251672064
Année 2014-2015
MEMOIRE DE MAITRISE
251671040
Sociologie des carrières professionnelles dans
les entreprises privées au Burkina Faso :
Cas de TELECEL FASO - Ouagadougou
251667968
Sous la direction de :
Dr. KORBEOGO Gabin Dr. KORBEOGO Gabin
Maître-assistant de sociologie
251668992Présenté et soutenu
par :
SANGUE Antoine
251670016
SOMMAIRE
DEDICACE
iii
REMERCIEMENTS
iv
SIGLES ET ABREVIATIONS
v
LISTE DES TABLEAUX
vi
LISTE DES FIGURES
vi
INTRODUCTION
7
PREMIERE
PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
9
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE
10
CHAPITRE II : CADRE METHODOLOGIQUE
39
DEUXIEME
PARTIE : PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES
46
CHAPITRE I : PRESENTATION GENERALE DE TELECEL
FASO
47
I- HISTORIQUE DE TELECEL FASO
47
II- STRUCTURATION DE TELECEL
50
CHAPITRE II : PROCESSUS D'INTEGRATION
PROFESSIONNELLE
58
I. MODE DE RECRUTEMENT
58
II. SOCIALISATION PROFESSIONNELLE CHEZ
TELECEL FASO
67
III. PRINCIPES DU MILIEU
70
IV. LES RELATIONS DE COOPERATION
77
CHAPITRE III : CONSTRUCTION DE LA CARRIERE
PROFESSIONNELLE DES TRAVAILLEURS A TELECEL FASO
84
I. CONDITIONS DE TRAVAIL CHEZ TELECEL FASO A
OUAGADOUGOU
84
II. CONDITIONS SOCIO-ECONOMIQUES DES
TRAVAILLEURS DE TELECEL
89
III. PROTECTION SOCIALE DES TRAVAILLEURS
98
IV. SYSTEME DE SUIVI DU PERSONNEL
103
CONCLUSION
110
BIBLIOGRAPHIE
112
ANNEXES
i
DEDICACE
A mon Père et ma Mère.
À mon Oncle, Mr SOUGUE Y. Marius et son
épouse,
Grâceà vous, j'ai connu le chemin de
l'école. Recevez en ce mémoire, la récompense des
sacrifices consentis à mon égard.
A mon épouse qui a toujours été à
mes côtés dans mes moments difficiles,
et à mes jumeaux Amir et Amel,ceci est
lapremièreoeuvre d'un avenir prometteur.
Puisse Dieu vous bénir.
Une dédicace spéciale à KABORE
Josué,
Précédemment étudiant en faculté
de sociologie, parti trop tôt. Saches qu'on ne t'oubliera jamais.
Que ton âme repose en paix !
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier tous ceux qui d'une
manière ou d'une autre ont contribué à l'aboutissement de
ce mémoire.
Nous pensons particulièrement à notre Directeur
de mémoire, Dr. Gabin KORBEOGO qui n'a ménagé aucun effort
pour nous assister. Nous lui réitérons nos sincères
remerciements pour ses conseils, suggestions et encouragements tout au long de
cette recherche. Lui qui a su porter son attention, son dynamisme et sa rigueur
à ce travail.
A tout le corps professoral du département de
sociologie, pour les peines et tant de labeur fournis, afin de nous initier au
métier de sociologue. Nous avons conscience des dettes intellectuelles
contractées auprès de vous.
Nos reconnaissances également à nosamis,
noscamarades étudiants (es) sociologues qui nous ontaccompagné
dans la réalisation de cette étude.
Nous remercions particulièrement Télécel
Faso et tout son personnel.
Au directeur des ressources humaines de nous avoir compris
dans notre démarche.
A tous les travailleurs qui se sont prêtés
à nos questions et à noscollègues du call center.
A tous ceux dont les noms n'ont pu être cités,
puissiez- vous retrouver en cet écrit notre réelle
reconnaissance.
SIGLES ET ABREVIATIONS
ANPE : Agence Nationale de la Promotion de l'Emploi
BIT : Bureau International du Travail
ONEF : Observatoire Nationalde l'Emploi et de la
Formation
INSD : Institut National de la Statistique et de la
Démographie
RGPH : Recensement Général de la Population
et de l'Habitat
NTIC : Nouvelles Technologies de l'Information et de la
Communication
CDD : Contrat à Durée
Déterminée
CDI : Contrat à Durée
Indéterminée
SVI : Service de Vente Indirecte
ADV : Administrateur Des Ventes
PCA : Président du Conseil d'Administration
DG : Directeur/Direction Générale
DRH : Directeur des Ressources Humaines
GRH : Gestion des Ressources Humaines
BTS : Brevet de Technicien Supérieur
DUT : Diplôme Universitaire Technique
DEUG : Diplôme d'Etudes Universitaires
Générales
SNCF : Société Nationale des Chemins de Fer
(France)
CNSS : Caisse Nationale de Sécurité
Sociale
UAB : Union des Assurances du Burkina
BOA : Bank Of Africa
SMIG : Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti
OST : Office de Santé des Travailleurs
SMS : Short Message System
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Répartition des enquêtés
selon la catégorie d'âge
Tableau 2 : Répartition des enquêtés
selon le sexe
Tableau 3 : Répartition des enquêtés
selon la catégorie professionnelle
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Implantation géographique des agences de
Télécel Faso dans la ville de Ouagadougou
Figure 2 : Organigramme Direction Générale
Télécel Faso
INTRODUCTION
Pays sahelo-sahelien, situé au coeur de l'Afrique
Occidentale, le Burkina Faso fait partie des Etatsqualifiés de pays
pauvres très endetté. Comme beaucoup d'autres pays africains, une
grande frange de la population est jeune avec pour traits
caractéristiques une prépondérance de situation de
chômage et de sous-emploi. Suite à diverses difficultés
d'ordre macroéconomique, les autorités burkinabés ont
entrepris avec l'appui de la communauté financière internationale
depuis 1991, d'importantes réformes économiques et structurelles
appelées Programmes d'Ajustements Structurels (PAS)
(Labazée1988). Ces reformes avaient pour objectif essentiel de
libéraliser l'économie et de faire du secteur privé un
moteur de croissance. Pourtant, le secteur privé au Burkina reste
dominé par des activités de l'informel, laissant peu de place au
secteur structuré.
Malgré les reformes dans le secteur de l'emploi, dont
la relecture des textes régissant les relations de travail, des
décrets et autres arrêtés donnant une nouvelle dynamique au
secteur, des situations de précarité subsistent au niveau des
travailleurs (Domba 2009). Cette situation de précarité s'inscrit
dans une logique de jeux d'intérêts des acteurs qu'il convient de
comprendre afin d'en tirer une substance. Toutefois, toute
interprétation sur le fonctionnement d'une organisation doit tenir
compte de plusieurs facteurs enchevêtrés les uns dans les
autres.
Lieu de création de richesses et de pouvoirs,
l'entreprise, est nécessairement un espace social où le non-dit
garantie la légitimité des positions acquises. En effet, les
employeurs tout comme les employés ont recours à des
stratégies, qui, pour rentabiliser, qui pour se construire un projet
professionnel dans un contexte de marchés du travail
fermés. Cette clôture du marché du travail se
manifeste par la restriction de l'accès au poste de travail qui filtre
les candidats en fonction d'attributs plus ou moins formels (Paradeise 1985).
Le nouveau millénaire a vu apparaître dans le
pays de nouvelles entreprises, qui de prime abord offrent de nouvelles
opportunités et perspectives autant pour le chercheur d'emploi
conformément à son capital culturel, que pour l'employeur
à la recherche de plus-value. L'arrivée de plusieurs
sociétés de grande envergure suite au développement de la
technologie donne un nouveau dynamisme au secteur de l'emploi. Parmi ces
entreprises, on peut compter celles exerçant dans le domaine de la
téléphonie mobile en l'occurrence Telmob, Airtel (anciennement
Celtel puis Zain) et Télécel Faso. Cette dernière
société est l'objet de la présente étude. Suivant
une démarche qualitative, cette étude a pour ambition de
comprendre le processus de construction de la carrière professionnelle
au sein de l'entreprise. Elle n'a de ce fait pas pour vocation de
repérer les écarts entre les normes préétablies et
le fonctionnement de l'entreprise. L'approche interactionniste s'attache
plutôt, en dehors de tout jugement de valeur, à
révéler, à analyser et à formaliser le
fonctionnement social de différentes situations de travail chez
Télécel Faso à Ouagadougou. Il s'agit de reconstruire le
sens que les travailleurs assignent à leurs actions et de faire
émerger la manière dont ils comprennent, interprètent les
situations et agissent sur leur travail. Nous cherchons ainsi à saisir
les valeurs, les représentations et stratégies qui orientent les
perceptions et les différentes actions des acteurs en interactions.
Cette étude aura comme utilité sociale de mettre
en forme les mécanismes, les processus et les liens qui permettent de
comprendre l'état de la régulation sociale dans les entreprises
privées comme Télécel Faso. De par son approche, elle
offre la possibilité de découvrir les enchainements et la
complexité des phénomènes qui échapperaient
à un regard trop linéaire ou trop techniciste.
PREMIERE PARTIE : CADRE
THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
251665920
CHAPITRE I : CADRE
THEORIQUE
Dans ce chapitre, il est question de faire une synthèse
des documents qui abordent notre question de recherche. Cette recherche
documentaire nous permet de voir les différents points de vue
développés par les chercheurs et de dégager de nouvelles
pistes de recherche. Ce cadre théorique est composé de la revue
de littérature, de la problématique, des objectifs, des
hypothèses et de la définition des concepts.
I. REVUE DE LITTERATURE
Afin d'élaborer notre cadre théorique, nous
avons procédé à une recherche documentaire à partir
d'ouvrages, d'articles, de mémoires, de rapports d'études et de
travaux divers. Cette revue de littérature est construite autour d'un
certain nombre de thématiques : la division et l'organisation du
travail, les modes de recrutement, la gestion de la carrière
professionnelle des agents, la socialisation et représentations sociales
des agents dans le champ professionnel.
I.1. Division et organisation du
travail
Dans toutes les sociétés humaines, le travail
est l'objet non seulement de règles techniques et morales, mais aussi de
contrôle social. La division du travail a toujours été au
centre de l'organisation du travail contemporain, de manière plus ou
moins explicite (Durkheim 1930, Sainsaulieu 1988, etc.). Elle est
censée augmenter la force productive et l'habilité du
travailleur ; elle est perçue comme une condition nécessaire
du développement intellectuel et matériel des
sociétés.
C'est ainsi que Taylor (in Mousli2006) a mis au point une
méthode de rationalisation afin d'augmenter la productivité. Le
taylorisme repose sur une double division du travail. La division
horizontale du travail qui consiste à parcelliser les tâches
en un ensemble de gestes simples et répétitifs confiés aux
ouvriers. La division verticale du travail, qui isole les
tâches de conception, laissées à la hiérarchie
et les tâches d'exécution imposées aux ouvriers. Selon
l'auteur, la méthodologie de Taylor a consisté à produire
plus en moins de temps, à organiser scientifiquement le
travail bien qu'à l'époque le modèle fût
contesté.
La démarche scientifique de l'organisation de la
société adoptée par Durkheim (1930) est toujours
d'actualité. En effet il met en exergue deux formes de solidarité
sociale: « la solidarité mécanique », qu'on
retrouve surtout dans les sociétés traditionnelles fondées
sur un ensemble de croyances et de normes héritéeset la
« solidarité organique », fondée sur la
division du travail. Les formes pathologiques de la division du travail qui
cessent d'engendrer la solidarité sont également
analysées. Observant le développement de la division du travail
dans les sociétés contemporaines, il remarque que la division du
travail, loin de diviser les Hommes, renforce leur
complémentarité en les obligeant à coopérer.
L'auteur ne réduit pas la division du travail à une
spécialisation professionnelle. Il estime qu'elle concerne toutes les
activités humaines. Selon lui, la solidarité sociale peut
être étudiée par son « symbole
visible » qui est le droit.Le passage d'une forme dominante de lien
social à une autre, c'est-à-dire d'une société
fondée sur la solidarité mécanique à une
société fondée sur la solidarité organique,
s'explique pour lui par le progrès de la division du travail. Avec
l'accroissement de cette dernière et la complexité croissante de
la société, les règles de droit s'étendent et
reposent de plus en plus sur un droit restitutif et coopératif. Ce qui
est illustré par le développement des recours aux contrats,
symboles de l'échange. Durkheim présente les formes pathologiques
de la division du travail. Quand les règles qui déterminent la
division du travail ne sont pas acceptées par tous en raison d'un manque
d'équité ; quand le travail exerce une contrainte trop
forte, la machine imposant son rythme sans créer de solidarité,
mais plutôt un automatisme, comme le montre plus tard Naville
(1963) ; ou quand les fonctions sont insuffisamment coordonnées, et
partant les employés insuffisamment occupés dans les
administrations ne perçoivent pas le lien qui les unit aux autres si
bien que :
« l'individu, courbé sur sa tâche,
s'isole dans son activité spéciale, il ne sent plus les
collaborateurs qui travaillent à côté de lui, à la
même oeuvre que lui, il n'a même plus l'idée de cette oeuvre
commune »(Durkheim 1930 : 348).
D'autres peuvent avoir pour conséquence l'anomie,
c'est-à-dire une désintégration du lien social. L'anomie
provient d'un manque d'interaction entre les fonctions.C'est le cas lorsque
l'antagonisme entre capital et travail sépare le maître de
l'ouvrier pouvant conduire à des révoltes. Aujourd'hui, la
montée du chômage et de la précarité au travail
constituent indéniablement des facteurs que Durkheim pourrait ranger
dans les formes pathologiques de la division du travail, celles qui dissolvent
le lien social.
Ces anomalies pourraient se lire dans l'espace de travail de
Télécel Faso, où l'utilisation permanente des NTIC,
créé des formes de solidarité organisées autour
d'une logique particulière.
Au-delà des formes pathologiques de la division du
travail, Bourdieu (1976), lui, entend que chaque société est
organisée autour d'un système de production et de distribution
qui lui permet de se pérenniser dans le temps. Dans son étude
ethnologique sur la société Kabyle, il montre comment cette
société est régie par un mode d'organisation construit
autour d'un système qu'il appelle la logique pratique.
Cette logique permet de mettre en exergue la distinction entre les deux sexes
masculin et féminin, quand bien même cela semble contextuel. Son
analyse se porte sur plusieurs domaines. L'espace de la maison, les parties du
corps, l'année agraire, la cuisine, la journée, les travaux
quotidiens. Les pratiques sociales sont associées à des
séries de contraires : le masculin étant
généralement associé au sec, au chaud, au plein, à
l'épicé, au clair, au dehors, au dur ; pendant que, le
féminin est lié à l'humidité, au froid, au
vide, au fade, à l'obscur, au dedans et au tendre. Cette division
sexuelle du travail proposée par l'auteur peut servir à analyser
la distribution des tâches et des postes aux travailleurs au sein de la
société Télécel Faso. Au regard de la dimension
commerciale de l'entreprise, la distribution interne des tâches suivant
le sexe répondrait à des stratégies de mise en
scène des attributs physiques et intellectuels des individus en vue
d'assurer une visibilité et une rentabilité optimale de
l'entreprise.
Dans une logique médicale, Freidson (1970)
élabore une théorie du procès de travail fort
considérable. En effet, l'auteur analyse les processus d'organisation en
cours dans l'espace du travail médical. Selon lui, la division du
travail dans les domaines non professionnalisés, est le résultat
de données liées à l'histoire, aux obligations dues au
système économique et politique. Cependant, la division du
travail médical est régulée par la profession dominante du
médecin, doté d'un soutien politique de l'Etat, qui lui donne le
droit de diriger toute activité qui s'y rattache au sien. L'auteur
désigne ces activités par le terme de métiers
paramédicaux, qui sont les métiers relatifs à
l'administration des soins dont le médecin a le contrôle absolu,
consistant à assister plutôt qu'à remplacer la tâche
du médecin. C'est le cas de l'infirmière et du technicien de
laboratoire par exemple. La profession médicale prend alors une forme de
hiérarchie. Ainsi, le médecin se retrouve au centre d'un
ensemble de spécialistes dont l'activité est
régulée par son autorité. Tout le travail de
l'infirmière découle des ordres du médecin. C'est ce qui
amène l'auteur à dire que « l'activité
d'infirmière était ainsi définie comme un
élément subalterne de la division technique des taches
attachées à la médecine»(Freidson 1970 : 71). En
outre, dans les métiers paramédicaux, il existe une
hiérarchie de prestige et d'autorité. Autant le médecin a
la main mise sur l'activité de l'infirmier ou de la sage-femme, autant
ces dernières aussi codifient le comportement professionnel des
techniciens. Toutefois, Freidson remarque que les femmes sont plus nombreuses
dans les métiers paramédicaux que celui de médecin. Et
cette causalité se trouve au coeur des origines sociales, puisqu'aux
USA, elles sont pour la plupart issues de groupes ethniques, raciaux et
religieux les plus dévalorisés. La question reste à
savoir, si chez Télécel Faso, les postes de travail sont aussi
distribués selon une origine ou une trajectoire sociale, ou selon une
appartenance à telle ou telle autre catégorie sociale.
Dans son analyse de l'espace du travail,Hughes (1996) montre
que la division du travail implique « l'interaction qui est l'essence
des totalités ». Elle ne consiste pas dans la simple
différence entre type de travail d'un individu et celui d'un autre, mais
dans le fait que les différentes tâches sont les parties d'une
totalité et l'activité de chacun contribue dans une certaine
mesure au produit final. Selon l'auteur, l'étude du travail ne doit pas
occulter une partie du système d'interaction. Car l'on ne saurait parler
de poste de travail sans une organisation la mandatant, et pas de travail sans
d'autres personnes. Ce qui implique que l'étude du travail d'une
catégorie de personnel, ne saurait se faire sans l'analyse du travail
des autres. Ainsi, toutes ces catégories de personnel sont dans
l'obligation de dépasser les frontières qui les séparent,
et se tourner vers une nécessaire coopération, qui, pourtant peut
être source de conflits. S'appuyant sur le métier de l'avocat et
celui du médecin, Hughes note que :
« Tout comme l'activité de l'avocat
appartient à un système qui plonge aux enfers du moins
respectable et s'étend jusqu'aux limbes de la fourberie et de la
violence [...], celle du médecin est aussi en contact avec l'univers de
l'impur au sens moral et rituel, mais surtout avec la saleté
physique »(Hughes 1996 : 63).
Concernant l'aspect déontologique et éthique du
travail, il utilise le concept de « la division morale du
travail ». Pour l'auteur, par rapport à la gestion des erreurs
par exemple, dans le travail, il existe un « code
éthique » peu ou prou implicite ou explicite, au sein des
professionnels. En effet, autant que certaines erreurs sont
blâmées et même sanctionnées par les pairs, il arrive
des fois que certains protègent leurs collègues. Cela
résulte de l'étroite solidarité qui coexiste entre les
membres d'une profession, rassemblés sous le couvert conceptuel
del'éthos. En somme, l'auteur résume le procès du
travail par la formule de social drama of work ou le drame social
correspondant à une analogie entre les représentations
théâtrales et les situations de travail où se rencontrent
plusieurs types de travailleurs. Cela permet de dire que la division du travail
va bien au-delà du simple phénomène technique ; elle
contient d'infinies nuances psychosociologiques. Bien que notre étude
concerne un groupe professionnel réuni autour d'une finalité
économique, la richesse thématique rassemblée par
Chapoulie dans le regard sociologique de Hughes, guide notre recherche, en ce
sens qu'il permet d'appréhender les relations du travail sous un aspect
ethnographique.
D'Iribarne (2007) a effectué diverses analyses
comparatives dans les questions de management en entreprise, aussi bien dans
les pays dits modernes, que ceux en voie de développement. Il montre que
le fonctionnement des organisations est marqué par des
différences de conception de la coopération qui sont
enracinées dans une vision de l'Homme et de la société
selon la culture. La manière de concevoir les rapports internes à
l'entreprise, la nature des rapports hiérarchiques, est ancrée
dans la conception ambiante du lien social. Il paraît alors plus
avisé d'élaborer des plans de coopération qui
répondraient, non seulement aux normes et valeurs prônées
par une économie mondialisée, mais aussi et surtout aux pratiques
culturelles de l'espace donné. La vie des entreprises devient alors un
lieu d'observation privilégié pour comprendre la manière
dont s'articulent tradition et modernité.
Selon d'Iribarne la rencontre de deux cultures au sein d'un
contexte économique revêt une complexité qui mérite
une attention. L'entreprise étant un lieu de contingence culturelle,
chaque geste, parole ou attitude est une logique qu'on ne peut remettre en
question et que l'on doit relire dans son contexte culturel. Il s'agit
d'établir un lien de complémentarité entre les cultures
présentes dans l'entreprise. Concernant la notion de culture, il la
rapporte à uncontexte spécifique :
« D'un côté la communauté
(gemeinschaft), où l'existence de chacun est régie par
un ensemble de croyances et de normes héritées qui s'imposent
à lui, et de l'autre la société (gesellschaft),
libre association d'individus attachés à leurs
intérêts et maîtres de leurs valeurs. [...] Elle est
supposée fournir les valeurs communes, les préjugés
communs permettant de légitimer les coutumes, les traditions, qui
conditionnent les conduites » (D'Iribarne2007 : 1).
Ainsi donc définies, deux cultures ou modes de gestion
peuvent faire bon ménage au sein d'une entité si toutefois un
certain équilibre est préservé. Chaque
société apparaît marquée par des traits culturels
qui, tout en oeuvrant pour une stabilité, sont compatibles avec d'autres
formes diverses d'ordre social. Dès lors que l'on fait face à cet
enchevêtrement, il ne s'agit plus de changer de culture pour permettre le
développement ; il s'agit plutôt de construire, dans le
fonctionnement de chaque entreprise et dans les institutions de chaque
société, des formes d'ordre social qui, tout en étant
compatibles avec la culture des membres, soient favorables au
développement. Ainsi, selon D'Iribarne, dans les pays dit modernes, et
particulièrement dans la société anglo-saxon,
« chacun est représenté comme propriétaire de
soi-même, négociant l'usage de sa force de travail comme il
négocierait un bien quelconque [...] même s'il est
placé en position subordonnée »(D'Iribarne 2007 :
2).Par contre, dans les pays en voie de développement, la
greffe de ce modèle n'a pas encore pris et le challenge est de trouver
des institutions adaptées à ces différents cadres
culturels. C'est pourquoi il propose une importation de ces méthodes de
management ditesbest practices. Dans les pays en développement,
D'Iribarne pense que cette méthode de management est confrontée
aux résistances culturelles. Et le changement est tellement difficile
à obtenir du fait que les individus sont condamnés par leur
culture à s'auto construire dans le sous-développement.
Toutefois, dans les « sociétés
particularistes », comme c'est le cas de l'Afrique subsaharienne,
où prédomine une forme d'éthique sociale qui demande
d'être fidèle aux groupes dont on est membre, famille, clan,
confrérie, réseau, il y a une toute autre logique
(Labazée 1988). Ainsi faire passer son devoir professionnel avant
les services que l'on peut rendre aux siens relèverait d'une trahison
à l'égard de son réseau relationnel, au profit de son
entreprise. Fort heureusement, on remarque de nouvelles dynamiques, surtout en
Afrique urbaine.
D'Iribarne propose alors d'une part, d'encadrer le capital
symbolique des employés, de manière à leur permettre de
montrer aux autres membres des réseaux de solidarités auxquels
ils appartiennent que, s'ils refusent leurs sollicitations, ce n'est pas par
manque de fidélité à leur égard, mais parce qu'ils
ne peuvent pas faire autrement, contraints par une certaine déontologie
dont le sens échappe au profane. D'autre part, l'entreprise doit
être elle-même, selon des modalités adaptées à
la culture locale, un groupe d'appartenance porteur de devoirs de
fidélité suffisamment forts pour être la source
d'obligations qui l'emportent sur les obligations envers d'autres groupes.
Qu'en est-il des modalités de recrutement ?
I.2. Mode de recrutement dans les
entreprises
Il est difficile d'aborder sous leurs aspects multiples, les
problèmes de travail et les questions touchant aux rapports entre
employeurs et employés dans l'entreprise, sans envisager en même
temps, la manière dont ces salariés ont été
recrutés et affectés aux postes qu'ils occupent.
L'ouvrageLaProfessionmédicalede Freidson
(1970) a sans doute permisune nouvelle compréhension de la maladie d'une
manière spécifique, mais il a aussicontribué à
clarifier de manière théorique et empirique la notion de
profession en Occident. En effet, l'auteur repense la division du travail et
l'organisation du groupe dans diverses situations de travail. A propos du mode
de recrutement de ces professionnels, il montre la rigueur qui prévaut
lors de l'entrée dans ce corps de métier. Ainsi, tout agent
médical doit tout « d'abord suivre la trajectoire de
l'école professionnelle, associée à l'université
qui exige un très haut niveau de culture générale
préalablement à un cursus de plusieurs années et
l'apprentissage court et informel »(Freidson 1970 : 64).Selon
lui, la profession médicale tend vers une hiérarchisation en
fonction du type de formation et de la durée. Les postes les moins
qualifiés étant occupés par des travailleurs issus
directement du marché du travail. L'auteur souligne aussi la
problématique que pose le recrutement des femmes aux métiers de
paramédicaux. En effet, les femmes sont les plus nombreuses lors du
recrutement ; pourtant très peu sont les infirmières qui
poursuivent une carrière complète. Elles sont pour la plupart
rattrapées par les obligations matrimoniales. Ce qui amène
Freidson à militer pour une réorganisation du travail afin de
l'adapter à la vie conjugale et familiale des femmes américaines.
Dans la même logique des procédures d'embauche du
personnel, Guilbert (1962) remarquait que les modes de recrutement pouvaient
varier d'une entreprise à une autre. Aussi, des divergences
résidaient au sein d'une même entreprise, d'un poste de travail
à un autre et même que de nouvelles tendances se dessinaient. Dans
un esprit de dirigisme économique qui marqua la France
après la seconde guerre mondiale, l'auteur s'intéresse au bureau
de placement, chargé de recruter et de former une main d'oeuvre
qualifiée et prête à vendre sa force de production. En
effet, les bureaux de placement payant qui se sont développés en
France depuis 1791 exigeaient aux travailleurs le placement d'une certaine
somme. Puis ces offices se chargeaient exclusivement de la nourriture et du
logement de leur clientèle ouvrière qui se trouvait sous leur
entière dépendance. Mais ces sociétés de
sous-traitance payant ont été remplacées par de nouvelles
qui avaient tout autre objectif : rapprocher employeurs et
employés, et ce, sans aucune rémunération exigée au
travailleur. Ainsi, tout travailleur cherchant un emploi devait s'y inscrire,
et tout chef d'entreprise devait aussi notifier les postes vacants dans son
entreprise et des placiers spécialisés étaient
chargés de mettre en rapport employeurs et demandeurs d'emploi.
Malgré tout, l'employeur demeurait libre d'embaucher qui il entend, et
le travailleur d'accepter ou refuser les offres qui lui étaient
proposées. L'intérêt sociologique de l'investigation de
Guilbert réside surtout dans le fait, qu'elle facilite la
compréhension des moyens par lesquels s'opèrent les
rapprochements entre ceux qui offrent les emplois et ceux qui les recherchent,
les modes de sélection pratiqués par les employeurs, les
critères retenus dans le choix de la sélection, les raisons pour
lesquelles tel mode d'embauche ou de sélection parait
préférable à tel autre.
Dans un souci de trouver les similitudes et dissemblances
dans la gestion des ressources humaines, autant dans la fonction publique que
dans le secteur privé, Holckman (2007) fait une lecture typologique de
la question. Cette observation comparative de l'auteur revient alors à
comprendre l'organisation de la gestion dans les deux secteurs
d'administration. En effet, dans l'administration publique, l'auteur note
qu'afin de créer une rupture avec les charges héréditaires
de l'Ancien Régime, d'exclure le népotisme et le
clientélisme dans les modalités de recrutement, le concours a
été institué, et à ce jour, reste la norme
principale d'entrée. Qu'elle qu'en soit ses modalités, que ce
soit sur épreuves, sur titres, en interne ou en externe, elle a
été inspirée de l'article 6 de la déclaration des
droits de l'homme et du citoyen qui donne une égalité de chance
à tout candidat. Cette déclaration stipule que :
« Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont
également admissibles à toute dignité, places et emplois
publics selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs
vertus et de leur talents » (Holckman 2007 : 410). Ainsi, le
fonctionnaire dans le secteur public est recruté dans l'anonymat sans
égard à son nom, son rang, sa richesse, sa famille ou son
réseau, mais plutôt sur l'évaluation de ses
compétences. Par contre, l'auteur remarque que dans le secteur
privé, les normes et valeurs sont différentes. En effet, dans une
déclaration de 1988, le Conseil constitutionnel français a
laissé le libre arbitre à l'employeur de choisir ses
collaborateurs. Cette liberté est concomitante à la logique de
l'entreprise, qui est avant tout un espace social de rentabilisation
économique. Le libre choix de recrutement est donc le corollaire de la
raison d'être de l'entreprise. Cette liberté d'action des
modalités de distribution des emplois dans le secteur privé ne
peut donc faire l'objet d'aucune obligation. Cependant elle doit
répondre aux normes établies afin de donner à chaque
demandeur la même chance. Une telle analyse des modes de recrutements
dans les deux secteurs a le mérite de dévoiler les
procédures d'insertion des travailleurs au sein des entreprises. Cela
conduit du même coup à une lecture des aspects non normatifs des
modes de recrutement.
Bien que ces différents auteursnous éclairent
sur les modalités de recrutement des travailleurs, ils ne
s'intéressent pourtant pas au cas spécifique du travail en
Afrique, dontles réalités socio-économiques sont
différentes. C'est pourquoi, Bazin (1998), nous montre un autre aspect
des modalités et procédures de recrutement dans le contexte
africain dominé par la question de la parenté et du réseau
relationnel. En effet, dans son étude sur la parenté et les
entreprises en République de Côte d'Ivoire postcoloniale, l'auteur
montre que le recrutement dans une usine dénommée
la«Subsi», codirigée par l'Etat et des entrepreneurs
occidentaux, privilégie deux principes de
sélection : la détention d'un diplôme
d'enseignement technique et l'absence d'une expérience professionnelle
préalable (Bazin 1998). Ainsi pour les employeurs, les jeunes
diplômés seraient « malléables »
puisque n'ayant pas exercé d'activité salariée
préalable, ils acquièrent beaucoup plus aisément les
habitudes de travail que les dirigeants de l'usine souhaiteraient leur
inculquer. Ayant une personnalité facile à façonner, il
serait possible de cultiver en eux l'abnégation, la conscience
professionnelle, en somme la culture du travail.
Dans le même registre et à travers une lecture
socioanthropologique de l'entreprise burkinabè, Labazée (1988)
souligne la complexité de cet espace social à l'aube des
indépendances. Analysant le monde des affaires au Burkina Faso, l'auteur
montre que« type d'embauche et mode de recrutement du personnel
impliquent pour les promoteurs, l'adoption de choix déterminés
qui ne coïncident pas nécessairement : économique,
social, et idéologique »(Labazée1988 :185). Il
propose une typologie des entrepreneurs en 3 grandes catégories:
les grands commerçants, les investisseurs de la fonction publique et les
professionnels de métier. Par rapport aux modalités d'embauche
des entreprises, Labazée fait également une typologie
composée des modalités suivantes : le recrutement familial,
répondant à un impératif de solidarité
familiale ;le recrutement clientéliste, considéré
comme « un tribut payé par l'entrepreneur au réseau de
relation qui a favorisé la création de l'entreprise commerciale
ou industrielle » ;et le recrutement sur le marché
anonyme du travail, afin d'être acteur dans le programme de
développement de l'emploi, et souvent, suivant un système de
sous-traitance(Labazée1988 :214).
Morin (1994) analysant la question de la sous-traitance,
aborde quelques aspects du droit du travail.Elle propose une analyse qui prend
appui sur l'observation empirique du fonctionnement de la sous-traitance dans
l'aéronautique et le textile/habillement. Elle définit la
sous-traitance comme une opération sur laquelle une entreprise (donneur
d'ordre) confie à une autre (preneur d'ordre) le soin d'exécuter
pour elle et selon un cahier de charge préétabli, une partie des
actes de production ou de service dont elle conserve la responsabilité
économique finale. Chez les donneurs d'ordre, la sous-traitance se
substitue aux embauches. Le travailleur signe alors un contrat de travail (CDD
ou Intérimaire) avec l'agence de sous-traitance, qui est elle aussi
liée par un contrat d'entreprise au donneur d'ordre.
Selon Morin, cette forme de gestion de l'emploi correspond
à une logique ancienne de mobilisation du travail dont l'origine remonte
au marchandage d'autrefois. Mode de relation réorganisée et
restructurée selon les nécessités actuelles entre les
entreprises, la sous-traitance induit en effet, de nouvelles formes de gestion.
Il existe un lien certain entre sous-traitance et créations d'emplois
précaires. Les entreprises donneuses d'ordres et sous-traitantes veulent
garder une certaine flexibilité dans la gestion de l'emploi pour faire
face aux fluctuations du marché et limiter leur responsabilité
sur le risque de l'emploi. Ces entreprises ont une véritable peur
d'embaucher. Le donneur d'ordre préfère recourir à deux
formes d'extériorisation de l'emploi : une extériorisation
juridique qui privilégie les contrats à durée
déterminée ou les contrats de travail temporaires lors de
nouvelles embauches. L'extériorisation organisationnelle décharge
le donneur d'ordre de certaines activités en les confiant à des
entreprises extérieures. Le donneur d'ordre transfère par
là même la responsabilité d'employeur sur son cocontractant
et restreint ses effectifs à l'intérieur de son entreprise. Cette
politique d'emploi du donneur d'ordre se répercute sur celle du
sous-traitant. Face à des fluctuations possibles des commandes de son
client, le sous-traitant, a recours à des contrats de travail à
durée déterminée ou temporaire voire, à une
sous-traitance dite de deuxième niveau. Le contrat à durée
déterminée est utilisé pour embaucher à l'essai
mais aussi pour des emplois durables sans tenir compte des restrictions
légales existantes. Le sous-traitant fait appel à
l'intérim et à la sous-traitance de deuxième niveau en cas
d'augmentation des charges confiées par le ou les donneur(s) d'ordres.
En outre, avec les contrats à durée déterminée
aidant, le sous-traitant peut baisser le coût de la
main-d'oeuvre.
Cette vision des aspects de la sous-traitance établie
par Morin, nous interpelle sur une autre dimension. Bien que l'analyse soit
faite sur un registre économique et juridique, nous percevons la
méthodologie de gestion de l'emploi comme relevant de
déterminants qui entrent en ligne de compte dans l'organisation de la
division du travail. C'est cette méthode que le code du travail en
vigueur au Burkina Faso dénomme « bureau de
placement ». En effet, dans son article 23, le code du
travail 2008 stipule que « l'ouverture de bureaux ou d'offices
privés de placement et d'entreprise de travail temporaire s'effectue
librement, sous réserve du respect des dispositions légales et
réglementaires ». Cette procédure de recrutement induit
un certain nombre de comportement, tant au niveau de la structure
bénéficiaire, du bureau de placement, que de l'employé qui
se trouve dans une quête de construction de sa carrière
professionnelle.
I.3. Carrière et
trajectoire professionnelle
Le monde du travail dans son élan de dynamisme est un
espace social où tout individu aspire à une ascension, un
changement de statut, en somme la construction professionnelle de sa
carrière. La carrière professionnelle peut être
considérée comme une suite de fonctions et d'activités
liées au travail qu'occupe une personne au cours de sa vie. La mise en
scène du procès de travail crée chez le travailleur une
identité liée aux interactions et trajectoires de celui-ci.
Dubar (1991) montre le processus par lequel l'identité
de l'employé est construite par et dans l'entreprise,et ce,
réciproquement. Il analyse les processus de reproduction et de
transformation des identités sociales tout au long de la socialisation
professionnelle de l'individu. L'auteur montre comment l'identité
socioprofessionnelle du travailleur est liée à l'identité
de l'entreprise, puisque les employés sont identifiés à
son nom, à sa réussite, ce quiimplique du même coup une
réciprocité à leur égard. Ainsi, pendant que le
salarié fait preuve d'un engagement personnel dans son travail pour la
réussite de l'entreprise, cette dernière assure la
sécurité subjective et la progression de la carrière du
travailleur.
La théorie sur la dimension professionnelle de la
socialisation élaborée par Dubar s'inscrit dans une logique
où le travailleur aspire à l'affirmation de soi. Il montre que
« l'identité pour soi » et
« l'identité pour autrui » peuvent se construire
dans un processus de continuité ou de rupture. Ces différentes
configurations identitaires sont le résultat d'une reconnaissance,
pouvant se solder par une promotion, ou une conversion à un
réseau relationnel. Sinon elles peuvent se caractériserpar une
non reconnaissance, un blocage, une stagnation dont l'exclusion ou la
défection est l'aboutissement. Il faut retenir avec l'auteur que chaque
configuration implique un rapport à l'espace social, et donc un
arrangement des sous-espaces qui le structurent. C'est dans ces sous espaces
que les individus déploient leurs trajectoires, pour se construire
une carrière.En outre, l'auteur associe à toute
dynamique dans les procès de travail, le concept de « savoirs
privilégiés ».Il classifie les savoirs pratiques issus
de l'expérience de travail, et de la compétence ; les
savoirs professionnels, impliquant des articulations entre savoirs pratiques et
savoirs techniques, associés à une logique de la qualification
dans le travail ; les savoirs d'organisation dépendant des
stratégies d'organisation, sont liés à la mobilisation et
la reconnaissance qui structurent l'identité d'entreprise. Dubar montre
aussi comment les savoirs théoriques structurent l'incertitude et
l'instabilité, fortement tendue vers l'autonomie.
Ilconclut en montrant que les identités sont en
perpétuel mouvement ; et cette dynamique de production et
reproduction prend parfois l'allure d'une « crise des
identités ». Pour l'auteur, les identités sociales et
professionnelles typiques ne sont ni des expressions psychologiques de
personnalités individuelles, ni produits de structures ou de politiques
économiques, mais plutôt des « constructions sociales
impliquant l'interaction entre les trajectoires individuelles et des
systèmes d'emploi, de travail et de formation »(Dubar
1991 : 264).
Procédant selon le paradigme interactionniste, Hughes
(1996) traite la carrière au sens moderne et large de parcours suivi par
une personne au cours de la période pendant laquelle elle
travaille.Qualifiant notre époque d'ère de la bureaucratie, il
s'appuie sur les travaux de Mannheim pour dire que la carrière
désigne la progression d'une personne à l'intérieur d'une
bureaucratie, motivée par une quantité d'argent,
d'autorité, de responsabilités et de prestige. Se
référant à l'âge biologique, comme dimension
première pour étudier la question de la carrière, l'auteur
montre que du fait que l'âge change en permanence et de façon
irréversible, celui-ci est indissociable au concept de carrière.
Il donne un enseignement sur le fait que bien que certaines activités
permettent à l'individu de faire une longue carrière soutenue par
l'âge, d'autres activités en revanche ne donnent pas cet attribut.
En effet, Hughes dit que « certains indices tendent à montrer
que passé l'âge de trente-cinq ans, l'infirmière
travaillant au bloc opératoire éprouve des difficultés
à exécuter au doigt et à l'oeil les ordres du
chirurgien » (Hughes 1996 : 179). Cette dimension de la
carrière montre comment la variable de l'âge peut être un
aspect primordial dans le recrutement, la formation et la promotion d'un
individu.
En relation avec la question du genre, l'auteur montre aussi
comment le cycle menstruel, les grossesses et l'éducation des enfants
agissent sur la carrière des femmes. Il fait un lien entre les faits
biologiques, les tabous, les définitions sociales et le travail de ces
femmes. S'appuyant sur une étude effectuée sur les femmes d'une
industrie, il montre comment une proportion de femmes noires et polonaises
d'âge mûr, souffraient constamment « d'un petit quelque
chose » sous le vocable de « problèmes de
femmes ». De ce fait, carrière professionnelle et changement
biologique de l'organisme, autant que les obligations matrimoniales chez la
femme sontdes dimensions dignes d'intérêt pour l'étude
d'une organisation, dont la vocation commerciale demande une forte
présence féminine.
La mobilité des ressources humaines dans le
système social est aussi une dimension que Hughes n'occulte pas dans
son approche sur la carrière. Selon lui, la matrice sociale est sujette
à des changements et surtout à une évolution dans
l'organisation. A une époque dominée par le développement
technologique, le travailleur se retrouve dans un espace où l'ergonomie
occupe plus de place. Le système social peut évoluer de
manière si profonde que l'individu au cours du déroulement de sa
carrière, peut passer plusieurs fois d'un poste à un autre, au
sein du même système et acquérir de nouvelles
connaissances, accompagnant ainsi son capital professionnel. Il indique alors
pour conclure, que toutes ces dimensions doivent être prises en compte
dans l'étude du comportement des carrières d'un individu au cours
de ses trajectoires, dans une logique de la division scientifique du
travail.
Dans la même perspective interactionniste,
Tréanton (1960) donne un important éclairage dans son article sur
le concept de « la carrière ». Il circonscrit le
concept afin de dégager son aspect de « rôle
social ». Selon lui, celui-ci résulte d'un resserrement des
liens entre le salarié et l'entreprise et d'avantage en termes de
rétribution et de statut social que procure l'ancienneté
d'emploi. Dans ce sens, la carrièreest un moyen de se prémunir
contre l'insécurité sur le plan du chômage, de la maladie,
et de la vieillesse, et aussi de prévoir les étapes et
détours qui surviendront. Tréanton indique par ailleurs que
l'expérience et l'efficacité s'améliorent au fil de la
carrière. Faisant référence à Ford, l'un des plus
grands industriels américains, l'auteur montre comment celui-ci donnait
priorité d'embauche à ses anciens ouvriers du fait des avantages
d'ancienneté ou de séniorité. Une carrière peut
ainsi donc prémunir un salarié contre une perte de statut, de
pouvoir, de salaire. Selon l'auteur, la carrière est un instrument
d'anticipation et sa définition convient lorsqu'on veut établir
une distinction avec le concept de parcours professionnel.
L'apport considérable de cet article réside dans
sa conceptualisation de la construction des carrières. En effet,
« chaque carrière s'imbrique dans le réseau entier des
carrières »(Tréanton 1960 :78), ce qui signifie
que l'accès à un certain statut dépend de l'organisation
d'ensemble et de la possibilité de substitution ou d'intérimaire,
à nombre de place constante, ouverte par un prédécesseur
qui laisse son poste et un successeur qui prend la suite. Le processus de
promotion des travailleurs et la « prévision des
carrières » dépendent alors des conditions de
croissance économique, de progrès techniques et d'une politique
de plein emploi, condition première du développement des
entreprises. Mais plus encore, Tréanton rapporte que ceux qui
échouent à entrer dans ce processus de
carriérisation ont dû abandonner en cours de trajectoire
et font figure de résiduels. La carrière joue par
conséquent un rôle de différenciation sociale.
Qui s'intéresse à la question des
carrières des travailleurs, ne peut occulter l'aspect concernant la
sécurité sociale. Delamotte (in Friedmann et Naville 1962)
définit la sécurité sociale comme une institution qui a
pour ambition d'assurer la protection sociale des travailleurs. Elle est
constituée entre autre d'assurance sociale, d'accident de travail, de
prestations familiales. En France, la sécurité sociale
désigne un ensemble de dispositifs et d'institutions qui ont pour
fonction de protéger les individus des conséquences
d'événements ou de situations diverses, qualifiés
généralement de risques sociaux. Cet ensemble,
communément appelé sécu est le
résultat de luttes, de mouvement sociaux et de pressions exercées
par les organisations syndicales.
Dans une étude de cas spécifique au Burkina
Faso, Domba (2009) s'intéresse au contexte d'apparition de la protection
sociale. Il montre que la sécurité sociale1(*) qui se veut promouvoir à
une échelle plus vaste, la solidarité que présente
à l'état naturel le groupe familial, est née grâce
à l'action de l'Organisation des Nations Unies en 1945 et à
l'adoption de la déclaration universelle des droits de l'homme en 1948,
imposée aux Etats membres. Elle était connue à ses
débuts sous l'appellation de caisse de compensation des
prestations familiales. Au cours du temps, elle fit l'objet de changements
et d'amélioration pour le bien être de la famille. C'est alors
qu'elle prend l'allure d'un système de régulation de la
société via diverses politiques. Dans la gestion des charges
sociales, l'entrepreneur pour son employé, procède à une
fusion entre cotisations et salaire et considère le coût global de
la main d'oeuvre tel qu'apparaît dans la comptabilité de son
entreprise. Domba signifie en outre que nonobstant ces actions menées
par l'Etat et l'entreprise, des insuffisancessubsistent dans la couverture des
charges sociales. Salaires et prestations sociales sont complémentaires.
Les prestations sont ce qui est touché en plus du salaire, les
allocations familiales, les couvertures et assurances santé par exemple.
Notons que le salaire ne consacre au travailleur que son rôle dans la
chaîne de production. La sécurité sociale témoigne
des autres aspects de sa condition en lui reconnaissant une dimension qui va
au-delà de l'économique. En effet, tout travailleur, selon son
milieu d'origine et ses diverses trajectoires, véhicule un comportement
et une attitude qui relèveraient de déterminants renvoyant
à sa socialisation et ses représentations.
I.4. Socialisation et
représentation sociale des travailleurs
Selon plusieurs auteurs (Dubar :
1991 ;Sainsaulieu : 1988, etc.) le développement de nos
sociétés a fait du travail un puissant facteur
d'intégration sociale. Il apporte au travailleur une identité
sociale, produit de socialisations successives et son appartenance à
telle ou telle catégorie socioprofessionnelle définit sa place
dans le processus de production. Il constitue la base de ce qu'on appelle la
socialisation secondaire puisque tout au long de sa vie professionnelle, le
travailleur est dans un processus continu d'intégration aux valeurs et
à la culture de l'entreprise. Le lien social se développe aussi
bien au cours des rapports entre collègues que dans les relations avec
la clientèle.
La lecture que donne Dubar (1991) aux travaux de Berger et
Luckmann revêt un intérêt essentiel. En effet
l'économie générale de leurs textes conduit à une
théorisation originale. Berger et Luckmann définissent la
socialisation secondaire comme une intériorisation des sous-mondes
institutionnels spécialisés, conduisant à une acquisition
de savoirs spécifiques et de rôles directement ou indirectement
enracinés dans la division du travail. Une telle définition
renvoie à une incorporation de savoirs spécialisés, qu'ils
appellentsavoirs professionnels, constitués de savoirs d'un
genre nouveau. Ainsi, sur la base de ce postulat, Dubar montre qu'ils sont
associés à une série conceptuelle renvoyant à une
weltanschauung, une vision du monde constituée d'un
vocabulaire, de formules, de propositions, de procédures, un programme
formalisé et un univers symbolique.Selon Dubar, la relation
entre « réussite » et
« conditions » de la socialisation secondaire constitue un
des points cruciaux de la théorie de Berger et Luckmann. Mais selon lui,
l'articulation des identités spécialisées,
c'est-à-dire professionnelles, culturelles ou politiques au sein d'une
identité « globale », individuelle et sociale
« ne peut qu'être décrite empiriquement,
constatée, mais non théorisée»(Dubar 1991 :
105).
C'est ainsi que Chevalier (1994) remarquait que les
entreprises constituent des collectivités de travail. De ces
collectivités se crée une identité professionnelle
partagée par la communauté, qui ne se construit pas seulement en
référence aux activités de ces collectivités, mais
dépend de facteurs multiples imbriqués et entrecroisés.
D'abord, l'auteur montre que la condition de salarié conduit à
une conscience collective, d'où une identité de classe.
Cette conscience collective s'exprimera par l'adhésion à des
organisations spécifiques telles les syndicats, les mutuelles,
chargées de la défense des intérêts communs des
employés ; elle débouchera sur le développement de luttes,
visant à défendre ces intérêts par l'action
collective. Ensuite, il constate qu'au-delà du statut commun de
salarié, il existe des groupes d'attitudes relativement
différenciées par rapport au travail: on voit ainsi
apparaître de véritables identités au travail au terme de
la confrontation avec le processus productif, débouchant sur des
sous-cultures. Présentes à l'intérieur des divers groupes
socioprofessionnels, bien qu'avec des pondérations et des
évolutions différentes, ces sous-cultures seraient
intériorisées au terme d'un processus d'apprentissage culturel
dépendant d'un ensemble de variables (culture antérieurement
acquise, situation de travail proprement dite, type de capital symbolique au
sein de l'entreprise). L'entreprise interviendrait moins comme un lieu
d'acquisition d'une culture organisationnelle spécifique, que comme un
contexte ou un milieu relationnel. Ceci permet à chaque
salarié d'actualiser, par le biais de l'expérimentation
quotidienne des relations de travail, les images et expériences.
L'expérience du travail produirait ainsi, non seulement des
identités collectives organisées sous la forme
de modèles culturels, mais aussi des types d'acteurs
sociaux, résultant de ces apprentissages culturels. Il se forme alors
des communautés professionnelles, constituées autour d'un champ
de sociabilité, qui élaborent des règles, des pratiques et
valeurs communément admises pour gérer leur relation de
solidarité, d'entraide, et de résolutions de conflits.
L'identité corporative enfin, apparaît pour Chevalier comme la
consolidation des identités précitées, qui n'est qu'une
instance d'organisation des intérêts, mais surtout un
lieu d'identification.
La substance de l'analyse sur l'identité du
travailleur, surtout dans le secteur privé selon l'auteur, conduit
à la production d'une identité d'entreprise.
L'entreprise apparaît comme une entité collective, une
véritable micro-société, guidée par
un intérêt propre, commun à l'ensemble de ses
éléments constitutifs et qui constitue son principe fondamental
de cohésion.
Au regard de ce apport considérable sur une
théorie de la construction des identités des travailleurs,
résultant des processus de socialisation, le texte de Chevalier donne
une vue globale sur les raisons et motivations qui peuvent conduire un
employé à se définir par rapport à sa
catégorie professionnelle et son degré de cohésion
à l'entreprise.
Dans un article sur la marine marchande française,
Paradeise (1984) définit les marchés du travail
fermés comme des espaces sociaux où l'allocation de la
force de travail est subordonnée à des règles
impersonnelles de recrutement et de promotion. Cette définition concerne
tout à la fois les marchés des professions
libérales et celui des professions à statut
national, mais aussi un nombre certains d'emplois privés,
localisés dans un secteur, un métier, une firme. Elle leur
attribue certains traits de l'idéal-type de la bureaucratie comme
système rationnel-légal selon Weber, tout en reconnaissant que
tous n'appartiennent pas à des organisations bureaucratiques.
Elle constate à partir de l'exemple de la marine
marchande française, que « la formation constitue la charpente
du marché sur laquelle elle agit de différentes
manières » : en organisant l'accès aux emplois et
en créant une liaison rigide entre
formation/ancienneté/qualification/salaire, en régulant les
relations entre les intérêts des trois partenaires (Etat,
employeurs, salariés) et en assurant « la reproduction
organique de la compétence [...] par des titres difficilement
négociables sur le marché du travail
extérieur »(Paradeise 1984 : 356-357).
Ce n'est donc pas la nature du travail ni son organisation, ni
même ses relations internes qui assurent la
fermeture de ce type de
marché institutionnalisé ; mais
plutôt les conditions de fonctionnement du système d'emploi. C'est
donc l'ensemble des relations professionnelles institutionnalisées
s'organisant autour d'une super-règle qui
prétend articuler les intérêts des travailleurs et des
employeurs à l'aide de normes et procédures qui échappent
aux lois du marché libéral. Or, remarque Paradeise, parmi ces
procédures, celles qui concernent la formation occupent une place
stratégique pour réguler l'accès aux emplois, le
déroulement des carrières et les rémunérations. La
formation devient alors « un processus de socialisation en milieu
maritime »(Paradeise 1984 : 357) incluant à la fois des
formations initiales d'insertion dans l'emploi, et des formations alternantes
associant l'acquisition des savoirs et des savoir-faire. On peut donc
considérer ce marché du travail fermé
comme un mode intégré de socialisation professionnelle permettant
de réaliser une articulation dynamique entre la formation
générale préalable, la formation professionnelle
d'accompagnement de carrière et l'expérience du travail ou du
métier.
L'on ne saurait analyser les processus de socialisation en
cours dans les produits culturels du travail organisé, sans
évoquer le tableau savamment élaboré par Sainsaulieu
(1988) sur les modalités constitutives des identités au travail
et leurs indicateurs. En effet, l'auteur dans son ouvrage sur
l'identité au travail dégage trois dimensions
identitaires que sont : le champ d'investissement, les normes de
comportement relationnel et les valeurs issues du travail. A ces dimensions se
rattachent de manière dynamique et simultanée des modèles
de relations au travail. Primo, il distingue, le modèle
fusionnel, qui combine la préférence collective,
caractérisé par une solidarité entre pairs et une
dépendance envers l'autorité du chef, du fait d'un manque de
pouvoir sur leur condition de travail. Secundo, il retient
le modèle de négociation, qui allie la polarisation
sur le collectif avec une stratégie d'opposition, que l'on retrouve chez
les professionnels très qualifiés, en raison de leur
compétence et de leur place dans la chaîne de production. Tertio,
c'est le modèle des affinités qui en oeuvre.
Celui-ci allie la préférence individuelle avec une
stratégie d'alliance. C'est l'univers de la promotion sociale, de la
mobilité socio-professionnelle rapide, soutenue par un réseau
relationnel. Le dernier modèle de retrait enfin, selon
Sainsaulieu, est caractérisé par
« l'absence-présence » de
l'employé. Il s'agit de catégories de travailleurs de base peu
qualifiés qui ont d'autres préoccupations plus urgentes et
valorisantes ailleurs, la situation professionnelle n'étant qu'un atout.
C'est le cas des femmes, par exemple, qui sont déchirées entre
les obligations matrimoniales et la valeur de la vie professionnelle.
En outre, l'auteur remarque que l'entreprise, du fait qu'elle
offre des possibilités d'expérimentation stratégique, est
un lieu d'apprentissage de normes de relations. Il définit
l'apprentissage comme une activité précise de l'individu,
progressant par essais et erreurs. Pour l'auteur, des habitudes de relations
avec les autres au travail, peuvent être issus de l'expérience
même des rapports de travail, et ne pas être la pure transposition
des habitudes prises antérieurement dans le milieu scolaire ou familial.
Selon Sainsaulieu, l'apprentissage de normes professionnelles et relationnelles
portera sur la capacité stratégique de l'acteur en situation, et
c'est autour de cette élaboration d'un jeu individuel face au jeu des
autres que l'on pourrait analyser les processus d'essais et d'erreurs, de
récompense et de transfert. Toujours est-il que quel que soit les
diplômes acquis antérieurement, un métier s'apprend
toujours sur le tas, dans une relation de conseil et de contrôle avec
quelques experts déjà confirmés.
Toutefois, l'auteur retient que l'action culturelle joue un
rôle important dans les processus d'intégration de l'individu dans
son groupe professionnel dans la mesure où « être en
organisation, c'est être en structure de mise en relation, et par
là même, dans un processus de socialisation» (Sainsaulieu
1988 : 370). L'interaction en oeuvre dans l'espace du travail
conduit à la possibilité pour chacun d'être reconnu comme
différent des autres sans pour autant être rejeté. Puisque
celui-ci dispose d'un passé culturel, d'habitudes acquises en
matière d'identification et de perception. Ainsi, l'individu et le
groupe font tout d'abord l'expérience d'une certaine logique de leur
conduite d'acteur dans leur situation d'échange quotidien. Impliquant du
même coup une intériorisation des normes et valeurs propres
à l'organisation. En outre, l'intégration professionnelle est une
condition nécessaire pour le travailleur de s'approprier les valeurs de
l'entreprise, de faire preuve de fidélité et de loyauté,
de s'approprier l'esprit maison selon Sainsaulieu.
Constitué d'une combinaison évolutive d'attachement et de
complicité aux collègues, de relations d'identification aux chefs
et de respect des règlements, cet esprit maison donne à
la fois la fierté et la satisfaction d'appartenir à l'entreprise.
En effet, selon l'auteur, les employés, guidés par cet esprit,
« sont l'entreprise, car c'est elle qui les fait vivre, mais à
condition qu'elle les fasse bien vivre, qu'elle les honore et les
protège, dans et hors le travail»(Sainsaulieu1988 :365).
De surcroît, ce phénomène d'intégration peut
avoir des proportions pouvant se répandre sur plusieurs
générations. C'est ainsi, que l'auteur nous donne exemple
de l'esprit cheminot de la SNCF en France. Pour lui,
cet esprit semble trouver sa source dans la certitude de promotion sociale
qu'offraient les compagnies de chemin de fer, sur plusieurs
générations, à tel enseigne que des cadres actuels sont
fils et petit-fils de cheminots.
Nonobstant cet esprit d'intégration, rappelons que les
représentations naissent, s'élaborent et se construisent
à partir d'éléments individuels, contextuels, sociaux, qui
sont relativement identifiables. Qu'en est-il pour le cas des agents de
Télécel Faso qui se réclament d'être une
« une grande famille » ? Les différentes
catégories socio professionnelles sont-elles guidées selon des
schèmes propres à leurs groupes ?
Au niveau du monde social du travail, les
représentations se modifient avec la perception de soi et
l'évolution des tâches à exécuter. Les
représentations sociales orientent dès lors les conduites et les
comportements des individus. En effet, Lautier et Pereira (1994), à
travers leur étude sur les représentations des
travailleurs sans qualités en Amérique
Latine, montrent que les représentations de soi, marquées par une
stigmatisation sociale dans et hors du travail apparaissent comme un
élément déterminant de la mobilité
professionnelle. Analysant les ouvriers du bâtiment, les auteurs
montrent comment ils se définissent comme des moins que rien.
Cette représentation de soi dévalorisée s'accompagne
d'un processus de stratification sociale auto définie par les
travailleurs puisqu'ils élaborent toujours une comparaison face à
l'altérité. D'un autre côté, la
dénégation de son état, par ces signes extérieurs
peut être, en l'absence de projet de mobilité le seul moyen de
supporter sa condition, la schizophrénie apparaissant comme une
véritable stratégie de survie. Cette
représentation est la plupart du temps partagée par une
catégorie d'employés dont les conceptions vont au-delà des
relations de travail pour devenir une fraternité comme le
soulignent Bucher et Strauss (1961) dans professions in
process.Pour les auteurs, dans les milieux de travail, ils se
créent des segments dont les membres adoptent une attitude
de « development of a unique mission, shared attitudes toward clients
and society, and the formation of informal and formal association »
(Bucher et Strauss 1961 : 330).
On ne saurait de ce fait sous-estimer l'efficacité de
cette valeur d'intégration à l'entreprise dans l'analyse des
identités collectives issues des situations de travail. Nous sommes
à une époque où la croissance des organisations et la
multiplicité des progrès techniques bouleversent les
solidarités et relations humaines.
Nos ouvrages de référence s'inscrivent dans une
perspective à la fois analytique et descriptive des situations de
travail, organisées autour de diverses normes et valeurs. Celles-ci
conditionnent et codifient les comportements et représentations des
différents acteurs en interaction. Néanmoins, l'on ne saurait
analyser la question de l'emploi d'une structure dans un espace donné,
sans auparavant donner un état global de la situation. Pour ce faire,
que peut-on retenir de l'état des lieux de l'emploi au Burkina Faso,
précisément dans le secteur privé ?
I.5. Question de l'emploi au
Burkina Faso
Le Burkina Faso est un pays sans débouché
maritime, fortement dépendant d'une pluviométrie souvent
capricieuse. Son capital humain estimé à 13 730 258 d'habitants,
selon le Recensement Général de la Population et de
l'Habitat(RGPH) de 2006, est à nette dominante rurale. A l'instar de
nombreux pays, il connaît de multiples problèmes
socio-économiques liés au déficit d'offres d'emplois. Ce
déficit relève de la conjugaison de plusieurs facteurs, aussi
bien internes qu'externes.
Au Burkina Faso, il est pour principe d'une
égalité de chance d'accès à l'emploi à tout
demandeur d'emploi selon les normes internationales du travail si bien que, le
code du travail 2008 interdit toute discrimination en matière d'emploi.
Toutefois, si au niveau de la fonction publique, le concours reste la norme
principale d'accès à l'emploi, au niveau du secteur privé
c'est tout autre. A ce niveau il existe une liberté de modalités
de recrutement professionnel, bien que les entreprises doivent tenir à
jour un registre ou un fichier d'offres et de demandes d'emploi.
Depuis 1991 d'importantes réformes économiques
et structurelles ont été élaborées. Ces reformes
avaient pour objectif essentiel de libéraliser l'économie et de
faire du secteur privé un point clé du progrès
socio-économique. Le développement du secteur privé,
devient alors une source essentielle de création d'emploi à
travers une « lettre de politique de développement du secteur
privé »adoptée en 2002 par l'Etat. En effet, selon
l'annuaire des statistiques (2006), en 2001, le secteur privé formel
était représenté par 13% des actifs dans la ville de
Ouagadougou. L'Observatoire Nationale de l'Emploi et de la Formation (ONEF),
indique que la contribution du secteur privé aura été
multipliée pratiquement par trois, passant de 53 800 en 1995 à
150 000 emplois en 2004.
Malgré tout, le secteur privé est
confronté à certaines contraintes structurelles qui ont
contrarié son expansion, favorisant ainsi le développement des
activités informelles. Il importe de souligner que les
différentes réformes ont été accompagnées
par des restructurations et fermetures d'entreprises avec pour
conséquence des suppressions d'emplois qui n'ont pas pu être
compensés forcément par la nouvelle dynamique économique.
Malgré les contraintes d'ajustement, l'Etat est demeuré le plus
grand pourvoyeur d'emplois. L'élaboration de la Politique Nationale de
l'Emploi procède d'une volonté du gouvernement de trouver des
solutions adéquates au chômage des jeunes, passant de 15,6% en
1994 à 13,8% en 2003 selon l'Institut National de la Statistique et de
la Démographie (INSD).
Dans le cadre juridique de l'emploi, la révision du
code du travail de 2004 a permis l'instauration d'une part, des contrats de
stage et d'apprentissage afin de favoriser l'insertion des jeunes dans la vie
active en leur offrant une formation professionnelle. D'autre part, il y a le
contrat de travail à temps partiel, encore appelé Contrat
à Durée Déterminée (CDD), renouvelé
désormais de façon illimitée. Celui-ci vise à
satisfaire les besoins temporaires en main d'oeuvre des entreprises et à
leur donner les moyens de mettre en oeuvre une gestion souple et
réactive de leurs ressources humaines par rapport aux
règlementations en vigueur (Code du Travail, Loi N° 028 -2008/AN).
Les entreprises ont aussi la possibilité de recourir à des
bureaux, offices privés de placement eu égard au décret
N°2007-548/PRES/PM/MTSS portant réglementation des activités
des bureaux, offices privés de placement et d'entreprise de travail
temporaire. Ce décret considère comme entrepreneur de travail
temporaire, toute personne physique ou morale dont l'activité principale
est de mettre à la disposition d'utilisateurs des travailleurs en
fonction d'une qualification convenue, qu'elle embauche et
rémunère. Cette rémunération est fixée
d'accord parti avec l'entreprise utilisatrice par rapport aux conventions
collectives liés à l'activité. La politique nationale de
l'emploi a donc permis l'évolution du cadre de la promotion de l'emploi,
en passant par la création de structures telle l'ANPE (Agence Nationale
de la Promotion de l'Emploi) aux différentes sociétés de
placement privées.
En nous inspirant des thèses soutenues par nos auteurs
de référence, et l'état des lieux de l'emploi au Burkina
Faso, la question qui sert de fil conducteur à cette étude peut
être formulée comme suit : quels sont les facteurs
qui participent à la construction de la carrière professionnelle
des agents de Télécel Faso à
Ouagadougou ?
II. PROBLEMATIQUE
Les entreprises doivent faire face de nos jours à une
exigence de rentabilité et une complexification des situations de
travail. Pour assurer leur croissance, elles se doivent alors, en tant que lieu
en perpétuelle structuration, prendre des décisions en fonction
des nécessités de l'environnement socio-économique et
politique. Des stratégies sont mises en place par les directions des
ressources humaines par rapport aux besoins en main-d'oeuvre à la fois
en termes qualitatifs et quantitatifs de l'organisation. Aussi, lorsqu'elles
ont des postes à combler, un grand nombre d'entreprises accorde la
priorité aux employés qui sont déjà à leur
service et n'a recours à des personnes de l'extérieur que lorsque
les candidats internes ne satisfont pas aux exigences de ces emplois. C'est
dans ce sens que, Paradeise dit que :
« les marchés du travail fermés ont
pour caractéristique commune de protéger les travailleurs qu'ils
emploient contre la concurrence sur le marché du travail
généralement, [et] très largement contre la concurrence
interne entre collègues » (Paradeise 1984 : 35).
Les jeunes diplômés de nos jours
augmententleursattentes en matière d'emploi, particulièrement en
ce qui concerne les possibilités que peut leuroffrir une entreprise de
progresser tant sur le plan individuel, social que professionnel. L'objet de
cette étude est de comprendre les facteurs qui entrent en ligne de
compte dans la construction des carrières professionnelles des agents de
Télécel Faso. Cette société oeuvrant dans la
télécommunication, domaine à la fois moderne, novateur et
indispensable de nos jours pour les relations sociales, se distingue par son
aspect historique et son cadre d'existence. Elle occupe une place importante
dans la chaîne de production au Burkina Faso.
Cependant, les difficultés objectives à prendre
en compte tous les aspects du phénomène de l'emploi dans cette
structure nous paraissent évidentes. Pour ce faire, cette étude
se borne à investiguer les modalités de recrutement, les
itinéraires professionnels des individus, les logiques de distributions
des postes de travail etles stratégies mises en place dans la gestion du
personnel.
Par ailleurs, les règles juridiques établissent
le contrat comme lien entre employeurs et employésautour de normes de
recrutement, de formation et de promotion. Pourtant la question de l'emploi
dans le secteur privé au Burkina Faso va au-delà de l'aspect
normatif du droit du travail, et nécessite une lecture
socioanthropologique de ce qui peut être appréhendé sous la
forme d'un fait social. Il faudrait donc analyser, outre les
méthodes d'accès au poste de travail, tel l'accès à
l'information, les compétences et qualifications requises, les
représentations des différents acteurs et bien entendu le
réseau relationnel. En effet, ces variables sont perçues de nos
jours par certains analystes et acteurs du monde du travail comme
premières sources d'accès à l'emploi, à la
promotion et la mobilité professionnelle des travailleurs dans le
secteur privé. A cette question dans l'étude des comportements
professionnels, Bazin (1996) affirme que :
« l'iniquité des traitements est en effet
l'un des griefs fréquemment évoqués et l'explication qui
est donnée relève de la dénonciation des faveurs dont
bénéficieraient les ouvriers recrutés en fonction de leur
lien de parenté avec le [Responsable] ou d'une recommandation d'un
tiers »(Bazin 1996 :185).
Malgré cette iniquité de traitement, il se
crée au sein des employés des liens de coopérations
entre segments dotés pour certains
d'un égoïsme catégoriel, mais aussi de
conflits suivant une division horizontale entre égaux et
verticale entre subordonnés. C'est ce qui amène Hughes
à dire que les « caractéristiques et prétentions
collectives de chaque profession requièrent une étroite
solidarité entre leurs membres, qui doivent former dans une certaine
mesure un groupe à part avec une éthique
particulière » (Hughes 1996 : 110).
Du recrutement à la gestion des carrières, en
passant par la formation et l'organisation du travail, chaque entreprise
développe ses propres outils afin d'assurer sa productivité et
ses intérêts dans une politique de redistribution bien distincte.
Investiguer sur la question des carrières dans les entreprises du
secteur privé impose alors une perspective où les
« jeux d'organisations et jeux de discours sont analysés comme
deux registres interdépendants d'un travail social de construction et de
stabilisation des interactions, qui aident une occupation à
conquérir et pérenniser un statut » (Paradeise
1988 : 12).
De ce qui précède, il ressort que, l'espace
social du travail, en perpétuelle recomposition, organisé selon
les règles de la division du travail, répond à des
déterminants sociaux selon une logique pratique. Le milieu du
travail en effet est un lieu de rapports de forces et d'interaction de diverses
classes d'acteurs que sont les travailleurs, les employeurs et l'Etat qui
régule à travers des lois pour l'intérêt
général. Ainsi, l'investigation sociologique de ces procès
de travail conduit à analyser les modes de production et de reproduction
sociale. En somme, nous analysons les facteurs qui sont à la base de
la fidélité
et/ou défection des agents de Télécel
Faso.
III. OBJECTIFS DE RECHERCHE
III.1. Objectif Principal
L'objectif principal de notre étude est de comprendre
les processus de construction de la carrière professionnelle des
travailleurs de Télécel Faso dans la ville de Ouagadougou.
III.2. Objectifs secondaires
ü Connaître les procédures de recrutement
des agents ;
ü Comprendre les processus de mobilité
professionnelle des agents ;
ü Déterminer le rapport entre les modalités
de traitement et le sentiment d'intégration professionnelle des
agents.
IV. HYPOTHESES DE RECHERCHE
IV.1 . Hypothèse
Principale
La carrière professionnelle des travailleurs de
Télécel Faso à Ouagadougou se construit sur la base de la
compétence.
IV.2. Hypothèses
Secondaires
ü Le recrutement des agents de Télécel Faso
est effectué sur le marché anonyme du travail par rapport
à la compétence et la qualification.
ü Les procédures de promotion et de mobilité
professionnelle des agents s'expliquent par le volume de leur capital
social.
ü Le type de traitement des agents conditionne leur
degré d'intégration professionnelle.
V. DEFINITION DES CONCEPTS
v Carrière
Le Lexique de sociologie (2007) définit au sens courant
le concept de carrière comme le parcours professionnel d'un individu.
Pour Hughes (Lexique de Sociologie) la carrière est un processus qui
articule une dimension biographique (les trajectoires des travailleurs) et une
dimension organisationnelle des activités (les filières
d'emploi). Il définit ainsi la carrière comme « une
suite d'alternatives conditionnées par la division du travail,
elle-même évolutive ». Aussi, il indique que la
carrière ne se traduit pas forcément par une ascension sociale
programmée, mais par des séries d'évènements
personnels et professionnels qui influencent la succession des postes et des
emplois occupés par un individu. Dans sa dimension biographique, Hughes
(1996) associe l'âge de l'individu qui est un processus
irréversible de son vécu. En effet, à chaque étape
de l'âge, coïncide également des évènements
dans le cours de l'histoire, marqué par des appartenances à des
institutions et des systèmes sociaux. La dimension organisationnelle
fait référence à la mobilité de l'acteur dans une
matrice sociale donnée, marquée par un dynamisme de changements
technologiques, de changement d'échelles et de mouvements sociaux.
Tréanton (1960) résume le concept comme la vie
de travail qui apparaît comme une suite de seuils, d'étapes, de
bifurcations. Ou mieux, la carrière est cette séquence même
de statuts, de rôles, d'honneur, pour autant que la profession (et non
pas le talent personnel, ni la famille, ni le hasard, ni d'autres
circonstances) en déterminent la chronologie. Ainsi défini, on
s'aperçoit que le concept renvoie à une perspective en
évolution de l'acteur social. Pour ce faire, nous concevons la
carrière professionnelle de l'individu comme un cycle de modification
autant positive que négative de son parcours professionnel, qui a des
effets concrets sur ses conditions socio-économiques.
v Compétences
Le lexique de sociologie définit la compétence
à travers les notions de performances et d'efficacité. Tanguy
(Lexique de Sociologie 2007) dans le cadre des situations de travail, l'utilise
pour désigner les contenus particuliers de chaque qualification dans une
organisation donnée.
Guy le Boterf (2008) conçoit le concept dans une double
dimension. La dimension individuelle et la dimension collective. Les
compétences réelles étant singulières,
spécifique à chaque individu, par rapport à sa formation
initiale. L'analyse des procès de travail fait apparaître la
nécessité pour le professionnel de pouvoir se
référer à des normes et règles de son milieu
professionnel d'appartenance, pour construire avec sécurité et
pertinence, sa propre façon de s'y prendre, sa propre façon
d'agir. La compétence est alors considérée comme une
résultante individuelle, collective et institutionnelle. Si la
compétence résulte nécessairement d'une construction et
d'un engagement personnel, cela ne signifie pas que l'individu est seul
responsable de la production d'une action compétente. Résultant
d'un savoir agir, d'un vouloir agir et d'un pouvoir agir, la production d'une
action compétente relève d'une responsabilité
partagée entre la personne elle-même, le management, le contexte
du travail, (les conditions de travail, les moyens, le système de
classification et de rémunération) et le dispositif de
formation.
En résumé, l'auteur dit qu'une personne est
compétente, si elle:
- sait combiner et mobiliser un ensemble de ressources
pertinentes (connaissances, savoir-faire, qualités, réseaux de
ressources...) ;
- peut gérer un ensemble de situations
professionnelles, chacune d'entre elle définie par une activité
clé, à laquelle sont associées des exigences
professionnelles ou critères de réalisation de
l'activité ;
- peut produire des résultats (services, produits)
satisfaisant à certains critères de performances pour un
destinataire (client, usager).
Mercheirs et Pharo (1989) ont étudié le
problème de la reconnaissance de la compétence. Ils ont
identifié deux aspects essentiels de celle-ci. Un aspect normatif qui
prend en compte les conditions de succès, si l'on admet de
considérer la compétence comme le corrélat de
l'activité efficace menée avec succès. Un aspect cognitif
prenant en compte les connaissances nécessaires mises en oeuvre dans une
activité donnée. Ils proposent un modèle sociologique de
la compétence s'appuyant sur deux idées centrales.
- La compétence est une mise en oeuvre dans des
dispositifs sociaux et c'est le regard normatif sur cette mise en oeuvre qui
reconnaîtra la compétence de l'individu.
- Cette reconnaissance suppose la disposition par l'individu
de connaissancesintellectuelles qu'il possède de façon propre et
qui lui permettent d'obtenir des résultats.
Ils définissent alors trois types de
compétences.
La compétence technique ou juridique se manifestant
lorsque le but prescrit est connu à l'avance ; dans ce cas, il
s'agit de se conformer à une convention préalablement
souhaitée. La compétence tactique qui est celle dont le but est
décrite au cours de l'activité. La compétence
éthique ou esthétique, dont le but est post-écrit, et
requière le jugement d'observateurs.
Concernant notre étude, la compétence sera
perçue comme la mise en oeuvre combinée et
réfléchie de connaissances, de capacités et d'attitudes du
travailleur.
v Capital social
Selon Bourdieu (1980) le capital social est un ensemble de
ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la
possession d'un réseau durable de relations plus ou moins
institutionnalisées d'interconnaissance et d'inter reconnaissance. Le
concept désignerait ainsi l'appartenance à un groupe, comme
ensemble d'agents qui ne sont pas seulement dotés de
propriétés communes, mais sont aussi unis par des liaisons
permanentes et utiles. Le volume du capital social que possède un
individu selon l'auteur dépend d'une part de l'étendue d'un
réseau de liaisons qu'il peut effectivement mobiliser, mais aussi
d'autre part du volume du capital économique, culturel et symbolique
possédé par chacun des éléments de cette liaison,
fondement de leur solidarité.Les réseaux de relations sont le
produit de stratégies d'investissement social consciemment ou
inconsciemment orienté vers l'institution ou la reproduction de
relations sociales. Ce réseau de liaison est constitué de
relations de contingence comme les relations de voisinage, de travail, de
parenté.
v La socialisation
Selon le Dictionnaire de sociologie (Ferréol et al.
2004), le concept désigne en psychologie sociale le processus par lequel
les individus apprennent les modes d'agir et de penser de leur environnement.
Ils intériorisent ces modes en les intégrant à leur
personnalité et deviennent membres du groupe où ils
acquièrent un statut spécifique. La socialisation est donc
à la fois apprentissage et inculcation, mais aussi adaptation
culturelle, intériorisation et incorporation. En sociologie, la notion
renvoie chez Durkheim (Dictionnaire de sociologie, Ferréol et al. 2004)
à l'importance de la conscience collective (transmission d'une
génération à l'autre, des normes et traditions). En
revanche chez Parsons (Dictionnaire de sociologie, Ferréol et al. 2004)
elle renvoie à une adaptation de type fonctionnelle. Bourdieu
(Dictionnaire de sociologie, Ferréol et al. 2004), lui, met en
perspective le concept d'habitus qu'il désigne comme un système
de dispositions durables que l'individu acquière au cours de sa
socialisation.
Toutefois, le concept appréhendé sous l'aspect
professionnel, a été théorisé par Dubar (1991). Se
référant à un article de Hughes (1995) il montre comment
celui-ci considère la socialisation professionnelle du médecin
comme à la fois une initiation, au sens ethnologique, à la
« culture professionnelle » et une conversion, au sens
religieux, de l'individu à une nouvelle identité. Hughes met en
exergue trois mécanismes de la socialisation professionnelle. Le premier
est appelé le passage à travers le miroir qui est
une sorte d'immersion dans la culture professionnelle, inverse de la culture
profane. Le second mécanisme est l'installation dans la
dualité entre le
modèle idéal qui caractérise la
dignité de la profession, son image de marque, sa valorisation
symbolique, et le modèle pratique qui concerne la
réalité. Seule la constitution d'un « groupe de
référence » a la capacité de gestion de cette
dualité. Le dernier mécanisme constitue la solution habituelle de
la phase de conversion ultime et de dualité entre modèle
idéal et normes pratiques. Il concerne
l'ajustement de la conception de soi, impliquant la prise de conscience de ses
capacités physiques, mentales et personnelles avec les chances de
carrières que le professionnel peut raisonnablement escompter dans le
futur.
CHAPITRE II : CADRE
METHODOLOGIQUE
Cette partie est consacrée à la
présentationducadre logique d'administration de la preuve scientifique.
Elle porte essentiellement sur les méthodes qui ont dicté la
façon d'envisager ou d'organiser notre recherche d'une manière
précise, complète et systématique. Suivant une logique
« des méthodes pour traiter ce que nous connaissons, selon un
ensemble de règles qui font qu'à l'issu de ce traitement, nous
découvrons de nouvelles choses » (Becker 2002 : 234).
I. JUSTIFICATION DU CHOIX DE
L'OBJET D'ETUDE ET DU TERRAIN
La question de l'emploi se pose de plus en plus dans les
économies capitalistes, dû à une globalisation de
l'exploitation des ressources humaines. Vu la complexité du
marché du travail, et, particulièrement en Afrique où les
relations et interactions répondent par moment à des
impératifs sociaux, il nous est apparu pertinent de mener notre
étude dans un espace de travail, ayant une grande renommée en
matière d'offres et de demandes d'emplois. Dans ce sens, notre choix
s'est porté sur Télécel Faso, opérateur de
téléphonie mobile, officiant au Burkina Faso depuis le
début des années 2000 avec une forte prépondérance
dans la capitale Ouagadougou. Sa particularité réside dans le
fait, qu'en plus d'être une entreprise oeuvrant dans le domaine des NTIC,
elle partage son espace de rentabilisation avec deux concurrents que sont
Telmob et Airtel. En outre, la diversité des activités de ces
structures, justifie leur besoin permanent en main d'oeuvre, qu'ils emploient
de manière directe et indirecte. Notre étude concerne uniquement
les employés liés directement à la société.
Dans ce contexte, il est intéressant d'observer les trajectoires
professionnelles des individus qui mettent leurs forces de production dans
l'atteinte des objectifs de cette entreprise.
Aussi, notre identité en tant qu'agentcontractuelde
cette structuredepuis le 15 Novembre 2010 au service du centre d'appel,
justifie le choix de notre terrain.
II. PRESENTATION DE LA ZONE
D'ETUDE
II-1. Milieu physique
Située sur le plateau central du Burkina Faso, la
capitale Ouagadougou2(*),
province du Kadiogo, s'étend sur une superficie de 2 805 km²
en pleine zone intertropicale. Elle est soumise à un climat tropical de
savane, comprenant deux saisons: la saison sèche et la saison des
pluies. La saison sèche qui s'étend de mi-octobre à
mi-mai, est marquée par un vent sec et chaud. Les premières
averses orageuses peuvent parfois tomber à la fin du mois d'avril,
entrainant alors lentement à la saison des pluies marquée par un
flux du sud-ouest, la mousson. Elle s'étend de fin mai à fin
septembre avec un pic en août. Concernant les sols, on en dénombre
4 types : les sols ferrugineux lessivés qui se développent sur
des matériaux d'altération de roches granitiques. Les sols
minéraux bruts correspondant aux cuirasses en affleurement
constitués de pisolithes, de gravillons ou de pierrailles très
fortement cimentés les uns aux autres ; les sols hydromorphes
localisés aux abords des barrages et des marigots avec une faible
capacité de gonflement et un fort potentiel asphyxiant.
L'hostilité de ces conditions physiques est un frein
à l'activité agricole dans cette partie du pays, entrainant ainsi
la population non qualifiée à se tourner vers des
activités du secteur informel, peu rentables. Celle
diplômée opte par contre pour les concours de la fonction
publique, dont l'accessibilité est assujettie à plusieurs
facteurs. Le développement des activités du secteur tertiaire
privé pousse aussi nombre de jeunes diplômés à s'y
aventurer malgré les conditions de précarités sans cesse
croissantes dans le milieu.
II-2. Milieu humain
Ouagadougou est la plus grande ville du Burkina Fasoavec 12
communes subdivisées en 55 secteurs et 17 villages qui lui sont
rattachés (INSD 2012). Selon les statistiques nationales, sa population
est passée depuis les indépendances de 59 126 habitants
à 465 969 en 1985, avant de connaitre un boom de
1 475 223 en 2006 (INSD 2006), date à laquelle remonte le
dernier récemment général de la population. La ville s'est
alors densifiée au cours des âges, et comme toutes les capitales,
elle est touchée par le phénomène de
périurbanisation.
La ville de Ouagadougou est confrontée en effet à une extension
urbaine démesurée passant ainsi de bancoville à
la ville moderneselon Meyer (2008). Cela est lié selon l'auteur
à l'augmentation démographique et à un
phénomène de migration urbaine et d'exode rural, partant, d'une
densification faible du tissu urbain telle les constructions basses en
lotissement. Cette urbanisation mal contrôlée s'accompagne
derechef des pathologies sociales, de déviances, de
vulnérabilité et de chômage massif des jeunes. La jeunesse
de la population s'explique par une croissance naturelle soutenue par
l'immigration. C'est aussi la capitale d'un pays composé de plus de 60
groupes ethniques se partageant la langue fulfulde, le dioula et le
mooré comme principales langues locales, bien que le français
soit la langue officielle. L'agglomération est en revanche une ville
étudiante avec son université, premier établissement
d'enseignement supérieur du pays, et de nombreux autres
établissements et instituts privés d'enseignement
supérieur, polytechniques qui rivalisent de succès.
Ouagadougou se distingue aussi par son taux
élevé d'actifs. Elle comptait respectivement en 2003 et en 2005,
58 % et 60% d'actifs (INSD 2007). Elle est le centre industriel le plus
développé du pays, bien que les activités
économiques se concentrent essentiellement autour des secteurs de
l'agroalimentaire et du textile. Elle regorge en effet la majorité des
unités industrielles et se présente comme le second centre
économique après Bobo-Dioulasso. Cette concentration de la
population favorise la création d'activités du secteur informel,
mais constitue aussi une main d'oeuvre pour les entreprises et industries.
C'est aussi le centre du pouvoir politique et administratif du pays. Elle
concentre en effet l'essentiel des services administratifs et la
totalité des ministères. Le secteur privé occupe un large
espace dans la ville, dont la fin du 20ème siècle voit
l'apparition de nouveaux secteurs d'activités, du fait du
développement et de la vulgarisation tout azimut des Nouvelles
Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC). Nous assistons
alors à l'apparition de trois opérateurs de
téléphonies mobiles sur le territoire, dont le premier fut
Telmob, sous le couvert de l'Office nationale des
télécommunications, et le troisième, Celtel devenu plus
tard Zain et actuellement Airtel. Télécel Faso est le second
opérateur à voir le jour au Burkina Faso.
III. ECHANTILLONNAGE /
ECHANTILLON
Pour cette étude,
le choix des personnes interviewées s'est fait suivant le principe de la
diversité et de l'hétérogénéité des
points de vue tout en considérant les différentes
catégories professionnelles. Defaçon pratique nous avons
administré notre guide d'entretien à 40 travailleurs de
Télécel. Ainsi nous avons pu enquêter 11 individus au
siège de Télécel, 01 individu à l'agence de
l'aéroport, 24 individus à l'agence Kwamé Nkrumah, 02
individus à l'agence Ouaga 2000 et 02 individus à l'agence
Tampouy. Cette disparité de proportion s'explique par le volume de la
population de chaque agence, mais surtout par une question
d'accessibilité des enquêtés.
Aussi, nous nous sommes
entretenu avec 06 personnes ressources dont un agent du ministère du
travail, affecté à la division internationale du travail ;
deux inspecteurs de travail ; un inspecteur médical du
travail ; le directeur des ressources humaines de Télécel
Faso et un agent de Planium-RH, structure s'occupant de la sous-traitance des
agents contractuels de Télécel Faso.
Nous avons en outre eu recours à un groupe
témoin composé de deux anciens travailleurs de
Télécel et cinq clients que nous avons abordé lors de leur
sortie d'agence de manière accidentelle.
Au total, pour cette
étude, nous avons enquêtés 53 personnes. Le profil de la
population cible se présente comme suit.
IV. PRESENTATION DES PROFILS
SOCIOPROFESSIONNELS DE LA POPULATION CIBLE
La population cible de notre étude est composée de
40 individus qui se répartissent selon les caractéristiques
socioprofessionnels suivantes :
v Age
L'âge des personnes enquêtés va de 19 ans et
plus et se reparti comme suit :
Tableau 1 : Répartition des
enquêtés selon l'âge
Age
|
Effectifs
|
Pourcentages
|
[19-26[
|
4
|
10%
|
[26-33[
|
26
|
65%
|
[33-40[
|
7
|
17,5%
|
[40-47[
|
2
|
5%
|
[47-et+[
|
1
|
2,5%
|
Total
|
40
|
100%
|
Source : Enquête de terrain Novembre 2014- mars
2015/Ouagadougou
v Sexe
Tableau 2 : Répartition des
enquêtés selon le sexe
Sexe
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Hommes
|
18
|
45%
|
Femmes
|
22
|
55%
|
Total
|
40
|
100%
|
Source : Enquête de terrain Novembre 2014- mars
2015/Ouagadougou
v Catégories professionnelles
Nous représentons ici les différentes
catégories professionnelles.
Tableau 3 : Répartition des
enquêtés selon la catégorie professionnelle
Catégorie professionnelle
|
Effectif
|
Pourcentage
|
H
|
F
|
Total
|
H
|
F
|
Total
|
Stagiaires
|
1
|
1
|
2
|
2,5%
|
2,5%
|
5%
|
Contractuels
|
17
|
12
|
26
|
42,5%
|
30%
|
72,5%
|
Permanents
|
0
|
6
|
6
|
0%
|
15%
|
15%
|
Cadres
|
0
|
3
|
3
|
0%
|
7,5%
|
7,5%
|
Total
|
18
|
22
|
40
|
45%
|
55%
|
100%
|
Source : Enquête de terrain Novembre 2014- mars
2015/Ouagadougou
V. TECHNIQUES DE COLLECTEDES
DONNEES
Le choix d'une méthode de recherche dépend de
l'objectif poursuivi, de la problématique et du faisceau
d'hypothèses. Notre étude étant de nature qualitative,
nous avons eu recours à l'entretien semi directif, l'observation directe
et la revue documentaire.
Au regard de l'objectif poursuivi, l'entretien a
été considéré comme un moyen
privilégié pour produire des données empiriques relatives
aux représentations et aux pratiques des acteurs. L'espace professionnel
reste un domaine produisant une culture des membres qui le composent,
régis par des règles déontologiques qui ne facilitent pas
la tâche au chercheur. La rencontre des acteurs locaux en situation
quotidienne, dans des postures naturelles, n'a été
facilité que par la reconnaissance de l'enquêteur par les
enquêtés en tant que membre de l'organisation. Comme le dit bien
Olivier de Sardan, « Le chercheur est un voyeur, mais c'est aussi un
« écouteur ». Les dialogues des gens entre eux valent bien
ceux qu'il a avec eux »(Olivier de Sardan 2010: 5).Ainsi donc, nous
avons observé les comportements quotidiens et les rituels
caractéristiques.
Comme instruments de collectes des données, nous avons
utilisé un guide d'entretien et un téléphone muni d'une
carte mémoire en guise d'enregistreur.
VI. DEROULEMENT DE L'ENQUETE
La production des données d'enquête s'est
déroulée dans une première phase du 20 Novembre 2014 au 19
Janvier 2015, à Ouagadougou. Une seconde phase s'est tenue du 5 au 18
mars 2015. Desentretiens semi-directifs ont alors été
réalisés auprès des travailleurs de Télécel
Faso à Ouagadougou. Et ceci, en tenant compte du fait qu' :
« [...] en interrogeant des personnes sur leurs
lieux de travail, c'est dans leur rôle de travailleurs qu'elles se
situent. Il faut donc, dans la mesure du possible, ne le faire que lorsque le
thème de l'enquête est effectivement lié à
l'activité professionnelle ou aux conditions de travail»(Ghiglione
et Matalon 1997-1998 : 140).
Si les entretiens ont été élaborés
suivant les contextes favorables, certains ont été faits à
domicile, ou dans un espace de récréation. La diversification des
lieux d'enquête nous a permis d'observer non seulement les travailleurs
in situ, mais aussi leurs postures dans un cadre hors travail et les
interactions avec leurs familles.
VII. TRAITEMENT DES DONNEES
Le traitement des données a d'abord consisté au
dépouillement manuel que nous avons effectué de façon
thématique sur un classeur Excel. Cela a permis de dégager les
thèmes centraux qui nous ont servi par la suite dans
l'élaboration des chapitres. Puis, nous avons procédé
à la rédaction à travers une analyse de contenu des
discours recueillis.
VIII. DIFFICULTES ET LIMITES DE
L'ETUDE
La perspective qualitative par le biais des entretiens
semi-directifs s'est heurtée aux réticences de certains
employés. La principale difficulté rencontréeau cours de
notre enquête a été la disponibilité des
travailleurs. Ainsi, si pour certains, c'était à
leur pause,ou à la descente,pour
d'autres,c'était avant l'heure de logue. Tout ceci
contribuait à semer une certaine suspicion à notre égard,
de la part des employés, car pour certains, le thème était
assez problématique, et se rabattaient sous le couvert de la
confidentialité. Nous avons même été taxé de
vouloir nourrir un esprit de revendication au sein des agents. Il faut noter
qu'au cours de la première phase d'enquête, notre dictaphone a
subi un choc, le mettant hors d'usage, nous contraignant ainsi à des
prises de notes avec l'accord des enquêtés.
Cependant, comme tout état des savoirs, il est
difficile de prétendre que cette étude ne présente pas de
limites. La question de l'emploi dans le secteur privé au Burkina Faso
est tellement vaste et complexe que nous ne saurons prétendre aborder
tous les aspects. Cette recherche pour nous, est une occasion de
réfléchir et d'enrichir davantage le débat sur
l'employabilité au Burkina Faso. Pour ainsi dire, ce mémoire de
maitrise contribue à éclairer le procès de production en
oeuvre chez Télécel Faso à Ouagadougou.
DEUXIEME PARTIE :
PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES
251666944
CHAPITRE I : PRESENTATION
GENERALE DE TELECEL FASO
Le Burkina Faso a connu à la fin des années 90
l'arrivée de nouvelles compagnies opérant dans la
téléphonie mobile. L'avènement de ces nouvelles
entreprises a introduit non seulement de nouvelles formes de relations
sociales, mais a surtout impulsé la question de l'emploi dans le secteur
privé. Nous abordons dans ce premier chapitre, la présentation de
Télécel Faso, plus précisément son historique et
son fonctionnement.
I. HISTORIQUE DE TELECEL FASO
I.1. Télécel
International
Télécel International, créé en
1987 par le congolais Miko Rwayitare, est considéré comme l'un
des pionniers de la téléphonie mobile sur le continent africain.
C'est l'une des toutes premières entreprises du secteur. C'est une
société de télécommunication
spécialisée dans la conception, l'installation et l'exploitation
de la technologie d'avant-garde des télécommunications dans les
pays en voie de développement. Le Groupe ORASCOM Telecom (Egypte),
basé à Genève en Suisse possédait 80% des actions.
Elle fut la première société à introduire la
technologie sans fil en Afrique subsaharienne. En son temps, il comptait treize
licences d'exploitations dans les pays suivants : Benin, Burkina Faso,
Burundi, Centrafrique, Côte d'Ivoire, République
Démocratique du Congo, Gabon, Niger, Ouganda, Tchad, Togo, Zambie,
Zimbabwe. Mais Télécel n'a véritablement connu de
succès en Afrique, que dans quelques pays comme le Burkina Faso.
I.2. Télécel
Faso
La libéralisation
du secteur de la communication promulguée le 24 Mai 2000 par l'Etat
burkinabé a permis à Télécel Faso de voir le jour
après l'obtention de sa licence d'exploitation. Mais la filiale de
Télécel International ne sera opérationnelle que le 23
Décembre 2000. A l'origine, Télécel Faso avait comme
associé le Groupe SOYAF qui a contribué à l'obtention de
sa licence pour plus de 8 000 000 de dollars US soit
4 000 000 000 de franc CFA. Le 13 aout 2003,
Télécel International et SOYAF Communication cédaient
leurs actions au groupe Atlantique Telecom qui devient actionnaire majoritaire
de Télécel Faso à hauteur de 93%, les 7% restants
étant détenus par West Africain GrowthFund. Par convention en
date du 26 aout 2004, atlantique Telecom décidait de la cession de
110 000 actions à Planor Afrique S.A dirigé par Apollinaire
Compaoré, soit 44% du capital de Télécel Faso. De nos
jours, Télécel Faso est une Société Anonyme (SA)
avec un capital social de deux milliard cinq cent millions de franc CFA
(2 500 000 000 F CFA) dont le siège social est à
Ouagadougou. Le Directeur des Ressources Humaines (DRH) que nous avons
rencontré nous donne plus de précisions :
« Concernant l'historique de Télécel,
il faut savoir que Télécel est vieux de 14 ans et a eu à
changer de mains plusieurs fois. Commencé avec 10 employés, nous
sommes aujourd'hui à 196 employés [permanents] dont 100 à
Ouagadougou. En 2013, un système d'externalisation a été
adopté à l'égard des stagiaires et prestataires de
service, qui sont au nombre de 400 » (Entretien effectué avec
le DRH,le 16/12/2014, Ouagadougou).
En rappel, en 2010, Télécel Faso a connu une
suspension le 25 mai pour des raisons de non-paiement de la redevance de
quelques 26 milliards de francs CFA qu'elle devait à l'Etat, pour sa
licence d'exploitation. Cette suspension n'a connu que quelques jours, puisque
le 28 mai de la même année, elle fut rétablie grâce
à l'intervention du Groupe Planor Afrique3(*).
I.3.
Le groupe Planor Afrique et Planium-RH
Le groupe Planor Afrique S.A. est une holding fondée en
mars 2004 par l'homme d'affaire burkinabè, Apollinaire COMPAORE. Elle
réunit les anciennes sociétés de l'ex-groupe Burkina Moto.
Ce groupe exerce ses activités dans le secteur financier
(établissement de crédit et d'assurances) et dans le secteur du
négoce et de l'industrie que sont les produits pétroliers, les
cycles et cyclomoteurs, les produits cosmétiques, le tabac, le
thé.... Il intervient également dans le secteur des
télécommunications à travers sa filiale
Télécel Faso.
Comme précisé dans l'extrait ci-dessus de
l'entretien avec le DRH, en 2013, Télécel Faso a
procédé à un système d'externalisation d'une partie
de ses travailleurs. L'entreprise chargée de
la sous-traitance de ces agents a pour dénomination
Planium-RH dirigée par Jephta W.COMPAORE. C'est une
société à responsabilité limitée au capital
de 1 000 000 francs CFA dont le siège est à
Ouagadougou. Elle se donne pour missions le recrutement, le placement, la
formation, le renforcement des capacités, l'assistance et conseil en
gestion des ressources humaines. Il convient de s'attarder quelque peu sur les
raisons ayant conduit à une collaboration de Télécel Faso
avec cette structure.
Il faut dire que la collaboration de Télécel
Faso avec cette société relève d'une vision
stratégique de la gestion d'une partie de la force de production. Selon
le DRH, c'était dans le but
« de combler un vide juridique que constituait le
cas des stagiaires et autres contractuels, car Télécel courait un
gros risque. En effet, les plaintes des employés se faisaient de plus en
plus, du fait de l'absence de déclarations, donc non-paiement des
impôts et cotisations sociales »(Entretien effectué avec
le DRH, le 16/12/2014, Ouagadougou).
C'est ainsi que les contractuels, dont les contrats se
renouvelaient stratégiquement de façons illimitées, sans
pour autant être titularisés au sein du personnel de
Télécel Faso, furent alors confiés à la
société Planium RH. Télécel Faso s'est donc
déchargée de cette tâche administrative et juridique, pour
ne s'occuper que des agents permanents. De ce fait, elle se focalise sur la
gestion de son personnel de base estimé à 196 agents sur toute
l'étendue du territoire. Quant à Planium-RH, elle s'occupe de
400 employés pour le compte de Télécel Faso
dénommés prestataires. Elle s'occupe aussi de
travailleurs d'autres sociétés en l'occurrence l'UAB. Concernant
Télécel Faso, ce bureau de placement s'occupe de la gestion
exclusive des agents dits prestataires.
L'observation participante dans la chaine de production nous a
permis d'avoir l'information comme quoi la société appartiendrait
au fils du Président du Conseil d'Administration (PCA) de
Télécel, Apollinaire Compaoré. A ce propos, un agent de
Planium-RH répond :
« C'est de la rumeur. Nous on ne sait pas. Si
quelqu'un dit ça, quelqu'un d'autre prend sans chercher à voir
les preuves et c'est parti. Planium RH est une société autonome,
indépendante de Télécel, spécialisée dans le
recrutement et le placement du personnel » (Entretien effectué
avec M.K, Agent Planium-RH, le 18/03/2015).
Les bénéfices attribués à
l'opération d'externalisation peuvent être estimés aussi
bien en termes organisationnels et de souplesse,qu'en termes de gains dans la
gestion du personnel. La décision d'externaliser est essentiellement
motivée par les prévisions des gains à obtenir de
manière durable au niveau de toute l'entreprise. Mais il y a aussi des
inconvénients, qui se ressentent surtout chez le travailleur. En effet,
nombreux sont donc les agents qui avaient mis leur espoir sur ce système
d'externalisation, qui pour eux, améliorerait leurs conditions de
travail. Mais beaucoup furent déçus par la suite compte tenu du
système de gestion de la nouvelle structure. Qu'à cela ne
tienne ! Planium-RH, est désormais une structure étroitement
liée à Télécel Faso.
II.
STRUCTURATION DE TELECEL
II.1.
Objectifs de Télécel Faso4(*)
Télécel Faso avec son slogan « Offrir
plus... » se fixe comme objectifs suivants :
ü La mise à disposition de lignes
téléphoniques à un grand nombre de burkinabè par
une couverture du territoire national ;
ü La création d'emplois pour la population
Burkinabè et la participation au développement économique
et social du Burkina Faso par le paiement des impôts et taxes ;
ü La commercialisation de la communication et la
satisfaction des besoins de sa clientèle par la croissance de
l'entreprise avec de nouveaux produits et services.
II.2.
Répartition spatiale de Télécel Faso
L'implantation géographique est un aspect qui
revêt une grande importance dans l'atteinte des objectifs des entreprises
ayant un caractère commercial. Plus de 190 localités sont
couvertes par le réseau Télécel Faso, avec 14 agences et
plusieurs représentations reparties sur le territoire national.
Ainsi, on retrouve les agences Télécel Faso
dans les agglomérations telles Bobo-Dioulasso, Koupéla, Kaya,
Tenkodogo, Koudougou, Dédougou, Ouahigouya, Gaoua, Fada N'Gourma et
cinq agences, dont le siège social, reparties dans la seule ville de
Ouagadougou. Cela s'explique par le volume de consommation de la capitale. Pour
ce faire, à Ouagadougou, en plus de l'agence siège, situé
au centre de la ville, dans la zone commerciale, on peut citer aussi l'agence
de Kwamé Nkrumah, situé à proximité des sites
hôteliers. Une agence est située à l'aéroport ;
une autre est à Ouaga 2000 située au Sud de la ville. L'agence de
Tampouy est située au Nord-ouest de la capitale. Nous avons
effectué une cartographie afin de représenter les
différentes agences de Télécel dans la ville de
Ouagadougou.
Figure 1: Implantation géographique des agences
de Télécel Faso dans la ville de Ouagadougou
Source : Carte de Ouagadougou numérisée
téléchargée sur
www.google.fr/maps et conception
personnelle des implantations
II.3.
Organisation et Fonctionnement de Télécel Faso
I-1.1. Organisation
Le mode d'organisation et de fonctionnement des entreprises
repose sur certaines caractéristiques communes. Il est influencé
par la stratégie, le métier, la taille, la maturité,
l'histoire et la culture de l'organisation. La création d'une entreprise
a pour but de faire converger des compétences pour atteindre un
objectif. Dans le cas d'une entreprise commerciale, l'objectif recherché
est la réalisation du profit.
Pour comprendre la structure de l'organisation et la
distribution du rôle social formel chez
Télécel Faso, il est utile de préciser les composantes
fondamentales de l'entreprise et le système mis en place pour la
coordination du travail. Suivant le schéma de Mintzberg (1980), le
sommet stratégique, ensemble des cadres dirigeants de
l'organisation et leurs conseillers, est représenté chez
Télécel Faso par un Conseil d'Administration et une Direction
Générale qui opèrent une gestion
hiérarchisée des activités. Construit autour d'un
diagramme organisationnel de forme décomposée en divisions, c'est
un type d'organisation qui est
« avant tout basé sur le marché, avec
un siège social qui surveille un ensemble de divisions, chacune
chargé de servir un marché distinct [...]. Un facteur encourage
tout particulièrement l'usage de ce type de configuration, à
savoir la diversification des marchés, notamment celle des produits et
services » (Mintzberg 1980 : 232-233).
Chaque division a assez d'autonomie, ce qui induit une
décentralisation des pouvoirs bien qu'elle soit rattachée
à des directions. Cela donne un fonctionnement selon un système
de bureaucratie mécanique caractérisé par la
domination d'une technostructure. Cette technostructure est
contrainte par la technologie àune standardisation des processus de
travail, des tâches fortement spécialisées, de sorte que la
plupart des décisions ont un caractère routinier et contraint par
la technique, des procédures très formalisées et des
unités de grande taille au niveau du centre
opérationnel.
L'organe suprême de Télécel Faso est le
Conseil d'Administration. Il est composé de six membres et se
réunit une fois par trimestre. Il exerce la fonction de contrôle
permanent et globale de la gestion et nomme le Directeur
Général.La direction générale est l'organe interne
de décision, composée de 29 membres. Elle conduit la politique
générale de la société définie par le
Conseil d'Administration. Elle a sous sa coupe un conseiller spécial en
charge des innovations et de la prospective, deux divisions que sont la
division moyens généraux et développement des services
data, et la division revenue assurance. Un auditeur interne lui est lié
en plus de cinq directions. Il y a la direction technique composée de 41
membres et subdivisée en 03 divisions ; aussi la direction
financière où 33 membres se répartissent les tâches
au sein de deux divisions. La direction marketing compte 15 membres repartis
hiérarchiquement dans une division. La direction commercialeest
responsable de la vente des produits et services comportant la plus grande
taille du personnel à savoir 72 membres regroupés en 2 divisions.
La direction de la régulation et des ressources humainesest
composée de 5 agents permanentsrépartis dans deux divisions.
La répartition des agents au sein de chaque
entité de production laisse entrevoir les unités
considérées comme principales de l'entreprise. Ce sont en effet
la direction technique avec ses 41 membres permanents chargés de
l'opérationnalisation des différents produits et services. Elle
est relayée par la direction commerciale avec ses 72 d'agents
chargés de la promotion et de la vente de ces produits.
L'organigramme qui suit est la matérialisation de
l'organisation du travail dans l'entreprise. Faute de pouvoir
représenter la totalité du diagramme organisationnel, avec les
différentes divisions, nous nous en tenons à la version
utilisée par la direction des ressources humaines et mettons en annexe
la suite de l'organigramme suivant les directions.
251642368
CONSEIL D'ADMINISTRATION
251643392Figure 2 : Organigramme DG5(*)
DIRECTION GENERALE
251644416
Mise à jour Mars 2014
Source : DRH Télécel Faso
Auditeur et Contrôleur interne
251652608
Division Moyens Généraux et
développement des services Data
251650560
Division Revenue Assurance
251651584
Conseiller Spécial en charge des innovations et de
la prospective
251653632
DIRECTION DE LA REGULATION ET DES RESSOURCES
HUMAINES
251664896
DIRECTION TECHNIQUE
251660800
DIRECTION MARKETING
251661824
DIRECTION FINANCIERE
251663872
DIRECTION COMMERCIALE
251662848
Quatre cent contractuels appelés
prestataires, sous le couvert de Planium-RH, sont repartis dans
ces différents démembrements, servant d'agents
d'exécution. Notons que certaines fonctions sont
délocalisées dans différentes divisions
géographiques. Bien que le siège soit le centre
décisionnel, certaines directions ont un démembrement ailleurs.
C'est le cas de la division opération et maintenance, relevant de la
direction technique, qui est situé dans un espace de la ville, sans
aucune indication particulière faisant référence à
Télécel Faso. Cela pourrait s'expliquer par l'importance de cette
fonction, qui s'avère être le centre de fonctionnement de la ligne
téléphonique. D'autre fonctions telle la direction commerciale,
ont aussi un détachement, dont la division relation clientèle et
grand compte à l'agence Kwamé Nkrumah. Ou encore le Service de
Vente Indirecte (SVI) dont le service clientèle se retrouve à
Ouaga 2000. Le nombre des agents de ces directions peut être l'indicateur
de ces choix. Au mieux, certains postes de travail sont affectés dans
d'autres services, en témoigne M.S :
« [...] Par exemple dans le service
présentement où nous sommes, nous sommes dans le service du grand
compte alors que nous ne sommes pas du grand compte.Le grand compte c'est des
gens qui s'occupent des clients par facturation, les grands clients qui veulent
des flottes, des forfaits, des dotations sur leurs numéros.Nous on
s'occupe de l'activation des contrats ; donc on assure le service
après-vente» (Entretien avec M.S, Agent Service Administration des
vente (ADV), le 22/11/2014, Ouagadougou).
Cette organisation socio-spatiale a l'avantage de
prémunir l'entreprise d'éventuelles réactions de la
clientèle. Par exemple,nous avons été témoin
lorsque l'agence Télécel de Kwamé Nkrumah s'est vue
vandalisée lors des mutineries de 2011. Ces différentes
délocalisations répondraient donc à des stratégies
commerciales et sécuritaires.
I-1.2. Fonctionnement
Le procès de production est fonction d'un horaire assez
particulier à Télécel Faso. Il se déroule pendant
40 heures dans la semaine. La journée de travail est organisée
selon chaque service qui établit un programme par rapportaux
nécessités du service et la taille du service, après
validation de la direction. Exceptionnellement la direction technique
fonctionne 24h/24,à travers une rotation permanente des agents, pour
assurer un serviceminimum continu. Cette forme d'organisation a l'avantage
d'assurer le fonctionnement permanent de l'entreprise et de maintenir ainsi son
rythme de production. En outre, le programme est dynamique et changeant et peut
se modifier selon les besoins, les services et les différentes
conjonctures: « Voilà récemment on a
instauré un système de permanence. C'est-à-dire une
équipe qui monte de 7h30 il descend à 13h et l'autre
équipe de 13h à 18h30 ou 19h »(Entretien avec S.O,
Agent marketing, le 24/11/2014, Ouagadougou).
D'autres services comme le service du centre d'appel est
opérationnel tous les jours de la semaine de 7h30 à 21h, et le
week-end de 08h à 20h, contrairement à ses concurrents qui font
du 24h/24 et 7j/7. Un système de rotation est établi afin
d'assurer la continuité du service. A ce propos, un ancien agent
s'exprime : « Je montais à 14h je descends à 20h.
Je monte à 15h je descends à 21h. Et carrément je monte
à 7h30 je descends à 14h» (Entretien avec O. S, ancien
agent call center, le 24/11/2014, Ouagadougou).
Cette rotation du personnel pose un problème de
communication dans la mesure où les travailleurs d'un même secteur
peuvent passer de longues périodes sans se connaître,
créant de ce fait une certaine distance sociale entre les travailleurs.
Ceux-ci se connaissent à peine et faute de cadre d'échange, ils
ne pourront pas bénéficier de leurs expériences
réciproques, gage d'une bonne réussite de l'entreprise.
Quant au personnel de l'administration (directeurs, chefs de
division, chef de service et autres cadres et agents administratifs) la
répartition journalière de travail est de 7h30 à 12h30 et
de 15h à 18h.
II.4.
Les produits et services de Télécel Faso
Télécel Faso, en tant qu'opérateur de
téléphonie mobile met à la disposition de sa
clientèle un service de connexion au réseau sans fil à
travers son kit de connexion. Ce kit de connexion, communément
appelé carte Sim est vendu à 350f en agence donnant droit
à un crédit initial de 500f. Il faut dire que le prix de la carte
Sim a connu une baisse considérable depuis la venue de
l'opérateur dans les années 2000. En effet, le prix est
passé d'environ 12 500f en 2000 à 350f en 2015. Cela s'explique
par l'évolution du marché de la téléphonie mobile,
impulsé par l'effet de la concurrence.
A partir de cette carte Sim, gravitent grand nombre de
produits et services. Seul opérateur de téléphonie mobile
à n'avoir pas pour le moment adopté le système internet
3G ; il est aussi l'unique sur le plan national, à avoir
créé pour sa clientèle de Ouagadougou, la connexion via le
système wifi dénommé wigo, autant sur
téléphone portable que sur ordinateur.Notons aussi le service
appelé « JAT » (Jeunesse Au Travail)
réservé aux demandeurs et chercheurs d'emploi. Il envoie des
alertes aux abonnés du service lorsqu'il y'a un emploi
correspondant à leur profil.
Organisée selon le schéma d'une bureaucratie
mécanique, Télécel Faso est une compagnie de
téléphonie mobile créée au début des
années 2000. Elle compte de nos jours environ 596 employés
directs. Fonctionnant de manière rotative, elle se localise surtout au
centre-ville de la capitale avec 3 agences sur un nombre total de 5. Filiale du
Groupe Planor Afrique, elle partage la gestion de son personnel avec Planium
RH, structure spécialisée dans la sous-traitance des
travailleurs. Comment se fait l'intégration dans cette
société ? Quels sont les mécanismes mis en place par
la compagnie pour le recrutement et la socialisation professionnelle de sa main
d'oeuvre ? Comment s'élabore la collaboration inter
personnelle ? Tels sont les points qui seront abordés dans le
prochain chapitre.
CHAPITRE II : PROCESSUS D'INTEGRATION PROFESSIONNELLE
Dans la dynamique de l'économie de marché, la
recherche du profit et de la qualité des produits et services mis
à la disposition de la clientèle et la sélection des
employés est une étape décisive. Comme le pense Holckman
(2007) l'entreprise est une structure qui agrège des facteurs de
production pour en tirer un rendement maximal, le libre choix du recrutement
est donc sa raison d'être. Dans ce chapitre, nous allons analyser les
mécanismes mis en place pour l'intégration professionnelle des
travailleurs dans la sphère de production de Télécel
Faso.
I.
MODE DE RECRUTEMENT
Ce
point est consacré à l'analyse du mode de recrutement en vigueur
à Télécel Faso. Autrement dit, comment l'individu, dans sa
situation de chercheur d'emploi, procède à l'obtention d'un
emploi ; et partant les stratégies mises en place et les conditions
imposées par l'entreprise, pour l'obtention d'une main d'oeuvre
qualifiée. Selon le Directeur des ressources humaines, le recrutement du
personnel à Télécel est effectué
« selon les besoins de l'entreprise. Ces
recrutements peuvent se faire par recommandations. Lorsqu'il y a lieu de
recrutement un avis de recrutement peut être annoncé par insertion
de presse, c'est-à-dire dans les journaux».
En tant que travailleur au sein de la société,
nous lui avons demandé auparavant, vu notre ancienneté, de nous
montrer la procédure à suivre pour régulariser notre
situation. A ce propos il dit : « tu sais bien qu'à
Télécel le recrutement est politique et pour toute personne qui
doit être recrutée, son dossier doit arriver chez le
PCA ». Qu'insinue-t-il par « le recrutement est
politique » ?Quelles dimensions interviennent dans la
politique du recrutement ? Mais bien avant d'interpréter
ce concept, il convient de montrer les raisons ayant amené les
travailleurs au sein de cette structure.
I.1. Raisons et motivations des travailleurs
La recherche d'une assise sociale est la motivation
première du chercheur d'emploi. Néanmoins, chaque individu, en
fonction de ses itinéraires se créé une motivation qui lui
est propre eu égard à différentes situations. Cet aspect
de la question permet d'éclairer sur les choix des acteurs les ayant
conduits à Télécel Faso. Notre enquête
révèle des agents motivés par un projet d'étude
universitaire, ou en quête d'une expérience professionnelle comme
ce technicien :
« Ce qui a motivé mon choix. Je vais dire
quoi ? Je dirai que bon, pour moi la formation théorique seulement
à l'école ne suffit pas. Surtout dans le domaine de
l'informatique. Donc pour moi, ma vision, mon idée, c'était de
faire ce que je fais actuellement. Bosser et en même temps être
dans une entreprise» (Entretien effectué avec M.A, Agent Service
Technique, le 26/11/2014, Ouagadougou).
Il y'a aussi, ceux qui ont fuient des situations de
précarité ayant conduit à une défection de leur
ancien emploi comme le cas de cette conseillère
clientèle :
« Bon là-bas, on nous payait pas !J'ai
fait 8 mois, on a fait 8 mois sans salaire. Tout le personnel a
démissionné. Et en plus de ça les produits qu'on vendait,
le chefn'approvisionnait plus, donc on a vu que c'était plus la peine.
Le produit même est mort. En 8 mois nous on a démissionné.
Il n'a plus fait revenir. Il a fermé même son entreprise. Et c'est
après ça maintenant que j'ai travaillé de l'autre
côté. J'ai fait trois mois dans une agence de voyage. Et
là-bas aussi, c'était la même chose »(Entretien
effectué avec E.O, Agent Front-office6(*), le 29/11/2014, Ouagadougou).
D'autres par contre, attribuent ce choix à la recherche
d'une occupation quelconque, afin de vaincre l'oisiveté et mener le
quotidien d'un actif. « Humm... parce que je n'ai rien d'autres
à faire. J'étais assise à la maison, c'est juste pour
occuper mon temps en attendant ». (Entretien effectué avec
K.H, Agent Call center, le 20/11/2014, Ouagadougou). La plupart de ces types de
travailleurs sont des femmes, dont l'origine sociale ou le métier du
conjoint est assez prestigieux. Elles y sont pour quitter le statut de
chômeurs.
Rappelons en outre que le secteur de la
télécommunication est seulement vieux d'une quinzaine
d'années au Burkina Faso, donc revêt un caractère
prestigieux, innovateur et moderne. Ainsi si certains y sont suivant un
itinéraire professionnel, ou afin de quitter la précarité
dans l'entreprise précédente, d'autres y sont parce
qu'ils rêvaient de travailler pour une structure de
télécommunication. En témoigne cet agent du service
de la fidélisation : « C'est peut être,
disons, quand on dit que le rêve de travailler pour une structure de
télécommunication ; c'était surtout ça en
fait. Le rêve qui m'a poussé à rentrer à
Télécel » (Entretien effectué avec T.J,
Agent Phoning, le 30/11/2014, Ouagadougou). En effet, au début,
c'était un secteur d'activité qui avait aussi des attributs
attractifs : salaires relativement attrayant, style vestimentaires
distinctifs, etc. Y être était donc un signe d'élection
dans l'élite sociale, surtout urbaine.
Pour d'autres encore, le travail est une étape dans le
processus de la construction de l'identité sociale et revêt une
importance majeure dans la socialisation de l'individu comme le dit cet
employé : « Il faut essayer de comprendre d'abord la
vie. Parce que dans la vie, il faut d'abord avoir l'affirmation de soi. C'est
l'affirmation de soi qui m'a conduit à Télécel, pour aussi
acquérir d'autres connaissances» (Entretien effectué
avec T.R, Agent Call center, le 06/11/2014, Ouagadougou).
Ces différentes raisons et motivations pourraient
expliquer les procédés mis en place pour l'obtention d'un poste
de travail chez Télécel Faso à Ouagadougou.
I.2.
Stratégies des acteurs face au marché de l'emploi
I-1.1. Modalités
d'accès à l'emploi
Dans un contexte de « marchés du
travail fermés »(Paradeise 1982), les candidats
développent différentes stratégies dans la conquête
de l'emploi. Notre enquête révèle que les contacts entre
les employeurs et les demandeurs d'emplois s'opèrent à travers
différentes modalités.
Les données empiriques recueillies montrent que la
« candidature spontanée » est le mode
prédominant d'accès à l'emploi chez Télécel
Faso à Ouagadougou. Dans ce procédé, le candidat
décide de ne pas attendre une offre d'emploi et fait acte de candidature
soit parce qu'il sait qu'un poste est ouvert à
recrutement (avant que
l'information ne soit publique), soit parce qu'il espère que ce soit le
cas. Ou encore, soit parce que l'entreprise ou le service lui paraît
particulièrement attirant par rapport à son projet professionnel.
C'est ce que nous révèle cet agent marketing, chargé de la
configuration des appareils donnant accès à l'internet :
« Bon, j'ai supposé que compte tenu de ma formation,
notamment en informatique, si je postule, genre une demande pour un stage,
ça peut les servir et puis encore moi, accroître ma formation
professionnelle » (Entretien effectué avec S.O, Agent
marketing au Front Office, le 24/11/2014, Ouagadougou).
Cette procédure permet au chercheur d'emploi, de
constituer un dossier composé d'un curriculum vitae et d'une demande
adressée au responsable de la société. Mais toujours
est-il que bien que cette candidature soit spontanée, elle peut
être entretenue par un réseau de relations. Une conseillère
clientèle, exerçant au front office nous éclaire sur la
situation :
« Bon, puisque chez nous, on nous apprend ce que
c'est que les candidatures spontanées ; donc je venais vers
certains agents de Télécel que je connaissais et je disais, je
veux travailler si y a possibilité. Et dès qu'y a eu
possibilité d'embauche on m'a dit d'envoyer mon dossier. Donc je suis
allée déposer. J'ai attendu. C'est peu de temps après
qu'on m'a appelé » (Entretien effectué avec B.F,
Agent Front office, le 22/11/2014 à Ouagadougou).
Il y a aussi le système de
« recommandation ». C'est un des procédés de
recherche et d'obtention d'emploi, qui se veut être un choix
opéré par le personnel en place. Les employeurs s'adressant
directement au personnel pour lui demander de leur procurer de la main-d'oeuvre
comme le dit cet agent commercial:
« Souvent au niveau de notre service SVI là,
quand y a des sorties comme ça, on nous demande si on a des amis ou bien
des parents qui veulent juste travailler pour le laps de temps
décidé. C'est dans ces cas souvent j'interpelle mes amis pour
essayer de changer avec eux. S'ils n'ont pas d'occupation pour qu'ils puissent
intégrer dedans » (Entretien effectué avec S.N, Agent
Service de Vente Indirect(SVI), le 24/11/2014, Ouagadougou).
Pour ce faire, les agents déjà en place
proposent le poste à des individus partageant les mêmes
réalités sociales qu'eux. Cette action sous forme dedon
prend forme dans un réseau de relations autant à
l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise. En
effet, nombreux sont nos enquêtés qui disent avoir eu
l'information du projet de recrutement par le biais des travailleurs de
Télécel. Ce principe qui repose sur le fait de recommander une
connaissance pour un poste permet à l'entreprise de cibler des profils
qualifiés et au « coopteur » de faire preuve de
solidarité à l'égard de son entourage, en lui apportant
des opportunités d'emploi. À ce propos, Lemaitre (1984) pense que
c'est pour consolider une certaine culture d'entreprise que
« certaines sociétés engagent plus volontiers des
membres de la famille de personnel déjà employé, ou des
candidats recommandés par des employés de
l'entreprise » (Lemaitre 1984 : 422).
Selon les spécialistes du recrutement, dans ce contexte
de capitalisme, de nombreuses sociétés effectuent en effet leur
recrutement par ce procédé, du fait qu'il y ait un gain en temps
et en dépense pour l'entreprise. Selon ces spécialistes, cette
pratique n'entrave pas pour autant la qualité de la
présélection du profil coopté. Elle permet au candidat de
passer plus rapidement à l'étape de l'entretien. C'est la
relation de confiance qui s'est établie entre l'entreprise et le
coopteur qui atteste de la qualité du candidat présenté.
Mais aussi, il faut noter que certains sont recommandés après un
précédent passage au niveau de l'entreprise, après qu'ils
aient effectué auparavant un stage. C'est ce que dit ce
enquêté :
« J'ai d'abord fait un stage ici de trois mois.
Après ces trois mois, j'entretenais toujours des relations avec les
membres du service ici et souvent je passais leur dire bonjour ; un truc
comme ça. Et bon à un moment, ils avaient besoin de personnel et
étant donné que j'ai fait un stage ici, ils ont pensé
à moi et on m'a demandé d'envoyer mon cv » (Entretien
effectué avec Y.T, Agent technique, le 26/11/2014, Ouagadougou).
Cet extrait d'entretien fait ressortir la question du recours
au réseau relationnel. Qu'en est-il exactement ?
I-1.2. Le réseau social comme recours des
acteurs
Dans un milieu linguistique et ethnique tant
diversifié, le réseau relationnel, en l'occurrence la
parenté ne peut être occulté dans les modes d'accès
à l'emploi. Des parents réels ou supposés tels, sont
désignés comme recours par lequel l'employé a eu
accès au poste de travail. Plusieurs enquêtés ont
révélé avoir été introduits par un parent
travaillant ou pas à Télécel. C'est le cas de
A.C:« d'accord sur ce point, j'avais déjà un grand
frère qui était au grand compte. Voilà, c'est lui qui m'a
un peu proposé cela en 2013 je pense bien. Voilà, il m'a
proposé donc de constituer mon dossier »(Entretien
effectué avec A.C, Agent Call center, le 21/11/2014, Ouagadougou).
Mieux, certains ont vu leur dossier récupéré depuis le
domicile familial par leur soeur germaine pour être déposé
au sein de l'entreprise. A.K témoigne : « c'est ma
soeur qui a envoyé mes dossiers. Elle a récupéré
mes dossiers à la maison. Puisqu'elle est déjà ici.
[...] C'est ma soeur euh..... Même père même
mère » (Entretien effectué avec A.K, Agent
phoning, le 27/11/2014, Ouagadougou).
Grâce à la position du parent dans la
sphère de décision, de son influence ou encore de son
réseau de relation au sein de l'entreprise, cette candidate a la chance
d'avoir le poste.Cette chance s'accroit encore plus compte tenu du lien de
filiation existant entre celle-ci et l'agent qui la recommande.
Ce procédé d'accès à l'emploi
à Télécel donne sens à la fonction du
« capital social », selon le modèle théorique
de Bourdieu (1980). Selon lui, le capital social est un ensemble de ressources
actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d'un
réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées
d'interconnaissance et d'inter reconnaissance. En d'autres termes c'est un
ensemble de relations socialement utiles qui peuvent être
mobilisées par les individus ou les groupes dans le cadre de leur
trajectoire professionnelle et sociale.
Aussi, le réseau de connaissance fait partie des
stratégies des acteurs face au marché de l'emploi. Les candidats
s'appuient sur cet atout pour y avoir accès. Nombreux sont les
enquêtés qui disent avoir été informés par un
ami, ou une connaissance, comme le témoigne cet agent :
« C'est une connaissance, oui c'est une
personneque j'ai vraiment beaucoup de respect à son égard.Je l'ai
connu voilà dans un contexte. Puisque je faisais les cours à
domicile et voilà, j'ai eu à encadrer son enfant quand
j'étais toujours à l'université.Bonje luidit que d'ici
là je serai en fin de cycle et que voilà si toutefois y avait
quelques choses qui pouvaient en tout cas faire mon affaire à
l'époquede ne pas hésiter à me contracter et j'ai fait mon
dossier lui donner etc'est tout » (Entretien effectué avec
K.Y, Agent Call center, le 20/11/2014, Ouagadougou).
L'on voit alors à travers ces différents
extraits comment les réseaux de relations entretenus par les individus
sont des sources de recours déterminants dans l'accès à
l'emploi. En outre l'enquête montre d'autres canaux d'informations
utilisés par les travailleurs de Télécel Faso.
I-1.3. Autres canaux d'informations
La voie de presse est aussi une source d'information et
d'appel à candidature pour des postes vacants par l'employeur, selon la
démarche officielle. A Télécel Faso, il est actuellement
rare de trouver des publications concernant des offres d'emplois dans les
journaux de la place. Lorsque nous avons voulu consulté des archives
concernant les insertions de presse, le DRH a fait savoir que
« ça fait longtemps que nous n'avons pas fait d'insertion
presse. Ça vaut peut-être un peu plus de 3 ans. »
(Entretien effectué avec le DRH le 09/03/2015, Ouagadougou). C'est ce
qui est en tout cas ressorti lors de notre enquête, car seulement 3
individus de la population enquêtée disent avoir eu l'information
par voie de presse. Ce sont pour la plupart des cadres, ayant une
ancienneté de plus de 8 ans de service. Quant à Planium-RH,
structure s'occupant de la sous-traitance de certains employés, il n'y a
quasiment aucun appel à candidature de façon officielle, comme le
dit l'agent de la structure :« ils ont déjà
l'information, nous on réceptionne seulement les
dossiers » (Entretien effectué avec M.K, Agent
Planium-RH, le 18/03/2015, Ouagadougou). Cela donne alors plus de
crédits aux différentes stratégies utilisées par
les acteurs que nous avons tantôt explicités. Cette situation est
aussi expliquée par un inspecteur de travail :
« Il faut dire quand même que actuellement les
structures ne sont pas tenues de s'adresser à qui que ce soit. Avant
c'était l'ANPE qui avait le monopole. Mais bon, il faut dire quand
même que de nos jours, à part peut-être les structures, les
établissements publiques-là ont l'obligation de publier les
postes vacants, voilà. Aujourd'hui avec la libéralisation, je
pense que bon, voilà toute société recrute son
personnel selonle canal préféré» (Entretien
effectué avec J.H, Inspecteur de travail, le 25/11/2014,
Ouagadougou).
De nos jours, avec le développement de l'internet,
plusieurs réseaux de relations se créent à travers les
NTIC. L'information est aussi véhiculée sur les
« réseaux sociaux ».
« J'ai reçu l'information,[...] au fait on a
un groupe qu'on appelle Easy meeting. Voilà l'information a
été postée là-bas. Et comme je fais partie du
groupej'ai reçu le mail,et voilà c'est à l'issu de
ça que j'ai postulé » (Entretien effectué avec
S.K, Agent technique, le 29/11/2014, Ouagadougou).
La candidature spontanée, le système de
recommandation, les liens de filiation parentale, les réseaux de
connaissances et les réseaux sociaux sur internet sont autant de
stratégies et sources d'informations par lesquels l'individu
accède au poste de travail à Télécel Faso.
Après cette procédure, vient l'étape de la
considération des différents critères remplis par le
candidat. Comment s'effectue cette sélection et quels sont les
qualifications et types de formations académiques demandées chez
Télécel Faso ?
I.3. Processus de recrutement et profil des agents
I-1.4. La sélection des candidats
Après la réception des dossiers de candidature,
l'entreprise procède par analyse des potentialités du candidat
pour s'accorder sur sa capacité à exécuter les
différentes tâches. En effet, en sus de la recommandation et
autres recours pour les demandeurs d'emploi, suivent des techniques et/ou
méthodes de recrutement. Un test, parfois suivi d'un entretien, ou
seulement un entretien d'embauche peuvent constitués les
différentes étapes à franchir au préalable. Un
employé explique son mode de recrutement :
« D'accord. Je suis arrivée à
Télécel grâce à une amie qui m'a informé
qu'ily avait un test. Au tout début il y avait un premier test,
ça on recherchait des comptables. On devait prendre une personne pour
Bobo. Bon j'ai senti que du côté de la famille il se disait il
fallait partir loin comme ça ? Tu peux pas trouver pour Ouaga ? Mais
néanmoins je voulais quand même travailler. Je voulais rentrer
dans le monde du travail j'ai fait le test j'ai pas été retenu.
Après celail y a eu un deuxième testet c'est là on
recherchait des standardistes.Y avait pas de test écrit cette fois ci
mais y avait des entretiens ; fallait passer devant un jury de 3 membres,
nous étions 6, on voulait 3. C'est là oralement j'ai pu
convaincre le jury avec l'appui des diplômes ». (Entretien
effectué avec M.S, Agent ADV, le 22/11/2014, Ouagadougou).
Ce témoignage laisse percevoir, au-delà du
procédé de recrutement, comment le chercheur d'emploi prend en
considération plusieurs dimensions dans la construction de sa
carrière professionnelle. Ainsi, les contraintes familiales, la
situation géographique par rapport au lieu de travail et l'ambition
personnelle sont mis en avant dans les stratégies des acteurs face au
marché de l'emploi. Mais quelle qualification faut-il pour
intégrer l'espace professionnelle de Télécel
Faso ?
I-1.5. Profil des agents
Les activités de télécommunication sont
constituées de taches spécifiques. Elles tournent autour de la
recherche d'une vaste clientèle, variée, à qui il faut
proposer des offres attractives, la mise en disponibilité de
manière permanente d'une ligne téléphonique sans fil
satisfaisante, qui requière une grande habilité technique et
bien entendu la gestion des plaintes clients. Il faut donc une main d'oeuvre
qualifiée pour l'exécution de ces tâches. Produit
codifié résultant d'un itinéraire individuel, la
qualification peut être considérée comme l'aptitude
à exécuter une tâche donnée en fonction de sa
formation.
Notre enquête a révélé que le
niveau de qualification requis pour être recruté
àTélécel Faso est le niveau BAC+2 (BTS-DUT-DEUG II-etc.).
C'est donc la condition première qui permet l'entrée au sein de
l'entreprise. On y retrouve différentes types de filières avec
une prédominance de diplômes axés sur une formation en
marketing et en études commerciales, mais aussi technique. Il y a aussi,
des profils de formation de généraliste telle la sociologie,
l'économie, la géographie ou encore le droit.
Cependant, ces profils sont distribués au sein de la
société selon une disposition qui permet à l'entreprise
d'exploiter au mieux les compétences des travailleurs. Si certains
services réclament des formations spécialisées, d'autres
par contre requièrent seulement le niveau minimum de BAC+2, toutes
filières confondues. Ainsi, le service marketing emploie essentiellement
des candidats à profil marketing, autant pour le service technique. Les
autres services comme le service de fidélisation, le call center, le
service phoning, ou le « front office », qui
exécutent des tâches répétitives sont occupés
par différents types de formations, du marketing au
général en passant par le commercial, la formation technique et
autres. Ces catégories d'emplois n'ont pas besoin d'une formation
particulière, mais plutôt d'un niveau académique qui
facilite la compréhension du travail. Ainsi nous avons des
« promoteurs » avec une formation de juriste, des
conseillers clientèle avec une formation de technicien en informatique
ou en gestion des ressources humaines. Un cadre de la
société soutient :
« C'est la communication, mais on prend tous les
profils. Parce que ce service, c'est une porte d'entrée dans la vie
professionnelle [...]. Celui qui vient ici apprend beaucoup de choses, en
termes de relation client. Dansl'enseignement d'aujourd'hui, quel que soit le
métier qu'on adopte, on a toujours à faire à un client
quelque part »(Entretien effectué avec M.S, Chef de service
Call center, le 19/01/2015, Ouagadougou).
Au regard de tout ce qui a été souligné
plus haut dans les modes de recrutement en vigueur à
Télécel Faso, nous convenons avec Labazée que dans les
entreprises au Burkina Faso,
« le recrutement familial et/ou relationnel coexiste
avec un recrutement sur qualification ou expérience professionnelle
[...]. En général, un modèle d'embauche est dominant. Il
n'empêche que, pour diverses raisons, les entrepreneurs sont contraints
de diversifier leurs sources de recrutement »(Labazée
1988 : 186).
Ceci peut aussi corroborer avec
l'aspect politique dont faisait cas le DRH.Une
politique basée sur le fait qu'on soit dans une
« société d'interconnaissance » et
« d'interdépendance » marquée par la
densité relative des liens sociaux.
Le passage d'un environnement académique à un
environnement professionnel nécessite une socialisation au milieu
professionnel. C'est une étape très importante dans la
carrière de l'individu, car en plus de se positionner dans la chaine de
production, celui-ci incorpore les méthodes de travail de la
structure.
II.
SOCIALISATION PROFESSIONNELLE CHEZ TELECEL FASO
II.1.
Apprentissage du métier chez Télécel Faso
L'apprentissage du
métier consiste à se former aux techniques de base du
métier, c`est-à-dire au maniement des outils de travail. En
entreprise, une part importante de la formation dispensée notamment aux
nouvelles recrues a pour objectif majeur l'apprentissage des valeurs et
représentations propres à l'entreprise. Rendre l'individu
conforme au système, lui apprendre à réfléchir
suivant certains axes, à prendre en considération certains
critères.
I-1.6. Le plan de formation
L'évolution de l'organisation du travail, comme c'est
de plus en plus le cas dans les entreprises à la pointe du
progrès, n'est réussie qu'avec un plan de formation
approprié. Le plan de formation rassemble l'ensemble des actions de
formation définies dans le cadre de la politique de gestion du personnel
de l'entreprise. Selon le directeur des ressources humaines de
Télécel Faso,
« il y a un plan de formation qui se fait au besoin,
parfois à l'issu des évaluations annuelles. Il peut se faire
aussi par rapport aux objectifs, par rapport auxbesoins et à la
concurrence. Il peut aussi y avoir un besoin de formation au cas par cas. Mais
il se fait en fonction du budget et des priorités de la
société. Le besoin doit alors être tangible, pertinent et
constitué une priorité. » (Entretien effectué
avec le DRH, le 16/12/2014, Ouagadougou).
La formation peut en effet se faire selon les besoins, les
innovations, la mise en place de nouveaux produits et services ou encore selon
un besoin de recyclage. Dans le cas du lancement du nouveau produit,
une formation peut être programmée pour toute l'entreprise
où chaque service reçoit un programme de passage pour son
personnel. Dans ce cas de figure, une salle comme la salle de conférence
située au siège de la société abrite la formation.
Elle est faite par les cadres de la société, spécialement
ceux du service marketing et de la technique, et aussi, les concepteurs du
produit ou service. Une journée est alors consacrée à
chaque groupe de passage pour la formation. Des fois, la formation se
délocalise dans des lieux publics comme les hôtels.
I-1.7. Formation des nouvelles recrues
La nouvelle recrue disposant d'un passé culturel,
d'habitudes acquises en matière d'identification et de perception se
conforme aux nouvelles règles et valeurs de son univers de travail. Un
système de diffusion du savoir, accompagne son parcours
professionnel et l'oriente. Lorsqu'il y a un manque de personnel, dû
à certaines défections, la formation prend une certaine allure
sur une durée relativement courte. C'est que nous dit cet agent:
« Apparemment ils étaient dans un besoin
urgent de personnel. C'est une formation rapide qu'on a eu. La formation
théorique là, onl'a pas fait longtemps. On nous a formé si
je ne me trompe pas en une journée ou deux jours. Maintenant la
formationpratique, ça on a fait en gros deux semaines. Le plus souvent
ce qu'on a appris c'est par l'expérience » (Entretien
effectué avec K.H, Agent Call center, le 20/11/2014, Ouagadougou).
Une formation théorique, concernant l'apprentissage des
produits et services de Télécel Faso et une formation pratique
qui consiste à suivre le travail des anciens. C'est le type de formation
que Moore (cité par Dubar (1991)) qualifie de formation sur le
tas. Cette formation sur le tas de la force de production s'inscrit dans
une logique d'accumulation capitaliste selon les marxistes, « car en
instituant ce type de formation, le capitaliste réduit
considérablement les coûts de production de la force de travail
tout en accroissant son profit », dit Ouédraogo à
propos des agents de l'ex. Faso Fani (Ouédraogo 2009 : 176). Notre
étude permet de voir que la plupart des agents ont été
formés sur le tas. La formation est faite en situation de
travail, en témoigne cet agent :
« Dès qu'on arrive à l'agence on n'a
pas des moments pour aller se former ; c'est sur le tas.On te dit
voilà, le client il est devant toi. Qu'est-ce qu'il faut faire ?
Voilà la conduite à tenir [...] On appliquait tout au jour le
jour, puisque la formation c'était sur le champ »(Entretien
effectué avec M.S, Agent ADV, le 22/11/2014, Ouagadougou).
Cette modalité de formation qualifiée par
certains enquêtés de côte à
côte peut aussi s'expliquer par la continuité du
travail. Le même agent dit plus loin :
« Voilà si on se retrouvait dans des salles
pour la formation, qui va assurer le client ? Puisque le travail est fait de
lundi jusqu'au samedi»(Entretien effectué avec M.S, Agent ADV, le
22/11/2014, Ouagadougou).
En somme, la formation des jeunes recrues à
Télécel est faitesur le tas, c'est-à-direen
situation de travail.Toutefois, il arrive que des formations
ciblées soient conçues pour le recyclage, ou pour le lancement
d'un nouveau produit ou service de la compagnie de
téléphonie.Ayant acquis les notions codifiant le travail, il est
octroyé à l'agent un ensemble d'outils qui l'identifient et lui
permettent de comprendre le système de communication inter personnelle
au sein de l'entreprise.
II.2.
Outils d'identification et mode de communication professionnelle
Lorsqu'un employé de Télécel Faso,
après avoir été formé, prend service, certains
outils lui permettent d'établir la communication entre ses
collègues, ce qui contribue à lui donner une identité dans
le cadre de son travail. L'observation participante nous a permis de
découvrir ce qui identifie l'acteur sur le plan professionnel. Ces
outils sont entre autres un numéro de téléphone
appelé « flotte », qui lui permet de communiquer
librement avec ses collègues de travail et un pseudonyme ou petit
nom pour les agents en contact téléphonique avec la
clientèle. Ainsi, chaque service reçoit une
« plage » de numéros par rapport au nombre de
travailleurs dans le service. Prenons le cas du service call center
composé de 80 agents. Les numéros sont distribués comme
suit : 79 xx xx 00 jusqu'à 79 xx xx 80. Ainsi, chaque
employé est identifié par le suffixe de son
numéro.
Un code vestimentaire à suivre pour les services dont
le port de la tenue est obligatoire, tel les agents des
« fronts offices » ; un polo et une casquette,
arborant les couleurs et symboles de Télécel pour les agents de
terrain.Un badge, sur lequel est inscrit le nom complet, la fonction et la
photo de l'agent est donné à tous les agents permanents. Ces
badges conçus sous forme magnétique pour certains services, en
plus d'être des outils d'identification, jouent le rôle de
« laisser passer », pour l'accès au bureau.
Etant dans une entreprise de télécommunication,
le matériel de travail est par défaut l'ordinateur. C'est le
canal par lequel la mise en relation des individus est faite avec les
différents évènements de l'entreprise. L'organisation du
travail ou les différentes actions, les notes de service, sont
envoyées aux travailleurs par ce canal. Pour ce faire un e-mail
composé de la première lettre du prénom suivi du nom de
famille est créé par le service technique au compte des
différents employés. Prenons l'exemple dans notre propre
situation.
asangue@telecelfaso.bf est
notre « mail ». Entendons par là Antoine pour le
« a » et « sangué » suivi du
domaine informatique de Télécel Faso. Cet identifiant permet
aussi l'ouverture de certains logiciels de travail. Ainsi, plutôt que
d'afficher les notes de services et autres informations au personnel sur un
tableau d'affichage, elles sont envoyées par le
« mail », car tout le monde est supposé
lire son mail, facilitant ainsi une culture de l'informatique, partie
intégrante des valeurs de ce milieu qui dictent le comportement
professionnel des agents.
III.
PRINCIPES DU MILIEU
III.1.
Normes et autorité au travail
I-1.8. Normes de la conduite professionnelle
Appréhendons les normes comme un ensemble de
règles ou modèles de conduite propres à un groupe ou
à une société donnée. Cet ensemble est appris,
partagé et légitimé par des valeurs extérieures aux
individus et qui s'imposent à eux et dont la non observance entraine des
sanctions. L'intériorisation et le conformisme à ces normes sont
sous le contrôle d'une autorité pour leur application. A
Télécel Faso les bureaux, l'agence ou le « front
office », les « sorties sur le terrain », sont
les champs de déroulement de l'activité professionnelle. Un corps
de normes codifie le comportement professionnel des travailleurs. C'est ici
qu'intervient le « règlement
intérieur »ou force à discipliner. C'est
l'expression formelle des rapports de production au sein de l'unité de
production :
« Article 1er : le présent
règlement intérieur a pour objet d'assurer dans le cadre des
textes en vigueur, la discipline et la bonne exécution du travail au
sein de Télécel Faso. Il porte notamment à la connaissance
des agents :
-les règles en vigueur au sein de la
société en matière d'organisation du travail ;
-les règles générales et permanentes
relatives à la discipline et notamment la nature et l'échelle des
sanctions que peut encourir l'agent indélicat
[....] »(Source : Règlement Intérieur,
Télécel Faso).
Ainsi, toute l'organisation est codifiée dans cette
formalité, et tous les agents acceptent de fait de s'y soumettre
entièrement, du moment qu'il devient la loi des parties.
En tant qu'expression de la logique des rapports de production, le
règlement intérieur fixe les normes de conduites
professionnelles, les interdictions et sanctions éventuelles en cas de
déviance. Il véhicule au sein de l'entreprise des valeurs telles
que la discipline, le respect de l'autorité et une culture fortement
partagée par les membres.
Il faut dire qu'à Télécel, vu
l'organisation divisionnelle, chaque service adapte ce corps de normes en
fonction de ses spécificités. Ainsi, par rapport à la
ponctualité, certains services comme le marketing, la veille
concurrentielle, le service technique utilise des badges magnétiques
qu'ils introduisent à l'arrivée dans un boitier situé
à la porte d'entrée du bureau, qui relève les informations
concernant l'agent et son heure d'arrivée. D'autres par contre comme le
service front-office du siège, le service call center, ou le service
phoning, soumettent leurs agents à pointer leur nom et heures
d'arrivée sur un cahier mis pour l'occasion. Ces fiches
d'assiduité sont associées à l'évaluation
de l'agent. Pour ce faire, chaque service, par rapport à ses objectifs
s'érige un règlement intérieur propre au service. C'est le
cas du règlement intérieur du call center qui dispose
que :
«2) Sont considérés comme :
- Absence : tout défaut de présence.
- Retard : toute arrivée 01 minute après
l'heure de logue7(*).
- Ponctualité : toute arrivée 15 minutes
avant l'heure de logue » (Source : Règlement
intérieur Call center/Télécel Faso).
Ainsi, dans un code langagier spécifique et par rapport
à sa particularité dans la chaine de production, ce service,
considéré comme un département de 80 agents
selon son chef de service, s'est appuyé sur le règlement
intérieur général de la société afin d'en
construire un corps de normes à son image.
I-1.9. Mise en application des normes
Comme toute grande organisation, Télécel Faso
est pensée tel un univers comprimé dans un ensemble de
règles et de procédures, et ce faisant, caractérisé
par une grande rigidité. Cette rigidité prend forme dans la
hiérarchie pyramidale forte, avec un ensemble de textes
règlementant la discipline, et une abondance de notes service, de
règlements spécifiques chargés d'encadrer
l'activité ordinaire. Une telle organisation favorise des pesanteurs
à l'image des cercles vicieux bureaucratiques selon
Crozier cité par Lafaye (1996) :
« L'abondance de règles engendre des zones
d'incertitudes dont se saisissent des membres de l'organisation pour
développer des relations de pouvoirs parallèles, lesquelles
entrainent des frustrations qui conduisent à exiger encore plus de
règles impersonnelles pour limiter [....] l'arbitraire qui les
accompagne » (Lafaye 1996 : 52).
En effet, un cas similaire s'est produit au service call
center concernant l'utilisation des toilettes. Voilà un aspect, pour le
moins trivial, qui pourtant revêt une importance dans les jeux de
stratégies des acteurs. Le service call center est situé sur
l'avenue Kwamé Nkrumah, et partage le bâtiment avec un
« front office » au rez-de-chaussée, puis le
service grand compte, situé au second étage. Le call center est
situé au 3ème niveau suivi d'un détachement du
« Groupe Planor Afrique » au 4ème puis
du service phoning au dernier étage. Pour ce faire, chaque niveau est
doté d'une salle de toilette pour les besoins hygiéniques des
agents. Le call center, composé d'environ 80 % de femmes, est
organisé en 2 équipes de 40 chacune qui se partagent ainsi les
locaux. Mais pour des besoins de « commodité et
d'hygiène »,après plusieurs mises en garde pour la
propreté des lieux par les responsables, il a été
décidé, d'inscrire désormais son nom sur une feuille avant
d'accéder aux toilettes. Et un pouvoir a été
conféré à un agent chargé du suivi scrupuleux de
cette nouvelle norme. Celui-ci use alors de son autorité pour un usage
règlementé de cet espace selon la nouvelle norme, créant
au passage des frustrés qui décident de ne pas utiliser ces
toilettes.
Mais à côté de ce monde de la
règle, on voit surgir un autre univers, celui de l'attention envers les
individus, leurs problèmes personnels. Des
« arrangements » sont négociés entre agents,
par la force de l'affinité ou par le fait de « petits services
rendus ». Le titre 4 de l'article 17 du règlement
intérieur de Télécel par exemple, dispose
qu' « il est formellement interdit au personnel de
Télécel Faso, de faire du commerce dans
l'institution ».Nous avons pourtant observé que cette norme
n'était pas aussi bien suivie par certains agents. Le « petit
commerce » se faisant de plus en plus dans l'entreprise. Par
ailleurs, dans une logique de souplesse dans l'application des normes, certains
supérieurs hiérarchiques, font preuve de flexibilité par
rapport à cette règle. C'est ce que témoigne cet
agent à propos de son « petit commerce »
qu'elle effectue au sein de l'entreprise :
« Bon, c'est interdit de faire du commerce, surtout
pendant que tu es loguée ; mais à nos heures de pauses tu
peux le faire en retrait dans la salle de pause. Bon, à la pause de tout
un chacun, les collègues peuvent voir les articles. [...] Notre chef
n'est pas très exigeante par rapport à cela. Je me dis que c'est
une qui comprend, vu ce que l'on touche ;si cette activité
commerciale ne nous empêche pas d'assumer notre devoir je pense que
ça ne pose pas trop de problèmes. » (Entretien
effectué avec C.J, Agent Call center le 22/11/2014, Ouagadougou).
Ainsi les arrangements qu'ils pratiquent leur paraissent
nécessaires et justifiables en tant qu'exceptions à la
règle permettant de débloquer une situation. On voit que la mise
en application des règles ne correspond pas toujours aux prescriptions.
Ce comportement, bien que certains agents le qualifient de laxisme ou de
favoritisme, est différent de la rigueur qui est dictée par
rapport aux règles déontologiques dans l'exécution du
travail proprement dit.
III.2.
Déontologie en situation de travail
Toutes les sociétés humaines de travail font
l'objet de règles morales et de contrôle social. Le concept de
déontologie professionnelle fait référence à
l'ensemble des principes et règles
éthiques qui
gèrent et guident une activité
professionnelle. Ces
normes sont celles qui déterminent les
devoirs minimums dans
l'accomplissement de l'activité dans un esprit de professionnalisme.
Entendons par professionnalisme l'ensemble des attitudes types que
développent les membres d'une profession vis-à-vis de leur
travail. Il y a un code qui contient des règles d'autodiscipline et
d'usage que les professionnels du secteur utilisent. La profession
développe alors son code de déontologie selon ses objectifs, en
rapport avec une certaine morale régulant le métier afin
d'inculquer une culture professionnelle aux employés. Mais pour une
activité commerciale, comment les règles sont-elles
appliquées, lorsque l'on sait que l'entreprise n'est motivée que
par la rentabilité et le profit ?
A Télécel Faso, l'article 10 du titre 3 du
règlement intérieur portant obligation et responsabilité
du personnel dispose que :
« Tous les travailleurs doivent : - être
assidus à leur poste de travail, et se soumettre aux instructions de la
hiérarchie dans le cadre exclusif du travail, - avoir une attitude
correcte et courtoise dans les relations de travail, à l'égard
des supérieurs hiérarchiques, envers les autres collègues
et particulièrement vis-à-vis des clients et autres usagers.
[Il est aussi interdit] de divulguer des faits et secrets
de service »(Source : Règlement Intérieur
Télécel Faso).
Ainsi donc, tout travailleur se doit d'observer les
différentes règles prescrites par la hiérarchie, tout en
respectant les règles de confidentialité. A ce propos de la
confidentialité, disons que pour une activité dont le centre se
repose sur le traitement et l'utilisation des données à
caractère personnel, la rigueur doit être de mise. C'est ainsi que
le processus de la socialisation professionnelle est très importante
afin que l'agent puisse intégrer l'esprit maison de
l'entreprise. L'observation participante au sein de Télécel Faso,
nous a permis de comprendre le code éthique en vigueur qui se
résume par l'expression: le client est roi ! Le
client, quel qu'en soit le type, la catégorie sociale ou le volume de
consommation a droit à la courtoisie. Par exemple, un client remplissant
les différentes dispositions peut avoir un certain nombre d'information
sur sa ligne. Mais les agents sont tenus de respecter les conditions et
différentes formalités qu'il doit remplir pour l'obtention
d'informations sur son numéro. Parfois, lorsqu'il y a une
déviance, avant d'en venir aux différentes sanctions par rapport
à la faute commise, la hiérarchie peut procéder par la
mise en garde comme ce fut le cas dans cette note de service :
« Bonjour, une énième plainte de
grande envergure a été déposée au sein de
Télécel Faso concernant des détails d'appels qui auraient
été fournis par un de nos agents à une tiers personne,
loin d'être le détenteur du numéro. Cet acte va à
l'encontre de notre règlement intérieur et empiète sur le
respect de la confidentialité des données qui nous lient à
nos abonnés. Sachez que tout est mis en oeuvre pour identifier la
personne ayant effectué cet acte frauduleux. Je tiens à vous le
rappeler, une fois de plus, que les détails d'appels doivent être
confidentiels et en aucun cas ne devront être communiqués. Toute
opération peut être localisée à travers les heures
de logue, la date, l'ordinateur utilisé, et donc l'agent ayant
effectué ladite opération. Les contrevenants seront donc
responsables de leurs actes et répondront de ceux-ci avec la plus grande
rigueur. Merci de vous conformer strictement aux instructions qui vous sont
données. Bien cordialement» (Note du Chef service call center, en
date du 3 Avril 2014).
Des situations similaires où les clients posent plainte
parce qu'ils ont été mal accueillis par un agent, ou parce qu'ils
ont reçu une fausse information de la part d'un agent, sont passibles de
sanctions pouvant aller au licenciement sans préavis.
Citons un exemple par rapport à la moralité des
agents commerciaux. Il a été interpellé un agent
commercial qui s'adonnait à des pratiques peu recommandables. En effet,
celui-ci, en tant qu'agent de terrain, avait la responsabilité de la
vente des kits sur le terrain, lors d'une campagne promotionnelle. Cette
campagne avait pour but de vendre la puce à 250 franc CFA au lieu de 500
francs CFA avec un crédit de communication de 500 francs CFA à
l'activation. Celui-ci vendait effectivement les puces à 250 francs CFA,
mais transférait une partie du crédit de communication de chaque
numéro vendu, après l'avoir activer, pour ne laisser que 250
francs CFA dans le kit. Le client trouverait cela normal, puisque d'habitude,
pour l'achat d'une puce à 500 francs CFA, il y a un crédit de 500
francs CFA. Donc logiquement, un kit acheté à 250 francs CFA
aurait nécessairement 250 francs CFA de crédit. Cet agent fut
interrompu dans sa besogne par un licenciement et une poursuite judiciaire.
Bien que l'agent ait la latitude d'avoir toutes les
informations sur un client, il ne doit par exemple, en aucun cas faire une
opération sur un numéro sans l'accord de la hiérarchie.
Ainsi, certains agents ont été obligés d'abandonner leur
poste de travail manu militari après avoir commis une
« faute professionnelle ». Ceux qui ont la
« chance » voient leur contrat simplement interrompu,
d'autres par contre sont poursuivis en justice afin de servir d'exemple.
On retiendra avec Hughes que « plus quelqu'un
accomplit fréquemment dans la même journée une
opération, plus il risque de ne pas la réussir au moins une
fois » (Hughes 1996 : 87). Ce sont des erreurs émanant de
l'automatisme au travail. Ces erreurs de travail peuvent effectivement
être banalisées si effectivement l'agent fautif s'en rend compte
et avise sa hiérarchie. En ce moment, une démarche est
effectuée auprès du client pour trouver un compromis. Mais
lorsque l'agent garde le secret et pourtant le client concerné
« connait quelqu'un à Télécel », alors
la plainte remonte et le fautif en paie le prix. En effet, à
Télécel, chacun porte son fardeau et est responsable de
ses actes envers les clients. Mais qu'en est-il réellement ?
III.3. Interactions agent-client
A Télécel Faso, le contact avec la
clientèle se fait via le téléphone, ou lorsque le client
se rend en agence. Il y a aussi, le cas où c'est le commercial qui se
déplace vers le client pour lui proposer des services et produits de
Télécel. L'agent peut aussi rencontrer le client dans la rue,
c'est le cas des promoteurs. Il y a ceux aussi qui vont à la rencontre
du client à son bureau. Ce sont les commerciaux grands compte. Ces
agents vont à la rencontre de gros clients,et proposent
des abonnements mensuels à tarification particulière. Mais c'est
surtout au niveau des contacts téléphoniques en particulier au
call center et des déplacements des clients en agence, que la relation
avec les clients revêt une particularité. En effet,
« Il y a des clients courtois, qui viennent féliciter et y
a d'autres qui sont typiques pour la bagarre. » (Entretien avec
Y, Agent front office, effectué le 12/03/2015, Ouagadougou). Certains
clients sont toujours prompts à se plaindre, soit sur la qualité
du réseau, soit sur un aspect particulier de leur numéro,
explications :
« [...] Des fois, y a certains clients qui s'emportent,
mais il faut faire avec. Des fois, y a certains commerciaux aussi qui
pêtent les plombs, des écarts de langage. [...] et ya des clients
qui rentrent ici avec l'intention de blesser. Quand on ne fait pas attention,
on s'emporte en même temps. Le chef d'agence, quand c'est comme ça
il sort (Rires).... lui il préfère défendre sa
commerciale. Il trouve que des fois il faut éduquer les clients, parce
que à force de faire ça, y a certains qui voient et qui
répètent la même chose, alors que ce n'est pas normal. Une
fois qu'on met un commercial hors de lui-même, c'est difficile qu'il
continue le travail normalement, il réconforte le commercial ou la
commerciale [...] On a vu plein de cas ici, un petit truc, qui n'en vaut pas la
peine, par exemple les histoires d'identifications, on dit au client bon, vous
avez acheté la puce dehors, or nous on ne peut activer qu'après
identification.Donc, vous déposez la copie de la pièce
d'identité. [...] Et là, tu peux recevoir une gifle comme
ça. Agressivité ! Et quand c'est comme ça, si tu
ripostes, ça c'est aussi un problème» (Entretien avec E.O,
Agent Front office, effectué le 12/03/2015, Ouagadougou).
Effectivement« ça aussi c'est un
problème », puisque l'agent est tenu à la
courtoisie conformément au code éthique de l'entreprise.Les
règles préétablies au sein de l'entreprise, qui parfois
découlent de l'autorité nationale de régulation des
télécommunications sont difficiles à comprendre par le
client. C'est le cas de ce client que nous avons enquêté, venu
pour s'acheter un kit de connexion, et qui s'est vu refuser car ayant
déjà pris plusieurs numéros avec la même carte
d'identité. En voici sa réaction (il était très
remonté) :
« Moi je vais retirer tous mes puces que j'ai
payé pour donner à mes enfants là ; je vais tout
retirer ! Ils vont plus charger même encore. Parce que moi je
comprends pas, on paie pas les puces là pour s'amuser avec. C'est parce
que ça marche que y a tout ça là. Avant on se
promène on dit y a promo, y a promo. Et ceux qui viennent prendre en
gros, ils sortent ils vendent au gens-là ? Moi je peux pas payer
dehors. Je sais ce que je fais. On ne peut pas prendre les puces dehors
pouridentifier au nom de quelqu'un après si j'ai perdu cette puce, je ne
peux pas retirer le numéro [...] » (Entretien effectué
M.D, client, le 27/03/2015, Ouagadougou).
Il y a aussi le cas, ou le client n'est pas satisfait et
appelle pour se plaindre. Certains vont même jusqu'à
proférer des injures maladroites. Les agents du call center en
rencontrent des tas d'appels du type chaque jour.En tant qu'agent du service
call center, nous avons aussi eu à rencontrer différents types de
clients qui a force d'appeler au service clientèle finissent par
connaitre la plupart des « pseudos » des agents, surtout le
genre féminin, et peuvent appeler seulement dire de passer leur bonjour
à Ashley ou Anice,
ouencoreFrancine, etc. Les clients, surtout ceux dans les
zones reculées du pays, sont émerveillées par la voix de
ces femmes. Nous avons déjà eu un cas, où un client a fait
parvenir un carton de haricots verts dont il pratique la culture dans son
village, à une téléconseillère. Il a avancé
l'argument comme quoi elle s'est bien occupée de lui en ligne.
Ceci est une illustration des interactions agent-clients qui
rythment le procès de travail à Télécel Faso.
Tantôt joyeuse, tantôt déconcertante. Quoique ! Que
dire des relations entre travailleurs alors ?
IV. LES RELATIONS DE COOPERATION
IV.1. Relations entre collègues de travail
Les différentes façons de vivre les relations de
travail dans une entreprise ont une véritable force de normes sociales
qui permettent à l'individu d'incorporer l'habitus du milieu.
La rigidité des structures imposées par le règlement
intérieur à Télécel Faso inculque une certaine
manière de traiter avec ses collègues au
travail. La catégorisation du personnel facilite la création de
segments.En effet, les travailleurs se regroupent selon le service et
selon le corps professionnel, créant ainsi des groupes informels de
relation. Les prestataires sont amis entre eux et les
titulaires aussi. Comme le dit cet enquêté :
« Les oiseaux de même plumage volent ensemble ».
(Entretien avec K.I, Agent call center, effectué le 24/11/2014,
Ouagadougou). Les rapports de coopération étant plus faciles
entre individus de même catégorie professionnelle.
Les agents vont pourtant au-delà de la
frontière créée par la catégorisation des
différents groupes professionnels. C'est ce que dit ce titulaire du
service technique : « C'est sur papier que c'est
écrit prestataire ou agent permanent ; sinon dans la
réalitéon se voit comme des frères, des agents, des
collègues.Donc ces termes là on refuse même de les
utiliser entre nous» (Entretien avec Z.R, Agent Front office,
effectué le 24/11/2014, Ouagadougou).
Ainsi, les agents font fi du statut professionnel dans leur
relation de travail. Aussi, vu le mode de recrutement que nous avons
présenté, certains agents se connaissaient bien
avant de se retrouver à Télécel. Cela rend
flexibles les cohabitations dans le bureau. Les relations se construisent aussi
selon une certaine interprétation de la filiation chez les femmes.
Supposons deux agents de sexe féminin. Une qui n'est pas mariée
et s'appelle Kafando Laetitia8(*) et l'autre mariée qui s'appelle Mme Elodie
Kafando née Ouédraogo. La première sera appelée par
la seconde mon mari.Faisant référence au nom de
famille de l'époux de la seconde. A partir du moment qu'elles ont pu
établir cette interprétation, il y a une relation de
solidarité, de complicité et de confiance qui s'établit
entre ces agents.
Dans d'autre cas, on s'appelle couz. Ce cas par
exemple peut provenir du fait que des agents ont un oncle ou une tante, ou
supposé tel en commun. Cette prétendue filiation
créée entre les agents renforce pour ce faire les rapports
interpersonnels. En outre l'appellation voisin/voisine fait
référence au collègue ayant le box le plus proche à
gauche ou à droite. Le fait de partager le même espace de travail
sur une aire à distance quasi nulle, crée de liens de
rapprochement. Aussi, les individus peuvent se reconnaitre dans un groupe
d'appartenance social commun, tel le groupe ethnique dont le nom de famille et
le sociolecte utiliséen sont les indicateurs ; ou encoreune
trajectoire commune, tels les établissements scolaires ou universitaires
fréquentés, ou ayant participé à un
évènement commun.
Et ce schéma peut même remonter jusqu'au
supérieur hiérarchique. Il faut dire qu`à
Télécel, tout le monde à son « bureau
ouvert ». Ceci pour signifier, que l'accès à
un quelconque bureau n'est interdit à aucun agent. Partager aussi le
même espace de travail, a pour avantage de permettre un rapprochement
entre collaborateurs. C'est ce que dit cet agent :
« On échange beaucoup. Y a le dialogue, y a
la communication. C'est surtout ce qui me permet de tenir. La chaleur des
collèguessurtout, y a une bonne ambiance quand même. Je suis dans
le même bureau que mon chef de service. [...] quand tu arrives, quand on
discute comme ça, tu ne peux pas te mettre à l'idée que
c'est un chef de division ou un chef de service » (Entretien avec S.K,
Agent Service technique, effectué le 29/11/2014, Ouagadougou).
Le chef peut alors se substituer en
« ami », ou en « confident », ayant un
pouvoir de recommandation. C'est ce que dit cet agent du service
fidélisation : « [...] La patronne même trouve
du boulot pour nous. Si y a des offres comme ça, elle connait des gens
et peut nous recommander » (Entretien avec S.O, effectué le
25/11/2014, Ouagadougou).
Ces relations de travail ainsi créées au bureau,
peuvent continuer hors service. « On se retrouve souvent pour
prendre un coup. Bon pour faire le show ensemble ; de quoi se
détendre après la pression»(Entretien avec M.A, Agent
service technique, effectué le 26/11/2014, Ouagadougou). D'autres agents
par contre, perçoivent dans ces relations hors service avec les
collègues un gaspillage de temps, puisqu'ils sont ensemble
tout le temps. Ils préfèrent utiliser le peu de temps qui leur
reste pour se reposer comme cet agent :
« Généralement même, moi
particulièrement, presque tous les jours je quitte ici un peu tard. On a
tout simplement le dimanche pour vraiment bien se reposer et quand on gagne ce
jour, on ne voudrait pas les gaspiller en se déplaçant sur de
longues distances aussi» (Entretien avec S.K, Agent service technique,
effectué le 29/11/2014, Ouagadougou).
Les rapports humains sont pour cet agent, (comme beaucoup
d'autre dont la pression exercée par le travail dicte une ligne de
conduite dans leurs relations sociales) à mettre au second plan, au
profit du repos et de la « récupération »
personnelle. Cela pourrait aussi expliquer le faible niveau d'adhésion
de nos enquêtés aux organisations associatives et l'appartenance
à des partis politiques, qui occupent une partie du temps de l'individu.
Malgré cette bonne « ambiance » entre les
collègues, il n'en demeure pas moins que des points de mésentente
peuvent exister entre ceux-ci.
IV.2. Conflits interpersonnel et mode de gestion
La question des conflits en milieu de travail a toujours
été au coeur des préoccupations de nombre
d'universitaires, de professionnels en organisation du travail, aussi bien que
des employeurs eux-mêmes. Comment se créent les foyers de tension
pouvant aboutir à des conflits entre les agents. De quelles
catégories professionnelles appartiennent les agents ? Comment se
résolvent ces situations ?
I-1.10. Origine des conflits
Il y a en chaque individu de l'entreprise, un héritage
culturel qui fait que le lieu de travail n'est pas un pur milieu de travail,
mais le point de rencontre d'une multitude de conceptions et de comportements.
Lorsqu'il y a divergences d'interprétation de certains faits pouvant
aboutir à des conflits interpersonnels, la production de l'entreprise
s'en trouve perturbée. Lorsque les travailleurs d'un même secteur
ne s'entendent pas, ils ne peuvent plus collaborer correctement dans le
processus de production, et même lorsqu'ils le font, c'est contre leur
gré. Ainsi, la prépondérance des conflits influe
négativement sur le rendement des travailleurs puisqu'à partir du
moment où ils ressentent un certain malaise à collaborer entre
collègues, l'engouement au travail diminue.
Les conflits entre collègues de travail sont des faits
qui résultent des relations de cohabitation et de collaboration entre
ceux-ci. Pour cet agent les conflits se retrouvent à
Télécel « comme partout ailleurs.On dit les dents
et la langue vivent ensemble mais, par moments peuvent se heurter.[...]
Mais ça ne dure pas »(Entretien avec M.S, Agent ADV,
effectué le 22/11/2014, Ouagadougou). Les conflits à
Télécel sont le résultat de fait plus ou moins anodins.
C'est l'interprétation des acteurs qui en donne une certaine dynamique.
Selon le DRH,
« on ne prévient jamais un conflit. Il
résulte de la nature humaine qui est incertaine. Les types de conflits
qu'on rencontre ici sont des conflits de leadership, lorsque la
légitimité du supérieur est remise en cause par exemple.
Cela résulte du nivellement par le haut, ou lorsque le supérieur
a le même niveau avec les agents qu'il coiffe. Il y a aussi le cas de
l'insatisfaction liée à la communication interne, du fait qu'on
soit dans un environnement où les gens comprennent, ont un niveau
intellectuel assez élevé, cela rend les besoins assez complexes.
Le manque de communication peut aussi subvenir du climat social qui
règne entre les employés » (Entretien avec le DRH,
effectué le 16/12/2014, Ouagadougou).
Lors de notre enquête, il ressort que la plupart des
agents d'une ancienneté de moins d'un an de contrat en moyenne disent ne
pas avoir de problèmes avec leurs collègues de travail vu
l'ambiance qui y règne.Dans d'autres cas, les conflits sont des formes
de tensions interpersonnelles entre les anciens qui n'est que
l'aboutissement d'une situation de malaise longtemps subsistée dans
l'unité de production. Dans un contexte de compétitivité,
à prédominance féminine (les femmes occupent 55% de notre
échantillon), les conflits résultent de petits faits qui peuvent
prendre une certaine ampleur et aboutir à des rixes. C'est le cas de
cette téléconseillère :
« Pour lui avoir demandé juste un service qu'elle
a refusé. Elle a continué à bouder, parler.... Je dis mais
je m'excuse,pourquoi vous continuez ? Comme si elle avait une autre dent
avant ca quoi ; je n'ai rien compris. On s'est chamaillé
jusqu'à se porter des coups [...] On s'est donné les coups hors
du service, les collègues ne se sont pas rendu compte. Parce que
personne n'était au courant au tout début. (Entretien avec I.M,
Agent call center, effectué le 23/11/2014, Ouagadougou).
Cette situation s'expliquerait par le fait qu'on arrive
très difficilement à situer avec précision l'origine des
conflits dans les « situations de travail », car
étant vécu la plupart du temps sous forme latente. Le travail
proprement dit ne sert généralement que de faux-fuyant pour
réveiller ces tensions. Etant donné qu'il est scrupuleusement
interdit de « manquer de respect à un
collègue », certains agents comme ce fut le cas de celle-ci,
se règlent les comptesen dehors du service. Lorsque des
individus dérogent à ce code de comportement une sanction peut
subvenir, allant jusqu'à la rupture du contrat comme le dit cet
agent :
« En général ils [les chefs] ne savent
même pas ce qui se passe sauf certaines personnes qui veulent se faire
remarquer. Et là la hiérarchie quand c'est comme ça, c'est
même pas évident qu'on te reconduise, surtoutau niveau des
prestataires» (Entretien avec E.O, Agent front office, effectué le
29/11/2014, Ouagadougou).
Les conflits naissent alors de situations pour le moins
négligeables ; ils peuvent provenir de petites
incompréhensions pour aboutir à des situations regrettables. Mais
comment sont-ils résolus ?
I-1.11. Gestion des conflits
A Télécel Faso, il y a des services ou le nombre
d'employés est tellement élevé qu'il est difficile de
pouvoir gérer toutes les situations ambiantes comme le dit le chef de
service du service call center :
« Ce n'est pas aisé parce que c'est beaucoup
de monde.Chacun à son comportement, chacun a son caractère, donc
il faut essayer de manager, pour comprendre un peu par moment si y a des
dérapages dans le comportement.[...] C'est pas facile, c'est
clair ; 80 personnes c'est un département»(Entretien avec M.S,
Chef de service Call center, effectué le 19/01/2015, Ouagadougou).
Les conflits peuvent naitre aussi par la mise en relation
supérieur-subordonné. En général, on demande au
supérieur d'être compréhensif, tolérant, cordial et
généreux. On lui demande de parler à ses
subordonnés de manière poli. Celui-ci peut avoir de
l'autorité, de la fermeté et de la rigueur, mais tout en
étant poli et « diplomate ». La mise en application
de différentes règles de travail peut ainsi créer des
conflits, si le supérieur ne s'y prend pas poliment.C'est le cas de
cette ancienne téléactrice en désaccord avec son
supérieur hiérarchique :
« C'était à propos de l'habillement.
Il a dit que j'ai porté une tenue extravagante. [...] Je trouve que
même si y a une remarque, on peut faire une remarque verbale, mais pas au
point qu'il y ait des attouchements. Et à mon niveau y a eu
attouchement. J'en ai référé à la supérieure
hiérarchique.Ils ont essayé d'atténuer l'affaire.Sinon il
devait être sanctionné» (Entretien avec O.S, Ancien agent
call center, effectué le 24/11/2014, Ouagadougou).
Notons du reste que la plupart des conflits amont-aval
s'inscrivent dans une logique de contestations des abus de pouvoir et du
non-respect des employés subalternes, mais aussi de
« l'insubordination ». Toute action subversive d'un
subordonné à l'égard de son supérieur est toujours
caractérisée d'indiscipline, donc répréhensible.
Mais le supérieur, par contre est protégé par sa position
hiérarchique qui lui donne un droit d'autorité sur ses
subordonnés. Nous pouvons même paraphraser cette sagesse populaire
« le pauvre a toujours tort »et dire que dans l'entreprise
« le subordonné a toujours tort ». C'est en fait une
attitude pour l'autorité de production de protéger ses
dépositaires dans les différents services.C'est une façon
de persuader les agents à la résignation et au respect de
l'autorité des supérieurs, gage d'un bon déroulement du
travail coopératif.
Les cas de conflits pour indiscipline ou manquement à
certaines règles de l'entreprise conduisent à des sanctions, si
la faute de l'auteur est vraiment avérée. Dans ce cas, plusieurs
stratégies sont mises en place dans la gestion de ces conflits. Les
agents peuvent le gérer en « interne », afin de ne
pas « salir l'image » du service avec des questions qui ne
rapportent pas de plus-value à la compagnie :
« Quand il y a un conflit, on essaie de gérer
ca d'abord entre nous, de discuter. Maintenant, s'il y a pas
d'amélioration, je rapporte à la hiérarchie, afin qu'une
décision soit prise ;et cette décision, ça peut
être l'arrêt du contrat tout simplement » (Entretien avec
A.B, Responsable chargée du phoning, effectué le 24/12/2015,
Ouagadougou).
Dans d'autres cas, une lettre d'explication est
demandée. Cela peut aboutir à des mises à
pieds ou suspension temporaire du contrat de travail sans
rétribution pour le temps d'arrêt. Mais il y a aussi d'autres
stratégies dont usent les agents entre eux, comme le cas des chauffeurs
de véhicule dont un ancien membre en parle :
« Ils ont des sanctions dans leurs conditions.Des
mises à pieds de 2 jours, sans salaire. C'est ce qui est écrit
dans les contrats.Mais ils n'utilisent pas ça. Qu'est-ce qu'ils
font ? Ils savent que dans le mois, ils font sortir presque tous les
chauffeurs en missions. [...] C'est les missions qui sauvaient les chauffeurs.
Par exemple si c'est une mission d'une journée ou 2 ; pour les
missions de 2 jours tu as 60 à 65 mille. Donc si tu as eu
çaajouter au salaire, ça bloque quelques trous. Donc on ne te
donne plus 2 jours de mise à pieds. Tu es toujours là tu
travailles, mais c'est qu'on va bloquer tes missions ; tu vas plus sortir
en mission, et si tu ne fais pas attention, tu vas faire 6 mois sans missions.
Donc, ça devenait,c'était devenu maintenant une lutte. Chacun
essaie de mettre les bâtons dans les roues de l'autre pour qu'on le
bloque. Ça veut dire pour aller à une mission, il faut être
une lèche botte» (Entretien avec S.J, Ancien chauffeur,
effectué le 24/11/2014, Ouagadougou).
On voit d'après les dires de ce enquêté
que les conflits peuvent naitre de questions de leadership, mais surtout
d'intérêts économiques et professionnels. Pour avoir les
avantages auprès de la hiérarchie il faut être à
leurs services, collaborer avec ceux-ci ou se conformer impérativement
à leur choix, saugrenus soient-ils. C'est en cesensque Elias (2007)
disaitque :
« Practical considerations compelled people fromboth
groups quiteoften to collaborate. Whilequarrellingtheybecame in fact more and
more dependent on eachother, and theirgrowinginterdependence caused them to
quarrel. It wasthissimultaneity of antagonism and co-operationwhich gave to
this struggle, as to others of thiskind, itspecularcharacter »
(Elias2007: 53).
Ainsi, pour résoudre les différents conflits, il
ya la méthode formelle qui consiste à appliquer la loi dans toute
sa rigueur. Mais étant donné que nous sommes dans un espace
où la densité des relations sociales dicte une ligne de conduite,
la gestion des conflits est aussi assujettie à des règles
informelles.
Un recrutement fondé sur un réseau
d'interconnaissance et une initiation professionnelle faite sur le
tas, sont illustratifsdu processus d'intégration professionnelle
à Télécel Faso. Ce processus est guidé par un corps
de normes qui l'encadre. Bien qu'à certains moments, les règles
connaissent une certaine flexibilité, il n'en demeure pas moins que
concernant la gestion de la clientèle, elles sont appliquées dans
toute leur rigueur. Les interactions entre collaborateurs sont de primes abords
conciliants, même si parfois des situations conflictuelles font leur
apparition. A présent voyons comment l'individu s'accommode aux
conditions de travail en vue de la construction de sa carrière
professionnelle.
CHAPITRE III : CONSTRUCTION
DE LA CARRIERE PROFESSIONNELLE DES TRAVAILLEURS A TELECEL FASO
Une carrière professionnelle se construit non
seulement sur la base du capital culturel que possède un individu, mais
aussi par rapport aux conditions de travail au sein de l'unité de
production. Ces conditions sont entre autres la rémunération et
la protection sociale des travailleurs, le système de suivi de la
performance du travailleur mais aussi l'environnement de travail.
I. CONDITIONS DE TRAVAIL CHEZ
TELECEL FASO A OUAGADOUGOU
I.1. Espace de travail et mode de
production
Il est nécessaire de tracer un tableau des espaces de
production que l'on rencontre chez Télécel Faso à
Ouagadougou afin d'avoir une vision sur l'environnement dans lequel se
déroule le travail. La production se déroule non seulement sur le
terrain, pour les prospections, les promotions et ventes de produits
Télécel, mais aussi dans des espaces clos. Dans la plupart des
agences, le milieu de travail est un vaste hall dans lequel sont
disposées une multitude de « positions » pour les
conseillers clientèle et autres agents exécutants,
entouré des bureaux des cadres et responsables de services. Le travail
s'effectue dans ce grand espace où les agents sont assis côte
à côte, chacun dans sonbox, sous la supervision de la
hiérarchie.
Le siège de l'entreprise est un immeuble à 3
niveaux dont le premier est consacré à la vente des produits et
services et l'accueil des clients, appelé « front
office ». C'est le lieu où le contact est direct et physique
avec le client, le contact « face to face ». Un ensemble
composé de banderoles aux couleurs symboliques bleu blanc de
Télécel, des affiches publicitaires de certains produits, un
écran tv réservé tantôt aux plages publicitaire de
la compagnie, tantôt aux « clips » musicaux en vogue,
créent ainsi une « ambiance » dans cet espace. Les
deux autres niveaux sont consacrés à l'administration de
l'entreprise. Il faut souligner que si le front office représente
« la boutique », lieu de vente des kits et autres services
chez Télécel, le « back office » par contre
représente l'ensemble des services où le contact avec le client
se fait par appel téléphonique. Ce sont les services tels le call
center, le phoning du service fidélisation, le service
Télécel flash.
Particulièrement, l'agence de l'aéroport est une
petite maisonnée de quelques m², mis à disposition par les
services de l'aéroport à des fins commerciales. C'est un bureau
situé stratégiquement en face de la porte d'arrivée de
l'aéroport, suivi des box des concourants exerçant aussi dans la
téléphonie. Pour les autres agences, ce sont des halls pouvant
s'étendre à divers proportions selon l'agence.
Concernant le procès de production, il suit la
structure de la division du travail. Prenons l'exemple d'une promotion qui doit
être mis en route. Lorsqu'il y a une action promotionnelle, par exemple
une période durant laquelle la compagnie décide d'octroyer un
certain nombre d'avantages à ces clients, pour mieux rentabiliser, il
faut le dire, une procédure de communication est alors mise en route. Le
service marketing propose une action promotionnelle à la direction
commerciale qui analyse les contours et le soumet à la direction
générale qui donne son avis après consultation de la
faisabilité au niveau du service technique. A l'issu de l'accord de la
direction générale, l'information suit alors un parcours
rétrograde jusqu'au dernier agent commercial ou conseiller
clientèle par le « mailing ». Le service marketing
se charge de concevoir l'offre, tout en prenant compte de la capacité du
service technique. Une date est alors fixée et la technique se charge de
la programmation d'un « broadcast » d'informations aux
clients. Le « broadcast » est le message d'information que
le client reçoit sur son téléphone concernant une action
promotionnelle de l'opérateur. Mais il faut noter que parfois,
l'information parvient au client avant même les agents. Ces clients
appellent alors ou se rendent dans une agence pour vérifier
l'information. Cela crée alors un sentiment de gêne et
d'amateurisme chez certains agents, qui n'arrivent pas à comprendre
pourquoi, eux, qui sont chargés de la gestion des différentes
promotions ne sont pas informés à temps. Pire, et ce après
le client. C'est la raison pour laquelle celle-ci se plaint :
« L'information ne passe pas à
Télécel. Le service marketing peut envoyer une information, mais
on n'est pas au courant. On appelle le call pour s'informeror on n'est pas au
courant la bas aussi, nous aussi on n'est pas au courant. Il faut encore
revenir à la source, pour savoir exactement si c'est ça ou
ça. Donc il faut qu'il retravaille pour que ça devienne une
synergie Sinon ce n'est pas bon [...] »(Entretien effectué
avec E.O, Agent Front office, le 29/11/2014).
Pour pallier ce type de désagrément, on peut
demander au client de repartir et qu'il sera rappelé. Si c'est le cas
d'un seul client, le service concerné peut rappeler directement le
client. Par contre si c'est le cas d'un grand nombre de clients, c'est le
service phoning qui s'en charge.
Le service phoning, chargé exclusivement des
émissions d'appel, a pour missions de rappeler certains clients pour
leur donner plus de détails sur les promotions en cours ou autres. Le
service call center, chargé exclusivement des réceptions
d'appels, reçoit les plaintes. Ce service, lorsqu'il a la
possibilité, il le résout directement « sur
place». Dans le cas contraire, les plaintes sont remontées au
niveau du service technique, si la plainte s'avère être un
problème technique. Mais lorsqu'elle est plus que d'ordre technique,
elle est alors remontée suivant une ligne hiérarchique. Ainsi, la
plainte peut provenir d'un client appelant le service call center, ou
s'étant rendu en agence, pour atteindre le Directeur
Général, qui prend une décision finale.
Cette caricature donne une vue, ne serait-ce que partielle, de
la mise en scène du procès de production à
Télécel Faso.Ces façons de faire l'activité
quotidienne peuvent engendrer des situations où le travailleur se
retrouve sous le contrôle de la machine qui dicte en fin de compte son
comportement professionnel.
I.2. Ergonomie en situation de
travail
Dans une compagnie de téléphonie mobile, le
travail se déroule bien entendu autour du téléphone et des
matériels informatiques. Fort de ce constat, les données
empiriques nous permettent de faire une description des conditions de travail
chez Télécel Faso.
En effet, la plupart des agents utilisent comme outils de
travail un ordinateur connecté au réseau local de
Télécel, facilitant ainsi la communication professionnelle. Mais
tous les agents ne travaillent pas forcément avec un ordinateur. C'est
le cas du service phoning.Les agents au nombre de 40, sont disposés
chacun dans un box, conçu spécialement en bois muni d'une
vitrine. Ces boxsont alignés dans le hall servant de bureau pour ces 40
agents. Chaque agent possède un téléphone portable muni
d'une carte Sim que le service technique recharge hebdomadairement. Il est
définit un certain nombre de clients que l'agent doit appeler par jour
que lui fournit sa hiérarchie. Notons que les responsables de ce service
par contre ont à leur disposition un ordinateur muni d'une imprimante
qui leur permet de définir les numéros à appeler. Ils
transmettent pour ainsi dire les « objectifs » aux agents
qui appellent les clients et leur fait un rapport en retour sur des
« papillons ». A cette procédure de travail, la
responsable donne son avis :
« Bon, ici il faut dire qu'on travaille avec des
outils à mon avis, un peu archaïque. Parce que, ça ne
répond pas à l'évolution actuelle. Donc les plaintes sont
transmises le plus souvent par des bouts de papiers, et on les traite.Quand on
a des plaintes difficiles, compliquées, on est amené à
aller vers la hiérarchie pour savoir la conduite à tenir. Mais
quand c'est les plaintes courantes, on rappelle le client tout simplement pour
lui venir en aide»(Entretien effectué avec B.A, Responsable
chargé du phoning, le 24/12/2014, Ouagadougou).
Quant aux agents exécutants :
« Les conditions de travail sont
pénibles ; je prends l'outil informatique, ca manque un peu pour
faciliter le travail puisqu'on n'arrive pas à vérifier certaines
informations à temps, pour pouvoir transmettre au client »
(Entretien effectué avec C.Z, Agent phoning, le 25/11/2014,
Ouagadougou).
Il est difficile pour ces agents de gérer les clients
qu'ils appellent, puisque le client dès qu'il est en contact avec un
agent de Télécel, soulève certaines de ses
préoccupations latentes. L'agent devrait en temps normal pouvoir lui
fournir les informations nécessaires. Mais faute de matériel
informatique pour effectuer les vérifications sur le numéro de
l'abonné, l'agent est alors obligé de le rediriger vers un autre
service. D'habitude ils demandent au client de passer en agence ou d'appeler le
service clientèle dont le numéro vert est le 888.
Dans le service call center comme au front
office, les agents travaillent avec un ordinateur. Les agents des
différents fronts offices ont un ordinateur et une imprimante afin
d'imprimer les factures et autres données des numéros de leur
clients. Les difficultés ne manquent cependantpas dans le procès
de travail. Selon cette conseillère clientèle, les conditions de
travaillent sont :
« [...] précaires parce qu'on n'a pas tout.
On n'est pas très à l'aise. Vu la disposition de l'agence [Le
siège est situé en pleine agglomération], nous ne
sommes pas très à l'aise. Y a beaucoup de choses qui nous
manquent.Chaque fois on fait appel. Vous voyez l'état des chaises, ce
n'est pas ça. Les machines, la connexion des fois ça
vacille ; il faut chaque fois appeler les techniciens. On fait attendre
les clients. C'est désagréable ! Et la rupture des produits
aussi nous fatiguent »(Entretien effectué avec O.E, Agent
Front office, le 29/11/2014).
Ces difficultés sont aussi ressenties chez les agents
du call center considérés comme les
ambassadeurs de Télécel Faso. En effet, c'est le premier
service auquel le client pense lorsqu'il a un souci quelconque avec son
numéro de téléphone. Les agents disposés chacun
dans un box utilisent comme outils de travail, un téléphone fixe,
dont le combiné est remplacé par un casque muni d'un micro qui
permet de se « loguer »avec un code à 4
chiffres. Un ordinateur est aussi mis à leur disposition pour
les différentes vérifications. Mais les conditions de travail ne
sont pas toujours au rendez-vous : « d'abord le
matériel qu'on utilise des fois, le matériel est
défectueux, y a le casque, des fois le casque même est
défectueux. Parfois y a des logiciels qui se plantent, tout ça,
vraiment c'est pas du tout facile»(Entretien effectué avec
M.I,Agent call center, le 25/11/2014, Ouagadougou).
Mais au-delà du matériel de travail qui s'use au
fur et mesure de l'utilisation, une autre difficulté réside dans
le travail. La répétition des mêmes opérations
crée des problèmes d'automation, suivant
l'entendementde Naville (1963). En effet, il faut noter que la division du
travail assume une fonction primordiale dans cette entreprise à
caractère commerciale, dont les NTIC en sont l'apanage. Des techniciens
résolvant pratiquement les mêmes plaintes, tant au niveau des
clients que des agents eux-mêmes (concernant leur matériel de
travail). Des téléconseillers qui répètent à
longueur de journée « Télécel Faso
bonjour »,en décrochant des appels qui ne doivent pas
excédés 3 minutes, ou encore des agents de front office, assis
à attendre des clients ayant plus ou moins les mêmes soucis. C'est
un des aspects du phénomène du travail qui mérite qu'on
s'y attarde un peu. Voilà ce que dit un téléconseiller
à ce propos.
« Ce que aussi je peux dénoter un peu comme
du négatif, c'est surtout l'automatisme. L'automatisme,
décroché l'appel, raccroché et décroché,
raccroché Souvent même tu décroches sans savoir, alors
qu'il n'y a pas un client qui est en ligne. Ensuite il y a une formule d'abord
introductive, Télécel Faso bonjour, ou bien Télécel
Faso bonsoir, qui est la formule introductive d'abord, qu'il faut d'abord dire,
pour situer d'abord le client» (Entretien effectué avec T.R,
Téléconseiller, le 08/03/2015, Ouagadougou).
Ces agentsreçoivent chacun en moyenne 250 à 300
clients par jour suivant le même processus d'introduction, de
conversation et de prise de congés. C'est le même cas des agents
de phoning qui appellent leurs clients, ou encore les agents de
Télécel flash. Dès la formation, l'agent est
socialisé de telle sorte à incorporer ce mode de fonctionnement
automatique. Les téléacteurs sont de fait, ceux qui sont les plus
exposés à ce phénomène. La gestion clientèle
en ligne se présente comme un rite où le
téléacteur, mis à la disposition du client, doit lui
fournir toutes les informations nécessaires dont il a besoin. Cette
conversation avec le client est faite dans une dynamique qui requière
une prédisposition chez le téléconseiller. Entre les
impératifs quantitatifs et qualitatifs de l'activité,
c'est-à-dire, répondre à un maximum d'appels, en un
minimum de temps, avec une certaine « personnalisation de la
relation », il doit aussi concilier les objectifs de l'entreprise et
ses propres exigences éthiques.
L'observation in situ nous a permis de voir comment
certains salariés, même après le travail, continuaient de
répéter « Télécel Faso
bonjour », lorsqu'ils décrochaient un appel personnel sur leur
propre téléphone, ou lorsqu'ils voulaient saluer une
connaissance. Malgré toutes ces difficultés rencontrées au
travail, les agents sont dans l'obligation d'exécuter minutieusement les
tâches à eux confiées, du moment qu'un traitement
particulier accompagne cette labeur.
II. CONDITIONS SOCIO-ECONOMIQUES
DES TRAVAILLEURS DETELECEL
II.1. Catégorie de
personnel et type de contrat
Unité sociale de production, l'entreprise est le lieu
de rencontre de plusieurs types d'individus ayant des trajectoires sociales
différentes, et aussi des rôles sociaux différents dans le
procès de production. Notre enquêtepermet de distinguer trois
catégories de travailleurs au sein de Télécel : les
stagiaires, les prestataires et les titulaires ou permanents.
Les stagiaires sont pour la plupart des étudiants en
fin de cycle (universités et instituts privés) qui y sont dans le
but de produire un rapport de stage pour une soutenance. Ces stagiaires sont
liés par un contrat de stage d'une durée de 3 mois renouvelable 1
fois. Ils ont une prime de stage d'un montant de 40 mille francs
CFA mensuel. Rappelons qu'avant le système d'externalisation intervenu
en 2013, la plupart des agents qui n'étaient pas titularisés
étaient sous un contrat de stage d'une durée de 6 mois, qui
était renouvelé autant de fois que possible. C'est ainsi, que
nous avons eu des agents qui nous ont révélé lors de
l'enquête avoir fait des stages de 18 mois à 2 ans. Le
système était tel qu'à la fin du contrat, l'entreprise
libérait le travailleur pour une durée d'une à deux
semaines avant de lui refaire appel pour la signature d'un autre contrat de
stage avec les mêmes modalités. Ainsi, nous avons observé
plusieurs agents qui ont renouvelé leur contrat de stage autant de fois
qu'ils le souhaitaient. En tant qu'acteur, nous avons aussi été
dans cette situation. Du moment que l'employé ne se plaint pas de son
statut professionnel et exécute normalement ses tâches,
Télécel Faso était prêt à lui accorder un
poste de travail autant de temps que pourra. Un inspecteur de travail nous
donne le contenu de ce procédé :
« Le contrat de stage, il faut dire que y a un
arrêté qui dit quand est ce qu'il peut avoir contrat de stage.
Mais ce qu'il faut remarquer c'est que dans ce texte-là,
l'arrêté dit que la durée est limitée à 3
mois renouvelable une seule fois. Bon, il faut quand même dire dans des
cas pareils, si on veut analyser plus loin c`est que l'employeur veut en fait
abuser. Voilà,l'employeur veut abuser. Sinon, on ne peut pas comprendre
qu'après un stage de 3 mois, renouvelé encore 3 mois, ça
fait une durée de 6 mois et puis on le rappelle encore pour venir faire
encore quoi,un stage encore? Bon on estime quand même que, vu le
marché de l'emploi,mieux vaut revenir travailler plutôt que de
rester à la maison, si on n'a pas d'autres chose à faire. Mais
bon, Sinon, ce n'est pas normal, ce n'est pas normal » (Entretien
effectué avec M.Z, Inspecteur de travail, le 05/12/2014, Ouagadougou).
Pour pallier cette anormalité, la direction a
décidé en 2012 de faire signer des « contrats de
prestation de service » d'une durée de 6 mois renouvelable,
aux agents à la suite d'une extension des services. Ces contrats ont
alors permis l'augmentation de la prime des agents qui étaient
liés sous contrat de stage, renouvelé plusieurs fois, qui passa
alors de 40 mille à 80 mille francs CFA. Il faut souligner que le
billetage était le mode de paiement des agents. A la date de
paiement, les agents se succédaient à la
« comptabilité » pour entrer en possession de
leur revenu. Mais cette méthode créait des indispositions au
niveau du siège. Puisque au moment où certains viennent empocher
leurs primes, d'autres sont au travail, et se sentent plutôt
« dérangés » par ces collègues, qui
profitent de ce moment de retrouvaille pour bavarder, faire des commentaires
sur tel ou tel sujet. Aussi, les agents qui s'y rendaient au siège pour
récupérer les primes n'aimaient pas cette procédure, car
la trouvaient dévalorisante à leur yeux.
Pour ce faire, en 2013, l'entreprise a procédé
à l'externalisation de tous ces agents liés par un contrat de
prestation de service puisque « l'entreprise courait un gros
risque »selon le DRH. En effet, ce contrat de prestation de
service était le type de contrat qui n'était pas reconnu par la
législation nationale. C'est ce que nous dit l'Inspecteur de travail.
« Bon en fait, l'inspecteur de travail ne cherche
pas à savoir prestations de service, Non non. C'est un terme qui
n'existe pas en droit du travail. L'inspecteur, ce qu'il cherche est ce que
c'est un contrat de travail ? Est-ce que c'est un contrat de stage, est-ce
un contrat d'apprentissage ? Voilà et si y a des
éléments dans la relation de travail qui permet vraiment à
l'inspecteur de dire que c'est un contrat de travail, l'inspecteur dit, c'est
un contrat. On voit souvent que c'est un prestataire. On dit non, laissez ce
terme que vous êtes en prestation de service là ! Qu'est-ce
que la personne fait ? Puisque je vous ai dit par exemple, que y a la
définition du contrat de travail, l'inspecteur essaie d'analyser leur
relation ; si les éléments constitutifs d'un contrat de
travail sont réunies, l'inspecteur dit c'est un contrat de travail. Je
vais vous lire par exemple l'article 29 du code du travail : le contrat de
travail est toute convention écrite ou verbale par laquelle, une
personne appelée travailleur, s'engage à mettre son
activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la
direction de l'autorité d'une autre personne physique ou morale,
publique ou privée, appelé employeur.Voilà !
Donc ; non c'est un prestataire, ce terme-là, on demande à
l'employeur, qu'est-ce que la personne fait ?» (Entretien
effectué avec M Z, Inspecteur de travail, le 05/12/2014, Ouagadougou).
Nous utiliserons néanmoins la dénomination
de prestatairepour faciliter au cours de l'analyse, les mises en
relation et la désignation des agents temporaires, puisque ceux-ci se
reconnaissent comme tel. Compte de tenude la situation, le bureau de placement
dénommé « Planium-RH » sous la direction de
Jephta Compaoré présumé fils de Apollinaire
Compaoré, PCA de Télécel, fut créé pour la
gestion de ces prestataires.Selon le l'agent de Planium que nous
avons enquêté, « il fait savoir, que Planium est
venue trouver déjà les employés de Télécel
en place. On a permis de signer des contrats de travail plutôt quede
prestation, et on a envoyé aussi les congés et autres
prestations »(Entretien effectué avec M.K, Agent
Planium-RH, le 18/03/2015, Ouagadougou). En effet, les agents qui
étaient liés sous un contrat de prestation de service, ont alors
eu un «contrat de travail à durée
déterminée », qui leur permet d'avoir un
compte courant domicilié à la Banque Ouest Africaine. Selon
certains agents, le PCA de Télécel est l'un des principaux
actionnaires de cette banque, puisque la société elle-même
y est domiciliée et les agents sont aussi dans l'obligation de s'y
conformer. Dans le cas où l'agent est domicilié à une
autre banque, il sera soumis à la période de compensation qui
peut prendre 72 heures avant le virement bancaire. Aussi, les agents ont eu
droit à des cotisations sociales. Mais, il faut dire que la venue de ce
système est négativement appréciée par les agents.
C'est ce que nous dit ce téléconseiller :
« L'externalisation franchement on mettait beaucoup
d'espoir à cette externalisation-là. Mais on s'est rendu compte
que ce n'était pas le cas. Au contraireje peux dire que la situation ne
s'est pas améliorée. La situation s'est empirée ;rien
à changer. C'est les mêmes choses rien a changé.
Voilà la preuve. Avant on pouvait recevoir vite le salaire.
Malgré le système de virement de salaire, on se rend compte que
c'est devenu encore plus dure. Puisqu'il faut attendre jusqu'au 7 pour recevoir
son salaire ; et puis encore au niveau de la banque c'est sûr qu'on
va te couper». (Entretien effectué avec M.I, Agent technique, le
25/11/2014, Ouagadougou).
Les prestataires sont donc les agents qui travaillent à
Télécel, mais liés juridiquement au bureau de placement
qui est chargé de leur gestion.
Enfin, nous avons les agents permanents ou
les titulaires dont le statut juridique relève directement
de Télécel. Ces agents sont ceux que Télécel
appelle le personnel. Il faut noter aussi, que
« depuis 2010, Télécel ne fait plus de contrat
indéterminé ». (Entretien effectué avec
O.E, Agent permanent de Front office, le 29/11/2014, Ouagadougou). En effet, il
y a deux types de contrats concernant les agents permanents. L'observation nous
a permis de savoir que certains agents sont liés par un contrat à
durée déterminée et d'autres à durée
indéterminée.
« Sinon normalement quand tu fais les un an,
après si tu fais un an de cdd, Télécel te conduit
directement en cdi. Maintenant depuis l'arrivée du nouveau DG les donnes
ont changé. C'est ça ils ont commencé à faire les
contrats de prestations. Une agence qui vous recrute et qui vous paye. C'est
différent. Maintenant si tu étais en cdd Tu restes en cdd ;
tu n'as pas la possibilité de venir en cdi » (Entretien
effectué avec O.E, Agent permanent du Service comptabilité, le
29/11/2014, Ouagadougou).
Mais quelles sont les caractéristiques des individus de
ces différentes catégories de travailleurs ? Les entretiens
sur l'origine sociale du travailleur de par la catégorie socio
professionnelle des parents, permettent d'établir un lien entre ses
différentes variables. Nous avons remarqué que la plupart des
agents dits prestataires ont des parents dont la catégorie
socioprofessionnelle est de type « cultivateurs »,
« ménagères »,
« retraités », « enseignant »,
« commerçants » ou soit
« décédés ».Comme le dit cet agent,
« pour nous autres, qui n'avons pas les bras longs là, il
faut se contenter de ce statut de prestataire, en attendant une
providence » (Entretien avec O.S, Agent promoteur, le
26/11/2014).
Quant aux agents permanents, les parents ont des professions
telles « avocat à la cour », ou
« agents aux impôts », ou « agent de
trésor », ou encore « petro chimiste »,
bien que l'on y retrouve aussi des parents
« retraités » et
« décédés ». Il ressort alors que les
agents permanents, titularisés pour la plupart au plus tard en 2010,
sauf cas exceptionnel, en plus d'avoir été recrutés par
des systèmes de recommandation ou par leur réseau de relation,
ont des parents dont la profession revêt une importance
particulière pour l'entreprise. La catégorie socio
professionnelle des parents leur confère un réseau de
connaissance large, qui en use pour faciliter à leurs
progénitures l'accès au marché du travail. C'est le cas de
cet agent qui dit : « Ma maman [agent du
trésor] est amie avec Mme V. du service comptabilité.
[...]Elles ont fait l'école ensemble »(Entretien avec
C.S, Agent du service comptabilité, le 04/12/2014).L'origine sociale est
donc un facteur militant dans la construction de la carrière
del'individu à Télécel. Pendant que les
« prestataires », issus de groupes sociaux modestes, sont
recrutés sur le « marché anonyme du
travail », les agents permanents sont de milieux prestigieux du fait
de la catégorie socio professionnelle des parents.
II.2. Modalités de
rémunération des travailleurs
Le salaire, selon la théorie marxiste (Marx 1891),est
la somme d'argent que le capitaliste paie, pour un temps de travail
déterminé ou pour la fourniture d'un travail
déterminé. Cette rétribution de la valeur du travail
est l'un des facteurs motivant dans la relation de travail entre employeurs et
employés. Au Burkina Faso, le SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel
Garanti) est passé de 5027 franc CFA en 1963 à 30684 francs CFA
mensuel en 2006. Cette valeur monétaire est donc la somme minimum, qu'un
employeur est sensé rétribué en contrepartie de la force
de travail à son employé. Toutefois, il y a des règles et
normes qui codifient le mode de rémunération des agents,
particulièrement dans le secteur privé. Selon l'Inspecteur de
travail,
« [...]. Il y a des conventions collectives qui
régissent les secteurs d'activité. Les fonctions, les
différents emplois, les différentes catégories, sont
reparties par différentes conventions. [...]Maintenant il faut dire que
tous les secteurs ne sont pas régis par des conventions collectives. Ya
beaucoup de secteurs qui ne sont pas régies par les conventions
collectives comme les télécommunications. Si bien qu'il ya un
arrêté, un décret qu'on appelle décret des non
régis. C'est un fourre-tout. C'est en fonction de ce décret
làqu'on essaie de logeren fonction du diplôme du travailleur et
aussi de l'emploi occupé, c'est plus de l'emploi occupé
même. On essaie de voir quelle sont les avantages auxquels il a droit.
Mais il faut dire y a un problème à ce niveau-là. Bon y a
eu d'abord un décret de 1960, qui a été
modifié ; la dernière modification doit être de 2000.
Maintenant, y a un décret, qui est sorti même en 2010, qui abroge
l'ancien décret. Malheureusement ce décret-là, on ne peut
pas l'appliquer ; parce que ce décret n'a pas défini les
différentes catégories si bien que bon, on est quand même
obligé de se rabattre malheureusement sur le décret de 1960»
(Entretien effectué avec M.Z, Inspecteur de travail, le 05/12/2014,
Ouagadougou).
L'avènement de l'externalisation a permis à tous
les agents de Télécel de posséder un compte bancaire dans
lequel les salaires sont virés mensuellement. Les entretiens
effectués auprès des personnes ressources ont
révélé que le salaire chez Télécel est
reparti selon les tâches à accomplir et non selon le capital
culturel de l'agent. Ainsi, dans chaque service, les travailleurs ont la
même grille salariale selon la catégorie et selon le type de
contrat. Selon le DRH, « concernant la
rémunération, elle est faite en fonction des catégories.
Les directeurs ont le même salaire de base. Et des indemnités en
plus». Cela suppose aussi que les chefs de divisions, les chefs de
services, les commerciaux, les téléacteurs, les promoteurs, les
conseillers clientèle, ont une grille salaire commune, soutenue par des
indemnités. Il faut ajouter, que le salaire est imposé, donc non
négociable, comme le témoigne cet agent permanent :
« Le premier salaire que j'ai eu m'a été
imposé, et après quand j'ai changé de poste, il a
été revue à la hausse, et j'ai jamais
négocié mon salaire, il m'a toujours été
imposé » (Entretien effectué avec Y.D, Agent
permanent au Call center, le 10/01/2015, Ouagadougou).
Cependant, il existe une dichotomie des relations salariales
au sein de cette entreprise. Il y a les agents qui sont liés par un CDI
et d'autres par un CDD d'une durée de 1 an renouvelable, qui
relèvent tous juridiquement de Télécel. L'ensemble de ces
agents sont au nombre de 196 dont 100 à Ouagadougou, appelés
agents permanents, ou « le personnel ». Les employés
permanents enquêtés se plaignent de leurs conditions salariales,
car selon eux, le salaire n'a pas été fixé en fonction des
réalités sociales du Burkina comme le dit cet agent:
« [...]Je pense que toutes les conditions ne sont
pas réunies au niveau financier, vu la cherté de la vie, je
pourrais dire que les salaires ne sont pas à la hauteur. Pourtant les
prix ne font que grimper. Mais à ce niveau, y a pas de changement. Ce
qui fait que c'est un peu difficile aujourd'hui de joindre les deux bouts,
même quand on est dans une entreprise pareille. Voilà, c'est un
peu difficile, on fait avec ! Sinon, ce n'est pas à la hauteur de nos
attentes. » (Entretien effectué avec Y.D, Agent permanent du
Call center, le 10/01/2015, Ouagadougou).
Mais que diront alors les
« prestataires » au nombre de 400 repartis entre les
différents services pour servir de force de production ? Ceux
liés juridiquement à Planium RH, avec un contrat qui va de 3 mois
minimum à 6 mois maximum. Selon l'agent de Planium-RH que nous avons
enquêté,
« le salaire n'est pas fixé selon le niveau
de diplôme. Il y a une base qui est le BAC+2. Lorsque vous venez, nous on
vous dit bon voilà. On a tel travail que nous voulons que vous
effectuez. Et pour ce travail nous disposons de tel montant pour la
rémunération. La suite, cela dépend de votre choix. C'est
comme les concours de la fonction publique. Il y a des concours de niveau BEPC,
CEP, BAC etc. Si tu postules pour un niveau BEPC alors que tu as un BAC +3, tu
ne peux pas réclamer un salaire de BAC+3. Tu prends d'abord le salaire
de BEPC et la suite dépendra d'autres critères. »
(Entretien effectué avec M.K, Agent Planium-RH, le 18/03/2015,
Ouagadougou).
Du call center, en passant par le phoning, le service flash,
aux agents des différents fronts office, tous ont
révélé lors de l'enquête avoir un salaire de moins
de 100 mille francs CFA, sauf un promoteur qui dit en avoir plus. Pourtant,
avec les agents permanents, « on fait le même travail et on
demande même plus aux prestataires»(entretien effectué
avec O.E, Agent permanent Front office, le 29/11/2014, Ouagadougou).Pour des
agents effectuant les mêmes tâches, et ayant les mêmes
modalités horaires, il est difficile de comprendre qu'une franche de
cette population ait un traitement salariale nettement supérieur
à d'autres, sur la raison du statut. Un téléconseiller
donne son avis :
« Pour un service, je pense que c'est dangereux et
puis ça incite à beaucoup de choses. Vu que c'est à peu
près le même travail. Même si ce n'est pas les mêmes
conditions salariales il ne doit pas avoir un grand écart. Parce
qu'à l'allure où ça va là ça devient une
sorte de discrimination et puis ça crée des frustrations. Je
trouve que c'est dangereux» (Entretien effectué avec M.I, Agent
call center, le 25/11/2014, Ouagadougou).
Cela pourrait aussi s'expliquer par des stratégies du
patronat afin de rentabiliser. Selon le DRH, « nous savons bien
que nous vous exploitons, mais vu que l'on vous paye en dessus du SMIG, je
pense que y a pas de problème ». Ces propos ne peuvent
être encouragés que par le fait qu'il n'y ait pas de conventions
collectives régissant le domaine de la télécommunication.
Selon la théorie marxiste (Marx : 1891),la scission d'une
unité de production en une petite classe immensément riche et en
une grande classe de salariés non possédants fait que cette
société étouffe sous son propre superflu, alors que la
grande majorité de ses membres sont dans la précarité.
Une autre catégorie de travailleurs que nous avons
jugés nécessaire d'interviewer est celle des
« vigiles ». Ces agents de sécurité
étant aussi sous la houlette d'une entreprise de sous-traitance livre
des vigiles à l'entreprise afin d'assurer la sécurité des
locaux. Ces agents de sécurité ont un traitement salarial juste
en dessus du SMIG. Un agent à propos de sa
rémunération :
« Vu la rareté de l'emploi et vu mon niveau
scolaire qui ne me permet pas d'avoir un travail à la hauteur de mes
attentes,ça me convient. Je sais que mon salaire devait dépasser
cela, mais j'ai un faible niveau. Donc je me débrouille avec, tout en
poursuivant mes études. Je sais que ce boulot n'est pas à ma
hauteur » (Entretien effectué avec M.G, Vigile, niveau BEPC,
le 07/01/2015, Ouagadougou, traduit du mooré).
Un autre vigile apprécie:
« Si c'est à apprécier c'est
négativement. On ne peut pas comprendre qu'on travaille avec une grande
société de télécommunication et puis ses agents
sont pas bien payés. Le salaire est mauvais, les paiements sont tardifs.
Le travail est une obligation. Sinon, si c'était choisir de travailler
ou ne pas travailler, on préfère ne pas travailler dans
Télécel» (entretien effectué avec M. S, Vigile,
niveau BAC+2, le 28/11/2014, Ouagadougou).
Que dire alors à propos des dates de paiement du
salaire ?
II.3. Date de paiement des
salaires
L'article 20 du Titre V du règlement intérieur
de Télécel stipule que « les salaires sont payés
dans la dernière semaine du mois ou au plus tard, le cinq (05) du mois
prochain » (Source : Règlement Intérieur
Télécel Faso). L'inspection du travail ajoute que :
« Il faut signaler que la loi donne 8 jours à
l'employeur. Ça veut dire que 8 jours après la date à
laquelle le salaire est exigé. Si le salarié doit prendre son
salaire à partir du 30 du mois, le 8 du mois qui suit au plus tard il
doit être payé»(Entretien effectué avec M.Z,
Inspecteur de travail, le 05/12/2014, Ouagadougou).
Mais comment ces lois sont-elles appliquées à
Télécel Faso ? Dans cette entreprise, il y a deux
périodes de paiement des salaires. La première période est
consacrée au paiement des agents permanents et la seconde pour celle des
agents temporaires. Ainsi, la dichotomie dans le traitement salariale des
agents continue jusque sur cet aspect. Les agents permanents sont payés
tels les travailleurs de la fonction publique du Burkina, c'est-à-dire
autour du 25 de chaque mois, comme le dit cette permanente:
« Bon, je suis payée entre le 23 et le 5 au
plus grand tard. Le 5 c'est vraiment très rare. Je dirai que depuis que
moi je suis à Télécel, je n'ai jamais été
payée après même le 3. C'est ainsi pour tout le personnel,
les permanents. Maintenant les prestataires non ! Des fois ça va
au-delà du 5 même. Les prestataires sont gérés par
une entreprise. Donc je me dis que c'est ce qui fait que ça met un peu
de temps » (Entretien effectué avec Y.D, Agent permanent Call
center le 10/01/2015, Ouagadougou).
En effet, pendant que les permanents sont payés dans un
délai disons raisonnable, les prestataires et autres agents de
sécurité sont payés de façons
irrégulières, à des périodes qu'ils trouvent
dérisoires.
« Bon, des fois on est obligé d'attendre
jusqu'au 5 du mois. Des fois le virement c'est le 5 au soir et c'est le 6 il
faut aller récupérer. Souvent le 5 est un week-end donc il te
faut attendre forcément le lundi6, 7 par exemple pour aller
récupérer ton argent. Personnellement en tant que père de
famille, bon quand même c'est pas intéressant»(Entretien
effectué avec D.K, Prestataire Call center, le 26/11/2014,
Ouagadougou).
Un agent marketing, ayant connaissance de la
législation s'exprime : « Puisque selon le code de
travail ça peut aller jusqu'au 8. Sur cette base ils sont toujours en
règle, mais nous,ça nous dérange. Parce que c'est en plus
infime et dérisoire»(Entretien effectué S.O avec
24/11/2014, Ouagadougou).
Nous avons cherché alors à comprendre les
raisons de ce retard de paiement au niveau de Planium-RH.
« Concernant les délais de salaire, ça
ne dépend pas de nous. Nous on envoie notre facture à
Télécel et ça dépend de Télécel. Si
Télécel nous paye nous aussi on paye. On envoie d'abord une
facture électronique. Ils vérifient et voient si y a pas
d'erreurs, puis ils valident. S'ils valident la facture électronique,
nous leur envoyons maintenant une facture physique et c'est eux maintenant qui
gèrent. Si on nous envoie le lundi matin, nous on paye le lundi soir.
Ils nous font un chèque. Le chèque peut être de la BOA,
CORIS ou autre. Télécel est domicilié à BOA. S'ils
font un chèque BOA, alors le virement est fait le jour même. Mais
si c'est un chèque d'une autre banque, il y a la question des
compensations qui prend 72h. Donc le salaire est viré après. Mais
ça dépend, ils nous font des fois un chèque ou deux
chèques. S'ils n'ont pas assez dans cette banque. Par exemple, si on
leur fait une facture de 50 millions, ils peuvent enlever un peu un peu dans
chaque banque » (Entretien effectué avec M.K, Agent Planium-RH, le
18/03/2015, Ouagadougou).
Pour ce faire, certains agents s'organisent alors en fonction
du délai de paiement :
« On aurait souhaité peut être,
être payé à la fin du mois, le 30 ou le 31. Mais, ce n'est
pas le cas. Je ne sais pas, peut-être ils ont une façon de
s'organiser. Moi ça ne me dérange pas. Parce que, je m'organise
en fonction de ce que je prends. Si je touche le 5, je m'organise de telle
sorte que je puisse vraiment atteindre le 5 du mois prochain » (Entretien
avec J.T, Agent prestataire Call center, effectué le 30/11/2014,
Ouagadougou).
Il convient de souligner qu'en tant que membre de
l'entreprise, malgré les conditions précaires au niveau du
salaire, et de son délai de paiement, nous pouvons témoigner que
Télécel a toujours payé régulièrement ses
agents, toutes catégories confondues. Cetterégularité de
paiement pourrait aussi expliquer le fait que nombre d'agents
préfèrent garder leur poste de travail malgré les
conditions difficiles.Mais que dire de la protection sociale ?
III. PROTECTION SOCIALE DES
TRAVAILLEURS
III.1 Sécurité
sociale et couverture médicale des travailleurs
La sécurité sociale désigne un ensemble
de dispositifs et d'institutions qui ont pour fonction de protéger les
individus des conséquences d'évènements ou de situations
diverses, généralement qualifiées de « risques
sociaux ».
« Sont assujettis au régime de
sécurité sociale institué par la présente loi, tous
les travailleurs soumis aux dispositions du code du travail sans aucune
distinction de race, de nationalité, de sexe et d'origine, lorsqu'ils
sont occupés en ordre principal, sur le territoire national pour le
compte d'un ou plusieurs employeurs, nonobstant la nature, la forme, la
validité du contrat, la nature et le montant de la
rémunération».
Cette disposition émane du code de
sécurité social en sa loi n°015-2006 du 11 mai 2006 portant
régime de sécurité sociale applicable aux travailleurs
salariés et assimilés au Burkina Faso.Cela va s'en dire que tout
employeur est tenu de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour la
protection sociale de ses employés.Concernant les cotisations patronales
à la CNSS, la plupart des agents reconnaissent être
« déclarés ».
L'avènement de Planium-RH suite au système
d'externalisation a permis la « régularisation »,
quand bien même partielle des agents. En 2013, les agents ont donc vu
leur situation professionnelle prendre une nouvelle dynamique. L'entreprise
décida de remédier au vide juridique dans
lequel étaient plongés les deux tiers de sa main d'oeuvre. Un
employé témoigne : « Bon pendant les trois ans
et demi, c'est au bout de un an, quand on a signé le contrat en
août 2013, on nous a dit qu'on est déclaré »
(Entretieneffectué avec S.A, Agent prestataire, service technique, le
28/11/2014, Ouagadougou).
Par conséquent, les prestataires, en signant
dorénavant des contrats de travail à durée
déterminée plutôt que des « contrats de
prestation de service », se sont vus alors octroyé, en plus
d'un compte bancaire pour la réception de leur salaire, un revenu
complémentaire ou salaire « indirect ». Ce revenu
complémentaire est une somme de neuf mille francs et quelques sur le
salaire brut des agents. Cette somme sert de cotisations à la CNSS pour
la sécurité sociale de l'agent. Pour ce faire, les 596
employés de Télécel, permanents comme prestataires ont
tous un numéro d'immatriculation à la CNSS, bien que certains
employés disent ne pas avoir encore reçu leur carte
d'adhésion.
Mais la protection sociale concerne aussi la santé des
travailleurs. En effet, le code du travail stipule en son article 255
que :
« Tout employeur installé au Burkina Faso est tenu
d'assurer la couverture sanitaire de ses travailleurs, conformément aux
conditions définies par les textes portant organisation et
fonctionnement de la sécurité et santé au travail. A ce
titre, il doit notamment s'affilier à l'office de santé des
travailleurs ou à toute autre structure de santé au travail
agréée par le ministre chargé de la
santé. »
Lors de nos entretiens, les agents permanents ont
déclaré avoir une couverture sanitaire. Une commerciale nous
donne quelques précisions :
« J'aiune couverture de 90%. Lorsqu'on est malade
[...] il y a un carnet de santé. C'est renouvelable chaque année.
Vous avez le carnet de santé et vous partez dans les cliniques qui sont
habilitées à recevoir l'assurance. En fait on a une assurance
UAB. Et l'assurance prend ça en charge 90%. Par exemple quand la
consultation est à 10 mille, c'est mille franc que vous payez. Les
produits aussi c'est pareil. Sic'est 25 mille vous allez payer deux mille cinq
cent »(Entretien effectué avec O.E, Agent permanent Front
office, le 29/11/2014, Ouagadougou).
Ceci est valable uniquement pour les agents permanents. Quant
aux prestataires en plus d'avoir été affilés à la
CNSS rien qu'en 2013, ils n'ont toujours pas de couverture sanitaire.
L'inspectrice médicale du travail dit que :
« Pour les prises en charges médicales, ce
n'est pas obligatoire pour l'employeur ; seules les négociations
syndicales peuvent apporter son approbation. Il n'y a par exemple pas de prise
en charge pour les agents de la fonction publique. L'employeur est seulement
obligé de déclarer tous ces travailleurs à la
sécurité sociale »(Entretien effectué avec MD,
Inspectrice médicale du travail, le 15/01/2015, Ouagadougou).
Dans l'annexe de l'arrêté conjoint
n°2013-010/MFPTSS/MS, qui nous a été remis par l'Inspectrice
médicale du travail, portant modalité et conditions de
réalisation des visites médicales et examens
complémentaires, une liste de travaux particulières y est
notée. C'est une liste des travaux comportant des exigences ou des
risques particuliers pour lesquels une surveillance médicale
spéciale des travailleurs exposés est requise. Dans cette liste
nous avons souligné quelques points tels« les contraintes
visuelles (travail sur écran de visualisation supérieur
à 4h/j », « les travaux d'opérateur sur
standard téléphonique » ou encore le
« travail en équipe effectué de nuit en tout ou en
partie » et bien entendu les « travaux comportant des
gestes répétitifs à cadences
élevées »9(*).Tous ces points énumérés se
retrouvent dans les modes de production à Télécel Faso. En
effet, le service call center, les différents fronts office sont des
domaines de production où le téléphone, l'écran
d'ordinateur, l'ensemble de matériel informatique soutenu par une
temporalité à allure rotative, renforce des situations
d'exposition au risque chez le travailleur. Malgré cela, seuls les
permanents ont une prise en charge médicale. Selon cette
téléconseillère,
« [...] la priorité c'est la couverture
sanitaire.Vu le travail que nous effectuons ici, il nous faut forcément
une couverture sanitaire.Même si ce n'est pas consistant, que ça
soit quelque chose quand même, une petite couverture sanitaire pour nous
même, parce que déjà le port du casque ça
détériore, ça fait mal à l'oreille à un
certain moment.Si on avait une couverture sanitaire, on pouvait quand
même se permettre de consulter» (Entretien effectué avec M.I,
Agent prestataire, Call center, le 23/11/2014, Ouagadougou).
Un autre téléconseiller ajoute :
« La santé est un aspect non
négligeable. Ce n'est pas forcément le salaire qui compte. Le
fait d'avoir une protection, c'est vraiment quelque chose. Je suis prestataire
depuis 5 ans, sans aucune couverture sanitaire. Y a pas de contrôle. Tu
es branchée à un casque. Tu deviens sourd c'est ton
problème, tes yeux c'est ton problème, y a pas d'examens, y a
rien, c'est vraiment difficile.» (Entretien effectué avec Z.A,
Agent prestataire Call center, le 24/11/2014, Ouagadougou).
D'autres employés qualifient le fait de ne pas avoir
une couverture sanitaire comme le corollaire de la catégorie
professionnelle de prestataire. C'est le cas de cet agent
marketing :
«Ce qui est sûr, il y a ceux qui viennent
travailler à Télécel, et ceux qui sont à
Télécel. [...] Bon, je peux dire que ça fait partie
des conditions de la prestation. Sinon je ne comprends pas ; du moment que
les conditions de la prestation ne sont pas aussi ça, je peux dire que
ça fait partie des raisons qu'on n'a pas une couverture
sanitaire »(Entretien avec S.O, Agent prestataire Chauffeur,
le 24/11/2014, Ouagadougou).
Pourtant, il n'en est rien. Selon l'Inspectrice
Médicale du Travail, Télécel n'est pas affilié
à l'OST, ou du moins a rompu son contrat d'affiliation avec l'OST vers
2009-2010, pour signer des contrats avec un agent vacataire. La raison
avancée était qu'il y avait beaucoup de visites médicales
des agents. Pourtant, pour une consultation facturée à 5000
francs CFA, ils ont préféré aller signer des contrats avec
des cliniques privées qui sont plus chères. Ceci n'est que le
résultat d'un calcul capitaliste et mercantile. En effet, les agents
ayant une prise en charge médicale assurée par
Télécel ne vont pas à l'OST, mais dans des cliniques tels
« cliniques Philadelphie », ou autre. Plutôt que
d'utiliser les moyens disponibles pour permettre à tous les agents
d'avoir un minimum de prise en charge par l'OST, Télécel a
préféré signer des contrats qui demandent des fortes somme
pour seulement un tiers de sa population. L'agent de Planium-RH promet que sa
direction est en réflexion sur la question des prises en charge
médicales des prestataires. Dans le cas contraire, ils seront pris en
charge par « le gros dossier d'assurance maladie
universelle » pour toute la population du Burkina, qui attend des
amendements et validation du gouvernement et des partenaires techniques et
financiers, selon l'inspectrice médicale du travail.
III.2. La question des mouvements de revendication
La plupart des secteurs d'activités ont en leur sein un
groupe chargé de revendiquer les droits des travailleurs. Il se
reconnait par l'existence du « délégué de
personnel », institué comme intermédiaire entre les
agents et la direction. Pourtant chez Télécel,« il
n y a pas de délégué de personnel depuis maintenant 3
ans » selon le DRH. Qu'est ce qui peut expliquer cet état
de fait ? Est-ce parce que les employés sont en parfait accord avec
leur administration ?Pourtant, les données présentées
plus haut ne se lisent pas sous cet angle.Korbéogo (2009) nous rappelle
que :
« Les individus n'entrent pas neutres dans une
organisation. Les différentes stratégies, qui se manifestent dans
l'espace des relations sociales établies entre individus et groupes en
situation de concurrence, peuvent également être
appréhendés au regard des itinéraires
individuels » (Korbéogo 2009 : 81).
En effet, à Télécel, le manque de
structure syndicale peut être lié à l'aspect familial de
l'entreprise. Comme le dit cet employé « c'est comme je
vous avais dit hein, chacun sait comment ila fait pour rentrer. Moi c'est ma
soeur qui a pris mon dossier pour emmener. [...]Je ne vais quand
même pas lui mettre la honte en revendiquant» (Entretien
effectué avec A.Y, Agent prestataire Phoning, le 25/11/2014,
Ouagadougou). Les agents préfèrent ne pas « salir
l'image » de celui qui les a fait entrer à
Télécel. C'est pourquoi, le conformisme « en
attendant » une amélioration est un état d'esprit
vécu par les agents de Télécel. Doncun processus de
mobilisation précédant à l'action collective ne peut se
réaliser.Non seulement, les permanents, les supérieurs
hiérarchiques qui sont supposés défendre la cause de leurs
subordonnés, sont plutôt gouvernés par
un égoïsme catégoriel, où chacun
protège ses intérêts. Ces derniers ne veulent pas non plus
être indexés comme l'individu voulant « se
battre pour les autres »,sauf quelques responsables de services
qui ne tarissent pas de promesses à l'égard de leurs agents. A
Télécel, l'esprit de conformisme fait que « chacun est
dans son coin ». Ceux qui ont voulu prendre des initiatives, se sont
retrouvés face à des obstacles. C'est le cas d'un technicienqui
témoigne :
« Quand j'ai décidé d'en parler avec
certaines personnes,[...] je me suis rendu compte que parmi nous-mêmes, y
a certains qui se plaisaient dans cette situation, qui n'aspiraient pas
à un changement. Maintenant moi je suis dans mon coin. [...]
Voilà ces personnes-là, soit ils ont une affinité avec
quelqu'un ou bienc'est la peur qui fait que ces personnes-là
préfèrent rester dans leurs conditions.La peur de perdre le
boulot. Puisque j'attendais quelqu'un dire une fois que si on parle, ils vont
nous chasser tous ici et envoyer d'autres personnes ». (Entretien
effectué avec M.I, Agent prestataire service technique, le 25/11/2014,
Ouagadougou).
Au regard de ces propos, le manque d'un mouvement syndical
à Télécel pourrait s'expliquer par les modalités de
recrutement en l'occurrence, la candidature spontanée, où l'agent
ne voudrait pas perdre son boulot qu'il a « durement »
obtenu pour cause de revendications. Ou encore le recrutement sur
recommandation et autres alliances qui font que l'agent est sous une tutelle et
ferait de son mieux pour ne pas ternir l'image de son parrain. Nos entretiens
révèlent que nombreux sont les enquêtés ayant
effectué des études de marketing, commerce, et autres
filières proposées par les universités privées.
Donc issus de milieux académiques où la pratique syndicale n'est
pas aussi présente comme dans les universités publiques du
Burkina, tel le cas l'Université de Ouagadougou précisé
par Korbéogo (2009). En effet, l'auteur indique que les étudiants
issus de milieux sociaux défavorisés sont plus enclins aux
actions syndicales que ceux issus de milieux plus aisés ayant
effectué des études dans des disciplines plus
onéreuses ; dans notre cas, les études de marketing, de
management, de communication ou d'ingénieurs techniques ; comme
quoi, les itinéraires et trajectoires individuelles pourraient expliquer
la question des manifestations syndicales dans une organisation.
A présent, quel est le système de suivi et
d'évaluation de la compétence de l'agent entrant en ligne de
compte dans la gestion de sa carrière professionnelle?
IV. SYSTEME DE SUIVI DU
PERSONNEL
IV.1. Evaluation de la
compétence et motivation du personnel
Le système d'appréciation du personnel est
intégré dans la plupart des entreprises. Selon les experts en
GRH, on le retrouve le plus souvent sous la forme d'entretiens annuels
d'évaluation du personnel. Cette campagne d'évaluation se
déploie dans toute l'entreprise et se réalise le plus souvent
d'un collaborateur par son N+1. Il permet d'entreprendre une gestion
prévisionnelle des emplois et compétences actives et c'est aussi
un des actes de management les plus importants. L'objectif principal de cette
appréciation du personnel est de mesurer l'écart entre les
exigences d'un poste et les compétences du salarié qui l'occupe.
Mais c'est aussi le moment de situer le salarié vis à vis des
attentes que l'entreprise a et d'assouvir son besoin de reconnaissance, de
poser des objectifs de travail pour les temps à venir, tout comme pour
le développement de sa carrière dans l'entreprise.
A Télécel Faso, les évaluations se
font« dans l'objectif de voir la motivation des agents. De
chercher des déficits de compétence, de mauvaise foi, dont la
finalité serait de renforcer les compétences »,
selon le DRH.
La forme d'évaluation (décrite par le DRH) ne
concerne que les agents permanents. Elle se déroule sous la forme d'un
entretien oral où l'évaluateur et l'évalué
échangent sur un certain nombre de points avant de l'inscrire sur une
fiche qui sera transmise à la direction des ressources humaines. M.S
relate :
« Les évaluations sont organisées
chaque année.Le chef reçoit une fiche. On nous soumet d'abord la
fiche pour qu'on réfléchisse sur les différents
points.S'il arrive que le chef coche le point a et pas le bqu'on arrive
à savoir le pourquoi. Le jour de l'évaluation ça va plus
vite. On te remet tu prends connaissance ; voici les différents
points si on peut te mettre ena, b, ou c voici le pourquoi et oralement si tu
veux des explications le chef t'explique»(Entretien avec MS, Agent
permanent ADV, effectué le 22/11/2014, Ouagadougou).
Ainsi, « au cas où y a un plan de
carrière, les évaluations permettent de voir si vous
évoluez ou si vous régressez et ça vous donne des
chances» (Entretien avec Y.D, Agent permanent Call center,
effectué le 10/01/2015, Ouagadougou).
A l'issue de l'évaluation annuelle du personnel, une
récompense ou motivation est faite selon la notation obtenue par
l'agent. Pour les récompenses, elles peuvent conduire à une
mobilité interne, mais le plus souvent par des gratifications sur
salaire chaque année. Selon une information en date du 14 Avril 2014,
envoyé par le Directeur de la régulation et des ressources
humaines à tout « le personnel », le
Président du Conseil d'administration octroie un bonus aux
agents, conformément à leur note d'évaluation. Il est de
l'ordre de « 1 mois », « 2 mois » et
« 3 mois » net le salaire, selon qu'on est, conforme,
performant, ou expert. Seuls les agents notés
insuffisants, n'ont pas droit au bonus10(*).
Cela ne concerne bien entendu, que les permanents
composés des cadres et autres agents de maitrise. Mais l'information de
cette récompense est envoyée à tous. Rappelons que si
formellement tous les travailleurs de Télécel, font partie du
groupe d'envoi « personnel » par e-mail, en
réalité seulement les agents permanents sont
considérés comme tel. Mais tout le monde reçoit cette
information. Les agents exécutants par contre, composés pour la
majeure partie de « prestataires » sont
évalués suivant une autre modalité, par rapport aux
tâches exécutées. Ainsi, chaque service selon ses objectifs
et missions, évaluent les différents agents prestataires. Selon
le chef de service call center, cela
« consiste à évaluer le niveau de
compétence du téléacteur, d'une part, et d'essayer de les
recycler d'autre part. [...]. Le travail est le même pour tout le monde,
mais il y en a qui font mieux ! D'ailleurs c'est dans ce sens-là, qu'on
essaie de les récompenser, un peu par des gestes symboliques en leur
offrant des bons de carburant, crédit de communication.Cette
année, nous avons mis un bonus qui est un téléphone
portable [...] Ça permet à ceux qui se démarquent
d'être des coachs, que nous appelons ici en interne des coachs d'appui.
Ce travail leur permet de connaitre un peu ce que c'est que la gestion,
plutôt administrative. L'envoi des mails, aux différents
techniciens pour la résolution des plaintes clients, la rédaction
des rapports, journaliers, hebdomadaires, et mensuels. Ça permet
également de pouvoir reconduire ou pas le contrat de certaines
personnes »(Entretien effectué avec M.S, Chef de service Call
center, le 19/01/2015, Ouagadougou).
Il faut dire que ce système d'évaluation a une
histoire qu'il convient de relater. En effet, c'est courant 2013 que ce
système d'évaluation sur la connaissance des produits et services
de Télécel a débuté. Soumis au début
à tout le personnel, elle a eu pour dénomination
Télécel académie. Elle consistait alors
à évaluer tous les agents, tous services confondus et choisir les
meilleurs qui devraient participer à une phase finale.
L'évaluation était faite en situation de travail et il
était soumis à l'agent une fiche composée de 10 questions
à répondre en 5 minutes. Ces questions concernaient
évidemment les produits et services de Télécel. Nous avons
été finaliste lors de la seconde édition.
« L'académicien Télécel » se voyait
alors décerné la somme de 100 mille, plus une attestation et sa
photo affichée dans toutes les agences front office de
Télécel. Télécel académie a
été suspendue pour des raisons, qui sont entre autres le fait que
certains travailleurs disaient ne pas être compétitifs. Ces agents
sont pour la plupart ceux n'ayant pas l'occasion d'être en contact
permanent avec ces types d'informations. Techniciens, agents administratifs,
etc., pensaient que ce type d'évaluation est seulement approprié
pour les agents en contact permanent avec la clientèle. Le
système est alors appliqué uniquement aux prestataires en contact
permanent avec les clients. Le service call center est le service qui s'en ait
approprié le plus pour l'ajouter aux différents critères
d'évaluation de son personnel. Il est devenu à la suite un
système d'appréciation de la compétence de l'agent, mais
aussi un repère pour la motivation des agents. L'actuel chef de service
a effectué une amélioration sur sa finalité en
créant les « coach du mois ». Il est un produit de
la culture de l'excellence dans un esprit de compétitivité comme
le dit ce téléacteur, qui était coach du mois pendant
l'entretien :
« Bon à travers des évaluations, on
choisit les meilleurs, ceux qui viennent un peu tôt, ceux qui sont
assidus, ceux qui s'absentent jamais, ceux qui traitent bien les clients
d'après eux.C'est sur ces critères, ils essaient donc de choisir
un coach pendant un mois, et on octroie un bon d'essence, et puis un
dépôt de crédit sur le compte de ce
dernier-là » (Entretien avec J.T, Agent prestataire Call
center, effectué le 30/11/2014, Ouagadougou).
Si de prime abord ce système a pour
intérêt de maintenir les agents dans la culture, la vision et les
objectifs de l'entreprise, sa mise en exécution est
décriée par certains agents du même service. C'est le cas
de cette ancienne téléactrice qui témoigne :
« Des évaluations biaisées,
caduquesparce que les évaluateurs même n'ont pas le niveau des
évalués. Parce que pour faire une évaluation,il faut
être dans le bain. Parce que quelqu'un qui fait des années qui
n'est pas dans le bain qui vient m'évaluer,je suis désolée
mais, il n'a pas la notion qu'il faut pour pouvoir m'évaluer.[...] Mais
comme on dit y a toujours certaines personnes qui trichaient. Et même que
certains responsables envoyaient le questionnaire à leur
protégés, ce qui fait que ça décourageait»
(Entretien avec O.S, Ancienne Téléconseillère,
effectué le 24/11/2014, Ouagadougou).
Un autre agent ayant été coach du mois donne son
avis :
« C'est unbon système, mais je pense que le
délai est très court, si on pouvait peut être revoir, on
ramène à 6 mois, ou un an, c'est encore mieux. Sinon, quand tu
commences, tu arrêtes à un mois. Tu as peut être 2 semaines
à tâtonner, à emmerder tes collègues qui ont
été coach.Quand tu commences un peu un peu à comprendreet
la semaine suivante tu es obligée de raccrocher ! Je pense que c'est un
peu court, c'est même frustrant» (Entretien avec T.J, Agent
prestataire Call center, effectué le 30/11/2014, Ouagadougou).
Certains agents estiment que ces évaluations ne sont
pas faites de façon objective, et sont souvent couverte de liens
d'affinité. Que ce soit objectivement fait ou par affinité,
l'évaluation de la compétence de l'acteur au travail est une
donnée fondamentale en tant qu'indicateur de sa performance. Elle permet
en plus de s'affirmer, d'espérer à des promotions et
différentes mobilités professionnelles.
IV.2. Mobilité
professionnelle et plan de carrière
La mobilité professionnelle peut être
considérée comme un changement dans les modalités
d'exercice de l'activité d'un individu. Ce changement dépend de
la situation professionnelle initiale (niveau de qualification,
spécialité professionnelle exercée, taille
d'entreprise...) et des attributs sociodémographiques des personnes
(genre, âge, niveau de diplôme, situation familiale...). A
Télécel Faso, un plan de carrière est
élaboré au niveau de la direction des ressources humaines pour
les employés.
« Il y a un plan de carrière à
Télécel, un ensemble de trajectoires possibles qu'un
employé peut avoir, mais c'est sa mise en exécution qui fait
défaut. Par exemple les conseillers et commerciaux, il n'y a pas un
système de redéploiement pour la mobilité dans le travail.
Un autre exemple, du call center, on reconnaît que sur 80 personnes il y
ait des compétences qui pourraient être exploitées. Mais
hélas, Télécel n'offre pas d'assez d'opportunités
comme les autres réseaux, c'est un manque de vision.» (Entretien
avec le DRH, effectué le 16/12/2014).
Dans la majorité des cas, les situations de
mobilité, de promotion et de changement de poste de travail sont
effectués selon les besoins de l'entreprise. Nombreux sont donc
les cadres qui ont changé maintes fois de poste de travail, mais pas de
façon linéaire et ascendante. C'est le cas de ce cadre, qui selon
elle « Télécel ne propose pas concrètement un
plan de carrière ».
« Je n'ai pas évolué de manière
linéaire, c'est en dents de scie. Ce qui fait que je ne peux pas dire
que j'ai un plan de carrière à Télécel. J'ai
commencé d'abord à occuper le poste de chef de service grand
compte. Au cours de l'année 2006-2007, je suis allée à la
direction commerciale. J'ai occupé le poste de directeur commercial par
intérim pendant au moins 7 mois. Ensuite je suis redescendue en
agence.C'est pour ça je parle de dents de scie »(Entretien
avec D.S, Responsable d'agence, effectué le 24/11/2014).
C'est effectivement le constat qui a été fait au
sein de la structure. La plupart des cadres sont utilisés pour la
relance des activités d'un service en manque de dynamisme ou d'atteinte
des objectifs alloués. Aussi, l'observation des comportements et la
dynamique organisationnelle ont révélé qu'à
Télécel, nombreux sont les agents qui occupent le même
poste depuis près de 8 à 10 ans, sans jamais changer d'autre
poste de travail. Cette situation de stagnationa des conséquences non
négligeables sur la rentabilité de l'agent. Un agent
témoigne :
« J'aime être polyvalente, j'ai toujours
aimé le système de rotation dans les banques tantôt tu es
caissière, tantôt tu es dans tel bureau ainsi de suite ;
parce que à un certain momentà force de faire la même chose
au fil du tempstu te lasses »(Entretien avec effectué M.S,
Agent commercial Grand compte, le 22/11/2014, Ouagadougou).
La dynamique de la mobilité interne d'une structure
peut susciter de l'espoir chez les travailleurs qui pour la plupart ont un
projet professionnel bien définie. Lorsque la structure d'appartenance
ne donne pas assez de moyen pour gérer cette situation, les agents se
lancent alors dans la quête d'un autre boulot pouvant leur procurer cet
espoir. C'est le cas de cet agent qui dit taper à
d'autres portes, car n'ayant plus d'espoir chez
Télécel :
« J'ai déposé des tas de dossiers. Les
concours je tente aussi dans l'espoir de trouver un travail qui peut plus
répondre à mon profil. Surtout me permettre d'avoir de plus
grandes aspirations. Parce qu'à ce niveau il n'y a pas à dire que
on peut évoluer comme dans les concours de l'Etat» (Entretien avec
K.Y, Agent prestataire Phoning, effectué le 20/11/2014, Ouagadougou).
Selon de nombreux agents, espérer un plan de
carrière à Télécel n'est pas évident.
S'appuyant sur l'architecture et le nivellement des différents emplois,
beaucoup d'enquêtés, particulièrement les prestataires,
n'ont plus d'espoir, et « ce que je souhaite c'est d'avoir mieux
ailleurs, et partir » (Entretien avec M.C, Agent prestataire
Call center, effectué le 22/11/2014, Ouagadougou). D'autres par contre
nourrissent l'espoir d'une titularisation au sein de la structure comme cet
agent :
«C'est une grande boite.C'est vrai que
présentement je suis prestataire, mais mon plus grand souhait c'est
d'être permanent! Si vraiment je trouve que, sacrifier mon temps, si
vraiment dans peu de temps ça pourrait me permettred'être
permanent à Télécel, vraiment je suis prêt à
me sacrifier. Mais le problème qui se pose c'est est-ce que, le
rêve que je suis en train de nourrir est réalisable ? C'est bien
là le problème» (Entretien avec O.E, Agent prestataire
Service technique effectué le 26/11/2014, Ouagadougou).
Pour d'autres encore, le processus de la mobilité
professionnelle n'est pas une donnée absolue pour l'agent, car celui-ci
doit faire preuve d'abnégation et de patience :
« Honnêtement, le plan de carrière au
niveau de la boite c'est pas évident. Parce que, tout est un peu
saturé. Mais y a de l'espoir, Parce que je suis entrée en tant
que stagiaire, après j'ai été recrutée en tant que
téléactrice, aujourd'hui je suis chargée du phoning, je
supervise 40 personnes ; ça peut être amené à
changer. Mais, il faut être patient, c'est lent ! » (Entretien
avec B.A, effectué le 24/12/2014, Ouagadougou).
Effectivement, ce n'est pas évident pour un agent de
pouvoir espérer à une quelconque évolution au sein de la
boite du fait d'une saturation de l'espace de mobilité.
C'est ce qui amène certains agents à se plaire dans
leurs conditions actuelles en attendant, car selon eux, la promotion
chez Télécel est faite à partir
de « bras longs ». Il faut en effet, comme le
disait le DRH, passer par une certaine politique. Ainsi, il est
difficile voire impossible de quitter une catégorie professionnelle pour
une autre sans avoir recours à un tiers qui pourrait contribuer au
changement de statut de l'agent. C'est ce que montre cet extrait :
«Ils étaient 40 prestataires, et parmi les 40 y a
une qui a été recrutée en tant qu'assistante phoning pour
m'appuyer. Actuellement ils sont 39 prestataires [...]. On n'a pas fait de
test. Non !Je ne peux rien vous dire (rires). La décision vient
d'en haut ! »(Entretien avec B.A, Responsable Phoning,
effectué le 24/12/2014, Ouagadougou).
Lorsque la décision vient d'en haut, on
ne peut que s'y conformer. Ainsi, cet agent a usé de stratégies
pour faire entrer son dossier au niveau du Conseil d'Administration, comme le
disait le DRH. Ceux qui ne peuvent pas en faire autant sont donc dans
l'obligation de « faire avec » en «
attendant » un acte providentiel, ou tout simplement à changer
d'employeur.
Au regard de ce qui a été
présenté ci-dessus, il revient alors qu'à
Télécel, la mobilité professionnelle dépend des
besoins de la boite, mais aussi, de stratégies et du capital social des
individus.C'est ce que nous dit cette employée de la comptabilité
ayant quitté d'un service à un autre tout en changeant de
statut :
« Je suis rentrée à
Télécel parce que j'étais d'abord dans les couloirs de
Télécel et c'est par suite d'un recrutement que je suis
allée au call.J'ai postulé pour la comptabilité. Ça
a marché ; mais je peux dire que c'est parce que j'ai eu quand
même des relations qui m'ont dit voilà on veut des comptables
à Télécel, que j'ai pu déposer ;sinon peut
être que je n'allais pas être au courant de
ça »(Entretien avec S.C effectué le 16/12/2014,
Ouagadougou).
Dans ce contexte d'effritement des marchés internes
dans cette entreprise, nous nous sommes rendu compte que la mobilité
professionnelle relève de plusieurs déterminants dont le plus
important est le capital social.Le capital social est effectivement au coeur
des stratégies des acteurs dans la construction de leur carrière
professionnelle comme nous l'avons démontré plus haut. Nous avons
aussi montré comment le traitement des agents est fait sous forme
dichotomique, dont la raison ne peut être que l'accumulation du profit
par l'employeur au détriment de certains employés qui sont
assujettis à l'autorité d'une autre partie de travailleurs
bénéficiant pleinement des retombées de l'entreprise.
Eu égardà ce qui a présenté dans
ce chapitre, on peut retenir qu'à Télécel Faso, nourrir
l'espoir d'y construire une carrière professionnelle dépend de la
catégorie professionnelle de l'individu. L'entreprise mettant au service
de son personnel permanent les rudiments nécessaires, dont une
rémunération acceptable, donnée à bon
délai avec une protection sociale nettement significative. Un suivi de
la performance de ces agents leur permet de penser un plan de carrière
dans la structure, bien que l'unité de production semble
saturée. Par contre les agents dit prestataires
travaillent dans la précarité, avec un traitement qui laisse
à désirer. Cela explique quelque peu les raisons qui poussent
à la défection de ces derniers, carseuls ceux possédant un
réseau relationnel influant peuvent espérer une
mobilité professionnelle au sein de l'organisation.
CONCLUSION
La véritable richesse d'une organisation est sa
ressource humaine. Et pour que cette ressource humaine puisse donner le
meilleur de soi dans l'atteinte des objectifs del'organisation, il lui faut un
minimum de conditions qui puisse lui permettre de se réaliser, autant
sur le plan professionnel que social. Les différents textes qui
régissent les relations de travail entre employeurs et employés
ne sont pas pour la majorité des cas à l'avantage des
travailleurs. L'étude menée au sein de Télécel Faso
à Ouagadougou, a pour vocation première de mettre en exergue les
facteurs participant dans la construction de la carrière professionnelle
des individus.
Pour ce faire les données recueillies sur le
terrain,montrent que le processus de construction de la carrière
professionnelle à Télécel Faso dépend de plusieurs
facteurs. L'enquête révèle en effet une diversification de
source de recrutement de type familial et relationnel, mais aussi sur
qualification d'un niveauminimum deBAC+2. Une formationaccompagne l'individu
dans l'incorporation et l'appropriation des valeurs et normes de la
société. A l'issu de sa formation,l''individu s'identifie
à une catégorie de travailleurs en fonction du type de contrat
signé.
ATélécelFaso, les employés sont
distribuésdans deux catégories qui induisent chacune une forme de
traitement, bien qu'effectuant dans certains cas les mêmes tâches.
La carrière de l'individu dépendra alors de son groupe
d'appartenance. Pendant qu'une catégorie a des possibilités de
pouvoir espérer à une mobilité professionnelle leur
conférant un plan de carrière, l'autre catégorie
assujettie à un système de sous-traitance stagne, sans
possibilité d'avancement, bien que certains membresaient une
ancienneté et une expérienceavérée au sein de
l'entreprise.La mobilité professionnelle dépendra alors
d'attributs tels la qualification, le rendement, mais surtout du capital social
de l'individu. En effet, l'analyse des données laisse entrevoir que pour
aller d'une catégorie professionnelle à une autre, en plus
d'avoir les rudiments nécessaires à l'exécution des
différentes missions, il est nécessaire de faire partie d'un
réseau de relations qui facilite l'accès à l'information
et la possibilité d'obtention du poste.
Une telle présentation des modes de production de
l'entreprise impose logiquement deux types de représentations sociales
des travailleurs par rapport à leur groupe d'appartenance. Il y a ceux
pour qui le sentiment d'intégration est réel et motivé par
un traitement peu ou prou raisonnable, qui leur est réservé et
ceux qui sont confrontés au choc de la
réalité.Ceux qui percevaient cette société
innovante et moderne comme le lieu de leur réalisation, ne peuvent que
se morfondre sur leur sort, car ayant non seulement peu d'espoir de changement
vu la conjoncture, mais surtoutn'ayant aucune institution à l'image d'un
groupe de pression à même d'effectuer des négociations dans
le but d'améliorer leur conditions. Ils sont obligés de se mettre
dans un état de retrait puisqu'ayant aucune possibilité
formelle de pouvoir réaliser un projet professionnel au sein de la
structure, ce qui les conduit logiquement vers une défection. Cependant
les premiers sont tenus autour d'un système de fidélisation qui
leur permet de se sentir membreà part entière et
entièrement à partdans l'entreprise.
Bien que cette situation puissent se retrouver dans nombre
d'entreprises du secteur privé, il faut aussi reconnaitre que ces
résultats émanent du fait que Télécel Faso a une
histoire particulière et qu'elle repose sur les choix et
représentations d'un individu, à la fois seul actionnaire
principal et président du conseil d'administration.
Pour conclure, nous disons qu'à Télécel
Faso, dans la construction de la carrière professionnelle, la
compétence n'est qu'une variable parmi tant d'autres. La construction de
la carrière professionnelle est plutôt favorisée par le
capital social, soutenue par la compétence.
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TEXTES REGLEMENTAIRES
Arrêté N°2007-020/MTSS/SG/DGT/DER portant
cahier de charges applicables aux bureaux, offices privés de placement
et aux entreprises de travail temporaires/Burkina Faso
Arrêté conjoint n°2013-010/MFPTSS/MS,
portant modalité et conditions de réalisations des visites
médicale et examens complémentaires/Burkina Faso
Code de sécurité sociale Loi n°015-2006 du
11 mai 2006 portant régime de sécurité sociale applicable
aux travailleurs salariés et assimilés au Burkina Faso. Version
électronique téléchargée le 10 Juin 2014 à
9h40, sur le site de
www.droit-afrique.com
Code du Travail, Loi N° 028 -2008/AN portant Code du
Travail au Burkina Faso
Décret N°2007-548/PRES/PM/MTSS portant
règlementation des activités des bureaux, offices privés
de placement et d'entreprises de travail temporaires/Burkina Faso
Règlement intérieur Télécel
Faso
Règlement Intérieur Télécel Faso/
Call center.
SITE INTERNET
www.telecelfaso.bf
ANNEXES
GUIDE D'ENTRETIEN 1 : TRAVAILLEURS DE TELECEL
FASO
I- Identification
ü Nom / Prénom / Age/sexe
ü Situation matrimoniale / Ethnie/religion/
Nationalité
ü Catégorie socioprofessionnelle des parents
ü Poste de travail occupé/Catégorie de
personnel
ü Lieu de résidence / Habitation (type)/Moyen de
locomotion
II- Construction de la carrière professionnelle
des agents
ü Formation académique
· Qualification
· Niveau d'étude
· Filière d'étude
ü Modalités de recrutement chez
Télécel
ü Modalités de formation
ü Trajectoire professionnelle
· Changements de profession et d'entreprises,
· Raisons du changement
· Ancienneté
ü Mobilité professionnelle
· succession des postes de travail occupé
· niveau hiérarchique
· lieu d'affectation
· rasions du changement
· appréciations
ü Question de conflits
· Raisons
· Gestion
ü Système d'évaluation
· Structure procédant à
l'évaluation
· Normes
· Temps et procédure d'évaluation
· Sanctions ou récompense
· Recours
· Appréciations des procédures
d'évaluation des compétences ou de la carrière
ü Plan de carrière
ü Retraite/Age de départ/Condition de
départ
III- Capital social et vie professionnelle
ü Réseau de liaison au sein de l'entreprise
ü Appartenance à une organisation politique ou
associative
ü Recours en cas de problèmes rencontre/Nature du
problème
ü Liens social avec le recours/Conditions d'accès
au recours
IV- Déontologie/éthique du
travail
ü Connaissances des règles/normes/valeurs du
milieu
· Appréciation des normes et valeurs du milieu
· Conditions d'apprentissage et d'initiation
· Itinéraires et contraintes d'apprentissage
· Interactions professionnelles
· Hexis corporel
ü Rapport entre activité commerciale/marketing et
morale personnelle
ü Respect des normes professionnelles et valeur morale du
travailleur
· Instances de contrôle
· Sanctions ou non
· Appréciations
V- Conditions socio-économiques du
travailleur
ü Conditions de travail
· Nombre de jours/heures de travail
· Ergonomie
· Appréciation
ü Rémunérations
· Conditions d'accès à la
rémunération
· Mode de paiement/délai
· Primes de salaire
· Appréciations
ü Protection sociale
· Sécurité sociale
· Couverture sanitaire
· Activités extra professionnelles
· Epargne/Tontines
VI- Représentation sociale du
travail
ü Raisons du choix professionnel
ü Perception de l'emploi
ü Changement de profession
· en cas d'offre
· Profession souhaitée
· Raisons du choix
ü Perception du poste de travail occupé en rapport
aux compétences personnelles
ü Rapports avec les collaborateurs
· Horizontal entre collègues
· Vertical avec la hiérarchie
· Perception des relations
ü Traitement
· Système de solidarité
· Sentiments
· Appréciations des proches
GUIDE 2 : PATRONAT
1- Identification
ü Nom / Prénom / Age/sexe
ü Situation matrimoniale / Ethnie/religion/
Nationalité
ü Catégorie socioprofessionnelle des parents
ü Poste de travail occupé/Catégorie de
personnel
ü Lieu de résidence / Habitation (type)/Moyen de
locomotion
2- Organisation du travail
ü Mode de recrutement
ü Modalité de formation
ü Normes et règles du travail
· Nombre de jours/heures de travail
· Appréciation
ü Modalités de rémunération
ü Système d'évaluation des agents
· Raisons
· Procédures
· Appréciations
· Difficultés rencontrées
· Sanctions ou récompenses prévues/
ü Cadre d'élaboration
ü Applications ou non/Raisons
ü Conflits entre employés
· Raisons
· Gestion
ü Stratégie de motivation/reconnaissance des
agents
ü Système de plan de carrière
ü Moment de recrutement/moment de départ
· Raisons
GUIDE D'ENTRETIEN 3 : PERSONNES RESSOURCES
1- Identification
ü Nom / Prénom / Age/sexe
ü Situation matrimoniale / Ethnie/religion/
Nationalité
ü Profession
ü Lieu de résidence
2- Appréciation/perceptions
ü Normes de l'emploi en vigueur dans le secteur privé
au Burkina Faso
· Nombre de jours/heures de travail
· Formes de rémunération
ü Règlement/normes juridiques
ü Catégorisation du personnel
· Types de contrats
· Conditions
ü Appréciation du cas de Télécel
Faso
ü Avis sur les bureaux de placement de personnel
GUIDE 4 : GROUPES TEMOINS
A/ Anciens travailleurs de
Télécel
I- Identification
ü Nom / Prénom / Age/sexe
ü Situation matrimoniale / Ethnie/religion/
Nationalité
ü Catégorie socioprofessionnelle des parents
ü Poste de travail occupé
anciennement/Catégorie de personnel
ü Lieu de résidence / Habitation (type)/Moyen de
locomotion
II- Construction de la carrière professionnelle
ü Formation académique
· Qualification
· Niveau d'étude
· Filière d'étude
ü Modalités de recrutement chez
Télécel
ü Modalités de formation
ü Trajectoire professionnelle
· Changements de profession et d'entreprises,
· Raisons du changement
· Ancienneté
ü Mobilité professionnelle
· succession des postes de travail occupé
· niveau hiérarchique
· lieu d'affectation
· rasions du changement
· appréciations
ü Question de conflits
· Raisons
· Gestion
ü Système d'évaluation
· Structure procédant à
l'évaluation
· Normes
· Temps et procédure d'évaluation
· Sanctions ou récompense
· Recours
· Appréciations des procédures
d'évaluation des compétences ou de la carrière
ü Plan de carrière
ü Conditions de départ
· Raisons
III- Capital social et vie professionnelle
ü Réseau de liaison au sein de l'entreprise
ü Appartenance à une organisation politique ou
associative
ü Recours en cas de problèmes rencontre/Nature du
problème
ü Liens social avec le recours/Conditions d'accès
au recours
IV- Déontologie/éthique du
travail
ü Connaissances des règles/normes/valeurs du
milieu
· Appréciation des normes et valeurs du milieu
· Conditions d'apprentissage et d'initiation
· Itinéraires et contraintes d'apprentissage
· Interactions professionnelles
· Hexis corporel
ü Rapport entre activité commerciale/marketing et
morale personnelle
ü Respect des normes professionnelles et valeur morale du
travailleur
· Instances de contrôle
· Sanctions ou non
· Appréciations
V- Conditions socio-économiques du
travailleur
ü Conditions de travail
· Nombre de jours/heures de travail
· Ergonomie
· Appréciation
ü Rémunérations
· Conditions d'accès à la
rémunération
· Mode de paiement/délai
· Primes de salaire
· Appréciations
ü Protection sociale
· Sécurité sociale
· Couverture sanitaire
· Activités extra professionnelles
· Epargne/Tontines
VI- Représentation sociale du
travail
ü Raisons du choix professionnel
ü Perception de l'emploi
ü Changement de profession
· en cas d'offre
· Profession souhaitée
· Raisons du choix
ü Perception du poste de travail occupé en rapport
aux compétences personnelles
ü Rapports avec les collaborateurs
· Horizontal entre collègues
· Vertical avec la hiérarchie
· Perception des relations
ü Traitement
· Système de solidarité
· Sentiments
· Appréciations des proches
B/ Clients
I- Identification
ü Nom / Prénom / Age/sexe
ü Situation matrimoniale / Ethnie/religion/
Nationalité
ü Lieu de résidence
ü Niveau/Formation académique
II- Relation clientèle
ü Type de client
· Catégorie (service class)
· Durées d'adhésion
· Raisons d'adhésion
ü Raisons de la venue chez Télécel Faso
· Gestion
· Appréciations
ü Satisfaction par rapport aux produits et services de
Télécel
· Traitement clients
· Accueil reçu
· Appréciations
ü Perception de l'agent Télécel
Table des matières
DEDICACE
iii
REMERCIEMENTS
iv
SIGLES ET ABREVIATIONS
v
LISTE DES TABLEAUX
vi
LISTE DES FIGURES
vi
INTRODUCTION
7
PREMIERE
PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
9
CHAPITRE I : CADRE
THEORIQUE
10
I. REVUE DE LITTERATURE
10
I-1. Division et organisation du travail
10
I-2. Mode de recrutement dans les
entreprises
16
I-3. Carrière et trajectoire
professionnelle
20
I-4. Socialisation et représentation
sociale des travailleurs
24
I-5. Question de l'emploi au Burkina
Faso
29
II. PROBLEMATIQUE
32
III. OBJECTIFS DE RECHERCHE
34
III-1. Objectif Principal
34
III-2. Objectifs secondaires
34
IV. HYPOTHESES DE RECHERCHE
34
IV-1. Hypothèse Principale
34
IV-2. Hypothèses Secondaires
34
V. DEFINITION DES CONCEPTS
35
CHAPITRE II : CADRE
METHODOLOGIQUE
39
I. JUSTIFICATION DU CHOIX DE L'OBJET D'ETUDE
ET DU TERRAIN
39
II. PRESENTATION DE LA ZONE D'ETUDE
40
II-1. Milieu physique
40
II-2. Milieu humain
40
III. ECHANTILLONNAGE / ECHANTILLON
42
IV. PRESENTATION DES PROFILS
SOCIOPROFESSIONNELS DE LA POPULATION CIBLE
42
V. TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNEES
44
VI. DEROULEMENT DE L'ENQUETE
44
VII. TRAITEMENT DES DONNEES
45
VIII. DIFFICULTES ET LIMITES DE L'ETUDE
45
DEUXIEME
PARTIE : PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES
46
CHAPITRE I : PRESENTATION GENERALE DE
TELECEL FASO
47
I- HISTORIQUE DE TELECEL FASO
47
I-1. Télécel International
47
I-2. Télécel Faso
47
I-3. Le groupe Planor Afrique et
Planium-RH
48
II- STRUCTURATION DE TELECEL
50
II-1. Objectifs de Télécel
Faso
50
II-2. Répartition spatiale de
Télécel Faso
50
II-3. Organisation et Fonctionnement de
Télécel Faso
51
II-3.1. Organisation
51
II-3.2. Fonctionnement
55
II-4. Les produits et services de
Télécel Faso
56
CHAPITRE II : PROCESSUS D'INTEGRATION
PROFESSIONNELLE
58
I. MODE DE RECRUTEMENT
58
I-1. Raisons et motivations des
travailleurs
58
I-2. Stratégies des acteurs face au
marché de l'emploi
60
I-2.1. Modalités d'accès
à l'emploi
60
I-2.2. Le réseau social comme recours
des acteurs
62
I-2.3. Autres canaux d'informations
63
I-3. Processus de recrutement et profil des
agents
64
I-3.1. La sélection des candidats
64
I-3.2. Profil des agents
65
II. SOCIALISATION PROFESSIONNELLE CHEZ
TELECEL FASO
67
II-1. Apprentissage du métier chez
Télécel Faso
67
II-1.1. Le plan de formation
67
II-1.2. Formation des nouvelles recrues
67
II-2. Outils d'identification et mode de
communication professionnelle
69
III. PRINCIPES DU MILIEU
70
III-1. Normes et autorité au
travail
70
III-1.1. Normes de la conduite
professionnelle
70
III-1.2. Mise en application des normes
71
III-2. Déontologie en situation de
travail
73
III-3. Interactions agent-client
75
IV. LES RELATIONS DE COOPERATION
77
IV-1. Relations entre collègues de
travail
77
IV-2. Conflits interpersonnel et mode de
gestion
79
IV-2.1. Origine des conflits
79
IV-2.2. Gestion des conflits
81
CHAPITRE III : CONSTRUCTION DE LA
CARRIERE PROFESSIONNELLE DES TRAVAILLEURS A TELECEL FASO
84
I. CONDITIONS DE TRAVAIL CHEZ TELECEL FASO A
OUAGADOUGOU
84
I-1. Espace de travail et mode de
production
84
I-2. Ergonomie en situation de travail
86
II. CONDITIONS SOCIO-ECONOMIQUES DES
TRAVAILLEURS DE TELECEL
89
II-1. Catégorie de personnel et type
de contrat
89
II-2. Modalités de
rémunération des travailleurs
93
II-3. Date de paiement des salaires
96
III. PROTECTION SOCIALE DES TRAVAILLEURS
98
III-1. Sécurité sociale et
couverture médicale des travailleurs
98
III-2. La question des mouvements de
revendication
101
IV. SYSTEME DE SUIVI DU PERSONNEL
103
IV-1. Evaluation de la compétence et
motivation du personnel
103
IV-2. Mobilité professionnelle et
plan de carrière
106
CONCLUSION
110
BIBLIOGRAPHIE
112
ANNEXES
i
* 1Au Burkina Faso, la
sécurité sociale a été créée le
« 06 Décembre 1955, par l'arrêté
N°1029/ITLS/HV» (Domba, 2009).
* 2
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Ouagadougou
(URL visité le 18 Mai 2015 à 17h20)
* 3Cette version de l'historique
de Télécel Faso est quelque peu remise en cause dans un article
parue dans une oeuvre journalistique de la place que nous joignons en annexe
dans le document.
* 4 Ce texte nous a
été remis par le Directeur des Ressources humaines de
Télécel Faso
* 5 La suite de l'organigramme
concernant les différentes directions est jointe en annexe
* 6 Le front office est la
boutique chargée de l'accueil et la gestion de la clientèle,
communément appelé « agence »
* 7Se loguer : Porter le
casque chez les téléacteurs
* 8 Ces différents noms
sont des pseudonymes et ne désignent nommément aucun travailleur
de Télécel Faso
* 9 In annexe de
l'arrêté conjoint n°2013/010/MFPTSS/MS, portant
modalités et conditions de réalisation des visites
médicales et examens complémentaire : 14-17
* 10 La lettre complète
est jointe en annexe
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