V. Dosage des métaux lourds dans les
sédiments superficiels :
V.1. Résultats et discussions :
Le but est d'étudier la distribution spatiale de la
concentration des métaux lourds (Ni, Pb, Zn, Mn, Cu, Cr et Cd) dans les
sédiments superficiels de la frange littorale du petit golfe de Tunis
comprise entre Hammam lif et Soliman plage.
La compagne d'échantillonnage a été
effectuée au printemps.
Les échantillons ont été
prélevés à Hammam lif (HL12 et HL78), à Borj
Cédria au niveau de l'embouchure de l'oued Soltane, à Solimar
plage (SP) et au niveau de l'embouchure de la sebkha de Soliman (Fig. 7).
Il est à noter que la teneur en Cd est inférieure
à la limite de détection du spectromètre d'émission
utilisé.
Tableau XXV : teneurs (en ppm) des métaux lourds
dans les sédiments superficiels de
la frange littorale étudiée
|
Pb
|
Cu
|
Zn
|
Mn
|
Cr
|
Ni
|
Cd
|
HL12
|
1,7
|
9,3
|
70,4
|
311,5
|
25,9
|
<0,0
|
<0,0
|
|
|
|
|
|
|
1
|
1
|
HL78
|
4,3
|
8,4
|
57
|
266,9
|
30
|
<0,0
|
<0,0
|
|
|
|
|
|
|
1
|
1
|
Emb.O.Soltan
|
36,4
|
11,9
|
49
|
186,7
|
76,7
|
8,1
|
<0,0
|
e
|
6
|
|
|
|
|
|
1
|
SP
|
<0,0
|
3,2
|
43,4
|
611
|
33,8
|
<0,0
|
<0,0
|
|
1
|
|
|
|
|
1
|
1
|
Emb.S.Solima
|
12,9
|
4,1
|
25,6
|
261,3
|
33,1
|
1,7
|
<0,0
|
n
|
|
|
|
|
|
|
1
|
a- Le plomb :
Dans les sédiments superficiels, de notre secteur
d'étude, les teneurs en plomb varient entre 1,7 et 36,46 ppm. Dans les
échantillons de sédiments prélevés au niveau de SP
le plomb n'a pas été détecté (Tableau XXV).
111
Les valeurs enregistrées sont inférieures aux
seuils de contamination et de pollution (Tableau XXIX) et se situent dans la
gamme de variation des teneurs moyennes des sédiments marins (Tableau
XXVIII).
Pb
40 35 30 25
20 15 10 5 0
|
|
|
stations
|
Fig. 48- Histogrammes de fréquences des teneurs
en Pb (en ppm) dans les sédiments
des stations étudiées
Dans la région de Hammam lif, on a enregistré au
niveau de HL78 une teneur de l'ordre 4,3 ppm. Tandis qu'au niveau de HL12 la
teneur mesurée est de 1,7 ppm. Cette différence serait due peut
être au fait que l'espacement et le décalage entre les brises
lames HL1 et HL2 sont assez importants favorisant ainsi l'action des facteurs
hydrodynamiques à l'intérieur de l'alvéole (HL12),
contrairement à l'alvéole (HL78) située entre les
brise-lames HL7 et HL8 où l'espacement est assez faible et le milieu est
plus confiné (Fig. 48).
D'après Ben Charrada (1997) l'origine du Pb dans la
région ne peut être que la zone industrielle de Ben Arous
où on note deux grandes usines de fabrication de batteries qui utilisent
de grandes quantités de Pb et rejettent une partie dans l'oued
Méliane (Ben Charrada, 1997) (Fig. 4).
Dans la région de Hammam lif, la source des
métaux lourds pourrait être soit le lac sud de Tunis (Bonnard et
Gardel, 1996) à cause de sa proximité d'une zone industrielle
(Ben Arous et Jbel Jloud) où la pollution est encore mal
contrôlée, soit l'oued Méliane grâce aux courants qui
dérivent vers le Sud-Est notamment en hiver grâce aux vents
dominant de N-NW.
La teneur en Pb relevée dans les sédiments de
l'embouchure de l'oued Soltane (36,46 ppm) est relativement
élevée mais reste au dessous du seuil de contamination (Tableau
XXIX)
112
malgré le rôle que jouent les stations
d'épuration situées en amont de l'oued Soltane (STEP Menzel
Bouzalfa) dans le traitement des eaux et l'élimination du Pb. L'origine
du plomb serait soit la zone industrielle de Borj Cédria et de Soliman,
soit les engrais contenant des quantités notables en Pb.
La teneur en Pb dans la sebkha de Soliman (12,9 ppm) est de
loin inférieure au seuil de contamination. Ceci pourrait être
dû à la pauvreté des apports terrigènes en Pb.
Les sédiments vaseux et l'accumulation de la
matière organique au niveau de l'embouchure de l'oued Soltane et sebkha
de Soliman joueraient un rôle important dans la rétention et
l'accumulation des éléments traces notamment le Pb au niveau des
sédiments de ces deux stations.
En général, l'origine du Pb dans la baie de
Tunis serait essentiellement la pollution atmosphérique. En effet, 70 %
du Pb introduit dans le milieu marin à partir de l'atmosphère
où se condensent les fumées des fonderies et des
incinérateurs et surtout le gaz d'échappement des
véhicules automobiles en plus de l'activité portuaire
(Zeggaf-Tahri, 1993).
En comparaison avec les valeurs de quelques études
antérieures, les teneurs en Pb des sédiments analysés
peuvent être considérée comme faibles (Tableaux XXVI et
XXVII).
Tableau XXVI : teneurs en ppm de Pb, Cd, Zn et Cu dans
les sédiments superficiels
de quelques secteurs du golfe de Tunis
Métal Secteur
|
|
Pb
|
Cd
|
Zn
|
Cu
|
Auteurs
|
Petit golfe de Tunis
|
Hiver
|
15-52
|
4-8
|
4-144
|
0-44
|
Zeggaf- Tahri
(1993)
|
Eté
|
80-132
|
4-17
|
23-102
|
3-27
|
Frange littorale Ouest du golfe de Tunis
|
17-94
|
3-7
|
12-122
|
2-18
|
Rais
(1992)
|
113
Tableau XXVII: teneurs en ppm de Pb, Zn, Cu, Ni et Co
dans les sédiments superficiels au large du golfe de
Tunis
Métal
|
Pb
|
Zn
|
Cu
|
Ni
|
Co
|
Auteurs
|
Secteur
|
|
|
|
|
|
|
Golfe de Tunis
|
56-142
|
45-150
|
9-20
|
39-67
|
20-34
|
Added et al (2003)
|
Tableau XXVIII : teneur moyenne des métaux
lourds (en ppm) dans les sédiment marins (Sherrine in Chabert
1979)
Métal
|
Pb
|
Cd
|
Zn
|
Cu
|
Mn
|
Cr
|
Teneur
|
10-100
|
2-5
|
5-400
|
10-100
|
100-1000
|
10-200
|
Tableau XXIX : seuil de contamination et de pollution
des sédiments marins (Chabert
1979)
Métal
|
Pb
|
Cd
|
Zn
|
Cu
|
Seuil de contamination (en ppm)
|
60
|
3
|
60
|
30
|
Seuil de pollution (en ppm)
|
100
|
40
|
300
|
100
|
b- Le cuivre :
Les industries de cuivre constituent la principale source de
cuivre. Ce minéral est utilisé en agriculture comme insecticide
antiparasitaire (Zeggaf-Tahri, 1993).
114
Dans les sédiments analysés les teneurs en
cuivre sont comprises entre 3,2 et 11,9 ppm (Tableau XXV). Ces teneurs sont au
dessous du seuil de contamination et de pollution (Tableau XXIX).
La plupart des concentrations mesurées demeurent au
dessous de la gamme de variation des teneurs moyennes en Cu dans les
sédiments marins (Tableau XXVIII).
Au niveau de HL12 et HL78, on a enregistré
respectivement des teneurs de l'ordre de 9,3 et 8,4 ppm. Ces teneurs,
relativement élevées, sont dues peut être au fait que les
alvéoles HL12 et HL78 riches en matière organique seraient
devenues des pièges pour les particules fines fixant du cuivre provenant
de l'oued Méliane et transportées par le transit
sédimentaire depuis l'embouchure de l'oued jusqu'à la
région de Hammam lif (Fig. 7).
Cu
14 12 10 8
6 4 2 0
|
|
|
stations
|
Fig. 49- Histogrammes de fréquences des teneurs en
Cu (en ppm) dans les sédiments
des stations étudiées
La teneur relativement importante en Cu, mesurée dans
les sédiments superficiels de l'embouchure de l'oued Soltane (11,9 ppm),
montre que cet oued constituerait vraisemblablement une source de cuivre dans
le secteur d'étude. Le Cu proviendrait du lessivage des terrains
agricoles qui utiliseraient des insecticides contenant du cuivre. Ils
proviendraient probablement aussi de la zone industrielle de Borj Cédria
où il y a des unités industrielles qui utilisent et produisent le
Cu (Fig. 49).
La faible teneur en Cu, relevée au niveau de
l'alvéole de Solimar plage SP (3,2 ppm), peut être
expliquée par la faible accumulation de cet élément dans
ce milieu.
Au niveau de sebkha de Soliman la teneur enregistrée
est relativement faible (de l'ordre de 4,1 ppm), pourtant elle constitue le
réceptacle de la plupart des cours d'eau qui drainent les
115
terrains agricoles au Nord-Est et les rejets de canalisation
de l'ONAS de la ville de Soliman. Les stations d'épuration joueraient un
rôle considérable dans l'élimination d'une grande partie du
Cu.
Les teneurs enregistrées dans tout le secteur
d'étude sont relativement faibles. En effet, il semble que les nitrates,
les chlorures et les sulfates de cuivre, formes sous lesquels est introduit cet
élément, sont des sels très solubles dans l'eau de mer ce
qui baisse sa teneur dans les sédiments (Chabert, 1979).
Les valeurs mesurées dans la présente
étude sont proches de celles trouvées dans des études
antérieures (Tableaux XXVI et XXVII).
c- Le Zinc :
Dans les sédiments de surfaces analysées, les
teneurs en Zn varient entre 25,6 et 70,4 ppm (Tableau XXV). Les teneurs
mesurées restent dans la gamme de variation des teneurs moyennes en Zn
dans les sédiments marins (tableau XXVIII). Pour la plupart des stations
la teneur en Zn est assez élevée mais demeure au dessous du seuil
de contamination et de pollution (Tableau XXIX) à l'exception de HL12
où on enregistre une contamination des sédiments par le zinc
(70,4 ppm).
Zn
Fig. 50- Histogrammes de fréquences des teneurs
en Zn (en ppm) dans les sédiments
des stations étudiées
L'origine de la contamination de l'alvéole HL12 par Zn
serait probablement les rejets de la zone industrielle de Ben Arous-Jbel Jloud
et le lessivage par les eaux de pluies des terrains
116
agricoles avoisinants qui utiliseraient le zinc dans les
insecticides (Fig. 4). Ces rejets contaminés par le Zn seraient
déversés dans la mer par le biais de l'oued Méliane. Les
particules fines renfermant du Zn seraient emportées par un
éventuel transit sédimentaire Nord-Est vers la partie sud du
golfe. La matière organique (laisses de posidonies) accumulée
dans l'alvéole semble avoir un rôle important dans la fixation des
métaux lourds.
La teneur mesurée au niveau de Solimar plage SP (43,4
ppm) est relativement importante. La présence de Zn dans cette
alvéole est tributaire d'un apport terrigène de sédiments
fins renfermant du zinc provenant de l'oued Soltane. En effet, on a
détecté une teneur assez élevée de cet
élément dans les sédiments de l'embouchure de l'oued
Soltane dont l'origine serait probablement la zone industrielle de Borj
Cédria et les activités agricoles (sels de zinc en insecticides)
(Zeggaf-Tahri, 1993).
La morphologie des alvéoles (milieux semi
fermés), le faible hydrodynamisme, l'accumulation de matière
organique (laisses de posidonies) et la texture fine des sédiments
semblent favoriser l'accumulation du Zn dans ces milieux. Ces alvéoles
semble être des zones pièges pour le Zn.
On a relevé la plus faible teneur en Zn dans les
sédiments de la sebkha de Soliman (Fig. 50). Ceci montrerait peut
être que soit la décantation des particules fines riches en Zn,
provenant des rejets de la ville de Soliman, se fait à
l'intérieure de la sebkha vue la faible circulation d'eau et la nature
argileuse du fond, soit que la majeur partie du Zn est éliminée
par les traitements des stations d'épuration (STEP) situées sur
l'oued El Bey (Fig. 4).
Comparées aux valeurs mentionnées dans des
études antérieures (Tableaux XXVI et XXVII), les teneurs en zinc
enregistrées dans notre secteur d'étude demeurent presque
similaires.
d- Le manganèse :
Les teneurs en Mn dans les sédiments superficiels, de
la frange littorale étudiée, sont comprises entre 186,7 et 611
ppm (Tableau XXV). Ces valeurs restent dans la gamme des teneurs moyennes en Mn
enregistrées dans les sédiments marins (Tableau XXVIII).
Les sédiments de surfaces des alvéoles HL12,
HL78 et SP semblent être le siège d'accumulation du Mn (Fig. 7).
En effet, les teneurs les plus élevées ont été
enregistrées dans ces stations notamment au niveau de l'alvéole
de Solimar plage (611 ppm) ce qui illustre l'influence des facteurs
hydrodynamiques et physico-chimiques (pH élevé) au niveau de ces
stations (Fig. 51).
117
Les faibles teneurs dans les sédiments de l'embouchure
de l'oued Soltane (186,7 ppm) témoigneraient d'un apport
terrigène provenant de l'oued pauvre en manganèse.
Mn
700 600 500 400
300 200 100
0
|
|
|
stations
|
Fig. 51- Histogrammes de fréquences des teneurs en
Mn (en ppm) dans les sédiments
des stations étudiées
Au niveau de l'embouchure de sebkha de Soliman la teneur en Mn
est relativement importante (261,3 ppm). L'origine du Mn dans la sebkha serait
probablement les rejets de la zone industrielle de Soliman et des eaux
usées de la ville de Soliman (Fig. 4).
Dans le secteur d'étude, l'activité industrielle
semblerait être à l'origine de l'augmentation du manganèse
dans le milieu.
Les teneurs en Mn enregistrées dans la présente
étude sont très proches de celles trouvées par
Zeggaf-Tahri (1993) (72 - 626 ppm).
e- Le chrome :
Les teneurs en chromes varient peu dans les sédiments
de surface du secteur d'étude (25,933,8 ppm) à l'exception de
l'alvéole de Solimar plage SP où la teneur en Cr (76,7 ppm) est
relativement élevée (Fig. 52).
Toutefois les valeurs mesurées se situent dans la gamme
de variation des teneurs moyennes en chrome dans les sédiments marins
(tableau XXVIII). Ces teneurs témoignent d'un milieu dont les
sédiments ne sont pas contaminés par le Cr.
Les teneurs en Cr mesurée dans HL12 et HL78 sont
faibles et respectivement 33,8 et 25,9 ppm. Le chrome détecté
dans la région de Hammam lif semble provenir de la zone industrielle de
Ben Arous. Les rejets riches en Cr seraient déversés, par le
biais de l'oued
118
Méliane, dans la mer au niveau de Rades (Fig. 4). Les
particules fines renfermant du Cr seraient probablement emportées soit
par les courants de retour vers le large soit par un éventuel transit
sédimentaire ,qui dérivent vers le Sud-Est favorisé par
les vents N-NW dominants en hiver, vers la frange littorale Sud du golfe de
Tunis jusqu'à Hammam lif.
Cr
100 80 60 40
20
0
|
|
|
teneur (ppm)
|
Fig. 52- Histogrammes de fréquences des teneurs
en Cr (en ppm) dans les sédiments
des stations étudiées
La teneur la plus élevée en chrome a
été enregistrée dans les sédiments de surface de SP
(76,7 ppm) (Fig. 53). L'alvéole de Solimar plage semble être une
zone piège pour le Cr vue la texture fine des sédiments aux
alentours des brise-lames, l'accumulation de la matière organique
(algues et feuilles de posidonies) et l'absence de remise en suspension des
particules fines à cause du faible hydrodynamisme.
La teneur en Cr enregistrée au niveau de l'embouchure
de l'oued Soltane est de l'ordre de 33,1 ppm. L'origine du chrome dans cette
station serait vraisemblablement les industries de traitement de surface et de
textile de la zone industrielle de Borj Cédria qui rejetteraient
d'importantes quantités de Cr dans la mer par le biais de l'oued
Soltane. Cet oued semble être une source importante du chrome dans la
frange littorale comprise entre Borj Cédria et Soliman plage.
La teneur en Cr enregistrée au niveau de l'embouchure
de la sebkha de Soliman est de l'ordre de 30 ppm. Le Cr détecté
serait issu probablement des industries de textile de la ville de Soliman et
des rejets des eaux usées de l'ONAS dans la sebkha.
En comparaison avec des valeurs trouvées par
Zeggaf-Tahri (1993) dans la baie de Tunis, les teneurs enregistrées dans
la présente étude sont considérés comme faibles.
tts
119
f- Le nickel :
Les teneurs en Ni enregistrées sont largement
inférieures aux normes tunisiennes relatives au Ni (INNORPI, 1989a) qui
est égale à 2 mg/l (66,6 ppm) et sont de loin au dessous des
valeurs trouvées par Added et al., (2003) au large du golfe de Tunis
(Tableau XXVII). Les sédiments du secteur d'étude ne sont pas
contaminés par le Ni (Fig. 53).
Ni
stations
Fig. 53- Histogrammes de fréquences des teneurs en
Ni (en ppm) dans les sédiments des
stations étudiées
On n'a détecté le nickel que dans les
sédiments des points de rejets. Ce qui indiquerait l'origine
terrigène du nickel dans la frange littorale étudiée. Au
niveau de l'embouchure de l'oued Soltane et de sebkha de Soliman, les
sédiments de surface, de nature argileuse (vase), retiennent les
métaux lourds notamment le nickel.
Les faibles teneurs enregistrées au niveau de
l'embouchure de l'oued Soltane (8,1 ppm) et de l'embouchure de sebkha de
Soliman (1,7) s'expliqueraient par le fait que les rejets terrigènes qui
se déversent dans le secteur sont probablement pauvres en Ni. En effet,
ce métal est éliminé en grande partie par les processus de
traitement au niveau des stations d'épuration (Ben Charrada, 1997).
Les teneurs en Ni mesurées dans les sédiments de
HL12, HL78 et SP sont négligeables.
120
|