CONCLUSION
« La guerre serait un
bienfait de Dieu si elle ne tuait que les professionnels. »
Jacques Prévert
Dans un contexte marqué par des instabilités
politiques et une récurrence assez singulière des conflits,
l'Union africaine a ressenti l'urgence de prendre la pleine mesure du drame en
adoptant le Protocole relatif à la création du Conseil de paix et
de sécurité à Durban en juillet 2002. Cet texte normatif
introduit dans l'ordonnancement institutionnel africain une nouvelle
Architecture africaine de paix et de sécurité qui s'ordonne
autour d'objectifs, de principes et de valeurs, ainsi que de processus
décisionnels portant sur la prévention, la gestion et la
résolution des conflits sur le continent. L'Architecture africaine de
paix et de sécurité repose sur cinq (05) piliers clefs dont la
pièce maîtresse est le Conseil de paix et de
sécurité et est appuyé dans l'exécution de son
mandat par diverses instances : le Système continental d'alerte
rapide dont le rôle est d'anticiper les conflits et de les
prévenir, le Groupe des sages qui relève de la prévention
des conflits et la Force africaine en attente qui constitue une force africaine
de réaction rapide. Ces différents mécanismes s'inscrivent
dans un grand schéma d'instruments supposésaccroître
l'implication des acteurs africains dans la prévention et la gestion des
conflits.
Au regard des évolutions récentes, il ne fait
aucun doute que le continent a enregistré une avancée
significative dans les domaines de la paix et de la sécurité,
corollaire d'une volonté manifeste de trouver des solutions africaines
aux problèmes africains. L'engagement de l'Union africaine dans la
gestion des crises qui ont éclaté ces dernières
années sur le continent notamment au Burundi, en Côte d'Ivoire, au
Soudan et au Soudan du Sud, et plus récemment en République
Centrafricaine témoigne à la fois d'un volontarisme et d'un
dynamisme, sans doute réitéré, de prendre en main et de
jouer un rôle majeur dans la résolution des conflits sur le
continent. Dans certains cas comme la Somalie, l'institution régionale
a surpassé son maître, l'ONU, en réussissant à
rétablir une paix, aussi imparfaite soit-elle. Si ces progrès
peuvent être considérés comme une source de fierté,
ils ont permis également de mettre à nu les graves insuffisances
qui, si on n'y prend garde, risquent de faire écrouler l'AAPS comme un
château de cartes.
L'expérience de l'Union africaine en matière de
paix et de sécurité met en évidence un certain nombre de
difficultés. L'inadéquation des procédures administratives
et financières avec l'urgence de la protection des populations civiles
engendre une lourdeur administrative et laisse aux acteurs sur le terrain une
marge de manoeuvre assez limitée. De même, la forte
dépendance financière vis-à-vis des partenaires
internationaux, le manque de coordination de ceux-ci et la faible contribution
des États membres font de l'organisation une « coquille
vide », incapable d'assurer, par elle-même, les
opérations de maintien de paix. Par ailleurs, les efforts allant dans le
sens du maintien de la paix demeureront vains tant qu'il y a un déficit
criard de ressources humaines et une opérationnalisation assez
problématique des mécanismes structurels mis en place comme la
Force africaine en attente censée être opérationnelle en
2015 mais qui ne l'est toujours pas alors que les situations dans les zones de
conflits nécessitent des réponses immédiates pour une
protection efficace des populations civiles. L'incapacité de l'Union
africaine à intervenir au Mali en 2013 pour contrer les groupes
terroristes est symptomatique des défis persistants auxquels est en
proie le continent. Eu égard à ces goulots d'étranglement,
des efforts sont déployés. Mais il faudra introduire davantage de
réformes. Dans ce sens, il est vivement souhaité une
réadaptation des procédures existantes afin de faciliter une
flexibilité institutionnelle dans le déploiement des
opérations de maintien de la paix. Une opérationnalisation
effective de l'Architecture suppose aussi une totale autonomie
financière dans le montage et le financement des opérations de
paix. Ceci suppose, en filigrane, qu'il urge de trouver des sources de
financements alternatifs réalistes qui permettent au continent de
financer ses propres opérations de paix. Il importe, par ailleurs, de
recruter du personnel administratif et militaire, d'assurer leur formation
continue et de les doter de moyens logistiques adéquats pour faire face
aux responsabilités croissantes de l'UA en matière de paix et de
sécurité. L'UA ne saurait seule réussir le pari de la
protection des civils, parce que l'enjeu va bien au-delà de l'approche
qui consiste à trouver « des solutions africaines aux
problèmes africains ». Il porte beaucoup plus sur l'urgence de
renforcer davantage le partenariat de l'UA aussi bien avec les CER qu'avec
l'ONU. Cependant, les solutions aux crises qui éclatent doivent prendre
en compte le volet de la prévention qui semble être à la
portée de l'UA plutôt que la gestion et la résolution des
conflits dont elle n'a pas les moyens.
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