Médias sociaux (Facebook et Whatsapp) et liens sociaux a Cotonou : reconfiguration ou rupture ?( Télécharger le fichier original )par Roméo SOSSOU Université d'Abomey-Calavi - Maîtrise en Sociologie-Anthropologie 2016 |
1.1.2. Hypothèses de recherchePour guider notre recherche, trois hypothèses ont été élaborées. H1/ L'impact des médias sociaux sur les liens sociaux dépendent de l'appropriation de l'usager. H2/ Les médias sociaux favorisent la fragilisation des liens sociaux physiques. H3/ Des liens sociaux virtuels naissent à partir des médias sociaux. 1.1.3. Objectifs de rechercheObjectif général Dans le cadre de cette recherche, l'objectif général est d'analyser les typologies relationnelles qui naissent grâce aux médias sociaux Facebook et Whatsapp à Cotonou. Objectifs spécifiques: De manière spécifique, il s'agira pour nous de 1. identifier les usages et les impacts des médias sociaux sur les liens sociaux. 2. inventorier les manifestations des médias Facebook et WhatsApp sur les liens sociaux physiques. 3. décrire les liens sociaux virtuels en rapport avec les médias sociaux. 1.1.4. Etat de la questionL'Internet permet à beaucoup d'internautes de rester en contact avec leurs parents/amis vivant à l'étranger selon Lohento (2000 :296). L'utilisation la plus importante de l'Internet est la correspondance (96,60%). Ceci montre clairement la pertinence du phénomène de la correspondance chez les internautes béninois en général. Mais les jeunes ont une plus grande connaissance de l'internet et c'est souvent eux qui initient leurs parents aux nouvelles technologies (Berge et Garcia, 2009 cité par Bergeron et Theberge 2013). Ceci montre que les médias permettent donc aux utilisateurs de chercher, d'avoir et de maintenir des correspondants qui ne sont pas forcément sur le même territoire qu'eux. Sur ces médias et plus particulièrement sur Facebook selon Jacobs (2009 :85-88), existe une place publique virtuelle où on peut rencontrer des anciens amis, son ancien professeur de mathématiques, sa tante, qui est à Johannesburg et on peut échanger avec des individus qu'on a jamais vu comme si on était `réellement' en contact. Testut (2011), écrit même que désormais, on est ?ami? avec son employeur, son supérieur hiérarchique, son oncle, sa fille, on est même ami avec des gens qu'on ne s'est même pas s'ils sont toujours en vie ou pas. Elle écrit qu'on est sur le réseau social Facebook parce qu'il y a un entraînement. On est parfois pris par la pression sociale. On peut aussi être contraint d'y être pour ne pas rater quelque chose, des événements par exemple... De même, désormais le contenu du mot ?ami? est élargi et comprend ses inconnus, ses adversaires, et aussi ses parents ; Balague nous apprend que ces médias sociaux permettent de résoudre les conflits et aussi de consolider des liens fragilisés dans la vie réelle. Néanmoins c'est à travers les médias sociaux que s'est amplifié la Révolution du Jasmin de 2012? N'est-ce-pas sur ces plateformes de communications qu'on retrouve des images, des vidéos et des publications à caractère pornographique et/ou révoltant ? Rosen (2007:15-31) écrit-il en mettant en exergue leur impact culturel: dans le langage (où s'amitier (to friend) est maintenant un verbe), la politique (où il est de rigueur pour les candidats à la présidentielle américaine à cataloguer leurs vertus sur MySpace), et le campus (où c'est un handicap social de ne pas avoir un compte Facebook). Les indications de L'oracle de Delphes ont été connais-toi toi-même. Aujourd'hui, dans le monde des réseaux sociaux en ligne, les conseils de l'oracle seront montre-toi toi-même. Mais ce caractère d'amplificateur de narcissisme n'est pas le seul point fort des médias sociaux car pour Scruton (2010 :48-60), on ne se contentera pas de voir le processus par lequel les relations sont formées mais la manière dont ces réseaux changent inévitablement la façon dont ces relations sont menées et comprises. Mais notre position sera de cerner comment ces utilisateurs perçoivent eux-mêmes les amitiés qu'ils lient. Pour Boyd (2011), les médias sociaux favorisent `l'apprentissage informel'. Certaines normes sociales y sont apprises, comment interagir avec les autres, le récit, l'histoire personnelle et collective, et dans les médias. Ils opèrent un profond bouleversement sociologique en redéfinissant les frontières du public et du privé. Facebook invite ses utilisateurs à préempter l'espace public comme une extension de l'égo. En cela, ils témoignent d'un changement dans notre rapport à notre intimité que Serge Tisseron (2011) a analysé en forgeant le concept d'«extimité». Dans une approche déterministe, Dewing (2013) explique les facteurs qui ont contribué à la croissance rapide de l'utilisation des médias sociaux. Il distingue : les facteurs technologiques, les facteurs sociaux et les facteurs économiques. Pour cet auteur, les médias sociaux, présentent des caractéristiques qui influent sur l'interaction des utilisateurs en ligne, entrainant par le fait même la création de nouveaux moyens de collaboration et de discussion. Ces caractéristiques sont : la pérennité des données (une grande partie du contenu affiché sur les sites des médias sociaux risque d'y rester indéfiniment), la reproductibilité (le contenu peut-être copié et communiqué), la facilité de recherche (le contenu se trouve aisément grâce aux moteurs de recherche) et enfin l'accessibilité (on peut utiliser les médias sociaux n'importe quand et à n'importe quel endroit où se trouve une connexion internet). Ce sont donc ces caractéristiques qui déterminent la dynamique des interactions sociales virtuelles. Même si les premiers constats théoriques que nous avons brièvement présentés expliquent qu'il existe un danger dans l'utilisation des médias sociaux la perspective inverse est également représentée. Certaines croient que les individus utilisent Facebook pour garder le contact avec ceux qu'ils connaissent dans la vie de tous les jours. Comme beaucoup d'internautes utilisent cette plateforme, y être soi-même permet de rester en contact avec ces personnes Elder-Jubelin, (2010). Bergeron M. et. Theberge M (2013), ont construit une typologie de quatre types d'utilisateurs de Facebook, soit «l'ouvert», le «social», l'«utilitaire» et l'«institutionnel». Cette typologie est le fruit du croisement de deux principaux concepts qui sont le type d'utilisation des médias sociaux d'une part et le rapport à l'intimité d'autre part. Ils obtiennent : L'ouvert : a un profil qui est public, c'est-à-dire qu'il est accessible à tous, et non pas réservé à sa liste de contacts. Ainsi, tout le monde peut avoir accès à ses publications ainsi qu'aux informations personnelles qu'il rend disponibles sur le site. Le social est caractérisé par une utilisation relationnelle de ce média social comme l'ouvert, mais il présente plutôt une séparation entre les sphères privée et publique. Ses relations sociales se font dans deux cercles distincts : il y a les relations hors ligne et les relations en ligne. Le type institutionnel provient du croisement entre une utilisation «pratique» de Facebook et un chevauchement des sphères privée et publique. Les amis en ligne de ce type d'utilisateur sont les mêmes que ses amis hors ligne. L'utilitaire connait tous ses contacts de Facebook dans la vie physique, mais n'interagit avec eux que par internet, souvent en raison de contraintes géographiques. Etudier les impacts des réseaux sociaux sur les liens sociaux implique donc d'analyser non seulement la multiplicité et l'intensité des relations sociales, mais aussi leurs fragilités, leurs «re» configurations3(*) et leurs éventuelles ruptures ; telles sont les suggestions de Paugam (2009). Dans la littérature du numérique, on distingue deux courants de pensée : ceux qui concluent que les médias sociaux isolent les individus aux monde extérieur et ceux qui sont convaincus qu'ils renforcent plutôt une certaine sociabilité. Face à ces deux approches des réseaux sociaux, complètement opposées, difficile, de prendre parti : « cette double nature peut à juste titre être regardée comme un facteur de confusion. Comment savoir quelle dimension va prévaloir : celle désocialisant, du média de masse, ou celle qui entretient le lien social, celle du moyen de communication interpersonnelle ?» (Casilli, 2010). Rapportant les conclusions de Axel Honneth (2002) dans la lute pour la reconnaissance4(*), au fait actuel, les medias sociaux provoquent l'atteinte à l'intégrité physique, l'exclusion juridique et la dépréciation sociale. Elle serait un frein à la vie sociale. En facilitant le contact avec des inconnus, Internet ne favoriserait pas les relations avec les plus proches. «En consacrant le meilleur de leur temps à chatter ou à échanger des mails, les utilisateurs coupent progressivement leurs contacts sociaux les plus significatifs. » (Merckle, 2011). Selon Kraut (2002 cité par Casilli 2010), la démocratisation et l'accessibilité des communications seraient la cause de l'utilisation massive des médias en ligne, source d'un certain isolement. Que ça soit les liens de filiation, de participation élective, de participation organique ou de citoyenneté (Paugam, 2009), ils sont tous exposés à la fragilisation. . Selon l'IFOP, une hiérarchie est faite entre outils de communication. Elle distinguerait les outils « socialisants » (traditionnels) des outils qui « ne le sont pas » (numériques). Tisseron (2011) et de Dewing (2010), dénoncent cette catégorisation de manière radicale : « les communications numériques devraient être mises sur le même plan que les appels téléphoniques ou lettres - des techniques qui, depuis longtemps, articulent et complètent la communication en face à face. » Les outils numériques doivent être appréciés au même titre que les outils plus traditionnels : « On s'en sert pour prendre un rendez-vous, annoncer une nouvelle, envoyer un mot gentil pour témoigner d'un sentiment. » (Pay et al., 2013, Alassiri et al., 2014, Balagué et Fayon, 2010). L'existence d'un réseau réel prédisposerait ainsi les utilisateurs à passer beaucoup de temps sur Internet. Constatons-le : il ne s'agit pas d'une activité isolante mais plutôt d'un besoin socialisant : « La grande masse des usagers se sert d'Internet dans le cadre de contextes sociaux pré-existants. C'est pour développer, accroître les relations humaines qu'ils considèrent comme valorisantes -leurs amitiés, leurs amours - qu'ils se connectent à des services de réseautage.» Dans cet état d'esprit, rendons à César ce qui est à César : Internet favorise le lien social car « c'est un besoin de cohésion qui anime les internautes, une envie de resserrement de leurs rapports sociaux » (Cardon , 2011). * 3Avec le concept de configuration, N. Elias place le problème des interdépendances humaines au centre de la réflexion sociologique. Ce qu'il faut entendre par configuration, c'est la figure globale toujours changeante que forment les acteurs ; elle inclut non seulement leur intellect, mais toute leur personne, les actions et les relations réciproques. Cette configuration forme un ensemble de tensions. L'interdépendance des individus, condition nécessaire à l'existence d'une configuration spécifique, est une interdépendance en tant qu'alliés mais aussi en tant qu'adversaires. Le préfixe « re » est pour signaler une interdépendance de nouveau c'est-à-dire une redéfinition des relations ; un nouveau arrangement de l'existant. * 4A. Honneth, La lutte pour la reconnaissance, Paris, Ed. du Cerf, 2002. |
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