SECTION II: LES OBSTACLES CONJONCTURELS
Les obstacles peuvent être entendus comme les
difficultés qui empêchent d'agir. Il s'agit alors de frein
à l'action du Cameroun d'appliquer les instruments juridiques
internationaux de lutte contre les changements climatiques. Ces obstacles sont
conjoncturels. Leur particularité réside au fait qu'elles sont
favorisées par les circonstances qui prévalent à un moment
donné. Leur survenance ne dépend pas toujours de la
volonté des acteurs en présence. Néanmoins, ces obstacles
influencent considérablement l'application des engagements du Cameroun
à l'international en matière climatique. L'influence de ces
obstacles est-elle de nature à saborder l'application par le Cameroun
des instruments internationaux de lutte contre les changements climatiques ?
La réponse à cette question n'est pas
aisée. En effet, malgré quelques obstacles conjoncturels, le
Cameroun continue d'appliquer les instruments juridiques internationaux de
lutte contre les changements climatiques. Il convient cependant, de faire une
analyse obstacles conjoncturelles à l'application par le Cameroun en
étudiant d'une part les obstacles socio-économiques (Paragraphe
I) et d'autre part les obstacles sécuritaires (paragraphe II).
Paragraphe I : Les obstacles socio-économiques
Il s'agit des éléments économiques (A) et
sociaux (B) susceptibles d'entraver la réalisation par le Cameroun des
engagements internationaux sur la lutte contre les changements climatiques.
A. Les obstacles économiques
Le Cameroun est un pays en développement, à un
moment donné très pauvre et très endetté.
Après la chute du prix du baril de pétrole dans les années
1970, une grave crise économique s'était emparée des pays
africains, dont le Cameroun. Cette crise a plongé le pays dans un
endettement asphyxiant. Au cours de cette période, le pays s'est
désengagé de plusieurs secteurs. Ainsi, l'Etat n'a plus fait des
investissements dans certains domaines considérés à
l'époque non prioritaires. C'est le cas du secteur
météorologique où certaines stations-météo
sont laissées à l'abandon. De plus, incapable de les
rénover, ces stations sont tombées dans l'obsolescence. Par
ailleurs, le remplacement des ressources humaines atteintes par la limite
d'âge de la retraite ou encore décédées n'a pas
suivi. Ce n'est qu'après 2010 que les recrutements ont eu lieu au sein
du service de la météo.
Cette crise économique était grave d'autant plus
qu'il était difficile pour le Cameroun de payer les salaires des
fonctionnaires et des agents de l'Etat. La réalisation des projets
portant sur l'application sur les instruments juridiques internationaux
relatifs sur les changements climatiques n'était pas évidente au
regard du coût élevé de ces projets.
De surcroît depuis 2008, la crise financière a de
nouveau frappé. Cette fois, l'Occident a été frappé
de plein fouet. Si l'impact de cette crise n'a pas eu la même ampleur
dans des pays comme le Cameroun, en revanche, que l'impact sur le portefeuille
des partenaires du
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Cameroun a eu une incidence sur l'aide aux pays en
développement. De fait, le montant des enveloppes consacrées
à l'assistance des pays du tiers-monde a subi un coup de manière
générale. Cela n'épargnerait pas le financement de
l'application des instruments juridiques relatifs à la lutte contre les
changements climatiques.
Par ailleurs, la chute du cours de carbone se présente
comme un obstacle. En réalité, le marché carbone
s'avère écologiquement rentable. Il l'est moins
économiquement. Ce marché est avant tout du business,
les Etats, les entreprises qui ont investi dans les MDP par exemple attendent
un retour sur investissement. C'est le cas D'HYSACAM, société de
droit camerounais, qui a investi plus de six milliards de F.CFA pour la
réalisation de deux centrales de captage du biogaz à Douala et
Yaoundé. Cette opération sur investissement colossal n'a pas pu
dégager les bénéfices escomptés. Ceci serait
difficile car le prix du carbone a chuté. De fait, selon un article du
journal Le Monde du 21 janvier 2013, il en ressort que le cours du carbone
avoisinait 35 Euros la tonne en 2008. Il serait tombé sous 10 euros la
tonne depuis 2011, et se situerait sous la barre de 05 Euros en 2013. A ce
rythme, le programme de MDP perd en attractivité. En novembre 2015,
selon le site Novothic, le cours du carbone se situerait à 08
euros.
Après avoir vu les obstacles économiques, on va
maintenant aborder les obstacles sociaux.
B. Les obstacles sociaux
L'application des textes juridiques internationaux de lutte
contre les changements climatiques fait face à des obstacles sociaux.
Parmi ces obstacles, on peut évoquer la pauvreté, la croyance en
la responsabilité historique de l'Occident sur les changements
climatiques et l'ignorance des populations.
Pour ce qui est de la pauvreté, le Cameroun est un pays
pauvre. De ce fait, selon les termes du DSCE, sur plus de 17,9 millions
d'âmes qu'il comptait en 2007, 7.1 millions étaient pauvres. Cette
situation n'a d'ailleurs pas beaucoup évolué, malgré
l'objectif n°1 des OMD qui visait à réduire de 2001 à
2007 le taux de pauvreté de 40.2% à 39.9%. Cet état de
pauvreté comporte de nombreuses conséquences que le gouvernement
camerounais est tenu d'enrayer. Il s'agit par exemple des questions de
chômage, d'alphabétisation, de santé, etc. Dès lors,
il devient difficile pour le Cameroun de supporter les charges qui
découlent de l'application des textes internationaux de lutte contre les
changements climatiques, ce malgré toute sa volonté. Cette
situation est d'autant plus compliquée que la pauvreté et les
changements climatiques sont intimement liés. De fait, la
pauvreté est à la fois cause et conséquence des
changements climatiques et vice versa. Car les changements climatiques
concourent à aggraver les vulnérabilités des pauvres face
aux dérives des changements climatiques. Ces
vulnérabilités sont d'ordre économique, écologique
voire politique.
Par ailleurs, la pauvreté entraîne une autre
situation d'obstacle pour la lutte contre les changements climatique : celle de
l'ignorance des enjeux climatiques. Parmi les obligations qui incombent aux
acteurs de lutte contre les changements climatiques, il y a celle
d'éduquer, de sensibiliser et d'informer les populations sur les
changements climatiques. Cette tâche
n'est pas très aisée, en premier lieu à
cause de l'arsenal technique qu'une telle opération peut
entraîner. Ensuite, une autre difficulté relève de la
situation d'analphabétisme, parce qu'il existe des zones au Cameroun
où les personnes ne savent ni lire ni écrire79. Et
c'est cette couche de personnes qui présente plus de
vulnérabilité face aux conséquences des changements
climatiques. En réalité, c'est dans ces des parties du Cameroun
où sévissent les conséquences des changements climatiques.
Les conditions de vie y sont très précaires. Les enjeux
climatiques y sont méconnus, ce malgré les efforts faits par le
gouvernement et les associations environnementales.
Enfin, une partie de l'opinion considère que les pays
pauvres ne sont pas responsables des changements climatiques actuels.
D'après elle, le développement industriel que l'Occident
connaît depuis le 18ème siècle en est la cause.
Cette vision des choses a dû avoir écho au sein des forums de
négociation des textes internationaux relatifs à la protection de
l'environnement, dans la mesure où un principe comme celui de la
responsabilité commune mais différenciée semble
épouser cette logique. L'obligation faite aux pays
développés de soutenir les pays en développement dans
l'entreprise de protection de l'environnement de manière
générale en est la résultante. Selon cette opinion, les
pays en développement ne devraient donc pas être responsables des
erreurs commises par les pays développés lesquels ont d'ailleurs,
grâce à cette révolution industrielle, pris l'avance d'un
point de vue du développement. Ainsi, les projets visant
l'atténuation des GES pourraient faire face à un certain nombre
de blocages de la part des populations ou des agents chargés d'appliquer
ces instruments.
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