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Les mécanismes africains de prévention, de gestion et de règlement des conflits et la protection des populations civiles dans les conflits armés

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par Gautier TONONGBE
Université de Nantes - Master 2 2016
  

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Paragraphe 2 : Une coopération sécuritaire déséquilibrée et toujours en construction

Les opérations de maintien de paix sont d'une complexité singulière et nécessitent, de ce fait, une coordination verticale étroite entre l'UA et les CER et une coordination horizontale soutenue entre l'ONU et l'UA. Or, il n'existe pas toujours entre l'Union africaine et les CER qui sont censées lui servir de cadre d'action, la lune de miel. Ceci pourrait se comprendre au regard de l'énorme défi politique que constituent l'harmonisation et la coordination simultanément de 54 pays hétérogènes s'étendant sur trente (30) millions de Km2, soit autant que les États-Unis, la Chine, l'Inde, ainsi qu'une grande partie de l'Europe réunis (Voir Annexe A).

En effet, il est constant de remarquer que nombre d'États cherchent à influencer l'action collective pour leurs propres intérêts politiques et le rapport entre l'UA et les CER est souvent fait de force, de compétition et de guerre de leadership inavouées. Les divergences de points de vue, voire la contradiction qui a prévalu entre la CEDEAO et l'UA en Côte d'Ivoire est révélatrice de ce malaise. Les décisions unilatérales prises par les différents Chefs d'États ont considérablement réfréné l'ardeur de l'Union africaine dans sa volonté de gérer et de régler le conflit. Alors que l'Afrique du Sud a fait des déclarations contraires aux résolutions adoptées par la CEDEAO et l'UA, le Tchad a apporté son indéfectible soutien au Président Laurent Gbagbo. Aussi symptomatique du manque de coordination entre l'UA et les CER est la difficulté d'interprétation de l'article 20 de la Feuille de route pour la sortie de crise à Madagascar, signée le 17 septembre 2011 entre la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) et l'Union africaine relatif au retour de Marc Ravalomanana.

Cette même conflictualité a surgi entre la CEEAC et l'UA en Centrafrique lorsque la CEMAC et la CEEAC sont allées à l'encontre (en reconnaissant les putschistes) de la décision de l'UA et des principes régissant le fonctionnement du CPS condamnant la prise illégale du pouvoir en mars 2003 et en mars 2013. Ce déficit de coordination engendre d'autres difficultés de taille comme « la polygamie ou polyandrie institutionnelle78(*) » caractérisée par la multi-appartenance des États à des Communautés économiques régionales. Le continent est divisé en cinq régions : Nord, Ouest, Centre, Est et Sud79(*) mais compte près de quatorze Communautés régionales dont seulement huit (08) sont reconnues par l'Union africaine comme contribuant essentiellement à l'intégration régionale80(*).Par exemple, dans la seule Afrique occidentale, on dénombre la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), qui regroupe quinze pays de la région et l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), qui rassemble huit membres de la CEDEAO.

C'est le même schéma qui se dessine aussi en Afrique de l'Est. Cette sous-région comprend l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), dont les sept membres proviennent de la corne de l'Afrique et la partie nord de la sous-région. A cette communauté vient se greffer la Communauté de l'Afrique de l'est (CAE) constituée du Kenya et de l'Ouganda, membres du COMESA, et de la Tanzanie, membre de la SADC et la Communauté économique des pays des grands lacs (CEPGL), composée de trois membres de la Communauté économique des États d'Afrique centrale (CEEAC) qui couvre toute l'Afrique centrale (Voir Annexe B).

Cette «diversité des pôles d'allégeance »81(*) pose à l'organisation continentale d'énormes difficultés non seulement dans la coordination entre les CER mais aussi dans le choix de l'institution continentale des régions devant abriter les organes d'alerte rapide. A ces problèmes, s'ajoutent d'autres comme la difficulté à rendre opérationnels les différents organes de l'AAPS. L'opérationnalisation de la FAA devait intervenir à l'échéance 2015. Une telle force constituée de contingents multidisciplinaires en attente, stationnés dans les cinq régions d'origine et prêts à déployer rapidement devait accélérer la capacité de l'Union à intervenir sur le terrain. Cependant, le bilan à l'échéance 2015 fait ressortir que l'opérationnalisation de la FAA, attendue de longue date, n'est pas encore totale82(*). L'intervention de la France en décembre 2013 au Mali et le déploiement de l'opération Sangaris en Centrafrique mettent en relief la difficulté de l'organisation à déployer rapidement des soldats dans les zones de conflits. L'Union africaine reconnaît d'ailleurs, volontiers, ses insuffisances en déplorant dans une de ses études « l'incapacité de l'Afrique, malgré son engagement politique aux côtés du Mali, à faire face à l'urgence [...] et à répondre à la demande d'assistance du gouvernement malien. Seule l'intervention française a pu briser l'offensive des groupes armés.»83(*)En effet, toutes les brigades de la Force africaine en attente ne sont pas encore opérationnelles. Seules trois d'entre elles sont relativement avancées dans le projet avec la désignation des unités et l'existence d'états-majors dédiés se rapprochant, de ce fait, des exigences de l'AAPS. Il s'agit de la brigade d'Afrique Australe, de l'Est et de l'Ouest (SADCBRIG, EASBRIG, ECOBRIG). En revanche, les brigades des régions du Nord et Centrale (NASBRIG, ECCASBRIG) sont encore à des étapes embryonnaires par rapport au calendrier d'implémentation de la FAA.

La relation de l'UA avec l'ONU souffre d'un manque de cadre de coopération clair et est tout aussi empreinte de déficit de collaboration et d'harmonisation. Or, il est admis que la protection des populations civiles ne pourra être effective qu'à travers une étroite collaboration horizontale entre ces deux institutions. Ceci d'autant plus que le Conseil de Sécurité de l'ONU demeure la seule institution compétente dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il en va d'ailleurs de l'intérêt de l'Union africaine dans la mesure où elle ne dispose pas d'assez de moyens pour conduire, à elle seule, des opérations de maintien de la paix à terme. Le rôle de l'UA ne se limite donc qu'à une implication à travers « un processus de décentralisation, de délégation ou de coopération avec les Nations Unies84(*) », processus au cours duquel elle devra être consultée avant toute prise de décisions sur des conflits en cours sur le continent. Dans les faits, force est de constater que l'Union africaine est souvent reléguée au second plan et apparaît parfois comme étant sinon un pantin, du moins un spectateur de certaines interventions sur son territoire. L'histoire des opérations de soutien à la paix renseigne sur les conflits de leadership, les vifs désaccords entre les deux entités qui se traduisent par des incohérences politiques facilement constatables à travers les réponses apportées aux conflits comme ce fut le cas lors de la transition entre les missions de l'UA et de l'ONU au Mali et en République Centrafricaine85(*).

Dans le cas singulier du Mali, le communiqué du CPS86(*) suite à la résolution 2100 du Conseil de Sécurité de l'ONU qui autorisait la création d'une mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) est révélateur de cette divergence. L'Union africaine qui n'a pas été consultée,lors du processus ayant abouti à l'adoption de ladite résolution autorisant le déploiement de la MINUSMA qui devrait prendre la place de l'AFISMA, a condamné le fait qu'une telle situation « violait l'esprit même que l'Union africaine et l'ONU s'efforçaient de promouvoir depuis fort87(*) ». En outre, l'UA fera l'objet de la même instrumentalisation lorsqu'en vertu du principe de la responsabilité de protéger, les Occidentaux sont intervenus en Lybie pour, comme ils le disaient, « desserrer l'étau qui menaçait de provoquer un bain de sang parmi la population de la ville de Benghazi88(*) ». Les efforts consentis par l'Union africaine à travers la médiation instituée89(*) et le rejet le 10 mars, par le CPS de l'UA du principe d'une intervention militaire extérieure au profit d'une cessation des hostilités internes90(*)n'ont pas affecté l'intervention de l'OTAN. Au contraire, la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU du 17 mars 2011, qui établissait une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye a noyé tous les efforts de l'UA91(*). A plusieurs reprises, l'Union africaine a tiré la sonnette d'alarme mais la divergence de points de vue entre les différentes Capitales africaines ne lui a pas permis d'exercer son autorité.92(*) Cette marginalisation de l'UA est perçue par certains dirigeants, à raison, comme un cheval de Troie et nourrit de plus en plus une certaine méfiance de l'Afrique vis-à-vis de la collaboration avec l'ONU93(*).

Par ailleurs, il convient de remarquer que les Nations-Unies et l'Union africaine ont des principes et des doctrines divergents sur le but des opérations de paix. Fortes de son expérience, les Nations-Unies posent des conditions préalables à toutes opérations de maintien de la paix. Au nombre de celles-ci, on peut citer 1) une paix à maintenir, où la signature d'un cessez-le-feu ou d'un accord de paix est un indicateur important d'une authentique volonté de paix de la part des parties en présence ; 2) l'engagement positif de la région ; 3) l'appui total d'un Conseil de Sécurité uni ; et 4) un mandat clair et réalisable accompagné de ressources adéquates94(*). Sur cette base, les Nations Unies ont formulé trois principes substantiels devant régir leurs opérations : 1) le consentement des parties, et singulièrement celui du gouvernement du pays hôte ; 2) l'impartialité ; et 3) le non recours à la force sauf en cas de légitime défense et de défense du mandat95(*).

A contrario, l'Union africaine a édicté « une doctrine de maintien de la paix différente : au lieu d'attendre la réalisation de la paix pour la maintenir, l'Union africaine perçoit le maintien de la paix comme une occasion de rétablir la paix, avant de pouvoir la maintenir.»96(*)Au demeurant, alors que les interventions des Nations-Unies ne se font que sur la base d'une résolution qui fixe clairement le champ d'application de celle-ci et « la doctrine de l'ONU en matière de maintien de la paix l'empêche de se déployer dans des situations où les parties en guerre ne s'engagent pas dans un processus de paix97(*)»,l'intervention de l'Union africaine n'est pas soumise à l'obtention d'une résolution, ce qui rend le CPS plus indépendant, flexible et apte à intervenir dans les zones de conflits armés.

* 78SOUARE K. Issiaka, Le système d'alerte précoce de l'Union Africaine : Un mécanisme en évolution, Guide du maintien de la paix, page 155, Op.cit.

* 79Résolution CM/Res.464 (XXVI) du Conseil des Ministres de l'OUA relative à la répartition de l'Afrique a retenu cinq régions africaines 

* 80Il s'agit de : la CEDEAO, la CEEAC, la SADC, le COMESA, l'EAC, la CENSAD, l'UMA et l'IGAD.

* 81 Idem

* 82 Cité dans Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité, Numéro 71, Juillet 2015 de l'Institut d'Etudes et de Sécurité, page 11

* 83 Rapport de la présidente de la Commission sur l'opérationnalisation de la Capacité de déploiement rapide de la Force africaine en attente et la mise en place d'une« Capacité africaine de réponse immédiate aux crises » (AU doc. RPT/Exp/VI/STCDSS/ (i-a)2013, 29-30 avril 2013, cité par Daniel HAMPTON in Instaurer des capacités durables de maintien de la paix en Afrique, Bulletin de la sécurité Africaine N°27, Avril 2014.

* 84 LIÉGEOIS Michel,« Le rôle des organisations régionales dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales » In: Pellon, Gaelle et Liégeois,Michel Les organisations régionales et la sécurité en Europe-Vers une régionalisation de la sécurité ? (Géopolitique et résolution des conflits; n°9), P.I.E. Peter Lang: Bruxelles, pp.53 -75. Disponible sur : http://hdl.handle.net/2078.1/132679 .

* 85 Ibid.

* 86 Communiqué du CPS, en sa 371ème réunion tenue le 25 Avril 2013, http://www.peaceau.org/uploads/psc-371-com-mali-25-04-2013-doc.pdf. Lire aussi Arthur Boutellis et Paul D. Williams, Disagreements over Mali could sour more than the upcoming African Union celebration, IPI Global Observatory (15 mai 2013) http://theglobalobservatory.org/2013/05/disagreements-over-mali-could-sour-more-than-the-upcoming-african-union-celebration/

* 87Communiqué du CPS, en sa 371ème réunion tenue le 25 Avril 2013, Op.cit.

* 88Todorov Tzvetan, Guerre de Lybie, le prétexte humanitaire, lundi 1er Août 2011, http://www.regards.fr/acces payant/archives-web/guerre-de-libye-le-pretexte,4956

* 89 Un panel de cinq Présidents représentant les cinq zones géographiques du Continent (le Congo-Brazzaville, le Mali, la Mauritanie, l'Afrique du Sud et l'Ouganda)

* 90Communiqué de la 265e réunion du CPS du 10 mars 2011. Téléchargeable sur le lien : http://www.ausitroom-psd.org/Documents/PS011/265th/265theetinglibyafr.pdf

* 91 Luntumbue Michel, Le partenariat Afrique-UE à l'épreuve de la crise libyenne, 29 mai 2012.

* 92Face au mépris de l'Union Africaine, le commissaire de l'UA pour la paix et la sécurité, Ramtane Lamamra impuissant a déclaré que «les efforts de l'Union africaine étaient raisonnables et visaient une solution pacifique qui réponde aux attentes des Libyens [ ] L'histoire s'écrira au moment opportun et prouvera que la solution africaine était la seule qui pouvait éviter au peuple libyen et à la région la guerre civile » Algérie Presse service, 30 octobre 2011. http://www.aps.dz/Guerre-civile-en-Libye-la-non.html

* 93 C'est du moins ce qui ressort des propos du président sud-africain Jacob Zuma qui, à l'occasion d'une visite à Abuja en décembre 2011, déclarait que « la façon dont la Libye a été traitée par certains pays du monde développé laisse une cicatrice qui mettra plusieurs années à s'effacer en Afrique. Les pays développés avec leur propre ordre du jour ont détourné une protestation démocratique ordinaire du peuple de Libye pour faire avancer leurs projets de changement de régime».

* 94Williams Paul D. Les opérations de paix en Afrique : Enseignements tirés depuis 2000, Bulletin de la sécurité africaine, N° 25, Juillet 2013? Op. Cit.

* 95 Opérations de maintien de la paix des Nations Unies : Principes et orientations (New York : Nations Unies, 2008), in Les opérations de paix en Afrique : Enseignements tirés depuis 2000, Paul D. Williams, Bulletin de la sécurité africaine, N° 25, Juillet 2013. Op. Cite

* 96Opérations de maintien de la paix des Nations Unies : Principes et orientations (New York : Nations Unies, 2008), in Les opérations de paix en Afrique : Enseignements tirés depuis 2000, Paul D. Williams, Bulletin de la sécurité africaine, N° 25, Juillet 2013. Op. cit.

* 97Ayele Derso Solonon, L'ONU et l'UA sur la paix et la sécurité en Afrique : tension entre minimalisme et maximalisme ?, article publié sur http://www.dakarforum.org et traduit par Alexandre Houdayer.Téléchargeable sur le lien : http://www.dakarforum.org/fr/onu-ua-paix-securite-afrique-tension-entre-minimalisme-et-maximalisme-dersso/ .

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