la paix
La paix pour l'Afrique.
2) Demande au bureau politique de prendre immédiatement
les dispositions pratiques à cet égard
Fait à Lomé, le 29 novembre 1979
Le congrès
Source : Rapport du troisième
congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais pp. 107-108
b/ Résolution n° 3 deuxième
congrès statutaire du RPT
Considérant le rôle fondamental que le RPT,
depuis sa création, a joué dans la nation pour l'union de tous
les togolais, en application des principes fondamentaux de notre livre
vert ;
Considérant la présence effective à tous
les échelons des instances du RPT, présence qui assure un
encadrement adéquat des masses populaires unies au sein des notre
mouvement d'union nationale ;
Considérant la nécessité absolue qui
apparaît d'assurer au niveau le plus élevé
l'identité et l'unicité des points de vue dans le but de
renforcer l'efficacité de l'action de nos responsables a quelque niveau
qu'ils se trouvent ;
Considérant que le Rassemblement du peuple togolais
à pour vocation d'être le guide de la promotion du citoyen et
qu'à cet égard, la prééminence doit lui être
reconnue comme responsable suprême de l'action de l'État ;
Considérant qu'a cet effet, c'est en son sein que
doivent normalement se prendre les grandes décisions, et option
fondamentales de la nation :
Demande que soit effective la primauté du Rassemblement
du peuple togolais et de ses instances, dans les structures de l'Etat, et qu'en
conséquence et de manière spécifique, le Bureau politique
national soit placé au dessus du gouvernement
Recommande que les instances du mouvement aient une
priorité définie de réunions, gage de leur fonctionnement
et de leur efficacité
Demande au président fondateur du RPT de veiller
personnellement à l'application de cette résolution, de
manière à faire assurer à tout moment la cohérence
de l'ensemble du système politique gouvernemental pour l'unité de
vue et d'action, au service du développement.
Source : deuxième congrès
statutaire du RPT p. 104
c/ Résolution n°5 deuxième
congrès statutaire du RPT
Considérant que la magistrature ne saurait
évoluer en dehors de l'Etat et encore moins d'agir contre l'Etat en
constituant un contre pouvoir ;
Considérant que l'indépendance de la
magistrature doit être replacée dans le contexte qui est celui
d'un pays en développement et que l'unicité des vues dans le but
de mobiliser toutes les énergies pour le développement national
est indispensable :
Demande la suppression pure et simple du principe de
l'indépendance de la magistrature et son intégration dans les
cadres normaux de la fonction publique
Demande au bureau politique et au gouvernement de tout mettre
en oeuvre pour déterminer des principes nouveaux qui mettent la justice
au service de l'oeuvre fondamentale que le RPT accomplie.
Source : deuxième congrès
statutaire du RPT p. 106
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
I/ - SOURCES
A/ - Sources orales
Noms et prénoms
|
Âges
|
Statut ou fonction
|
Date et lieu de l'entretien
|
AKPAYALA Simdatcho
|
anonyme
|
Censeur du lycée Niamtougou, Président du conseil
de préfecture de Doufèlgou, ancien délégué
préfectoral de la JRPT
|
Le 14 juillet 2012 dans son bureau à Niamtougou
|
BUDEMA Bandawa Jean-Bosco
|
52 ans
|
Président préfectoral du CAR/ Doufèlgou
|
Le 30 août 2012 à domicile
|
DAGBE Mathieu
|
57 ans
|
Socio-pédagogue, germaniste, ancien militant de la CPP.
|
Le 17 juillet 2012 à son domicile à Baga
|
DJANTE K. Mawuko
|
39 ans
|
Secrétaire Général de la préfecture
de Doufèlgou
|
Le 23 août 2012 dan son bureau à Niamtougou
|
KADOUMTA Mbow Jérémie
|
Anonyme
|
Enseignant chercheur dans les universités de Lomé
et de Kara ;
|
Le 27 avril 2012 à son domicile à Baga
|
M'GBOOUNA Koudjoulma
|
Anonyme
|
Ancien député à l'Assemblée
Nationale ; Enseignant chercheur dans les universités de
Lomé et de Kara
|
Le 15 décembre 2011 à domicile à
Lomé
|
MELA Madjoumata
|
48ans
|
Président préfectoral de la CDPA/
Doufèlgou
|
Le 30 août 2012 à domicile
|
TIBIKENA Apollinaire
|
Anonyme
|
Conseiller pédagogique à la retraite ; en
service actuellement au siège du RPT Doufèlgou
|
Le 26 mars 2012 dans son bureau à Baga
|
WASUNGU Pascal
|
anonyme
|
Sociologue, Enseignant chercheur dans les universités de
Lomé et de Kara
|
Le 26 janvier 2012 à son domicile à Lomé
|
ZATO D. T. Kourah
|
anonyme
|
Préfet de Doufèlgou, ancien député
à l'Assemblée Nationale, ancien président du conseil de la
préfecture de Tchamba
|
Le 07 août 2012 dans son bureau à Niamtougou
|
B/ - Sources écrites
a/ - Archives nationales du Togo
2APA, Cercle de Dapaong
Dossier 16 : Documentations sur les
partis politiques : JUVENTO, UCPN.
Dossier 18 : Rapports de réunions
de l'UCPN.
2APA, cercle de Klouto
Dossier 23 : Rapports sur les
activités et manifestations du CUT.
Dossier 73 : Préparation du 1er
congrès statutaire du RPT du 12 au 14 novembre 1971.
Dossier 262 : Situation politique
nationale et internationale à travers les articles de presse.
2APA, cercle d'Atakpamé
Dossier 80 bis 3 : - Situation
politique du Togo entre le référendum de 1958 et le coup
d'État du 13 janvier 1963.
- Rapports, demandes de réparations des dommages subits
par les progressistes au lendemain du référendum du 27 avril
1958.
- Rapport de dédommagements des personnes des personnes
victimes des préjudices matériels et corporels au fait
exclusif de discrimination politique.
- Procès verbaux relatifs aux incidents politiques
(bagarres, menaces, assassinat, destructions de biens) survenus dans les
localités de Blitta, Anié, Ountivou, Avêté,
Atakpamé) après le référendum du 27 avril
1958.
Dossier 84 : CUT, activités de
section locale Atakpamé.
Enquêtes de l'administration sur les
réunions et le comportement de certains membres du parti.
Dossier 87 : Actes du 8ème
congrès national tenu à Bè du 9 au 10 avril 1960.
Dossier 87 bis : Affaires
politiques : incidents à Blitta : coups et blessures sur la
personne du député Antoine Méatchi par les
militants CUT dirigés par Moussa Patin.
Dossier 88 : Rapports sur les relations
conflictuelles CUT/UDPT à Atakpamé.
2APA, cercle Lama-Kara
Dossier 5 : statut de l'Union des chefs
et populations du nord (UCPN)
Procès verbal de la réunion des chefs du
nord et fraternité togolaise.
2APA, cercle Mango
Dossier 36 : Affaires politiques :
dossiers de groupements politiques JUVENTO, CUT et UCPN. Diverses
associations, des syndicats de fonctionnaires et de la jeunesse de
la région Mango
b/ Sources électroniques
- Microsoft encarta 2008
- www politique-africaine.com,
numéros/pdf.02147.pdf.chronique scientifique : Démocratie et
parti unique en Afrique, colloque conjoint de l'association de science
politique (DVPW) Arnoldshain/francfort, 15-17 octobre 1986.
-
www.société-de-stratégie.asso.fr/pdfagir07txt1.pdf.
L'exigence démocratique par
Abdoulaye Wade.
- www.amazon.fr
c/ Publications officielles et rapports
- Actes des journées scientifiques internationales de
Lomé XIVème édition (JSIL 2010)
25-29 octobre 2010 sur le thème la contribution de la
recherche scientifique et
technologique à la réduction de la
pauvreté en Afrique sub-saharienne, Lomé, 470 p.
- Actes du troisième colloque de l'Université
d'Abomey-Calavi des sciences, cultures et
technologie, « centre CIEVRA » Akassato,
(Bénin) du 06 au 10 juin 2011, 445 p.
- Allocutions et discours du Président-Fondateur 1969-
1979, tome II juillet 1973 à
novembre 1976, secrétariat administratif du RPT, NEA
Lomé, 1979, 978 p.
- Bulletin officiel 1967 de la chambre de commerce,
d'agriculture et d'industrie de la
République togolaise.
- JORT : 1960, 1961, 1962, 1963, 1964,
1965, 1966, 1967, 1968, 1969, 1970, 1971, 1972,
1973, 1974, 1975, 1976, 1977, 1978, 1979, 1980, 1981, 1982,
1983, 1984, 1985, 1986,
1987, 1988, 1989, 1990
- Ministère du plan et de l'industrie, direction
générale du plan et du développement : 20
ans d'efforts de planification pour le développement
du Togo : Méthodologie, évolution
macroéconomique, bilan physique, bilan financier, 202
p.
- Programme et statuts du RPT, Lomé, Editogo, 1970, 44
p
- Rapport du premier congrès statutaire du Rassemblent
du peuple togolais tenu à Kpalimé
du 12 au 14 novembre 1971, NEA, Abidjan, Dakar, 1982, 80
p
- Rapport du deuxième congrès statutaire du
Rassemblent du peuple togolais tenu à Lama-
Kara du 26 au 29 novembre, NEA, Lomé, 163 p.
- Rapport du troisième congrès statutaire du
Rassemblent du peuple togolais tenu à Lomé
les 27, 28 et 29 novembre 1979, NEA, Lomé, 1982, 59
p.
- Rapport du premier séminaire national de
sensibilisation politique des conseillers
d'orientation scolaire et professionnelle tenu à
Lomé du 4 au 6 mai 1981, édition janvier
1982, 81 p.
- Rapport du premier séminaire de formation politique
tenu à Lomé du 22 au 24 février
1978, 2è édition janvier 1979, 158 p.
- Rapport annuel 1989 de la Commission nationale des droits de
l'homme (CNDH), 43 p.
République togolaise, Conférence nationale
souveraine : travaux de la Conférence
nationale souveraine droits de l'homme et libertés
fondamentales de l'époque coloniale à
nos jours, Lomé, juillet/août 1991, 1992, 54
p.
- JRPT, 1981 : Rapport du symposium national du 10e
anniversaire tenu à Lomé du 21 au
23 octobre 1981, 117 p.
- Togo presse du 31 août 1969, nouvelle marche n°
3117 du 14 février 1990.
- Togo dialogue n° 1445 du samedi 06 mai 1967 ;
n° 43 décembre 1979/janvier 1980.
n°54 décembre 1980/Janvier 1981.
- Jeune Afrique L'intelligent n°1359 du 14 janvier
1987 ; n° 1361 du 04 février 1987 ;
n°1566 du 08 janvier 1991 ; n°1990 de juin
1991, n°1569 23 au 29 janvier 1991.
II/ BIBLIOGRAPHIE
a/ Ouvrages généraux et
méthodologiques
COT J.-P. et MOUNIER J.-P., 1974 : Pour une
sociologie politique, tome, II, Paris, éd du Seuil, 186 p.
DENQUIN J.- M., 2001 : Introduction à la
science politique, 2è éd, Paris, Hachette, 156 p.
DOMINIQUE C., 2006 : Sociologie
politique, Paris, PUF, 566 p.
GODINEC P.-F., 1971 : Les systèmes
politiques africains, 1ère partie, Paris éd. 367
p.
GUIDERE M., 2004 : Méthodologie de la
recherche : Guide du jeune chercheur en lettres, langues, sciences
humaines et sociales Maîtrise, DEA, Master, Doctorat,
nouvelle édition, Paris, ellipses, 127 p.
KI-ZERBO J., 1972 : Histoire de l'Afrique noire,
d'hier à demain, Paris, Hatier, 702 p.
LAVROFF D.G., 1978 : Les partis politiques en
Afrique Noire, col. Que-sais-je ?, Paris, PUF, 128 p.
UNESCO, 1980 : Histoire générale de
l'Afrique, Paris, jeune Afrique, vol.2 893 p.
ZAHIR F., 2005 : Afrique et
Démocratie : espoir et illusion, l'Harmattan, 190 p.
b/ Ouvrages spécifiques
Articles
BATCHANA E. : « L'institution d'un parti unique
en Afrique Noire ou l'illusion d'une unité nationale :
l'exemple togolais (1961-1990) », en attente pour la
publication.
KADANGA K., 2007 : « Elections et violences
au Togo : le scrutin du 27 avril 1958 à
Atakpamé » in, Annales de la FLASH,
Université d'Abomey-calavi, n° 13 décembre, pp.
36-60
KADANGA K., 2008 : « La question des
réparations des violences politiques du 27 avril 1958 au 13
janvier 1963 à Atakpamé » in, Cahiers du
CERLESHS, n°29 Presses de l'Université de Ouagadougou,
pp. 1007-128.
Mémoires de maîtrise
ADIKOU M., 2008 : La Conférence Nationale
et son impacte sur la vie politique au Togo de 1990 à 2003,
mémoire de maîtrise, Lomé, UL, 104 p.
ASSALI N., 1988 : Planification et projet de
développement : cas du Togo, Rapport de stage pour
l'obtention du diplôme de DESS en économie de
développement - analyse de projet, France, Université de
Clermont-Ferrand I, 43 p.
BATOUMAENA E. B., 2008 : Les élections et le
référendum du 09 avril 1961 au Togo, mémoire
de maîtrise en histoire, Lomé, UL, 121 p.
GLIGBE M. K., 1993 : Vivre le multipartisme
à Lomé (1946-1963) : le PTP et le CUT,
mémoire de maîtrise en histoire, Lomé, UB, 118 p.
SIMDEGNA E., 2012 : Vie politique dans la
région de la Kara : cas de la Préfecture de la Kozah
(1969-2005), mémoire de maîtrise en histoire, Kara,
UK, 124 p.
TALIM T., 2008 : Naissance et évolution
d'un parti politique : le Rassemblement du peuple togolais (RPT) de
1969 à 1991, mémoire de maîtrise en histoire,
Lomé, UL, 115 p.
TOKI E., 2007 : La vie politique du Togo de 1963
à 1967 et le coup d'État militaire du 13 janvier 1967,
mémoire de maîtrise en histoire, Lomé UL, 103
p.
Thèses
ADUAYOM A.M., 1978 : Frontières contre
peuple en Afrique noire : le cas des éwé,
thèse de doctorat de troisième cycle, Sorbonne, 338 p.
BATCHANA E., 2008 : Liberté de presse et
pouvoir publique au Togo 1946-2004, thèse de doctorat unique
en histoire, Lomé, UL, 560 p.
DANIOUE T., 1994 : Formation sociale, enjeux
politiques et exercice du pouvoir dans l'État africain : le
mal togolais, thèse de doctorat, Toulouse, vol 1 + vol
2, 892 p.
KADANGA K., 1990 : La représentation
parlementaire et les élections en Afrique Occidentale
française sous la IVème République : 1946-1958
et le 13 janvier 1963, thèse de doctorat, Université
de l'Ille III, 491 p.
Autres ouvrages
AGBOYIBO Y., 1999 : Combat pour un Togo
démocratique, une méthode politique, Paris, Karthala,
209 p.
AGBOBLI A. K., 2007 : Sylvanus Olympio le
père de l'indépendance togolaise, éd. Graines
de pensée, Lomé, PUL, 94 p.
AJAVON R., 1989 : Naissance d'un État
africain : le Togo, territoire pilote : lumières et
ombres 1951- 1958, Lomé, NEA, 217 p.
D'ALMEIDA-TOPOR H., 1999 : L'Afrique au XXe
siècle, Paris, Armand colin, 383 p.
CORNEVIN R., 1988 : Le Togo des origines à
nos jours, Paris, Académie des Sciences d'Outre mer, 556
p.
DAVID P., 1988 : 21 ans de législation
togolaise : ordonnances, lois, décrets de 1967 à
1987 : tables annuelles commentées, Lomé,
Editogo, 183 p.
DAVID P., 1991 : Recueil de la législation
togolaise : ordonnances, lois, décrets de 1988 à
1990 : tables annuelles commentées, Lomé,
Editogo, 183 p.
DEBBASCH Ch., 2004 : L'Etat du Togo
1967-2004, Paris, Jouve, 552 p.
FEUILLET C., 1976 : Le Togo en
général : La longue marche de Gnassingbé
Eyadema, Paris, éd. ABC, 190 p.
FEUILLET C., 1991 : Les dix journées qui
ont fait le Togo, Paris, éd. ABC, 135 p.
GAYIBOR N. L., (dir.), 2005 : Histoire des Togolais
de 1884 à 1960, vol II, tome II, Lomé, PUL, 754 p.
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domination coloniale, Lomé, PUL 242 p.
GAYIBOR N. L., (éd), 1996 : Le peuplement
du Togo : État actuel des connaissances Historiques,
Lomé, Presse de l'UB, 180 p.
GOUVERNEMENT TOGOLAIS, 1963 : Le livre blanc sur les
violences survenues au Togo entre le 27 avril 1958 et le 13 janvier
1963, Lomé, 43 p.
MENTHON (de) J., 1993 : A la rencontre du
Togo, Paris, L'Harmattan, 271 p.
KADANGA K., 2007 : Formations associatives et
formations politiques au Togo 1990-1991 : Approche
historique, Lomé, PUL, 94 p.
REPUBLIQUE TOGOLAISE, 2012 : Rapport final de
Commission vérité justice et réconciliation, volume
1, Lomé, 309 p.
TETE-ADJALOGO T. G., 2006 : Le régime et
l'assassinat de Sylvanus Olympio (1960-1963), Paris, éd NM7,
362 p.
TETE-ADJALOGO T. G., 2006 : Histoire du Togo la
palpitante quête de l'«ablodé» :
1940-1960, Paris, éd NM7, 735 p.
TOULABOR C. M., 1986 : Le Togo sous Eyadema,
Karthala, Paris, 332 p.
WIYAO E., 1997 : 13 janvier 1963, 13 janvier 1967
pourquoi ? Lomé, NEA, 111 p.
YAGLA O. W., 1978 : L'édification de la
nation togolaise, éd L'Harmattan, Paris, 216 p.
LISTE DES TABLEAUX ET
ORGANIGRAMME
Pages
Tableau n°1 : Composition
du Bureau politique du RPT au sortir du congrès constitutif de novembre
1969
46
Organigramme structurel du RPT
50
Tableaux n° 2 : Composition
des bureaux politiques du RPT de 1971 à 1976
65
Tableaux n°3 : Composition
du comité central du RPT de 1971 à 1976
65
Tableaux n° 4 :
Répartition des ministres des Gouvernements du Général
Eyadema de 1972 à 1990 selon l'appartenance tribale et régionale
des ministres
66
Tableau n° 5 : Tableau
récapitulatif des montants des financements prévus des quatre
plans quinquennaux de développement économique et social (en
millions de francs courants)
71
Tableau n° 6 : Tableau
récapitulatif des montants des financements acquis des quatre plans
quinquennaux de développement économique et social (en millions
de francs courants)
72
Tableau n° 7 : Tableau
récapitulant deux secteurs avec leur financement interne et
externe
73
TABLE DES MATIERES
Pages
Dédicace
.....................................................................................................i
Remerciements
..............................................................................................ii
Sigles et abréviations
........................................................................................iii
INTRODUCTION GENERALE
1
PREMIERE PARTIE :
CRISE POLITIQUE ET INSTITUTION DU PARTI UNIQUE
RPT (1961-1969)
18
Chapitre premier :
EVOLUTION SOCIOPOLITIQUE AU TOGO DE 1946 A 1967 :
LA LUTTE POUR L'INDEPENDANCE ET LES PERIPETIES DE L'INSTITUTION DE FAIT DU
PARTI UNIQUE PUT
20
1- Le paysage politique togolais de 1946 à 1967
20
1.1- Les partis politiques au Togo entre 1946 et 1967
21
1.1.1- Le courant dit nationaliste
21
1.1.1.1- Le Comité de l'unité togolaise
(CUT)
21
1.1.1.2- La JUVENTO
23
1.1.2- Courant dit progressiste
23
1.1.2.1-Le Parti togolais du progrès (PTP)
23
1.1.2.2- L'Union des chefs et populations du nord
(UCPN)
24
1.1.2.3- Le Mouvement populaire togolais (MPT)
25
1.2- Les élections et les rivalités
politiques de 1946 à 1963 : division, règlement de compte,
régionalisme
26
1.2.1- Violences électorales et contestations
26
1.2.2- L'intérêt régional au
centre des rivalités entre nationalistes et progressistes
27
1.2.3- Les élections du 9 avril 1961, une
tentative d'institution du parti unique au Togo
28
2- Bilan de l'action politique au Togo entre 1958 et
1963
30
2.1- Bilan socioéconomique
30
2.1.1- Des efforts dans le domaine
socioéconomique
30
2.1.2- Un début d'urbanisation du pays
31
2.2- Bilan politique : la goutte d'eau qui
déborda le vase
32
2.2.1- Les violences, conséquences des
antagonismes politiques
32
2.2.2- La gestion du pouvoir entre 1958 et 1967
33
2.2.3- Un tissu social en lambeau
35
Chapitre deuxième :
DISSOLUTION DES ANCIENS PARTIS POLITIQUES ET NAISSANCE
DU RASSEMBLEMENT DU PEUPLE TOGOLAIS (RPT), PARTI UNIQUE (1967 - 1969)
38
1- La dissolution des partis et les raisons de
l'institution du parti unique au Togo
38
1.1- La dissolution des partis
38
1.2- Les raisons et avantages officiels du choix du
parti unique
40
2- Naissance du RPT
43
2.1- L'appel historique du 30 août 1969 à
Kpalimé
43
2.2- Le congrès constitutif
45
3- Structure et organisation du RPT
47
3.1- Les organes centraux
47
3.1.1- Le Congrès
47
3.1.2- Le Conseil national
48
3.1.3- Le Comité central
48
3.1.4- Le Bureau politique
48
3.2- Les organes décentralisés
48
3.2.1- Les Comités régionaux
48
3.2.2- Les Comités cantonaux
49
3.2.3- Les Comités de villages
49
3.2.4- Les Cellules de quartiers
49
3.3- Les commissions spécialisées
50
3.4- Les associations affiliées au RPT
51
3.4.1- La Jeunesse du rassemblement du peuple togolais
(JRPT)
51
3.4.2- L'Union nationale des femmes du Togo (UNFT)
51
3.4.3- La Confédération nationale des
travailleurs du Togo (CNTT)
52
3.4.4- L'Union nationale des chefs traditionnels du
Togo (UNCTT)
52
3.5- Le RPT : un parti doté d'une
structure calquée sur celle du peuple
53
DEUXIEME PARTIE :
LE PARTI RPT ET LA VIE POLITIQUE ET
SOCIOECONOMIQUE SOUS LE REGIME MONOLITHIQUE (1969-1990)
57
Chapitre troisième :
LE RPT ET L'OEUVRE DE CONSTRUCTION DE L'UNITE
NATIONALE (1969-1990)
59
1- Les moyens mis en oeuvre pour la construction de
l'unité nationale
59
1.1- Les pratiques juridiques
59
1.2- Les pratiques politiques
61
2-/ Les actions en faveur de l'unité nationale
63
2.1- Sur le plan politique : la politique de
réconciliation nationale et de répartition des
responsabilités politiques et administratives
64
2.2- Sur le plan socio-économique
68
2.2.1- Développement des infrastructures
économiques et des services
68
2.2.2- Développement rural
69
2.2.3- Développement du secteur industriel du
commerce et de l'artisanat
69
2.2.4- Secteur socioculturel et des ressources
humaines
70
2.3- La planification, un objet de
développement harmonieux
71
2.4- L'unité nationale : utopie ou
réalité ?
74
Chapitre quatrième :
LES IMPLICATIONS DU PARTI UNIQUE DANS LA VIE POLITIQUE
ET SOCIOECONOMIQUE AU TOGO (1969-1990)
78
1- Le verrouillage politique sous le parti unique
78
1.1- Déficit parlementaire
78
1.2- Déficit judiciaire et concentration des
pouvoirs
80
1.3- L'armée, un instrument au service de
l'unité nationale
81
2- Les conséquences du verrouillage politique
84
2.1- La proscription de la mémoire collective
des faits passés
84
2.2- L'adoption de nouveaux emblèmes
85
2.3- Les droits de l'homme bafoués
85
3- Le parti unique et la transition
démocratique
87
3.1- Le parti unique aux antipodes du multipartisme
87
3.1.1- L'obsolescence du parti unique
87
3.1.2- Les difficiles changements
88
3.2- La Conférence nationale togolaise, un
procès du parti unique
89
3.2.1- La Conférence nationale togolaise, les
espoirs douchés d'une sortie de crise
90
3.2.2- Les mesures prises, un règlement de
compte à l'ex parti unique
91
CONCLUSION GENERALE
94
ANNEXES
98
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
107
LISTE DES TABLEAUX ET ORGANIGRAMME
115
TABLE DES MATIERES
116
* 1 Lavroff (1978 : 36) a
listé de manière exhaustive les pays africains qui ont connu le
système du parti unique. En Afrique noire francophone, le Niger, la
Haute-Volta, et le Sénégal n'ont pas connu ce système.
Lavroff (1978 : 33).
* 2 JORT numéro 357 du
16 juin 1967 p. 267
* 3 Décret n°
62-8, JORT numéro 111 du 16/01/1962.
* 4 Discours prononcé
par le Président Français François Mitterrand le 20 juin
1990 lors du 16ème sommet France-Afrique. Dans ce discours, le
président Mitterrand recommandait aux gouvernements africains de
s'engager dans un processus démocratique.
* 5 M. Jérémie
Kadoumta est économiste et Enseignant chercheur dans les
universités de Lomé et de Kara, entretien réalisé
le 27 avril 2012 à son domicile.
* 6 Message
délivré lors du troisième congrès statutaire du
RPT. Rapport du troisième congrès statutaire du Rassemblent du
peuple togolais tenu à Lomé, 1982, p. 68.
* 7 Ancienne appellation de
l'actuelle Chambre du commerce et de l'industrie du Togo
* 8 Le 13 janvier est la date
anniversaire de l'assassinat du Président Sylvanus Olympio. Pour le
régime RPT cette date est célébrée comme
l'anniversaire de la « libération nationale ».
* 9 L'auteur est un membre de
la section France de l'UFC.
* 10 L'article 34 des
statuts du RPT stipule à cet effet : « [...] Ils (les
membres de ce secrétariat) sont tenus à une discrétion
absolue dans leur emploi » Rapport du premier congrès
statutaire du Rassemblent du peuple togolais p.31. Mais dans le livre vert
cette partie n'apparaît pas.
* 11 L'institution du parti
unique PUT peut s'avérée une volonté d'unir. Cette raison
vraisemblable n'exclut cependant pas que cette décision soit mue par des
intérêts égoïstes.
* 12 Cette constitution fut
adoptée le 9 avril 1961 sans l'aval de l'opposition qui n'avait pas
participé au scrutin.
* 13 La fin de la guerre
d'Indochine (21 juillet 1954) et le début de celle d'Algérie (1er
novembre 1954) fragilisèrent énormément l'association, qui
apparut sous une nouvelle forme quatre ans plus tard, avec l'instauration en
1958, par la Constitution de la Ve République, de la Communauté
française.
* 14 Après
l'indépendance, notamment en 1961, il devint le Parti de l'unité
togolaise (PUT)
* 15 Des deux raisons qui
justifient la création du CUT, celle de Ajavon est celle qui a
été officiellement évoquée. Celle-ci sans
être fausse voile la réelle intention de la France qui est la
raison évoquée par Yagla.
* 16 C'est là que se
situeraient l'une des causes lointaines de la création de l'UCPN.
* 17 Actes du 8ème
congrès national de la JUVENTO tenu à Bè du 9 au 10 avril
1960 (2APA, Atakpamé dossier 87).
* 18 Attitude gauchiste
c'est-à-dire qui professe de position révolutionnaire
mâtinée de marxisme. Ni véritablement gauchiste ni
véritablement marxiste mais comportement hybride relevant d'un emprunt
à l'un et à l'autre.
* 19 La fusion des deux
partis donna naissance en 1959 à l'Union démocratique du peuple
togolais (UDPT).
* 20 Le progrès est
un organe d'information proche du PTP.
* 21 ANT, 2APA Lama-Kara,
dossier 5 :
* 22 ANT, 2APA Dapaong,
dossier 16 : Documentations sur les partis politiques : JUVENTO,
UCPN.
* 23 C'est un parti
centriste. Tantôt dans le front nationaliste tantôt dans le front
progressiste. Il se dit modéré.
* 24 Les élections de
1958 constituent une exception la stabilité de cet électorat a
été chamboulée. A cette occasion le vote s'est fait sans
tenir compte de l'origine tribale.
* 25 Le progrès du 22
septembre 1952 cité par Batchana (2008 : 291)
* 26 Fonds investissement et
de développement économique et social.
* 27 2APA/Atakpamé
dossier 87, Actes du 8e Congrès national de la JUVENTO tenu à
Bè les 9 et 10 avril 1960.
* 28 2APA/Atakpamé
dossier 87, Actes du 8e Congrès national de la JUVENTO tenu à
Bè les 9 et 10 avril 1960.
* 29 2APA/Atakpamé
dossier 87, Actes de 8e Congrès national de la JUVENTO tenu à
Bè les 9 et 10 avril 1960.
* 30 ANT-Lomé, 2APA/
cercle d'Atakpamé dossier 84 : CUT, activité de la section
locale Atakpamé.
* 31 Décret n°
62-8 JORT numéro 111 du 16/01/1962.
* 32 Il semble qu'il ait
même envisagé de sortir de la zone franc en créant sa
propre monnaie.
* 33 Les réalisations
et les projets durant la présidence de Grunitzky sont contenus dans son
message de voeux à la nation le 31 décembre 1966. Bulletin
officiel 1967 de la Chambre du commerce, de l'agriculture et de l'industrie de
la République togolaise p. 2.
* 34 Message de voeux du
Président Nicolas Grunitzky à la nation le 31 décembre
1966, Bulletin officiel 1967 de la Chambre du commerce, de l'agriculture et de
l'industrie de la République togolaise p. 2.
* 35 Message de voeux du
Président Nicolas Grunitzky à la nation le 31 décembre
1966, Bulletin officiel 1967 de la Chambre du commerce, de l'agriculture et de
l'industrie de la République togolaise p. 2.
* 36 Menthon (1993 :
133 note que ceux-ci comme c'était le cas de bien d'autres
équipements étaient négligés.
* 37 Labarte 2005 : 38
cité par Toki 2007 : 13.
* 38 Premier plan
quinquennal de développement économique et social 1966-1970 p
5.
* 39 Littéralement,
ce terme voudrait dire soldats de l'indépendance.
* 40 Voir annexe 1 :
Répartition ethnique et régionale des différents
ministères des Gouvernements Olympio.
* 41 Arrêté
n° 91/PM/INT du 16 mai 1960, JORT 1960.
* 42 K. M'Gboouna, ancien
député à l'Assemblée nationale et enseignant
chercheur dans les universités du Togo, entretien réalisé
le 15 décembre 2011 à son domicile à Lomé.
* 43 Plusieurs raisons sont
évoquées comme causes de l'échec de ce gouvernement :
les faiblesses inhérentes et intrinsèques au système
bicéphale, la ruine du gouvernement par l'opposition PUT. Mais on peut
aussi évoquer le rôle de l'armée qui par ses prises de
position en faveur de l'une ou de l'autre des parties en conflit a
participé à fragiliser davantage la situation.
* 44 Programme et statuts du
RPT p. 9.
* 45 JORT n°357 du 16
juin 1967 p. 267
* 46 Togo Presse du lundi 22
mai 1967.
* 47 JORT, n°
spécial du 30 juin 1967, p. 1.
* 48 JORT, 1967, p. 521.
* 49 L'acte est devenu
presqu'une tradition ainsi à la veille de chaque 13 janvier le chef de
l'Etat prononçait un discours à la nation.
* 50 K. M'Gboouna, ancien
député à l'Assemblée nationale et enseignant
chercheur dans les universités du Togo, entretien réalisé
le 15 décembre 2011 à son domicile à Lomé.
* 51 Nous parlons de
résurrection parce que comme nous l'avons vue plus haut les dirigeants
des précédents régimes ont été enclins
à ce projet. Danioue (1994 : 229) dira d'ailleurs :
« il est alors plus juste de dire que le Général
Eyadema n'a fait que réaliser le rêve des hommes politiques qui
eurent plutôt l'hypocrisie ou la pudeur de le proposer ouvertement
à leurs concitoyens. »
* 52 Ancienne appellation de
la ville de Kara
* 53 Rapport du
deuxième congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais
tenu à Lama-Kara, 1982, p. 54
* 54 Allocutions et discours
du Président-Fondateur 1969- 1979, tome II, juillet 1973 à
novembre 1976, p.508
* 55 Certains de ces
avantages constitueront les objectifs du RPT.
* 56 K. M'Gboouna, ancien
député à l'Assemblée nationale et enseignant
chercheur dans les universités du Togo, entretien réalisé
le 15 décembre 2011 à son domicile à Lomé.
* 57 L'expression est en
éwé et signifie littéralement : que la paix vienne
sur la terre
* 58 M. Koffi K.
était le commissaire régional du RPT à Klouto et la
citation est extraite de son discours à l'occasion du premier
congrès statutaire du RPT du 12 au 14 novembre 1971 à
Kpalimé, (ANT, 2APA/Klouto dossier 73.
* 59 Rassemblement du peuple
français créé par le Général de
Gaulle ; Président français de 1959 à 1969.
* 60 Le 7 avril 1947, le
Général de Gaulle annonçait dans un discours la
création du RPF.
* 61 Discours du 30
août 1969 prononcé par le Président Eyadema à
l'occasion de l'appel historique de Kpalimé, Togo-presse du 31
août 1969 ; voir l'intégralité du texte du discours en
annexe 2.
* 62 Discours du 30
août 1969 Togo-presse du 31 août 1969.
* 63 Discours du 30
août 1969 Togo-presse du 31 août 1969.
* 64 Il est à noter
qu'a l'origine le RPT se veut plus un mouvement qu'un parti politique. C'est
donc un amalgame quand on lui colle l'étiquette de parti politique ou
qu'on utilise ce terme pour le désigner à cette époque.
* 65 Discours programme du
chef de l'Etat à la clôture du congrès constitutif
(Togo-Presse N°2222 du 2 décembre 1969)
* 66 Statuts du
Rassemblement du peuple togolais ; (source : Programme et statuts du
RPT, p. 40)
* 67 Programme et statuts du
RPT, p. 42.
* 68 Exemple les
décisions n° 184, 186, 189, 206/MEF-FCS du 18 mars 1986, JORT du
1er avril 1986
* 69.Exemple : L'Union
des ressortissants de la circonscription d'Aného (URCA), l'Union des
ressortissants de la circonscription de Vo (URCIVO), l'Amicale des stagiaires,
élèves et étudiants de la préfecture des Lacs
(ASERLACS), l'Amicale des élèves et étudiants de la Kozah
(AMELKO), l'Amicale des élèves et étudiants de la
circonscription administrative d'Amlamé (AMECAA) etc. furent
particulièrement dynamiques.
* 70 Programme et statuts du
RPT, Lomé, Editogo, 1970, p.10
* 71 Ceci n'est pas une
particularité du RPT tout les partis uniques en Afrique se sont
proclamés démocratiques puisque disent-ils, ils prônent en
leur sein le dialogue, la critique et la contestation constructive et surtout
parce qu'ils pratiquent le suffrage universel. Est-ce par peur d'être
traité de dictature ?
* 72 Programme et statuts du
RPT, Lomé, Editogo, 1970, p.13
* 73 Les discours politiques
sur l'unité nationale au Togo ont fait l'objet d'une communication
pendant la XIVe édition des journées scientifiques
internationales de Lomé (JSIL 2010) du 25 au 29 octobre 2010 ;
« avril 1960 - avril 2010, cinquante ans de discours sur
l'unité nationale au Togo : les leçons d'une politique
toujours d'actualité » présentée par Joseph
Koffi Nuteté Tsigbe, département d'histoire et
d'archéologie/UL. Cette communication avait pour objectif d'amener tout
citoyen à se demander ce qui a été réellement fait
en matière d'unité nationale au Togo, au delà de cette
considération simpliste, l'auteur de la communication, qui s'inscrit
dans le nouveau paradigme en histoire, sur « vivre et enseigner
la nation », vise à décrypter les discours
politique sur l'unité nationale au Togo en vue de faire un bilan
cinquante ans après et tirer ainsi les principales leçons qui
s'imposent, Actes des Journées scientifiques internationales de
Lomé XIVe édition (JSIL 2010) 25-29 octobre 2010 sur le
thème « la contribution de la recherche scientifique et
technologique à la réduction de la pauvreté en Afrique
sub-saharienne », Lomé.
* 74 Nom donné au
programme mis en oeuvre par le Président des Etats-Unis Franklin D.
Roosevelt entre 1933 et 1938 pour contrecarrer les effets de la grande
dépression due à la crise économique de 1929. Dans le cas
du Togo, c'est donc une figure de rhétorique qui établit un
rapport de similitude entre la situation de crise qui prévalait en ce
moment au Togo et les mesures envisagées.
* 75 Discours du
Président Eyadema aux populations de Lomé le 19 novembre 1976, in
Allocutions et discours du Président Fondateur 1969- 1979, tome II, p.
970.
* 76 Les décrets
convoquant le corps électoral illustrent cette affirmation. Les
électeurs sont appelés à répondre par oui ou par
non à un choix. Voir JORT 1971 numéro spécial du 29
décembre décret 71-221 du 29/12/71 ; JORT 1979 numéro
spécial du 14 décembre décret 79-285 du 13 décembre
1979.
* 77 Constitution de 1980,
JORT, numéro spécial du 12 janvier 1980.
* 78 Constitution de 1980,
JORT, numéro spécial du 12 janvier 1980.
* 79 Ordonnance
numéro 4 et numéro 5 du 27 janvier 1967, JORT 1967, numéro
spécial 30 janvier 1967.
* 80 Rapport du
troisième congrès statutaire du RPT, p. 15.
* 81 On ne voit pas
l'utilité d'une opposition et n'accepte pas que l'opposition est une
caractéristique nécessaire d'un régime politique.
* 82 Gonidec fait ressortir
l'importance des idéologies dans l'intégration nationale.
* 83 Rapport du symposium
national du 10e anniversaire tenu à Lomé p. 33.
* 84 Décret du 2 mai
1967, JORT n° 357 du 16 juin 1967.
* 85 J. Assila Togo presse,
n° 1445 du samedi 06 mai 1967.
* 86 Voir annexe 3 a/
résolution relative à l'adoption de l'hymne national.
* 87 Rapport du symposium
national du 10e anniversaire tenu à Lomé du 21 au 23 octobre
1981, p.20
* 88 M. Mela Madjoumata,
président préfectoral de la CDPA/Doufèlgou, entretien du
30 août 2012.
* 89 Budema Bandawa,
président préfectoral de la CAR/Doufèlgou, entretien du 30
août 2012
* 90 Selon Toulabor
(1986 : 242- 247), c'est le nord (région centrale, de la Kara et
des Savanes) qui à bénéficié de cette politique.
Ces soupçons de favoritisme expliqueraient la chasse aux
sorcières dont furent victimes dans les années 1990, les
populations du nord assimilées au RPT.
* 91 Entretien
réalisé avec Apollinaire Tibikèna le 26 mars 2012.
* 92 Rapport du symposium
national du 10e anniversaire tenu à Lomé du 21 au 23 octobre
1981, p. 20.
* 93 Togo Dialogue N°54
décembre 1980/Janvier 1981.
* 94 Décret
n°67-167, JORT n° spécial du 30 juin 1967.
* 95 Ordonnance
numéro 25 du 14juin 1967 JORT numéro spécial du 30 juin
1967.
* 96 Fonds européen
de développement
* 97 La levée de
cette taxe civique instituée sous le Président Olympio vaudra
à Eyadema une popularité car les populations surtout dans le nord
racontent que faute de moyens financiers ou matériels pour s'acquitter
de cette taxe ils fuyaient le plus souvent vers le Ghana ou encore ceux en
âge de payer se cachaient dans les greniers à l'arrivée du
percepteur.
* 98 Le décret
n° 71-132 érigeant les hôpitaux régionaux de Dapaong,
Lama-Kara et d'Atakpamé en centres régionaux hospitaliers
* 99 Direction de la
statistique, Ministère du plan et des mines.
* 100 Rapport du PNUD sur
l'aide au Togo en 1990, Menthon 1993 : 258.
* 101 Dans l'état
actuel des choses, l'épargne privée (ménages et
entreprises), est quasi inexistante si l'on sait l'importance de la
consommation au revenus dans nos économies encore largement
auto-consommatrices.
* 102 Confère
article 3 alinéa 3 des statuts du RPT : « le RPT
déterminera les grandes options politiques, économiques et
sociales de la nation, et en assurera l'application. »
* 103 Constitution de 1980
(Togo-Dialogue n° 43 décembre 1979/janvier 1980 pp. 7-11).
* 104 L'existence de partis
politiques clandestins est signalée dans les années 1980 et il
s'agit de : la Convention démocratique des peuples africains
(CDPA), le Parti communiste togolais (PCT), le Mouvement togolais pour la
démocratie (MTD), le Front démocratique pour la libération
du Togo (FDLT).
* 105 On a
dénombré plusieurs complots mais le plus important reste celui du
23 septembre 1986.
* 106 La CNDH
révèle avoir reçu une plainte d'un citoyen qui fut
arrêté et mis en garde à vue pour une question posée
au cours d'un séminaire organisé à Dapaong en septembre
1989 (Rapport annuel p. 16), c'est la preuve que même au sein du partie
la liberté d'expression n'était pas évidente pour tous.
* 107 Rapport du
deuxième congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais p.
106. Voir l'intégralité de la résolution annexe n°3
c/.
* 108 Ordonnance
numéro 77-51 du 6 décembre 1977, JORT du 16 décembre
1977.
* 109 Discours du
Président de la République à la clôture du premier
congrès statutaire du RPT, Rapport du premier congrès statutaire
du Rassemblent du peuple togolais, p. 87.
* 110 Programme et statuts
du RPT, p. 42.
* 111 Programme et statuts
du RPT p. 13
* 112 Allocution
prononcée par le général Eyadema à l'ouverture du
2e congrès statutaires du RPT à Lama-Kara, le 27 novembre
1976.
* 113 Eyadema cité
Toulabor 1986 : 103
* 114 Le
déséquilibre régional dans l'armée qui n'est pas un
fait exclusif au Togo peut s'expliquer par des raisons historiques sociales et
sociologiques. Historiquement le statut du Togo d'abord comme colonie sous
mandat de la SDN puis ensuite comme territoire sous-tutelle de l'ONU excluait
les recrutements militaires. Mais il on a constaté que les Togolais dans
le nord, pauvre estime-t-on, passaient la frontière dahoméenne
pour aller se faire recruter. Eyadema, comme l'ensemble des
démobilisés de l'armée française qui
intégrèrent l'armée togolaise, s'était fait
recruter au Dahomey. En 1962 les ressortissants du nord constituaient 89,04%
contre 10,96% pour le sud (Danioue 1994 : 512). Il n'est pas exclu
cependant que d'autres facteurs soient venus perpétuer ce
déséquilibre.
* 115 La plupart de ces
effigies ont été détruite avec l'avènement de la
démocratie en 1990
* 116 Les actuels palais de
congrès de Lomé et de Kara étaient appelés maisons
du parti.
* 117 Résolution
relative à l'adoption de l'hymne nationale, (Rapport du troisième
congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais, 1982, p.107 ;
article premier de la constitution de 1980).
* 118 Travaux de la
Conférence nationale souveraine droits de l'homme et libertés
fondamentales de l'époque coloniale à nos jours, 1992, pp.
12-15.
* 119 Rapport annuel 1989
de la CNDH p. 4.
* 120 Le Président
Eyadema le 30 août cité par Kadanga 2007 : 35.
* 121 Elle fut
aussitôt interdite (Kadanga 2007 : 38).
* 122 Pour le rôle de
ces associations dans la vie politique, voir Kadanga 2007 pp. 38-39.
* 123 Professeur Daniel
Bourmaud agrégé de science politique de l'Université de
Montesquieu Bordeaux IV, auteur de La politique en Afrique, Paris,
2009, (www.amazon.fr).
* 124 Dans le cadre de
l'organisation de la conférence nationale, plusieurs désaccords
opposaient le gouvernement et l'opposition aussi bien sur la forme que sur le
fond. Sur la forme, pour le gouvernement, il s'agissait d'organiser un forum
national alors que l'opposition exigeait que ce soit une conférence
nationale. Sur le fond, la pomme de discorde était surtout relative au
principe de souveraineté de la conférence. Ces divergences
d'approche conduisirent à un blocage puis à une grève
générale illimitée. C'est dans ce contexte qu'intervinrent
les accords du 12 juin entre le gouvernement et l'opposition réunie au
sein du COD, qui mirent fin au blocus. Voir les termes de l'accord in K.
Kadanga (2007 : 70-71).
* 125 Mathieu Ngirumpatse,
secrétaire national du Mouvement républicain national pour la
démocratie et le développement (MRND) du Rwanda.
* 126 La plupart de ces
effigies ont été détruites avec l'avènement de la
démocratie en 1990.
* 127 Débat
coutumier entre les hommes d'une même communauté. C'est aussi une
technique de consultation et de discussion permettant d'associer toutes les
catégories sociales d'une communauté à la
décision.
* 128 Rapport final de la
Commission vérité justice réconciliation volume 1, 2012,
p. 56.
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