UNIVERSITÉ DE
NGAOUNDÉRÉ
THE UNIVERSITY OF NGAOUNDERE
FACULTÉ DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES
FACULTY OF ARTS, LETTERS AND SOCIAL
SCIENCES
SSSSSCIENCES
DÉPARTEMENT D'HISTOIRE
DEPARMENT OF HISTORY
LABORATOIRE HOMMES ET SOCIÉTÉ
LA CARTE NATIONALE D'IDENTITÉ DANS L'ADAMAOUA:
1960-2013
MAN AND SOCIETY LABORATORY
Mémoire présenté et soutenu en vue
de l'obtention du Master Recherche en Histoire
Option : Histoire Politique et Relations
Internationales
par
Jean Francis GABANA (09A547LF)
Titulaire d'une Licence en Histoire
Sous la direction de :
David MOKAM
Maître de Conférences
Année académique
2013/2014
DÉDICACE
À
mon oncle
Bétara Narma Paul ;
mes parents Ninga Tenmbar Philippe et Amina
Clémentine.
Né en 1988 à Tibati dans la Région
de l'Adamaoua, Jean Francis Gabana prépare une thèse de doctorat
Ph/D au Département d'Histoire de l'Université de
Ngaoundéré depuis mars 2015. Ses recherches actuelles sont
axées sur les questions d'identité et d'identification des
personnes au Cameroun. S'inscrivant dans le champ de la socio-histoire comme
Gérard Noiriel, Vincent Denis et Pierre Piazza, Jean Francis Gabana
consacre surtout ses recherches sur le mode d'identification de type africain
et celui de type occidental dans le but de dégager l'état-de
lieu, les enjeux et les écueils du fichage des personnes au
Cameroun.
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce travail est le fruit de la
collaboration de plusieurs personnes qui ont apporté un soutien
considérable à notre entreprise de jeune chercheur en Histoire.
Nous pensons au Professeur David Mokam qui, malgré ses multiples
occupations tant académiques que personnelles, a accepté de nous
tenir la main dans nos premiers pas dans la recherche. Il a toujours
été là pour nous prodiguer les conseils et les
encouragements. Sa rigueur dans le travail, son sens d'humanisme et la
disponibilité dont il a fait montre durant le temps de la collecte des
données et la rédaction de ce mémoire nous amène
à lui témoigner notre profonde gratitude. Les observations et les
critiques qu'il a formulées en vue de l'amélioration de la
qualité de ce travail étaient d'un apport essentiel dans notre
formation.
Nous adressons également nos remerciements à
l'endroit du corps enseignant du Département d'Histoire qui, pendant
cinq ans nous a formé. Nous exprimons notre gratitude
particulièrement aux professeurs Hamadou Adama, Taguem Fah Gilbert
Lamblin, aux Docteurs Mbengué Nguimé Martin, Abdouraman Halirou,
Fadibo Pierre, Hamoua Dalaïlou, Atoukam Liliane et Tegna Édith.
Dans le même ordre d'idées, nous
témoignons notre reconnaissance à notre grand frère Adamou
Moise, enseignant à la faculté des sciences de
l'université de Ngaoundéré. Son soutien de tous ordres a
été salutaire durant mon cursus académique. Ces
remerciements vont également à notre grande soeur Atta Sylvie,
notre petit frère Ninga Jacques Tenmbar, nos petites soeurs Belbé
Mélanie, Méiramdjo Marie Noèlle, Zimdo Pauline, Atta
Florentine, aux Familles Bétara Narma ; Samaki Pierre et Kaigama
Edjiba. Chers frères et chères dames, recevez nos sincères
remerciements pour tout ce que vous avez fait pour nous.
Nous exprimons notre profonde gratitude à Mbing Nandiba
Marianne qui a été d'un grand soutien moral pour la
réalisation de ce travail. Pour votre assistance durant les nuits
blanches, pour vos mots réconfortants et encourageants durant les
moments les plus pénibles de la recherche, trouvez dans ce travail,
Marianne, l'expression de notre amour pour vous.
Nous remercions tous nos informateurs qui ont pris les risques
de répondre à nos questions et plus particulièrement
Bétara Narma Paul, Personnel d'identification à Meiganga qui, en
plus d'avoir répondu à nos questions, a mis à notre
disposition les documents d'une grande utilité pour ce travail. Ces
remerciements vont également au commissaire de la sécurité
publique de la ville de Meiganga, Aimé Rémi Ndema qui a
apporté une collaboration franche dans la collecte des informations.
Nous remercions aussi monsieur Abbo Jean, Adjudant-chef à Yaoundé
pour le soutien moral et matériel qu'il nous a apporté durant
notre séjour à Yaoundé.
Nous pensons également à notre camarade de
classe Bel-Mboum Biya, décédé le 05 octobre 2014.
C'est également le lieu de remercier l'ensemble des
responsables des bibliothèques notamment ceux de la bibliothèque
centrale de l'université de Ngaoundéré, du programme
Ngaoundéré-Anthropos, de la bibliothèque de la FALSH et le
département d'histoire.
À nos amis Gambo Godlove Simon-Pierre, Ndommo Justin,
Tassibo Mangué Georges, Tandjong Fopa Frank, Kokôo Achille
Patrick, Bago Kaptel Dieudonné et Iya Dezane Thomas nous serons toujours
reconnaissant pour vos apports de diverses natures dans notre évolution
académique.
Toutes nos reconnaissances à nos camarades de promotion
qui durant cinq ans, nous ont apporté leur amitié et la critique
nécessaire pour améliorer la qualité de ce travail. Que
ceux et celles qui ne sont pas cités expressément dans cette
liste de remerciement et qui ont contribué dans la réalisation de
ce travail trouvent ici, l'expression de notre profonde gratitude.
RÉSUMÉ
La carte nationale d'identité dans la région de
l'Adamaoua porte sur la question de l'identification des citoyens. À
partir de 1960, année de l'indépendance du Cameroun sous
administration française, le Cameroun dans le but de sécuriser
l'identité et la nationalité, va mettre en place un
système d'identification qui est développé
progressivement. Suite à la mise en place de ce système
d'identification par le gouvernement camerounais, il y eut de vives
réactions des populations de l'Adamaoua. Les périodes 1960, 1970
et 1980 sont caractérisées par une réticence des citoyens
à l'égard de la carte nationalité d'identité dans
l'Adamaoua. Ces réactions des populations de l'Adamaoua ont amené
les pouvoirs publics à réagir en optant pour un contrôle
systématique des cartes d'identité dans les années 1990.
Cependant, à partir des années 2000, l'on constate la mise en
place d'un système d'identification biométrique qui vient
sécuriser davantage l'identité et la nationalité. Suite
à ces mesures, l'on enregistre un taux important de demande de cartes
nationales d'identité dans l'Adamaoua.
Mots clés : carte
d'identité, identité, identification, Adamaoua.
ABSTRACT
This study focuses at the issue of national identity card
in the Adamawa Region. When French Cameroon got it independence, Cameroon in
order to secure the identity and nationality, of its citizens implemented an
identification system which has evolued gradually. Following the implementation
of the identification system by the Cameroonian government, there were various
reactions of the people of Adamawa. 1960, 1970 and 1980 are characterized by
the reluctance of citizens with regard to the nationality identity card in
Adamawa. These reactions led the government to respond by opting for a routine
inspection of identity cards in the 1990s and the development of political
identification from the 2000s, with the introduction of biometric
identification system. Thanks to these measures a high rate of request for
national identity card in Adamawa was recorded.
Keywords: identity card,
identity, identification, Adamawa.
SOMMAIRE
DÉDICACE
i
REMERCIEMENTS
ii
RESUME
iv
ABSTRACT
v
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES
vi
SOMMAIRE
vi
TABLE DES MATIERES
173
LISTE DES PHOTOS
ix
LISTE DES FIGURES
x
LISTE DES TABLEAUX
xii
INTRODUCTION
GÉNÉRALE
1
CHAPITRE
1: INSTITUTIONNALISATION DE LA CARTE NATIONALE D'IDENTITÉ AU
CAMEROUN
27
I-Historique des pièces d'identité
officielles du Cameroun (1922-1960).
29
II-Institution et évolution de la carte
nationale d'identité au Cameroun de 1960 à 2007.
35
III-Avantages et inconvénients de la carte
nationale d'identité.
63
CHAPITRE
2 : ÉTABLISSEMENT DES CARTES NATIONALES D`IDENTITÉ DANS
L'ADAMAOUA.
77
I- Évolution de la structure administrative
de l'Adamaoua et la mise en place des postes d'identification.
79
II- Pratique d'identification dans l'Adamaoua de
1960 à 2013.
96
III-Les réactions des populations à
l'égard de la question d'identification.
105
CHAPITRE
3: BILAN DE L'IDENTIFICATION DANS L'ADAMAOUA ET LES DÉFIS DE LA
POLITIQUE D'IDENTIFICATION
120
I-Bilan de l'établissement des cartes
nationales d'identité dans l'Adamaoua.
121
II- Impact de l'identification dans
l'Adamaoua.
135
III-Obstacles liés À
l'établissement et à l'obtention des cartes nationales
d'identité dans l'Adamaoua.
142
CONCLUSION
GÉNÉRALE
154
SOURCES ET RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
159
ANNEXES
165
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES
AD : Adamaoua
AEF : Afrique équatoriale
française
CNI : Carte nationale
d'identité
CEMAC : Communauté
économique et monétaire de l'Afrique centrale
DSF : Délégation à
la sûreté fédérale
DGSN : Délégation
générale à la sûreté nationale
ELECAM : Elections Cameroon
IFA : Inspection fédérale
d'administration.
MA : Équipe mobile
d'identification de l'Adamaoua
ONEL : Office National des
Élections.
ONU : Organisation des nations unies
PI : Poste d'identification
RDPC : Rassemblement démocratique
du peuple camerounais
SACEL : Société
d'assistance et de conception en électronique
SDN : Société des
nations
SYSTEME SENAC : Système de la
sécurisation de la nationalité camerounaise
LISTE DES PHOTOS
Photo 1: Échantillon d'une carte de
résidence du citoyen de l'union française en métropole
3
Photo 2: carte d'identité officielle de
l'État du Cameroun délivrée le 18 juin 1960 au
commissariat spécial de Ngaoundéré.
50
Photo 3:carte nationale d'identité bilingue
délivrée en 1981 à la sous-prefecture de Tibati.
53
Photo 4: Toise en bois
56
Photo
5: prise de la taille.
56
Photo 7: Appareil photo (marque :
Polaroid).
57
Photo
6: Appareil photo et imprimante (marque : Sony).
57
Photo 8 : prise de photo.
58
Photo 9: découpage des photos.
58
Photo
10 : Prise d'empreintes digitales.
59
Photo
11 : Matériels de prise d'empreintes digitales.
59
Photo 12 : une empreinte digitale.
60
Photo 13: empreinte digitale
prélevée.
60
Photo 14: Carte nationale d'identité
informatisée.
62
Photo 15: un récépissé de
demande de carte nationale d'identité.
63
Photo 16: Poste d'identification de la ville de
Meiganga.
89
Photo 17: Poste d'identification de la ville de
Tibati.
90
Photo 18: poste d'identification de la ville de
Banyo.
91
Photo 19: les citoyens venus se faire identifier
dans un poste mobile. (Hôtel de ville de la communauté urbaine de
Ngaoundéré).
102
Photo 20: service de retrait des cartes du poste
d'identification de la ville de Meiganga (AD 07)
116
Photo 21: Distribution des cartes nationale
d'identité aux titulaires au poste d'identification de
Ngaoundéré (AD01).
117
Photo 22: cartes nationales d'identité en
souffrance dans le poste d'identification de Banyo (AD 04)
118
Photo 23: Des cartes nationales d'identité
abandonnées au poste d'identification de la ville de Tibati
119
LISTE DES FIGURES
Figure 1: Carte de localisation de la zone
d'étude.
iii
Figure 2: Carte de l'Adamaoua
78
Figure 3: carte des postes d'identification de
l'Adamaoua.
95
Figure 4: courbes représentant les demandes
de cartes dans le poste d'identification de Meiganga entre 1976 et 1978.
124
Figure 5: courbes représentant les demandes
de cartes dans le poste d'identification de Meiganga entre 1979 et 1981.
125
Figure 6: courbes représentant les demandes
de cartes dans le poste d'identification de Meiganga entre 1982 et 1984.
125
Figure 7: courbes représentant les demandes
de cartes dans le poste d'identification de Meiganga 1985 et 1987.
126
Figure 8: courbes représentant les demandes
de cartes dans le poste d'identification de Ngaoundéré entre 1976
et 1978.
128
Figure 9: courbes représentant les demandes
de cartes dans le poste d'identification de Ngaoundéré entre 1979
et 1981.
129
Figure 10: courbes représentant les demandes
de cartes dans le poste d'identification de Ngaoundéré entre 1982
et 1984.
129
Figure 11: courbes représentant les demandes
de cartes dans le poste d'identification de Ngaoundéré entre 1985
et 1987.
130
Figure 12: courbes représentant les demandes
de cartes dans le poste d'identification de Tibati entre 2001 et 2003.
131
Figure 13: courbes représentant les demandes
de cartes dans le poste d'identification de Tignere entre 2001 et 2003.
132
Figure 14: courbes représentant les demandes
de cartes dans le poste d'identification de Banyo entre 2001 et 2003.
133
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1: données administratives de la
Région de l'Adamaoua en 2010.
3
Tableau 2: répartition de la population de
la Région de l'Adamaoua 2005-2010.
84
Tableau 3: répartition des postes
d'identification de 1960 à 1995.
87
Tableau 4 : répartition des postes
d'identification dans l'Adamaoua en 2013.
92
Tableau 5: répartition des équipes
mobiles d'identification dans l'Adamaoua en 2011.
93
Tableau 6: récapitulatif de demandes de
cartes nationales d'identité du poste d'identification de
Ngaoundéré de 1976 à 1987.
127
Tableau 7: l'évolution des
inscriptions sur les listes électorales région de l'Adamaoua de
2007 au 10 juin 2011.
140
Figure 1: Carte de localisation de la zone
d'étude.
INTRODUCTION
GÉNÉRALE
I-PRÉSENTATION DU SUJET DE
RECHERCHE.
Pendant la colonisation en Afrique, les puissances
colonisatrices avaient mis sur pied un système juridique, créant
une structure de citoyenneté dont le but était la discrimination
raciale. D'un côté se trouvaient les colons européens qui
étaient des citoyens à part entière avec les mêmes
droits que les membres de leurs familles vivant en métropole. De
l'autre côté, il y avait les autochtones africains appelés
« indigènes» qui étaient des « sujets
»1(*). Ce
système juridique en vigueur pendant la colonisation était une
forme d'identification des populations dans des colonies.
L'histoire post-coloniale de l'Afrique montre combien il a
été difficile de mettre en place une politique calquée sur
le modèle occidental pour des populations qui avaient déjà
une organisation politique endogène. Les nouveaux États se sont
donc construits dans une logique de continuité et d'amplification du
modèle colonial. Les populations africaines se trouvent ainsi face aux
systèmes politiques et surtout juridiques hérités de la
colonisation en particulier le système de l'identification. Pourtant,
l'institution de la carte d'identité en Afrique s'inscrit dans une
dynamique de construction des États dans ce continent qui a
été successivement victime de la traite négrière,
du partage arbitraire et de la colonisation.
Si bon nombre d'auteurs ont abordé la question de
l'identité, de la nationalité et de la citoyenneté en
Afrique et plus particulièrement au Cameroun, l'étude sur la
carte nationale d'identité du Cameroun reste encore un domaine en
friche. C'est justement pour étudier le contexte d'apparition, les
enjeux et les obstacles à l'identification officielle que nous avons
choisi le sujet sur : « La carte nationale
d'identité dans l'Adamaoua (Cameroun) : 1960-2013
».
II-RAISONS DU CHOIX DU SUJET.
Plusieurs raisons ont guidé le choix de ce sujet.
Premièrement, ces raisons sont personnelles. En effet, lorsque nous
travaillions au poste d'identification (PI) du commissariat de
sécurité publique de la ville de Meiganga en 2010, nous avions
remarqué la réticence de certaines personnes à se faire
identifier. Toutefois, nous nous sommes rendu compte que dans le
département du Mbéré où l'on retrouve plusieurs
groupes ethniques, les Peul sont les plus nombreux à se faire
identifier. À cela s'ajoute le problème de démarchage dans
le processus d'établissement des cartes nationales d'identité
(CNI). En fait, certains citoyens, pour se faire identifier, font recours
à une personne qui assure l'intermédiation avec l'administration.
Ce sont des courtiers localement appelés
« Démarcheurs ». Ainsi, il est important de noter
que l'intermédiation dans le processus d'établissement de la
carte nationale d'identité dans l'Adamaoua crée une distance
entre l'administration et les demandeurs de la carte d'identité et pose
un problème concernant la fiabilité des informations sur
l'individu à identifier. Notre préoccupation est de comprendre
les raisons d'une telle intermédiation.
Le choix de ce sujet a aussi une motivation scientifique. Nous
avons constaté que malgré les multiples études sur les
questions d'identité, de nationalité et de citoyenneté, il
n'y a pas jusqu'ici une analyse historienne sur la carte d'identité
nationale du Cameroun en général et plus spécifiquement
dans l'Adamaoua. En étudiant son contexte d'apparition, son importance
et les différents obstacles qui plombent l'identification, ce travail
trouve sa place particulièrement dans l'histoire de l'administration au
Cameroun. Il établit précisément le lien de
causalité entre les pratiques de l'administration coloniale et
l'administration postcoloniale. Cette étude contribuera ainsi à
enrichir l'historiographie camerounaise.
III-CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE.
Dans le cadre de notre étude, l'objet est de lever un
pan de voile sur la question de la carte nationale d'identité dans
l'Adamaoua. Ainsi, comme le reconnaît J.L, Amselle., « il
est nécessaire dans tout travail épistémologique de partir
de notions empiriques pour déconstruire et reconstruire un autre espace
plus apte à rendre compte d'une réalité
donnée»2(*). Il
est donc judicieux voire impératif de définir et de circonscrire
le concept de carte nationale d'identité et les notions connexes telles
que : identité et identification.
L'étude sur la question d'identité regorge assez
de documents ou de directives pour guider les personnes
intéressées à examiner ce domaine. Du latin
Carta, la carte désigne le document imprimé officiel
constatant l'identité de quelqu'un, son appartenance à un
groupement, son inscription sur une liste.3(*) Analysant cette définition du dictionnaire
Larousse, la carte, dans ce contexte, désigne en fait le certificat
d'identité d'un individu confirmant son appartenance à un groupe
humain ou à un État. L'identité, étymologiquement
issue du latin Identitas qui dans son sens premier signifie ce qui
fait qu'une chose, est exactement de même nature qu'une autre, est le
caractère permanent et fondamental de quelqu'un ou d'un groupe4(*).
En droit, l'identité est l'ensemble de faits et de
droits, tels la date, le lieu de naissance, le nom, le prénom, qui
permettent d'affirmer qu'un individu est telle personne sans confusion possible
avec une autre.5(*) La
notion d'identité est au croisement de la psychologie et de la
sociologie mais intéresse aussi la géographie. La psychologie
conçoit l'identité comme une sorte de sentiment d'harmonie :
l'identité de l'individu est le « sentiment subjectif et tonique
d'une unité personnelle et d'une continuité temporelle
».6(*)
La notion d'identité, en sociologie, renferme toute la
problématique du rapport entre le collectif et l'individuel, le
déterminisme social et la singularité individuelle. Il n'est pas
possible à ce jour, de parler de cette notion sans évoquer les
grands courants de la sociologie qui ont des approches différentes.
L'identité personnelle « subjective », englobe des notions
comme la conscience de soi et la représentation de soi. Codol7(*), estime qu'il ne s'agit en fait
que d'une « appréhension cognitive de soi ». Elle englobe
trois caractères qui vont ensemble : « constance, unité,
reconnaissance du même ». Il ne s'agit cependant pas d'une constance
mécanique et d'une analogie réifiée, ni de
l'adhésion stricte à un contenu invariant et figé mais
d'une « constance dialectique » et dynamique impliquant le changement
dans la continuité, dans une dynamique d'aménagement permanent
des divergences et des oppositions.
Plus « objective », l'identité sociale
englobe tout ce qui permet d'identifier le sujet de l'extérieur et qui
se réfère aux statuts que le sujet partage avec les autres
membres de ses différents groupes d'appartenance (sexe, âge,
métier etc.). L'identité sociale comprend les attributs
catégoriels et statutaires qui se réfèrent à des
catégories sociales où se rangent les individus (groupes,
sous-groupes : jeune, étudiant, femme, cadre...). C'est souvent une
identité « prescrite » ou assignée, dans la mesure ou
l'individu n'en fixe pas, ou pas totalement, les
caractéristiques.8(*)
Cette identité sociale situe l'individu à l'articulation entre le
sociologique et le psychologique. Ainsi, souligne Henri Tajfel :
Le rôle joué par la catégorisation
sociale comprend les processus psychologiques qui tendent à ordonner
l'environnement en termes de catégories : groupes de personnes,
d'objets, d'évènements [...] en tant qu'ils sont
équivalents les uns aux autres pour l'action, les intentions ou les
attitudes d'un individu 9(*)
Le concept d'identité sociale développé
par Henri Tajfel10(*) en
1981, met en exergue les processus psychologiques impliqués dans le
changement social. Il intègre dans sa théorie trois processus
fondamentaux : la catégorisation sociale ; l'auto-évaluation
à travers l'identité sociale ; la comparaison sociale
intergroupe. Ceux-ci permettent d'expliquer différentes formes de
comportements groupaux. Cette théorie est devenue l'approche dominante
des relations intergroupes et est utilisée comme cadre de
référence pour comprendre et expliquer les concepts tels que la
nationalité, la citoyenneté ou la solidarité sociale. En
effet, les comportements des individus, même en situation
interpersonnelle, sont toujours en partie influencés par leur
appartenance à l'un ou l'autre groupe. De même, l'influence des
caractéristiques individuelles n'est jamais annihilée, même
dans le cadre des relations intergroupes. Néanmoins, situer les
comportements sociaux sur un continuum11(*) interpersonnel-intergroupe permet de
considérer les caractéristiques personnelles et groupales comme
deux facteurs susceptibles d'influencer une interaction entre individus, de
telle sorte qu'elle se rapprochera plus ou moins de l'un des deux pôles.
Cette approche nous permet, dans ce travail, d'analyser le comportement des
citoyens de l'Adamaoua par rapport à la question de l'identification et
de l'identité.
La théorie de « l'égo » et «
l'invention de soi » développée par Kaufmann, stipule
que :
Si on est entré dans « l'âge des
identités » et dans la nécessité de s'inventer
soi-même, ce n'est pas que les structures sociales soient devenues moins
opérantes ou moins déterminantes que par le passé sous
l'effet d'une émancipation magique du sujet, c'est plutôt que ces
structures sociales sont devenues plus contradictoires. Face à ces
contradictions, le reflet ne pouvait que se transformer en réflexion: la
construction identitaire résulte ainsi d'un travail incessant de «
réflexivité ». « Ego doit désormais fabriquer
(avec la matière sociale disponible) la grille éthique et
cognitive conditionnant son action. La construction sociale de la
réalité passe par les filtres identitaires individuels
»12(*).
Pour Kaufmann, l'identité biographique ne se
réduit pas à l'identité narrative et que les individus, du
fait qu'ils ont conscience de leurs ruptures biographiques, s'attachent moins
à raconter et se raconter « des belles histoires de vie
complètes et limpides » en déniant toute contradiction
qu'à tisser un lien entre chacune d'entre elles. Ainsi, si Kaufmann
retient de l'interactionnisme symbolique le fait que l'identité ne doit
pas être envisagée comme une substance mais comme un processus, il
refuse de réduire la trajectoire sociale à la trajectoire
biographique (ou encore à la carrière) et de négliger
le poids déterminant des cadres sociaux de la socialisation13(*).
En géographie, la notion d'identité est
majoritairement mobilisée pour étudier la relation
concrète ou symbolique des individus ou des groupes sociaux à
l'espace. La principale particularité disciplinaire de la
géographie réside dans sa capacité à
appréhender le concept d'identité dans sa dimension spatiale.
Certains géographes se sont ainsi penchés sur l'aspect
multi-scalaire de l'identité, en s'intéressant aux multiples
relations existant entre les différentes échelles identitaires,
au niveau de l'individu, de la collectivité ou encore de l'espace
mondial. Dans cette perspective, Arjun Appadurai s'est par exemple
intéressé aux phénomènes d'hybridation ethnique et
culturelle dans les conditions techno-politiques de la mondialisation14(*).
La géographie a fait un usage multiple de la notion
d'identité, dont on peut distinguer quatre acceptions principales :
l'identité numérique, l'identité sociale,
l'identité personnelle et l'identité collective. Les
géographes s'étant intéressés ainsi à la
notion d'identité, se sont saisis du concept de différentes
manières. La notion est tantôt abordée dans une perspective
essentialiste, tantôt constructiviste. Il ne s'agit pas ici de choisir
parmi ces acceptions mais de tenir compte de l'ensemble de celles-ci.
Dans son acception numérique, l'identité
répond à une perspective essentialiste. Elle est vue comme un
invariant universel : les êtres et les choses existent en soi et leur
identité ne varie pas à travers le temps15(*). Sur le plan historique, on
peut rapprocher cette acception aux recherches effectuées sur la
singularité des entités géographiques (lieux, pays et
régions) et aux conditions de leur persistance dans le temps. Si cette
manière de concevoir l'identité en géographie est
largement délaissée aujourd'hui, elle a été au
centre de la théorie du déterminisme naturaliste, une des
théories les plus anciennes et les plus répandues de la
discipline. Cette approche suggère que des entités sociales
découlent des entités géographiques, qui les inscrivent
toutes deux dans la durée.16(*)
On parle d'identité sociale en géographie
dès qu'un individu ou un groupe se voit attribuer une
caractéristique identitaire par d'autres. Cette forme d'identification
répond à une logique classificatoire dans la mesure où
elle permet à un individu ou un groupe d'ordonner l'autre sur la base de
critères dominants. Si cette catégorisation peut être
d'ordre professionnel, sexuel, ou encore générationnel, les
géographes se sont surtout intéressés à celles qui
renvoient à des logiques de localisation (les quartiers ouvriers, le
continent noir).17(*)
On pense l'identité comme un processus personnel quand
on la conçoit comme le produit d'un exercice de « conscientisation
» de soi : « ce que je pense, que je suis ». L'acception
personnelle de l'identité suggère que bien qu'elle soit
résolument collective, elle n'en reste pas moins un choix individuel, ce
qui laisse à l'individu un rôle essentiel d'acteur18(*). Si cette acception n'a
été que très peu mobilisée dans le champ de la
géographie, certains chercheurs s'en sont inspirés dans des
analyses sur le rôle des expériences des trajectoires
individuelles et des lieux et dans la construction de cette identité
personnelle. Ainsi, un lieu serait identifiable grâce au rapport qu'il a
avec le passé des individus, de la société et de
l'espace19(*).
Dans l'optique constructiviste, l'identité collective
se définit comme « le sentiment et la volonté
partagés par plusieurs individus d'appartenir à un même
groupe ». Ainsi, le groupe ne pourrait exister que si les individus le
reconnaissent comme tel20(*). L'identification collective se définit par
l'élévation au rang de symboles identitaires d'attributs comme la
langue par exemple, qui deviennent des composantes essentielles de
l'identité d'un groupe. En désignant, en combinant et en
écartant tour à tour certains attributs, le groupe est en
permanente reconstruction. Dans ce processus infini de sélection, ce
sont les cas où des référents géographiques ou des
objets matériels fonctionnent comme des marqueurs identitaires qui ont
particulièrement intéressé les géographes. On
parlera dans ce cas d'identité territoriale.
Concept issu de la géographie française,
l'identité territoriale est la modalité de l'identité
collective la plus étudiée en géographie. Les
géographes ont d'ailleurs eu tendance à systématiquement
mettre en évidence le rôle que l'espace pouvait jouer dans les
processus identitaires. On peut parler d'identité territoriale si on
s'intéresse au rapport qui existe entre une entité
géographique et les groupements humains ou les identités
collectives qui travaillent ces différents groupes. Marie-Christine
Fourny définit l'identité territoriale comme la «
modalité à partir de laquelle une société fonde la
conscience de sa singularité en la référant à un
espace qu'elle institue sien »21(*). En tant que manifestation identitaire collective,
l'identité territoriale prend dès lors forme grâce à
un rassemblement d'une quantité suffisante de gens par l'identification
des croyances personnelles à une croyance commune. L'identité
territoriale apparaît comme une forme d'identité collective dont
les attributs relèvent d'une territorialité.
Le processus de construction de l'identité nationale au
sein des États africains débute après la création
de ces États. Partout sur le continent africain, à compter de
cette période, des normes de pouvoir sont imposées aux
populations qui désormais cohabitent sur des territoires pratiquement
créées22(*).
L'État moderne se greffe ainsi sur une pseudo-entité politique et
territoriale. C'est donc cette territorialisation qui donne un sens à
l'identité nationale23(*). Cependant, la construction de l'identité
nationale au Cameroun n'est pas jusqu'à nos jours un acquis, vu les
regains d'intérêt des populations camerounaises à
s'identifier davantage à leurs ethnies qu'à la nation
camerounaise.24(*) Cet
intérêt, selon certains auteurs comme J.F. Bayart25(*), P. Gaillard26(*), J.P.Fogui27(*) ou encore P.F. Ngayap28(*) participe du fait que, le
Cameroun, bien qu'il ait réussi dans la construction de l'État, a
échoué dans celle de la nation. Ainsi, au Cameroun, le
débat sur l'identité a donné naissance au concept de
multiculturalisme. C'est en fait la reconnaissance de la diversité
culturelle du Cameroun, qu'en 1985 le colloque sur l'identité culturelle
camerounaise fut organisé29(*).Ce concept apparaît dans le contexte
camerounais de manière globalisante et plus vaste en terme spatial que
celui de l'identité ethnique ou régionale.
Nous entendons par identité dans le cadre de ce
travail, le fait, pour une personne, d'être un individu donné et
de pouvoir être légalement reconnue pour tel sans nulle confusion
grâce aux éléments (état civil,
anthropométrie) qui l'individualisent. Cette définition est
similaire au bertillonnage (système d'identification des criminels, mis
en application à partir de 1882, et fondé principalement sur
l'anthropométrie)30(*) qui, en effet, a permis le développement du
système d'identification. C'est dans ce sens que l'on peut parler
de : établir, consulter, vérifier l'identité
de quelqu'un à travers les papiers d'identité.
La politique s'est, elle aussi, emparée du sujet et de
nombreux débats ont lieu sur la notion d'identité et notamment
sur le concept de l'identité nationale. À partir des
années 1920, en France, la notion d'identité a pris une autre
dimension avec l'apparition de la carte d'identité. Sous le
régime de Vichy, la carte d'identité va devenir la preuve de
l'appartenance à une nation et sa délivrance est
particulièrement surveillée31(*). Enfin, c'est en 1955 que la carte nationale
d'identité est instaurée, elle est la première preuve de
l'identité dite formelle de l'individu par la loi. Aujourd'hui la notion
de « papiers » a pris une place centrale en politique et des groupes
se sont formés à partir de cette notion : les « sans-papiers
» par exemple. La loi française a été adaptée
et elle punit les individus qui « n'appartiennent pas » à la
nation, c'est-à-dire qui n'ont pas de papiers d'identité. Elle
punit également le fait de cacher son identité dans les lieux
publics avec la récente loi interdisant le port de la
burqa32(*). La
notion d'identité en politique est centrale, et nous verrons à
travers ce travail l'importance du rôle des pouvoirs publics dans la
question identitaire.
Dans le cadre de ce travail, la carte nationale
d'identité est un document officiel qui permet à une personne
physique de prouver son identité. C'est une pièce de la vie
civile délivrée par l'État camerounais permettant
d'identifier la personne qui en est détentrice. Elle permet à son
titulaire de certifier de son identité. L'identité personnelle et
l'identité comme instrument politique peuvent être
rapprochées. En effet, l'identité de papier est souvent confondue
avec l'identité personnelle puisque les papiers d'identité sont
devenus incontournables dans notre société. La carte nationale
d'identité est un objet que la majorité des Camerounais
possèdent et elle est aujourd'hui incontournable dans notre vie de tous
les jours. Elle sert de document de base pour la confection des listes
électorales, des opérations bancaires et de conscription. Elle
est également synonyme du droit à la nationalité, à
la citoyenneté, au vote etc.
C'est à la fin des années 1990 que la carte
d'identité va être informatisée puis
sécurisée à l'aide de différentes techniques telles
que : le filigrane, les dégradés de couleur, un graphisme
confectionné par ordinateur, etc. En un peu plus de dix ans, le
gouvernement est parvenu à se doter d'un dispositif d'identification des
Camerounais de plus en plus important. Progressivement unifiée, la carte
nationale d'identité est aujourd'hui un moyen efficace pour
vérifier l'identité des individus. De ce qui
précède, il est important de noter que, les pratiques en vigueur
varient d'un pays à l'autre et ont évolué selon le
contexte historique propre à chaque pays.
La première forme d'identification remonte, selon Stya
Swarrio et Livingston33(*)
à l'Égypte ancienne. Cette forme de document d'identité
était en effet l'état-civil qui apparaît aux environs des
années 1250 avant Jésus-Christ. C'était un document mis
sur pied sous le règne du pharaon Ramsès II à des fins de
fiscalité et de recrutement des jeunes pour le service militaire.
L'identification des personnes durant l'Antiquité et le
Moyen Âge en Europe est régie principalement par la «
reconnaissance interpersonnelle ». Progressivement, les pouvoirs centraux
instaurent un état-civil, voulant connaître leurs ressources
humaines pour des questions de fiscalité, de police et pour lever des
troupes militaires. Ce système d'identification, basé sur
l'état-civil, est notamment tenu par l'Église au niveau du
registre paroissial34(*).
Au XVIIIe siècle, alors que la justice royale se
substitue à la justice divine, se développent les papiers
d'identité : sauf-conduit, extrait baptistaire, laissant place
progressivement au passeport qui sert au contrôle par la
maréchaussée des « classes dangereuses » (vagabonds et
mendiants, registres de déserteurs, carnets sanitaires lors de grandes
pestes, étrangers et ouvriers), parallèlement à l'essor du
bertillonnage et de la dactyloscopie35(*).
La carte nationale d'identité existe dans tous les pays
de l'Union européenne sauf au Danemark et au Royaume Uni, où il
existe un registre de la population, et en Irlande. À l'exception de
l'Italie, de l'Autriche et de la Lituanie, les pays qui ont institué la
carte d'identité ont rendu sa détention obligatoire. Au Portugal,
une seule carte d'authentification (personnelle et unique) tient lieu de carte
nationale d'identité, de carte de sécurité sociale, de
carte de santé, de carte de contribuable et de carte
d'électeur.
Les premières traces de papiers permettant de prouver
l'identité en France apparaissent au XVe siècle. Ce sont des
«passeports» ou «sauf-conduits» qui permettent souvent aux
marchands et aux voyageurs de prouver leur identité durant leurs
déplacements. Ils sont établis en général sur des
feuilles volantes délivrés par des juges, des curés ou des
secrétaires d'État. Ce n'est qu'en 1539 que l'édit de
Villers-Cotterrêts renforcé en 1579 par l'ordonnance de Blois rend
obligatoire la tenue de registres baptismaux, de mariages et de
sépulcres et servent à prouver l'identité d'un individu.
Mais le système d'identification reposait encore essentiellement sur la
reconnaissance orale par des tiers, notables en général, de la
commune où réside l'individu.36(*)
C'est en 1921 que le préfet du département de la
Seine, Robert Leullier, instaure la première carte d'identité
française pour remplacer la pratique qui exigeait la présence de
deux témoins pour toutes démarches. Marquant une étape
décisive dans la rationalisation et l'uniformisation des pratiques
étatiques d'encartement des citoyens, le succès de cette carte
fut mitigé : des problèmes d'ordre matériel ralentissent
sa mise en place, la presse de gauche condamne la prise de l'empreinte digitale
qui assimile le citoyen au délinquant37(*). Bien que le préfet Leullier projette de la
rendre obligatoire, elle ne reste que facultative.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, avec la loi du
27 octobre 1940, le gouvernement de Vichy reprend l'idée, la
développe et, à la suite des mesures antijuives, la rend
obligatoire et l'étend en 1943 à toute la France38(*). Après la grande
guerre, la carte d'identité disparaît partiellement et avec le
décret n°55-1397 du 22 octobre 1955, elle devient facultative sur
tout le territoire français incluant alors l'Algérie. En
décembre 1995, la carte dite « sécurisée »,
prévue par un décret du 19 mars 1987, est
généralisée et devient gratuite le 1er septembre 1998.
En Afrique, il est hasardeux et même
démesuré de soutenir qu'il existe un document d'identité
avant la colonisation. Néanmoins, il existait un système
d'identification des personnes soit par caste, ethnie, par le lieu de
provenance (région, royaume etc.) et par généalogie. Le
système d'identification a donc été introduit à
partir du XIXème siècle notamment sous l'impulsion
européenne. L'administration coloniale française, pour
contrôler les déplacements, prélever l'impôt de
capitation sur les « indigènes », prendre des
mesures judicieuses contre des épidémies, des maladies et
procéder au recensement de la population, développa le
système d'identification, notamment l'état-civil en multipliant
les centres d'état-civil au Cameroun. L'état-civil était
une sorte de document d'identité permettant d'identifier les
indigènes. Après les indépendances, plusieurs pays
africains se sont arrimés au système d'identification dit
« moderne » en instituant la carte identité. Une
manière d'imiter les États modernes de l'occident qui, en
concevant l'idée de l'identification de leurs populations, ont tenu
compte du contexte social, politique et économique de leurs pays
respectifs. Ainsi, la carte d'identité telle qu'elle est aujourd'hui
dans les différents États africains, reste un plagiat de celle
des Occidentaux. L'Afrique, continent où l'on retrouve une
diversité de cultures, se trouve face à une identification
étrangère « moderne ». En fait, le
problème que nous voulons aborder ici est celui du système
d'identification européen dans une Afrique régie par des
ensembles traditionnels. En clair, nous voulons traiter de la question de
l'acceptation de la carte d'identité nationale dans l'Adamaoua ;
car elle se situe dans un contexte beaucoup plus spécifique où
elle semble ne pas avoir vocation. Par ailleurs, l'existence de la carte
d'identité dans la majorité des pays africains a
été concrétisée par des productions
législatives en la matière réglementant son organisation,
ses caractéristiques, son fonctionnement etc.
IV-CADRE GÉOGRAPHIQUE ET HUMAIN.
Le cadre géographique et humain, retenu pour cette
étude est la Région de l'Adamaoua. Le choix de cet espace
géographique n'est pas fait de façon fortuite car, l'Adamaoua
est l'une des Régions du Cameroun, la troisième par sa taille.
Elle compte cinq départements depuis 1983 et est frontalière du
Nigeria à l'ouest et de la République Centrafricaine à
l'est. C'est aussi l'une des Régions où l'on retrouve,
jusqu'ici, des citoyens réticents à l'égard de la question
d'identification. Par ailleurs, c'est également une Région qui
accuse un retard en matière d'infrastructures administratives.
L'évolution de la structure administrative a favorisé le
développement de la politique d'identification. Ceci s'est traduit dans
les faits par la création des postes d'identification dans les
unités administratives et la mise sur pied des équipes mobiles
d'identification dans l'Adamaoua.
En outre, dans la Région de l'Adamaoua, se côtoient
divers groupes ethniques. Ainsi, on y rencontre les Gbaya, les Mbum, les
Vouté, les Dii, les Nkonja, les Ndoro, les Suga, les Mambila, les Tikar,
les Kali, les Kutin et les Peul. À ces groupes dit autochtones,
s'ajoutent les Bamiléké, les Bamoun, les Béti, les Nso'o,
les Sawa et les Mbamois venus du Sud Cameroun. On note aussi la présence
des Toupouri, Fali, Mafa, Moufou, Kapsiki, Massa, Mousgoum, Moundang et
Kotoko.
V-CADRE CHRONOLOGIQUE.
L'historien Joseph Ki-Zerbo39(*) affirmait : « L'historien qui veut remonter le
passé sans repère chronologique ressemble au voyageur qui
parcourt dans une voiture sans compteur, une piste sans borne
kilométrique ». Ce travail s'inscrit dans la fourchette
chronologique allant de 1960 à 2013.
1960 est la borne chronologique amont de notre thème.
Elle correspond à l'indépendance du Cameroun sous administration
française. En effet, en 1959 le Cameroun français par un nouveau
statut d'autonomie interne n'était plus représenté dans
les assemblées françaises et avait tous les pouvoirs de
législation, d'administration et de juridiction. La même
année et par ce même statut, la nationalité camerounaise
fut reconnue sur le plan international. Ainsi, lorsque le Cameroun sous
administration française accéda à l'indépendance le
1er janvier 1960, l'accord de tutelle approuvé par
l'assemblé générale des nations unies le 13
décembre 1946 cessa d'être en vigueur41(*). C'est dans cette situation
que le Cameroun sous administration française indépendant en 1960
et reconnu comme territoire souverain, institua la toute première carte
d'identité baptisée sous le nom de « carte
identité officielle ».
2013 qui est la borne chronologique aval, est l'année
de la double élection (municipale et législative) au Cameroun. En
fait, dans l'optique d'établir les listes électorales
biométriques et de permettre ainsi à tous les Camerounais ayant
atteint l'âge de voter de prendre part au vote, le Président de la
République a rendu la délivrance de la carte nationale
d'identité gratuite.
VI-INTÉRÊT DU SUJET.
L'identification dans les sociétés et les
communautés contemporaines de par le monde est d'une importance notoire.
Elle constitue l'expression de la culture qui est traduite sous diverses formes
selon l'espace, la communauté, le contexte etc. Pour ce qui est de
l'Afrique et singulièrement du Cameroun, la culture de l'oralité
prédomine dans les sociétés qui le composent,
l'avènement de l'identification de type occidental sous l'impulsion du
colonisateur a permis globalement d'uniformiser les référentiels
identitaires des personnes ; donc dans un premier temps à dresser
l'état-civil et dans un second temps à établir la carte
d'identité d'une personne. La carte d'identité traduit ipso
facto l'identité de son détenteur. Dans cette perspective,
la carte d'identité occupe une place importante dans la
société. Comme l'a si bien fait Pierre Piazza42(*) en France, l'on pourrait
écrire l'histoire du Cameroun à partir de la carte
d`identité. L'intérêt de mener une étude sur la
carte d'identité nationale est évident parce qu'il n'existe nulle
part une synthèse scientifique produite sur la question de la carte
d'identité dans l'Adamaoua. Le travail produit représente alors
une nouvelle piste de recherche dont l'importance sur le plan historiographique
est notable. Notre souci est de mettre à la disposition de la
communauté scientifique, un document relatif à la structure,
à l'organisation et au fonctionnement de la carte d'identité
nationale du Cameroun. Les productions scientifiques sur la carte nationale
d'identité du Cameroun demeurent parcellaires à cause de manque
de sources.
Au plan fonctionnel, la carte nationale d'identité
constitue l'un des moyens les plus efficaces de contrôle de
l'État. Elle aide non seulement à identifier les
disparités géographiques, sociales et ethniques, mais surtout
à lutter contre l'insécurité. En effet, la carte nationale
d'identité permet de contrôler la mobilité humaine à
l'intérieur du territoire national, de contrôler les
entrées, les sorties et de sécuriser la nationalité. Elle
est un outil qui permet de limiter l'immigration clandestine.
Ce travail étudie la carte nationale d'identité
qui, à notre avis a des implications sociales, économiques,
culturelles et politiques évidentes sur l'histoire du Cameroun. Le
gouvernement camerounais y trouvera certainement des éléments de
réponse positifs à son souci de canaliser les énergies de
tous aux efforts du développement national. Des actions concrètes
pourraient être développées par le gouvernement camerounais
pour améliorer davantage les conditions d'établissement des
cartes nationales d'identité. Il met à la disposition de la
délégation générale de la sureté nationale
(DGSN), de l'institution chargée de l'organisation de élections
au Cameroun (ELECAM)43(*),
des organismes nationaux et internationaux un ensemble de connaissances
théoriques susceptibles de motiver une restructuration de leurs
programmes et de leurs méthodes d'intervention ainsi qu'une
réorientation de leur action sur le terrain. Ainsi, la
délégation générale à la sureté
nationale chargée de l'identification au Cameroun trouvera son compte
dans ce travail, dans le cadre de la sensibilisation de la population qui
jusqu'ici est encore ignorante et réticente à l'identification.
La carte nationale d'identité est un outil important dans une
démocratie bien implantée. Les listes électorales sont
établies à partir de celle-ci. La crédibilité, la
transparence, la prévention des fraudes électorales et la
possibilité pour tous les citoyens de participer à la vie
politique passent nécessairement par l'obtention de cette pièce
officielle.
VII-REVUE DE LA LITTÉRATURE.
Plusieurs chercheurs ont consacré des travaux à
la question de l'identification et ont également traité de la
pièce d'identité dans différents pays. Nous avons eu
recours à certains de leurs écrits pour nous imprégner de
ce qui a été déjà fait par rapport à ce
travail. Certes, ces auteurs n'ont pas spécifiquement orienté
leurs études sur la carte nationale d'identité au Cameroun, mais
la documentation disponible est d'un intérêt certain.
Les auteurs se sont intéressés à la
naissance de la pièce d'identité. Chiara Lucrezio44(*) Monticelli analyse de fond en
comble la naissance de l'identification en France. Ainsi, Chiara précise
le contexte de l'avènement de l'identification en France tout en
démontrant l'influence du XVIIIe siècle comme tournant historique
pour l'identification en France notamment avec des techniques et des
instruments d'identification individuelle encore inédits. Toutefois,
l'auteur fait une sociologie des identificateurs, étudie les pratiques
d'identification et analyse les comportements sociaux face au système
d'identification en place.
Pierre Piazza45(*), à partir de l'exploitation de très
nombreuses archives publiques souvent inédites, cerne, dans une
perspective historique accordant une large place au régime de Vichy, les
enjeux politiques et identitaires qui ont accompagné la mise en oeuvre
en France d'une nouvelle procédure d'encartement
généralisé des citoyens au travers de la diffusion de la
carte nationale d'identité. Retraçant le
long processus d'institutionnalisation de ce document, il décrit avec
précision le rôle déterminant joué par certains
acteurs dans la rationalisation des techniques et des dispositifs
d'identification mobilisés par les pouvoirs publics. L'accent est encore
mis sur les réactions, les débats et les multiples formes de
résistances qu'ont suscitées les différentes entreprises
étatiques d'encartement des nationaux.
Nicolas Mariot et Claire Zalc46(*) s'intéressent également à
l'identification telle qu'elle fut mise en oeuvre par le régime nazi et
ses collaborateurs, mais en prenant pour « objet » les
résidents juifs de la ville de Lens, sous-préfecture du
Pas-de-Calais, durant la Seconde Guerre Mondiale. Au cours d'une enquête,
les deux chercheurs montrent que la déclaration constituait une
étape nécessaire à l'identification des Juifs comme tels
par les autorités, mais que beaucoup parmi les personnes
concernées s'y sont finalement soumis. Comme si elles avaient
intégré le fait de ne pas se dire juif ne pouvait en rien les
prémunir contre la stigmatisation et les déportations.
L'essor des papiers d'identité est donc indissociable
de celui de la mobilité. C'est ce que la contribution de Vincent
Denis47(*) vient
confirmer. Celui-ci revient en effet sur l'importance que revêt la
« nébuleuse » de leurs papiers pour les pauvres au
XVIIIème siècle. Vincent Denis rappelle en effet l'importance de
la répression policière vis-à-vis du vagabondage et de la
mendicité. Les papiers remplissent en effet, selon leur nature, deux
fonctions principales : marquer l'appartenance à une
communauté et l'autorisation de circuler.
Dans un article particulièrement édifiant, Ilsen
About48(*) retrace pour
sa part l'essor de la gestion policière de l'immigration en France, qui
s'est essentiellement déroulée durant l'entre-deux-guerres. C'est
en effet à partir de 1917 que les étrangers installés dans
l'Hexagone sont tenus de détenir une carte d'identité, une
décision du ministre de l'intérieur qui entraîna
corrélativement la généralisation d'une pratique devenue
aujourd'hui générale : les contrôles
d'identité. Ilsen About retrace ainsi les multiples modifications de la
réglementation en la matière : dans la durée et les
conditions de délivrance, notamment le montant de la taxe à
acquitter pour sa délivrance ; du document, les différentes
couleurs que pouvaient revêtir le document, matérialisation de la
hiérarchie qui s'établissait - déjà- aux yeux des
autorités selon l'origine géographique et le secteur
d'activité du porteur.
Marie-Annick Mattiolli49(*), abordant la question de l'identification en
Grande-Bretagne, analyse le projet d'une introduction de la carte
d'identité en Grande-Bretagne énoncé dans le manifeste du
New Labour en 2005. En fait, Mattiolli commence par rappeler
l'origine, en évoquant notamment les deux premières cartes
d'identité qui ont vu le jour pendant les périodes de guerre,
entre 1915 et 1919 pour la première et entre 1939 et 1952 pour la
suivante, et, plus récemment, les diverses évocations de cartes
d'identité depuis les années 1980. Ensuite elle décrit les
principales caractéristiques de cette carte, qui permettent selon
l'auteur de mettre en relief les objectifs que cherche à atteindre le
gouvernement travailliste avec notamment, la réintroduction de papiers
d'identité sur le territoire britannique.
Dans son ouvrage, Gérard Noiriel50(*) pose logiquement le cadre
général, expliquant tout d'abord que l'identification
représente un nouveau paradigme en sciences sociales, succédant
à celui de l'identité, tel qu'il a pu être
développé notamment par l'analyse structuraliste. Après
avoir rappelé l'apport décisif de la philosophie en la
matière, Gérard Noiriel explique en quoi le passage de la
communication orale à celle écrite comme fondement de la culture,
ainsi que l'allongement des chaînes d'interdépendance mis en
évidence respectivement par l'anthropologue et le socio-historien, ont
constitué les facteurs décisifs pour expliquer le
développement du souci étatique d'identifier les individus
circulant sur son territoire.
Ces ouvrages nous sont utiles car, d'emblée, les
auteurs dressent un état ponctuel, aussi complet et précis,
servant ainsi une grille de lecture pour comprendre l'identification dans son
évolution et ses caractères en Europe.
Outre ces ouvrages généraux et européens,
d'autres présentent pour ce travail l'intérêt de se pencher
sur la question de l'identification en Afrique et surtout au Cameroun. Le
juriste camerounais s'est penché sur la question de l'identification
notamment l'état-civil. Siméon Ombiono51(*) fait un essai de
présentation des dispositions légales ayant trait à
l'homme. Comme le remarque si bien l'auteur lui-même, il ne s'agit pas
d'un recueil exhaustif car, ce sont des lois héritées de la
colonisation française et anglaise qui ne collent pas avec le contexte
et les réalités locales camerounaises. Dans son article sur les
noms et prénoms en Afrique, Siméon Ombiono52(*) relève, dans une
perspective juridique que, sur le continent, le nom a de fonctions multiples.
Il permet d'individualiser la personne, de le classer dans une famille à
laquelle elle se rattache et de le situer dans l'histoire.
Emboitant le pas au droit, la sociologie et l'anthropologie
à travers les auteurs tels que Clémentine Faik-Nzuji53(*)abordent la question des noms
et prénoms contenus sur les fiches d'identification. Elle examine les
différentes circonstances d'attribution des noms et leurs significations
dans la société.
Henri Tajfel54(*) s'intéresse à l'identité
sociale. Il s'interroge sur le contexte amenant les individus à adopter
des comportements intergroupes. Selon Tajfel, le contexte social et
l'identification au groupe sont à la base des comportements et conflits
intergroupes. Il pense que la catégorisation sociale est aussi un outil
de définition de soi. Elle définit la place de l'individu dans la
société. Dans cette optique, les groupes sociaux offrent à
leurs membres une identification d'eux-mêmes au niveau social. C'est en
ce sens qu'il définit l'identité sociale comme les aspects
de l'image de lui-même d'un individu qui proviennent des
catégories sociales auxquelles il perçoit qu'il
appartient.
Turner55(*)et al. s'interrogent sur les circonstances dans
lesquelles un individu est capable de se comporter comme membre d'un groupe.
Dans cet ouvrage, chaque individu se classe dans un groupe dans lequel se
trouvent des références qui lui semblent identiques, similaires
ou interchangeables. Ceci permet à l'individu d'organiser son
expérience de l'environnement social en classifiant soi et autrui dans
des catégories distinctes et exclusives.
Dans son ouvrage, Jean Claude Kaufmann56(*) retient le fait que
l'identité ne doit pas être envisagée comme une substance
mais comme un processus. Selon lui, l'identité sociale ne devrait pas
être réduite à l'identité biographique. Kaufmann
prend pleinement conscience des effets négatifs que peuvent engendrer la
quête, la revendication d'une identité : repli sur soi ou
explosions confuses et violentes.
En linguistique, on retrouve une grande partie d'études
faites sur les noms et prénoms qui sont les premiers substantifs pour
identifier une personne physique. Les premiers travaux sur les noms de famille
sont dus au philologue et écrivain français Albert
Dauzat57(*). Il en
dégagea les grands principes de cette science dès 1925.
Retel-Laurentin et Horvath58(*) s'interrogent sur les motifs de choix de nom en
Afrique noire et les classent selon les champs des activités qu'ils
évoquent. Cette contribution a le mérite de se pencher sur une
étude comparatiste des sociétés africaines notamment les
Nzakara de la République Centrafricaine.
Sur le plan historique, les écrits sur l'identification
ne manquent pas. L'article de Hamadou Adama59(*) analyse la transformation graduelle des patronymes
négro-africains portés par les Peul en noms et prénoms
musulmans avant d'aboutir à la situation caractérisée par
une arabisation quasi-systématique des prénoms des
nouveau-nés dans le septentrion camerounais. L'historien Haman Tukur
Sa'ad60(*) étudie
la signification et les caractéristiques des noms peules dans
l'Adamawa.
Plus fourni apparaît le document du ministère
camerounais de l'information et de la culture61(*) sur l'identité camerounaise. Ici, la question
de l'identité trouve son prolongement pratique dans le concept du
multiculturalisme qui se donne pour objectif la reconnaissance des
diversités ethniques, culturelles, religieuses, linguistiques, etc. Elle
se trouve dans le nouveau texte constitutionnel par l'affirmation du
bilinguisme égalitaire d'une part, et par la protection et la promotion
des valeurs traditionnelles et langues nationales d'autre part.
Cette documentation variée est d'un
intérêt non négligeable. Ces ouvrages évoquent d'une
manière ou d'une autre la question de l'identification. Cependant aucun
n'étudie spécialement la carte nationale d'identité dans
l'Adamaoua. Ainsi, si nous avons jeté notre dévolu sur ce
thème, c'est en raison de ce vide que la littérature camerounaise
accuse dans ce domaine. Néanmoins, ces ouvrages recensés ne
rendant pas véritablement compte des épisodes saillants et de
l'évolution de l'identification au Cameroun, nous ont permis tout au
moins d'orienter ce travail.
VIII-PROBLEMATIQUE.
L'institution de la carte nationale d'identité au
Cameroun après l'indépendance, s'inscrit dans une logique de
construction de l'État. Cette pièce d'identité qui semble
entrer par effraction dans une société
hétérogène régie par les normes et les valeurs
traditionnelles a été, dès son avènement,
confrontée aux difficultés d'ordre social, politique et
administratif dans l'Adamaoua. Difficultés auxquelles les
autorités politiques et administratives n'ont pas jusqu'ici
trouvé de solutions adéquates. En outre, les années 1960,
1970 et 1980 sont caractérisées par une indolence des
populations de l'Adamaoua à l'égard de la carte nationale
d'identité. Contrairement, les années 1990 et 2000 sont
marquées par une précipitation des citoyens dans les postes
d'identification. De ce paradoxe, est née la question de l'acceptation
de la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua. Quelles sont les
raisons qui expliquent la réticence des citoyens vis-à-vis de la
carte nationale d'identité pendant les trois premières
décennies de son institution et la quête d'une identité
officielle à partir des années 1990 dans l'Adamaoua ? Toutefois
il sera question de restituer quelques séquences de l'histoire du
Cameroun à travers la carte nationale d'identité. Un accent sera
également mis sur les éventuelles réactions de la
population et les écueils liés à l'établissement de
la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua.
IX-OBJECTIFS DE LA RECHERCHE.
Le choix d'un sujet comme le nôtre répond
à des visées multiples et variées. Il se propose de
contribuer au débat sur l'identification officielle au Cameroun avec
pour perspective d'aborder une réflexion et des questions pouvant
surgir, face à la frustration éprouvée devant les sources
inexistantes ou très déficientes au Cameroun. Notre ambition,
dans une perspective pratique, consiste à tenter de comprendre le
présent à partir du passé relativement récent du
Cameroun. Plus spécifiquement, il sera question de :
- Faire ressortir les repères historiques des
pièces d'identité au Cameroun tout en étudiant le contexte
d'avènement de la carte nationale d'identité et les
différentes modifications qu'a connu ce document.
- Étudier l'identification dans l'Adamaoua et analyser
les différentes réactions de la population.
-Faire un bilan de l'identification et relever les
écueils de la politique d'identification dans l'Adamaoua.
X-METHODOLOGIE.
Thuillier et Tulard relevaient62(*) : « Pas d'histoire sans
source... ». Nous n'avons pas failli à cette tradition. Le
sujet que nous étudions s'appuie amplement sur des sources
écrites et les sources orales.
En ce qui concerne les sources écrites, nous avons
exploité les documents qui ont un rapport plus ou moins étroit
avec le sujet en question. Les sources écrites sont essentiellement des
ouvrages, des thèses, des documents d'archives, des mémoires,
des lois et décrets, des articles, des rapports et certains journaux.
À cet effet, la recherche des documents écrits a
été réalisée dans les bibliothèques de
l'université de Ngaoundéré notamment à la
bibliothèque centrale, à la bibliothèque de la FALSH et
au programme Ngaoundéré-Anthropos. Dans la ville de
Ngaoundéré, nous avons consulté les ouvrages à la
bibliothèque de SawtuLinjila.
S'agissant des documents d'archives, la collecte des
données archivistiques s'est faite aux Archives Nationales de
Yaoundé, dans les postes d'identification les plus anciennement
créés de la Région de l'Adamaoua, dans les
sous-préfectures et dans les commissariats.
L'enquête orale a été menée dans la
région d'étude auprès des autorités
administratives, militaires, traditionnelles, des personnels des postes
d'identification et des populations. Cette catégorisation des
informateurs a facilité la collecte des données car,
auprès de chaque informateur, nous savions exactement sur quoi conduire
l'entretien. La collecte des informations était réalisée
à partir des entretiens et des interviews portant sur des questions
spécifiques. Cette démarche a un avantage dans la mesure
où, elle permet d'entrer en profondeur des problèmes posés
afin de saisir la substance du document à étudier. Un autre
avantage lié à l'entretien est celui de juger les signes
physionomiques de l'interlocuteur. Durant les entretiens, le mutisme des
informateurs sur certaines questions soit dit gênantes, permettait de
tirer certaines conclusions dans l'attente de leur vérification. Les
démarches d'entretien et d'interview étaient adaptées aux
stratégies de collecte des informations sur la question de la carte
nationale d'identité, les formes de résistances de certaines
personnes et les difficultés liées à
l'établissement et à l'obtention de cette pièce dans la
région de l'Adamaoua.
Une autre contrainte liée à l'adoption de la
démarche par échantillonnage est le temps insuffisant
accordé à la recherche de terrain. L'on n'a cessé de le
dire, le temps du Master est extrêmement court. La
péréquation entre le temps de recherche de terrain et l'espace
à parcourir est disproportionnée car, la région de
l'Adamaoua s'étend sur 63701km2 et compte 16 postes
d'identification. Il a été donc nécessaire de
procéder par échantillonnage pour réaliser ce travail.
Néanmoins, les données orales collectées auprès des
informateurs ont été essentielles pour la rédaction de ce
mémoire de Master.
Du point de vue de l'analyse des données, nous avons
mis en exergue l'approche diachronique et synchronique. L'approche synchronique
a consisté à organiser les informations ou les données
collectées sur le terrain en centre d'intérêt. Ce qui a
facilité dans une certaine mesure la compréhension, l'explication
et l'interprétation des faits. Un autre mérite de cette
démarche synchronique est qu'elle permet de simplifier les variables
pour retenir comme vérité historique, le noyau dur des
informations recueillies. Conscient également du fait que, la question
de l'identification est un champ culturel, la démarche synchronique a
permis de comparer les informations autour d'un centre d'intérêt
pour ne retenir que les informations concordantes.
L'approche diachronique a permis de situer chaque fait dans
son contexte historique afin de dégager la dynamique de
l'établissement des cartes nationales d'identité dans la
région de l'Adamaoua. Cette analyse évolutive de l'identification
a permis de placer les faits recensés dans leur contexte. De plus, nous
avons également associé à la démarche
susmentionnée, une approche pluridisciplinaire et interdisciplinaire.
Les travaux de la sociologie, d'anthropologie, de la science politique, de la
géographie et du droit ont été consultés et
associés à ce travail.
Au chapitre des difficultés rencontrées dans la
réalisation de ce travail, nous avons été confronté
aux problèmes de la langue car, nous ne maîtrisons pas le
fufuldé qui est la langue principale de communication dans la
Région de l'Adamaoua. Pour pallier cette difficulté, nous avons
souvent sollicité l'aide d'un interprète. Dans les centres de
documentation de la région, il y a un manque criard d'ouvrages
spécifiques portant sur l'identification officielle au Cameroun.
Quelques travaux académiques, trouvés à
Ngaoundéré-Anthropos, portent essentiellement sur
l'état-civil. Pour surmonter cette difficulté, les données
écrites ont été renforcées par les enquêtes
orales réalisées auprès des acteurs de l'identification et
auprès des autorités administratives de la région de
l'Adamaoua.
L'identification des Camerounais est assurée par la
police camerounaise. Dans l'acception commune, la police est un corps muet qui
ne se livre pas facilement au jeu de question/réponse qui anime tout
chercheur en sciences sociales. Il a été particulièrement
difficile de recueillir les informations auprès de la police car, pour
qu'un agent parle, il faut au préalable, une autorisation de sa
hiérarchie. Tout au départ, on envisageait passer par voie
formelle, c'est-à-dire passer par voie hiérarchique notamment les
commissaires de police, les chefs de poste d'identification afin qu'ils
puissent mettre à notre disposition, les éléments
susceptibles de nous renseigner sur les questions essentielles pour la
réalisation de ce travail.
Face à cette difficulté, nous avons
réorienté notre stratégie de collecte des données
en interrogeant ces personnels en dehors de leurs services et de façon
individuelle. C'est ainsi qu'on a pu interroger, les agents operateurs de
photographie et les chefs des postes d'identification. Une autre
difficulté, pas de moindre est celle du manque des moyens de transport
dans certains localités de la Région de l'Adamaoua. Ce qui rend
particulièrement difficile les déplacements pour la recherche. Le
mauvais état des routes reliant certaines villes de la Région et
le nombre insuffisant des véhicules font en sorte que, le chercheur ne
peut maîtriser son calendrier de recherche car il est soumis aux caprices
des automobilistes. C'est ainsi que, nous avons mis deux jours sur le
tronçon Tibati/Banyo. Le piteux état des véhicules,
combiné au mauvais état des routes rendent la recherche
tortueuse.
Ce travail réalisé à partir des
enquêtes orales et la collecte des sources écrites, souffre du
manque des données iconographiques et des synthèses de production
des postes d'identification. Cependant, malgré le mauvais état
dans lequel se trouvaient certaines archives, nous nous sommes quand même
imprégné de leurs contenus.
Toutefois, les données collectées à
partir des sources écrites et orales ont été suffisantes
pour la réalisation de ce travail. Pour mieux appréhender les
données collectées sur le terrain, nous les avons
organisés autour de trois chapitres :
Le premier chapitre porte sur l'institutionnalisation de la
carte nationale d'identité au Cameroun. Il analyse le contexte
d'avènement de la carte d'identité au Cameroun tout en soulignant
les différentes modifications qu'a connues ce document
d'identité. L'analyse met en relief les procédures et les acteurs
d'identification
Le deuxième chapitre porte sur l'identification dans
la Région de l'Adamaoua. Il analyse les pratiques d'identification dans
l'Adamaoua. Ces pratiques sont conjoncturelles et dépendent de
l'évolution de la structure administrative de l'Adamaoua. Ils
dépendent également de la politique d'identification au
Cameroun.
Le chapitre trois en définitive aborde le bilan de
l'identification dans l'Adamaoua. Il analyse l'impact de l'identification dans
l'Adamaoua et soulève les questions liées à la politique
d'identification.
CHAPITRE I:
INSTITUTIONNALISATION DE LA CARTE NATIONALE
D'IDENTITÉ AU CAMEROUN
Historiquement, les systèmes d'identification les plus
anciens permettant de prouver l'identité d'une personne physique sont
ceux de l'état-civil suivi de la carte d'identité classique et du
passeport ordinaire. Dans ces systèmes, l'identification, qui correspond
à une logique de reconnaissance juridique des citoyens par
l'État, se concrétise par l'établissement administratif
d'identifiants comme le nom, le prénom, la date de naissance, le sexe et
le lieu de naissance, etc. et leur stockage dans des supports en papier.
Délivrés par les pouvoirs publics (maires, officiers de police,
etc.), les premiers documents d'identité étaient
détachés dans des cahiers dont les souches sont en
général gardées par l'administration. Cette conservation
facilitait les vérifications en cas de contrôle et garantissait
l'authentification du citoyen.
De nos jours, les questions d'identification, qui
traditionnellement étaient considérées comme des questions
administratives et policières, sont devenues des enjeux majeurs pour le
renforcement de l'État de droit et le développement
économique d'un pays. En effet, sans possibilité de savoir avec
le degré requis de certitude à qui l'on a affaire, les
transactions et le contrôle de l'intégrité et de
l'accès à un bien tangible ou à un service sont plus
risqués et plus difficiles à réaliser. De même, il
est beaucoup plus complexe pour lutter contre la fraude à
l'identité et le crime. C'est pour gérer ces risques liés
à la traçabilité des transactions et instaurer un
véritable État de droit, ainsi que la confiance dans les
échanges économiques que les gouvernements et les organismes
publics et privés fournissant aux citoyens des droits et des services
ont, de nos jours, fait de l'identification sans équivoque des personnes
physiques une priorité majeure pour un contrôle permanent de
l'intégrité et de l'accès à ces droits et services.
Ce besoin d'identification des personnes physiques avec précision, a
ainsi conduit la plupart des pays, le Cameroun particulièrement,
à la mise en place des systèmes d'identification fiables et
l'instauration de la carte nationale d'identité pour l'authentification
de leurs citoyens. Ce document d'identité qui représente la
preuve de l'identité du citoyen doit être présenté
chaque fois que c'est nécessaire par celui-ci pour faire valoir ses
droits ou avoir accès à certains biens ou services.
Dès lors qu'elle s'inscrit dans une perspective de
longue durée, de la colonisation aux récents débats autour
du 11 septembre 2001, l'histoire de la carte d'identité et de
l'identification s'impose avec acuité et comme un domaine de recherche
aux applications nombreuses. Parallèlement, elle souffre de ses contours
instables qui sont sans cesse susceptibles de révision sur le plan
politique, administratif, culturel et juridique. En effet, il est question dans
ce chapitre de reconstruire le cadre historique pour rendre intelligible les
variétés des phénomènes liés à
l'élaboration d'un nouveau modèle d'identification au Cameroun.
En s'inspirant du travail de Gérard Noiriel63(*) qui met en exergue les
interactions entre institutions et sociétés, il sera question de
parcourir la genèse du nouveau « savoir de
l'État » à l'aune du concept d'identification. Les
changements politiques et administratifs du Cameroun entre 1960/1961 et 1990
qui touchent les aspects cruciaux de l'existence de la population sont en fait
précurseurs de la dynamique de la politique d'identification au
Cameroun depuis 1960. Toutefois, en se penchant sur les années
1960 en étroite corrélation avec les notions de
nationalité, citoyenneté et d'identification, nous allons nous
imprégner de l'historiographie contemporaine et des différentes
productions législatives relatives à la carte nationale
d'identité pour déceler le contexte d'avènement de la
carte nationale d'identité au Cameroun. Il s'agit de décrire les
enjeux politiques et identitaires qui ont accompagnés la mise en oeuvre
au Cameroun d'une nouvelle procédure d'encartement
généralisée des citoyens au travers de la diffusion de la
carte nationale d'identité. En retraçant le processus
d'institutionnalisation de ce document, nous allons décrire avec
précision le rôle déterminant joué par les
productions législatives dans la rationalisation des techniques et des
dispositifs d'identification mobilisés par les pouvoirs publics et
analyser l'évolution des énonciations de la carte nationale
d'identité. Tout en mettant en lumière l'historique de
l'identification des Camerounais, l'organisation et le fonctionnement du
système d'identification officielle du Cameroun seront
examinés.
I-Historique des
pièces d'identité officielles du Cameroun (1922-1960).
Introduite par les Allemands et développée par
les Français et les Anglais, vainqueur pendant la première guerre
mondiale, l'identification de la population de manière
générale au Cameroun prend un tournant important à partir
de 1916 et surtout en 1922 avec la présence effective de
l'administration coloniale française via le mandat de la SDN.
Aux termes des dispositions de l'Article 22 de la SDN64(*), le régime de mandat
trouve son fondement dans l'incapacité reconnue aux populations
camerounaises de s'administrer elles-mêmes, après le départ
des Allemands. Aux termes du principal droit reconnu à la France comme
puissance mandataire, elle avait plein pouvoir de législation et
d'administration sur le Cameroun.
À partir de 1923, de nombreux textes législatifs
et réglementaires interviennent pour consacrer la diversité des
statuts et droits privés de personnes établissant ainsi la
distinction entre les français et les administrés (Camerounais).
Ainsi, dans ce contexte de colonisation, le concept d'identification mis sur
pied par la puissance mandataire n'est qu'en fait le fichage des
caractéristiques, des traits, ou des référentiels
identitaires d'une personne. En d'autres termes, il était question
d'unification des faits et actes liés à l'identification d'un
individu dans le but de créer « des papiers
d'identité » de celui-ci. L'identification de type occidental
était organisée autour de deux systèmes :
l'état-civil et la carte de résidence en métropole.
1. L'état-civil de
l'époque coloniale.
L'avènement de l'identification de type occidental au
Cameroun, comme dans d'autres pays africains, s'est fait dans un contexte de
colonisation. La reconstruction identitaire a constitué un instrument
majeur de la domination coloniale. Pendant la période coloniale, le
discours de légitimation de la colonisation s'articule, pour
l'essentiel, autour de l'idée d'une entreprise de civilisation. Il ne
s'agissait pas de dominer ni d'exploiter mais de tirer les peuples
colonisés de la barbarie. Ce discours est porteur d'un projet
élaboré de reconstruction identitaire sur le dogme de la
supériorité du modèle européen de civilisation
illustré par les trois vecteurs principaux de l'identité : la
race, la religion et la culture. Les éléments retenus qui
différencient chaque personne des autres au plan de la jouissance et de
l'exercice des droits civils sont : la nationalité, le mariage, la
parenté, le domicile, l'alliance, etc.65(*)
Bien que les Allemands aient créé un
système d'administration et un système judiciaire,
l'état-civil n'était pas bien mis sur place. Ainsi après
le départ de l'administration allemande du Cameroun et l'annexion
immédiate de la France et de la Grande-Bretagne, l'état-civil va
se mettre en place progressivement. Le Cameroun sous administration
française, dont fait partie l'Adamaoua, va connaître
l'implantation progressive d'un système d'identification de la
population qui aboutit à la mise en place de l'état-civil dans
les centres urbains essentiellement66(*). Il s'agit des opérations de collecte de
données menées par l'administration coloniale française
dont le but est de déterminer non seulement le nombre d'imposables, mais
aussi renforcer davantage la politique de « diviser pour mieux
régner » dans la mesure où, à cette
époque, l'administration coloniale française avait
organisé uniquement un état-civil pour les indigènes par
les arrêtés du 30 juin 1917, du 16 mars 1935 et celui du 17
décembre 1948.
Dans les années 1920, l'état civil pour le
recrutement extérieur des citoyens français à des fins de
conscription est mise en place. Les premiers centres d'état-civil sont
apparus dans l'Adamaoua sous administration française dans le contexte
du développement des infrastructures administratives entre les deux
guerres (1914-1918 et 1939-1945)67(*). Les principaux centres d'état-civil de
l'Adamaoua furent installés dans les chefs-lieux des circonscriptions
administratives tels que, Banyo, Ngaoundéré, Tibati, Meiganga et
Tignère.
Dans les registres d'état-civil de cette
période, on peut ainsi voir dans les fiches d'acte de naissance, la
disposition des éléments qui fournissent des renseignements sur
l'identification d'une personne. L'on a :
-Date de naissance...........
-Sexe de l'enfant............
-Nom et prénom de l'enfant.............
-Noms, prénoms, âge, profession, domicile, race
de la mère et du père, ceux-ci étant substitués
dans le cas des naissances hors mariage par le chef de famille
maternelle..............
-Noms, profession et domicile du déclarant et des
témoins..........
La notion de race, qui apparaît sur les fichiers
d'état-civil, trahit la politique coloniale au Cameroun et traduit
clairement la théorie de la race supérieure que prônaient
les colons. Cependant, l'entrée en métropole des Camerounais
pendant la période coloniale était conditionnée par un
autre document d'identité. Il s'agit de la carte de résidence en
métropole.
2. La carte de résidence
en Métropole.
D'emblée, il est important de souligner pour
éviter tout malentendu dans cette partie que le Cameroun colonial n'a
pas connu le développement des infrastructures destinées à
l'établissement de la carte d'identité. Cependant, pendant la
colonisation seuls quelques Camerounais déplacés en
métropole ont connu les pratiques d'identification centrées sur
la carte d'identité, carte de séjour ou encore carte de
résidence. En fait, après la deuxième guerre mondiale,
la question de l'identification des indigènes devient celle de
l'accès à la nationalité, au droit de séjour et au
travail pour les migrants. L'accès à la citoyenneté, et
donc au droit de vote, devient la clé de la souveraineté sur le
territoire. Se mettent alors en place une succession de structures et de
procédures pour établir des listes d'indigènes, citoyens
français et « protégés
français », en particulier autour de manipulations
administratives de l'état civil. L'objectif de l'administration est
alors de choisir les «indigènes» parmi la masse des
demandeurs de nationalité et de citoyenneté, pour
contrôler à travers la population
«régulière», la situation politique locale et la
présence française dans les colonies68(*).
C'est dans le contexte de la régulation
d'entrée et de séjour des migrants coloniaux après 1945 en
France, que la carte de résidence et la carte de séjour ont
été instituées pour identifier les immigrés et ceux
des colonies en particulier. Ainsi, au-delà des droits politiques et
civiques auxquelles elle donne accès, la citoyenneté recouvrait
également dans les possessions françaises, la possibilité
de se déplacer de la colonie pour la métropole tout en
étant astreint de présenter un document attestant de la
légitimité de sa présence sur le territoire69(*). Le droit reconnu aux
colonisés de se déplacer en métropole et d'être
contraints de se conformer aux pratiques policières d'identification se
trouve donc au coeur de la différenciation entre les immigrants
coloniaux et les Français. Il existait en France à partir de
l'adoption de la constitution du 27 octobre 1946, trois catégories de
migrants coloniaux : Les protégés français qui sont
les Tunisiens et les Marocains, les ressortissants des territoires
associés tels que les originaires d'Indochine, du Togo et du Cameroun et
enfin les ressortissants des départements et des territoires
d'outre-mer. Les ressortissants marocains et tunisiens ne sont pas soumis
à l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur l'entrée et le
séjour des étrangers en France. Néanmoins, ils doivent
être porteurs d'une carte d'identité dite de «
protégé français », valable pour la durée de
leur séjour en France, ceci en application du décret du 29 juin
1938 qui précise leur statut en métropole.
Pour le cas des Camerounais qui nous intéresse dans
cette partie, ils sont soumis lorsqu'ils résident en métropole,
à un statut juridique plus favorable que celui des Marocains et des
Tunisiens. Ils ont une nationalité propre, mais
bénéficient d'une « citoyenneté de l'Union
française » qui leur permet d'être électeurs et
éligibles aux Assemblées politiques de l'Union française.
Jusqu'à la fin de l'année 1952, ils dépendent du
ministère de la France d'outre-mer puis sont soumis à
l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur l'entrée et le séjour des
étrangers en France. Même s'ils bénéficient toujours
d'un régime de séjour privilégié : lorsqu'ils
arrivent en métropole, ils sont mis à l'obligation de
détenir un document d'identification spécifique et peuvent, s'ils
en font la demande, en obtenir une « carte de résidence de citoyen
de l'Union française » valable pour dix ans, délivrée
par la préfecture de leur lieu de résidence. Dans un premier
temps, le seul obstacle que rencontrent ces migrants camerounais nouvellement
promus citoyens tient au soupçon concernant l'exactitude de leur
état-civil. Dans la plupart des cas, l'employé de
préfecture adresse une demande de vérification au maire de la
commune dont le migrant est originaire et cette procédure prend parfois
du temps70(*).
Cependant, une fois ces formalités remplies, ils se
voient délivrer des cartes de résidence portant des mentions
spéciales susceptibles de les différencier de celles des autres
immigrés et des Français. Sur ce document d'identification sont
disposés les éléments suivants :
-Nom (éventuellement : Épouse pour les
femmes).......
-Prénom...........
-Né (e).............
-Provient de............
-Fils ou Fille de..........
-Nationalité..............
-Situation familiale..........
-Date d'entrée..............
-Profession................
-Adresse.................
-Signalement..............
Etc.
Au demeurant, la carte d'identité n'était pas
connue unanimement de tous les Camerounais pendant la période coloniale.
Tout ce que l'on peut dire c'est que le système d'identification de type
occidental en vigueur au cours de la période coloniale au Cameroun
était uniquement centré sur l'état-civil indigène.
Néanmoins, les immigrés camerounais en métropole ont connu
la carte de résidence, un document d'identification semblable à
la carte d'identité. L'obtention de cette pièce étant
obligatoire pour tous les immigrés en métropole fut alors un
instrument destiné à contrôler l'identité des
Camerounais qui franchissent les frontières françaises.
Dès lors, à partir de 1960, le Cameroun français en
accédant à l'indépendance mit sur pied un système
d'identification des citoyens. Il est question donc de l'institution de la
carte nationale d'identité.
Photo 1: Échantillon
d'une carte de résidence du citoyen de l'union française en
métropole
(c) : Alex Spire, 2003.
II-Institution et
évolution de la carte nationale d'identité au Cameroun de 1960
à 2007.
Une minutieuse analyse formelle et matérielle des
documents d'identité au Cameroun depuis la période coloniale
permet de découvrir l'évolution de la carte nationale
d'identité qui, de l'état-civil (acte de naissance)
concédé par un officier d'état-civil dès la
naissance d'un individu, se transforme en certificat durable émis par un
bureau créé à cet effet : il s'agit d'un support
papier sur lequel sont annotées des informations de plus en plus
détaillées sur l'identité du possesseur. Bien plus tard,
ce cadre informatif sera renforcé par un support plus
sécurisé. Un tel changement implique nécessairement
l'élaboration d'un code permettant de décrire un individu sur la
base de critères esthétiques et moraux. Dans la poursuite
incessante d'une objectivité maximale de tels critères, ce sont
surtout les caractéristiques physiques qui finissent par jouer un
rôle privilégié pour signaler les personnes.
Les années 1960 et 1990 au Cameroun marquent un
tournant historique pour l'identification. C'est au cours de ces années
que s'articulent et s'élaborent des techniques et des instruments
d'identification individuelle. Le critère de l'appartenance à la
communauté nationale défini par la constitution, avec les droits
et les devoirs qui en dérivent, se greffe en réalité sur
un substrat de savoirs et de pratiques qui sont peu connus de la population.
Trois événements majeurs sont tributaires de l'histoire de la
carte nationale d'identité : l'indépendance du Cameroun sous
administration française le 1er janvier 1960
caractérisée par une réelle volonté de
construction d'un État souverain, la réunification en 1961
notamment avec la question de la nationalité du Cameroun et 1990
caractérisée par l'ouverture démocratique et la lutte
contre l'insécurité.
1-Législation et
conditions d'établissement de la carte nationale d'identité au
Cameroun.
Le passage de l'identité à l'identification a
permis d'ouvrir toute une série de législations. Les textes ont
constitué un facteur décisif dans le développement du
système d'identification au Cameroun. L'étude des textes relatifs
à l'identification en général et de la carte nationale
d'identité en particulier permet de mettre en relief le processus de la
mise en place du système d'identification des citoyens camerounais. En
effet, l'essor des papiers d'identité est indissociable de la
législation mise sur pied par l'État. C'est en principe
l'État qui définit la politique d'identification dans le but de
sécuriser la nationalité et l'identité des personnes. La
mise en place des textes relatifs à la carte nationale d'identité
reste cependant intéressante à étudier. Par ailleurs, une
manière de réfléchir sur le fonctionnement du
système d'identification du Cameroun, il importe de faire une certaine
analyse de la procédure d'établissement de la carte nationale
d'identité.
1-1. Les décrets et les
lois instituant, organisant et contrôlant la carte nationale
d'identité au Cameroun (1964-2007).
Au Cameroun, la période postcoloniale qui débute
à partir de 1960, est envisagée comme une période de
configuration politique et sociale particulière. Cette période
présente des caractéristiques spécifiques du point de vue
de la mise en oeuvre de l'action politique et juridique. C'est dans cette
optique qu'est né le système d'identification par le biais des
lois et décrets traduisant ainsi l'idée républicaine du
politique. Il s'agit d'inventorier les textes les plus importants qui
régissent l'établissement de la carte nationale
d'identité, tout en analysant leurs contenus. Ainsi, avant de parler des
textes régissant la carte nationale d'identité, il est important
d'expliciter, au préalable, le texte de base de la nationalité,
puisqu'il s'agit de la sécurisation de cette nationalité.
Chaque État souverainement reconnu définit les
lois régissant l'attribution de la nationalité et
détermine ainsi qui sont ses nationaux. L'accession du Cameroun
français à l'indépendance en 1960 a levé les doutes
sur l'existence d'une nationalité camerounaise et a rendu indispensable
l'édiction d'une législation sur cette matière. Le code de
la nationalité camerounaise comme tous les codes de nationalité,
consacre une série d'articles à la nationalité d'origine,
c'est-à-dire à la nationalité conférée
à un individu au moment de sa naissance. Le problème est de
savoir quel est le critère adopté pour déterminer cette
nationalité d'origine. Les techniques sont en nombre limité ou
bien le législateur tient compte de la filiation (jus
sanguinis) ou bien il se base sur le lieu de naissance (jus
solis); ou bien encore, il combine ces deux critères. Le code de
nationalité camerounaise exige que l'enfant légitime soit
né de « parents camerounais » sans donner une
prééminence quelconque au père. Le pluriel semblerait
indiquer que le père et la mère doivent posséder la
nationalité camerounaise. Mais le rapprochement des articles 7 et 20 du
code de la nationalité camerounaise71(*) montre que le père a une prédominance
absolue puisque l'enfant possède sa nationalité même si
la mère est étrangère alors que la nationalité
camerounaise de la mère ne suffit pas à conférer à
l'enfant cette nationalité lorsque le père est étranger.
Ces règles sont conformes aux coutumes en vigueur au Cameroun
(soudanaises dans le nord, bantoues dans le sud et Bamiléké
dans l'ouest).72(*)
De plus, la combinaison des deux critères dispose que
l'enfant trouvé sur le territoire camerounais et dont les parents sont
inconnus possède la nationalité camerounaise sauf s'il y a
possibilité d'établir ultérieurement sa filiation. Par
ailleurs, la nationalité camerounaise peut être acquise par effet
de mariage, par déclaration de nationalité en raison de
naissance, de résidence ou de l'adoption d'un enfant ou encore par
réintégration des parents73(*).
Dans la pratique, les magistrats de la juridiction civile sont
les autorités habilitées à délivrer un certificat
de nationalité camerounaise qui, en principe, constitue le document
essentiel pour l'établissement et la délivrance d'une carte
nationale d'identité au Cameroun. Cependant, il est judicieux d'examiner
les lois et les décrets relatifs à l'institution, à
l'organisation et au contrôle de la carte nationale d'identité au
Cameroun.
La loi est une disposition normative et abstraite posant une
règle juridique d'application obligatoire. On distingue d'une part, les
lois constitutionnelles qui définissent les droits fondamentaux, fixent
l'organisation des pouvoirs publics et les rapports entre eux, les lois
organiques qui structurent les institutions de la république et
pourvoient aux fonctions des pouvoirs publics et d'autre part, les lois
ordinaires74(*). Le
décret quant à lui, est un acte, un arrêté, une
décision du pouvoir exécutif ayant pour but d'assurer le
fonctionnement des services publics et l'exécution des lois. Le
décret est donc un complément de la loi, et se différencie
de cette dernière du fait que les lois sont votées par les
Assemblées législatives, tandis que les décrets sont
rendus par les chefs d'État ou de gouvernement75(*). Dans le cadre de ce travail,
nous allons nous appesantir sur les lois organiques qui structurent la carte
nationale d'identité au Cameroun.
L'état-civil est le document de base pour
l'établissement d'une carte nationale d'identité au Cameroun.
Né des cendres des arrêtés coloniaux du 30 juin 1917, du 16
mars 1935 et du 17 décembre 1948, la loi n°68/LF/2 du 11juin 1968
portant organisation de l'état-civil dans la république
fédérale du Cameroun est le premier texte relatif à
l'identification officielle au Cameroun. En effet, cette loi définit les
modalités et les caractéristiques d'enregistrement et
d'établissement des actes de naissance qui sont les documents de preuve
de la nationalité camerounaise. Dans la composition de dossier de
l'établissement d'une carte nationale d'identité, l'absence de
l'acte de naissance compromet la délivrance de celle-ci. C'est pourquoi
un intérêt public de cette loi s'attache à ce que toute
personne vivant habituellement au Cameroun, même si elle est née
à l'étranger soit pourvue d'un acte de naissance, ce qui
garantirait, à cet effet, sa nationalité camerounaise. Cependant,
pour mieux appuyer la politique d'identification au Cameroun, la loi
n°69/LF/3 du 14 juin 1969 portant réglementation de l'usage des
noms, prénoms et pseudonymes complète celle sur
l'état-civil. Cette loi vient ainsi sécuriser et officialiser
l`identité des citoyens camerounais. Elle stipule en son article 1
que : « les agents publics sont tenus de designer les
citoyens dans les actes officiels par leurs noms, prénoms et
éventuellement leurs surnoms ». De ce qui
précède, il faut noter que le nom est un élément
essentiel pour l'établissement de la carte nationale d'identité
au Cameroun. C'est le premier identificateur.
Le décret n° 64-DF-394 est celui qui institua la
carte nationale d'identité au Cameroun. Par ce décret, la
délégation à la sûreté fédérale
(DSF) est l'organe tutélaire de l'établissement des cartes
nationales d'identité au Cameroun. Ainsi, ce décret
précise que la carte nationale d'identité est
délivrée par les commissaires et les chefs de circonscriptions
territoriales auxquels le directeur de la sûreté
fédérale délègue sa signature. Par ailleurs, la
validité de la carte nationale d'identité est
précisée dans ce décret à 10 ans76(*). Au cours de la même
année, la loi n° 64-LF77(*), rend la possession de la carte nationale
d'identité obligatoire pour tout citoyen camerounais ayant atteint
l'âge de 18ans. Désormais, la carte nationale d'identité
doit être présentée à toute réquisition de
l'agent de la force de l'ordre. La contravention (falsification, cession,
contrefaçon du document d'identité) à ladite loi, est
punie soit d'une amende de 60000 FCFA ou d'un emprisonnement ne pouvant
excéder un an. Ensuite, la loi n° 90-54 du 19
décembre78(*)institue le contrôle d'identité des
personnes au Cameroun. En fait, l'exégèse de cette loi permet de
déduire qu'il existe deux types de contrôle
d'identité : le contrôle de la gendarmerie et le
contrôle administratif. Elle précise dans son article premier que
l'identité de toute personne peut être contrôlée dans
le cadre des opérations du maintien de l'ordre publique. Ce
contrôle peut être réalisé par les autorités
administratives et par les agents de la force de l'ordre en vue de
rétablir l'ordre public lorsqu'il est troublé. Par ailleurs,
d'après cette loi, le contrôle d'identité peut
également être effectué à tout moment et en tout
lieu notamment au cours de la traversée d'une circonscription
administrative ou par des patrouilles des militaires de la gendarmerie, et de
la brigade quel que soit leurs grades et leurs qualités. Il s'agit
là d'un contrôle préventif d'identité. La
gendarmerie détient en permanence le droit de contrôler
l'identité de toute personne rencontrée. Ce contrôle
concerne aussi les automobilistes et les occupants des
véhicules.79(*)Les
attributions similaires sont conférées à la police
camerounaise d'assurer le respect et la protection des institutions, des
libertés des personnes, du maintien de l'ordre et de la
sécurité publique.
Plus de trois décennies après l'institution de
la carte nationale d'identité, le décret du 20 juillet 1999,
redéfinit les caractéristiques, les modalités
d'établissement et de délivrance de la carte nationale
d'identité. C'est en fait, une nouvelle procédure
d'établissement qui, progressivement a été mise en place
dans les postes d'identification. Ce décret fixe ainsi un délai
maximum de 24 mois pour remplacer l'ancienne carte nationale d'identité.
Dès lors, ce décret apporte quelques innovations dans le
processus d'établissement de la carte nationale d'identité au
Cameroun. Désormais la carte nationale d'identité est
établie et délivrée à partir d'un certificat de
nationalité ou d'une attestation d'état-civil. Cependant, ce
décret abroge celui de 1964 précédemment cité, en
confiant uniquement l'établissement et la délivrance de la carte
nationale d'identité à la délégation
générale à la sûreté nationale.
Désormais, le délégué général
à la sûreté nationale est la seule autorité
habilitée à signer les cartes nationales d'identité au
Cameroun. Ce décret est abrogé par celui du 4 septembre
2007 qui apporte juste une légère modification au niveau de la
dimension de la carte nationale d'identité.
1-2.Les conditions
d'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun.
Au Cameroun, l'on note une dynamique des conditions
d'établissement de la carte nationale d'identité. En fait, les
conditions d'établissement de la carte d'identité ont
progressivement évolué. Le changement du système
d'identification est certainement à l'origine de cette évolution.
Il s'agit ici d'étudier les différentes conditions
d'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun de
1960 à 2013. Ainsi, pour mieux cerner l'évolution des conditions
d'établissement de la carte nationale d'identité, il important
d'étudier les conditions en vigueur de 1960 à 1995 et les
conditions d'établissement de la carte nationale d'identité
informatisée entrées en vigueur au Cameroun en 1995.
1-2-1.Les conditions d'établissement de la carte
nationale d'identité entre 1960 et 1995.
Dans les années 1960 jusqu'au début des
années 1990, pour se faire établir une carte nationale
d'identité, le citoyen se présentait juste dans un poste
d'identification qui peut être une sous-préfecture ou un
commissariat de police muni d'un document de sa nationalité
(état-civil) ou encore, s'il ne détenait aucun document du genre,
il pouvait se faire accompagner par trois témoins dont, le chef de son
village ou de son quartier deux personnes, membres de sa famille80(*). Ainsi, après audition
des témoins et du demandeur de la carte nationale d'identité
notamment sur son origine, son ethnie, sa situation familiale et sa filiation,
la carte pouvait être délivrée le même jour par un
commissaire de police ou par un chef de circonscription administrative. Par
ailleurs, la délivrance de la carte au cours de ces années
donnait lieu à un droit de timbre dont le montant était
fixé par un décret. Le titulaire pouvait entrer ainsi en
possession de sa carte nationale d'identité le même jour.
Seulement, à cause de l'inertie ou de la nonchalance de certains, le
demandeur mettait des jours avant d'entrer en possession de sa carte nationale
d'identité. En cas de perte de cette pièce, le titulaire pouvait
faire une déclaration dans un délai de quinze jours au service de
délivrance, à l'autorité administrative ou à la
brigade de gendarmerie la plus proche81(*). Ainsi, ayant une validité de dix ans, le
titulaire avait la possibilité de se refaire identifié tout en
présentant l'ancienne carte.
1-2-2.Les conditions d'établissement de la carte
nationale d'identité informatisée (1995-2013)
Outre la démarche en vigueur des années 1960
jusqu'à la fin des années 1990, le système
d'identification au Cameroun change de condition d'établissement et de
délivrance de la carte nationale d'identité notamment avec
l'avènement de la carte nationale d'identité informatisée
en 199982(*). L'obtention
de la carte nationale d'identité diffère cette fois, selon que
l'individu est à sa première demande. Ainsi, pour le cas de la
première demande, l'intéressé devra se rendre dans un
commissariat muni des pièces suivantes : un certificat de
nationalité signé du président du tribunal de
première instance, une copie certifiée d'acte de naissance, une
copie d'acte de mariage pour les femmes mariées, une pièce
justificative de la profession, s'il y a lieu. Il fournit à l'appui de
sa demande en plus, quatre photos format 4 x 4, obtenues au poste
d'identification. Le demandeur de la carte nationale d'identité
s'acquitte du droit de timbre au tarif en vigueur.
Pour les cas de perte, de vol ou de
détérioration, le citoyen se rend dans un poste d'identification
muni de l'attestation de déclaration de perte, de vol ou de
détérioration délivrée par toute autorité
habilitée, comportant, outre les noms et prénoms, date et lieu de
naissance, la filiation du déclarant ainsi que le numéro et la
référence du poste d'identification ayant délivré
la carte nationale d'identité perdue, volée ou
détériorée.
En ce qui concerne la péremption, le titulaire
présente la carte nationale d'identité
périmée ; l'ancienne carte nationale d'identité ; une
copie d'acte de mariage pour les femmes mariées ; la pièce
justificative de la profession, s'il y a lieu.
Pour le citoyen qui décide de changer de nom, il doit
présenter un document d'état-civil (copie certifiée
conforme d'acte de naissance ; copie certifiée conforme d'un
extrait d'acte de naissance ; copie certifiée conforme d'un
jugement supplétif d'acte de naissance ; duplicata d'acte de
naissance ou un livret familial signé des autorités
compétentes) et une copie certifiée conforme du décret
autorisant le changement de nom ou sa rectification, une copie d'acte de
mariage pour les femmes mariées et la pièce justificative de la
profession, s'il y a lieu.
Pour le cas de changement de filiation le citoyen
présente les documents suivants : l'extrait de jugement ayant
établi le changement de filiation ; l'ancienne carte nationale
d'identité ; une copie d'acte de mariage pour les femmes mariées
; la pièce justificative de la profession, s'il y a lieu.
La délivrance de la carte nationale d'identité
aux personnes réintégrées est conditionnée par la
présentation des documents suivants: un document
d'état-civil (une copie certifiée d'un acte de naissance ou
une copie certifiée conforme d'un extrait d'acte de naissance ou une
copie certifiée conforme d'un jugement supplétif d'acte de
naissance ou un duplicata d'acte de naissance ou un livret familial
signé des autorités compétentes ); une copie du
décret de réintégration; une copie d'acte de mariage pour
les femmes mariées ; la pièce justificative de la profession,
s'il y a lieu.
Enfin, pour les étrangers naturalisés, les
documents suivants sont présentés : une copie
certifiée conforme d'un acte ou d'un extrait de naissance signée
des autorités compétentes ; une copie du décret de
naturalisation conformément au code de nationalité ; le bulletin
n° 3 du casier judiciaire spécial ; l'extrait d'acte de mariage
pour les femmes mariées ; la pièce justificative de la
profession, s'il y a lieu83(*).
Dès lors, la comparution personnelle du demandeur au
poste d'identification est exigée lors du dépôt du dossier
de demande de carte nationale d'identité non seulement pour le recueil
de sa signature et le relevé de l'empreinte digitale mais aussi pour
vérifier son l'identité .Ainsi, lorsqu'il s'agit d'un demandeur
se trouvant dans l'impossibilité de se déplacer au poste
d'identification pour des motifs médicaux graves attestés par un
certificat médical et en l'absence d'amélioration
prévisible de l'état de sa santé et si la
délivrance de la carte est indispensable et ne peut attendre, les
personnels du poste d'identification , le cas échéant, se
déplacent auprès de cette personne et l'identifient sur
place84(*).
Par ailleurs, la décision de refus de délivrance
d'une carte nationale d'identité par la délégation
générale à la sûreté peut résulter
de :
-l'accomplissement incomplet ou non satisfaisant des
formalités exigibles (photos non conformes, absence de preuve de la
nationalité camerounaise, acte de l'état civil ne concordant pas
avec les informations mentionnées sur le formulaire de demande, absence
de justification de domicile, ou divergence entre les informations
portées sur le formulaire de demande et celles figurant sur les
pièces justificatives produites, défaut des empreintes
digitales...).
- l'existence d'une inscription du demandeur au fichier des
personnes recherchées pour opposition à la délivrance de
titres d'identité. Il peut s'agir des cas dans lesquels il est
avéré que le demandeur ne peut se prévaloir de la
nationalité camerounaise (obtention frauduleuse d'un document
d'état civil ou de nationalité camerounaise, perte de la
nationalité à la suite d'une décision judiciaire ayant
acquis autorité de la chose jugée et constatant son
extranéité, décision de répudiation, de
déclination, décret d'opposition à l'acquisition de la
nationalité camerounaise à raison du mariage etc. Il peut s'agir
également des cas dans lesquels, le demandeur a déjà
tenté d'obtenir frauduleusement une carte nationale d'identité ou
un passeport en produisant des documents faux ou contrefaits ou a tenté
d'usurper l'identité d'un tiers. Toute décision de refus de
délivrance d'une carte nationale d'identité est motivée et
notifiée sur le formulaire que le service de délivrance renvoie
au poste d'identification émetteur de la demande. Il appartient dans ce
cas au demandeur de compléter son dossier en fournissant les
pièces originales demandées.
Au demeurant, il est important de noter que la
procédure d'établissement et de délivrance de la carte
nationale d'identité au Cameroun a évolué. L'on constate
dès lors qu'au cours de la période allant de 1960 à
1999, il fallait juste avoir 18 ans accomplis et se présenter dans
un commissariat ou une circonscription territoriale munie d'un acte de
naissance ou encore être accompagné par quelques témoins
pour se faire établir une carte nationale d'identité85(*). Cependant, au cours des
années 2000, la procédure d'établissement et
délivrance de la carte nationale d'identité se renforce.
Désormais, la carte nationale d'identité est
délivrée sur production d'actes authentiques de
l'état-civil et d'autres documents selon le type de demandeur de la
carte nationale d'identité. Il appartient donc aux services
d'identification d'apprécier cas par cas les documents
présentés à l`appui de la demande d'une carte nationale
d'identité. Contrairement à l'ancienne procédure
d'identification, le demandeur ne peut immédiatement entrer en
possession de sa carte d'identité. En attendant l'étude de la
demande et la délivrance de la carte nationale d'identité par la
délégation générale à la sureté
nationale, le demandeur se contente d'un récépissé valide
pour trois mois.
Par ailleurs, il faut noter que le changement de
procédure d'établissement de la carte nationale d'identité
au Cameroun a tout de même influence les acteurs de l'identification.
1-3.Les acteurs de
l'identification
L'on ne peut parler de carte nationale d'identité sans
évoquer les acteurs. Ces acteurs, de par leur rôle ont d'une
manière ou d'une autre, fait avancer le processus d'identification via
la production des cartes nationales d'identité ceci sur toute
l'étendue du territoire camerounais. En effet, entre 1960 et 2013, l'on
note une substitution des acteurs de l'identification au Cameroun. Au cours des
trois premières décennies de l'institution de la carte nationale
d'identité, l'on distingue deux structures administratives
chargées d'établir et de délivrer la carte nationale
d'identité. Il s'agit des circonscriptions territoriales et les
commissariats. À partir de 1995, la centralisation des services
d'identification notamment avec l'avènement du système
d'identification biométrique, l'on note un changement remarquable au
niveau des acteurs de l'identification. Notre ambition ici est d'étudier
les acteurs de l'identification de 1960- 1995 et 1995-2013.
1-3-1.Les acteurs de l'identification entre 1960 et
1995.
De 1960 jusqu'à la fin des années 1990, la
Direction de la Sûreté Fédérale (DSF) était
le principal acteur de l'établissement et la délivrance de la
carte nationale d'identité au Cameroun. Ainsi, la carte nationale
d'identité est établie dans les commissariats de police et les
circonscriptions territoriales. Le Directeur de la Sureté
fédérale délègue donc sa signature aux
préfets, aux sous-préfets et aux commissariats de police86(*).
Concrètement, les acteurs qui participaient dans la
chaîne de l'établissement et de la délivrance de la carte
nationale d'identité au cours de ces années sont les
suivants :
-le préfet ou le sous-préfet ;
-le commissaire de police ;
- l'opérateur photo ;
-le calligraphe ;
- le secrétaire87(*).
Les préfets/sous-préfets et commissaires
étaient chargés de contrôler les services d'identification
et de signer les cartes nationales d'identité. L'opérateur photo
quant à lui, produisait les photos d'identité (en noir et blanc).
Le calligraphe étant une personne qui a une belle écriture,
était chargé de remplir le formulaire de la carte. La tâche
du secrétaire consistait à reporter les demandes de cartes
nationales d'identité dans un registre selon l'ordre de passage des
demandeurs88(*).
Cependant, l'avènement du système d'identification à la
fin des années 1990, a eu une influence sur les acteurs de
l'identification.
1-3-2. Les acteurs de l'identification de 1995 à
2013.
L'avènement du nouveau système d'identification
au Cameroun à permit de réaménager les acteurs de
l'identification. La Délégation à la Sûreté
Fédérale (DSF) devenue Délégation
Générale à la Sûreté Nationale
(DGSN)89(*) demeure
l'acteur principal de l'établissement et de la délivrance de la
carte nationale d'identité au Cameroun, mais est assistée dans
cette tâche parla SACEL (société d'assistance et de
conception en électronique) et THALES.
Comme nous l'avons souligné précédemment,
la Délégation Générale à la
Sûreté Nationale (DGSN) est le principal responsable de la carte
nationale d'identité au Cameroun. En fait, au sein de cette structure,
le système SENAC (système de sécurisation de
nationalité camerounaise) est chargé de la gestion, de
l'organisation, de production des cartes nationales d'identité au
Cameroun. Particulièrement, le système SENAC est chargé de
la vérification de la conformité des dossiers des demandeurs.
Par ailleurs, la Délégation
Générale à la Sûreté Nationale est
chargée de :
-assurer la tutelle de l'identification ;
-la création des postes d'identification ;
-la nomination des chefs de postes d'identification ;
-coordonner et contrôler les activités des postes
d'identification ;
-la vérification, l'authentification et la
délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun.
Dans sa tâche, la délégation
générale à la sûreté nationale est
assistée par les sociétés privées françaises
SACEL et THALES en partenariat avec le gouvernement camerounais dans
l'émission de la carte nationale d'identité .Celles-ci,
respectivement, sont chargées de fournir les matériels
d'identification tels que les appareils photos, les pellicules pour
l'établissement des demandes dans les postes d'identification et de
traiter les demandes, une fois acheminées au centre de
délivrance.
Les personnels sont constitués des fonctionnaires de la
police et des opérateurs photos. En outre, le chef de poste
d'identification peut être un commissaire de police, un officier de
police ou un inspecteur de police nommé par le
délégué général à la
sûreté.
En clair, il est important de noter que les chefs des
circonscriptions territoriales et les commissaires de police entre 1960 et 1999
pouvaient, se prononcer sur la nationalité du citoyen.
Concrètement, ils pouvaient refuser de délivrer la carte
nationale d'identité à un citoyen car la forme de services
d'identification à cette époque était
décentralisée. Les cartes nationales d'identité
étaient établies et délivrées dans les postes
d'identification disséminés sur tout le territoire du Cameroun.
Cependant, avec la centralisation des services d'identification au Cameroun,
leurs rôles sur la question d'identification sont restreints.
Désormais, les commissaires de police/officier de police sont
chargés de vérifier les dossiers relatifs à
l'identification. Néanmoins, ils ont la possibilité de signer les
récépissés de demandes, valides de trois mois. Ils sont
également chargés de faire les bordereaux généraux
d'envoi ou de transmission de ces dossiers au service central d'identification.
Près de ceux-ci, les opérateurs photos restent incontournables
dans le processus d'identification au Cameroun. Mandaté par la SACEL,
ils sont essentiellement chargés de la production des photos et d'en
vérifier la qualité de ces photos qui seront agrafées sur
les formulaires des demandes correspondants à chaque demandeur.
Au début des années 2000, les chefs de
circonscription tels que, les préfets et les sous-préfets
changent de rôle. Désormais, ils n'interviennent plus directement
dans l'établissement de la carte nationale d'identité, mais ils
sont chargés de délivrer des attestions d'état-civil.
Autrement dit, lorsque le demandeur d'une carte nationale d'identité ne
dispose pas d'acte de naissance, celui-ci doit au préalable se faire
établir une attestation d'état-civil auprès d'un chef de
circonscription. Cette attestation fait office d'un acte de naissance. Ainsi,
elle est délivrée en la présence de trois témoins
dont le chef du village ou du quartier et deux membres de la famille du
demandeur.
2.Évolution des
énonciations de la carte nationale d'identité.
Pour mieux comprendre l'action d'individualisation
identitaire, il importe de procéder à une brève lecture
historique du Cameroun. En effet, le Cameroun a subi une double administration
pendant la période coloniale : le Cameroun français
administré par la France et le Cameroun anglais administré par la
Grande Bretagne depuis le Nigeria. À la veille de l'indépendance,
le problème de nationalité et de l'identité camerounaise
se posait avec acuité. C'est dans ce contexte que survient l'idée
d'un plébiscite dont l'issue devait décider de la situation du
Cameroun. Dans la suite logique des choses, la Résolution 1608 (XV) du
21 avril 1961 (Assemblée Générale de la SDN) prend acte
des résultats. Son article 4, alinéa 9 stipule
que « le Cameroun septentrional s'unira à la
Fédération du Nigéria en tant que province
séparée de la région du nord du
Nigéria ». L'article 5 par contre invite l'autorité de
tutelle ainsi que les gouvernements du Southern Cameroons et de la
République du Cameroun à entamer d'urgence des pourparlers afin
de parachever avant le 1er Octobre 1961 les accords de mise en oeuvre des
politiques convenues et déclarées par les parties
intéressées en vue de l'union du Southern Cameroons et
de la République du Cameroun pour former une
« République Fédérale Unie du
Cameroun »90(*).
Ceci marque le début d'un processus d'uniformisation de
l'identité camerounaise et par là, l'encartement de la
nationalité camerounaise. De là, l'on est donc dans l'optique du
bilinguisme ou du multiculturalisme qui est mis en exergue dans les documents
officiels du Cameroun. L'examen des différentes énonciations de
la carte nationale d'identité permettra certainement de connaitre et de
comprendre l'évolution de la carte nationale d'identité.
2-1.Carte d'identité
établie entre 1960 et 1964.
Comme nous l'avons dit précédemment, la forme
d'identification introduite par l'administration coloniale dans notre
société a permis globalement, l'assemblage des faits et des actes
liés à l'identité d'une personne. Le premier souci du
Cameroun sous administration française indépendant le
1er janvier 1960 fut la mise en place des nouvelles institutions qui
lui permettront de vivre son indépendance. C'est alors en 1960 qu'une
politique d'identification sera mise sur pied. Animé par un souci de
sécurisation de la nationalité camerounaise, le gouvernement du
Cameroun sous administration française institue la toute première
carte d'identité91(*). Cependant, cette carte d'identité connue sous
le vocable de « carte d'identité officielle », n'a
pas connu de succès au niveau de la population qui, à cause des
affres de la récente colonisation se méfiait encore de la
nouvelle administration92(*). Ainsi, cette carte d'identité était
énoncée comme suit :
-Nom.............
-Prénoms...........
-Surnoms........
-Fils de/et de............
-Né le............
-Village.............
-Sous-préfecture............
-Préfecture............
-Nationalité............
-Situation familiale............
Etc.
De ce qui précède, force est de constater que
malgré le fait que cette carte d'identité porte toutes les
informations relatives à l'identité d'une personne dans les
moindres détails, elle était l'exclusivité des hommes dans
la mesure où il n'est mentionné nulle part sur cette carte
« Fille de » ; « Né(e)
à » ou encore « est de sexe ». Cette
exclusivité découle de la politique d'identification des
Camerounais pendant la période coloniale qui privilégiait les
hommes dans l'optique de les enrôler plus facilement pour des travaux
forcés et pour les prélèvements d'impôts de
capitation. Ainsi, telle qu'elle est énoncée, la carte
d'identité officielle de l'État du Cameroun fut
l'exclusivité du Cameroun oriental jusqu'en 1964, année qui
marque un tournant important pour l'histoire des institutions en
général et de la carte d'identité en particulier au
Cameroun.
Photo 2: carte
d'identité officielle de l'État du Cameroun
délivrée le 18 juin 1960 au commissariat spécial de
Ngaoundéré.
(c) : Jean Francis Gabana, juin
2014.
2-2. Carte nationale d'identité bilingue
établie de 1964 à 2013.
Pour comprendre les différentes modifications sur la
carte d'identité établie à partir de 1964, il est
important d'interroger le contexte politique du Cameroun à partir de
1961. L'année 1961 marque au Cameroun un tournant décisif pour
l'édification de l'État camerounais. C'est
précisément pendant la conférence de Foumban (du 16 au 21
juillet1961), que le débat autour de la nationalité fut
lancé. La délégation du Sud-Cameroun optait pour une
double nationalité tout en conservant la nationalité du
Sud-Cameroun, alors que celle de la République du Cameroun optait pour
la nationalité camerounaise tout simplement. Ainsi, la constitution qui
sanctionna cette rencontre apportait quelques modifications aux suggestions de
la délégation du Sud-Cameroun. Les citoyens du Sud-Cameroun et de
la République du Cameroun acquéraient une seule
nationalité dont la nationalité camerounaise et non une
nationalité du Sud-Cameroun et une autre de la République
Fédérale.93(*) C'est ainsi que pour promouvoir et sécuriser
cette nationalité camerounaise, le décret
n°64-DF-394 du 29 septembre 1964 instituant la carte nationale
d'identité et la loi n°64-LF du 13 novembre 1964 rendant
obligatoire la carte nationale d'identité sont mises en place. En plus,
la réunification de la République du Cameroun et du Sud-Cameroun
britannique en 1961 est une première étape vers la
création d'un État unitaire. Après la fin de l'UPC,
Ahmadou Ahidjo alors président qui trouvait le système
fédéral trop dispendieux pour le Cameroun entreprit la
transformation d'un État fédéré à un
État unitaire.
De ce qui précède, il est tout à fait
important de noter que, le bilinguisme (langues française et anglais)
est le piédestal de l'identité culturelle camerounaise.
Toutefois, à partir de 1972, dans la logique de la promotion de cette
identité culturelle camerounaise, le bilinguisme égalitaire se
manifeste dans tous les nouveaux textes constitutionnels et sur tous les
documents importants du Cameroun. En fait, l'évolution du Cameroun a une
influence sur la carte nationale d'identité. Ainsi, au recto des cartes
nationales d'identité délivrées entre 1964 et 2013, l'on
note les dispositions en français et en anglais suivantes :
-« RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DU
CAMEROUN » et « FEDERAL REPUBLIC OF
CAMEROON » sur les cartes délivrées entre 1964 et
1972.
-« RÉPUBLIQUE UNIE DU CAMEROUN » et
« UNITED REPUBLIC OF CAMEROON »sur les cartes
délivrées entre1972 à 1984 (voir photo 3).
-« REPUBLIC DU CAMEROUN » et
« REPUBLIC OF CAMEROUN »sur les cartes
délivrées entre 1984 et 2013.
Ce bilinguisme influence également les
énonciations de la carte nationale d'identité. Ainsi, au verso
elle est énoncée de manière suivante :
-Délivrée le............
Issued on
-À ......................
At
-Nom.....................
Name
-Prénoms..................
Surnames
-Né(e) le.......................
Born on
-Fils/Fille........................
Son/daughter
Etc.
Photo
3:carte nationale d'identité bilingue
délivrée en 1981 à la sous-prefecture deTibati
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.
De ce qui précède, il ressort que
contrairement à la première carte d'identité qui
était l'exclusivité des hommes, cette nouvelle carte nationale
d'identité énoncée en français et en anglais inclut
les femmes notamment avec l'apparition des rubriques « Fille
de » ; « Né(e) à ». Cependant,
cette pièce d'identité qui demeure en vigueur jusqu'au
début des années 2000, n'était pas suffisamment
sécurisée dans la mesure où elle était sur un
support carton. Pour les mesures de sécurisation de la
nationalité et de l'identité des citoyens camerounais, une
nouvelle forme de carte nationale entra en vigueur à la fin de ces
années 1990. Cette nouvelle forme est celle qu'on a appelée
expressément « carte nationale d'identité
informatisée ». Toutefois, sur ce nouveau modèle de la
carte nationale d'identité, aucune modification des énonciations
n'est observée. Les mêmes énonciations en français
et en anglais demeurent, sauf que les modifications sont observables au niveau
des rubriques et caractéristiques.
2-3. Les rubriques et
caractéristiques de la carte nationale d'identité
informatisée.
Avec l'essor des technologies de l'information et de la
communication qui ont rendu les identités mouvantes, donc
insaisissables, le mécanisme d'identification par la carte
d'identité au Cameroun est aujourd'hui capable d'acquitter
convenablement la fonction d'identification des individus avec certitude. C'est
donc pour apporter une solution à cette quête de l'identification
sans équivoque des personnes physiques, face à la fluidité
et la complexité pour lutter contre la fraude à l'identité
et le crime, que le Cameroun a fait recours aux techniques biométriques
d'identification à partir des années 1990. Ces techniques sont
considérées comme les outils scientifiques les plus efficaces du
moment pour identifier et authentifier les citoyens avec certitude.
Le Cameroun s'est inscrit résolument dans cette
dynamique de recherche de la certitude dans l'identification et
l'authentification des personnes physiques, source de renforcement de
l'État de droit et d'une meilleure traçabilité des
transactions, en adoptant les technologies biométriques d'identification
pour ses systèmes d'émission de cartes nationales
d'identité et de passeports. L'année 1999 marque une étape
importante pour le système d'identifiication au Cameroun. En fait, par
le décret presidentiel94(*) de la meme année, la carte nationale
d'identité est subtituée par la carte nationale d'identité
informatisée.Trois étapes ont marqué la mise en place de
cette nouvelle carte d'identité. Premièrement la phase du
démarrage qui débute en 1995 par la signature du contrat de
service entre le secretariat d'État à la sécurité
interieure et la société THALES,une filiale de THOMSON.
La seconde étape commence à partir de 1998 avec
le recentrage des activités de service de délivrance au sein des
directions techniques de la délégation générale
à la sûreté nationale, ainsi que la codification des
procedures de la délivrance. Desormais, les cartes nationales
d'identité sont établies dans les postes d'identification
installés dans toutes les dix Régions du Cameroun, mais
délivrées par les directions techniques de la
délégation générale à la sûreté
nationale. Ainsi, les rubriques de cette nouvelle forme de carte nationale
d'identité sont disposées ainsi qu'il suit :
- Le nom et le prénom : toute personne
possède un nom de famille (appelé patronyme ou nom patronymique).
Ce nom figure sur l'acte de naissance. Il peut s'agir par exemple du nom du
père. Le nom patronymique est reproduit sur la carte en lettres
majuscules. Le prénom figure en majuscules sur une ligne
différente de celle comportant le nom patronymique. Il est
précédé de la mention «Prénom» en lettres
minuscules.
Il est néanmoins autorisé aux femmes
mariées de porter le nom de leur conjoint sur la carte nationale
d'identité. C'est la raison pour laquelle l'on observe sur certaines
cartes nationales d'identité, surtout appartenant aux femmes
mariées la mention « épouse » juste sous la
mention « Nom ». Ainsi, on peut utiliser soit le nom de
l'époux ; soit un double nom (le nom de l'intéressée
accolé à celui de son époux dans l'ordre souhaité).
Pour faire figurer le nom de son conjoint, l'intéressée en
question doit fournir, comme nous l'avons souligné plus haut, la copie
intégrale ou la photocopie de l'acte de mariage. Exemple :
Nom : Amina Épouse Tenmbar Philippe ;
Prénom : Clémentine
Pour celles qui n'ont pas de prénom, rien n'est
mentionné sur la rubrique
« Prénom » ;
-la date de naissance : en principe, les dates
inscrites dans les actes de l'état civil sont celles du calendrier
Grégorien. Elle est indiquée en chiffres (ex. 26.07.1988). Le
jour et le mois sont indiqués par un nombre de deux chiffres; les dates
de 1 à 9 sont précédées d'un zéro. Ces
chiffres sont suivis d'une barre. Pour ceux dont la date exacte de naissance
n'est pas connue, seule l'année de naissance est
mentionnée ;
- le lieu de naissance : le lieu de naissance est
recopié intégralement selon les informations qui figurent sur
l'acte de l'état civil du demandeur produit, qu'il soit dressé
ou transcrit. A cet égard, le nom de localité, de la ville est
mentionné tel qu'il existait au moment de la naissance du
demandeur ;
- le sexe : le sexe qui est mentionné sur l'acte
de naissance est indiqué par la lettre M (masculin) ou F
(féminin) ;
- la taille : la taille peut dans certains cas
être un élément d'identification important. Elle est
mentionnée avec exactitude. ;
Photo 4: prise de la
taille.
Photo 5: Toise en bois
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.
-la signature du titulaire : la signature du titulaire
qui figure obligatoirement sur la carte nationale d'identité est celle
qui a été apposée par le demandeur sur le formulaire de
demande. Sont à exclure les signatures formalisées par un
symbole tel, le rond, la croix, le trait vertical ou horizontal ; en effet, la
signature doit être la plus personnalisée possible dans la mesure
où elle constitue un élément de l'identification de la
personne95(*) ;-la
photographie : Une photographie d'identité est un type de
photographie
représentant le
visage d'un
individu de manière
relativement neutre, utilisée pour établir son identité
sur certains documents, notamment officiels (
carte
d'identité,
passeport,
permis de
conduire, etc.). Elle est réalisée au Cameroun par un
photographe de la SACEL.
Elles sont généralement
tirées
par planches de plusieurs clichés identiques, destinées à
être
découpées.
Leurs caractéristiques, en particulier leurs dimensions et leur
cadrage, font
l'objet de
normes et
standards.
Numérisées,
elles peuvent permettre d'utiliser des technologies de
biométrie par
le biais de
reconnaissance
faciale96(*). Les
photos de carte nationale d'identité au Cameroun doivent respecter une
dizaine de critères. Ces critères sont les suivants :
ü Elles mesurent 3,5 cm de large sur 4,5 cm de
haut ;
ü La taille du visage doit mesurer de 3,2 cm à 3,6
cm. La zone des yeux doit être sur le second tiers ;
ü la photo ne doit présenter ni sur-exposition, ni
sous-exposition. Elle doit être correctement contrastée, sans
ombre portée sur le visage ou en arrière-plan ;
ü une photo en couleurs est fortement
recommandée ;
ü le fond doit être uni, de couleur claire. Le fond
blanc est recommandé ;
ü la tête doit être nue sans chapeau,
foulard, serre-tête ou autre objet décoratif ;
ü la tête doit être droite et le visage
dirigé face à l'objectif ;
ü Le sujet doit fixer l'objectif. Il doit adopter une
expression neutre et avoir la bouche fermée ;
ü Le visage doit être dégagé. Les
yeux doivent être parfaitement visibles et ouverts.
ü La photographie reproduite sur la carte est
numérisée et fait partie intégrante du support papier.
Elle est visible dans la partie gauche de la carte97(*).
Photo 6: Appareil photo et
imprimante (marque : Sony).
Photo 7: Appareil photo (marque :
Polaroid).
(c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014.
Photo 8 : prise de
photo.
(c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014.
Photo 9: découpage
des photos.
(c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014.
-L'adresse : l'adresse doit comporter les
éléments essentiels notamment le lieu de résidence du
titulaire de la carte.
-L'empreinte digitale : une empreinte digitale ou
dactylogramme est le résultat de l'apposition d'un doigt sur un support
après encrage de celui-ci. Le dessin formé sur le support est
constitué de
dermatoglyphes. Les
empreintes digitales sont uniques et caractéristiques de chaque
individu. Même les vrais jumeaux présentent des empreintes
digitales différentes. C'est avec le
criminologiste
Alphonse
Bertillon en octobre
1902, que les empreintes
digitales sont devenues l'une des principales preuves lors des enquêtes
policières et d'identification98(*). Au Cameroun, lors de l'établissement de la
carte nationale d'identité, les empreintes digitales du citoyen sont
prélevées, mais celle du pouce droit est
représentée sur la carte en question.
Photo 10 : Prise
d'empreintes digitales.
Photo 11 :
Matériels de prise d'empreintes digitales.
(c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014.
Photo 12 : une empreinte
digitale. Photo 13: empreinte
digitale prélevée.
(c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014
-La zone de lecture optique : dans la zone de lecture qui
se trouve au verso de la carte nationale d'identité l'on
retrouve :
Ø La durée de validité et la date de
délivrance de la carte : la date d'expiration de la carte est
calculée à partir de la date de saisie ; la date de
délivrance correspond à la date de remise mentionnée dans
le système lors du retour de la carte du centre de production.
Ø La signature de l'autorité : les cartes
nationales d'identité sont signées au Cameroun par le
délégué général à la
sûreté nationale.
Ø Le numéro de la carte : elle figure
au verso. Ce numéro qui figure également dans la zone de lecture
au début de la seconde ligne, est attribué par le centre de
gestion par série, par rapport au lieu de délivrance, à la
date de demande et à la date de naissance du titulaire.
Dans la zone de lecture optique située au recto, le
bandeau inférieur blanc a pour objet d'accélérer la
vérification de l'identité lors du passage à la
frontière, notamment dans les aéroports ainsi que dans tous les
lieux publics, en cas de contrôle d'identité par les services de
police et de gendarmerie. Nous avons les indications suivantes :
·
IDCMR 1167382730<<<<<<<<<<<<<<<<<<<AD
07
·
88O7261M2312190<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<0
·
GABANA<<JEAN<FRANCIS<<<<<<<<<<
La mention « IDCMR » signifie
identité.
CMR est l'abréviation du Cameroun.
Les chiffres 1167382730 représentent le numéro
de la carte.
Les signes « < » sont des caractères de
remplissage de l'espace vierge jusqu'à la fin de la ligne ;
AD0799(*)signifie Adamaoua 07 et représente le code du
poste d'identification émetteur de la demande.
Les chiffres « 880726» représentent,
respectivement, l'année, le mois et le jour de la naissance du
titulaire. (1988/juillet/ le 26).
La lettre « M » signifie masculin et
les Chiffres « 231219» représentent la date de
péremption. (Cette carte se périme le 23 décembre
2019).
La mention « GABANA<<JEAN<
FRANCIS<<<<<<<<<< » représente
le nom du titulaire.
Ces informations permettent, lors de la lecture automatique,
d'interpréter sans erreur l'identité d'un citoyen. Cependant, sur
cette même carte d'identité figurent d'autres
caractéristiques qui paraissent anodines pour les non-initiés. En
fait, il faut prêter beaucoup d'attention pour pouvoir les remarquer et
les interpréter. La carte nationale d'identité du Cameroun
épouse la dimension de la carte bancaire. Elle mesure desormais 85mm de
long et 54 mm de large. Ainsi, la sécurisation de la nationalité
camerounaise est davantage garantie, dans la mesure où la carte en
carton, suceptible d'etre falsifiée et de se désagréger au
contact de l'eau est remplacée par une autre en format plus solide
(Teslin). Dès lors, les postes d'identifiication clandestins de
délivrance des cartes d'identité sont automatiquement inoperants.
Ainsi, Elle porte les caractéristiques suivantes au recto :
- les nom (s) et prénom (s);
- les dates et lieu de
naissance;
- la filiation;
- le sexe;
- l'adresse;
- la
profession;
- la photographie, la signature, le signalement et l'empreinte
digitale du titulaire;
- le sceau de l'État qui fait corps avec la
photographie du titulaire et le montant du droit de timbre.
Au
verso :
- la mention "République du Cameroun", en
caractères gras, de couleur verte;
- le numéro de la carte
nationale d'identité;
- la date de délivrance;
- la
signature, les noms et prénoms de l'autorité signataire;
- le
drapeau du Cameroun du côté supérieur droit;
- le Mont
Cameroun surplombant le pont sur le Wouri100(*).
Photo 14: Carte nationale
d'identité informatisée.
Photo 15: un
récépissé de demande de carte nationale
d'identité.
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.
L'introduction de cette biométrie a permis de
construire à ce jour une base de données biométriques
d'identification de la population. Ce système biométrique
d'émission de cartes nationales d'identité camerounaise et de
passeports rend difficile la falsification et permet de déceler toute
tentative de fraude à l'identité, grâce aux
éléments de sécurité physique
intégrés dans la carte d'identité et au triple
système de contrôle basé sur la recherche dans la base de
données biométriques d'identification de la population.
III-Avantages et
inconvénients de la carte nationale d'identité.
L'identification, en fait le besoin de s'identifier, n'est pas
un fait nouveau propre au Cameroun. Mais la transformation du style de vie,
l'anonymat des grandes villes, la situation économique de même que
l'évolution fulgurante de la technologie sont autant de facteurs qui
donnent à cette question une acuité considérable.
L'expérience a démontré que le besoin de s'identifier est
né de deux objectifs poursuivis tant par le secteur public que par le
secteur privé :
- identifier une personne pour s'assurer de son
éligibilité à un bien ou à un service;
- retracer les fraudeurs ou les personnes qui ne s'acquittent
pas de leurs obligations sociales ou financières.
Différents documents d'identité ont
différentes raisons d'être et le renseignement à fournir en
vue d'obtenir chaque document correspond à la finalité
intrinsèque de ce document. On utilise un passeport pour
contrôler les entrées et les sorties dans tous les pays. Le permis
de conduire permet de contrôler l'utilisation des véhicules
motorisés qui circulent. Le numéro d'assurance sociale, dans les
pays occidentaux permet de contrôler la perception de l'impôt et le
payement des indemnités. Supplantant tous ces documents
d'identité qui laissent une mesure de choix et d'anonymat, la carte
nationale d'identité permet d'identifier une personne dans les moindres
détails. L'objectif fonctionnel de la carte nationale d'identité
consiste à exercer un certain contrôle sur des personnes tout en
protégeant l'identité de celui-ci de manière à ce
que toute autre personne ne puisse utiliser facilement les informations qui y
figurent. Boudié Jacques par ailleurs, chef du centre de la cellule
d'authentification des demandes, le justifie en ces propos :
Qui dit identité dit authenticité. Il s'agit
d'un processus d'authentification. Nous voulons savoir qui est la personne en
face de nous sans avoir à lui poser une foule de questions, un point
c'est tout. [...] On ne peut toutefois contrefaire les empreintes digitales de
nos dix doigts, car cela nécessite un calcul mathématique, pas
simplement une reproduction [...] je pense que, fondamentalement, la
biométrie dans le système d'identification au Cameroun à
raison d'être101(*).
Ces propos traduisent manifestement l'avantage de la carte
nationale d'identité informatisée précisément en ce
qui concerne la question de sécurisation et d'authentification de
l'identité des citoyens et la nationalité camerounaise.
Dans le processus de construction de l'État
camerounais, il fallut au préalable se donner les moyens de
connaître l'identité civile des personnes. Il est vrai que les
registres d'état-civil sont utilisés dans ce but, mais
l'avènement de la carte nationale d'identité en 1960, confirme
non seulement le statut d'État souverain, la reconnaissance de la
nationalité camerounaise sur le plan international, la
sécurisation de cette nationalité quoique faillible, mais sert
également d'un outil efficace de contrôle et d'unité
nationale. Il faut souligner sans risque de se tromper que la carte nationale
d'identité fut au Cameroun au lendemain de l'indépendance le
dénominateur commun d'un pays divisé par la colonisation. La
réflexion consiste ici à appréhender les multiples
avantages et inconvénients de la carte nationale d'identité. Il
s'agit en clair d'analyser les avantages sociaux et politiques de la carte
nationale d'identité et de souligner les méfaits de cette
pièce d'identité sur la vie privée des citoyens
camerounais.
1. La carte nationale
d'identité : un outil de contrôle de l'État.
Enclenché en Europe, l'historicité du processus
d'identification qui met en rapport l'individu et l'État est
essentiellement une pratique de l'État. Éventuellement, il est
important d'aborder la question du contrôle de l'État sous l'angle
de rapport entre le face à face et le contrôle à distance.
Ainsi, les contrôles varient en fonction des espaces, du temps et des
lieux. Cependant une tendance générale s'est dessinée au
fur et à mesure de l'affirmation des États puis des
États-Nations102(*). Qu'il soit légalement obligatoire ou non de
la détenir ou de la porter, la carte nationale d'identité se
distingue des autres pièces d'identité par la réunion de
trois conditions: elle est émise par l'autorité politique;
elle vise des fins d'identification générale et des usages
spécifiques; et elle contient des renseignements qui, en
comparaison des autres pièces d'identité, en font un document
privilégié pour identifier les individus.
La carte d'identité est, d'abord et avant tout, un
outil de contrôle. A cet effet, Alain Bernard, juriste français
écrivait: « La carte nationale d'identité permet,
certes, d'établir l'identité dans les relations privées
mais elle sert surtout lors des contrôles et des vérifications
d'identité dans des procédures d'interpellation menées par
la police »103(*). Il est donc admis que son premier but est de servir
les besoins de l'État. Ainsi, du point de vue de
l'État camerounais, le premier avantage de rendre la carte nationale
d'identité obligatoire consiste à faciliter les contrôles
policiers. L'obligation pour l'individu de produire sa carte d'identité
dans certaines circonstances est pratiquement inséparable du concept
même de la chose. La carte d'identité confère à la
police des pouvoirs discrétionnaires énormes. Les contrôles
de police représentent en fait un aspect du contrôle administratif
auquel se prête la carte nationale d'identité. Ce n'est pas un
hasard qu'elle soit plus répandue dans les pays, notamment les pays
européens où la tradition de l'État administratif est plus
ancienne et plus prégnante.
Un autre aspect fonctionnel de la carte nationale
d'identité pour l'État réside dans le fait qu'elle
contribue au contrôle administratif de l'État sur les citoyens
à la fois parce qu'elle réduit le coût de l'information
nécessaire au contrôle et parce qu'elle resserre les mailles du
quadrillage administratif104(*). Elle réduit le coût de l'information
en facilitant le croisement des bases de données gouvernementales. La
carte nationale d'identité diminue le coût des croisements de
plusieurs manières. Elle porte un numéro ou une autre forme
d'identifiant unique. À tout le moins, elle contient des informations,
incluant normalement l'adresse et la date de naissance de son titulaire, qui
permettent de construire un identifiant composite. A cet effet
Eméguidé François affirme que: « Il y a peu de
chances qu'un monsieur tel, né telle date, qui habite à telle
adresse, et dont la carte nationale d'identité a été
émise tel jour, soit confondu avec une autre
personne »105(*).
Le caractère obligatoire de la carte d'identité
signifie sans doute que celui qui change de nom, ou rend autrement
périmées les informations qui y figurent, doit en informer
l'autorité émettrice. Ceci permet à l'État
camerounais d'assurer son contrôle sur tous les citoyens à
l'intérieur et hors du territoire national. Toutefois, il suffit que la
carte nationale d'identité fournisse un identifiant unique pour que cet
identifiant soit utilisé par d'autres services gouvernementaux comme par
exemple le ministère du transport (pour l'obtention d'un permis de
conduire), le ministère de la justice (pour l'audition d'un suspect), la
police (pour enquête policière) etc.
Notons aussi que la carte nationale d'identité a permis
de construire une base de données biométriques. La constitution
de la base de données biométrique de la population permet de
mettre à la disposition des services publics et privés
camerounais (ELECAM, l'Institut Nationale de Statistique...) une base
de données de référence sur laquelle ils peuvent s'appuyer
pour personnaliser leurs documents d'identité et leurs recherches sans
avoir recours à de nouvelles collectes et de ressaisies de gros volumes
de données, souvent source d'énormes erreurs pouvant porter
préjudice au principe d'unicité des données
d'identification de base des personnes (nom, prénom, date de naissance,
lieu de naissance, ...) qui doivent être strictement les mêmes pour
tous Camerounais quel que soit le document d'identité qu'il
présente comme preuve de son identité.
Comme nous l'avons dit plus haut, la carte nationale
d'identité, permet au gouvernement camerounais de faire des quadrillages
administratifs en vue de lutter contre l'insécurité et de
contrôler la mobilité des personnes au Cameroun. Les acteurs de
l'insécurité ont de plus en plus de difficulté à
passer à travers les mailles du filet des éléments des
forces de l'ordre dont l'une des missions principales est de contrôler
l'identité des personnes à l'intérieur du territoire comme
au niveau des frontières du Cameroun. Cependant, au-delà de cette
importance qu'elle représente pour l'État du Cameroun, il n'en
demeure pas moins que l'on souligne les avantages sociaux, juridiques et
statistiques de la carte nationale d'identité.
2. Multiples avantages de la
carte nationale d'identité.
Lorsqu'un système d'identification ou
d'établissement des cartes d'identité fonctionne
adéquatement et normalement, il constitue une source précieuse
d'information. L'établissement de la carte d'identité
présente pour tout citoyen un intérêt direct, car
sauvegarde par-là, l'identité même du citoyen. En effet, la
carte nationale d'identité est le moyen essentiel d'identité des
individus, quand les données figurant sur ledit document en particulier
le nom et les prénoms empêchent la confusion avec quiconque.
Parlant du nom, il constitue un moyen d'identification des
individus. C'est l'appellation servant à designer une personne sociale
et juridique en vue de l'exercice de ses droits et l'accomplissement de ses
devoirs. Il est aussi un élément de la personnalité.
À ce titre, il ne relève pas seulement de l'identification, mais
de l'identité même de la personne106(*). Au Cameroun, la
définition ainsi formulée diverge sensiblement suivant les
sociétés et les réalités culturelles et
religieuses. Dans la partie septentrionale du Cameroun par exemple,
précisément chez les Peul, les définitions des noms et
prénoms varient sensiblement suivant le degré d'islamisation
atteint par chaque groupe clanique sédentaire.107(*)Le droit à un nom est
proclamé pour la première fois avec l'avènement de
l'identification occidentale et plus tard après l'indépendance.
Ainsi, la loi n° 69/LF/3 du 14 juin 1969 sur l'usage des noms et
prénoms au Cameroun stipule en son article 1 que personne ne doit
porter de nom, de surnom, de prénom que ceux exprimés dans ses
documents d'identité officielle et renchérie par l'article 4 que
les agents publics, les administrateurs sont ténus de désigner
les citoyens, rigoureusement par les noms et prénoms et les surnoms
(s'il existe) figurant sur leurs documents d'identité
officiels108(*).
Juridiquement, l'établissement de la carte nationale
d'identité attribue le droit à la nationalité
camerounaise. Dans la plupart des États, la nationalité est
conférée par le jus soli (c'est-à-dire qu'elle
dépend du lieu de naissance) ou par le jus sanguinis
(découlant de la nationalité des parents) ou encore selon la
combinaison des deux principes. En fait, la question de la nationalité
est l'une des questions les plus sensibles et complexes liées à
l'établissement de la carte nationale d'identité, et elle peut
compromettre l'identification des demandeurs d'asile ou de refuge, ou encore de
ceux qui appartiennent à des groupes minoritaires ou ethniques victimes
de la discrimination. Le refus d'établir les cartes nationales
d'identité aux Mbororo par l`État du Cameroun en 1964 est un
exemple patent109(*).
Leurs difficultés à s'intégrer dans la
société moderne justifieraient sans doute le recours à
l'inégalité compensatrice en vue de faciliter la jouissance de
leurs droits fondamentaux et de protéger leur identité. En effet,
ces derniers se trouvent confrontés au problème d'identification
dans l'Adamaoua car ils n'ont aucune notion du concept de nationalité et
de citoyenneté. En somme, l'établissement de la carte nationale
d'identité est en règle générale une condition pour
jouir de la nationalité. La carte nationale d'identité aide le
citoyen à assurer son droit à ses origines, à un nom ou
souvent à l'exercice d'autres droits humains.
Bien plus, certains citoyens qui sont à la recherche
d'un emploi dans le secteur privé ou public, sont confrontés
à de nombreuses formalités administratives encore plus
sélectives. Dans ce cas, on peut aussi bien avoir besoin de la carte
nationale d'identité du citoyen, pour l'ouverture de son dossier. Elle
fournit aussi la preuve de la nationalité lors d'une demande d'emploi.
C'est ainsi qu'on trouvera sur les arrêtés fixant organisation des
concours d'entrée à la fonction publique camerounaise les
prescriptions suivantes : pour l'école nationale d'administration
et de la magistrature (ENAM) et l'institut nationale de la jeunesse et de sport
(INJS), parmi les pièces à fournir, l'on a : une carte nationale
d'identité, un copie certifiée conforme de l'acte de naissance,
un certificat de nationalité, etc. Bien plus, sur la fiche de demande
d'inscription, figurent bel et bien la nationalité, le nom, le
prénom et le lieu de naissance.
La carte nationale d'identité est un document de la vie
civile rendue obligatoire à tous les citoyens camerounais dès son
institution en 1964. L'importance de ce document réside certainement
sur le plan social. Au-delà de sa fonctionnalité
sécuritaire, elle est demandée pour l'obtention d'un passeport ou
d'un permis de conduire, pour se marier, pour ouvrir un compte en banque, pour
solliciter un emploi ou pour hériter. Sa nécessité peut
être perçue voire connue que par ceux qui sont susceptibles de se
déplacer en dehors de leur circonscription administrative. De
manière pratique, il est important de noter que :
- La carte nationale d'identité facilite
l'identification des citoyens pour l'accès aux services publics.
- La carte nationale d'identité fournit une
confirmation rapide et valide de l'adresse du détenteur.
- La carte nationale d'identité est utile lors de
transactions commerciales et bancaires ainsi que pour obtenir des biens
à crédit ou pour un paiement par chèque.
- La carte nationale d'identité facilite le travail des
institutions financières pour l'identification des clients lors de
l'ouverture d'un compte ou les opérations de change.
- La carte nationale d'identité permet
d'éliminer la fraude ou le double paiement dans les programmes sociaux
(prêts étudiants, prestations de la sécurité
sociale).
- La carte nationale d'identité élimine
l'utilisation de cartes comme le permis de conduire, la carte professionnelle
ou la carte d'étudiant/scolaire comme moyen d'identification.
- La carte nationale d'identité peut réduire les
fraudes ou les infractions aux lois en permettant aux policiers de
procéder rapidement à l'identification de personnes suspectes ou
recherchées.
- La carte nationale d'identité peut faciliter le
travail des commerçants qui doivent valider l'âge de leurs clients
lors de la vente d'alcool, de tabac ou pour la location de matériel pour
adultes avertis.
- La carte nationale d'identité peut faciliter
l'accès à des services réservés à certains
groupes d'âges.
- La carte d'identité peut faciliter la gestion des
programmes sociaux en permettant aux fournisseurs de services l'accès au
registre central de la carte d'identité afin de vérifier
l'éligibilité des personnes aux programmes et retracer les
personnes qui ne s'acquittent pas de leurs obligations. L'accès au
registre central permet également aux fournisseurs de services de faire
la mise à jour de leurs banques de données et améliorer
l'exactitude des données qu'ils détiennent. Le détenteur
de la carte y trouve également un avantage puisqu'il n'a plus à
signifier son changement d'adresse à chacun des organismes avec qui il
fait affaires, mais seulement à l'autorité émettrice de la
carte110(*).
Du point de vue statistique, elle peut être un outil de
recensement de la population et surtout d'établissement des listes
électorales et de vote. L'identification enregistre les
événements au fur et à mesure, permet aux autorités
de repérer les tendances à des intervalles beaucoup plus courts,
de l'ordre de l'année, du trimestre voir du mois. Comme nous l'avons
souligné plus haut les études spéciales, les
enquêtes ponctuelles et autres techniques d'échantillonnage
coûtent chers et se révèlent pourtant rentables.
Au-delà de la question touchant la démographie
la carte nationale d'identité est un document essentiel dans une
démocratie bien implantée. Les listes électorales sont
établies au Cameroun à partir de ce document d'identité.
La crédibilité, la transparence, la prévention des fraudes
électorales et la possibilité pour les citoyens d'exercer leur
droit démocratique sont par conséquent conditionnées par
la possession d'une carte nationale d'identité en cours de
validité. Dans le même ordre d'idées, la base des
données de l'identification qui permet approximativement de
connaître le nombre des citoyens, est un préalable pour la
constitution d'un fichier électoral. De tels renseignements sont utiles
pour le système électoral en ce qu'ils fournissent des listes
à jour des personnes à voter. La carte nationale
d'identité telle qu'elle est sécurisée aujourd'hui au
Cameroun, est un avantage pour l'établissement des listes
électorales et même à la bonne organisation et au suivi
satisfaisant des élections. Ainsi, le « Guide du
président et des membres de la commission de vote au
Cameroun » Stipule que :
L'identification se fait à l'aide d'une pièce
d'identité officielle (carte nationale d'identité), de la carte
d'électeur.... L'électeur titulaire de sa carte nationale
d'identité et dont le nom ne figure sur la liste électorale du
bureau de vote est autorisé à voter même s'il ne dispose
pas d'une carte d'électeur. Par contre, l'électeur titulaire
d'une carte d'électeur mais sans carte nationale d'identité doit
se faire identifier en plus par des témoins inscrits sur la liste du
bureau de vote111(*).
Par ailleurs, la carte nationale d'identité comporte
les avantages suivants :
-Une forme fiable d'identification;
-La confirmation de l'inscription de l'électeur;
-La capacité pour l'électeur de prouver qui il
est car la carte comprend une photographie, une signature, des empreintes
digitales, etc.;
-Une manière efficace d'identifier un électeur
qui n'a pas d'adresse fixe;
-Un outil qui facilite la prise du vote d'un électeur
dans une région où il n'est pas connu personnellement.
On peut toutefois souligner que, les informations relatives
à la carte d'identité ne seraient pas consignées dans un
fichier central, puisque l'absence d'un tel fichier réduirait grandement
les avantages éventuels de la carte d'identité par rapport aux
autres pièces d'identité qui existent actuellement. Le
problème que prétend officiellement résoudre la carte
d'identité est celui de la fraude par substitution de personne ou autre
forme de fausse identification. On doit admettre que la carte d'identité
contribue à réduire la fraude à la marge,
c'est-à-dire dans des activités où les avantages du
fraudeur sont trop faibles pour justifier l'obtention d'une fausse carte
d'identité. Le cas des élections est le plus patent à cet
égard.
Dans les relations privées, la carte nationale
d'identité invoque la facilitation des transactions
électroniques. Idée bien étrange encore que
celle-là, puisque le cyberespace s'est développée et
continue de se développer à marches forcées sans attendre
la sollicitude administrative des pouvoirs publics. Plusieurs méthodes,
dont le cryptage, sont apparues pour assurer la sécurité des
transmissions et garantir la signature des correspondants. Le projet de jumeler
la carte d'identité avec une signature électronique serait,
manifestement et efficacement la lutte contre la cybercriminalité.
En somme, si la carte nationale d'identité contient
des informations sur les citoyens et est reliée à un fichier
central accessible aux organismes publics et aux personnes privées, elle
facilite la prévention de la fraude et la recherche des fraudeurs. Elle
doit donner accès à un fichier central qui aide à retracer
les individus. Il est clair que la carte nationale d'identité occupe une
place importante dans un pays qui se veut démocratique. Elle est
importante tant pour l'État que pour les citoyens du point de vue
politique, sécuritaire, administratif et social. Cependant,
l'utilité d'une telle carte doit être mise en balance avec ses
dangers majeurs pour la protection de la vie privée et la liberté
individuelle.
3-Inconvénients de la
carte nationale d'identité.
Plusieurs auteurs ou organismes privés ou publics
rapportent les difficultés les plus fréquentes que l'on rencontre
avec les moyens actuels d'identification. Au niveau du nom de chacun des
individus, il faut bien constater que plusieurs individus peuvent porter le
même nom; plusieurs résidents sont appelés à
déménager sur une base régulière ce qui rend
aléatoire l'adresse qui figure sur leurs cartes d'identité. La
carte nationale d'identité camerounaise a été rendue
obligatoire pour tous les citoyens en 1964.De ce caractère obligatoire,
il s'ensuit des pénalités encourues par ceux qui ne pourraient
l'exhiber une fois interpellés par un agent des forces de l'ordre ;
donc, en tout temps, un citoyen peut se voir demander par un policier, sa carte
nationale d'identité ; s'il ne l'a pas, l'agent des forces de l'ordre
peut lui dresser une contravention et même l'amène au poste de
police pour enquête. De même si un citoyen oubliait d'avertir
l'Administration de son changement de nom, encore là, on pourrait lui
dresser une contravention112(*). L'instauration d'un tel système serait de
nature à amener de nombreux excès et acheminer la
société vers le harcèlement policier, créant une
névrose collective d'État policier.
Par ailleurs, il faut noter qu'il existe des points d'ombre
concernant l'utilisation de carte nationale d'identité. L'officier de
police d'un commissariat de la région de l'Adamaoua soulignait que dans
de très nombreux cas, les renseignements personnels concernant les
citoyens sont fichés à leur insu pour des fins qu'ils ignorent
sans qu'ils en soient postérieurement informés et sans qu'ils
puissent donc s'y objecter efficacement113(*). La multiplication de données personnelles
détenues dans le secteur privé et public est susceptible de
brimer ou de porter atteinte à la vie privée des citoyens. Comme
l'ont souligné avec justesse Edith Deleury et al :
La vie privée participe de la dignité humaine.
La vie privée permet à l'individu de s'épanouir par
l'affirmation de ses singularités, d'acquérir un sens de soi
à l'abri de l'indiscrétion ou du jugement d'autrui. Le
développement d'une personnalité propre et unique passe
obligatoirement par le respect d'une sphère individuelle au travers de
laquelle l'individu assume et cultive ses différences114(*).
La vie privée est donc intimement liée à
l'autonomie individuelle et constitue l'essence même de notre
société libre et démocratique. Il y a en Europe une
résistance réelle à l'idée d'une carte
d'identification universelle, d'une carte d'identité obligatoire. Parmi
les valeurs qui sont remises en question par une carte d'identité, on
retrouve notamment les suivantes : l'autonomie individuelle,
l'autodétermination en matière d'information, l'accès
exclusif au contrôle de la sphère privée de l'individu, le
droit à l'anonymat et à la solitude. Ainsi, Simon Rogerson
justifiait par ailleurs que l'instauration d'une carte d'identité
obligatoire est susceptible d'affecter les rapports entre l'État, la
police et les citoyens, entre les demandeurs de renseignements personnels et
les personnes concernées115(*).
Par ailleurs, Simon Rogerson116(*) renchérit que les groupes démunis et
les minorités subissent davantage les inconvénients et le
coût social de ces technologies. Ainsi concrètement :
- La carte nationale d'identité peut engendrer des abus
quant à l'obligation pour le détenteur de la produire à
tout moment à toute personne qui la requiert ;
- La carte nationale d'identité obligatoire pourrait
altérer les relations entre les citoyens et policiers, si ceux-ci
l'exigent en tout temps sans raison valable ;
- En plus, la carte d'identité porte un numéro
unique permanent rattaché au détenteur, le fichier peut devenir
l'objet de convoitise de beaucoup d'entreprises et d'organismes. Les
entreprises et organismes voudront avoir accès au fichier afin de
comparer les données qu'ils détiennent avec celles contenues dans
le fichier pour vérifier l'éligibilité des citoyens aux
services et programmes ou pour retracer ceux qui ne s'acquittent pas de leurs
obligations. Le fichier pourrait également servir à la
constitution de profils sur la consommation de services. Dans certains cas, la
comparaison peut se faire à l'insu de la personne concernée et
lui causer des préjudices si, à la suite de la comparaison, la
personne se voit retirer un service ou une prestation sans qu'on lui ait
donné la possibilité de se faire entendre117(*).
- La carte nationale d'identité peut s'avérer un
document attrayant pour les criminels et favoriser la fraude et le crime en
développant un marché pour cartes volées ou
contrefaites.
- La carte nationale d'identité est onéreuse
pour le gouvernement qui l'émet ou pour le citoyen qui doit se la
procurer et la renouveler.
- la non-possession prive les citoyens de certains services
publics et privés.
-Elle peut s'avérer très coûteuse à
produire et à mettre à jour. Tel n'est pas toujours le cas, mais
les coûts augmentent à mesure que s'ajoutent des
éléments de sécurité et que la carte s'impose comme
la principale pièce d'identité du citoyen.
-La production de la carte exige une structure administrative
importante.
-Elle doit être produite avec une technologie
appropriée. S'il n'y a pas d'électricité là
où l'établissement se fait et où les cartes sont
délivrées.
En somme. Bien qu'elle soit obligatoire, la carte nationale
d'identité n'est pas à la portée de tous les citoyens
à cause de son coût. Certaines minorités assument les
conséquences de façon plus sensible que les autres citoyens. Une
réglementation efficace de la transmission des renseignements personnels
pose aussi un réel défi. Tout Camerounais résidant au
Cameroun est, sous peine des sanctions prévues à l'article 370 du
Code Pénal, tenu de déclarer à l'officier
d'état-civil territorialement compétent les naissances, et plus
tard à l'âge de 18 ans de se faire établir une carte
nationale dans un poste d'identification de sa localité. Ceci concourt
à l'identification de la personne physique. Ainsi, il y a trois
manières de concevoir la carte nationale d'identité : il y a
d'abord cet angle subjectif qui est celui de l'individu, et qui peut relever de
la déclaration de l'identité individuelle. Là, on va
précisément parler d'identité. Puis, il y a le point de
vue de l'État qui, lui va se fonder plutôt sur des critères
objectifs, voire des critères scientifiques qui sont aujourd'hui au
centre de débats politiques et là, on va plutôt parler
d'identification. La première conception débouche sur la
sécurisation de l'identité et la seconde sur la base de
données de population. Un troisième pan, qui va retenir notre
attention est sa fonction d'ordre social. L'état des personnes recense
donc des mesures de police prises pour identifier les personnes, pour assurer
leur unicité. Pour cette raison, la carte nationale d'identité
est constituée de règles d'ordre public et un instrument de
contrôle et régulation de la sécurité, d'où
la déclaration de Thierry Braspenning118(*),
L'institutionnalisation de l'identité et de la menace
apporte, paradoxalement, la sécurité. Lorsque l'objet de la peur
a été clairement identifié, on sait mieux ce qui est
menacé et quelle attitude, quelle stratégie peut aider à
s'en prémunir. La survie est une question d'identification. Elle est une
interrogation sur le « qui », le
« quoi », le « pourquoi » et le
« comment ». Qui ou qu'est ce qui est menacé ?
Par qui ou quoi ? Pourquoi ? Comment en sortir ? Les
représentations sociales que sont les institutions insèrent la
peur dans un cadre qui sécurise l'environnement systémique.
Ces propos traduisent l'importance de la carte nationale
d'identité dans la lutte contre le phénomène de
l'insécurité.
Après avoir étudié le contenu de la carte
nationale d'identité et appréhendé les différents
éléments que le droit civil considère pour distinguer les
personnes, il en ressort que l'autorité publique aurait
intérêt à ce que ces différents
éléments ne disparaissent pas pour que l'individualisation d'une
personne ne puisse être reproduite sans autorisation, sauf usage
personnel. En tout cas, le droit civil a toujours organisé un
système de constatation de l'identité malgré les multiples
contentieux qui l'émaillent.
CHAPITRE II :
ÉTABLISSEMENT DES CARTES NATIONALES
D`IDENTITÉ DANS L'ADAMAOUA.
Réalisée par Alpha Ndanga et Jean Francis
Gabana.
Figure 2: Carte de
l'Adamaoua
«Nom, profession, origine». Cette trilogie ou ces
composants qu'on pourrait dire élémentaires constituent le noyau
dur de l'identification. Longtemps inscrits dans l'oralité, ils vont
être combinés à des supports écrits. Cette
innovation, retravaillée et affinée, est la source d'une
transformation durable et structurante dans notre société. Il
faut également retenir que la question de l'identification portée
par les administrateurs de tout poil ne saurait s'analyser parle seul prisme
des populations dites mobiles mais font corps avec le contrôle de la
population urbaine et rurale. Notre ambition dans ce chapitre est de montrer
que les changements survenus au niveau politique et administratif sont
cependant loin d'être insignifiants pour la question d'identification
dans l'Adamaoua. L'établissement des cartes nationales d'identité
dans l'Adamaoua constitue sans nul doute un enjeu pour le gouvernement
camerounais. Il sera question de montrer l'impact des ajustements
administratifs et des innovations techniques sur les conditions
d'établissement des cartes nationales d'identité au Cameroun en
générale et dans l'Adamaoua en particulier. En faisant d'une
certaine manière le portrait d'une histoire de l'identification, il
s'agit d'explorer les conditions pratiques de ces transformations dans
l'Adamaoua entre 1960 et 2013.
I- evolution de la
structure administrative de l'Adamaoua et la mise en place des postes
d'IDENTIFICATION.
L'Adamaoua représente la complexité et la
pluralité camerounaises. Ces caractéristiques sont par une
dialectique animée d'un côté par une volonté
persistante de bien marquer son identité, sa différence par
rapport aux voisins avec lesquels bien des péripéties de
l'histoire contemporaine ont été partagées. Il s'agit
dans cette partie d'analyser la dynamique de la mise en place des postes
d'identification. Nous insisterons surtout sur les données
administratives, dans la mesure où l'évolution de la structure
administrative de l'Adamaoua a considérablement influencé la mise
en place des postes d'identification dans cette Région.
1. Évolution de la
structure administrative de l'Adamaoua.
Après 1911, l'Adamaoua qui faisait partie des
territoires conquis par l'Allemagne, avait deux chefs-lieux de districts que
sont Banyo et Ngaounféré. En 1916, la France retire les
territoires cédés à l'Allemagne en 1911 et intègre
le Cameroun à l'Afrique Équatoriale Française (AEF). Elle
remanie l'organisation administrative et forme les Régions, les
subdivisions et les postes administratives. C'est dont dans ce sillage que la
Région de l'Adamaoua naît. Suite au découpage de 1941,
l'Adamaoua devint Région et eu comme subdivisions
Ngaoundéré, Banyo, Tibati, Meiganga, Tignère.
Avec l'indépendance et la mise en oeuvre d'une nouvelle
organisation du territoire, la Région disparait au profit de la
province. L'organisation administrative du Cameroun connu des changements entre
1959, 1983 et 2008119(*). En fait, après l'indépendance, les
Régions et les districts sont devenus les départements
regroupés en inspection fédérale d'administration (IFA).
Le décret n°59/138 du 08 août modifie les
dénominations des circonscriptions. Ainsi, on peut lire dans l'article
premier de ce décret :
Les circonscriptions administratives de l'État du
Cameroun désignées sous l'appellation de Régions,
subdivisions et postes administratifs prennent respectivement les
dénominations de départements, arrondissements et districts. Les
délégués du gouvernement prennent le titre d'Inspecteurs
généraux de l'Administration120(*).
Dans cette optique, la «Région du
Nord » devient la « province du Nord » en
intégrant le territoire de l'Adamaoua. L'Adamaoua qui fit donc partie de
ce nouveau découpage administratif, devint ainsi
« département de l'Adamaoua » avec cinq
arrondissements notamment Banyo, Tignere, Tibati, Meiganga et
Ngaoundéré comme chef-lieu dudit département. Cette
dénomination perdure jusqu'en 1983.
L'année 1983 est caractérisée au Cameroun
par la création de nouvelles provinces et de nouveaux
départements. Le décret n°83-390 du 22 aout 1983 a
créé cinq (05) nouvelles provinces en son article2, parmi
lesquelles la province de l'Adamaoua. Le décret n°83-392 de la
même année quant à lui, crée neuf (09) nouveaux
départements. Les articles premier et 2 dudit décret stipulent
que :
Sont et demeurent abrogées les dispositions du
décret n°81-251 du 11 décembre 1981 portant
réorganisation administrative dans province du Nord. (Sic)
Il est créé dans les ressorts territoriaux des
actuels départements de Mbam-et- Djerem, d'Adamaoua, de la
Bénoué des départements suivants :
-le département du Mayo Banyo : chef-lieu Banyo
-le département du Djerem : chef-lieu Tibati
-le département du Mbéré : chef-lieu
Meiganga
-le département de la Vina ; chef-lieu
Ngaoundéré
-le département de Faro-et- Déo chef-lieu
Tignere...
Art.2. Les départements sont composés des
arrondissements et districts suivants :
a) Département de Mayo Banyo
Arrondissement de Bankim
Arrondissement de Banyo
b) Département du Djerem
Arrondissement de Ngaoundal
Arrondissement de Tibati
c)Département du Mbéré
Arrondissement de Meiganga
District de Djohong érigé en arrondissement
d) Département de la Vina
Arrondissement de Ngaoundéré
District de Belel érigé en arrondissement
e) Département de Faro- et-Déo
Arrondissement de Tignere
District de Mayo-Baléo érigé en
arrondissement
District de Galim-Tignere unité créée
rattachée administrativement à l'arrondissement de
Tignere121(*)...
En 2008, le Cameroun passe des provinces aux régions
administratives. Deux décrets du Président de la
république ont refondu complètement l'organisation administrative
du Cameroun et le régime des attributions des chefs de circonscriptions
administratives. Ce remaniement était attendu, car il était
nécessaire de tenir compte des dispositions de la révision
constitutionnelle de 1996 qui prévoit la décentralisation
administrative et la création des régions.
La principale innovation de ces textes tient donc au
remplacement des provinces par des Régions, mais également
à la disparition des districts. L'organisation administrative est
essentiellement hiérarchisée. Son étude suppose que l'on
sache quelles sont les différentes circonscriptions administratives
créées dans l'Adamaoua, leur nombre, leur dénomination et
surtout l'impact de la création de ces unités administratives sur
la mise en place des postes d'identification. La Région, il faut le
noter, constitue en même temps une circonscription administrative qu'une
collectivité territoriale décentralisée (comme une
commune), deux notions à ne pas confondre.
Le décret de 2008 transforme, comme nous l'avons
souligné plus haut, les dix (10) provinces en Régions et
érige les districts en arrondissement. Dès lors, en son article
5, ledit décret stipule que :
La Région de l'Adamaoua, dont le chef-lieu est
Ngaoundéré, comprend les départements suivants :
-Département du Djerem ;
-Département du Faro-et Déo ;
-Département du Mayo Banyo ;
-Département du Mbéré ;
-Département de la Vina122(*).
Ce faisant, l'Adamaoua passe de onze (11) arrondissements
à 21 arrondissements. Elle compte cinq (05) départements et
vingt-et-un (21) arrondissements. Ainsi, les départements du Faro-et-Deo
et du Mbéré comptent chacun 4 arrondissements, le Mayo-Banyo
trois (03) arrondissements, la Vina huit (08) arrondissements et le Djerem deux
(02) arrondissements (voir tableau 1). Cependant, il ressort que dans ce
découpage administratif, la Vina est le département le plus vaste
et le Faro-et Déo est le moins dense. Le département du Mayo
Banyo est à la fois le moins vaste et le plus dense (voir tableau
2).L'on constate dès lors que, cette évolution des structures
administratives au Cameroun, trahit en principe, la volonté des pouvoirs
publics de rapprocher davantage l'administration des populations.
L'évolution de la structure administrative de l'Adamaoua de 1959 au
récent décret de 2008123(*) a un impact considérable sur la mise en place
des postes d'identification.
Tableau 1: données
administratives de la Région de l'Adamaoua en 2010.
Départements
|
Chefs-lieux
|
Superficie
|
Arrondissements
|
Vina
|
Ngaoundéré
|
17 196
|
Ngaoundéré 1er, 2eme et
3eme
Belel
Mbe
Ngan-ha
Martap
Nyambaka
|
Mbéré
|
Meiganga
|
14 267
|
Meiganga
Djohong
Dir
Ngaoui
|
Mayo Banyo
|
Banyo
|
8 520
|
Banyo
Bankim
Mayo Darlé
|
Djerem
|
Tibati
|
13 283
|
Tibati
Ngaoundal
|
Faro et Déo
|
Tignère
|
10 435
|
Tignère
Galim-Tignère
Mayo-baléo
Kontcha
|
Total
|
05
|
63 701
|
21
|
Source : MINEFI/Division
Économique de l'Adamaoua/ Rapport Économique de la Région
de L'Adamaoua, Exercice 2010/2011.
Tableau 2: répartition
de la population de la Région de l'Adamaoua 2005-2010.
|
Djerem
|
Faro -et-Deo
|
Mayo Banyo
|
Mbere
|
Vina
|
Adamaoua
|
Cameroun
|
Superficie
|
13283
|
10435
|
8520
|
14267
|
17196
|
63701
|
466050
|
2005
|
Population
|
124948
|
82712
|
187066
|
171670
|
317888
|
884289
|
1746383
|
Densité
|
9,4
|
7,9
|
22,0
|
12,0
|
18,5
|
13,9
|
37,5
|
Tx urbanisation
|
/
|
/
|
/
|
/
|
/
|
38,8
|
48,8
|
2010
|
Population
|
143505
|
95002
|
214849
|
197166
|
365100
|
1.015622
|
19.406.100
|
Densité
|
10,8
|
9,1
|
25,2
|
13,8
|
21,2
|
15,9
|
41,6
|
Tx urbanisation
|
/
|
/
|
/
|
/
|
/
|
/
|
/
|
Source : Ministère de
l'Économie, de la Planification et de l'Aménagement du
Territoire/ Rapport régional de progrès des objectifs du
millénaire pour le développement/Région de l'Adamaoua,
exercice 2010.
Les données des tableaux précédents
permettront de mieux analyser la mise en place ou encore la disposition des
postes d'identification et de mieux étudier l'évolution des
demandes de cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua.
2-La mise en place des postes
d'identification.
L'on ne saurait parler de carte nationale d'identité
dans l'Adamaoua sans toutefois évoquer le processus qui a rendu faisable
l'établissement même de cette pièce d'identité aux
citoyens. La mise en place des postes d'identification dans l'Adamaoua s'est
faite de manière progressive. En outre, les postes d'identification sont
nés au rythme de l'évolution de la structure administrative de
l'Adamaoua et au rythme de la croissance de la population de ladite
Région. C'est en fait un processus qui a débuté en 1960,
avec la présence de quelques postes d'identification installés
uniquement dans les localités les plus importantes de l'Adamaoua. Avec
l'ouverture démocratique des années 1990 et l'augmentation de la
population de l'Adamaoua, plusieurs postes d'identification sont
créés dans toutes les circonscriptions administratives de la
Région de l'Adamaoua.
2-1.Les premiers postes
d'identification de l'Adamaoua.
La période post-coloniale au Cameroun est
caractérisée par la mise en place de la nouvelle administration
et plus particulièrement la création des postes d'identification.
Ces postes d'identification, dans leur contexture actuelle dans la
Région de l'Adamaoua, se singularisent par une répartition
relativement inégale. La région de l'Adamaoua, depuis
l'indépendance du Cameroun, connaît une mise en place progressive
des postes d'identification dont la cartographie donne une lecture plus
aisée.
L'analyse de la mise en place des postes d'identification dans
l'Adamaoua, prend en compte les éléments factuels qui expliquent
pourquoi certaines zones ne sont pas dotées de postes d'identification
ou encore ont bénéficié tardivement d'un poste
d'identification. Dès l'indépendance du Cameroun sous
administration française en 1960, les premiers postes
d'identification ont été créés dans le but
d'identifier les citoyens de cette Région frontalière à la
République Centrafricaine et au Tchad réputés pour une
instabilité et pour une émigration de leurs citoyens vers le
Cameroun. En effet, la mobilité des citoyens camerounais et
l'immigration des personnes de nationalités diverses ont justifié
la création des postes d'identification surtout dans les chefs-lieux des
circonscriptions territoriales de l'Adamaoua. Ainsi, les
sous-préfectures et préfectures étaient à cet
effet, considérées comme les postes d'identification. L'Adamaoua
au cours des années 1960, comptait comme nous l'avons souligné
plus haut cinq (05) arrondissements. Dans ces arrondissements furent donc
installés les services d'identification.
La création des structures administratives a fait
également naître les commissariats dans l'Adamaoua. En effet, dans
leurs missions, les circonscriptions territoriales sont accompagnées par
les commissariats. Ainsi, au Cameroun, les commissariats, tels que
définies par le décret de 1964 instituant la carte nationale
d'identité124(*)
dans son article 3, sont des postes d'identification. Ainsi on peut lire :
« La carte nationale d'identité est établie par les
commissaires de police et les chefs de circonscriptions territoriales auxquels
le Directeur de la Sureté fédérale délègue
sa signature ».
Dans la dynamique de la création des postes
d'identification au Cameroun, on note une mise en place de manière
discriminatoire des postes d'identification dans la Région de
l'Adamaoua. On dirait que certaines localités de l'Adamaoua ont
été carrément écartées de la politique
d'identification des citoyens camerounais. Ce sont par exemples les
localités stratégiques telles que Djohong et Ngaoui dans le
Mbéré, Bankim dans le Mayo Banyo, Ngan-ha et Belel dans la Vina,
Ngaoundal dans le Djerem, Konctha dans le Faro-et-Déo. Des
localités stratégiques du point de vue de leurs positions
frontalières aux pays voisins du Cameroun et aussi du point de vue
démographique. Ces localités n'avaient, au cours des
années 1960 et 1970, aucun poste d'identification.
Dès lors, dans les différentes circonscriptions
territoriales, il eut deux postes d'identification seulement dans les centres
urbains. Ainsi, le tableau suivant fait ressortir la répartition des
postes d'identification dans l'Adamaoua de 1960 à 1995.
Tableau 3: répartition
des postes d'identification de 1960 à 1995.
Villes
|
Postes d'identification
|
BANYO
|
Sous-préfecture de Banyo et le commissariat de la ville
de Banyo
|
NGAOUNDÉRÉ
|
Sous-préfecture de Ngaoundéré et le
commissariat spécial de la ville de Ngaoundéré
|
TIBATI
|
Sous-préfecture de Tibati et le commissariat la ville
de Tibati
|
MEIGANGA
|
Sous-préfecture de Meiganga et le commissariat de la
ville de Meiganga
|
TIGNERE
|
Sous-préfecture de Tignere et le Commissariat la ville
de Tignere.
|
Source : Tableau réalisé
à partir des archives de la délégation régionale de
la sûreté nationale de l'Adamaoua.
Au regard du tableau de la répartition des postes
d'identification dans l'Adamaoua, il est important de noter que, par rapport
à la couverture du territoire de l'Adamaoua, les postes d'identification
sont insuffisants. Ainsi, pour une superficie de 63 701Km2
l'Adamaoua comptait dix (10) postes d'identification installés
uniquement dans les villes importantes.
2-2. Répartition des postes
d'identification dans l'Adamaoua à partir de 1995.
L'année 1995 est marqué la mise en place d'un
nouveau système d'identification au Cameroun et surtout par l'ouverture
de près de 100 postes d'identificatification à travers le
Cameroun. Le Cameroun, au début des années 2000, compte 350
postes d'identification125(*). Suite à cette réalisation de la
délégation générale à la
surété nationale, la Région de l'Adamaoua,
bénéficia de nouveaux postes d'identification. Ainsi, pour
pallier les difficultés d'établisssement des cartes nationales
d'identité que connaissent les services d'identification et les citoyens
demandeurs, dans certains centres urbains comme Ngaoundéré, Banyo
et Meiganga, de nouveaux postes d'identification on été
créés pour renforcer ceux qui existaient déjà. Par
ailleurs, la mesure prise par le délégué
générale à la sûreté nationale, responsable
principal de l'identification au Cameroun, a permis aussi de créer les
postes d'identification dans certains arrondissements et localités de
l'Adamaoua, ceci pour rapprocher davantage les sercvice d'identification des
populations.
Chaque département de la région dispose
désormais de deux (02) à cinq (05) postes d'identification,
chargés d'établir les cartes nationales d'identité aux
citoyens camerounais qu'on retrouve dans ces unités administratives. Sur
le plan régional, la délégation régionale de la
sûreté nationale de l'Adamaoua assure la tutelle des postes
d'identification. Elle est chargée d'acheminer les matériels
d'identification dans ces postes. Cependant, il est important de remarquer que,
la nouvelle répartition des postes d'identification dans l'Adamaoua
tient compte de la densité de la population et même de la position
des circonscriptions administratives. Ce faisant, nous avons la
répartition suivante :
Le département de la Vina compte cinq (05) postes
d'identification dont : le poste d'identification de la
délégation régionale de sûreté nationale de
l'Adamaoua ; le poste d'identification du commissariat central ; le
poste d'identification deMbé ; le poste d'identification de
Nyambaka et le poste d'identification de Martap.
Dans le département du Mbéré, nous
avons : le poste d'identification du commissariat de
sécurité publique de la ville de Meiganga ; le poste
d'identification du commissariat central de la ville de Meiganga, mais
installé à Meidougou ; le poste d'identification de
Djohong et le poste d'identification de Dir
Dans le département de Mayo Banyo ils sont les
suivants : le poste d'identification de Banyo, le poste d'identification
de Bankim et le poste d'identification de Mayo-Darlé.
Dans le département du Faro-et Déo, l'on
a : Le poste d'identification de Tignere et le poste d'identification de
Galim-Tignere
Dans le département du Djerem, l'on : le poste
d'identification de Tibati et le poste d'identification de Ngaoundal.
Au totale, l'Adamaoua est passé de dix (10) à seize
(16) postes d'identification. Au cours des périodes 1960 ; 1970 et
1980 les postes d'identification étaient logés dans les
structures de l'administration territoriales (préfectures et
sous-préfectures).La mise en place du système d'identification
biométrique en 1995 a permis de centraliser les services
d'identification. Désormais, les services d'identification sont
logés dans les structures de la délégation
générale de la sûreté nationale (commissariats).
Photo 16: Poste
d'identification de la ville de Meiganga.
(c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014
Ce poste d'identification qui fut dans l'enceinte de la
sous-prefecture de Meiganga entre 1960 et 1994, est logé dépuis
1995 dans le commissariat de la sécurité publique de Meiganga.
Photo 17: Poste
d'identification de la ville de Tibati.
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.
Ce poste d'identification fut l'unique du département
du Djerem jusqu'en 1983, année de création de la sous-prefecture
de Ngaoundal, par conséquence, la création d'un nouveau poste
d'identification dans le Djerem. C'est l'un des postes de l'Adamaoua qui,
jusqu'ici, produit le moins de demandes de cartes nationales d'identité
par rapport au autres postes d'identification. Le responsable dudit poste
justifie que la plupart des citoyens de ce département vivent dans les
campagnes et sont préoccupés par les activés de
pêche, par de activés champêtres et par des activités
pastorales126(*).
Photo 18: poste
d'identification de la ville de Banyo.
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014
Le poste d'identification de Banyo fut le tout premier dans le
département de du Mayo Banyo. Logé dans l'enceinte du
commissariat de sécurité publique de la ville de Banyo depuis
1995, ce poste reçoit aujourd'hui, en moyenne 20 à 30 demandeurs
par jour. À cause de l'étroitesse de l'espace, les demandeurs
attendent à l'extérieur leur tour. Monsieur Baino Pagoah,
responsable de ce poste d'identification, explique que, lors des campagnes
d'identification, l'établissement des cartes nationales
d'identité se fait à l'extérieur (à l'aire libre),
car le bâtiment ne peut contenir plus de 10 personnes127(*). Une représentation
de ces postes d'identification dans un tableau permet de faire une lecture
aisée des services d'identification dans l'Adamaoua.
Tableau
4:répartition des postes d'identification dans
l'Adamaoua en 2013.
Code du poste d'identification
|
Ville ou Localité
|
Localisation
|
AD 01 : DRSN/AD
|
NGAOUNDERE
|
Délégation générale de la
sûreté nationale de l'Adamaoua
|
AD02 : MAYO-DARLE
|
MAYO-DARLE
|
Commissariat central de Mayo- Darlé
|
AD03 : BANKIM
|
BANKIM
|
Commissariat central de Bankim
|
AD 04 : BANYO
|
BANYO
|
Commissariat de sécurité publique de Banyo
|
AD05 : CIAT CENTRAL
|
NGAOUNDERE
|
Commissariat central de Ngaoundéré
|
AD06 : TIBATI
|
TIBATI
|
Commissariat Spécial de Tibati
|
AD07 : MEIGANGA
|
MEIGANGA
|
Commissariat de sécurité publique de Meiganga
|
AD08 : TIGNERE
|
TIGNERE
|
Commissariat de sécurité publique de Tignere
|
AD09 : NGAOUNDAL
|
NGAOUNDAL
|
Commissariat central de Ngaoundal
|
AD10 : MBE
|
MBE
|
Commissariat central de Mbé
|
AD11 : DIR
|
DIR
|
Commissariat central de Dir
|
AD12 : GALIM-TIGNERE
|
GALIM-TIGNERE
|
Commissariat central de Galim-Tignere
|
AD13: DJOHONG
|
DJOHONG
|
Commissariat central de Djohong
|
AD14 : MEIDOUGOU
|
MEIDOUGOU
|
Commissariat central de Meiganga
|
AD15 : NYAMBAKA
|
NYAMBAKA
|
Commissariat central de Nyambaka
|
AD 16 : MARTAP
|
MARTAP
|
Commissariat central de Martap
|
Source : Archives de la
délégation régionale de la sûreté nationale
de l'Adamaoua.
Tableau
5:répartition des équipes mobiles
d'identification dans l'Adamaoua en 2011.
Code
|
Départements
|
Localité de travail
|
MA 01
|
VINA
|
Belel; Bakari Bata; Tchabal ; Idool ;
Tello ;Belel-Dibi etc.
|
MA 05
|
MA04
|
MAYO-BANYO
|
Sambolambo ; Nyamboyan ; Mbamti, Kontcha etc.
|
MA06
|
DJEREM
|
Mbakaou ; Allat Mingat ; Tongo.
Ngatt ;Pangar ; Kawtal 1 et 2, Danfili ;
Djondé ;Koundé etc.
|
MA09
|
MA07
|
MBERE
|
GbatouaGodolé ; Kombo Laka ; Yarmbang ;
Ngaoui ; Lokoti ;Dankalé ;Mbarang ; Zaoro-Fio ;
BékaGuiwan.
|
MA14
|
MA08
|
FARO ET DEO
|
Almey ;Wogomdou ; Mayo Lewa ;Lompta etc.
|
Source : Archives de la
délégation régionale de la sûreté nationale
de l'Adamaoua.
À la suite de ces tableaux, il est important de noter
que dans chaque département de l'Adamaoua, en plus des postes
d'identification fixes, les équipes mobiles d'identification furent
créées. Ces équipes mobiles d'identification se
déploient surtout à la veille des échéances
électorales dans le but de pallier aux nombreuses difficultés que
connaissent les citoyens des zones rurales et surtout pour permettre aux
citoyens en âge de voter de se faire inscrire sur les listes
électorales. Ces équipes mobiles déployées au cours
de la période des opérations foraines de l'établissement
des cartes nationales d'identité, ont couvert plusieurs zones rurales de
l'Adamaoua permettant ainsi à plusieurs citoyens de se faire identifier.
Une représentation des postes d'identification sur une carte permet de
mieux cerner la disposition des services d'identification dans l'Adamaoua.
Figure 3: carte des postes
d'identification de l'Adamaoua.
À la suite de cette carte, force est de constater que
les départements de la Vina et du Mbéré ont respectivement
cinq (05) et quatre (04) postes d'identification. Dans le département de
la Vina, les arrondissements de Nganha-ha et de Belel ne sont pas, jusqu'ici,
dotés de postes d'identification. Dans le département du
Mbéré, l'arrondissement de Ngaoui manque de poste
d'identification. Les arrondissements de Tibati et Ngaoundal dans le
département du Djerem ont chacun un poste d'identification. Dans le
département du Mayo Banyo, tous les trois arrondissements sont
dotés des postes d'identification. Dans le département de Faro et
Déo, deux (02) arrondissements (Galim-Tignere et Tignere) sont
dotés des postes d'identification. Les arrondissements de Kontcha et de
Mayo-Baléo n'ont pas jusqu'ici de postes d'identification. La
disposition de ces postes d'identification dans l'Adamaoua, ne permet pas
à certains citoyens d'accéder facilement aux services
d'identification.
II- Pratique
d'identification dans l'Adamaoua de 1960 À 2013.
La mise en place des postes d'identification dans l'Adamaoua
et le développement de la politique d'identification au Cameroun ont un
impact direct sur l'établissement des cartes nationales
d'identité dans cette unité administrative. Les périodes
1960, 1970 et 1980 sont caractérisées par un faible taux
d'identification. Cependant, à partir des années 2000, avec
l'avènement du nouveau système d'identification au Cameroun,
l'action des pouvoirs publics, l'on constate une amélioration des
conditions d'identification dans les postes d'identification repartis dans
l'Adamaoua. Ainsi, pour une bonne compréhension de la pratique
d'identification dans l'Adamaoua, il importe d'étudier
l'établissement des cartes nationales d'identité uniquement dans
les centres urbains de1960 à1999 et le déploiement des postes
d'identification dans les zones rurales à partir des années
2000.
1-Établissement des
cartes nationales d'identité de 1960 à 1999.
La politique d'identification au Cameroun s'est
développée de manière progressive. En fait, au cours des
périodes 1960, 1970 et 1980, les cartes nationales d'identité
étaient délivrées dans les commissariats et
sous-préfectures. La structure administrative de l'Adamaoua ne fut pas
en marge de cette pratique d'identification. En effet, au cours des
années 1960 cette unité administrative ne comptait que quelques
postes d'identification qui, étaient logés dans les
sous-préfectures et quelques commissariats disséminés sur
l'étendue dudit territoire128(*). C'est dire donc qu'à cette époque,
comme partout au Cameroun, les cartes nationales d'identité
étaient délivrées par les chefs de circonscriptions
territoriales et par des commissaires de police. Cependant, il faut noter que
les postes d'identification qui étaient logés dans les
sous-préfectures et commissariats ne pouvaient que par conséquent
être dans les centres urbains de la Région de l'Adamaoua.
Toutefois, les populations de localités environnants ces centres
urbains, pour se faire établir leurs cartes nationales
d'identité, se rendaient dans ces sous-préfectures et
commissariats. Ainsi, pratiquement, les demandeurs de cartes nationales
d'identité de ces époques se faisaient souvent accompagner de
deux à trois témoins. Selon monsieur Daagoula, l'absence des
pièces pouvant prouver la nationalité d'un quelconque citoyen
demandeur de la carte nationale d'identité, faisait aussitôt
intervenir les témoins qui peuvent être le chef du village ou du
quartier et deux à trois membres de famille. La présence de
ceux-ci n'était donc pas fortuite dans la mesure où ils
étaient chargés de justifier le lieu de naissance, le domicile et
surtout la filiation du citoyen à identifier.
Par ailleurs, la manière dont les postes
d'identification étaient repartis dans l'Adamaoua (au cours de 1960
jusqu'à la fin des années 1990) ne pouvait pas permettre aux
citoyens des zones rurales de l'Adamaoua d'obtenir aisément leurs cartes
nationales d'identité129(*). C'est par exemple, le cas des populations de
Djohong, Gbatoua-Godolé, Fada, Ngaoui, Lokoti etc. qui se rendaient,
souvent à pieds, à la sous-préfecture de Meiganga pour se
faire établir leur carte nationale d'identité.
À partir des années 1980, l'identification des
citoyens dans l'Adamaoua fit une légère une avancée. L'on
note dès lors, le déploiement des services d'identification de
Ngaoundéré et de Meiganga dans les zones rurales. Cependant,
cette politique d'identification ne porta pas de fruit, car selon un ancien
personnel d'identification, les populations des zones reculées
étaient encore méfiantes et la politique d'identification avait
manqué de financement et d'appui de la part des autorités
politiques et administratives de la région130(*).
De manière générale, l'identification
dans l'Adamaoua de 1960 à 1990 est caractérisée par une
faible production. En effet, la procédure d'identification durant ces
années semblait facile par rapport à celle d'aujourd'hui, car le
demandeur pouvait entrer en possession de sa carte d'identité le
même jour de la délivrance. Ceci devrait plutôt attirer bon
nombre de citoyens de l'Adamaoua à se faire identifier. Mais,
paradoxalement, l'on constate plutôt le contraire car plusieurs citoyens
ne connaissaient pas le bien-fondé de l'identification. Tout de
même, il ressort que, l'établissement des cartes nationales
d'identité dans l'Adamaoua dans les trente premières
décennies a manqué d'une politique viable et de l'appui du
gouvernement. Même en exemptant à un certain moment les frais
d'identification, peu de citoyens se faisaient établir leurs cartes
d'identité. Néanmoins, quelques postes d'identification furent
relativement actifs. C'est notamment les postes d'identification de
Ngaoundéré et de Banyo, premièrement à cause de
leur position stratégique (villes frontalières au Tchad et au
Nigeria), deuxièmement à cause de leur potentiel
démographique (voir tableau 2) et enfin à cause de
l'ancienneté de ces postes d'identification installés. De
manière générale, les départements de la Vina et du
Mayo Banyo sont, en fait, les deux premiers départements les plus
peuplés de l'Adamaoua et suivant la logique de l'évolution de la
structure administrative de l'Adamaoua, les postes d'identification ont
été d'abord créés dans les chefs-lieux de ces deux
départements en occurrence Ngaoundéré et Banyo. Ce sont
les postes qui recevaient en moyenne vingt à trente demandeurs par jour.
Par ailleurs, la position de ces deux départements comme carrefours
d'une part (Ngaoundéré) et d'autre part, zones
frontalières aux pays voisins du Cameroun a un impact important sur
l'établissement des cartes nationales d'identité dans les postes
d'identification de ces deux villes. Les postes d'identification de Tibati,
Tignère furent peu productifs à cause du retard de la mise en
place des infrastructures d'identification.
2-Le déploiement des
postes d'identification à partir des années 2000.
La principale raison qui explique le déploiement des
postes d'identification dans les années 2000 est surtout politique. En
effet, les stratégies variées ont été mises sur
pied pour permettre à tous ceux qui n'ont pas de carte d'identité
d'en posséder puisque, sans carte d'identité personne n'est
autorisé à s'inscrire sur une liste électorale. C'est dans
cette optique que le président de la République a pris une
série de mesures visant à permettre aux citoyens de disposer
d'une carte d'identité. En fait, l'ONEL (Office National des
Élections) avait proposé au gouvernement le maintien de la
validité de la carte nationale d'identité en carton pour les
inscriptions lors des élections législatives et municipales de
2002. Répondant à cette proposition, par décret
n°2002/023 du 23/01/2002 le président de la République
décida de proroger la validité de la carte d'identité en
carton jusqu'au 31 décembre 2003. Par un autre décret, il
prorogea à nouveau ledit délai131(*). L'objectif une fois de
plus, était de permettre à un maximum de citoyens camerounais
d'avoir une carte nationale d'identité et de s'inscrire sur les listes
afin d'exercer, le moment venu, leur droit de vote. Ainsi, des mesures
allégeant les formalités en matière d'établissement
et de délivrance de la carte nationale d'identité
informatisée sont entreprises par le chef de l'État. Par
décret, il ordonna la réduction de moitié les frais
d'obtention de la carte, la faisant passer désormais de 5000f à
2500f132(*). Avant de la rendre totalement gratuite, chaque
citoyen concerné par un problème d'identification ne devait
dépenser que la somme de 2800 FCFA au total, à raison de 1800
FCFA pour la photo d'identité et 1000 FCFA pour la taxe spéciale
d'identification. Toute exigence financière allant au-delà de
cette somme est donc réputée illicite et de ce fait, interdite.
Elle devra par conséquent, le cas échéant, être
portée à la connaissance du délégué
général à la sûreté nationale. De la
même façon, aucun paiement ne saurait être exigé lors
du retrait de la carte nationale d'identité133(*).
Bien plus, du 03 janvier au 30 avril 2011, le Président
de la République rend l'établissement des cartes nationales
d'identité gratuite, afin de pallier leur coût
élevé et encourager dans la foulée les inscriptions sur
les listes électorales. Ces mesures qui furent valables jusqu'au
19/05/2011, portaient sur les points suivants :
- l'exemption des frais de
timbre lors de la signature par les autorités administratives des
pièces d'état-civil exigées pour la constitution des
demandes d'identification en vue de la délivrance desdites cartes;
- l'exemption du droit de timbre et de la redevance du greffe
lors des demandes et de la délivrance des certificats de
nationalité, en vue de l'établissement des cartes ;
- la gratuité des imprimés de demandes et de
certificats de nationalité auprès des Tribunaux de
Première Instance territorialement compétents ;
-la mise en place et le déploiement physique des
équipes mobiles d'identification, notamment en milieu rural au
bénéfice des populations éloignées des postes fixes
d'identification ;
- le renforcement des équipes de travail dans les
centres d'identification et les centres de production et d'authentification
;
-la dotation des équipes mobiles d'identification en
matériel roulant conséquent ;
- le renforcement des centres d'identification et de
production en fournitures et matériel photographique et en consommables
divers ;
- la mobilisation des ressources nécessaires à
la facilitation de l'ensemble de ces opérations.
Les mesures qui viennent d'être énoncées
visaient à accroître l'efficacité du système
d'identification déjà existant sur l'ensemble du territoire
national, dont le maître d'oeuvre est le délégué
général à la sûreté nationale en
étroite complémentarité d'action avec le Ministère
de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation et le
Ministère de la Justice.
D'une manière générale, la
stratégie d'identification des populations camerounaises comporte deux
(02) volets opérationnels :
-l'identification spontanée qui se fait dans les trois
cent cinquante (350) postes fixes ouverts dans les zones de grandes
agglomérations disséminées sur l'ensemble du territoire
national ;
-l'identification de proximité par le
déplacement des équipes mobiles d'identification, en direction
des populations situées en zones reculées et d'accès
souvent difficile. Dans le contexte des mesures prescrites par le Chef de
l'État, les postes d'identification fixes ont connu une
amélioration de leur fonctionnement avec d'avantage de
professionnalisme, de célérité, de rigueur et de
courtoisie. Ces postes d'identification restaient donc ouverts au public, de
lundi à vendredi, de 7h30 à 17h30 et le samedi de 7h30 à
12h30.
S'agissant des équipes mobiles d'identification, leur
mise en mouvement fut assurée par le délégué
général à la sûreté nationale et s'effectua
à la demande des autorités administratives, des élites
locales et des responsables des partis politiques. La particularité de
ces équipes tenait pour l'essentiel à la rapidité du
travail effectué et au raccourcissement des délais entre la
collecte des demandes et la mise à disposition des cartes sur le lieu
initial d'identification. Afin d'atteindre le plein objectif visé par ce
moyen d'identification, il était recommandé aux postes
d'identification de faire en sorte que les dossiers à instruire soient
accompagnés des précisions relatives aux points physiques des
rencontres d'identification, au nombre des personnes à identifier par
session d'identification ainsi qu'à la mise à jour
préalable de leurs demandes respectives.
Au total, les mesures prescrites par le Chef de l'État
permettent de réduire de près de 50% la dépense
effectuée par tout citoyen en période normale, pour
l'établissement d'une carte nationale d'identité. Ainsi, Issa
Tchiroma Bakary134(*)
justifie la mesure du président de la République en ces
termes :
La mesure prise par le Président de la
République, afin de faciliter à titre exceptionnel
l'établissement et la délivrance des cartes nationales
d'identité aux citoyens Camerounais en âge de voter, notamment de
par l'incidence de près de trois (03) milliards de FCFA qu'elle
crée sur le budget de l'État, indique donc, s'il en était
encore besoin, la ferme détermination du Chef de l'État à
tout mettre en oeuvre, pour assurer une participation optimale des Camerounais
aux prochaines échéance électorales.
S'inscrivant dans la dynamique entreprise par le chef de
l'État, outre la création des équipes mobiles
d'identification dans les zones rurales, le
délégué général à la
sûreté nationale entreprit des mesures
pour accompagner la décision du chef de l'État. C'est ainsi que
l'on a observé dans l'Adamaoua, les actions des services
d'identification suivantes :
- Le déploiement des équipes mobiles
d'identification chargées chacune de couvrir au moins un
département du territoire de l'Adamaoua.
- L'identification de proximité par la mise en
mouvement des groupes mobiles d'identification gravitant autour des centres
d'identification pour se rapprocher le plus possible des demandeurs de cartes
nationales d'identité.
- L'amélioration du fonctionnement des postes
d'identification fixes existants, disséminés sur l'ensemble du
territoire régional pour un rendement qualitatif et efficient.
- Le renforcement des équipes de travail dans les
postes d'identification.
- L'intensification de la distribution de proximité des
cartes nationales d'identité en souffrance.
Dans tous les cas, les mesures liées à la carte
nationale n'ont pas parfois suffi car, il s'est souvent posé le
problème du défaut d'actes de naissance suscitant dans la
foulée la prise de certaines dispositions. C'est ce qui a motivé
l'établissement des actes de naissance à ceux qui n'en n'avaient
pas. Ainsi, la mesure présidentielle du 31 décembre 2012,
instaurant la gratuité de la carte nationale d'identité au
Cameroun, a mis à nu la difficulté des habitants de Belel,
Ngaoui, Danfili, Sambolambo etc. Faute de poste d'identification, les habitants
de ces localités se sont rués vers les villes proches pour
obtenir leurs pièces d'identité.
Photo 19:
les citoyens venus se faire identifier à l'hôtel de ville
de la communauté urbaine de Ngaoundéré pendant la campagne
d'identification.
(c) : Ndjobdi Pierre, juillet 2014.
3-Le démarchage dans le
processus d'identification.
Au cours des quatre premières décennies de
l'institution de la carte nationale d'identité au Cameroun, la pratique
du démarchage dans le processus d'identification n'était pas
réellement perceptible. Une lecture historique de la pratique
d'identification dans la Région de l'Adamaoua révèle que
le démarchage dans le processus d'identification s'est accentué
à partir des années 2000. En fait, l'avènement de la carte
nationale d'identité informatisée à la fin des
années 1990, suscita la curiosité des citoyens de la
Région de l'Adamaoua et par conséquent augmenta les demandes de
cartes nationales d'identité. En effet, contrairement aux années
précédentes, l'on constate une forte demande de la carte
nationale d'identité dans l'Adamaoua. Désormais devant certains
postes d'identification de la Région l'on observe de nombreux citoyens
en quête de leur identité officielle. Souvent en rang ou encore
assis dans les salles d'entente du service d'identification, ces citoyens
attendent avec impatience leur tour. Cependant, certains citoyens, pour
éviter des longues attentes font recours aux démarcheurs.
De ce qui précède, il est important de noter que
l'affluence dans les postes d'identification a permis le développement
du démarchage dans le processus d'établissement des cartes
nationales d'identité dans l'Adamaoua. Toutefois, il faut noter que
cette pratique n'est pas officiellement reconnue par le gouvernement
camerounais, mais les écarts constatés entre normes et
comportements de certains personnels d'identification semblent relever de la
mauvaise application des conditions d'établissement de la carte
nationale d'identité. En fait, pour monsieur Ndjobdi Pierre, un
démarcheur est « cet individu qui s'est autoproclamé
personnel d'identification et qui assure l'intermédiation entre le poste
d'identification et le demandeur de la carte d'identité surtout dans le
but de tirer un profit du service rendu»135(*).
C'est précisément en 2002, année qui
correspond à la toute premières opération foraine
d'établissement des cartes nationales d'identité
informatisée que le phénomène de démarchage
s'amplifie dans la Région de l'Adamaoua. En effet, il faut
répartir aux actions des élites politiques de l'Adamaoua qui,
à la veille des échéances électorales, conduisaient
certains citoyens aux postes d'identification, pour mieux comprendre la
pratique du démarchage qui fait le quotidien de certains postes
d'identification de l'Adamaoua. Certains proches des personnels
d'identification, ou ceux qui ont noués des relations avec ceux-ci sont
devenues au lendemain des années 2000, des acteurs de l'identification
qui, il faut le souligner, ne sont pas reconnus par l'État. Ces derniers
semblent être incontournables pour certains citoyens dans le processus
d'identification. Pour se faire établir leur carte nationales
d'identité, certains citoyens font recours à ces
démarcheurs qui, font authentifier à leur place, leur acte de
naissance, leur certificat de nationalité et les conduisent dans le
poste d'identification136(*).
Cette pratique semble être récurent chez les
Peul. Monsieur Bétara remarquait que la plupart des Peul qui viennent se
faire établir leur carte nationale d'identité, se font
accompagnés par un démarcheur.137(*)Les raisons d'une telle intermédiation
avancées par quelques citoyens rencontrés résident, selon
eux, au fait que les démarcheurs connaissent le
« Ngomna »138(*) et maitrisent mieux qu'eux la procédure
d'établissement de carte nationale d'identité.
Dès lors, cette intermédiation dans le processus
d'identification semble être une norme dans la conscience de certains
individus. Le démarchage a amplifié certaines pratiques qui
existaient déjà dans les services d'identification. Ainsi, l'on
note la surenchère du tarif d'identification, la corruption et le
népotisme dans certains services d'identification de la Région de
l'Adamaoua. Monsieur Hamadou Malloum témoignait que la première
fois qu'il voulait se fait établir sa carte nationale d'identité
informatisée en 2001, le démarcheur lui avait demandé la
somme de 30.000 f139(*).
Les démarcheurs profitent également des périodes
d'affluence dans les postes pour encaisser frauduleusement de l'argent.
Toutefois, des mesures drastiques ne sont pas, jusqu'ici, prises à
l'encontre des démarcheurs, qui constitues une entrave à
l'identification.
Iii-Les réactions
des populations À l'Égard de la question d'identification.
Au cours de l'histoire, l'autorité politique imposa
fréquemment aux gens ordinaires l'exigence de laissez-passer, de
documents d'identité ou d'autorisation de circuler. De même, les
esclaves américains avaient besoin d'un passeport intérieur pour
circuler. La majorité des pays africains après
l'indépendance en se dotant du système d'identification
basé sur la carte d'identité, ont imposé la possession de
ces pièces de la vie civile à leurs citoyens. Ainsi, le Cameroun
n'est pas en marge de cette pratique. La finalité de cette partie est
d'analyser les comportements des populations de l'Adamaoua vis-à-vis de
la question de la carte nationale d'identité. De manière
concrète, il s'agira d'examiner les formes de résistance des
populations, les raisons d'une ruée dans les postes d'identification
à un moment précis et enfin il sera question d'analyser les
mobiles de l'abandon des cartes nationales d'identité dans les postes
d'identification de l'Adamaoua.
1. Une passivité des
populations à l'égard de la carte nationale
d'identité.
En Afrique en général, la question
d'identification n'est pas universellement perçue comme un droit
fondamental. De ce fait, il ne lui est accordé qu'une infime
priorité. Au Cameroun et dans l'Adamaoua particulièrement, la
possession de la carte nationale d'identité n'est pas
considérée comme une priorité par certains citoyens. Un
tel comportement est justifié par l'ignorance et la
méconnaissance des droits relatifs à l'établissement des
cartes nationales d'identité et l'ignorance même de ce document
d'identité comme pièce officielle. C'est dans cette optique que
Jean Marie Adiaffi met en exergue dans son oeuvre un dialogue entre un agent de
la force de l'ordre le personnage Malédouman en ces termes :
-« Ta carte
d'identité ! Ta carte d'identité ! »
-« Qu'est-ce que cette histoire de carte
d'identité ? Regardez-moi bien. Sur cette joue, cette marque que
vous voyez, c'est ma carte d'identité »
« ...carte d'identité, quel drôle de mot ! (...)
Cela ne veut rien dire (...). Seul le sang, la famille identifient
réellement. Seule l'histoire identifie réellement. Seul le temps
identifie réellement ».140(*)
Ce dialogue traduit combien de fois la carte d'identité
est étrangère pour l'Africain qui ne trouve dans ce document
aucune importance. En effet, dans les zones rurales de l'Adamaoua,
l'établissement des cartes nationales d'identité n'est pas
considéré comme important par les citoyens qui sont
préoccupés dans leur survie au jour le jour. La valeur de la
carte nationale d'identité est négligée face à des
problèmes plus immédiats et plus tangibles, en oubliant son
potentiel.
Le problème majeur qui se pose ici, est l'absence de
rapports entre le citoyen et les services d'identification. Dès
l'institution de la carte nationale d'identité, le gouvernement
camerounais a manqué à mission qui est celle d'informer et de
sensibiliser la population. Il se trouve donc que certains citoyens dans
l'Adamaoua, face à cette situation, ne pouvaient que manifester une
réticence vis-à-vis de la carte nationale d'identité.
Ainsi, à cause des affres de la colonisation européenne l'on note
tout de même un climat de méfiance des populations au cours des
années 1960 à l'égard de toute entreprise de
l'État. En fait, il est important de noter que la notion
d'identification, qui a été introduite par l'autorité
coloniale était en général mal perçue. Les
populations y voyaient une pratique étrangère qu'on leur imposait
et non un service dont il bénéficiait. L'on pouvait souligner
à cette époque la méfiance des populations à
l'égard de tout fichage, en raison de son usage pour
l'établissement de l'assiette de l'impôt et des listes des
imposables. Cette image a perduré chez certains citoyens de l'Adamaoua
qui, pendant les années 1960, percevaient en la carte nationale
d'identité une pratique étrangère destinée à
les asservir. Il ressort donc que, l'une des raisons qui explique par ailleurs,
la réticence ou la passivité des populations de l'Adamaoua est le
manque de sensibilisation des citoyens au sujet du bien-fondé de la
carte nationale d'identité.
Par ailleurs, l'identification dans l'Adamaoua est
ignorée en tant qu'institution. En dehors d'une franche infime
d'intellectuels ou de professionnels de l'identification, certains citoyens des
zones rurales de l'Adamaoua n'ont pas la moindre idée du sens ou du
bien-fondé de la carte nationale d'identité. Ils
perçoivent mieux l'identification comme quelques formalités
bureaucratiques que l'on doit remplir dans certaines circonstances de la vie,
sans trop de question. L.Tart et M. Francois, analysant l'état-civil en
Afrique, justifient cette ignorance en ces termes :
En Afrique..., une telle méconnaissance ne peut
être que la règle, dans la mesure où la notion
d'État moderne représente plus une superstructure ajoutée
comme « pièce rapportée » à la vie
courante, qu'un élément intégré à celle-ci.
On pourrait donc dire que, dans les mentalités, l'état-civil
n'existe simplement pas : il y a juste là une émanation de
l'Administration, des « gens des bureaux »
(Ngomna), qui impose quelques contraintes dans une série de
circonstances en rapport avec les exigences de la modernité, mais ce
n'est nullement porteur de sens propre141(*).
De ce qui précède, il ressort que les
législations qui ont été conçues pour
l'identification ont été transposées dans un contexte
où elles n'avaient pas vocation à s'appliquer. Toutefois, les
législateurs de la carte nationale d'identité du Cameroun n'ont
pas tenu compte de la culture et des réalités quotidiennes des
communautés locales. Ces textes sont donc entrés par effraction
chez les populations du Cameroun et de l'Adamaoua en particulier.
De même, il faut souligner la
légèreté des autorités administratives dans
l'Adamaoua au cours des années 1970 en ce qui concerne la gestion de la
question d'identification des citoyens. En outre, la loi n° 64 du 13
septembre 1964 rendant obligatoire la carte nationale d'identité
combinée à l'article 59 du décret de la gendarmerie
instituant le contrôle d'identité n'a pas été
scrupuleusement appliquée. Dans l'Adamaoua, à cette
époque, les citoyens se déplaçaient d'une localité
à une autre sans en permanence présenter leur carte nationale
d'identité à un agent de la force de l'ordre. Ainsi, Madame Diza
Inès témoigne en ces termes :
Au cours des années 1970, il n'existait presque pas de
contrôle rigoureux de pièce d'identité dans les postes de
contrôle routier. Les femmes n'étaient même pas
interpellées pour une question de carte nationale d'identité.
C'est souvent les femmes mariées aux « hommes en
tenue » et celles qui occupaient des postes de responsabilité
qui généralement, détenaient la carte nationale
d'identité142(*).
Dès lors, il faut dire que la passivité des
populations de l'Adamaoua vis-à-vis de la question de la carte nationale
d'identité réside surtout dans la méconnaissance du
bien-fondé de cette pièce de la vie civile. Cette
passiveté résulte également du manque de sensibilisation
de la population par l'administration. La carte nationale d'identité
avait été instituée sans aucune campagne de
sensibilisation de la population camerounaise. Cependant, l'ouverture
démocratique au Cameroun notamment les différentes
échéances électorales fut à l'origine de la
ruée des populations dans les postes d'identification. Aussi, pour
atteindre sa mission d'identification des citoyens, l'État camerounais a
pris des mesures coercitives envers les citoyens, en instituant des
contrôles systématiques d'identité.
2. La ruée des citoyens
dans les postes d'identification à partir des années 1990.
Les mobiles qui justifient la ruée des citoyens dans
les postes d'identification de l'Adamaoua sont une conjugaison de plusieurs
faits. En fait, depuis l'institution de la carte nationale d'identité,
des mesures coercitives n'étaient pas aussi prises par l'État
à l'endroit des citoyens réticents et/ou récidivistes. Il
fallut attendre les années 1990, caractérisés par
l'ouverture démocratique et la montée fulgurante de
l'insécurité dans cette Région frontalière avec la
République Centrafricaine, le Tchad et le Nigeria pour assister aux
contrôles systématiques des documents. Cette mesure a amené
plusieurs citoyens à prendre d'assaut les postes d'identification
repartis dans la Région.
La montée de l'insécurité dans l'Adamaoua
est caractérisée par l'émergence du gangstérisme
urbain et rural et la grande criminalité. Face à cette situation
l'autorité mit en place la politique « du tout
répressif »143(*). Dans le but de reconstruire l'ordre public, la
sécurité et la stabilité dans cette Région, le
contrôle d'identité dans les centres urbains et même les
frontières de l'Adamaoua fut résolument la méthode
employée par l'État pour mettre hors d'état de nuire les
acteurs de l'insécurité et amener les citoyens qui ne disposaient
pas de carte nationale d'identité à s'en procurer. En effet, le
contrôle d'identité est une
opération
de police visant à établir l'
identité de
la personne contrôlée. Le droit distingue le contrôle
d'identité de
police
judiciaire, qui s'effectue dans le contexte d'une infraction, et le
contrôle d'identité de
police
administrative, qui peut avoir pour objectif de prévenir des
infractions, et non simplement de les réprimer. Les contrôles ne
peuvent se faire sur le seul fondement de l'apparence extérieure, ni non
plus sur le seul fait de parler une langue étrangère144(*). Dès lors, des
patrouilles mixtes et les opérations de rafle ont été
organisées dans tout l'Adamaoua. L'une des principales missions est de
contrôler autant d'identité des personnes dans la Région.
Contrairement aux périodes 1960 ; 1970 et 1980 où il y avait
quelques contrôles sporadiques d'identité au niveau des postes de
contrôle de gendarmerie, de police et au niveau des frontières de
l'Adamaoua, il eut cette fois-ci de la rigueur dans les postes de
contrôle de l`Adamaoua et des multiples descentes des agents de la force
de l'ordre dans les zones rurales. Madame Amina Clémentine rapporte
que :
Les militaires de Ngaoundal, de Ngaoundéré et
les gendarmes de Tibati descendaient à Mbakaou. Les villageois
étaient surpris à partir de 4 heures du matin, ceci pour que
personne n'échappe au contrôle des cartes nationales
d'identité. Ceux qui ne disposaient pas de carte nationale
d'identité, étaient immédiatement conduits à Tibati
située à 40 Km où ils iront s'expliquer devant un
commissaire ou un commandant de brigade et ne regagneront le village que s'ils
se sont fait établir leurs cartes d'identité145(*).
De ce qui précède, il est à noter que la
répression de la force de l'ordre est la base même de la
ruée des citoyens dans les postes d'identifications. Il était
dont difficile que les récidivistes et les malfrats passent entre les
mailles du filet de la police. La seule issue fut donc d'aller dans les postes
d'identification se faire établir leur carte nationale d'identité
pour éviter toute tracasserie de la police dans les centres urbains et
lors des déplacements d'une localité à une autre. Ainsi,
comme les postes d'identification étaient insuffisants au début
des années 1990, ce fut donc la bousculade au niveau de quelques postes.
Par ailleurs, l'avènement de la carte nationale
informatisée en 1998, a augmenté les demandes des cartes
nationales d'identité dans la région de l'Adamaoua. En plus de la
répression policière dont sont victimes les citoyens, la nouvelle
carte nationale d'identité en format teslin146(*) a suscité la
curiosité des citoyens de l'Adamaoua. Toutefois, de nombreux citoyens se
sont dirigés dans les postes d'identification soit pour remplacer
l'ancienne carte en format carton (pour ceux qui s'étaient
déjà fait identifier), soit pour une première demande
(pour ceux qui avaient atteint l'âge requis pour avoir une carte
nationale d'identité)147(*). Bien qu'elle soit chère au début pour
les citoyens camerounais moyens, plusieurs citoyens de la région de
l'Adamaoua surtout les Mbororo qui sont généralement
installés dans les zones rurales ont mis les moyens en jeu pour se faire
établir leurs cartes nationales d'identité informatisée.
En masse et surtout accompagnés des démarcheurs, ceux-ci ne
désemplissaient pas les postes d'identification148(*).
Cependant, le monisme ne pouvant expliquer un fait en
histoire, la répression de la force de l'ordre et l'avènement de
la nouvelle carte nationale d'identité ne sont pas les seules causes de
la ruée des populations dans les postes d'identification de l'Adamaoua.
Il faut également prendre en compte les raisons politiques. En fait, le
citoyen est celui qui bénéficie des droits
politiques149(*). Par le
biais du vote il désigne des personnes à qui il confie les
différents pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire).
L'État camerounais et les Camerounais en cela ne dérogent donc
pas à la règle. La citoyenneté étant un vecteur
d'identité nationale. Les citoyens souhaitant s'inscrire sur les listes
électorales doivent accomplir un certain nombre d'actes car si le droit
de s'inscrire est reconnu aux citoyens en âge de voter (20 ans)150(*),
il n'a de sens que si d'autres formalités sont remplies. Dans le cas
contraire, le citoyen (n'ayant pas accompli ces autres formalités) n'a
pas droit à l'inscription sur les listes électorales. C'est ainsi
que le citoyen n'a pas droit à l'inscription s'il ne possède pas
de carte nationale d'identité. La possession de la carte nationale
d'identité est cruciale dans l'inscription sur les listes et c'est
justement pour cette raison que ceux qui ne l'ont pas ne sont pas
autorisés à s'inscrire.
Cependant, la carte nationale d'identité en cours de
validité, constitue le document de base permettant de faire inscrire un
citoyen sur les listes électorales. Monsieur Ndjobdi, rapport
que :
En 2004, à cause de l'échéance
électorale, le poste d'identification de la délégation
régionale de la sûreté nationale de l'Adamaoua (AD 01) et
celui du commissariat central de Ngaoundéré (AD 05) ne
désemplissaient pas des demandeurs de carte nationale d'identité.
Il a fallu renforcer l'équipe d'identification pour mener à bout
l'identification en cette période. Par jour le poste d'identification AD
01 à lui seul, produisait en moyenne 350 à 400 demandes de
cartes nationales d'identité.151(*)
La gratuité de l'établissement des cartes
nationales d'identité et l'action des hommes politiques de l'Adamaoua
expliquent également la ruée des citoyens dans les postes
d'identification. Pendant les campagnes d'identification gratuite de 2002,
2004, 2011 et 2013, la sensibilisation mené par les élus locaux
de l'Adamaoua a permis aux citoyens des zones périphériques et
même aux femmes du Saaré152(*)de se rendre dans les postes
d'identification. L'exemption des frais d'identification par le
président de la République à la veille des
échéances électorales a permis aux citoyens démunis
de se rendre en masse dans les centres d'établissement des cartes
nationales d'identité. Au-delà de ces raisons, La dimension
économique explique aussi la ruée de la population dans les
postes d'identification.
À partir des années 2000, les entreprises
bancaires de transfert d'argent en occurrence EXPRESS UNION, EXPRESS EXCHANGE,
MONEYGRAM etc. s'installèrent dans la région de l'Adamaoua. Sans
publicité, avec l'évolution de la technologie de l'information,
ces entreprises permettent en même temps de transférer et
recevoir, en toute discrétion, de l'argent à l'intérieur
et à l'extérieur du Cameroun. C'est en effet, une manière
de déjouer les braqueurs et les coupeurs de route qui jadis avaient
l'habitude d'opérer dans les centres urbains et sur les voies publiques.
Ainsi, pour bénéficier de leurs services, il faut au
préalable posséder une carte d'identité en cours de
validité. Vu cette exigence, les citoyens qui ne possédaient pas
de carte nationale d'identité ne pouvaient que se rendre dans les postes
d'identification pour se faire identifier. Mvuti Pauline explique en ces
termes :
Pour bénéficier de nos services tout usager doit
posséder une carte d'identité permettant de l'identifier. Ce
document nous permet de connaître le bénéficiaire, sans
confusion avec une autre personne et le destinataire. Nous n'acceptons pas par
conséquent les cartes d'identité arrivées à
expiration dans nos services ceci pour prévenir les fraudes153(*).
Dès lors, le délégué
régional de la sûreté nationale de l'Adamaoua fait un bilan
de l'identification. Selon ce responsable de l'identification dans l'Adamaoua,
les statistiques sont impressionnantes : « Au niveau des postes fixes, la
région de l'Adamaoua a établi 87 517 cartes. Au niveau des postes
mobiles, ils ont établi 26 166 cartes. Ce qui donne un total de 113 683
cartes nationales d'identité établies gratuitement dans la
région de l'Adamaoua entre avril et juin 2013 »154(*).
3. Abandon des cartes
nationales d'identité dans les postes d'identification.
Après la ruée des citoyens dans les
postes d'identification de l'Adamaoua dans le but d'obtenir une carte
nationale d'identité, de nombreux citoyens finissent par abandonner leur
carte nationale d'identité dans lesdits postes. Il existe, dans les
postes d'identification de l'Adamaoua, des milliers de cartes nationales
d'identité en souffrance. Dans les commissariats de police, ces
pièces officielles encombrent l'espace. Les armoires de rangement sont
surchargées. Les cartes s'empilent dans certains commissariats.
Certaines cartes nationales d'identité sont de retour dans les postes
d'identification depuis 2002. Évidemment, elles ont eu le temps
d'atteindre la date d'expiration de leur validité.
Dès lors, l'on pose la question de savoir :
où vivent les potentiels propriétaires? Les citoyens camerounais
de cette Région brillent de plus en plus par un penchant à
négliger même ce qui est important. Les prétextes se
multiplient donc pour esquiver la carte nationale d'identité. Sauf
lorsque, pour une transaction financière, pour tracasserie
policière ou pour la présentation d'un concours, ils se trouvent
contraints de venir auprès des postes d'identification les ayant
reçus pour enfin entrer en possession de leur carte. A la faveur d'une
vérification des pièces personnelles, il se trouve toujours un
passager qui perd l'usage de sa langue devant l'insistance de l'agent de police
ou d'un gendarme qui veut l'identifier. Le plus souvent, ce sont les quolibets
des autres occupants du véhicule contre les agents publics qui mettent
un terme à la confrontation. Le voyage se termine dans certains cas au
poste de police. Parfois, on donne des conseils et la randonnée peut
reprendre. Tout se passe en tout cas comme si certains citoyens avaient horreur
d'être en règle. A un moment, lorsque la sécurisation de ce
document a opéré le passage du simple carton à la version
informatisée, des voix se sont élevées pour pointer du
doigt, le coût élevé de la carte nationale
d'identité. La version miniaturisé a ensuite été
introduite, sans forcément que les mauvaises habitudes changent.
Puis, il y a eu les années électorales. Les
politiques ont pu demander et obtenir de la plus haute autorité du pays,
la gratuité de la carte nationale d'identité. Le chef de
l'État a accédé à cette demande malgré le
fait que cela ait coûté au trésor public. Les populations
de l'Adamaoua ont envahi, des journées entières, les postes
d'identification. Le responsable régional de la police avait
demandé du renfort en ressources humaines à sa hiérarchie,
les récépissés ont été
délivrés. Mais après cet emballement, très peu de
citoyens sont repassés vers les postes d'identification pour retirer
gratuitement ces pièces d'identité.
En 2012, les députés ont interpellé le
vice-Premier ministre, en charge des Relations avec les Assemblées. La
gratuité de la carte nationale d'identité est revenue comme
doléance. En réponse, le vice-premier a fait allusion à
des centaines de milliers de cartes abandonnées à travers le pays
qu'il fallait d'abord retirer, mais Amadou Ali a promis de transmettre la
doléance des élus du peuple à qui de droit155(*).
En dehors de l'Assemblée Nationale, certains partis
politiques qui font l'expérience de la biométrie, ont
souhaité que le chef de l'État accorde encore la gratuité
de la carte nationale d'identité aux populations en 2012. Une fois de
plus, le Président de la République a accédé
à cette demande, en incitant cependant ses compatriotes à aller
massivement s'inscrire sur les listes électorales.
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Pour l'heure, même les autorités locales de
l'Adamaoua ne peuvent expliquer les véritables raisons de cet abandon
affiché par certains individus au bénéfice desquels le
chef de l'État a accordé l'obtention gratuite de la carte
nationale d'identité. Après investigation auprès de
quelques citoyens et personnels d'identification de l'Adamaoua, il ressort que
l'abandon des cartes nationales d'identité dans cette région est
dû à l'ignorance d'une part et d'autre part à la
mobilité des demandeurs.
En effet, nombreux sont ceux-là qui abandonnent leur
carte nationale d'identité dans les postes d'identification par
ignorance. D'aucuns, après établissement de la demande, oublient
qu'il faut revenir au poste d'identification après un délai de
quatre à cinq mois (qui correspond au traitement de la demande et
à la date de validité du récépissé) entrer
en possession de leur carte. Ceci tout simplement parce que l'agent
identificateur n'a pas pris la peine d'expliquer au demandeur la
procédure de délivrance de ladite pièce. Toutefois, le
citoyen demandeur n'a aucune idée du lieu d'acheminement de sa demande
et du délai de retour de sa carte d'identité.
D'autres citoyens abandonnent leur carte nationale
d'identité par négligence. Le patriotisme peut se jauger à
ce niveau. Certains jeunes qui se lancent dans la vie active n'ont plus selon
eux, le temps à accorder à autre chose que leur activité.
Les épouses cloitrées abandonnent leur carte
nationale d'identité dans les postes d'identification, attendant que
leur époux ou leurs démarcheurs qui les avaient
accompagnées se faire identifier, aillent eux-mêmes les retirer.
Cette ignorance qui inclut la négligence et même la
sous-scolarisation met en évidence la lassitude des citoyens
camerounais et de l'Adamaoua en particulier.
Dans le même sillage de l'abandon des cartes nationales
d'identité dans les postes d'identification de l'Adamaoua, il faut
également considérer comme cause la mobilité des
demandeurs. En fait, la plupart des cartes nationales d'identité en
souffrance dans les postes d'identification de l'Adamaoua appartiennent aux
Mbororo, nomades par excellence. Du fait de la transhumance pour leurs
bétails auquel ils accordent plus d'importance qu'à autre chose,
les Mbororo, après avoir reçu le récépissé
de demande, ne reviennent pas toujours retirer leur carte nationale
d'identité. Ils se contentent juste du récépissé,
qui n'a qu'une durée de validité de trois mois, comme
pièce à conviction sans laquelle ils auront des ennuis avec les
agents de la police156(*). En outre, ils préfèrent refaire une
autre demande de carte une fois arrivé dans la localité d'accueil
abandonnant ainsi, la première carte de retour dans le poste
d'identification qui les avaient reçus.
Par ailleurs, certains citoyens se trouvent contraints
d'abandonner leur carte nationale d'identité dans les postes
d'identification pour des raisons professionnelles. Certains fonctionnaires
affectés dans une Région ou une ville autre que celle où
les demandes de leurs cartes nationales d'identité avaient
été établies, se voient obligés de les abandonner.
Les élèves et les étudiants également
délaissent leurs cartes nationales d'identité dans les postes
d'identification parce qu'ils doivent aller continuer les études
ailleurs. Parfois ces derniers se contentent soit du
récépissé, soit de la carte scolaire ou la carte
d'étudiant pour des voyages et des opérations bancaires.
Outre la raison de la mobilité des citoyens, certains
demandeurs abandonnent leur carte du fait que les personnels d'identification
les renvoient à chaque fois qu'ils se pointent au poste
d'identification, ceci pour la simple raison que leurs cartes nationales
d'identité ne sont pas encore délivrées et que la
décision de la délivrance de cette carte ne dépend pas
d'eux mais du service central de traitement de demandes basé à
Yaoundé157(*).
Ces derniers se lassent et ne reviennent que lorsqu'ils sont bousculés
par la police ou lorsqu'il y a un impératif administratif ou
économique.
Compte tenu de l'augmentation des cartes dans les bureaux et
de l'étroitesse de l'espace destiné à contenir toutes les
cartes, c'est dans les postes d'ELECAM, établis à quelques
encablures de ces services, que les autorités du commissariat ont choisi
de déverser ces documents. Cette alternative préconisée
par les responsables de la police aurait pour objectif voilé de
permettre aux individus de s'inscrire sur les listes électorales lors du
retrait de leurs pièces d'identité158(*).
Cette situation d'abandon des cartes d'identité aux
postes d'identification inquiète non seulement les responsables d'ELECAM
mais aussi les partis politiques. L'engouement affiché au
départ par la population a été considérablement
réduit. Les raisons invoquées pour justifier cet état de
choses seraient la longue file d'attente. « Il faut passer
2 à 3 jours et, avec nos occupations, il est impossible d'aller
passer des semaines aux postes d'identification », argue Jonathan
Djock159(*),
commerçant au centre commercial de Ngaoundéré. La ville de
Ngaoundéré regorge près de 70 000 cartes nationales
d'identité en souffrance dans les postes d'identification160(*).
Photo 20: service de retrait
des cartes du poste d'identification de la ville de Meiganga (AD
07)
(c) : Bétara Narma Paul, juillet 2014.
En mai 2014, le poste d'identification de Meiganga avait 4223
cartes nationales d'identité en souffrance. Le chef de poste a
trouvé comme stratégie de faire des communiqués-radio pour
sensibiliser les potentiels titulaires de venir retirer leurs cartes. Cette
politique a porté plus ou moins de fruits, car la plupart des titulaires
de ces cartes ne sont plus dans la ville de Meiganga ou encore d'autres ne
vivent plus. En septembre 2014, nous avons comptabilisé 3015 cartes
nationales d'identité dans ce poste.
Photo 21: Distribution des
cartes nationale d'identité aux titulaires au poste d'identification de
Ngaoundéré (AD01).
(c) :Ndjobdi Pierre, mai 2013.
Vu le nombre des cartes nationales d'identité dans les
postes d'identification de la ville de Ngaoundéré et l'approche
des échéances électorales (municipales et
législatives) de 2013, les autorités administratives et
politiques entreprirent de distribuer le maximum possible des cartes aux
potentiels titulaires. Ainsi, pour ce faire, le personnel d'identification fut
renforcé avec le recrutement des agents chargés de la
distribution. Certaines cartes furent délocalisées pour les
postes d'ELECAM. Ceci concourt à la politique des inscriptions sur les
listes électorales. L'usager qui vient retirer sa carte nationale
d'identité se fait immédiatement inscrire sur place.
Photo 22:
cartes nationales d'identité en souffrance dans le poste
d'identification de Banyo (AD 04)
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.
3425 cartes d'identités sont abandonnées dans ce
poste d'identification en juin 2014. Il y a 420 cartes nationales
d'identité expirées et 3005 cartes nationales d'identité
en cours de validité. Le responsable du poste d'identification explique
que malgré les communiqué-radio faites à l'endroit des
titulaires, la moyenne journalière de retrait varie entre 15 et 20
cartes.
Photo 23: Des cartes
nationales d'identité abandonnées au poste d'identification de
la ville de Tibati
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014
C'est l'un des postes qui a moins de cartes abandonnées
par rapport aux autres postes. En juin 2014, nous avons comptabilisé
dans ce poste d'identification 789 cartes nationales d'identité. Les
propriétaires, selon le chef de poste d'identification sont
dissimulés dans les campagnes du département du Djerem161(*).
Au demeurant, l'évolution de la structure
administrative de l'Adamaoua et l'accroissement de demande de cartes nationales
d'identité ont influencé la mise en place et la multiplication
des postes d'identification dans l'Adamaoua. De 1960 jusqu'à la fin des
années 1990, l'on note une faible demande de cartes nationales
d'identité par contre, l'on note une ruée des citoyens dans les
postes d'identification au début des années 2000. Toutefois, la
ruée des populations dans les postes d'identification et les
opérations foraines d'identification ont permis d'établir des
milliers de demandes de carte nationale d'identité. Cependant, plusieurs
cartes sont abandonnées dans les postes d'identification de
l'Adamaoua.
CHAPITRE III:
Bilan DE l'identification DANS L'ADAMAOUA ET LES
DÉFIS DE LA POLITIQUE D'IDENTIFICATION
De la carte nationale d'identité en carton en vigueur
de1960 à la fin des années 1990 à la carte nationale
d'identité informatisée en 1995, qui a permis de
sécuriser davantage l'identité des citoyens et la
nationalité camerounaise, le système d'identification des
citoyens camerounais connaît jusqu'ici des difficultés. En effet,
malgré les différents ajustements de la politique
d'identification au Cameroun, les populations de l'Adamaoua ont du mal à
se faire établir leur carte nationale d'identité. Les raisons
d'un tel obstacle découlent certainement des facteurs inhérents
au contexte politique, administratif, économique camerounais. Ainsi,
l'allègement des conditions d'obtention de la carte nationale
d'identité s'imposait à la veille des échéances
électorales, au regard des demandes des citoyens. En baissant le
coût de la pièce de moitié et en rendant gratuit la
délivrance de la carte nationale d'identité, le chef de
l'État a permis à des milliers de Camerounais d'avoir non plus
seulement la possibilité, de s'inscrire sur les listes
électorales, mais aussi simplement, une identité officielle.
Cependant, cette mesure salutaire contrairement aux objectifs de la politique
d'identification des citoyens camerounais, a rendu de plus en plus fragile
l'identité et la nationalité camerounaise à cause des
trafics d'identité et l'acquisition illicite de la nationalité
camerounaise par les étrangers présents. Il s'agit dans ce
chapitre, dans un premier temps, de faire un bilan de l'établissement
des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua à partir des
archives. Puis dans un second temps, de faire ressortir l'impact de
l'identification dans l'Adamaoua. En fin, il sera question de faire un
inventaire des problèmes liés à l'établissement des
cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua. L'examen de ces
problèmes permettra de souligner les limites de la politique
d'identification du Cameroun.
I-BILAN DE
L'ÉTABLISSEMENT DES CARTES NATIONALES D'IDENTITÉ DANS
L'ADAMAOUA.
Le bilan de l'établissement des cartes nationales
d'identité dans l'Adamaoua est mitigé. En effet,
démarrée nonchalamment à partir de 1960, la production des
cartes nationales d'identité a pris une vitesse de croisière
à partir des années 2000. Au cours des périodes1960, 1970
et 1980, le faible taux de demandes de cartes nationales d'identité est
justifié comme nous l'avons souligné ailleurs, par l'absence de
sensibilisation des populations sur la question d'identification et par
l'inefficacité des contrôles d'identité dans cette
Région. Les raisons du changement de comportement des populations
à l'égard de la question d'identification, découlent de la
pression de l'ordre gouvernant sur les citoyens, notamment avec les
contrôles systématiques des pièces d'identité dans
les centres urbains comme dans les zones rurales de l'Adamaoua.
Ainsi, pour besoin d'une étude statistique, nous allons
nous appuyer sur les productions des postes d'identification de la
Région de l'Adamaoua de 1976 jusqu'au début des années
2000. Ainsi, il est judicieux de choisir deux postes d'identification de la
Région l'Adamaoua, notamment le poste d'identification de
Ngaoundéré et le poste d'identification de Meiganga, pour
analyser l'état-de-lieu de l'identification au cours de la
période allant de 1976 à 1987. Ce choix n'est pas hasardeux, dans
la mesure où ce sont les deux postes d'identification les plus actifs
par rapport aux autres postes de la Région de l'Adamaoua. Pour les
années 2000, les productions des postes d'identification de Tibati,
Banyo et Tignere seront étudiées. Notre analyse sera
accompagnée des tableaux et diagrammes, ceci pour mieux cerner
l'évolution des demandes et les disparités entre de les
productions dans les postes d'identification.
1. Récapitulation des
productions de cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua de 1976
à la fin des années 1980.
Installés dès 1960, les postes d'identification,
comme nous l'avons souligné ailleurs, furent d'abord installés
dans les centres urbains de la Région de l'Adamaoua.
En fait, les postes d'identification étaient
implantés dans les villes de Meiganga ; de
Ngaoundéré ; de Tibati ; de Tignere et de Banyo.
Les populations des localités environnantes se rendaient dans ces
villes, se faire établir leurs cartes nationales d'identité. Bien
plus, les archives des plus anciens postes d'identification de l'Adamaoua
révèlent que la période comprise entre 1976 et 1987 est
caractérisée par un faible taux de demandes des cartes nationales
d'identité. Les postes d'identification produisaient chacun moins de
2000 cartes nationales d'identité par an. L'étude de
l'identification par mois et par an, de deux postes d'identification (Meiganga
et Ngaoundéré) permet de cerner davantage l'état-de-lieu
de l'identification dans l'Adamaoua de 1976 à 1987.
Tableau 6: récapitulatif de
demandes de cartes nationales d'identité établies au poste
d'identification de Meiganga de 1976 à 1987.
Années
|
Jan
|
Fév
|
Mars
|
Av
|
Mai
|
Jn
|
Juil
|
Aout
|
Sept
|
Oct
|
Nov
|
Déc.
|
Totaux
|
1976
|
83
|
74
|
72
|
66
|
79
|
81
|
89
|
77
|
64
|
71
|
69
|
66
|
890
|
1977
|
79
|
67
|
66
|
79
|
81
|
59
|
71
|
79
|
/
|
/
|
70
|
81
|
732
|
1978
|
71
|
67
|
57
|
71
|
69
|
54
|
74
|
81
|
97
|
71
|
79
|
57
|
848
|
1979
|
101
|
68
|
67
|
75
|
81
|
89
|
61
|
71
|
77
|
57
|
69
|
/
|
816
|
1980
|
69
|
73
|
103
|
120
|
97
|
101
|
79
|
59
|
67
|
75
|
82
|
83
|
1008
|
1981
|
70
|
74
|
71
|
69
|
61
|
68
|
69
|
67
|
61
|
76
|
71
|
76
|
833
|
1982
|
66
|
77
|
104
|
99
|
89
|
86
|
77
|
69
|
77
|
70
|
79
|
71
|
963
|
1983
|
50
|
57
|
65
|
69
|
77
|
55
|
89
|
79
|
66
|
54
|
79
|
81
|
821
|
1984
|
81
|
89
|
91
|
97
|
71
|
69
|
72
|
68
|
65
|
102
|
67
|
92
|
983
|
1985
|
91
|
73
|
78
|
61
|
59
|
68
|
71
|
101
|
79
|
120
|
71
|
89
|
961
|
1986
|
102
|
79
|
89
|
91
|
77
|
67
|
51
|
59
|
73
|
60
|
71
|
79
|
898
|
1987
|
/
|
74
|
78
|
61
|
67
|
79
|
69
|
79
|
81
|
84
|
91
|
69
|
832
|
|
10585
|
Source : Tableau réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.
Entre 1976 et 1987, les demandes de cartes nationales
d'identité dans le poste d'identification de Meiganga sont comprises
entre 732 et 1008. En une dizaine d'années, ce poste d'identification a
produit 10585 cartes nationales d'identité. L'on comprend dès
lors que, beaucoup de citoyens de ce département s'intéressaient
peu à la question de l'identification parce qu'il y avait moins de
motivation comme par exemple, les élections. L'on note aussi une
inefficacité des contrôles d'identité au cours de ces
années. Les digrammes ci-dessous, réalisés à partir
des données du tableau précédent, explicitent encore mieux
l'état-de-lieu des demandes de carte nationales d'identité dans
ce département.
Figure 4: courbes
représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Meiganga entre 1976 et 1978.
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.
L'analyse de ce diagramme nous permet de déduire que,
au cours des années 1976 ; 1977 et 1978 les productions
mensuelles de cartes nationales d'identité dans le poste
d'identification de Meiganga n'excédaient pas 120. Cependant, la chute
que l'on constate au cours des mois de septembre et d'octobre, est dû au
fait que nous ne sommes pas rentré en possession des données
correspondant à ces deux mois (même explication pour les figures
5 ; 8 ; 9 et 11)
Figure 5:
courbes représentant les demandes de cartes dans le poste
d'identification de Meiganga entre 1979 et 1981.
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.
Les productions mensuelles des cartes nationales
d'identité entre 1979 et 1980 dans ce poste d'identification variaient
entre 59 et 120. Les productions au cours de l'année 1981 ont
été particulièrement linéaires par rapport aux deux
autres années. Ceci semble être le moment où les citoyens
commençaient à s'intéresser à la question
d'identification.
Figure 6: courbes
représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Meiganga entre 1982 et 1984.
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.
L'on constate à la suite de ce diagramme,
l'évolution des demandes de cartes nationale d'identité dans ce
poste. Toutefois, au cours de ces trois années, les productions
n'avaient toujours pas dépassées 120.
Figure 7:courbes
représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Meiganga entre 1985 et 1987.
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.
Ces courbes représentent en effet les demandes de
cartes nationales dans le poste d'identification de Meiganga de 1976 à
1987. Ils représentent une dizaine d'années de production de
cartes dans l'unique poste d'identification du Mbéré.
L'étude des productions de cartes nationales d'identité laisse
déduire que les demandes ont évolué. Ainsi, si l'on divise
la période allant de 1976 à 1978, l'on a le résultat
suivant :
- Entre 1976-1978 : 2470 cartes établies ;
- Entre 1979-1981 : 2653 cartes
établies ;
- Entre 1982- 1983 :2691 cartes établies ;
- Entre 1984-1986 : 2767 cartes établies
(voir tableau6).
Tableau 6:
récapitulatif de demandes des cartes nationales d'identité du
poste d'identification de Ngaoundéré de 1976 à
1987.
Années
|
Jan.
|
Fév.
|
Mars
|
Av.
|
Mai
|
Jn .
|
Juil.
|
Aout
|
Sept
|
Oct.
|
Nov
|
Déc.
|
Totaux
|
1976
|
106
|
/
|
77
|
69
|
58
|
103
|
112
|
67
|
115
|
78
|
85
|
98
|
968
|
1977
|
95
|
173
|
104
|
99
|
71
|
109
|
120
|
57
|
/
|
/
|
89
|
140
|
1057
|
1978
|
166
|
155
|
102
|
75
|
114
|
79
|
171
|
99
|
89
|
175
|
81
|
103
|
1409
|
1979
|
171
|
160
|
132
|
120
|
116
|
101
|
106
|
95
|
104
|
/
|
106
|
108
|
1319
|
1980
|
79
|
171
|
75
|
99
|
81
|
169
|
170
|
81
|
150
|
91
|
89
|
159
|
1414
|
1981
|
65
|
170
|
181
|
/
|
79
|
85
|
92
|
109
|
106
|
104
|
/
|
68
|
1059
|
1982
|
92
|
109
|
103
|
112
|
89
|
97
|
109
|
79
|
99
|
71
|
139
|
141
|
1240
|
1983
|
93
|
103
|
144
|
79
|
112
|
69
|
99
|
/
|
59
|
97
|
121
|
151
|
1127
|
1984
|
102
|
79
|
89
|
122
|
131
|
78
|
89
|
92
|
105
|
140
|
133
|
139
|
1289
|
1985
|
135
|
71
|
79
|
81
|
97
|
104
|
121
|
99
|
89
|
85
|
139
|
71
|
1171
|
1986
|
86
|
101
|
145
|
78
|
134
|
90
|
71
|
89
|
130
|
79
|
/
|
175
|
1178
|
1987
|
182
|
160
|
92
|
171
|
123
|
181
|
103
|
142
|
102
|
69
|
73
|
177
|
1575
|
|
14806
|
Source : tableau réalisé
à partir des archives du poste d'identification de
Ngaoundéré
Dans le poste d'identification de Ngaoundéré,
les demandes de cartes nationales d'identité variaient entre 968 et
1575. 14806 cartes nationales d'identité ont été
établies entre 1976 et 1986. Les diagrammes ci-dessous
réalisés à partir du tableau ci-dessus, renseignent mieux
sur les tendances de demandes de cartes nationales d'identité dans le
poste d'identification de Ngaoundéré et permettent de souligner
la différence avec le poste de Meiganga.
Figure 8:
courbes représentant les demandes de cartes dans le poste
d'identification de Ngaoundéré entre 1976 et 1978.
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de
Ngaoundéré.
Le poste d'identification de Ngaoundéré depuis les
années 1960, produit plus de cartes nationales d'identité que les
autres postes de la Région de l'Adamaoua162(*). Cependant, les productions
mensuelles au cours de ces trois années n'atteignaient pas 180. La plus
grande production est celle du mois d'octobre, notamment avec 175demandes.
Figure 9: courbes
représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Ngaoundéré entre 1979 et 1981.
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de
Ngaoundéré.
D'après le diagramme ci-dessus, l'on note une chute de
production au cours de l'année 1979 et par contre une croissance des
demandes au cours de l'année 1980. Au total, 1414 cartes ont
été établies en 1980, tandis 1319 et 1059 cartes ont
été établies respectivement en 1979 et en
1981(voir tableau 7).
Figure 10: courbes
représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Ngaoundéré entre 1982 et 1984.
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de
Ngaoundéré.
À la suite du diagramme ci-dessus, il faut retenir que les
productions au cours des années 1982 ; 1983 et 1984 sont
restées constantes. En trois ans, 3656 cartes ont établies au
cours de ces trois années. Ainsi, en 1982, l'on note1240 cartes
produites. En 1983, 1127 cartes ont été produites .En fin, en
1984, 1289 cartes ont été établies.
Figure 11: courbes
représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Ngaoundéré entre 1985 et 1987.
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de
Ngaoundéré.
Les demandes mensuelles des cartes nationales
d'identité au cours de l'année 1985 sont comprises entre 71 et
135, tandis qu'en 1986 les demandes vont de 86 à 177. En 1987, les
demandes vont de 69 à 177.
À la suite de l'étude de l'évolution des
demandes de carte nationale d'identité dans les postes d'identification
de Meiganga et de Ngaoundéré, force est de constater que la
question d'identification, dans l'ensemble du territoire de l'Adamaoua de 1976
à la fin des années 1980 n'était pas partagée par
tous les citoyens. Certains citoyens trouvaient en cette pratique du
gouvernement une simple formalité bureaucratique sans aucune importance.
En fait, pour d'autres citoyens, il n'y avait aucune motivation d'aller se
faire établir une carte nationale d'identité, dans la mesure
où à cette époque, excepté le voyage, cette
pièce servait moins les citoyens. Seuls quelques citoyens
émancipés s'intéressaient à la question
d'identification dans cette Région.
2. Bilan d'identification dans
l'Adamaoua de 2000 à 2013.
À partir des années2000, les demandes des
cartes dans les postes d'identification de l'Adamaoua se sont
multipliées à un point où certains postes d'identification
de la Région ne désemplissent pas des citoyens, voulant par tous
les moyens avoir leurs cartes nationales d'identité. Désormais
les postes d'identification produisent deux à trois fois plus de cartes
nationales d'identité que jadis. Ce changement est, dû à
l'augmentation de la population de l'Adamaoua et aux exigences politiques et
économiques survenues dès 1990.L'avènement de la carte
nationale d'identité informatisée à la fin des
années 1990 a aussi accéléré les demandes de cartes
nationales d'identité. En effet, c'est exactement à partir des
années 2001 que les postes d'identification connaissent l'affluence des
demandeurs de cartes nationales d'identité. Les diagrammes ci-dessous
permettent de mieux souligner les différences entre les
périodes.
Figure
12:courbes représentant les demandes de cartes dans le
poste d'identification de Tibati entre 2001 et 2003.
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Tibati (AD06).
La plus grande production au cours de ces trois années
est celle du mois d'août 2001 avec 375 demandes (voir figure 12). Les
productions mensuelles de l'année 2002 varient entre 212 et 341 demandes
de cartes nationales d'identité. Tandis qu'au cours de l'année
2003 les demandes varient entre 235 et 297.Le poste d'identification de Tibati
(AD 06) produit 200 à 300 demandes depuis 2011163(*).
Figure 13:
courbes représentant les demandes de cartes dans le poste
d'identification de Tignere entre 2001 et 2003.
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Tignere (AD 08).
Le poste d'identification de Tignere depuis 2012, produit
mensuellement entre 200 et 300 demandes164(*). En 2001, ce poste d'identification a produit 2268
demandes de cartes nationales d'identité. En 2002, 2537 demandes ont
été établies dans ce poste. En 2003, l'on note une
évolution des demandes de cartes nationales d'identité avec une
production de 2912 demandes.
Figure 14:
courbes représentant les demandes de cartes dans le poste
d'identification de Banyo entre 2001 et 2003.
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de (AD 04).
Le poste d'identification de Banyo (AD 04) produit depuis
les opérations foraines d'identification de 2011, 350 à 450
demandes165(*).
Cependant, en 2001 les productions mensuelles variaient entre 292 et 330
demandes. En 2002, les demandes variaient entre 292 et 341 et enfin 2003, les
productions mensuelles variaient entre 301 et 343.
En ce qui concerne les productions du poste d'identification
de Meiganga (AD 07), monsieur Bétara Narma Paul expliquait par ailleurs
que, depuis le début des années 2000, ce poste produit
mensuellement 450 et 500 demandes de cartes nationales
d'identités166(*). Quant au poste d'identification de
Ngaoundéré (AD 01), depuis 2000, les productions mensuelles
sont comprises entre 550 et 700 demandes167(*).
Dès lors, il important de retenir après cette
étude statistique que, les demandes de cartes nationales
d'identité dans l'Adamaoua ont évolué et varient selon la
taille de la population de chaque département. L'on note une prise de
conscience des populations de la Région de l'Adamaoua à partir
des années 2000, manifestement par l'affluence dans les postes
d'identification. Ainsi, la carte nationale d'identité qui est un
document de la vie civile, attire de plus en plus les citoyens camerounais
aujourd'hui qu'avant. Qu'en est-il donc de l'impact de l'identification dans
l'Adamaoua ?
II- Impact de
l'identification dans l'adamaoua.
L'identification est une entreprise publique, visant à
contrôler les personnes et de lutter efficacement contre une
éventuelle insécurité. Ainsi, la carte nationale
d'identité a un caractère ambivalent. Il ne s'agit pas de donner
les avantages et les inconvénients de cette pièce dans cette
partie. Il est question ici de relever les effets et les apports de
l'identification sur la vie sociale des citoyens de l'Adamaoua.
1. Fragilisation de la
nationalité camerounaise et trafic d`identité.
Les pièces officielles actuellement les plus
officieuses au Cameroun sont l'acte de naissance, le certificat de
nationalité et, malheureusement, la carte nationale d'identité.
Ces pièces font l'objet de tant de tripatouillages, au point qu'elles
sont délivrées à des expatriés soit pour des
raisons politiques, soit encore pour des buts purement mafieux. On a ainsi vu
des Tchadiens, des Centrafricains et des Nigérians dans l'Adamaoua,
brandir des cartes nationales d'identité camerounaises, obtenues
grâce à l'influence et à la duplicité de
l'élite politique et administrative de la zone, pour gonfler les listes
électorales et se constituer des armes politiques lors des
échéances dont les issues sont incertaines très souvent.
Les cas de duplicité dans les concours administratifs et d'autres
compétitions pour l'accès à la fonction militaire ou aux
diplômes sont des histoires de tous les jours.
L'opération de délivrance gratuite de la carte
nationale d'identité donne des idées à certains
ressortissants des pays voisins. Ils sont coupables des cas de substitution
d'identité et de fausses nationalités. Un faux sans
précédent s'est installé dans les commissariats de police
de la capitale régionale de l'Adamaoua. En effet, la délivrance
gratuite de la carte nationale d'identité décidée par le
chef de l'État Paul Biya suscite par enchantement des convoitises les
plus inattendues. De fait, il y a comme une volonté manifeste
d'être camerounais à part entière de la part de beaucoup de
citoyens étrangers168(*).
La plupart des étrangers veulent s'arroger le statut de
«Camerounais» sans passer par la procédure en
vigueur169(*). Selon les
révélations faites par certains personnels d'identification dans
l'Adamaoua, il y aurait des tentatives irrégulières de
détention de la carte nationale d'identité. Les étrangers
candidats à ce précieux sésame usent de toutes sortes de
ruses pour obtenir cette pièce. À plusieurs reprises, les agents
les sortent des rangs pour une raison ou une autre. Le stratagème est
simple et désormais connu de tous. Pour parvenir jusqu'au poste
d'identification, ces « candidats » négocient avec des
autorités locales pour disposer d'un acte de naissance en bonne et due
forme. Ironie du sort, certains n'arrivent pas souvent à situer les
villages dont ils sont soit disant originaires sur la carte du Cameroun. Pour
ces derniers, l'acte de naissance suffit pleinement à ne plus
éveiller des soupçons. Le cafouillage provoqué par la
forte demande et la saturation des agents de police est un facteur facilitant
pour échapper à la vigilance. Fidèle à la tradition
du flair de l'argent facilement gagné, des démarcheurs
traînent dans les parages, dans le but de glisser des dossiers
irréguliers dans le système. Très souvent, ils ne
réussissent pas toujours à corrompre toute la chaîne de
délivrance du précieux document. Pour autant, les fameux
intermédiaires disposent de plusieurs tours dans leurs poches. Et ils
finissent parfois à réussir leur coup. C'est le cas, confie un
inspecteur de police dans le département de la Vina, de ce monsieur venu
établir des cartes à une liste de personnes sous la couverture
d'un opérateur économique de la place, avec des actes de
naissance trafiqués170(*).
L'on s'interroge sur des mesures prises pour éviter
cette situation. Les responsables parlent de plus de vigilance. Pourtant, ils
sont nombreux les Tchadiens et Centrafricains à bénéficier
illégalement de la gratuité. La culture de la double carte
d'identité est réputée dans la région de
l'Adamaoua. Ici les frontières sont poreuses, donnant lieu à la
perméabilité de nationalité. Des doubles, voire triples
identités et nationalités, qui varient en fonction de
l'activité, du lieu et de la circonstance par un simple geste de main
dans la poche. Ce n'est pas un Tchadien qui démentira ou une
Centrafricaine qui niera les faits, puisque jouissant de ces facilités
bon marché. « Avec l'entrée en vigueur de la libre
circulation des hommes et des personnes en zone CEMAC, il serait patriotique
pour tous de préserver leur identité véritable
»171(*)s'exclame ce
haut cadre rencontré au cours de notre enquête. A quoi servent
donc les passeports et visas s'il suffit d'une pirouette pour changer
d'identité ?
C'est un fait courant et « normal » que de
posséder la carte nationale d'identitéì de plusieurs
pays : celles du Cameroun, du Tchad, de la RCA ou du Nigeria, notamment
parce que cela facilite l'obtention d'un emploi. Un exemple d'acquisition de
cartes d'identitéì a étéì observeì
lors des audiences foraines organisées de manière
expéditive dans les Régions frontalières par le Cameroun
afin de procéder aÌ l'identification des populations. Les
populations de l'ethnie Sango installées à Ngaoui172(*), par exemple, pourtant
reconnues comme exclusivement centrafricaine, ont pris massivement la
nationalitéì camerounaise tout en conservant naturellement leur
citoyennetéì centrafricaine.
AÌ part la circulation régionale pour le
commerce ou le travail, par exemple, ces cartes d'identitéì
permettent aÌ des bandits de dissimuler leur véritable
identitéì et de se soustraire aÌ la police ou aÌ la
justice. De ce fait, il semble difficile voire impossible de les poursuivre
lorsqu'ils se cachent dans les pays voisins, faute d'accords d'extradition ou
« par souci de préserver une certaine
tranquillitéì diplomatique ». AÌ défaut
de la mise en circulation du « passeport C.E.M.A.C » tant
annonceì pour une intégration régionale ordonnée
des populations et des économies, à un usage des cartes
nationales identités aÌ des fins de trafics transfrontaliers, ce
que favorise la mauvaise gestion de l'état- civil.
Des candidats, munis de fausses cartes d'identité
établies sur la base d'actes de naissance appartenant à des tiers
et moyennant des rémunérations la plupart du temps, ont
régulièrement été pris en flagrant délit
dans des salles d'examens. Plusieurs fonctionnaires, militaires, policiers et
cadres d'entreprises ont réussi à passer cette épreuve, en
faisant composer des tiers lors des concours et sont actuellement en fonction.
De même que des étrangers, sous l'effet non pas de l'attrait que
le Cameroun exerce sur leur personne, mais par les effets d'une
municipalité et d'une police corrompue, brandissent avec fierté
des cartes nationales d'identité camerounaises parce que, très
souvent, un Camerounais de naissance et de souche leur a vendu l'acte de
naissance d'un parent décédé. Cet acte de naissance d'un
frère déjà décédé permet, avec une
autre somme d'argent si nécessaire, de s'établir une carte
d'identité, un passeport, voire de se présenter à des
concours administratifs. Or, l'article 341 du code pénal camerounais
condamne l'atteinte à la filiation. Toute violation à la loi est
réprimée conformément à l'article 134 relatif
à la corruption. Une corruption de la nationalité camerounaise
est actuellement exacerbée par la gratuité de
l'établissement de la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua.
Pourtant, un tribunal spécial a été
créé, et c'est une instance juridique qui a pour mission, de
délivrer des actes de naissance à tous ceux qui en étaient
dépourvus. Cette grâce s'obtenait après accomplissement
d'une condition unique: le témoignage de deux ou trois membres de la
famille du demandeur, attestant que ce dernier était bel et bien de la
famille, du village, du département, de la région et pourquoi pas
du pays. C'est ainsi que des commerçants nigérians,
nigériens, maliens et tchadiens ont acquis la nationalité
camerounaise dans la région de l'Adamaoua. Contre des sommes d'argent
versées à des «témoins», payés pour avoir
attesté de la «camerounité» de ces
étrangers173(*).
A ce sujet, plusieurs Nigérians, Tchadiens,
Nigériens et centrafricains se sont fait établir un premier acte
de naissance et ont obtenu par ricochet la nationalité camerounaise. Une
situation gravissime qu'un maire de la Région de l'Adamaoua a
dénoncée, faisant état de ce que les Centrafricains
étaient en train d'acquérir illégalement la
nationalité camerounaise174(*). S'il est vrai que les autorités
camerounaises, conscientes de la présence massive des ressortissants des
pays voisins sur le sol camerounais, ont pris des mesures conséquentes
pour éviter quelque imbroglio, il n'en demeure pas moins vrai que
poussé par la hantise de la refonte biométrique, l'État du
Cameroun ouvre de fait les vannes à ces étrangers qui verront par
ailleurs certaines des tracasseries policières qu'ils essuyaient prendre
un terme. Dans ce contexte, plusieurs étrangers établis dans les
localités de Djohong, Ngaoui, Meiganga... finissent par ces
stratagèmes d'acquérir des noms camerounais en pseudonyme ou en
se mettant en couple avec des Camerounaises ou des Camerounais pour tromper la
vigilance des autorités. La conséquence est aisément
visible. La question de la gratuite de la carte nationale d'identité, et
celle des actes de naissance pour tous, remet au goût du jour
l'épineux problème de la naturalisation au Cameroun. Car au
regard de ce qui précède, il est un fait que nos jours, des
Tchadiens, Nigérians, Centrafricains et autres peuvent devenir
Camerounais du jour au lendemain. Cette autre trouvaille du gouvernement
camerounais, ouvre le débat sur la double nationalité au
Cameroun. Car comment comprendre, qu'un étranger puisse devenir
facilement camerounais, alors que les Camerounais qui ont la double
nationalité n'ont pas la possibilité d'exercer les droits
civiques.
Dans tous les cas, dans la suite, les maires et les officiers
de police dans les commissariats n'avaient qu'à fermer les yeux ou faire
semblant de n'est rien voir quand il fallait légaliser des
pièces ou établir des cartes nationales d'identité. Les
maires récemment portés à la tête des
municipalités à travers l'Adamaoua devront donc veiller à
l'état-civil. En attendant la venue d'un système moderne et
intelligent de centralisation et de gestion du fichier de l'état-civil
national, le Cameroun doit être habité par des Camerounais et des
étrangers bien accueillis et respectueux des lois de leur pays
d'accueil. Sinon, un ressortissant tchadien pourrait engager un litige foncier
avec un Gbaya, originaire du Mbéré, en brandissant la carte
nationale d'identité attestant qu'il est bel et bien Camerounais et de
surcroît du Mbéré. Néanmoins, l'identification a
permis aux citoyens de l'Adamaoua de participer aux échéances
électorales.
2. La participation aux
échéances électorales.
L'identification des électeurs consiste à
vérifier l'éligibilité des électeurs potentiels et
à inscrire leurs noms et autres renseignements justificatifs sur une
liste électorale. Le processus doit être juste, exhaustif et
inclusif. Cette opération nécessite que l'on adopte des mesures
efficaces pour que les électeurs potentiels connaissent le processus
d'inscription et aient la possibilité de l'utiliser. Par exemple, on
procède à des campagnes d'éducation électorale qui
soulignent l'importance de l'inscription, expliquent les responsabilités
de l'électeur et fournissent des renseignements sur la façon de
s'inscrire. Cependant, l'inscription sur les listes électorales, comme
nous l'avons souligné est conditionnée par la possession d'une
carte nationale d'identité qui atteste que la personne à inscrire
est de nationalité camerounaise. En effet, dans les années 1990,
l'Adamaoua enregistrait un nombre faible des citoyens inscrits sur les listes
électorales. L'une des principales causes de cette situation fut le
défaut de carte nationale d'identité. A cet effet, monsieur Ngozo
Jean déclare que : « Notre principal
problème fut le défaut de carte nationale
d'identité et particulièrement dans les zones rurales et
pour ceux qui en ont, elles ne sont plus valides. D'ailleurs, certains citoyens
ne possédaient même de carte.»175(*)
L'on comprend alors que le défaut de carte est
préjudiciable aux inscriptions sur les listes électorales,
puisque certains citoyens de zones rurales malgré leur volonté,
ne peuvent s'inscrire. Ce défaut de cartes est parfois lié
à celui du défaut d'actes de naissance étant donné
que, dans les zones rurales certains citoyens n'ont pas d'actes de naissance
surtout ceux qui ne sont pas nés dans les centres de santé. Cette
situation fut observée dans la Région de l'Adamaoua. Or, on ne peut se faire établir de cartes sans
actes de naissances. En réalité, le coût
élevé de la carte d'identité ne les mettait pas à
la portée de toutes les bourses (5000F.cfa et parfois plus). De
même, l'éloignement des lieux d'identification constituait un autre obstacle majeur aux inscriptions.
C'est par exemple le cas dans la localité de Belel où les
citoyens sont obligés de parcourir des kilomètres après
avoir déboursé 2000F.cfa pour le transport seulement lorsque la
route est praticable avec le risque de ne jamais entrer en possession de ladite
carte. Par ailleurs, on ne s'inscrivait pas
officiellement avec le récépissé de la carte sauf si on y
joignait son acte de naissance176(*). En conséquence,
l'obstacle majeur aux inscriptions sur les listes électorales
résidait dont au niveau de l'obtention de la carte nationale
d'identité. C'est ce que confirme d'ailleurs
monsieur Ngozo Jean, lorsqu'il déclare que « le
potentiel électoral est en principe les jeunes en âge de voter et
les femmes, mais malheureusement, ils étaient peu à s'inscrire
justement parce qu'ils ne possédaient pas de cartes nationales
d'identité177(*) ».Ainsi, pour
remédier à cette situation, à partir de 2002, les
opérations foraines d'établissements des cartes nationales
d'identité à l'approche des échéances
électorales furent organisées sur l'ensemble du territoire
national. Cette politique a trouvé un écho fort dans la
Région de l'Adamaoua. C'est dans cette optique que des milliers des
cartes nationales d'identité ont été établies aux
citoyens dans cette région pour permettre à ceux-ci de voter. Le
déploiement des postes d'identification accompagnés par la
défunte ONEL et aujourd'hui ELECAM dans les zones rurales a permis
d'avoir un nombre important des inscrits sur les listes électorales. Des
inscriptions massives sur les listes électorales dans l'Adamaoua s'est
fait de manière progressive suivant l'allégement des conditions
d'établissement des cartes nationales d'identité au Cameroun. Le
tableau suivant met en exergue l'évolution des inscriptions sur les
listes électorales dans la région de l'Adamaoua.
Tableau 7:
l'évolution des inscriptions sur les listes électorales
région de l'Adamaoua de 2007 au 10 juin 2011.
Région
|
Population totale
|
Population électorale
|
Inscrits en 2007
|
Électeurs à inscrire
|
Électeurs inscrits depuis Aout 2010
|
Nombre total d'inscrits de 2007 au 10 juin
2011.
|
Adamaoua
|
1015622
|
457029
|
262180
|
194849
|
136485
|
398665
|
Source :
www.Elecam.Cm.
À la suite de ce tableau, il faut noter que, dans le
but était de remédier aux difficultés qu'éprouvent
les citoyens des zones rurales de l'Adamaoua, les autorités des villes
de Meiganga, Ngaoundéré, de Banyo, de Tibati et de Tignère
se sont vues obligées de prendre des mesures parallèles pour
décanter le flux des demandeurs dans les postes d'identification. Ainsi,
les personnels judiciaires sur le ont été envoyés sur les
terrains pour effectuer des jugements supplétifs aux habitants n'ayant
pas d'actes de naissance.
L'opération des « audiences
foraines » a permis à une fraction de la population d'obtenir
des actes de naissance et par le fait même, de se faire établir
sur place, des cartes nationales d'identité grâce à un
poste d'identification provisoire, mis en place dans chaque localité par
les équipes d'identification mobiles. Une initiative entreprise pendant
des semaines avec pour corollaire, l'accroissement du nombre des inscrits sur
les listes électorales. L'absence d'un poste d'identification est un
coup dur vécu non seulement par la population de ces localités,
mais aussi les responsables administratifs qui veulent produire des
résultats probants à la veille des échéances
électorales. En conséquence, on peut constater que depuis le
décret ordonnant l'établissement gratuit des cartes
d'identité, les commissariats de la Région de l'Adamaoua ne se
désemplissent pas de monde. L'argumentaire de son coût
élevé comme cause importante de la non-possession prend donc tout
son sens, étant donné que, même avant la gratuité de
la carte nationale d'identité, plusieurs responsables du parti au
pouvoir organisaient déjà les campagnes d'établissement de
celle-ci dans plusieurs localités du pays. Ce qui avait permis
l'établissement de milliers de cartes nationales à de nombreux
citoyens. C'est ainsi, que dans la région de l'Adamaoua, les leaders
politiques responsables du comité du RDPC chargés des
inscriptions sur les listes électorales dans la Vina ont établi
3000 cartes nationales d'identité afin de permettre aux citoyens de
s'inscrire sur les listes électorales178(*). Il est donc clair que
toutes les actions qui ont été entreprises, furent au profit de
la carte nationale d'identité. Ces différentes mesures ont pour
objectif de favoriser les inscriptions sur les listes, ce qui semble porter des
résultats. Cette quête effrénée aux potentiels
électeurs n'est pas neutre car, elle vise à faire participer un
maximum de citoyens aux élections, avec pour objectif la
légitimation de l'élu.
III-Obstacles liÉs
À l'établissement et À l'obtention des cartes nationales
d'identité dans l'Adamaoua.
Comme nous l'avons évoqué
précédemment, l'identification des citoyens qui inclut aussi bien
le fonctionnement de l'administration que la mise en oeuvre des politiques
publiques ne se résume pas seulement à des
phénomènes de « pouvoir de, pouvoir
sur », de domination ou de contrôle de corps. Il s'agit en
même temps de forme de gestion du service d'identification. Cette
dimension de la politique d'identification au Cameroun a souvent
été oubliée. L'administration en général,
les agents, les dispositions d'identification au Cameroun sont perçues
comme un processus des structures caractérisées par la
corruption, le népotisme, le clientélisme, le manque de
professionnalisme etc. Or, quand bien même ce serait vrai, partiellement,
le service d'identification au Cameroun, assure plus ou moins bien
efficacement, sa mission qui est celle d'identifier les citoyens. Il importe de
préciser que la délivrance de la carte nationale
d'identité au Cameron est assurée conjointement par la
délégation générale à la sûreté
nationale (DGSN), la société d'assistance et de conception en
électronique (SACEL)179(*) et la société THALES. Le service
d'identification pris dans cette situation, constitue, un champ semi-autonome
qui n'est certes pas indépendant de la nature de services. Diverses
recherches ont été menées depuis plusieurs années
sur l'identification et ont en effet, mise en évidence la convergence
des difficultés de l'identification des citoyens. Aux trajectoires des
pratiques d'identification assez similaires à celles de la France, au
Cameroun depuis l'institutionnalisation, l'établissement et la
délivrance des cartes nationales d'identité, connaissent de
nombreuses difficultés. Pour examiner les origines des
difficultés, il faut remonter la période coloniale. C'est en
effet la colonisation qui non seulement a mise en place l'État en
Afrique, particulièrement, au Cameroun, mais aussi, à y regarde
de prêt à également jeter les bases de la forme
contemporaine d'identification. Ainsi, le système d'identification au
Cameroun semble être inadapté dans les sociétés
régies par des valeurs traditionnelles. La présente partie
devrait contribuer à une meilleure connaissance des obstacles qui
plombent l'établissement des cartes nationales d'identité dans
l'Adamaoua. Ces obstacles se situent à plusieurs niveaux :
administratif, politique, économique, géographique, professionnel
etc.
1. Barrières
administratives, politiques et économiques.
La majorité des pays colonisés par la France
sont dotés des mécanismes d'identification des populations. Par
ailleurs, bon nombre de citoyens au Cameroun, dans l'Adamaoua
précisément, n'ont pas accès aux postes d'identification.
Pour comprendre une telle situation, il s'agit d'analyser les obstacles
administratifs, politiques et économiques.
1-1. Les obstacles
administratifs.
Sur le plan administratif, il se pose un problème au
niveau de la relation entre bureaucrates et usagers. En effet, l'on remarque
que les pratiques de l'administration coloniale ont introduit une très
grande marge de l'arbitraire dans la rationalité procédurale de
la bureaucratie classique de la métropole officiellement importé
dans les colonies en Afrique. Jean-Pierre Olivier de Sardan le remarque si bien
en ces termes :
Il n'y a pas eu de rupture importante entre l'administration
coloniale et l'administration postcoloniale, bien au contraire. Avec les
indépendances, les nouveaux États se sont construits dans une
logique de continuité et d'amplification du modèle colonial. Les
innovations postcoloniales ont plutôt été dans le sens d'un
élargissement ou d'un approfondissement du modèle colonial que de
sa transformation ou de son abolition.180(*)
De ce qui précède, l'on constate qu'il y a une
continuité des pratiques de l'administration coloniale dans
l'administration postcoloniale au Cameroun. En fait, au-delà du
mépris souvent affiché de beaucoup de fonctionnaires
européens pour les administrés africains pendant la colonisation,
ce sont des générations d'auxiliaires et de commis africains qui
ont appris auprès des colonisateurs à édifier une
barrière entre eux même et les populations locales, à
multiplier les signes affirmant leur statut de «
privilégiés », à construire la
supériorité par l'affirmation de l'infériorité des
autres et à user de l'arbitraire.
S'inscrivant dans le même sillage, il faut noter que,
les services d'identification dans l'Adamaoua sont caractérisés
par une bureaucratie de mépris, des pratiques de corruption, de
népotisme et même de clientélisme. L'on note à la
fois une sous-administration qui perdure malgré l'évolution du
système d'identification et un décalage entre normes et usages
locaux et usages officiels. Diverses formes de sous-traitance, de
clientélisme et d'informalité loin des règles officielles
d'identification telles que définies par les textes, font le quotidien
des postes d'identification de l'Adamaoua. Cette situation débouche sur
les négociations et l'intermédiation se traduisant par des
multiples arrangements et sans doute à l'origine des premières
formes de corruption faisant la part belle aux
« démarcheurs » presque omniprésents dans les
postes d'identification.
Le clientélisme bureaucratique dans les postes
d'identification de l'Adamaoua se manifeste par le comportement des personnels.
En effet, pendant les périodes d'affluence dans les postes
d'identification, certains personnels accordent des faveurs à leurs
protégés comme ceux avec qui ils partagent le même groupe
ethnique ou ceux qui les rendent peut être des services ou encore
à leurs parents et connaissance181(*).
Par ailleurs, l'un des principaux problèmes de
l'identification dans l'Adamaoua est celui de la couverture de services sur
l'ensemble de la Région. En effet, l'on a l'impression, sans risque de
se tromper, que les postes d'identification de l'Adamaoua ont été
créés sur une base discriminatoire. Les zones urbaines telles que
les chefs- lieux de département ont été mieux couvertes
par des postes d'identification que les zones rurales. Jusqu'ici, les zones
rurales de l'Adamaoua tels que Belel, Ngaoui pour ne citer que
celles-là, n'ont pas de poste d`identification. L'absence de poste
d'identification dans ces zones est un obstacle non seulement pour la
population mais aussi pour l'administration. Le constat de ce manquement se
traduit par les propos du responsable ELECAM de
Belel : « Si on avait un poste d'identification dans
l'arrondissement de Belel, on ne serait pas dernier de la classe des inscrits
sur les listes électorales dans la région de l'Adamaoua
»182(*).
Bien plus, l'on note une absence de surveillance et de
supervision adéquates qui assureraient le respect des lois relatives
à l'établissement des cartes nationales d'identité.
Souvent, les informations essentielles ne sont pas scrupuleusement
enregistrées sur les formulaires. Des informations frauduleuses telles
que la limitation d'âge, des changements illégaux de noms,
prénoms lieu de naissance sont enregistrés sur les
formulaires.
En somme, la corruption, le clientélisme, les fraudes,
l'inertie et le laxisme qui caractérisent l'administration camerounaise
sont autant d'obstacles qui plombent l'établissement des cartes
nationales d'identité dans l'Adamaoua. Cependant, la question
d'identification au Cameroun relève surtout de la volonté du
politique. Il se trouve donc que dans l'Adamaoua, l'établissement des
cartes nationales d'identité se heurte aux barrières
politiques.
1-2.Les barrières
politiques.
L'identification peut se heurter à un obstacle aussi
important que la volonté politique. En effet, Il existe jusqu'ici des
personnes qui ne connaissent pas ce que c'est qu'une carte nationale
d'identité et à quoi sert-elle. Les efforts des politiques ne
suffisent pas jusqu'ici pour pallier aux difficultés. Certaines
populations sont ignorantes et réticentes à la question de
l'identification dans l'Adamaoua. La sensibilisation relève de la
tâche du politique. Cependant, les mesures prises par le politique pour
remédier à ce genre d'obstacle ne sont que conjoncturelles
frustrant ainsi certains citoyens. Le cas des Mbororo de l'Adamaoua est patent.
Ces derniers ne connaissent pas grand-chose de l'administration et ne cherchent
pas à le savoir. D'ailleurs, dans les années 1960, le refus
d'établir les cartes nationales d'identité aux Mbororo, trahit
l'attitude discriminatoire du politique.
1-3.Les barrières
économiques.
Bien que la possession d'une carte nationale d'identité
soit un droit fondamental les Camerounais, l'établissement de cette
pièce est payant. Pour les citoyens pauvres, le coût de
l'établissement d'une carte nationale d'identité est inimaginable
puisqu'ils doivent d'abord pallier les besoins urgents. Au-delà du prix
d'établissement, le problème vient aussi du fait que les services
publics sont souvent centralisés. Pour se faire établir une carte
nationale d'identité, certains citoyens des zones rurales doivent se
rendre dans le centre urbain le plus proche ou ils peuvent se retrouver face
à un bureau fermé. C'est par exemple le cas dans le
département du Djerem où les citoyens de l'arrondissement de
Ngaoundal, doivent obligatoirement se rendre à Tibati situé
à 100 km pour obtenir leur certificat de nationalité avant de se
rendre au poste d'identification. Le coût de ce voyage et le fait que,
durant le voyage, aucun revenu familial ne rentre, forme assurément un
obstacle supplémentaire à l'établissement d'une carte
nationale d'identité. Ce constat justifie en fait le faible taux
d'identification dans ce département.
2. Les obstacles
infrastructurels, professionnels et géographiques.
Il s'agit de présenter les arguments matériels,
économiques et géographiques qui font obstacle à
l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua.
Ainsi, sans ignorer les handicaps des pratiques politiques et administratives,
il est judicieux de chercher ailleurs la justification au manque du
désir spontané de l'établissement des cartes nationales
d'identité dans l'Adamaoua. L'explication réside certainement
dans les facteurs matériels techniques et géographiques.
2-1. Les obstacles
infrastructurels.
Dans l'Adamaoua en général, beaucoup reste
encore à faire au niveau des infrastructures administratives. Sans
sous-estimer les efforts ménagés par le gouvernement dans la
création des infrastructures administratives dans l'Adamaoua, les
bâtiments adéquats abritant uniquement les services
d'identification manquent. Dans tous l'Adamaoua, les bâtiments qui
devraient abriter les postes d'identification ne sont pas jusqu'ici construits.
Ce sont parfois les maisons familiales qui servent de locaux des postes
d'identification. Ainsi, ces maisons se trouvent souvent dans des mauvaises
conditions. Elles sont parfois insalubres, non électrifier mettant en
péril les matériels d'identification. Par ailleurs, l'on note les
coupures intempestives d'électricité dans certains
départements rendant ainsi difficile l'établissement des cartes
nationales d'identité, dans la mesure où la prise des photos
devient impossible. Alors, vu la situation alarmante, il ne suffit pas de
créer les postes d'identification, mais de doter ces postes
d'identification des matériels. Cependant, l'utilisation de ces
matériels nécessite aussi un professionnalisme.
2-2. Manque de
professionnalisme.
Le manque de professionnalisme des personnels de
l'identification dans l'Adamaoua est obstacle à prendre au
sérieux dans le processus d'établissement des demandes de carte
nationale d'identité. La plupart des personnels rencontrés dans
les postes d'identification de l'Adamaoua ne sont pas des professionnels du
métier. Or l'identification des citoyens est un domaine sensible et
délicat pour lequel il faut des hommes du métier maitrisant tous
les contours de cette pratique. En effet, depuis la mise en place du
système d'identification biométrique au Cameroun, nombre de
citoyens ont du mal à obtenir la carte nationale d'identité
informatisée, ceci à cause des erreurs commises sur les
formulaires par les personnels au moment de l'établissement de la
demande. Le système d'identification biométrique rejette purement
et simplement les demandes de carte nationale d'identité non conformes.
Les raisons d'un tel rejet peuvent être les suivantes :
-les noms mal orthographiés ;
- l'absence ou la mauvaise qualité des empreintes
digitales ;
-la mauvaise qualité des photos ;
-les demandes sans fond de dossier ;
-l'omission volontaire ou involontaire des rubriques ;
-l'absence de la signature du demandeur (voir annexe
4)183(*).
Tous ces motifs de rejet de demandes de carte nationale
d'identité relèvent de la responsabilité du personnel
ayant établi la demande. Il y a lieu de relever que de nombreuses
demandes de cartes nationales d'identité sont produites dans les postes
d'identification de l'Adamaoua, mais certaines n'aboutissent toujours pas
à la délivrance à cause des manquements ou de la
non-conformité des informations sur les formulaires de demandes.
Malgré cette situation, aucune mesure n'est prise pour
l'amélioration de travail des personnels d'identification dans
l'Adamaoua184(*). La
hiérarchie ne veille pas à ce qu'ils aient un confort
intellectuel permettant à ceux-ci de procéder lisiblement et
fidèlement à l'établissement des demandes de carte
nationale d'identité. Il faut noter qu'il y a un manque des
séminaires de mise et remise à niveau des personnels
d'identification. Ces séminaires pourront permettre la formation et le
recyclage des personnels non formés.
2-3. Barrières
géographiques.
La distance qui sépare les zones rurales et les postes
d'identification dans l'Adamaoua représente un handicap pour
l'identification. D'une superficie de 63701 Km² et 1015622 de citoyens en
2010185(*), l'Adamaoua
compte aujourd'hui seize postes d'identification reparties sur le territoire.
En matière de couverture, l'Adamaoua est peu couvert par des services
d'identification, rendant ainsi difficile l'accès aux citoyens des zones
rurales. En fait, plus la distance est grande, plus la tâche est
difficile et couteuse pour ceux qui veulent se faire établir leur carte
nationale d'identité. Il arrive souvent que certains personnes
parcourent plus de 30 km à pieds pour se faire établir une carte
nationale d'identité et ne réussissent pas à cause soit du
manque des matériels d'identification qui doivent être
acheminés de Yaoundé pour Ngaoundéré et de
Ngaoundéré pour les postes d'identification de la Région
de l'Adamaoua. Certains départements comme celui du Mayo Banyo et celui
du Faro-et-Déo où les routes sont presque impraticables pendant
la saison des pluiespeuvent passer 5 jours voire une semaine sans
matériel d'identification186(*).
De plus, le fait que les services de fabrication de la carte
nationale d'identité au Cameroun soient centralisés et
basés uniquement à Yaoundé dans un seul lieu constitue un
handicap pour l'identification et pour les citoyens situés dans les
périphéries du pays.
En fait, le constat montre que, après
l'établissement des demandes de carte nationale d'identité la
plupart des demandeurs doivent atteindre quatre (04) à cinq (05) mois
voire plus avant d'entrer en possession de leur carte nationale
d'identité. D'autres encore se contentent du
récépissé de demande parce que la carte elle-même
n'est pas de retour au poste d'identification les ayant reçus.
Par ailleurs, par confusion ou manque d'attention des
personnels du service central de délivrance renvoient certaines cartes
nationales d'identité dans un autre poste que celui qui a émis la
demande. C'est ainsi que nous avons retrouvés les cartes nationales
d'identité dont la demande a été établie au poste
d'identification de Ngaoundal (AD 09) dans le poste d'identification de la
ville de Meiganga (AD 07). Tous ces faits participent de la distance entre
certains citoyens et les postes d'identification et l'écart entre
service central de délivrance et les postes d'identification
émetteurs des demandes de cartes nationales d'identité.
3. Les limites de la politique
d'identification du Cameroun.
La question sur l'amélioration de la
sécurité des documents et la carte d'identité nationale
pour tous les Camerounais demeure jusqu'ici un domaine en friche. Depuis
l'institution de cette pièce, aucun débat n'a été
ouvert pour saisir les enjeux et les problèmes que connaissent la
politique d'identification au Cameroun. La présente partie devrait
contribuer à une meilleure connaissance des limites de la politique
d'identification des citoyens camerounais.
Il n'y avait pas assez de documentation, de recherche ou de
directives pour guider les personnes intéressées à
examiner cette question d'importance nationale. L'examen de cette question
exige soit un niveau de connaissance élevé du système
actuel de documents d'identité gouvernementaux, soit une connaissance de
l'industrie biométrique de pointe ou une connaissance du succès
ou de l'échec des programmes actuels d'identification du gouvernement
camerounais, des travaux de recherche sur l'expérience des autres pays
où il existe une carte nationale d'identité ainsi qu'une
connaissance des problèmes de sécurité liés
à la collecte de données biométriques du gouvernement.
Le débat sur la carte nationale d'identité
soulève en même temps un débat sur une politique nationale
sur l'identité. Étant donné que la carte nationale
d'identité ne représente qu'une méthode possible
d'établir une politique nationale, il fallait élaborer et
établir la politique avant d'examiner toute mesure de mise en
application. Le Parlement devait adopté une politique nationale sur
l'identité ainsi que des principes directeurs fondamentaux après
avoir demandé l'opinion de la population et de l'avoir consultée,
avant que toute stratégie particulière de mise en place ne soit
examinée, y compris la mise en oeuvre d'une carte nationale
d'identité.
Au cours de la période d'élaboration d'une
politique nationale sur l'identité, le gouvernement n'a pas
proposé les différentes stratégies d'identification aux
citoyens. En introduisant le système d'identification biométrique
aucune mesure n'a été prise pour expliquer clairement aux
Camerounais pourquoi ce changement est nécessaire et pourquoi le
système actuel répond à la politique
élaborée à l'échelle internationale.
Le Cameroun doit être en mesure d'établir
l'identité des Camerounais, même à l'échelle
internationale. Le gouvernement est signataire d'ententes et d'engagements
internationaux qui exigent que les Camerounais qui voyagent et désirent
entrer dans d'autres pays puissent être identifiés. Au Cameroun,
les départements ministériels se partagent la
responsabilité d'émission des documents d'identité : les
certificats de naissance et de décès par exemple relèvent
de la compétence du ministère de l'administration territoriale et
de la décentralisation alors que les cartes nationales
d'identité et les cartes de résidence sont émises par la
délégation générale à la sûreté
nationale. Différents documents d'identité ont différentes
raisons d'être, et les renseignements à fournir en vue d'obtenir
chaque document correspondent à la finalité intrinsèque de
ce document. Toutefois, on devrait élaborer une politique nationale
uniforme sur les documents d'identité fondée sur des principes
fondamentaux.
L'objectif et la conception d'un système
d'identification nationale camerounaise devraient être à l'image
de la population camerounaise, et non motivés par des pressions
internationales.
L'identité est personnelle à chaque personne.
Avant que le gouvernement n'intervienne en vue d'établir une politique
nationale sur l'identité, qui concerne tous les citoyens, il devait
expliquer clairement le but de l'identification. Étant sans doute le
plus important détenteur de renseignements personnels, le gouvernement
camerounais a reconnu l'importance de la protection de la vie privée des
Camerounais en établissant un commissariat de police qui veille à
la protection des citoyens et de leur vie privée. Ce commissariat doit
prendre le devant en ce qui concerne la protection des renseignements
personnels en introduisant, en faisant promulguer et en mettant en application
la loi sur la protection des renseignements personnels et les documents
d'identité.
De plus, la politique d'identification devrait participer
activement à éliminer les préoccupations en matière
de sécurité nationale et internationale au Cameroun et non
permettre aux acteurs de l'insécurité d'avoir illicitement la
carte nationale d'identité, lors de opérations foraines
d'identification.
Toutefois, pour répondre aux préoccupations sur
la réticence et l'ignorance de certains citoyens camerounais en ce qui
concerne la question d'identification, le gouvernement devrait expliquer
ouvertement et honnêtement les obligations que le Cameroun tente de
respecter en apportant tout changement aux politiques d'identification. Les
citoyens sont en droit de connaître l'étendue de cette politique
d'identification.
Le gouvernement camerounais n'a jamais ouvert un débat
public sur des questions touchant les valeurs fondamentales, notamment
l'identification des Camerounais, ou encore présenté un livre
blanc afin de connaître les points de vue de citoyens sur la politique
d'identification qui, pourront permettre de fournir les renseignements
appropriés. C'est souvent à l'approche des
échéances électorales que les politiques
présentent souvent l'importante question d'identification nationale.
Toutefois aucune documentation, des travaux de recherche ou un objectif
clairement défini n'est présenté au public. Il est
important d'informer le public à ce sujet et lui donner l'occasion de
s'exprimer sur des questions capitales comme celle-ci. C'est le moins que l'on
puisse faire pour garder la confiance du public tout au long du processus.
Une politique sur l'identité nationale devrait
renforcer la sécurité nationale. Cette politique devrait
être élaborée par et pour les Camerounais. Elle doit
inspirer une fierté quant à la nationalité et à la
citoyenneté camerounaises. Cela ne veut pas dire que l'État du
Cameroun ne doit pas tenir compte des obligations et des engagements
internationaux. Cela ne veut pas dire également que le gouvernement
camerounais ne doit pas consulter ses alliés et ses voisins pour
connaître leurs préoccupations lorsqu'ils tentent d'identifier et
de trouver des Camerounais ou qui voyagent à l'étranger. Cela
signifie toutefois que la politique et les méthodes mises en oeuvre
soient probablement mieux adaptées pour satisfaire les Camerounais.
En clair, Il était question dans ce chapitre
d'analyser l'évolution des productions des cartes nationales
d'identité. Ainsi, il ressort de cette analyse que dans l'Adamaoua, au
cours des trois premières décennies de l'institution de la carte
nationale d'identité,les postes d'identification ont connus un taux de
demandes relativement faible. Par ailleurs, depuis le début des
années 2000, les postes d'identification de l'Adamaoua enregistrent
chacun de nombres important de demandes de cartes nationales d'identité.
Cependant, malgré les efforts du gouvernement, l'identification dans
l'Adamaoua fait face à plusieurs difficultés dont les principales
sont d'ordre politique, économique, professionnel, infrastructurel
etc.
CONCLUSION
GÉNÉRALE
Au demeurant, il était question tout au long de ce
travail portant sur « la carte nationale d'identité dans
l'Adamaoua», d'examiner les attitudes des citoyens à l'égard
de la question d'identification. Au terme de ce travail, il ressort que la
carte nationale d'identité a été instituée d'abord
au Cameroun oriental indépendant en 1960, puis par la
concrétisation de productions législatives, elle a
été généralisée en 1964 après la
réunification. Avec l'unification des deux Cameroun cette pièce a
connu des modifications au niveau des énonciations. Elle est
passée d'une énonciation en français pour une
énonciation bilingue, justifiée par la promotion
l'identité culturelle camerounaise. Ce changement a marqué une
étape important pour la politique d'identification du Cameroun dans la
mesure où il s'agissait de mettre fin aux idées de double
nationalité qui animait certains citoyens du Cameroun Occidental. La
carte nationale d'identité dans son évolution est passée
de support papier (carton) en vigueur jusqu'aux années 2000 à un
support plus sécurisé (Teslin), pour ainsi résoudre le
problème de sécurisation de l'identité et de la
nationalité et de s'arrimer aux normes internationales
d'identification.
La carte nationale d'identité donne au citoyen sur le
territoire national une identité établie et véritable et
un signe d'appartenance à une communauté, à une nation
où le citoyen à sa place. Elle est la clé qui permet
d'accéder à certains services, comme par exemple des services
bancaires qui offrent une sécurité et une discrétion dans
les transactions. Elle garantit au citoyen pendant toute sa vie, le droit de
prendre part à la vie sociale et politique de son pays.
L'accent a été aussi mis l'évolution de
la structure administrative de l'Adamaoua. Cette évolution a eu un
impact sur la politique d'identification dans cette Région, notamment en
ce qui concerne la mise sur pied des postes d'identification. L'étude de
la mise en place des postes d'identification dans l'Adamaoua a permis de cerner
les pratiques d'identification. L'identification mieux, l'établissement
des cartes nationales d'identité de 1960 au début des
années 2000, se faisait uniquement dans les postes d'identification
répartis sur le territoire de l'Adamaoua. Dans l'Adamaoua, la politique
d'identification a été mise sur pied de manière
progressive, avec l'évolution de cette structure administrative. D'abord
présent dans les chefs-lieux de départements et d'arrondissement,
les postes d'identification furent multipliés à partir de 1995,
notamment avec la mise sur pied du système d'identification
biométrique. À partir des années 2000, il y a eu
changement dans la politique d'identification. Non seulement, à
l'approche de chaque échéance électorale les frais
d'identification étaient diminués et souvent même
exemptés, mais les équipes mobiles d'identification se
déployaient dans les zones qui ne disposent pas de postes
d'identification pour identifier sur place les citoyens. Ce fut une
manière de permettre aux Camerounais de participer à la vie
politique de l'État et de sécuriser leur identité et la
nationalité camerounaise.
Avec la politique de campagne d'identification
(l'allègement des conditions d'établissement des cartes
nationales d'identité, exemption des frais d'identification)
débutée en 2002, il été révéler dans
ce travail, le déploiement des équipes mobiles d'identification
dans certains localités de l'Adamaoua, permettant aux populations de
Belel, Ngaoui, Yargbang, Gbatoua Godolé, Kombo Laka, Danfili, de Mbakaou
etc. de se faire identifier.
Par ailleurs, il s'agissait également dans ce travail
d'analyser les différentes réactions des populations de
l'Adamaoua à la question d'identification. Toutefois, il ressort de
cette analyse que dès son institutionnalisation, la carte nationale
d'identité n'a pas aussitôt été acceptée de
tous les citoyens. Les trente (30) premières années ont
été marquées par l'ignorance ou la réticence des
citoyens vis-à-vis de la carte nationale d'identité. Plusieurs
citoyens des zones rurales et même de centres urbains ont
été réticents vis-à-vis de la question de la carte
nationale d'identité à cause d'un manque de communication, de
sensibilisation ou d'information de la part du gouvernement. La carte
nationale d'identité fut introduite sans une consultation des citoyens
camerounais.
Les raisons d'une politique nationale d'identification des
citoyens n'avaient pas été clairement explicitées aux
Camerounais. L'inefficacité des contrôles d'identité,
l'inadaptation et la méconnaissance des lois relatives à
l'identification par les citoyens de l'Adamaoua sont quelques raisons
importantes qui expliquent les faibles taux d'établissement des cartes
nationales d'identité dans l'Adamaoua au cours des périodes
1960 ; 1970 et 1980. Les périodes 1990 et 2000 ont
été marquées par une ruée des citoyens dans les
postes d'identification de l'Adamaoua. Cette ruée est liée
à l'ouverture démocratique du Cameroun, à l'implantation
des services bancaires et surtout aux contrôles systématiques
d'identité dans cette Région qui accueille de nombreux
immigrés centrafricains, tchadiens et nigérians. Toutefois,
l'allègement des conditions d'identification et les opérations
foraines d'établissement des cartes national d'identité ont
permis d'établir et délivrer des milliers de cartes nationales
par les postes d'identification de la Région de l'Adamaoua. À la
suite de ces opérations, de nombreuses cartes nationales
d'identité ont été abandonnées dans les postes
d'identification. Il a été question dans ce travail de mettre en
lumière, les mobiles qui expliquent l'abandon des cartes dans les postes
d'identification. Ces raisons découlent de la mobilité des
titulaires d'une part et d'autre part de l'ignorance du mécanisme
d'identification par certains citoyens.
Le bilan d'identification dans l'Adamaoua renseigne sur
l'évolution de demandes des cartes nationales. Ce bilan a permis de
souligner les disparités entre les postes d'identification de
l'Adamaoua. Les données collectées dans les postes
d'identification ont permis de conclure que le poste d'identification de
Ngaoundéré produit plus de cartes que les autres postes
d'identification de la Région de l'Adamaoua. Bien que la politique
d'identification ait permis à plusieurs citoyens de l'Adamaoua d'avoir
une identité officielle et de participer à la vie politique, il a
été question de souligner l'impact de l'identification sur le
plan sociopolitique.
Par ailleurs, les fraudes qui font le quotidien de certains
postes d'identification et de l'Adamaoua et les opérations foraines
d'identification ont permis aux étrangers (immigrés) en
présence dans l'Adamaoua d'acquérir illicitement la
nationalité camerounaise fragilisant et rendant ainsi faillible le
système de sécurisation de la nationalité
camerounaise.
Étant un document incontournable dans les services
administratifs du Cameroun, elle a permis à plusieurs citoyens de se
faire inscrire sur les listes électorales. Le pourcentage des inscrits
sur les listes électorales dans l'Adamaoua, a considérablement
évolué à cause de la campagne d'identification gratuite
instituée par le chef de l'État dès 2002.
Un travail sur la carte nationale d'identité dans
l'Adamaoua ne pouvait se faire sans analyser les écueils qui plombent la
politique d'identification dans cette Région. Les obstacles de la
politique d'identification dans l'Adamaoua sont d'ordres administratif,
politique, économique, infrastructurel, professionnel et
géographique. Sur le plan administratif, le népotisme, le
clientélisme et l'inertie caractérisent les postes
d'identification de l'Adamaoua. Le manque de volonté des politique de
développer les infrastructures notamment les bâtiments pouvant
abriter les postes d'identification et les routes reliant les localités
enclavées de l'Adamaoua participe à rendre plus difficile la
tâche aux citoyens et rend également pénible la pratique
d'identification dans l'Adamaoua. Le manque de professionnalisme des personnels
d'identification demeure un problème dont le gouvernement doit apporter
des solutions, en organisant par exemple des séminaires de formation, de
remise à niveau ou de recyclage. Cela permettra à ceux-ci de
faire moins d'erreur sur les formulaires de demandes de cartes nationales
d'identité.
En fin il a été question de souligner les
manquements de la politique d'identification. La politique d'identification du
Cameroun, bien qu'elle ait évolué présente des limites.
D'emblée, dès l'institution, le gouvernement n'a pris aucune
disposition pour informer les citoyens sur les véritables raisons de la
mise sur pied de la carte nationale d'identité. L'une des raisons de la
mise sur pied du système d'identification biométrique
était de lutter contre le vol d'identité et l'acquisition
illicite de la nationalité camerounaise. L'on constate que dès la
mise en la place du nouveau système d'indentification, les postes
d'identification clandestins ont automatiquement disparu laissant place aux
nouvelles stratégies de vol d'identité et d'acquisition de la
nationalité. Tout se passe comme si les autorités administratives
ignoraient ce qui se passe dans les centres d'état-civil et dans les
postes d'identification où les documents d'identité sont souvent
délivrés frauduleusement aux étrangers. Ce qui remet en
cause les objectifs de la politique d'identification au Cameroun qui sont entre
autres, protéger et sécuriser l'identité des citoyens
camerounais et sécuriser la nationalité camerounaise.
SOURCES ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
A-Sources
1. Archives
-ANY, 2AC1513, Loi n°68-LF-3 du 11 juin 1968 portant
code de la nationalité camerounaise.
-ANY, J.O 67/3, décret n°099/154 du 20 juillet
1999 fixant les caractéristiques et les modalités
d'établissement et de délivrance de la carte nationale
d'identité au Cameroun.
-ANY, J.O 64/22, loi n° 64-LF du 13 novembre 1964 rendant
obligatoire la carte nationale d'identité.
-ANY, J.O 69/3, loi n° 69/LF/ du 14 juin 1969 portant
réglementation de l'usage des noms et prénoms au Cameroun.
-ANY, 2AC8746, loi n° 90-54 du 19 décembre 1990
relative au maintien de l'ordre au Cameroun.
-ANY, J.O 64/22, loi n°64 du 13 novembre 1964 rendant
obligatoire la carte nationale d'identité.
-ANY, VCB/B ?1961/2, Foumban conference 17th
Jully-21th 1961.
-Loi n° 1990/043 du 19 décembre 1990, fixant les
conditions d'entrée et de sortie du territoire Cameroun.
-Loi n°715 du 10 décembre 1960 portant sur le
maintien de l'ordre public
-Loi n°90-54 du 19 décembre 1990 relative au
maintien de l'ordre
-Décret n°64-DF-394 du 29 septembre 1964
instituant la carte nationale d'identité.
-Décret n°83-392 du 22 août 1983 portant
création de nouveaux départements et arrondissements
-Décret n°2007/254 du 4 septembre 2007 fixant les
caractéristiques et les modalités d'établissement et de
délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun.
-Décret n°2008/376 du 11/12/2008 qui transforme
les 10 Régions et érige les districts en arrondissements.
.
2. Sources orales
N°
|
Noms et âge
|
Profession
|
Ville d'entretien
|
Date d'entretien
|
01
|
Amina Clémentine
40 ans
|
Ménagère
|
Tibati
|
06 juin 2014
|
02
|
Baino Pagoah
49 ans
|
Chef de poste d'identification
|
Banyo
|
16 juin 2014
|
03
|
Bétara Narma Paul
41 ans
|
Personnel d'identification
|
Meiganga
|
04 août 2014
|
04
|
Boudié Jacques
/
|
Personnel d'identification
|
Yaoundé
|
20 juillet 2014
|
05
|
Dadjé Jacques
37 ans
|
Responsable antenne communale d'ELECAM
|
Tibati
|
04 juin 2014
|
06
|
Daagoula Ibrihim
/
|
Ancien personnel d'identification
|
Tibati
|
04 juin 2014
|
07
|
Deke Gabriel
32 ans
|
agent de la Mairie
|
Meiganga
|
06 août 2014
|
08
|
Djaodji Adamou
38 ans
|
Berger
|
Tignere
|
13 août 2014
|
09
|
Djouldé Thomas
|
Cultivateur
|
Tignere
|
13 août 2014
|
10
|
Eméguidé François
/
|
Personnel d'identification
|
Yaoundé
|
25 juillet 2014
|
11
|
Enama Justine Rose
/
|
Chef de poste d'identification
|
Ngaoundéré
|
07 octobre 2014
|
12
|
Diza Inès
48 ans
|
Menagère
|
Ngaoundéré
|
12 août 2014
|
13
|
Hamadjida Oumarou
/
|
Officier de Police
|
Meiganga
|
08 juillet 2014
|
14
|
Hamadou Malloum
81 ans
|
Marabout
|
Meiganga
|
15 juillet 2014
|
15
|
Jonathan Ndjock
36 ans
|
Commerçant
|
Ngaoundéré
|
08 septembre 2014
|
16
|
Mohamadou Hassan
37 ans
|
Responsable de l'antenne communale d'ELECAM
|
Ngaoundéré
|
15 août 2014
|
17
|
Mohamadou Salissou
53 ans
|
Chef de poste d'identification
|
Tibati
|
03 juin 2014
|
18
|
Moussa François
/
|
Chef de poste d'identification
|
Tignere
|
12 août
|
19
|
Mvuti Pauline
23 ans
|
Agent EXPRESS UNION
|
Ngaoundéré
|
28 septembre 2014.
|
20
|
Nanawa Sylvain
37 ans
|
Personnel d'identification
|
Tibati
|
05 juin 2014
|
21
|
Ndjobdi Pierre
39 ans
|
Personnel d'identification
|
Ngaoundéré
|
17 octobre 2014
|
22
|
Ngozo Jean
56 ans
|
Ex-maire
|
Tibati
|
07 juin 2014
|
23
|
Nolla Roger
/
|
Chef d'antenne SACEL
|
Ngaoundéré
|
03 septembre 2014
|
24
|
Sanama Henri
54 ans
|
Commissaire de police
|
Meiganga
|
07 juin 2014
|
25
|
Seke Colomban
/
|
Commissaire divisionnaire
|
Ngaoundéré
|
07 octobre 2014
|
26
|
Souley Febadi
39 ans
|
Inspecteur de police
|
Meiganga
|
03 aout 2014
|
27
|
Woulkane Norbert
48 ans
|
Tailleur
|
Banyo
|
15 juin 2014
|
B-RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
1. Ouvrages
-About, I., 2010, Histoire de l'identification des
personnes, Paris, La Découverte.
-Adiaffi, J.M., 1980, La carte d'identité,
Paris-Abidjan-CEDA, Monde Noir Poche.
-Amselle, J.L, 1976, Les migrations en Afrique,
Paris, Maspero.
-Bayart, J. F., 1985, L'État au Cameroun, 2e
éd., Paris, Presses de la fondation Nationale des Sciences
Politiques.
-Bertrand, G., 2000, Identités et cultures dans les
mondes alpins et italien (XVIIIe-XXe siècle), -Paris,
L'Harmattan.
-Debarbieux, B., 2005, Prendre position :
réflexions sur les ressources et les limites de la notion
d'identité en géographie, Paris, CTHS.
-Dénis, V., 2008, Une histoire de l'identité
1715-1815, Paris, Champ Vallon.
-Fogui, J.P., 1990, L'intégration politique au
Cameroun. Une analyse centre-périphérie, Paris, LGDJ.
-Gaillard, P., 1994, Ahmadou Ahidjo. Patriote et despote,
bâtisseur de l'État camerounais, Paris, Jeune Afrique
livre.
-Gutton, J.P., 2010, Établir l'identité :
l'identification des Français du Moyen Âge à nos jours,
Lyon,Presses universitaires de Lyon.
-HamadouAdama et al, 2014, De l'Adamawa à
l'Adamaoua. Histoire, enjeux et perspectives pour le Nord-Cameroun, Paris,
L'Harmattan.
-Kaufmann, J.C., 2004, L'invention de soi. Une
théorie de l'identité, Paris, Armand Colin/SEJER.
-Ki-Zerbo, J., 1978, Histoire de l'Afrique noire d'Hier
à Demain, Paris, éd. Hatier.
-Lambony, G., 2001, De l'usage de la notion
d'identité en géographie. Réflexions à partir
d'exemples sud-africains, Paris,Harmattan.
-Mamdani, M., 1996, Citizen and Subject: Contemporary
Africa and the Legacy of Late Colonialism, Princeton: Princeton
University Press.
-Mariot, N., et Zalc, C., 2010, Face à la
persécution. 991 Juifs dans la guerre, Paris, Fondation pour la
mémoire de la Shoah.
-Ministère de l'information et de la culture, 1985,
L'identité culturelle camerounaise, Yaoundé, Direction
des affaires culturelles.
-Mveng, E., 1963, Histoire du Cameroun, Paris,
Présence Africaine.
-Ngayap, P.F., 1983, Cameroun qui gouverne ?De
Ahidjo à Biya, l'héritage et enjeu, Paris, l'Harmattan.
-Noirel, G., 2007, L'identification. Genèse d'un
travail d'État, Paris, Belin.
-Noiriel, G., 1999, Les origines républicaines de
vichy, Paris, Hachette.
-Schnapper, D., 2000, Qu'est-ce que la
citoyenneté, Paris, Gallimard.
-Tajfel, H., 1981, Humans groups and social
categories : Studies in social psychology, Cambbridge, UK :
Cambridge University Press.
-Tajfel, H., Turner J., 2001, Anintergrative theory of
intergroup conflict. Intergroup relation : Essential readings, New
York, US : PsychologyPress.
-Thuillier, G., Tulard, J., 1986, La méthode en
histoire, Paris.
2-Articles
-Appadurai A., 2002, « Après le
colonialisme »,
http://www.commposite.org/index.php/revue/article/view/58/57.
Consulté le 30 mai 2014.
-Berlière, J.M., 2005, «L'affaire
Scheffer : une victoire de la science du crime ? La première
identification d'un assassin à l'aide de ses empreintes
digitales », in Cahiers de la sécurité,
n°56, pp.15-42.
-Bernard A., 1997, « Le regard du droit »,
In Science Humaines, hors-série, pp. 34-68.
-Biéville, M., 1961, «La nationalité
en Afrique : la nationalité camerounaise », Revue
d'outre-mer, pp. 592-631.
-Hamadou Adama, 1997, « Les nouveaux
prénoms des peuls du Nord-Cameroun : historique et essai
d'interprétation », Ngaoundéré-Athropos, Revue
de Sciences sociales, vol.2, pp. 19-40.
- Kaufmann,J.C., 2006, « L'invention de soi.
Une théorie de l'identité », Revue
interrogation ?, n°3, pp.32-71.
- Mattioli, M.A., 2008, « L'introduction de la carte
d'identité en Grande-Bretagne par le New Labour », Observatoire
de la société britannique, http://osb.revues.org/661 ;
DOI : 10.4000/osb.66, consulté le 14 avril 2014.
-Monticelli, C. L., 2008, « Naissance de l'identification
», La Vie des idées, ISSN :
2105-3030,http://www.laviedesidees.fr/Naissance-de-l-identification.html.
Consulté le 14 avril 2014.
-Mouiche, I., 1996, « Mutations sociopolitiques
et replis identitaires en Afrique : le cas du Cameroun »,
Revue africaine de Science Politique, Vol.1, n°2, pp.63-88.
-Noiriel, G., 1993, « L'identification des citoyens.
Naissance de l'état-civil républicain », in
Genèse n° 13, pp.75-89.
- Ombiono, S., 1982, « Les noms et les
prénoms », in encyclopédie juridique de l'Afrique,
Vol. 6, Droit des personnes et des familles, Abidjan, NEA, pp. 45-54.
-Piazza, P., 2004, « Septembre 1921 : la première
« carte d'identité de Français » et ses enjeux»,
Genèses, n° 54, pp.68-91.
-Pourtier, R., 1987, « Encadrement territorial
et production de la nation », in Terray E. (éd),
L'État contemporaine en Afrique, Paris, l'Harmattan, pp.
352-391.
-Spire, A., 2003, « Semblable et pourtant
différents. La citoyenneté paradoxale des «
Français musulmans » en métropole »,
Genèse, n° 53, pp.48-68.
3-Mémoires et Thèse
-Fourny, M., 2005, « Identités et
dynamiques territoriales. Coopération, différenciation,
temporalités », Thèse d'habilitation à diriger
des recherches, Université Joseph-Fournier de Grenoble.
-Harouna, R., 2009, « L'état-civil au
Cameroun de la période coloniale allemande au début du
XXIème siècle », mémoire de DEA en Histoire,
Université de Ngaoundere.
-Madjile, C., 2005, « Les minorités au
nord- Cameroun : le cas des Mbororo », mémoire de DEA,
université de Ngaoundéré.
4-Dictionnaire
-Dictionnaire Universel Larousse, 1997.
-Lois-Littré E., 1877, Dictionnaire de langue
française, Paris, Hachette.
-Petit Larousse, 1998.
5-Journaux
- Jeune Afrique économie, 1995, n°190, pp.
13-17
- Cameroon Tribune n° 8918/5117, du 23 Aout
2004.
- Cameroon tribune, n°4790 du 20 décembre 1990.
- Cameroon tribune, n°2508 du lundi 4 novembre 1996.
6-Sites internet consulté
- http://www. Camer.be.cm,
- http://www.fri.fr/actu
fr/articles/
-
http://www.camerooninfos.net
ANNEXES
ANNEXE 1 : décret définissant les
caractéristique et les modalités d'établissement et de
délivrance de la carte nationale d'identité informatisée
du Cameroun.
Source : Archives du Ministère de l'administration
territoriale et de la décentralisation.
ANNEXE 2 : désignation des chefs de postes
d'identification de la Région de l'Adamaoua (avril 2014).
Source : Archives de la délégation
régionale de la sûreté nationale de l'Adamaoua.
ANNEXE 3 : Procès-verbal de ramassage des demandes
du poste d'identification de Meiganga (AD 07)
ANNEXE 4 : fiches de rejet des demandes de cartes
nationales d'identité
TABLE DES MATIERES
DEDICACE
i
REMERCIEMENTS
ii
RESUME
iv
ABSTRACT
v
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES
vi
SOMMAIRE
vi
TABLE DES MATIERES
173
LISTE DES PHOTOS
ix
LISTE DES FIGURES
x
LISTE DES TABLEAUX
xi
INTRODUCTION
GÉNÉRALE
1
CHAPITRE
1: INSTITUTIONNALISATION DE LA CARTE NATIONALE D'IDENTITÉ AU
CAMEROUN
27
I-Historique des pièces
d'identité officielles du Cameroun (1922-1960).
29
1. L'état-civil de l'époque
coloniale.
30
2. La carte de résidence en
Métropole.
32
II-Institution et évolution de la
carte nationale d'identité au Cameroun de 1960 à 2007.
35
1-Législation et conditions
d'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun.
36
1-1. Les décrets et les lois instituant,
organisant et contrôlant la carte nationale d'identité au Cameroun
(1964-2007).
37
1-2.Les conditions d'établissement de la
carte nationale d'identité au Cameroun.
41
1-3.Les acteurs de l'identification
45
2.Évolution des énonciations de la
carte nationale d'identité
48
2-1.Carte d'identité établie entre
1960 et 1964.
49
2-2. Carte nationale d'identité bilingue
établie de 1964 à 2013.
51
2-3. Les rubriques et caractéristiques de la
carte nationale d'identité informatisée.
54
III-Avantages et inconvénients de la
carte nationale d'identité.
63
1. La carte nationale d'identité : un
outil de contrôle de l'État.
65
2. Multiples avantages de la carte nationale
d'identité.
67
3-Inconvénients de la carte nationale
d'identité.
72
CHAPITRE
2 : ÉTABLISSEMENT DES CARTES NATIONALES D`IDENTITÉ DANS
L'ADAMAOUA.
77
I- Évolution de la structure
administrative de l'Adamaoua et la mise en place des postes
d'identification.
79
1. Évolution de la structure administrative
de l'Adamaoua.
80
2-La mise en place des postes
d'identification.
84
2-1. Les premiers postes d'identification de
l'Adamaoua.
85
2-2. Répartition des postes d'identification
dans l'Adamaoua à partir de 1995.
87
II- Pratique d'identification dans
l'Adamaoua de 1960 à 2013.
96
1-Établissement des cartes nationales
d'identité uniquement dans les centres urbains (1960-1999).
96
2-Le déploiement des postes d'identification
à partir des années 2000.
98
3-Le démarchage dans le processus
d'identification.
103
III-Les réactions des populations
à l'égard de la question d'identification.
105
1. Une passivité des populations à
l'égard de la carte nationale d'identité.
105
2. La ruée des citoyens dans les postes
d'identification à partir des années 1990.
108
3. Abandon des cartes nationales d'identité
dans les postes d'identification.
112
CHAPITRE
3: BILAN DE L'IDENTIFICATION DANS L'ADAMAOUA ET LES DÉFIS DE LA
POLITIQUE D'IDENTIFICATION
120
I-Bilan de l'établissement des
cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua.
121
1. Récapitulation des productions de cartes
nationales d'identité dans l'Adamaoua de 1976 à la fin des
années 1980.
122
2. Bilan d'identification dans l'Adamaoua de 2000
à 2013.
132
II- Impact de l'identification dans
l'Adamaoua.
135
1. Fragilisation de la nationalité
camerounaise et trafic d`identité.
135
2. La participation aux échéances
électorales.
139
III-Obstacles liés à
l'etablissement et à l'obtention des cartes nationales d'identite dans
L'Adamaoua.
142
1. Barrières administratives, politiques et
économiques.
143
1-1. Les obstacles administratifs.
144
1-2.Les barrières politiques.
146
1-3.Les barrières économiques.
146
2. Les obstacles infrastructurels, professionnels
et géographiques.
147
2-1. Les obstacles infrastructurels.
147
2-2. Manque de professionnalisme.
147
2-3. Barrières géographiques.
149
3. Les limites de la politique d'identification du
Cameroun.
150
CONCLUSION
GÉNÉRALE
154
SOURCES ET RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIQUES
159
ANNEXES
165
* 1M.Mamdani, 1996,
Citizen and Subject: Contemporary Africa and the Legacy of Late
Colonialism, Princeton: Princeton University Press, p.30.
* 2J.L. Amselle, 1976,
Les migrations en Afrique, Paris, Maspero.p.17.
* 3 Dictionnaire
Universel Larousse, 1997, p.256.
* 4 Petit Larousse, 1998,
p.619.
* 5 Ibid., p.779.
* 6E. Lois-Littré,
1877, Dictionnaire de langue française, Paris, Hachette,
p .205.
* 7J.Codol,
2001, « Une approche cognitive du sentiment
d'identité », In Information sur les sciences sociales,
p.20.
* 8Ibid., p.21.
* 9 H. Tajfel, 1981,
Humans groups and social categories : Studies in social psychology,
Cambridge, UK :Cambridge University Press, p.72.
* 10Ibid., p.74.
* 11 En philosophie un
continuum est un objet ou un phénomène dont on ne peut
considérer une partie que par abstraction.
* 12 J.C. Kaufmann, 2004,
L'invention de soi. Une théorie de l'identité, Paris,
Armand Colin/SEJER, p. 88.
* 13 Ibid., p. 89.
* 14A. Appadurai, 2002,
« Après le colonialisme »,inCOMMposite,
http://www.commposite.org/index.php/revue/article/view/58/57.
Consulté le 22 mars 2014.
* 15J. W. Lapierre, 1984,
« L'identité collective, objet paradoxal : d'où nous
vient-il? », Recherches sociologiques, nos 15, p.195.
* 16B. Debarbieux, 2005,
Prendre position : réflexions sur les ressources et les limites de
la notion d'identité en géographie, Paris, CTHS, p. 341.
* 17Ibid., p.343.
* 18 G. Lambony, 2001,
De l'usage de la notion d'identité en géographie.
Réflexions à partir d'exemples sud-africains, Paris,
Harmattan, p. 479.
* 19Ibid., p.483.
* 20G. Bertrand, 2000,
Identités et cultures dans les mondes alpins et italien (XVIIIe-XXe
siècle), Paris, l'Harmattan, Pp. 209-226.
* 21 M. Fourny,
2005, « Identités et dynamiques territoriales.
Coopération, différenciation, temporalités »,
Thèse d'habilitation à diriger des recherches, Université
Joseph-Fournier de Grenoble, p. 122.
* 22 R. Pourtier,
1987, « Encadrement territorial et production de la
nation », in E. Terray (éd), L'État contemporain
en Afrique, Paris, l'Harmattan, p. 352.
* 23 Ibid.
* 24 I. Mouiche,
1996, « Mutations sociopolitiques et replis identitaires en
Afrique : le cas du Cameroun », Revue africaine de Science
Politique, Vol.1, n°2, Décembre 1996.
* 25 J. F. Bayart, 1985,
L'État au Cameroun, 2e éd., Paris, Presses de la
fondation Nationale des Sciences Politiques.
* 26P.Gaillard, 1994,
Ahmadou Ahidjo. Patriote et despote, bâtisseur de l'État
camerounais, Paris, Jeune Afrique livre.
* 27 J.P. Fogui, 1990,
L'intégration politique au Cameroun. Une analyse
centre-périphérie, Paris, LGDJ.
* 28P.F.Ngayap, 1983,
Cameroun qui gouverne ? De Ahidjo à Biya, l'héritage et
enjeu, Paris, l'Harmattan.
* 29Lire à cet effet
Ministère de l'information et de la culture, 1985, l'identité
culturelle camerounaise, Yaoundé, Direction des affaires
culturelles.
* 30Dictionnaire universel
Larousse, éd. 1997, p. 74.
* 31 P. Piazza, 2004,
« Septembre 1921 : la première « carte
d'identité de Français » et ses enjeux,
Genèse, n° 54, p. 75.
* 32 Une sorte de voile
recouvrant tout le visage.
* 33Lire à cet effet,
S. Swarrio et D. Livingston, 1960, Introduction aux statistiques de
santé, Londres, Ltd Edimburg. Cité par R.Harouna,
2009, « L'état-civil au Cameroun de la période
coloniale allemande au début du XXIème siècle »,
mémoire de DEA, Université de Ngaoundéré, p.8.
* 34 J.P. Gutton, 2010,
Établir l'identité : l'identification des Français du
Moyen Âge à nos jours, Lyon, Presses universitaires de Lyon,
ý p.212.
* 35 Ibid.
* 36Ibid., p.214.
* 37Piazza, 2004, p.54.
* 38 Ibid.
* 39J.Ki-Zerbo, 1978,
Histoire de l'Afrique noire d'Hier à Demain, Paris, éd.
Hatier. p.16.
40E.Mveng, 1963, Histoire du Cameroun,
Paris, Présence Africaine, p.124
* 41 Ibid.
* 42 Piazza, 2004. p.55.
* 43Elections
Cameroon.
* 44 C. L. Monticelli, 2008,
« Naissance de l'identification », La Vie des idées,
ISSN :
2105-3030,http://www.laviedesidees.fr/Naissance-de-l-identification.html.
Consulté le 14 avril 2014.
* 45 P. Piazza, 2004,
« Septembre 1921 : la première « carte d'identité de
Français » et ses enjeux », Genèses, n°
54.
* 46 N. Mariot et C. Zalc,
2010, Face à la persécution. 991 Juifs dans la guerre,
Paris, Fondation pour la mémoire de la Shoah.
* 47 V. Dénis, 2008,
Une histoire de l'identité 1715-1815, Paris, Champ Vallon.
* 48 I. About, 2010,
Histoire de l'identification des personnes, Paris, La
Découverte, coll. « Repères
Histoire ».
* 49M. A. Mattioli, 2008,
« L'introduction de la carte d'identité en Grande-Bretagne par le
New Labour », Observatoire de la société
britannique, URL : http://osb.revues.org/661 ; DOI : 10.4000/osb.66,
consulté le 14 avril 2014.
* 50G. Noiriel, 1993,
« L'identification des citoyens. Naissance de l'état-civil
républicain », Genèse n° 13, pp. 3-28.
* 51S.Ombiono, s.d.
Textes et lois relatifs à l'état des personnes,
Yaoundé, Multi Media, collection documents Juridiques.
* 52 S ; Ombiono,
1982, « Les noms et les prénoms »,in
encyclopédie juridique de l'Afrique, Vol. 6, Droit des personnes et
des familles, Abidjan, NEA, pp. 45-54.
* 53 C. Faik-Nzuji, 1993,
La puissance du sacré. L'homme, la nation et l'art en Afrique
noire, Paris, Maisonneuve &Larose.
* 54H.Tajfel, 1981,
Humans groups and social categories: Studies in social psychology,
Cambridge, UK : Cambridge University press.
* 55 Turner et al, 1987,
Rediscovering the social group: a self-categorization theory,
Oxford : Blackwell.
* 56 J.C. Kaufmann,
2006, « L'invention de soi. Une théorie de
l'identité », revue interrogation ?, n°3,
pp.32-71.
* 57 A. Dauzat, 1925,
Traité d'anthroponymie français-Les noms de famille en France,
revu par son élève Marie Thérèse Morlet,
réédité en 1977 par Guénégaud.
* 58 R. Laurentin et
Horvath, 1972, Les noms de naissance (indicateurs de la situation familiale
et sociale en Afrique noire), Paris, SELAF 30.
* 59Hamadou. Adama,
1997, « Les nouveaux prénoms des peuls du
Nord-Cameroun : historique et essai d'interprétation »,
Ngaoundéré-Athropos, Révue de Sciences sociales,
vol.2, pp. 19-40.
* 60H.T. Sa'ad,
1987, « Reflection on fufuldetopoymy. A study of fulbe towns in
old Adamawa » in Annals of Bornu, vol.4, University of
Maiduguri, pp. 7- 24.
* 61 Ministère de
l'information et de la culture, 1985, L'identité culturelle
camerounaise, Yaoundé, Direction des affaires culturelles. Ce
document est publié suite à un colloque organisé à
Yaoundé sur l'identité camerounaise en 1985, sous le haut
patronage du Ministère de l'information et de la culture.
* 62G.Thuillier et J.
Tulard, 1986, La méthode en histoire, Paris, PUF, p. 78.
* 63G. Noiriel, 2007,
L'identification. Genèse d'un travail d'État, Paris,
Belin.
* 64 Article
22 « La colonisation constitue une mission sacré de
civilisation puisqu'elle vise à assurer le bien-être et le
développement des hommes. Les peuples libérés de
l'occupation allemande et turque, qui ne sont pas capable de s'administrer
eux-mêmes reçoivent les conseils et l'aide d'un État
développé. Ce dernier intervient et agis pour le compte de la
SDN... »
* 65 AMC, Cameroun
français, arrêté portant organisation de
l'état-civil indigène, 1er mars1935.
* 66 H. Roger,
2009, « L'état-civil au Cameroun de la période
coloniale allemande au début du XXIe siècle »,
mémoire de DEA, université de Ngaoundéré, p. 68.
* 67 Ibid.
* 68 A.Spire,
2003, « Semblable et pourtant différents. La
citoyenneté paradoxale des « Français
musulmans » en métropole », Genèse,
n° 53, p.56.
* 69Spire,
2003, p.57.
* 70 Ibid., pp.57-60.
* 71 Voir le code de la
nationalité camerounaise de 1968.
* 72 M. Biéville,
1961, «La nationalité en Afrique : la nationalité
camerounaise », Revue d'outre-mer, p. 600.
* 73 Voir le code de la
nationalité camerounaise, précisément le chapitre3, les
paragraphes 1 ; 2 et 3.
* 74 Dictionnaire Universel
Larousse, 1997, p. 926.
* 75 Ibid., p.431.
* 76 Voir article 3 et 6
dudit décret.
* 77 Voir la loi n°
64-LF du 13 novembre 1964 rendant obligatoire la carte nationale
d'identité.
* 78 Loi n° 90-54 du 19
décembre 1990 relative au maintien de l'ordre au Cameroun.
* 79 Article 59 de ladite
loi.
* 80 Entretien avec Daagoula
Ibrahim, Tibati, 04 juin 2014.
* 81 Article 2 de la loi
n°64 du 13 novembre 1964 rendant obligatoire la carte nationale
d'identité.
* 82 Voir le décret
n°099/154 du 20 juillet 1999 fixant les caractéristiques et les
modalités d'établissement et de délivrance de la carte
nationale d'identité au Cameroun.
* 83 Voir à cet
effet, le décret n°2007/254 du 4 septembre 2007 fixant les
caractéristiques et les modalités d'établissement et de
délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun.
* 84 Entretien avec Nanawa
Sylvain, personnel d'identification, Tibati, 05 juin 2014.
* 85 Entretien avec
Bétara Narma Paul, Meiganga, 13 juillet 2014.
* 86 Voir le décret
n°64-394 du 29 septembre 1964 instituant la carte nationale
d'identité au Cameroun.
* 87 Entretien avec Daagoula
Ibrahim, ancien personnel d'identification, Tibati, 07 juin 2014.
* 88 Entretien avec Daagoula
Ibrahim, ancien personnel d'identification, Tibati, 07 juin 2014.
* 89 Voir le décret
n°94/034 du 1er mars 1996 portant création d'une
délégation générale à la sûreté
nationale.
* 90Mveng, 1985, p. 257.
* 91 Nous ne sommes pas
entrés en possession de la loi ou du décret instituant cette
carte d'identité, mais les entretiens menés auprès des
personnes ressources confirment cette information.
* 92 Entretien avec Hamadou
Malloum, marabout, Meiganga, 15 juillet 2014.
* 93ANY, VCB/B, 1961/2,
Foumban conference 17th Jully-21th 1961.
* 94 Voir le décret
n°99/154 du 20 juillet 1999 fixant les caractéristiques et les
modalités d'établissement et de délivrance de la carte
nationale d'identité.
* 95 Entretien avec
Bétara Narma Paul, Meiganga, 05 aout 2014.
* 96 Entretien avec Nolla
Roger, Ngaoundéré, 03 septembre 2014.
* 97 Entretien avec
Boudié Jacques, Yaoundé, 20 juillet 2014.
* 98 J.M. Berlière,
2005, «L'affaire Scheffer : une victoire de la science du
crime ? La première identification d'un assassin à l'aide de
ses empreintes digitales », in Cahiers de la
sécurité, n°56, p. 350.
* 99 Nous y reviendront
à la partie réservée aux postes d'identification.
* 100 Voir le décret
n°2007/254 du 4 septembre 2007 fixant les caractéristiques et les
modalités d'établissement et de délivrance de la carte
nationale d'identité au Cameroun.
* 101Entretien avec
Boudié Jacques, chef du centre de la cellule d'authentification,
Yaoundé, 28 juillet 2014.
* 102 G. Noiriel, 1999,
Les origines républicaines de Vichy, Paris, Hachette, p.62.
* 103 A. Bernard, 1997,
« Le regard du droit », In Science Humaines,
hors-série, p. 16.
* 104 Entretien avec
Hamadjida Oumarou, Meiganga, 08 juillet 2014.
* 105 Entretien avec
Eméguidé François, personnel d'identification,
Yaoundé, 25 juillet 2014.
* 106 F. Terré et D.
Fenouillet, 1996, Droits civils : les personnes, la famille, les
incapacités, 6e édition, Paris, Dalloz, p.127.
* 107Hamadou Adama,
1997 « Les nouveaux prénoms peuls du Nord-Cameroun :
historique et essai d'interprétions »
Ngaoundéré-Anthropos, revue des sciences sociales, vol.
2, p. 21.
* 108 Articles 1 et 4 de la
loi n° 69/LF/ du 14 juin 1969 portant réglementation de l'usage des
noms et prénoms au Cameroun.
* 109C. Madjile,
2005, « Les minorités au nord- Cameroun : le cas des
Mbororo », mémoire de DEA, université de
Ngaoundéré, p.80.
* 110Campaigns of
Opposition to ID Cards Schemes, Privacy International, en ligne sur http//www.
Privacy. org ./idcard/campaigns.htwl.
* 111Elections
Cameroon, 2011, Guide du président et des membres de la
commission locale de vote. p. 10.
* 112 Entretien avec
Woulkane Norbert, tailleur, Banyo, 15 juin 2014.
* 113 Cet informateur a
requis l'anonymat
* 114 E. Deleury, 1997,
« Mémoire sur la carte d'identité et la protection de
la vie privée », présenté à la commission
de la culture de l'Assemblée nationale du Québec, Québec,
Barreau du Québec, p. 7.
* 115There are many
countries where it's become almost impossibly inconvenient not to have an ID
card, because so many benefits and services depend on it. And by inexorable
logic of «nothing to hide nothing to fear anyone not in possession of an
ID card, or unwilling to produce one could easily become an object of
suspicion-for a range of officials, from police to bank clerks. So even a
voluntary scheme could easily increase the risk of harassment of minority
groups.
* 116We live in age
where citizens are becoming more and more dependent on digital icons, such as
credit card, national insurance numbers and PIN numbers, in order to live and
work. Those not in possession of such icons will fin did difficult to exist and
will become increasingly disadvantaged. The identity car did see as yet another
icon but on which more embracing and having greater potential to alter society
radically. S.Rogerson, 1995, « The Green paper on Identity
cards, A response from the Center for Computing and social
responsability »,United Kingdom, Center for Computing and social
Responsibility, p. 1.
* 117Deleury, 1997, p.8.
* 118T. Braspenning, 2000,
« Group identity and the disintegration of the modern link between
Security and fear », contribution présentée à
l'occasion de la graduate conference in Political Theory à
l'Universitéd'Essex du 12 au 13 mai 2000, p.12.
* 119Hamadou Adama et al,
2014, De l'Adamawa à l'Adamaoua. Histoire, enjeux et perspectives
pour le Nord-Cameroun, Paris, l'Harmattan, p.10.
* 120 Article Premier du
décret n°59/138 du 08 Aout 1959 du Premier Ministre, chef du
gouvernement camerounais.
* 121 Article 1 et 2 du
décret n°83-392 du 22 aout 1983 portant création de nouveaux
départements et arrondissements.
* 122Décret
n°2008/376 du 11/12/2008 qui transforme les 10 Régions et
érige les districts en arrondissements.
* 123 Ibid.
* 124 Décret
n°64-DF-394 du 29 septembre 1964 instituant la carte nationale
d'identité.
* 125 Entretien avec
Boudié Jacques, Chef de la cellule d'authentification des demandes de
cartes d'identification, Yaoundé, 20 juillet 2014.
* 126 Entretien avec
MohamadouSalissou, chef de poste d'identification AD 06, Tibati, 03 juin
2014.
* 127 Entretien avec Baino
Pagoah, chef de poste d'identification, Banyo, 14 juin 2014.
* 128 Entretien avec
Daagoula Ibrahim, ancien personnel d'identification, Tibati, 08 juin.
* 129 Nous en parlerons
amplement dans la partie réservée aux obstacles liés
à l'établissement des cartes nationales d'identité dans
l'Adamaoua. Toutefois, nous soulignons cet aspect dans cette partie juste pour
expliciter la pratique d'identification en vigueur dans l'Adamaoua des
années 1960, 1970 et 1980.
* 130 Cet informateur
requis l'anonymat.
* 131Cameroon
Tribune n° 8918/5117, du 23 Aout 2004, p. 10.
* 132 Ibid.
* 133 Déclaration du
ministre de la communication, Issa Tchiroma Bakary, lors du point de presse
donné à Yaoundé le 10 janvier 2011.
* 134 Déclaration du
ministre de la communication, Issa Tchiroma Bakary, lors du pont de presse
donné à Yaoundé le 10 janvier 2011.
* 135 Entretien avec
Ndjobdi Pierre, personnel d'identification, Ngaoundéré, 15
septembre 2014.
* 136 Entretien avec Nanawa
Sylvain, personnel d'identification, Tibati, 08 juin 2014.
* 137 Entretien avec
Bétara Narma Paul, personnel d'identification, Meiganga, 03 août
2014.
* 138 Terme utilisé
en Fufuldé pour désigner l'administration.
* 139 Entretien avec
Hamadou Malloum, marabout, Meiganga, 26 mai 2014.
* 140J.M.Adiaffi, 1980,
La carte d'identité, Paris-Abidjan-CEDA, coll. Monde Noir
Poche, p. 28 et 29.
* 141L.Tart et M.
François, 1999, État-civil et recensement en Afrique
francophone pour une collecte administrative de données
démographiques, Paris, Les documents et manuels du CEPED n°10,
p.196.
* 142 Entretien avec Diza
Inès, ménagère, Ngaoundéré, 12 aout 2014.
* 143Nteanjignigni Yaya,
2011, « L'impératif sécuritaire dans l'Adamaoua
(Cameroun) : 1990-2010 », mémoire de master recherches en
Histoire, université de Ngaoundéré. p. 77.
* 144 Entretien avec Henri
Sanama, Commissaire de Police Principal, Meiganga, 28 mai 2014.
* 145 Entretien avec Amina
Clémentine, Tibati, 06 juin 2014.
* 146 Voir le décret
n° 2007/254 du 4 septembre définissant les caractéristiques
et les modalités d'établissement et de délivrance de la
carte nationale d'identité.
* 147 Entretien avec Baino
Pagoah, chef de poste d'identification de Banyo, Banyo, 14 juin 2014.
* 148 Entretien avec
Mohamadou Salissou, chef de poste d'identification de Tibati, Tibati, 06 juin
2014.
* 149D.Schnapper, 2000,
Qu'est-ce que la citoyenneté, Paris, Gallimard, p. 105.
* 150 Lire l'article 11 du
code électoral Camerounais.
* 151 Entretien avec
Ndjobdi Pierre, Personnel d'identification, Ngaoundéré, 03
septembre 2014.
* 152 Les femmes
cloitrées
* 153 Entretien avec Mvuti
Pauline, agent EXPRESS UNION de Ngaoundéré,
Ngaoundéré, 28 septembre 2014.
* 154 Entretien avec Seke
Colomban, délégué régionale de la
sûreté nationale de l'Adamaoua, Ngaoundéré, 30
septembre 2014.
* 155 Informations
relayées par le site www. Camer.be.cm,consulté le 28
septembre 2014.
* 156 Entretien avec Adamou
Djaodji, berger, Tignere, 13 août 2014.
* 157 Entretien avec
Bétara Narma Paul, Personnel d'identification du poste d'identification
de la ville de Meiganga, Meiganga, 03 aout 2014.
* 158 Entretien avec
Dadjé Jacques, responsable d'ELECAM, Tibati, 04 juin 2014.
* 159 Entretien avec
Jonathan Djock, Ngaoundéré, 08 septembre 2014.
* 160Information
relayée par le site www. Camer.be.cm, consulté le 28
septembre 2014.
* 161 Entretien avec
Mohamadou Salissou, chef de poste d'identification, Tibati, 03 juin 2014.
* 162 Entretien avec
Ndjobdi Pierre, personnel d'identification, Ngaoundéré, 17
octobre 2014.
* 163 Entretien avec
Mohamadou Salissou, chef de poste d'identification, Tibati, 04 juin 2014.
* 164 Entretien avec Moussa
François, chef de poste d'identification, Tignere, 12 aout 2014.
* 165 Entretien avec Baino
Pagoah, chef de poste d'identification, Banyo, 16 juin 2014.
* 166 Entretien avec
Bétara Narma Paul, personnel d'identification, Meiganga, 03 aout
2014.
* 167 Entretien avec Enama
Justine Rose, chef de poste d'identification, Ngaoundéré, 15
septembre 2014.
* 168 Entretien avec
Bétara Narma Paul, personnel d'identification, Meiganga, 04 aout
2014.
* 169 Entretien avec Enama
Justine Rose, Chef de poste d'identification, Ngaoundéré 14
octobre 2014.
* 170 Cet informateur a
requis l'anonymat.
* 171 Entretien avec Henri
Sanama, commissaire de police Principal, Meiganga, 03 Aout 2014
* 172 Entretien avec Deke
Gabriel, agent de la Mairie de Ngaoui, Meiganga, 06 Aout 2014.
* 173Cet informateur a
requis l'anonymat.
* 174 Cet informateur a
requis l'anonymat
* 175 Entretien avec Ngozo
Jean, ex-maire de la ville de Tibati, Tibati, 07 juin 2014.
* 176 Entretien avec
Dadjé Jacques, responsable ELECAM, Tibati, 08 juin 2014.
* 177Entretien avec Ngozo
Jean, ex-maire de la ville de Tibati, Tibati, 07 juin 2014.
* 178 Cette information a
été relayée par la CRTV-Radio, station de l'Adamaoua
à l'émission « Gazette régionale »
à 19 h 15 minutes, en date du 05 mai 2013.
* 179Société
française issue du Groupe Fabre
* 180 Intervention de J.P.
Olivier de Sardan au colloque IRG/ARGA, janvier 2007, Bamako(Mali).
* 181 Entretien avec
Djouldé Thomas, cultivateur, Tignere, 13 août 2014.
* 182 Entretien avec
Mohamadou Hassan, responsable d'antenne ELECAM de Belel,
Ngaoundéré, 20 aout 2014.
* 183 Entretien avec
Boudié Jacques, Chef de la cellule d'authentification des demandes de
carte nationale d'identité, Yaoundé, 27 juillet, 2014.
* 184 Entretien avec Nanawa
Sylvain, operateur photo, Tibati, 05 juin 2014.
* 185 MINEFI/Division
Économique de l'Adamaoua : Rapport Économique de la
Région de l'Adamaoua, Exercice 2010 /2011.
* 186 Entretien avec Baino
Pagoah, chef de poste d'identification, Banyo, 16 juin 2014.