DEDICACE
A notre très cher frère MUHANZI CIMANGA Pippen
Nous dédions ce travail.
Jean Robert MUHANZI BISIMWA
Jean Robert MUHANZI BISIMWA
II
REMERCIEMENT
La réalisation de ce présent travail n'est pas
le fruit de nos propres efforts. Plusieurs personnes y ont apportés une
pierre pour son édification.
Nos remerciements s'adressent en premier lieu à
l'Eternel Dieu tout puissant, maitre des temps et des circonstances, pour avoir
permis que ce travail puisse aboutir à son terme.
A toutes les autorités académiques de
l'Université de Goma, plus particulièrement à tous les
enseignants de la Faculté de Droit pour leurs encadrements quotidiens.
Du plus profond de notre coeur, nous présentons nos sincères
remerciements au Professeur SEGIHOBE BIGIRA Jean Paul qui a, malgré ses
diverses préoccupations, accepté de mettre son savoir à
notre disposition en dirigeant ce travail. Qu'il reçoive par ces mots,
l'expression de notre gratitude. A l'assistant KATUSELE BAYONGI Eric dont les
conseils et orientations qu'il n'a cessé de nous fournir tout au long de
l'élaboration de notre travail, nous ont été très
bénéfiques dans la réalisation de nos objectifs.
Aux cadres de l'ONG Human Right Watch, nous présentons
nos remerciements pour avoir intervenu activement à toutes les
étapes de la réalisation de cette étude en nous offrant
nos seulement un espace permanent de travail, mais aussi en répondant
favorablement à toutes nos demandes relatives aux différentes
recherches.
A notre chère mère KALALIZI Jeannette qui, par
son amour a, malgré les difficultés de la vie, consenti plusieurs
efforts pour assurer notre formation. A tous nos frères et à
toutes nos soeurs (Jeanny, Pippen, Loty, Aubin, Roland, Malou et Nancy MUHANZI)
qui nous toujours apportés soutien et réconfort durant tout notre
parcours. A vous tous nous disons grand merci.
Nous tenons aussi à exprimer notre reconnaissance
envers tous nos amis, camarades et compagnons de lutte avec lesquels nous avons
passés des bons et mauvais moments tout au long de notre parcours :
Benedy MUSEME, Deo MASHAGIRO, NZEZA MUJINYA, Philipe Miller WENGA, Bonheur
KITOGA, Vedaste MALEKERA, Simon BITONGO, Malick SPARO et les autres.
Que le maître MBAKULIRAHE Séraphin-Junior trouve
en ce travail, l'expression de nos plus profondes gratitudes.
Nous ne manquerons pas également de saluer de tout
coeur l'accompagnement spirituel des Petits chanteurs de Jésus
Miséricordieux de la Cathédrale. Enfin, que toutes les
personnes qui ont de près ou de loin contribuées à la
réalisation de ce travail reçoivent, elle aussi, nos chaleureux
remerciements.
III
SIGLES ET ABREVIATIONS
CADH : Cour Africaine des droits de l'homme
CDH : Comité des droits de l'homme
CEDEAO : Communauté économique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest CEDH : Cour Européenne des droits de l'homme
CEEAC : Communauté économique des Etats de
l'Afrique Centrale
DH : Droits humains
DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
IMEI : Numéro international unique d'identification
IMSI : Numéro unique de la carte SIM
LGDDJ : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
NTIC : Nouvelles technologies de l'information et de la
communication
ONU : Organisation des Nations Unies
PUR : Presses Universitaires Ryckmans
TIC : Technologies de l'information et de la communication
1
INTRODUCTION
L'idée des droits de l'homme est aussi moderne que
l'invention du moteur à explosion et d'une certaine façon, elle
constitue elle aussi un procédé technologique conçu pour
atteindre un objectif d'intérêt commun. Le moteur à
explosion permet de se déplacer rapidement tandis que les droits de
l'homme représentent un système de protection destiné
à nous préserver de la violence arbitraire et à
éviter que nos besoins fondamentaux ne soient
négligés.1
Si l'idée que les hommes ont un droit à la vie
est mieux répandue, peut-être cela préviendra-t-il ces
atteintes et ces manquements2 car étant des créatures
extrêmement vulnérables, les êtres humains ont besoin d'une
certaine forme de protection.
A tout égard, les droits de l'homme appartiennent
à tous les hommes de toutes les époques. Ils ne peuvent donc
être justifiés de la manière dont nous justifions les
droits que l'on acquiert par l'exercice de telle fonction ; les droits de
l'homme ne s'achètent pas et ne sont créés par nulle autre
démarche contractuelle. Ils ne sont ni exclusifs, ni attachés
à la charge mais ils appartiennent à un homme tout simplement
parce qu'il est homme.
A ce sujet, Jacques MARITAIN disait que la personne humaine
possède des droits du fait même qu'elle est une personne une toute
maitresse d'elle-même et de ses actes, que par conséquent, elle
n'est pas un simple moyen au service d'une fin, mais une fin en soi qui doit
être considérée comme telle.3 En droit
congolais, ces droits ont une base constitutionnelle. Ils sont prévus
dans la constitution de la République Démocratique du Congo du 18
février 2006 spécialement au titre II relatif aux droits
humains.
Nous nous intéressons particulièrement dans le
cadre de ce travail à l'article 31 de la constitution de la RDC qui
dispose que : « toute personne a droit au respect de sa vie
privée et au secret de la correspondance, de la
télécommunication ou toute autre forme de communication...
»4. De par cette disposition, le législateur
congolais attend protéger l'intimité de la personne. Ainsi les
composantes de la vie privée n'ont pas fait l'objet d'une
définition ou d'une énumération limitative afin
d'éviter de limiter la protection aux seules prévisions
légales. Les cours et tribunaux ont appliqué le principe de cette
protection au secret
1 KENNETH MINOGUE,
Historique de la notion de droits de l'homme,
Paris, nouveaux horizons, 1989, p4
2 Walter LAQUEUR et BARRX RUBIN,
Anthologie des droits de l'homme, Paris, nouveaux
horizons, 1989, p. 78
3 JACQUES MARTIAIN, Les droits de
l'homme, Paris, descellée de BROUWER, 1989, p. 106.
4 Art. 31 de la constitution de la RDC, in
JO.RDC, numéro spécial, 52e année,
Kinshasa , 2011, p.14
2
relatif à la santé, au secret de la
résidence et du domicile, au droit à la correspondance et
à l'image. Ainsi par exemple, par un jugement du 2 septembre 2014, le
Tribunal correctionnel de Nanterre a condamné un paparazzo et deux
responsables du Magazine Closer pour avoir respectivement pris et publié
une photo de l'actrice Julie Gayet au volant de sa voiture. Sans donner de
définition précise, le Tribunal considère que, font partie
de la vie privée, les droits au nom, à l'image, à la voix,
à l'intimité, à l'honneur et à la
réputation.5
Face à une sphère privée diffuse,
l'individu trouve refuge dans un concept plus fragile mais psychologiquement
rassurant, l'intimité. Cependant, cette dernière notion
relève davantage de la constitution psychique que de l'édifice
social. Ainsi chacun se donne sa propre définition du privé en
accord avec sa vision des enjeux sociaux liés à l'exposition de
soi au regard d'autrui.6 Le recul actuel de la discrétion
n'est-il pas à référer au fait que l'intimité a
succédé de manière précaire au privé dont le
secret constitue la définition même. Cette conception fait
écho à l'approche philosophique qui a amorcé notre
réflexion à savoir que la vie privée est une entité
aux frontières indistinctes qui contiennent ce que nous avons de plus
intime.
Cependant, un problème majeur se pose actuellement. Les
textes juridiques internes et internationaux qui assurent la protection de la
vie privée ont généralement été
édictés à une époque où l'on ne pouvait
tenir compte de l'avènement de la technologie de l'information et de la
communication. Les technologies de l'information et de la communication donnent
aussi naissance à un nouveau contexte7 de violation de la vie
privée dominé par les réalités qui les gouvernent.
Il s'avère dès lors utiles de se demander comment assurer la
protection de la vie privée en dépit des formes de violations qui
sont liées à l'existence du cyberespace et l'éclatement du
champ médiatique. Voilà pourquoi, en abordant la théorie
de la vie privée dans le cadre du développement des technologies,
l'idée essentielle de ce travail consiste dans l'évaluation des
mesures prises par les Etats pour assurer et garantir l'effectivité de
ce droit au regard des nouvelles données. D'où la
dénomination: «Les dimensions du droit à la vie
privée en droit positif congolais» limite le cadre de ce
travail à l'étude du droit congolais.
5 Antoine CHERON, Affaire Julie Gayet vs. Closer :
l'atteinte à la vie privée dans une voiture, liberté de
l'expression et droit à l'information. Disponible sur http/
:www.journaldunet.com/JDN-ACBM/htm consulté le
06 juillet 2015
6 Réseaux sociaux internet : une
dissolution de la sphère privée ? Disponible sur
http://www.asmp.fr Consulté le
10 mars 2015
7 Michel DUHAUT,
Internet et la preuve des faits délictueux, mémoire DEA,
Université Montpellier I, Faculté de Droit, 1997-1998, P11
3
I. PROBLEMATIQUE
On ne le dira jamais assez, la vie privée apparait
comme un ensemble non limitatif d'informations personnelles dont la loi
garantit la protection. C'est ce qui résulte de la compréhension
même de l'article 31 de la constitution congolaise ci-haut
cité.
L'idée qu'on se fait de la vie privée est depuis
longtemps façonnée par les technologies disponibles. Au niveau le
plus évident, le respect de la vie privée implique des
limitations des invasions de l'espace physique et la protection du domicile et
les biens personnels raison pour laquelle les premières protections de
la vie privée ont été axées sur
l'inviolabilité du domicile et de la vie familiale.8
Cependant, les préoccupations concernant les informations
détenues sur une personne sont venues avec les technologies de la
communication et de l'information (TIC) bouleversant ainsi la nature des
problèmes posés par la vie privée. Dès lors, les
conceptions de la vie privée évoluent avec les
circonstances.9 Voilà pourquoi, l'effort de protection de la
vie privée dont témoignait la plupart des législations du
monde se retrouve fortement menacé aujourd'hui,10 sinon
combattu par l'émergence des technologies numériques de
l'information et de la communication étant entendu que cette nouvelle
donne n'a pas été prise en considération lors de
l'élaboration de la quasi-totalité des règles
protégeant actuellement la vie privée. L'évolution des
technologies et les divers services qu'elle offre en font, aujourd'hui un des
piliers sur lesquelles repose les stratégies de développement
mais leurs convergences est à l'origine d'un certain nombre des faits
nouveaux qui peuvent accroître son champ. Ainsi, la multiplicité
des questions tout aussi complexe que nouvelles s'agissant de la
règlementation de ce secteur au regard de la protection des droits
fondamentaux des personnes mettent le droit à l'épreuve.
Face à ces difficultés, il y a eu depuis les
années 1970 une vague des lois sur la protection des données dans
différentes régions du monde qui ont tenté de sauvegarder
l'intimité et les données personnelles des individus à
l'exemple de la France, où les incriminations relatives à
l'intimité de la vie privée résultant des faits
technologiques ont été introduites par une loi du 17 juillet 1970
qui d'une part pose au Code civil français le principe que «chacun
a droit au respect de sa vie privée» devenu plus tard le contenu de
l'article 9 de
8 URSULA KILKELLY, Droit au respect de la
vie privée et familial : un guide sur la mise en oeuvre de l'article 8
de la convention européenne des droits de l'homme,
précis sur les droits de l'homme, n°1, Paris, 2003, p. 5
9 Toby MENDEL et Alii, Etude mondiale sur le
respect de la vie privée sur l'internet et la liberté
d'expression, Paris, Collection UNESCO, 2013, p 19
10 Lire à ce sujet, Emile OWENGA ODINGA
: Les respects de la vie privée et les
inforoutes en République Démocratique du Congo, in
lex electronica, vol.6, Hiver Winter, 2001, p2
4
ce même code et d'autre part sanctionnait au code
pénal de l'époque des atteintes portées à ce
principe en instituant les infractions d'espionnages auditifs et
visuels.11 Plus encore, le droit civil québécois qui,
à son article 36 élargies le champ des atteintes portées
à la vie privée en incluant parmi elles, le fait d'intercepter ou
utiliser volontairement une communication privée, utiliser l'image, la
voix, le nom ou la ressemblance d'une personne à toute autre fin que
l'information légitime du public... , d'autres législations ont
eu du mal à suivre le cycle du développement des technologies
pourtant préoccupant largement les sociétés.
Le grand souci reste cependant à évaluer les
efforts entrepris par le législateur congolais quant à la
question de la vie privée dont la préoccupation de protection
intéresse actuellement la plupart des législations modernes
à la suite de l'avènement de nouvelles données.
Voilà pourquoi, en voulant étudier les dimensions du droit
à la vie privée en droit positif congolais, les questions
ci-après ont conduit notre réflexion :
1. Est-il possible de prétendre actuellement à
une stricte protection de la vie privée en droit positif congolais au vu
des avancées technologiques ?
2. Si oui quelle portée il conviendrait de lui
accorder ? Si non, qu'est-ce qui empêcherait ce processus en
reconnaissant d'avance le caractère fondamental de ce droit ?
3. Quelle protection faudra-il alors lui accorder ?
II. HYPOTHESES
L'hypothèse est une affirmation provisoire concernant
la relation entre deux ou plusieurs variables. Il s'agit d'une prise de
position du chercheur face aux faits à observer. Ainsi nous estimons que
:
1. Les défis spécifiques posés par la
prolifération des médias et le développement des
technologies de l'information et de la communication (TIC), bref du cyberespace
ne permettraient pas actuellement de prétendre à une stricte
protection de la vie privée en droit congolais.
2. La portée des mesures protectrices serait
actuellement minime étant donné que les seules dispositions
qu'offre l'article 31 de la constitution ne mettraient pas à l'abri les
probables victimes encore que les lois appuyant cette disposition ne seraient
pas toutes adaptées aux situations actuelles. En outre, le processus de
réglementation dans ce
11 MICHELLE-LAURE RASSAT, Droit pénal
spécial, les infractions des et contre les particuliers,
2ème éd, Paris, Dalloz, 1999, p 353
5
domaine serait freiné par l'absence des motivations
pouvant amener le législateur à légiférer sur le
droit à la vie privée dont la cause est pour la plupart la
difficulté d'apporter les éléments de preuve.
3. La protection véritable d'un droit reposant sur une
loi, la mise en place d'une loi spéciale contre les violations de la vie
privée serait un parfait instrument de protection contre les possibles
atteintes.
III. CHOIX ET INTERET DU SUJET
La vie privée est comprise comme la sphère
d'intimité de chacun et s'oppose totalement à la vie publique.
C'est en fait ce qui dans la vie de chacun ne regarde personne d'autre que lui
et ses intimes.
Ainsi, les technologies de l'information et de la
communication quoiqu'étant rangé parmi les outils de travail
privilégiés dans presque tous les domaines du savoir comporte des
inconvénients dans le développement de son utilisation. En effet,
les nouvelles technologies créent un nouveau type de conflits qui
attirent sans cesse l'attention dans la mesure où ces nouveaux conflits
incitent à trouver les solutions qui s'imposent aux différents
problèmes qu'ils soulèvent dans les relations humaines.
En outre, avec le développement des technologies, nous
sommes tous confrontés à des risques d'atteinte à la vie
privée et bien plus. Tout l'intérêt de ce sujet est de
mettre en relation un problème juridique et l'actualité. Plus
encore, l'intérêt d'une telle réflexion réside
davantage dans le souci d'interpeller particulièrement le
législateur congolais sur cette question, à laquelle il ne
s'intéresse pas encore particulièrement pourtant certainement
déjà à la base de plusieurs conflits et
soulèvements, puisqu'en clair la question de l'atteinte à la vie
privée est celle à laquelle les juges sont de plus en plus
confrontés actuellement avec l'émergence des technologies,
réseaux sociaux et de la presse. C'est aussi une question sur laquelle
ils sont de plus en plus fermes.
La plupart d'individus sont d'accord avec le fait que
l'atteinte à la vie privée est favorisée par ces
méthodes mais pour autant ils refusent de s'en passer. Il y a donc
là un intérêt juridique, social et soulevant en plus de
cela une question d'actualité.
6
IV. METHODES ET TECHNIQUES
A. Méthodes
Le travail de recherche en droit n'échappe pas aux
exigences méthodologiques. En clair, la méthodologie consiste en
un ensemble des démarches organisées rationnellement pour aboutir
à un résultat.12 C'est d'ailleurs pour cette raison
qu'il convient de souligner qu'il n'existe pas dans une recherche juridique une
méthode mais des méthodes sans qu'on puisse dire
nécessairement laquelle a préséance sur l'autre. Ainsi,
faire interagir plusieurs méthodes s'avère, de notre point de
vue, une meilleure procédure car elle nous permettra d'intégrer
l'utilisation de plusieurs disciplines dans une perspective unique qui les
reliera de manière cohérente.13
Ainsi, dans le cadre de cette étude, le recours
à la méthode exégétique nous a été
d'une grande importance. Celle-ci a consisté à déceler le
contenu du texte en cherchant les intérêts qui y sont
cachés du fait de la nature du texte, son intérêt
exécutif et son contenu normatif dont la distribution s'organise autour
des marques normatives.14 Cette méthode nous a permis de
consulter différents instruments tant nationaux qu'internationaux en
rapport avec le droit à la vie privée et de les confronter aux
réalités contemporaines.
Outre la méthode exégétique, nous avons
également fait appel à la méthode sociologique qui nous a
permis d'étayer notre étude et les thèses avancées,
le sociale influençant sans doute le juridique, nous avons recouru
à cette méthode pour pouvoir partir des faits observés et
d'appuyer ensuite notre analyse pour reprendre les propos de François
TERRE qui disait : « les juristes ne dédaignent pas l'étude
des forces créatrices du droit ni de celle de son avenir inversement la
sociologie éclaire notamment la perception du sens des textes
»15
Enfin, la méthode comparative nous a, à travers
ses avantages, servis à la réalisation de ce travail. En le
poursuivant, on arrive naturellement à mieux connaitre son propre droit
puisque souvent on s'explique comment ce droit qui lui a servi d'exemple s'est
lui-même développé. Par ailleurs, par l'étude
comparative des droits, le législateur, non seulement
12 E. MWANZO et alii, Guide pratique des
méthodes, notes des références infrapaginales et
bibliographies ainsi que des autres règles utiles usitées dans un
travail de fin d'étude en droit, UNIKIN, 2013, p 3
13 SEGIHOBE BIGIRA J-P, Le Congo en droit
international : Essai d'histoire agonistique d'un Etat multinational,
PUR, Bruxelles, 2011, p. 6
14 SOURIOUX (J-L) et Alii, L'ordre des textes,
méthode générale et application au droit,
4ème éd, Paris, Dalloz, 1997, p36
15F. TERRE,
Introduction générale en
droit, Paris, Dalloz, 1991, p 326
7
connait les législations nécessaires mais aussi
trouve le matériel nécessaire pour de nouvelles
réglementations que pour des modifications
législatives.16
B. Techniques
La technique utilisée pour ce travail est celle
documentaire. Celle-ci a été axée à
l'identification des sources d'informations actuelles par rapport à
l'expérience antérieure.
Les différents ouvrages de droit, les notes de cours et
autres, car les techniques ne sont donc que des outils mis à la
disposition de la recherche et organisé par la méthode dans ce
but.
V. ANNONCE DU PLAN
S'il est évident de considérer actuellement
qu'à l'épreuve de la mondialisation, le droit à la vie
privée subit une mutation des risques (CHAP I), les différences
notables qui existent entre un pays et un autre admettent une certaine
relativité quant au contenu de cette notion .C'est -à- dire que
ce qui peut être considéré comme faisant partie de la vie
privée dans un système juridique donné n'en serait pas
nécessairement dans un autre. De ce fait, il est difficile de trouver
des dénominateurs communs en dehors de leur caractère plus ou
moins strict en ce domaine. Ainsi, si cette question reste préoccupante,
l'analyse du droit congolais face à la quasi-relativité de la vie
privée (CHAP II) s'avère donc impérieux.
16 E. MWANZO et Alii, op
cit, p6
8
CHAPITRE PREMIER: LE DROIT A LA VIE PRIVEE A L'EPREUVE DE
LA MONDIALISATION : La problématique de mutation des risques
La constitution congolaise affirme qu'en République
Démocratique du Congo l'exercice des droits et libertés
individuels et collectifs est garanti sous réserve de la loi, de l'ordre
public et de bonnes moeurs.17
Le titre II de la précédente constitution
appelée Acte constitutionnel de la transition définit et
protège les droits fondamentaux de la personne à l'exemple de
l'article 13 alinéa 1er qui dispose que: «la liberté de
la personne humaine est inviolable...» et de l'article 24 qui
précise que toute personne a droit au secret de sa correspondance, de la
télécommunication, ou toute autre forme de communication. Par ces
dispositions, il est clair que le constituant a tenté de fonder la
notion d'un Etat de droit en se situant dans un contexte privé, c'est
-à-dire en se basant beaucoup plus sur les valeurs primaires des
citoyens congolais à l'instar de la vie privée. Il s'agit en fait
de l'application de l'idée du droit naturel auquel le droit positif se
conforme depuis l'Antiquité. Cependant, cette idée subit un
profond changement actuellement. Voilà pourquoi, si à
l'ère des nouvelles technologies la protection de la vie privée
nécessite une réglementation spéciale (Section II), il est
d'abord important de comprendre en réalité ce qu'est la vie
privée à travers la notion même de ce concept et son
fondement juridique (Section I) .
Section I: NOTION ET FONDEMENT JURIDIQUE DE LA VIE
PRIVEE
En deux paragraphes, nous allons analyser d'une part la notion
de la vie privée (§1) et d'autre part le fondement juridique de la
vie privée (§2).
§1 NOTION DE LA VIE PRIVEE
I.1.1. Définition de la vie
privée
Aucune législation du monde ne définit
clairement ce qu'on peut entendre par vie privée si ce n'est que pour la
citer tout simplement.18 Il en est de même pour la
jurisprudence. La cour européenne a d'ailleurs elle-même
jugé que : «la cour ne juge ni possible, ni
17 Décret-loi constitutionnel n°003 du 27
Mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir en
RDC
18 Marie sophy MORY, Leslie LAMBERTET et Alii,
Information et vie privée : coexistence du droit à
l'information et au respect de la vie privée, Master2,
Université Jean Moulin Lyon III, Faculté de Droit, 2008, p.8
9
nécessaire de chercher à définir de
manière exhaustive la notion de vie privée
»19. Toutefois, la doctrine est parvenue à
dégager quelques définitions. D'après Maîtres
Thierry Piette-Coudol et André Bertrand, «les données et
les informations relatives aux personnes physiques font parties de leur vie
privée et leurs utilisations ou leur divulgation publique peut donc
constituer une atteinte à la vie
privée»20
Pour le professeur Américain NIZER, le droit à
la vie privée est le droit de l'individu à une vie retirée
et anonyme.21 Pour sa part, Madame Nicole BOFELE ESOLE
définit encore la vie privée comme une sphère
d'intimité dont toute personne est libre de refuser l'accès
à autrui.22
La vie privée peut parfois s'apparenter à
l'anonymat et à la volonté de rester hors de la vie publique.
Quand quelque chose est dite « privée » pour une personne,
cela signifie que généralement, qu'à cette chose est
rattachée des sentiments spéciaux et personnels23. Le
degré de privatisation de l'information dépend donc de la
façon dont le public pouvait la recevoir, ce qui diffère selon
les endroits et à travers le temps.
La vie privée est également une notion
impliquant celle de « respect de la vie privée » qui fait
partie des notions plus générales de propriété
privée et des bonnes moeurs. La distinction est très ancienne
puisque Aristote faisait la distinction entre la sphère publique
polis et la sphère privée oikos. Elle apparait
dans le droit positif civil avec les questions de vues sur le plan du voisin,
de pudeur et aussi dans le droit pénal avec des notions comme le secret
de la correspondance, le secret professionnel, la violation du domicile ou la
diffamation.
I.1.2. La conception moderne de la vie
privée
On a longtemps confondu la vie privée et la
propriété. Au Moyen-Age, c'est uniquement à
l'intérieur de son domicile que ce droit
s'exerçait.24L'évolution des technologies ayant rendu
possible la surveillance à distance, cette approche s'est
19 Niemeietz C. Allemagne (1992), 16 EHRR 97 par.
29
20 Thierry Piette-Coudol et André Bertrand,
Internet et la loi, Dalloz, Paris, 1997, pp 108-109
21 Likulia BOLONGO, Droit pénal
spécial Zaïrois, Paris, LGDJ, 1985, p 201
22 Nicole BOFETE ESOLE, la protection de la vie
privée en droit congolais à l'ère de l'inforoute,
Mémoire de licence, Université protestante du Congo, Kinshasa,
1999-2000, p 9
23 Serge BRAUDO, Dictionnaire de droit
privé, disponible sur
WWW.dictionnaire-juridique.Com/Définition/vie-privée.php
consulté le 19 Avril 2015
24 ANNE PINEAU, Droit à la vie
privée: la jurisprudence de la cour suprême, in
«revue droits et libertés», vol.33, n°1,
septembre 2014, p. 6
10
heureusement modifiée. On reconnait aujourd'hui que la
vie privée n'est pas affaire de propriété ; elle
protège les personnes et non la propriété.25
En droit, il est d'usage de considérer que le concept
de vie privée a fait son apparition sous la plume des deux avocats de
Boston, Samuel WARREN et Louis BRANDES26. Ils y définissent
le concept de vie privée par l'expression restée
célèbre du « droit d'être laissé seul
»27.
Si l'article des deux avocats était principalement un
plaidoyer visant à défendre la capacité des individus
à se prémunir des attitudes abusives de reporter, on retrouve
même dans des décisions plus anciennes, des éléments
que l'on considère aujourd'hui comme faisant partie du concept de vie
privée, tels que l'affirmation du droit à la vie privée
face à l'exploitation commerciale de l'image d'autrui, l'importance
donnée au consentement de la personne portraiturée et l'impact de
la technique sur l'exposition publique des faits de la vie
privée28. Ces différents concepts trouvent leurs
justifications juridiques dans des concepts variés tels que le droit de
propriété, le droit d'auteur
etc. et ne sera regroupé dans un
concept unique, celui de la vie privée, que plus tard.
En occident, le concept évoluera peu à peu sous
l'impulsion des valeurs issues de l'évolution libérale de la fin
du XVIIème siècle et de l'émergence d'idées qui
acquerront graduellement une place prépondérante telle que la
liberté individuelle et l'égalité combinées aux
évolutions sociologiques qui les accompagneront. Ces idées feront
leur chemin jusqu'à trouver leur place dans des textes légaux
majeurs, tels que les constitutions et les traités internationaux.
Un facteur majeur qui accentuera la pertinence du concept est
bien entendu l'évolution des techniques : l'apparition de la
photographie, la presse et plus tard, le développement des
réseaux informatiques et des moyens de communication.29
La vie privée, en fait il faut pour être
précis dire plutôt « le droit à l'intimité de
la vie privée » fait partie, comme nous le savons
déjà, des droits civils, c'est-à-dire de la
première génération. Sous sa considération
actuelle, le droit à l'intimité de la vie privée pose
le
25 ANNE PINEAU, Op cit., p. 7
26 Samuel WARREN, «The right to
privacy», Harvard Law Review, N°5, 15 December 1890 Disponible
sur
http://newsbytes.ph/2011/02/14/data-privacy-bill-hurdles-second-readind
Consulté le 20 Avril 2015
27 Idem
28 Benjamin DOCQUIR, Le droit de la vie
privée, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 27
29 André BERTRAND, Droit à la vie
privée et Droit à l'image, Paris, Litec, 1999, p.76
11
problème de l'équilibre qui doit être
respecté entre d'une part le droit individuel à se trouver
protégé contre les incursions d'autrui et d'autre part, le
principe de transparence qui peut être invoqué à
l'égard des mêmes personnes lorsqu'elles ont une existence
médiatisée ou lorsqu'elles exercent une profession ou une
fonction publique ou encore lorsque l'intéressé a donné
son consentement à la diffusion d'images de la personne ou des faits de
sa vie privée peut être tacite30.
Dans ce même ordre d'idée, le droit à
l'intimité de la vie privée pose également le
problème de ce même équilibre lorsque la
sécurité générale impose que certains
éléments de la vie privée des personnes fasse l'objet d'un
enregistrement dans des archives publiques (fichiers informatiques, cartes
d'identité, permis de conduire, passeports, actes d'état civil,
casier judiciaire, dossiers administratifs,...). Il en est de même du
droit au secret médical.
A ce sujet, la cour de cassation française juge en
cette matière que sauf à tirer toutes conséquences du
refus illégitime, le juge civil ne peut en l'absence de dispositions
législatives spécifiques l'y autorisant ordonner une expertise
judiciaire en impartissant à l'expert une mission qui porte atteinte au
secret médical sans subordonner l'exécution de cette mission
à l'autorisation préalable du patient
concerné.31
Il est donc évident d'affirmé que la notion de
la vie privée a actuellement pris du large. Dans sa conception moderne,
l'idée de droit de propriété et du droit d'auteur jadis
considéré comme éléments importants constituant le
droit à la vie privée a évolué aujourd'hui. On
mentionne dès lors dans cette évolution des notions de droit
à l'image et tout ce qui est du secret étant entendu qu'en
français, la traduction de l'expression anglaise «privacy»
implique le respect de la vie privée.
En reprenant le propos de Benjamin DOCQUIR qui explique la
pertinence du concept de vie privée en la rattachant à
l'évolution des techniques, il est évident que l'internet est un
formidable outil de partage à l'échelle mondiale mais dont
l'utilisation amène parfois à la violation des droits
fondamentaux, comme la vie privée.
A titre d'exemple, le réseau comme Facebook dont
l'utilisation provoque plusieurs débats dans
l'actualité.32On considère d'une part que la
protection des données relatives à la
30 Benjamin DOCQUIR, op cit, p.30
31Bernard BEIGNIER, Situation de
l'assuré: conditions de la levée du secret médical in
«revue droit de la famille», n°10, Octobre 2009, p.
25-26
32 WWW.Google.fr /
Wikipedia.Org / «Faut-il
supprimer son compte facebook?», Consulté le 23 Avril 2015
12
vie privée se trouve menacée par Facebook car en
Belgique par exemple, près de la moitié des employeurs belge ;
révèle avoir recouru à l'internet pour trouver des
informations sur les candidats à l'embauche. Ensuite, plus d'un tiers
d'entre eux avouent avoir éliminé certains candidats en raison
des informations (comme des photographies) ainsi recueillies. D'autre part, un
réseau social comme Facebook présente un danger au sein de
l'entreprise dans les rapports entre l'employeur et l'employé sous
certains aspects.33
En effet, dans une récente affaire au Québec,
une compagnie d'assurance aurait recueillie des informations sur Facebook afin
de déterminer si un bénéficiaire avait ou non droit
à ses indemnités de maladie. Le salarié d'une entreprise
en arrêt maladie pour cause de dépression depuis un an avait
publié des photos qui auraient été pris dans un bar au
cours d'un spectacle lors de vacances au soleil. L'assureur en cause a alors
cessé brusquement de lui verser toute indemnité maladie
considérant qu'elle pouvait reprendre le travail à en juger par
les photos publiées sur sa page Facebook.34
Dans ce même ordre d'idée en restant toujours
dans le cadre de l'image et/ou de la photographie, il est évident que
les proches parents d'une personne décédée puissent
s'opposer à la reproduction de l'image de cette dernière
dès lors qu'ils en éprouvent un préjudice personnel en
raison d'une atteinte à la mémoire et au respect dû aux
morts. Il en est ainsi lorsque la publication d'une photographie litigieuse
dénote une recherche de sensationnel et qu'elle n'est nullement
justifiée par les nécessités de l'information. La
juridiction du fond peut déduire des faits de la cause qu'une
photographie publiée dans un magazine est contraire à la
dignité humaine qu'elle constitue une atteinte à la
mémoire ou au respect dû aux morts et dès lors, à la
vie privée des proches justifiant ainsi que soit apportée une
telle restriction à la liberté d'expression et
d'information.35
L'illustration de ces exemples démontre clairement que
le droit d'être laissé seul devenu droit à la vie
privée défendu par Samuel WARREN a évolué et que
toutes les notions y relatifs ont aussi pris du large. Cependant, à
cette évolution existe des restrictions où dans certains cas, le
droit à la vie privée peut se retrouver limiter.
33 Fabrice ROCHELANDET, Economie des
données personnelles et de la vie privée, Paris,
la découverte, collection repère, 2010, p.112
34 Ibidem, p. 113
35 Loiseau(G), la protection posthume de la
personnalité: la semaine juridique, édition
générale, n°39, 27 Septembre 2010, Jurisprudence n°942,
p.1778 à 1781
13
I.1.3. L'épuisement ou limite du droit au respect
de la vie privée
Jean Paul SARTRE s'était expliqué par interview
n'avoir pas davantage de tabous sur la vie privée de ses amis proches:
«je ne voyais pas d'inconvénient à lire une lettre qui ne
m'était pas adressé et ne comprenais pas le moins du monde qu'on
pût s'en formaliser », expliquait-il.36
Dans la vie politique, la vie privée est souvent mise
en avant par les hommes politiques pour cacher ce qui pourrait nuire à
leur carrière. On a vu ainsi des dirigeants mener une politique
homophobe en étant eux-mêmes homosexuels, ou plus
généralement mettre en avant leur intégrité morale
tout en menant une vie dissolue. Mais, certains estiment qu'on ne doit juger un
homme que sur ce qu'il montre, compétence affichée ou
incapacité apparente à occuper un poste.
Un amateur qui admire une personne peut s'estimer
déterminé à tout découvrir sur elle, par tous les
moyens possibles, sans intention de nuire bien au contraire et parfois pas
même de publier. On peut voir cela comme la passion de Schliemann
cherchant à tout savoir sur Troie, ou celle d'Howard carter et de Lord
Carnarvon, qui découvrant le tombeau de Toutankhamon, n'en
étaient pas pour autant des pilleurs de tombes. Bien au contraire,
c'étaient des admirateurs éperdus de ce sur quoi ils effectuaient
leurs recherches.
La violation de la vie privée peut parfois s'expliquer
par le besoin de garantir la sécurité et la sûreté
de l'Etat. Voilà pourquoi, il existe des atteintes à la vie
privée légitimées par la sécurité de l'Etat
mais aussi les atteintes à la vie privée fondées sur le
souci de protéger les particuliers.
Ainsi, dans certaines circonstances, on se trouve face aux
hypothèses en raison desquelles les textes juridiques ont
exceptionnellement autorisé la violation de la vie privée par le
pouvoir public. C'est le cas par exemple des investigations faites par les
services étatiques. Ces services peuvent procéder aux visites des
lieux et à des perquisitions électroniques ou même à
la saisie des matériels informatiques tels que les disques durs
d'ordinateurs. Notons cependant, que ces procédés de
contrôle n'ont connu jusqu'ici un grand essor que dans les pays
technologiquement avancés comme ceux de l'occident et de
l'Amérique.
36
http://ec.europa.eu/justicehome/fsj/privacy/index.fr.htm:
l'avenir de la protection de la vie privée, Décembre 2009, p
29
14
En outre, dans le cadre des atteintes à la vie
privée fondée sur le souci de protéger les particuliers,
on retrouve par exemple l'usage des logiciels d'identification. Ceci
résulte du but de combattre l'anonymat. Ainsi, les techniciens du
réseau ont imaginé divers moyens pour déceler les auteurs
des messages ou des informations. Ces multiples procédés
d'identification tels que les cookies37, le système
BiolD38, les mécanismes du nouveau chip pentium
III, avec un numéro de série unique
intégré39 etc. violent la vie privée. Ils
rendent possible l'accès à des données privées,
personnelles ou nominatives. Il demeure tout à fait clair qu'au moment
où la surveillance prend de plus en plus d'importance dans les
orientations stratégiques des pays, la mise en valeur de la protection
de la vie privée et des droits de la personne fait face à des
obstacles de taille.40
Cependant, l'application de tous ces procédés
pour des fins d'identification d'auteurs des faits délictueux ou
infractionnels dans le réseau semble licite. Par conséquent,
cette forme de violation trouve une explication légitime.
Il est dès lors évident de reconnaître aux
lois de protection des renseignements personnels une forme de
prépondérance parce qu'elles visent le renforcement de
l'autonomie personnelle et partant de la vie démocratique. Ainsi, une
loi qui vise à protéger un droit de regard sur des renseignements
personnels devrait être qualifiée de
«quasi-constitutionnel» en raison du rôle fondamental que joue
le respect de la vie privée dans le maintien d'une société
libre et démocratique.41
La protection de la vie privée permet en outre
l'éclosion d'une pensée non conformiste, caractéristique
des sociétés démocratiques. On ne saurait trop insister
sur l'importance de protéger la vie privée dans une
démocratie dynamique. La démocratie a, elle aussi besoin des
citoyens autonomes qui se réalisent et qui sont libres de formuler et
d'exprimer des opinions non conformistes. Si les atteintes à la vie
privée gênent l'individualité et entraînent le
conformisme, c'est la démocratie elle-même qui en
souffre.42
37 Philipe BISAUX et Fréderic MONEGER, Le
commerce électronique sur internet et la protection des données
personnelles, Mémoire de DEA, Université de Montpelier,
Juriscom.net, Septembre 1998, p.31
38 Juricongo, n°1, Mai - Juin 1992, petit article
intitulé: l'évolution technologique tend à rendre
inutile les législations sur la signature électronique,
p.12
39 Juricongo, n°1, Mai - Juin 1999, petit
article intitulé: le souci de combattre la fraude tend à
déboucher sur la vie privée des internautes, p.16
40 GUS HOSEIN, la protection de la vie
privée dans les pays en voie de développement, Rapport du
commissariat à la protection de la vie privée du Canada,
Septembre 2011, p.7
41 ANNE PINEAU, Op cit., Alberta
(Information and privacy commissionner) C. Travailleurs et travailleuses unis
de l'alimentation et du commerce, section locale, 401, 2013 CSC 62, 3RCS-733,
p.19
42 Ibidem, p.22
15
Voilà pourquoi, l'interdiction qui est faite au
gouvernement de s'intéresser à la vie privée des citoyens
touche à l'essence même de l'Etat démocratique qui en
constitue par ailleurs le socle au vue des législations qui le
protègent.
Si la lecture des idées doctrinales démontre
à première vue l'importance des lois protégeant la vie
privée dans le souci de faire émerger la démocratie et par
là un Etat de droit, il se dégage dès lors un
intérêt ultime de jeter un regard particulier sur les
différents textes qui l'organise.
§2 FONDEMENT JURIDIQUE DE LA VIE
PRIVEE
Plusieurs législations du monde organisent la question
de la vie privée. Il conviendra pour ce faire de cerner le
développement de cette analyse selon qu'il s'agit du droit international
(A), du droit régional (B) et du droit interne (C). Il sied de noter
qu'en dépit de toutes ces dispositions, le droit à la vie
privée garde son caractère non absolu (D) comme nous l'avons
démontré ci-haut.
A. LE DROIT INTERNATIONAL
Faisant partie de la société internationale, la
République Démocratique du Congo peut, à bon droit,
protéger le droit au respect de la vie privée en recourant aux
textes internationaux auxquels elle est partie et qui prévoient le droit
en cause. Ces textes internationaux ont primauté sur le droit national
aux termes de l'article 215 de la constitution de la RD Congo qui dispose :
« Les traités et accord internationaux
régulièrement conclus ont, dès leur publication, une
autorité supérieure à celle des lois, sous réserve
pour chaque traité ou accord, de son application par l'autre
partie». Ces conventions ont un effet direct en droit congolais en ce
sens qu'elles peuvent directement être invoquées en droit interne.
C'est ainsi que, s'appuyant sur J. Pélissier, Mukadi Bonyi
écrit que quel que soit le type de convention, ses dispositions
suffisamment précises pour fournir une réponse à une
question de droit interne sont directement applicables dans l'ordre
interne.43 Il appartient aux cours et tribunaux d'appliquer les
dispositions des traités ou accords internationaux, dès lors
qu'elles sont applicables au litige, en réglant en leur faveur les
éventuels conflits avec les règles nationales.
De ce qui précède, il convient de mentionner
à l'appui de la protection de la vie privée en République
Démocratique du Congo, l'article 12 de la Déclaration Universelle
des Droits
43 J. PELISSIER, A SUPIOT et A. JEAMMAUD, Droit
du travail, 23ème éd., Dalloz, Paris, 2006,
n°69 ; cité par MUKADI BONYI
16
de l'homme de 1948. Cette disposition pose le principe de base
de protection en disposant: «Nul ne sera objet d'immixtions
arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa
correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa
réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi
contre de telles immixtions ou de telles atteintes»44
On rattache l'origine de cette disposition à la
liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789. C'est à partir de cette
disposition que certains auteurs associent l'essence du droit à la vie
privée contenu dans l'article 12.
Outre cette disposition de la DUDH, le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques vient renchérir cette
protection. Il s'agit de l'article 17 qui dispose que : « Nul ne sera
objet d'immixtions arbitraires et illégales dans sa vie
privée, sa famille ou son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes
illégales à son honneur ou à sa
réputation...»45
Contrairement à la DUDH, le Pacte ajoute l'idée
d'immixtions illégales à celles d'arbitraires. Par
conséquent, l'avènement du Pacte étend la portée
des mesures protectrices tout en gardant dans ses principes directeurs le
caractère objectif des droits de l'homme dont jouissent les individus
par la seule qualité de personne humaine. Signalons tout de même
que cette différence est peut-être plus conséquente par
nature mais elle n'a pas été testée par la
jurisprudence.
Il est aussi important de mentionner dans ce cadre, le
protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques adopté et ouvert à la signature, à la
ratification et à l'adhésion par l'Assemblée
générale dans sa résolution 2200A(XXI) du 16
Décembre 1966, entrée en vigueur le 23 mars 1976,
conformément aux dispositions de l'article 9 et ratifié par la
République Démocratique du Congo le 1er Novembre
1976.
Il est vrai que par leurs engagements, les Etats parties
à ce Protocole dont la République Démocratique du Congo,
ont considéré que pour mieux assurer l'accomplissement des fins
du Pacte et l'application de ses dispositions, il conviendrait d'habiliter le
Comité des droits de l'homme constitué aux termes de la
quatrième partie du Pacte (ci-après dénommé le
comité), à recevoir et à examiner, ainsi qu'il est
prévu dans le Protocole des communications émanant de
particuliers qui prétendent être victimes d'une violation d'un des
droits énoncés dans le Pacte.46
Ainsi, tout Etat partie au Pacte qui devient partie au
Protocole reconnait que le Comité a compétence pour recevoir et
examiner des communications émanant des particuliers
44 Article 12 de la Déclaration Universelle des
droits de l'homme de 1948
45 Article 17 du pacte relatif aux droits civils et
politiques
46 Voir considérant du protocole facultatif se
rapportant au pacte relatif aux droits civils et politiques
17
relevant de sa juridiction qui prétendent être
victimes d'une violation par cet Etat partie, d'un quelconque des droits
énoncés dans le Pacte47 ce qui offre la
possibilité à tout congolais, victime de violation de sa vie
privée, de saisir par écrit, après épuisement des
recours internes, le Comité pour que ce dernier puisse analyser sa
communication.
Le Comité ainsi institué a clairement
mentionné dans son Observation générale sur l'article 17
que la protection du droit au respect de la vie privée doit être
garantie «contre toutes ces immixtions et atteintes, qu'elles
émanent des pouvoirs publics ou des personnes physiques ou
morales».48 L'observation générale du
Comité ne fournit néanmoins guère d'indications sur la
signification des mots « arbitraire » et «vie
privée ». Concernant la notion d'arbitraire, le comité
estime qu'une immixtion prévue par la loi pouvait être arbitraire
et que toute immixtion prévue par la loi devrait être
«conforme aux dispositions, aux buts et aux objectifs du Pacte f...]
et dans tous les cas raisonnables eu égard aux circonstances
particulières ».49 En définitive, cela donne
très peu d'indicateurs sur ce qui peut être
considéré comme "arbitraire" bien que cela interdise au
moins les immixtions dans la vie privée prévues par les lois
contraires aux buts du Pacte ou déraisonnables.
La jurisprudence du Comité dans ce domaine est aussi
limitée. Dans l'affaire Hulst c. Pays bas, le Comité a
dû déterminer si l'interception des appels
téléphoniques de l'auteur, un avocat, qui avaient
été utilisés pour le déclarer coupable d'un crime,
représentait une intrusion injustifiée dans sa vie privée.
En statuant qu'il n'y avait pas eu immixtion, le comité a cité
les normes notées ci-dessus dans son observation générale
et jugé que l'immixtion était autorisée par la loi et
raisonnable.50
B. LE DROIT REGIONAL
Le système juridique régional n'est pas
resté muet au sujet du droit à la vie privée. Ce droit est
protégé autant par la Charte Africaine des droits de l'homme et
des peuples (1) que par d'autres instruments régionaux (2).
1. La Charte Africaine des droits de l'homme et des
peuples
Aucune disposition précise de la Charte n'invoque
explicitement la protection de la vie privée ou le droit au respect de
la vie privée. Néanmoins, dans la pratique de la Cour Africaine
des droits de l'homme (CADH), on situe deux aspects distincts. D'abord
47 Article premier du protocole facultatif
48 Observation générale n°16 :
Article 17 (Droit au respect de la vie privée), in office of the
commissionner for Human right, Vol I, 32e session,
adoptée le 8 Aout 1988, par. 1
49 Ibidem, par. 4
50 Communication n° 903/1999, 1er
novembre 2004
18
l'affirmation du principe de l'indivisibilité des
droits de l'homme mais aussi la théorie des droits implicites,
c'est-à-dire la lecture des droits non expressément prévu
à travers d'autres droits. Ainsi par exemple, la Déclaration de
Pretoria sur les droits économiques, sociaux et culturels
considère que le droit à la santé énoncé
à l'article 16 de la charte implique directement le droit à
l'alimentation, le droit à l'éducation et le droit d'accès
à l'information sur les problèmes de santé, l'accès
à l'abri, c'est-à-dire le droit au logement quoique non
expressément prévu par la Charte.51 C'est ainsi,
qu'à l'article 5, la charte dispose : «Toute personne a droit
au respect de la dignité inhérente à la personne
humaine...» et l'article 6 qui poursuit en ces termes :
«Tout individu a droit à la liberté et à la
sécurité de sa personne...» Or, il est tout à
fait clair que la question de vie privée suppose en grande partie les
valeurs sentimentales, de santé, de correspondance, d'image, de
réputation, d'honneur, de profession,...Bref, tout ce qui a trait
à la dignité de la personne humaine et à la liberté
qui en découle. Voilà pourquoi, à la lumière des
avancées de la Charte notamment avec la théorie des droits
implicites, on peut, sous une interprétation téléologique,
lire le droit au respect de la vie privée dans ces dispositions
protégeant la liberté et la dignité de la personne
humaine.
2. Autres instruments régionaux
Les activités régionales favorisent l'apparition
d'un bon nombre de nouvelles lois de protection. Il en est ainsi de la CEDEAO
(A) et de la CEEAC (B) par exemple.
A. LA CEDEAO
Dans le souci d'adapter la législation régionale
aux nouvelles données, la CEDEAO a adopté une loi sur la
protection des données relativement solide, qui réaffirme le
droit humain fondamental à la protection de la vie privée en vue
d'une harmonisation des systèmes juridiques. Cette loi adoptée
à Abuja le 16 février 2010, répond aux enjeux
créées par les technologies comme internet grâce auxquelles
il est facile d'établir le profil des personnes et d'en faire le suivi
et par l'utilisation croissante des technologies de l'information et des
communications (TIC) susceptibles d'entraîner les atteintes à la
vie privée et professionnelle des utilisateurs.52
51 Déclaration de Pretoria sur les droits
économiques, sociaux et culturels, par.6 disponible sur
http://www.achpr.org/fr/instruments/pretoria-declaration/
Consulté le 24 Aout 2015
52Supplementary Act A/SA. 1/01/10 sur la protection
des personnelles au sein de la CEDEAO, 37ème session de
l'autorité des chefs d'Etat et de gouvernement, Abuja, 16 février
2010
19
B. LA CEEAC
En prenant en compte les évolutions nationales et
internationales et se fondant non seulement sur une évaluation critique
des législations des Etats membres et des conventions internationales en
matière de cyber sécurité mais aussi des interventions et
pratique règlementaire en vigueur dans les Etats membres, la CEEAC a mis
en place un Projet de loi-type relatif respectivement à la protection
des données à caractère personnel, à la vie
privée sur internet, aux transactions électronique et à la
lutte contre la cybercriminalité. Ce projet de loi- type a
été discuté et validé avec un large consensus par
les Etats membres.53 Il s'est tenu d'une part à Libreville au
Gabon, du 28 Novembre au 02 Décembre 2011 et d'autre part du 16 au 18
juillet 2012 à Douala, au Cameroun. Ce projet ainsi validé,
implique la mise en place d'un régime spécifique adapté
aux particularismes de chaque Etat.
C. DROIT INTERNE
La principale disposition relative à la protection de
la vie privée en droit congolais est l'article 31 de la constitution de
la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 tel
que modifiée à ce jour qui stipule : «Toute personne a
droit au respect de sa vie privée et au secret de sa correspondance, de
la télécommunication ou de toute autre forme de communication. Il
ne peut être porté atteinte à ce droit que dans les cas
prévus par la loi».
Comme nous pouvons le remarquer, la protection qu'offre cette
disposition est certes un acquis s'agissant du droit à la vie
privée. Cependant, la protection véritable d'un droit ne peut
être assurée que s'il a été aménagé
par la loi. C'est pour autant vrai que «les principes constitutionnels
sont souvent trop larges ou trop généraux pour pouvoir impliquer
une protection immédiate et seul l'aménagement législatif
est susceptible d'apporter ici les garanties
nécessaires».54
Pour cette raison, il importe de scruter la législation
congolaise interne pour vérifier les prévisions sur le terrain du
droit à la vie privée. Le décret du 30 janvier 1940
portant Code pénal contient les dispositions qui paraissent aptes
à protéger d'une manière générale, la vie
privée. C'est notamment le cas de toutes les dispositions qui
répriment la violation du domicile, la violation du secret de
correspondance, la violation du secret professionnel,... (Articles 69 à
75). On retrouve également parmi ces lois, la loi n°96-002 du 22
juin 1966 protégeant la liberté de presse spécialement aux
dispositions qui régissent les délits de presse,
53 Cybersécurité : Projet de loi-type
de la CEEAC, harmonisation des politiques en matière des TIC en Afrique
Subsaharienne, Juillet 2012 disponible sur
http://www.proshareng.com
consulté le 13 Mai 2015
54 Centre d'étude européenne
(Université catholique de Louvain, Département des droits de
l'homme), Vers une protection efficace des droits économiques et
sociaux, Bruxelles, Bruylant, 1973, p37
20
le droit de réponse, la réplique, la
rectification,... (Articles 37-43, 67-75, 79) ; le décret du 6
Août 1959 portant Code de procédure pénale tel que
modifié à ce jour avec les dispositions régissant
l'enquête préliminaire, l'instruction préparatoire et
l'instruction à l'audience. (Articles 1 à 10, 11 à 51, 71
à 79) et la loi-cadre n°013/2002 du 16 Octobre 2002 sur les
télécommunications en République Démocratique du
Congo spécialement aux articles 49, 52, 53, 54,55, 71 et 72 interdisant
les écoutes et interceptions non justifiées des
communications.
D. CARACTERE NON ABSOLU DU DROIT A LA VIE
PRIVEE
Il est important de mentionner que le droit à la vie
privée n'est pas un droit absolu55comme il ressort des
analyses faites précédemment. Ce droit peut être
limité, entre autres choses par les nécessités du maintien
de l'ordre ou par les droits d'autrui (notamment le droit des recherches,
obtenir et communiquer des informations et des idées, soit ce qui
constitue la liberté d'expression). Les garanties offertes par la
constitution et les textes qui protègent ce droit en tiennent compte.
Ainsi, pour préserver le fondement du droit à la vie
privée, la constitution trace une limite (légale) à toute
restriction de ce droit.
Le caractère non intangible du droit à la vie
privée réside dans la possibilité de restriction que les
lois qui le protège autorisent. Généralement, dit Toby
MENDEL, on admet universellement les restrictions qu'à trois conditions,
à savoir qu'elles soient prévues par la loi, qu'elles
protègent l'un des droits qui sont énumérés et
qu'elles constituent des mesures nécessaires dans une
société démocratique pour la protection de ces
droits.56 Voilà pourquoi dans l'affaire Kruslin c. France
sur l'interception des communications téléphoniques, la CEDH
a retenu qu'il y avait atteinte grave au respect de la vie privée en se
fondant sur le fait que les raisons de cette restriction n'étaient ni
accessibles, ni précises, ni prévisibles et encore moins,
nécessaires.57 En clair, les restrictions apportées
à un droit fondamental, à l'instar de la vie privée
doivent être entourées des garanties et donc d'un encadrement
juridique pour assurer la transparence par le contrôle
démocratique (prévu par la loi) et éviter l'arbitraire ou
la discrimination.
Il se remarque cependant qu'au fil du temps, le contenu de ce
qui constitue la vie privée subit des fluctuations à la suite de
diverses évolutions. Pourtant, il demeure vrai que la protection de la
vie privée est fondée sur des textes juridiques. C'est cela
d'ailleurs l'explication traditionnelle. Ainsi donc, à l'ère de
la mondialisation où les violations
55 Toby MENDEL, Op cit., p. 120
56 Ibidem, p. 121
57 Voir CEDH/Arrêt Kruslin C. France-
24/04/1990 cité par SEGIHOBE BIGIRA J-P, Cours de droits humains,
inédit, UNIGOM, 2014-2015
21
s'accentuent de plus en plus, penser à recoudre ce
secteur apparaît comme une nécessité, si pas une
priorité. C'est dans cette idée qu'il sera question d'exposer
dans les lignes qui suivent les différents faits, situations,
circonstances, éléments et motivations qui font repenser à
la nécessité de tourner un regard particulier sur la protection
de la vie privée.
Section II : LA PROTECTION DE LA VIE PRIVEE A L'ERE
DES
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Les moyens technologiques de surveillance, de communication et
d'information constituent des véritables armes de destruction massive de
la vie privée et du coup, fatalement de la démocratie et bien
entendu de l'Etat de droit. Déjà en 1990 dans l'arrêt
Duarte, le juge LAFOREST de la Cour de cassation française faisait
cette importante mise en garde : « La surveillance électronique
et les moyens technologiques modernes sont à ce point efficace qu'ils
rendent possible, en l'absence de réglementation,
l'anéantissement de tout espoir que nos communications et nos secrets
restent privés. Une société nous exposant, au gré
de l'Etat, au risque qu'un enregistrement électronique permanent soit
fait de nos propos chaque fois que nous ouvrons la bouche, disposerait
peut-être d'excellents moyens de combattre le crime, mais serait une
société où la notion de vie privée serait vide de
sens.»58
Les défis spécifiques posés par le
progrès technologiques a fait que la notion du droit au respect de la
vie privée soit de plus en plus remise en question au fil des
années. Ces défis se présentant sous diverses formes, il
est important de les analyser selon qu'il s'agit de ceux posés par
l'informatique, l'internet, les réseaux et la téléphonie
(§1) d'une part, et ceux posés par l'éclatement des
médias (§2) d'autre part.
§1. L'INFORMATIQUE, L'INTERNET, LES RESEAUX, LA
TELEPNONIE ET LA VIE PRIVEE
L'apparition de l'informatique et de l'internet (1), des
réseaux sociaux (2) et de la téléphonie mobile (3) a
changé la nature des problèmes posés par la notion de vie
privée. Si l'informatisation des données a été
généralement considérée comme un progrès,
elle s'est aussi accompagnée de dangers liés à la
possibilité pour autrui ou un pouvoir institué ou même un
fournisseur de service d'avoir un accès non contrôlé aux
informations de nombreuses personnes.
58 ANNE PINEAU, Op cit, R. C/ Duarte, 1990, 1RCS,
30
22
1.1. L'INFORMATIQUE ET L'INTERNET
Les réseaux informatiques et notamment l'internet
introduisent des nouvelles pratiques également susceptible de porter
atteinte à la vie privée. Chaque individu est
répertorié dans une multitude des fichiers informatiques et de
réseaux, de la sécurité sociale, du fisc, de la banque et
beaucoup d'autres. Les réseaux de télécommunication
désormais sans limite de distance, de capacités ni de temps
assurent immédiatement une publicité mondiale à la moindre
affaire ou moindre scandale. En 1999, les frasques du Président des
Etats-Unis avec une jeune stagiaire ont été connues dans tous
leurs détails et immédiatement, partout dans le monde. Les
transactions commerciales sur l'internet permettent d'accumuler sur chaque
client une série de données capable d'en définir le
«profil», c'est-à-dire les goûts et les habitudes
d'achat. Au rebours de la tradition qui veut que l'actualité d'un fait
s'atténue avec le temps, la mémoire devient permanente. Toute
donnée enregistrée peut être stockée pour
l'éternité et réutilisée à tout moment.
Toutes ces techniques, en réduisant les protections naturelles de la vie
privée ont fait de l'internet une importante source d'information et par
là un élément majeur dans la facilitation de violation de
la vie privée.
Il est vrai, et nous l'avons dit, l'internet permet de rendre
accessibles à tous les internautes du monde entier des informations
et/ou des images mais il est aussi vrai que pour la plupart, ces informations
et/ou ces images sont de nature à porter atteintes à la vie
privée des personnes célèbres ou inconnues. A l'exemple du
propriétaire du café de BESANCON qui avait en Janvier 1996 mis
à la disposition du public via internet, «le grand
secret», l'ouvrage sur la maladie du Président Mitterrand
publié par son médecin le Docteur GUBLER qui venait d'être
interdit par une décision de justice.59
Les atteintes à la vie privée ou au droit
à l'image par la diffusion d'images sur le net sont certainement celles
qui sont les plus courantes et les plus spécialement spectaculaires.
Généralement, ce sont des photos de personnalités en tenue
d'Eve qui sont ainsi mises à l'insu de celles-ci sur le net comme on
peut simplement le constater en ouvrant juste les pages de publication de
certains groupes crées sur des réseaux sociaux dont les membres
ne sont pas forcément connus.
Parler de «vie privée» sur un espace public
paraît presque incohérent mais pourtant bien réel. Ces
nouveaux usages laissent sur la toile de nombreuses données
caractérisant la
59 Ord. Réf. Du 18 janvier 1996, conf. en appel
CA 1ère ch., 13 mars 1996, 1, J162, obs. B. GIZARDIN
Cité par André BERTRAND, op cit. , p 128
23
vie privée des internautes qui permettent de les rendre
célèbres en quelques clics seulement ! Ainsi, les deux mondes
s'entrecroisent pour ne former plus qu'un. Alors que certains obstacles du
« monde réel» ont pu être sanctionnés, ils
peuvent désormais être contournés dans « le monde
virtuel». L'exemple du livre du Docteur GUBLER sur la santé du
Président MITTERRAND paraît être le mieux pour illustrer
cela. Alors que sa publication avait été interdite, ce livre fut
numérisé et mis en ligne sur internet peu de temps
après.
Les opinions et/ou les comportements des internautes sont
identifiables et peuvent être enregistrés notamment pour la
création de bases des données comportementales à des fins
marketings, dès lors que les utilisateurs participent à des
forums de discussion thématiques ou qu'ils commandent des produits ou
des services via le réseau. Quelquefois, ces enregistrements ont lieu de
manière plus critiquable par l'accès aux fichiers de connexion ou
par l'inscription de cookies par les sites internet sur les terminaux des
utilisateurs si ce n'est même par interception illicite de courriers
électroniques.
En outre, il se pose encore un problème actuellement
avec l'informatique dit « en nuage ». Il s'agit en fait d'un
développement relativement récent dans lequel des volumes
croissants des données, y compris des données personnelles sont
stockées dans un nuage en ligne.60 Lors du stockage, les
données personnelles sont transmises sur internet, ce qui constitue
déjà un risque pour le contrôle individuel sur ces
données. Une fois les données stockées dans ce nuage, ces
risques subsistent, par exemple, un fournisseur de nuage peut sans en avertir
un usager, déplacer les informations de celui-ci d'une juridiction
à une autre, d'un fournisseur à un autre ou d'une machine
à une autre.61 De plus, les données personnelles des
usagers dans le nuage peuvent subir des modifications dynamiques en termes de
service car une entreprise de l'internet se réserve toujours le droit de
modifier les conditions ou les politiques de confidentialité sans
limitation.
De toute évidence, l'internet pose problème de
par son caractère transfrontalier mais, bien qu'il faut
considérer l'internet comme un monde sans frontière, constatation
qui n'est en rien remise en cause, penser avec un grand «P» pour
assurer la protection de la vie privée dans un monde aux rêves
utopiques tant au niveau international qu'au niveau national n'est pas
impossible. Voilà pourquoi au stade actuel des choses, la
nécessité d'une réglementation spéciale
introduisant tant soit peu des nouveaux concepts juridiques s'avère
être de mise.
60 Toby Mendel et Alii, op cit. , p. 33
61 Ibidem, p. 34
24
S'il demeure tout aussi clair que les évolutions
technologiques sont généralement bénéfiques pour la
société, elles n'en ont pas moins accru les risques en
matière de protection de la vie privée. Dans un environnement
mondialisé, le traitement de données à caractère
personnel ne cesse de progresser. Assurer la libre circulation des
données personnelles tout en garantissant le niveau de protection des
droits des personnes est une exigence toujours plus forte. C'est pour cette
raison qu'il apparaît nécessaire de repenser le processus
d'évaluation du caractère adéquat de la protection.
La menace reste présente. Il revient donc à
l'Etat de par ses obligations principales en matière des droits de
l'homme d'envisager une bonne fois pour toute des mesures palliatives
durables.
1.2. LES RESEAUX SOCIAUX
Il n'est plus un secret de constater et d'affirmer
actuellement que les atteintes à la vie privée sont
facilitées par la toile des réseaux sociaux.62 S'il
est vrai que Facebook pourrait bien avoir réussi à devenir
irremplaçable pour beaucoup de ses usagers, cela a des implications
substantielles pour la confidentialité sur l'internet.63
En effet, les usagers sont vulnérables aux
modifications unilatérales apportées par Facebook et aussi par
d'autres réseaux sociaux à leurs politiques et pratiques en
matière de confidentialité. Les usagers sont si captifs des
réseaux sociaux que même s'ils désapprouvent dans le fond
leurs politiques de confidentialité, ils ne risquent pas de quitter le
réseau. Cela augmente substantiellement le pouvoir des réseaux
sociaux sur la vie privée de leurs usagers.
Comme pour le moteur de recherche comme Google, le
modèle d'affaire des réseaux sociaux est fondé sur la
publicité et il n'y a pas de relation financière directe entre
les usagers des réseaux sociaux et ces réseaux eux-mêmes.
Toutefois, les réseaux sociaux poussent cette logique plus loin que le
moteur de recherche étant donné que les contenus qu'ils
produisent sont aussi des contributions des usagers. Comme presque tous les
contenus fournis par les usagers des réseaux sociaux sont des
informations personnelles et des données privées, il ne
paraît pas déraisonnable de penser que les usagers des
réseaux sociaux échangent leurs données privées
contre un service financier gratuit. Il existe pourtant des relations
financières contractuelles entre les réseaux sociaux et leurs
partenaires de publicité, qui sont responsables du financement du
réseau. En conséquence, les réseaux sociaux sont du point
de vue
62 Maître HADDAD SABINE, les réseaux
sociaux et les atteintes à la vie privée : Fondements juridiques
pour poursuivre (I), in «Lega vox», 2011, p 2
63 Toby MENDEL et Alii, Op cit. p. 37
25
commercial naturellement incités à constamment
améliorer le ciblage de leur publicité à l'aide des
données personnelles de leurs usagers. Il peut y avoir d'autres moyens
de générer des recettes au sein des réseaux sociaux par
des modèles d'abonnement ou de transactions, mais le gros des recettes
de la plupart des grands réseaux continue à provenir de la
publicité.64 En conséquence, les données
personnelles des usagers des réseaux sociaux sont toujours la monnaie
clé, une masse critique qu'il faut obtenir pour que les réseaux
sociaux demeurent profitables.
On fait souvent valoir que les usagers des réseaux
sociaux consentent explicitement à ces utilisations des données
personnelles dans les conditions de service et politique de
confidentialité.65 Il se peut que cet argument dégage
la responsabilité juridique des réseaux sociaux, mais un
consentement éclairé ou de fond présupposerait que les
usagers soient conscients de la politique de confidentialité, capable de
comprendre le langage juridique complexe employé dans ces politiques,
disposés à prendre le temps de lire des politiques et capable
d'accepter certaines parties de la politique de confidentialité tout en
rejetant d'autres. Cependant, même si les usagers agissent ainsi, les
politiques de confidentialité peuvent être modifiés
à tout moment, ce qui fait que même l'usager le mieux
informé est vulnérable aux modifications soudaines, inattendues
et unilatérales apportées à la politique de
confidentialité par les fournisseurs des réseaux sociaux.
Dans toutes les recherches effectuées pour ce travail,
cette dimension d'organisation interne au sein des réseaux sociaux n'a
cessé de réapparaître comme un obstacle majeur à la
mise en place de protections plus efficace à la vie privée des
usagers.
1.3. LA TELEPHONIE MOBILE
L'explosion de l'utilisation de l'internet au
21ème siècle a contribué à beaucoup des
préoccupations actuelles concernant la confidentialité, la
protection des données et de la vie privée sur les réseaux
de téléphonie mobile.
En comparaison avec les communications sur ligne fixe, les
communications mobiles présentent plusieurs attributs qui ont un effet
négatif sur la confidentialité. Ces attributs comprennent le
numéro international unique d'identification d'appareil (IMEI) et le
numéro unique de la carte SIM (IMSI), l'aptitude à
déterminer régulièrement la localisation
géographique des appareils mobiles et l'aptitude des tiers à
intercepter les communications mobiles sans fils lors de leur transmission. Ces
préoccupations pour la confidentialité qui
64 NDUKUMA ADJAYI KODJO, Cyberdroit : telecoms,
internet, contat de E-Commerce. Contribution au Droit congolais, Kinshasa,
PUC, 2009, p 76
65 Toby MENDEL et Alii, Op cit. p. 40
26
concernent spécifiquement l'internet mobile et les
communications sur téléphone portable doivent toutes être
prises en considération en sus des préoccupations existantes pour
la confidentialité sur internet.
Au-delà des préoccupations spécifiques
pour la confidentialité concernant les réseaux mobiles eux
même, les Smartphones posent plus de problème de
confidentialité que les téléphones mobiles moins
intelligents. Les Smartphones sont généralement utilisés
comme appareils de l'internet mobile et sont habituellement capables de
transférer des quantités beaucoup plus grande des données
que les téléphones mobiles ordinaires grâce à ce
qu'on appelle aujourd'hui les réseaux mobiles de deuxième (2G),
troisième (3G) et quatrième (4G) génération. Cela
veut dire qu'ils sont aussi capables de transférer beaucoup plus de
données personnelles sur l'internet public qu'un téléphone
mobile ordinaire. De plus, ces téléphones sont conçus pour
être constamment connectés à l'internet. Plus encore,
divers services sont intégrés dans les Smartphones qui envoient
régulièrement des informations sur l'internet souvent à
l'insu de l'utilisateur du téléphone.
S'il est fréquemment présumé que ces
préoccupations ne s'appliquent qu'aux téléphones
intelligents (Smartphones), elles s'appliquent aussi tout autant à tout
appareil mobile capable d'accéder à l'internet via les
réseaux de téléphonie mobile. Ainsi, il faut prendre en
considération ces préoccupations en tenant compte de la
confidentialité dans le monde en développement et le monde
développé pour tout appareil capable d'accéder à
l'internet. Elles s'appliquent aussi bien pour un agriculteur de Rusthuru qui
envoi des courriels à sa famille sur un vieux Nokia qu'à un
avocat d'affaire de Bruxelles qui se sert d'un IPhone pour contacter son
client.
Comme dans le cas des réseaux sociaux, les concepteurs
des téléphones et des plates-formes de l'internet mobile trouvent
un intérêt commercial à obtenir le maximum d'informations
personnelles de leurs usagers. Plus ils en savent sur leurs usagers, plus
rentable a des chances d'être la publicité ciblée sur les
plates-formes de l'internet mobile et le marque de téléphone,
surtout que la grande partie des données collectées sur les
téléphones intelligents (Smartphones) est stockée sur le
téléphone pendant une durée non spécifiée et
l'usager n'a guère de contrôle sur leur existence ou leur
suppression ce qui suppose que si le téléphone est perdu,
volé ou simplement pris à son propriétaire, les
implications pour sa vie privée se relève grave encore que pour
le concepteur, l'accès aux données lui est facile par un simple
clic seulement.
C'est en fait le cas d'un Cabinet d'assistance judiciaire de
la ville de GOMA qui est saisi d'un cas de ce genre : un homme demande à
son ami de lui transférer une chanson par
27
Bluetooth. Confiant en lui, l'ami lui passe son
téléphone. Ironie du sort, plutôt que de se limiter
à l'objet de sa demande, le Monsieur en profite pour se
transférer des données supplémentaires se trouvant dans la
carte mémoire de son ami et en particulier ses appels
téléphoniques. Il en a sélectionnés ceux
passés avec des femmes, pour lesquels il fait actuellement une large
diffusion pour diffamer son ami [...] la victime a consulté le cabinet
pour initier une procédure judiciaire contre son ami...66
Outre le problème posé par l'informatique,
l'internet, les réseaux et la téléphonie, la
prolifération des médias constitue, elle aussi un danger assez
fort en ce qui concerne la vie privée des individus. L'ingérence
des médias dans la sphère privée devient de plus en plus
remarquable qu'elle déclenche un débat qu'il convient
d'analyser.
§2. LES MEDIAS ET LA VIE PRIVEE
L'irruption de la vie privée dans le champ
médiatique est actuellement générale : les
émissions de téléréalité, l'actualité
politique, l'image, la starisation,67... Tout un chacun,
personnalité en vue ou simple citoyen anonyme, expose à son insu
ou de son plein gré, faits et gestes qui oscillent en permanence entre
sphère privée et sphère publique.
Le rôle de la presse est d'informer les citoyens pour
leur permettre de juger. Il est aussi d'obliger les gouvernants à agir
dans la transparence et de les aider aussi à éviter certaines
tentations du pouvoir. Au nombre de ces valeurs, figure la protection de la
personnalité d'autrui, notamment l'obligation de respecter la vie
privée de l'individu admise comme l'une des limites possibles à
la liberté de la presse. En effet, la frontière vie publique et
vie privée est souvent confuse. L'équilibre entre presse et vie
privée dépasse ainsi la protection des personnes pour devenir un
délicat enjeu de société et mettre en cause les
libertés et le fonctionnement même de la démocratie.
C'est dans ce cadre que le CDH conclu dans Mosley C.
Royaume-Unis ; affaire qui avait trait à la publication de
photographies privées de Max Mosley, alors Directeur de la
fédération internationale de l'automobile, se livrant à
des activités à caractère sexuel sous le titre « le
patron de la F1 participant à une sinistre orgie nazie avec cinq
prostituées », que le R-U a, à travers ce journal bel et
bien violé la vie privée et a porté atteinte à l'
honneur et à la
66 Source orale privée, obtenue le 21 Septembre
2015 à 14h 30
67 Christophe BIGOT, Médias et vie
privée : Problèmes politiques et sociaux, questions de
communications, 2011, p 347
28
réputation de Mosley parce que le journal
s'était trompé en évoquant une soirée sur le
thème « Nazi », ce qui en aurait fait une affaire
publique.68
L'équilibre entre médias et vie privée
est un problème de société dont la complexité
croissante résulte des techniques nouvelles, des pratiques commerciales
des médias et de ce qu'il est convenu d'appeler les politiques de
communication.69
En droit congolais, la liberté de la presse
étant une composante de la liberté d'expression est garantie par
la constitution. A l'article 23, la constitution congolaise dispose :
«Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce
droit implique la liberté d'exprimer ses opinions ou ses convictions
notamment par la parole, l'écrit et l'image, sous réserve du
respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs ». En
outre, l'article 8 de loi n°96-002 du 22 juin 1996 fixant les
modalités d'exercice de la liberté de la presse envisage cette
liberté comme le droit d'informer, d'être informé, d'avoir
ses opinions, ses sentiments et de les communiquer sans aucune entrave quel que
soit le support utilisé, sous réserve du respect de la loi, de
l'ordre public, des droits d'autrui et des bonnes moeurs.70 La
liberté de la presse est généralement admise comme une
condition nécessaire pour l'exercice des autres libertés liant le
caractère précieux de cette liberté à la profession
de ceux qui la mettent en branle. Mais alors, si le principe de la
liberté d'expression, qui comporte aussi bien le droit pour les
médias de diffuser des informations que celui pour le public d'en
recevoir, n'a pas une valeur absolue, ses limites doivent néanmoins
présenter un caractère exceptionnel.
La presse est en fait voué à lever les secrets.
Sa raison d'être est bien évidement de divulguer ce qui peut
rencontrer l'intérêt du public. Voilà pourquoi il est
établi que la presse est libre. Mais, cette liberté se heurte
inévitablement à la protection de la vie
privée.71
Cependant, les nouvelles techniques de communications
réduisent l'espace de la vie privée. Les médias disposent
eux-mêmes de nouvelles techniques d'accès très puissantes.
Des téléobjectifs captent sans peine l'image de la veuve du
Président KENNEDY à la plage ou les ébats imprudents de
jeunes princesses monégasques. Des microphones hypersensibles
enregistrent des conversations dans les lieux clos. Des confidences
téléphoniques sont surprises sans peine. Le traitement
numérique de documents écrits, d'images ou de sons
68 Comité des droits de l'homme, Mosley c.
Royaume-unis (Article 17-Droit à la vie privée) Rév. Trim.
Drh(55/2003)
69 Christophe BIGOT, Op cit., p.345
70 Article 8 de loi n°96-002 du 22 juin 1996 sur
les modalités d'exercice de la liberté de la presse
71 Henri PIGEAT, Presse et vie privée in «
Groupe d'études société d'information et vie
privée », chap.12 disponible sur
http://www.asmp.fr consulté le
04 Février 2015
29
permet de généraliser des facilités de
montages connues depuis longtemps dans la vidéo. Au prix de
manipulations diverses et des copies plus ou moins diverses, la
vérité des documents devient aléatoire et la vie
privée des personnes en souffre. La problématique de la presse
électronique met en péril l'efficacité de la protection de
la vie privée en ce qu'elle dénote d'une grande difficulté
sur la preuve des délits.
Les nouvelles techniques de communications ont
également favorisé la multiplication de nouveaux médias,
radio, télévision, services en lignes de plus en plus
spécialisés. La liberté d'expression y gagne
généralement dans un premier temps. Il n'est pas certain qu'il en
aille de même pour la qualité de l'information. Ce qui explique
très souvent des ingérences inexpliquées dans la vie
privée des individus. Dès lors, la surexposition
médiatique de la sphère privée fait écho à
une pratique juridique contrainte à mesurer et délimiter le point
d'équilibre entre «le droit à la vie privée » et
« le droit à l'information ».
Face aux problèmes que pose l'éclatement des
technologies de l'information et de la communication (TIC) sur le droit
à la vie privée des personnes, il se dégage une
nécessité de s'interroger sur les obligations spécifiques
des Etats, en l'occurrence la RD Congo (II. a) dans la recherche des garanties
accordées à ce droit. Cependant, le droit à la vie
privée étant relatif au regard des diversités culturelles
et sociologiques propre à chaque Etat, les mesures protectrices peuvent
se présenter différemment. C'est pourquoi, il importe de passer
au peigne la vie privée en droit comparé (II. b) pour interroger
les prévisions des législations étrangères sur
cette question.
II. A. LES OBLIGATIONS SPECIFIQUES DE LA REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO DANS LA MISE EN OEUVRE DU DROIT A LA VIE
PRIVEE
Le droit international relatif aux droits de l'homme
énonce les obligations que les Etats sont contraints de respecter.
Ainsi, en devenant partie aux traités internationaux en l'occurrence la
DUDH et le Pacte, la République Démocratique du Congo s'est
engagée à respecter (A), protéger (B) et réaliser
(C) les droits de l'homme.
A. L'obligation de respecter
L'obligation de respecter appelée aussi obligation
négative signifie que l'Etat doit se retenir ou s'abstenir de toute
immixtion illégale dans un droit garantit aux individus sans respecter
certaines conditions. Cette obligation contraint l'Etat Congolais à
adopter une
30
attitude passive et à ne pas intervenir. L'adjectif
« illégale » signifie qu'aucune immixtion ne peut avoir lieu,
sauf dans les cas envisagés par la loi.72 Les immixtions
autorisées par l'Etat ne peuvent, elle aussi, avoir lieu qu'en vertu
d'une loi qui doit être conforme aux dispositions, aux buts et aux
objectifs du pacte. S'agissant du droit à la vie privée, l'Etat
congolais doit donc s'abstenir lui-même d'agissements non conforme et
s'assurer que les autres entités ne s'y livrent. Le devoir de respect
donne donc aux titulaires du droit à la vie privée (toute
personne), la possibilité de se défendre contre l'Etat.
B. L'obligation de protéger
L'obligation de protéger appelée obligation de
prévention ou obligation positive, exige à la République
Démocratique du Congo d'empêcher les violations par d'autres
intervenants, d'un droit reconnu aux individus. Cette obligation dite de
prévention est violée si le résultat n'est pas atteint et
les mesures adoptées ne sont pas suffisantes. A cet égard, le
Comité des droits de l'homme de l'ONU dans son observation
générale n°16 sur l'article 17 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, tient à faire observer que les
parties au pacte (dont la RDC) sont tenues en considération de l'article
17, protéger les individus contre les immixtions illégales et
arbitraires. Cela signifie que c'est précisément dans la
législation des Etats qu'il faut avant tout prévoir la protection
des droits énoncés dans cet article.73
En s'abstenant a priori d'être à la base de ces
violations, l'Etat congolais doit s'assurer que les perquisitions domiciliaires
soient limitées à la recherche des éléments de
preuve nécessaires et que celles-ci ne donnent pas lieu à des
vexations, que la surveillance par des moyens électroniques ou autres,
que l'interception des communications téléphoniques,
télégraphiques ou autres, l'écoute et l'enregistrement des
conversations soient interdits, que les fouilles soient faites d'une
manière compatible avec la dignité de la personne qui en est
l'objet,... Dans tous les cas mentionner, ce ne sont que des mesures efficaces
prises au préalable qui doivent s'assurer que ces interdictions ont bel
et bien été prises en compte dans la pratique.
C. L'obligation de réaliser
Les Etats sont tenus de garantir les droits de l'homme,
c'est-à-dire de veiller à ce que ceux-ci deviennent le plus
possible une réalité pour leurs titulaires. Cela
nécessite, selon les
72 Observation générale n°16 :
Article 17 (Droit au respect de la vie privée), in office of the
commissionner for Human right, Vol I, 32e session,
adoptée le 8 Aout 1988, par. 2
73Ibidem, par. 2
31
circonstances, des mesures légales ou administratives
qui créent les conditions juridiques, institutionnelles et
procédurales nécessaires pour que le droit puisse être
pleinement réalisé.74
L'article 17 du pacte prévoit le droit de toute
personne à être protégée contre les immixtions
arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son
domicile et sa correspondance ainsi que contre les atteintes illégales
à son honneur et à sa réputation.75
Les obligations imposées par cette disposition exigent
à la RD Congo l'adoption des mesures d'ordre législatif ou
autres, destinés à rendre effective l'interdiction des immixtions
et atteintes à la protection de ce droit. L'Etat congolais doit donc
elle-même s'abstenir d'agissements non conformes et créer le cadre
législatif nécessaire pour empêcher que des personnes
physiques ou morales ne s'y livrent.76 Voilà pourquoi le
comité estime fondé le fait que doivent figurer dans les
rapports, des renseignements sur les autorités et organes prévus
par le système juridique interne du pays qui ont compétence pour
autoriser les immixtions admises par la loi.
La RD Congo est donc tenue à mettre en place des
mesures compatibles avec les obligations inhérentes à la
Déclaration et au Pacte. Le système juridique national servira
alors à fournir la protection juridique principale du droit à la
vie privée garantit par le droit international. Ainsi, lorsque les
procédures juridiques internes ne remédient pas aux violations
des droits, les mécanismes et procédures pour traiter les
plaintes individuelles et des groupes au niveau régional ou
international seront alors déclencher pour veiller à ce que les
normes internationales de droits de l'homme soient effectivement
respectées, mise en oeuvre et appliquées au niveau
local.77
II. B. LE DROIT A LA VIE PRIVEE EN DROIT
COMPARE
Etant donné que toutes les personnes vivent en
société, la protection de la vie privée est
nécessairement relative.78 L'impact réel des mesures
protectrices est souverainement apprécié par les autorités
publiques de chaque Etat destinées à rendre effectif l'exercice
d'un droit. Ainsi par exemple, la protection de la vie privée en droit
Américain (II.B.1) ne s'apprécie pas de la même
façon en droit Chinois (II.B.2). De la même manière, le
contenu de
74 Me Nyaluma MULANGO Arnold, Les obligations de
l'Etat dans la mise en oeuvre des droits de l'homme in «Manuel de
formation des défenseurs des droits de l'homme» ; DSB Calabi,
Juillet 2009, p. 10
75Observation générale n°16 :
Article 17 (Droit au respect de la vie privée), in office of the
commissionner for Human right, Vol I, 32e session
adoptée le 8 Aout 1988, par. 1
76 Ibidem, par. 9
77 Me Nyaluma MULANGO Arnold, Op cit., p.
99
78 Observation générale n°16 :
Article 17, Op cit., par. 7
32
la vie privée en droit Sud-Africain (III.B.3) ne serait
pas forcément identique que celui du droit Nigérian (III.B.4) par
exemple.
II.B.1. LE DROIT AMERICAIN
Déjà en 1890, Samuel WARREN et Louis BRANDEIS
dans leur article :"The right to privacy" publié dans Harvard
Law Review avaient, nous l'avons dit, plaidé pour que soient
sanctionnées les atteintes à la vie privée (invasion
of privacy) et que soit reconnu par les tribunaux « un droit
d'être laissé tranquille » (The right to be left
alone) : Il fallut attendre 15 ans pour que leur article fasse
jurisprudence dans l'Arrêt rendu à l'unanimité par la cour
suprême de Géorgie dans l'affaire PAVESICH. Mais ce n'est qu'en
1960 que William PROSPER, Doyen de la faculté de Droit de BERKELEY
systématisa le concept pour le fractionner en 4 éléments
distincts à savoir :
? L'intrusion dans les affaires privées d'une personne
;
? La divulgation publique des faits relatifs à la vie
privée d'une personne ;
? Le fait de donner publiquement à une personne une image
contraire à la réalité et
? L'appropriation des éléments d'une personne et
notamment de son nom ou de ses
traits.
Le right to privacy est à l'origine d'une abondante
jurisprudence qu'il est difficile de résumer en quelques lignes.
Dès 1953 avec l'Arrêt HAELAN LABORATORIES V. TOPPS CHEWING
GUM, les traits d'une personne constituaient également une
propriété susceptible de faire objet d'exploitation commerciale.
Cet aspect patrimonial étant qualifié de right to publicity pour
le distinguer de l'aspect plus défensif constitué par le right to
privacy.
Dans une dernière étape, il a été
jugé en 1975 dans une affaire relative aux comédiens
LAUREL et HARDY que le right to publicity était
transmissible par voie de succession (descentability). Depuis lors, l'ensemble
de cette jurisprudence a été intégré dans les codes
civils d'une quinzaine d'Etats Américains.79
II.B.2. LE DROIT CHINOIS
La protection accordée à la vie privée
est limitée en Chine, en l'absence de véritable garantie
constitutionnelle, de la loi appropriée sur le respect de la vie
privée et de la loi sur la protection des données. En
règle générale, les autorités chinoises exercent un
contrôle
79 André BERTRAND, Op cit. , P. 104
33
considérable sur l'internet et les individus ont
très peu de moyen pour préserver leur vie privée contre
les autorités.80
Cependant, des pressions croissantes s'exercent en faveur du
changement, surtout en ce qui concerne les menaces contre le respect de la vie
privée venant des sources privées. Ces pressions ont
principalement pour origine les utilisations abusives de données
privées sous formes d'approches de Marketing ciblées suite
à des transactions commerciales comme l'achat d'une voiture ou
d'assurance ou l'ouverture d'un compte bancaire. En conséquence, un
certain nombre des propositions juridiques et règlementaires ont
été formulées ou adoptées ces dernières
années. Des modifications des lois pénales et des lois sur la
responsabilité civile ont institué des actions en faveur du
respect de la vie privée et diverses propositions ont été
faites en ce qui concerne la protection des données.
Contrairement à d'autres Constitutions, la constitution
chinoise ne prévoit pas de droit général et
indépendant au respect de la vie privée. L'article 40 de cette
Constitution stipule : «La liberté et la confidentialité
de la correspondance des citoyens de la République populaire de Chine
sont protégées par la loi. Aucune organisation ou personne ne
peut, pour quelque motif que ce soit, leur porter atteinte, sauf dans les cas
où pour répondre aux besoins de la sûreté de l'Etat
ou des enquêtes pénales, les organes de la sécurité
publique ou les parquets sont autorisés à censurer la
correspondance conformément aux procédures prescrites par la loi
».81 Cette disposition établit un droit sectoriel
limité au respect de la vie privée en ce qui concerne la
correspondance, mais ce droit est assorti des larges exceptions qui sont
limitées que par la condition selon laquelle elles doivent être
établies par la loi.
II.B.3. LE DROIT SUD AFRICAIN
Avec la fin de l'apartheid en Afrique du sud, le pays a
été confronté à un énorme défi :
celui de construire un cadre juridique, sans parler d'un cadre social,
politique, économique, pour la démocratie. Certains commentateurs
ont estimé qu'en raison de ce contexte historique particulier, les
énergies sud-africaines tendaient à se concentrer davantage sur
les droits à l'égalité que sur des droits-cadre tels que
le respect de la vie privée. Sur le plan juridique au moins, il y a
quelque chose de vrai dans cette opinion, car le pays n'a toujours pas
adopté de
80 Voir les informations fournies à ce sujet
par Reporters sans frontière, disponible sur
http://fr.rsf.ogr/chine.html
consulté le 12 Mars 2015
81 Article 40 de la constitution de la
République populaire de chine disponible sur
http://www.npc.gov.cn/constitution/node-2825.htm
consulté le 12 Mars 2015
34
loi sur la protection des données. Il y a
néanmoins plusieurs sources légales de protection des
données.
La Constitution de l'Afrique du sud de 1996 protègait
la vie privée à son article 14 dans les termes suivants : «
Chacun a droit au respect de sa vie privée, qui comprend le droit de
ne pas :
? Subir de perquisitions sur sa personne ou son domicile
,
·
? Subir de perquisition sur ses biens ,
·
? Subir de saisies de ses possessions ,
·
? Subir d'atteinte à la confidentialité de ses
communications. »
Il n'y a pas encore de protection spécifique de la vie
privée par une loi en Afrique du sud, néanmoins, un Projet de loi
sur la protection des informations personnelles, présenté
à l'Assemblée Nationale en 2011 qui visait à mettre en
place un système similaire, pour l'essentiel, au système
européen pour la protection des données personnelles
détenues aussi bien par les entités privées que par les
entités publiques, avec des règles sur le consentement au
traitement, la spécification des finalités, la limitation de
l'utilisation à d'autres fins.82 Les cours et tribunaux se
fondent encore à la protection constitutionnelle de la vie privée
en attendant l'adoption de cette loi sous examen jusqu'à
présent.
II.B.4. LE DROIT NIGERIAN
L'article 37 de la Constitution de la République
Fédérale du Nigéria de 1999 disposait :
«L'intimité des citoyens, de leurs domiciles, de leurs
correspondance, de leurs conversations téléphoniques et de leurs
communications télégraphiques est garantie et
protégée ». Il n'y a pas non plus, dans la loi
nigériane de protection explicite des immixtions civiles dans la vie
privée, mais le moyen de la Common Law de l'abus de confiance s'applique
probablement au Nigéria et peut donc être invoqué pour
bénéficier d'une protection au civil.83
Néanmoins, il existe actuellement au Nigéria,
des Projets de loi concernant spécifiquement la protection des
informations sur les ordinateurs et l'internet à savoir le Projet de loi
sur la protection de l'infrastructure de sécurité des ordinateurs
et des informations
82 BURCHELL J. ," The legal protection in south Africa
: A transplantable Hybrid" ; mars 2011, p. 11
83 NWAUCHE E. , The right to privacy in Nigéria
in «Review of Nigerian right and practice », 2007, p.63
disponible sur
http://www.proshareng.com
35
critiques de 2008. L'article 13 de ce projet de loi interdit
les interceptions illicites mais oblige les fournisseurs de service à
posséder la capacité d'intercepter les communications pour aider
les organes chargés de l'application de la loi.84 Cette loi
s'avère ne pas comprendre le régime global des données.
Elle prévoit à notre avis une forme très limitée de
protection. Mais là n'est pas le débat !
La protection de la vie privée ainsi accordée
aux individus en vertu des législations analysées ci-haut ne
rencontre pas forcément les préoccupations ou les besoins du
congolais en ce qui le concerne spécifiquement, les dimensions sociales
et politiques étant différentes mais également, la
relativité de cette notion s'étendant aussi aux normes juridiques
qui la protège. Il sera dans ce cas question d'analyser dans les lignes
qui suivent, la position du droit congolais face à cette
quasi-relativité.
84 NWAUCHE E., Op cit., p. 64
36
CHAPITRE DEUXIEME : LE DROIT CONGOLAIS FACE A
LA QUASI-RELATIVITE DE LA VIE PRIVEE
Dans les sociétés actuelles, les droits de
l'homme sont un indicateur de démocratie, ce qui fait dire que la
démocratie est fondée sur la primauté du droit et
l'exercice des droits de l'homme. La tendance est que même dans certaines
monarchies, la démocratie commence à s'imposer à travers
les valeurs humaines de respect des droits de l'homme. Du coup, la
démocratie est étroitement liée aux droits humains.
Par la lecture des législations qui l'organise, il est
vrai que chaque personne bénéficie du droit à la
protection de sa vie privée qui limite le droit d'une personne de
s'exprimer librement à l'égard d'une autre, qu'elle soit ou non
une personnalité publique.
Cependant, la protection de la vie privée est, depuis
quelques décennies, une valeur en émergence et une
préoccupation dans la plupart des pays du monde. Le développement
des technologies informatiques, la facilité de recueillir, d'emmagasiner
et de communiquer des renseignements personnels ont amplifié cette
préoccupation. Mais alors, bien que la vie privée, comme
composante de la liberté individuelle jouisse d'une protection au niveau
supranational, son degré varie selon les traditions, les époques
et les valeurs mises en cause. En clair, si la vie privée reçoit
la protection de nombreuses législations à travers le monde, les
diversités sociologiques admettent certaines différences quant au
contenu et aux éléments de la vie privée.85
Ainsi, un élément considéré comme faisant partie de
la vie privée dans une société donnée, ne le serait
pas forcement dans une autre86. La conséquence juridique est
qu'un individu peut poser en toute innocence un acte qui serait
considéré comme une violation de la vie privée d'autrui
par une telle législation, alors que cet acte ou ce fait ne serait
nullement considéré dans son pays comme une donnée
subjective constituant un élément attentatoire à la vie
privée.
Il résulte de ce qui précède que la vie
privée subit les fluctuations des législations. Ainsi, comprendre
le contenu de la vie privée dans le contexte congolais, suppose de
passer au peigne les atteintes à la vie privée organisées
en droit congolais (Section I). La notion de la vie privée étant
une valeur en émergence et en perpétuelle évolution, il
est évident que les prévisions légales y relatives doivent
subir une révisitation. Ce qui nécessite un plaidoyer pour une
réglementation spéciale dans ce domaine et une
révisitation des normes préétablies (Section II).
85 Emile Lambert OWENGA ODINGA, op cit.
p. 19
86 Nicole BOFETE ESOLE, op cit., p. 14
37
Section I : LES ATTEINTES A LA VIE PRIVEE
ORGANISEES EN DROIT CONGOLAIS
En deux principaux paragraphes, nous allons analyser dans le
cadre de cette section, les atteintes à la vie privée
organisées en droit congolais (§1) sous toutes ses formes, d'une
part, et d'autre part, il sera question de faire un état de lieu de la
jurisprudence congolaise (§2) sur la question sous examen.
§1. LES ATTEINTES A LA VIE PRIVEE ORGANISEES
EN DROIT CONGOLAIS
En droit congolais, il y a lieu de scinder la
catégorisation des atteintes à la vie privée en deux
groupes distincts. Il existe les atteintes à la vie privée
légitimées par le pouvoir public (1.A) et les atteintes à
la vie privée sanctionnées par la loi (1.B).
1. A. LES ATTEINTES A LA VIE PRIVEE LEGITIMEES PAR LE
POUVOIR PUBLIC
Dans leurs missions d'assurer l'ordre, la tranquillité
et la sécurité, les agents des services étatiques posent
des actes constituant des graves violations de la vie privée mais dont
la loi accorde la légitimité en raison de leur caractère
d'intérêt général. C'est le cas des perquisitions,
visites et fouilles des lieux (A), de l'interception et de la surveillance des
communications (B), et même de la saisie des matériels dont ceux
informatiques (C).
A. LES PERQUISITIONS, VISITES ET FOUILLES DES LIEUX
A son article 22, le décret du 06 Août 1959
portant Code de procédure pénale tel que modifié à
ce jour dispose que : «l'officier du ministère public peut
procéder à des visites et à des perquisitions au domicile
ou à la résidence de l'auteur présumé de
l'infraction ou des tiers... »87
Il y a sans doute lieu d'admettre ici que l'intervention des
services étatiques demeure licite lorsqu'elle est faite selon les
procédures et les époques légales (l'alinéa 2 de
l'article 22 pose la procédure en ces termes : «En cas
d'infraction non flagrante, les magistrats auxiliaires du parquet ne peuvent
procédés à ces visites et à ces perquisitions
contre le gré des personnes au domicile ou à la résidence
desquelles elles doivent se faire, que l'avis conforme du magistrat de
carrière, sous la direction duquel ils exercent leurs fonctions, et en
son absence, qu'en vertu d'une ordonnance motivée du
juge-président du tribunal de district
87 Article 22 du décret du 06 Août 1959
portant code de procédure pénale
38
»88 et à l'alinéa 3 de préciser :
«Les visites ne peuvent être commencées avant cinq heures
et après vingt et une heure...»89), au regard d'une
personne qui trouble ou menace les institutions légales.
Il est dès lors évident que les personnes qui
recourent au réseau internet ou aux outils technologiques ou, plus
précisément au courrier électronique dans le but
d'attenter aux Institutions ou à ceux qui les animent, méritent
de subir toutes les sanctions et les mesures prévues par la
loi.90
Cependant, la loi pose au préalable certaines
conditions limitant la portée de ces procédés sous peine
de tomber dans les violations de la vie privée. Ainsi, les perquisitions
doivent être limitées à la recherche
d'éléments de preuve et souci profond d'éclairer la
justice dans la manifestation de la vérité. Il s'agit là
d'un objectif spécifique qui explique le recours à cette
pratique. Pour cette raison, l'article 23 du décret
précité précise que ces visites et perquisitions se font
en présence de l'auteur présumé de l'infraction et de la
personne au domicile ou à la résidence de laquelle elles ont
lieu, à moins qu'ils ne soient pas présents ou qu'ils refusent
d'y assister. Voilà pourquoi, constituent des violations pures et
simples de la vie privée, les perquisitions ou visites
perpétrées sans titre régulier, en faisant incursion dans
la banque des données d'une personne dans le but de tenter de
vérifier si, par hasard, il ne détiendrait pas des informations
préjudiciables aux Institutions en place. Plus encore, les perquisitions
souvent électroniques et visites même régulièrement
couvertes par des titres légaux demeurent violatrices de la vie
privée lorsqu'elles dépassent leurs objets. Ces visites ou
perquisitions froissent les victimes surtout lorsqu'en définitive ces
dernières demeurent innocentes.
La légalité de la pratique des perquisitions
et/ou des visites dépend directement de l'objet ayant donné lieu
à son recours. Encore faut-il que l'agent détienne un titre lui
autorisant de procéder à la visite ou à la perquisition
d'un quelconque lieu. S'écarter de l'objet principal et ne pas
détenir un titre justificatif constituent une atteinte grave aux droits
de la personne dont la violation de son domicile et la violation de sa vie
privée ce qui doit nécessairement déclencher les
poursuites à l'encontre de l'agent fautif. La pratique est
malheureusement toute autre. Les scènes dont nous sommes quotidiennement
témoins dans la
88 Article 22 alinéas 2 du décret du
06 Août 1959 portant code de procédure pénale, in Codes
Larciers, Bruxelles, 2003, p. 1746
89 Article 22 alinéas 3 du décret du
06 Août 1959 portant code de procédure pénale, in Codes
Larciers, Bruxelles, 2003, p. 1746
90 Eric BARBY et Frédérique OLIVIER :
"Services en ligne et sécurité", cyberlex, mars 1997
disponible sur http:/
www.grolier.fr../cyberlexnet/COM/A970310.htm
consulté le 05 Mai 2015
39
pratique et dont la majorité d'individu souffre
actuellement en RDC réside très fréquemment à une
sorte de laisser aller. Les besoins d'enquête, même incertaine
enclenchent toutes les dispositions qui restreignent sans raison, voir
même piétine les droits fondamentaux des personnes à
l'instar de leur vie privée. La perquisition électronique
n'étant pas réglementée, les incursions dans les
données privées sont fréquentes mais malheureusement non
réprimées. Il en est de même pour les fouilles. Alors qu'il
est exigé que celles-ci se passent dans manière compatible avec
la dignité de la personne, la réalité est tout autre. Il
s'agit en fait des occasions offertes aux agents pour prendre connaissance des
intimités de la personne. Ainsi par exemple, à l'issue d'une
quelconque fouille, certains des agents profitent pour prendre connaissance des
intimités de la victime notamment ses correspondances (Messages
téléphoniques), voire même ces images privés.
Il s'agit là des pratiques qui, quoique dûment
autorisés par la loi donne lieu à des dépassements par
certains agents. Ce qui porte atteinte aux droits fondamentaux des
personnes.
B. L'INTERCEPTION ET LA SURVEILLANCE DES
COMMUNICATIONS
La surveillance, par des moyens électroniques ou
autres, l'interception des communications téléphoniques,
télégraphiques ou autres, l'écoute et l'enregistrement des
conversations devraient être interdits.91 Cependant, pour des
raisons de sécurité et la manifestation de la
vérité dans le cadre de la commission d'une infraction, le
pouvoir public autorise à certains organes de l'Etat de recourir
à ces pratiques lorsque nécessité et intérêt
public obligent. Constat est malheureusement de savoir qu'il est des pays qui
surveillent strictement les communications.92 Ceux-ci subordonnent
les communications généralement l'exploitation de toute
entreprise de télécommunication à l'obtention d'un avis
favorable ou un agrément des services de sécurité ou de
renseignements. C'est ainsi qu'en RD Congo, la loi n°014/002 du 16 octobre
2002 portant création de l'autorité de régulation de la
poste des télécommunications, met en place une autorité en
charge de régulation de ce secteur qu'elle confère en vertu de
l'article 1.g le pouvoir de gérer et de contrôler le spectre des
fréquences et d'assigner les fréquences nécessaires au
fonctionnement de toute station... Cette autorité doit donc en vertu du
pouvoir effectif de contrôle et de gestion dont elle dispose,
procéder à des visites et à la réalisation des
expertises pour recueillir toutes les données qu'elle estime
91 Voir paragraphe 8 de l'Observation
générale n°16 sur l'article 17 du pacte
92 Emile Lambert OWENGA ODINGA, op cit., p
36
40
nécessaire.93 Habituellement, les services
de renseignement n'autorisent le fonctionnement que lorsqu'ils accèdent
à toutes les informations sur les fréquences. Par
conséquent, ils ont la latitude d'auditer toute communication. C'est en
clair, de la surveillance des communications.
La surveillance des communications se présente sous
différentes formes, allant de l'interception en temps réel des
communications, à des lois sur la conservation de données
liées aux communications, en passant par des exigences d'identifications
comme la carte d'identification d'abonné.94Pourtant, aux
termes de l'article 55 de la loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur
les télécommunications en République Démocratique
du Congo, seules les nécessités de l'information motivées
par les besoins de la manifestation de la vérité dans un dossier
judiciaire95,peuvent justifier l'interception, l'enregistrement et
la transcription des correspondances émises par voies de
télécommunications encore que l'Article 52 de cette même
loi garantit le secret des correspondances et que les autorités
publiques ne peuvent y porter atteinte que par la nécessité
d'intérêt public.96
Il est vrai que l'enregistrement de la carte SIM est sans
conteste le type de surveillance des communications le plus répandu en
République Démocratique du Congo. Nos politiques exigent que les
cartes SIM comportent des renseignements personnels sur l'utilisateur comme son
nom, son numéro d'identification, son adresse domiciliaire et parfois
des données biométriques comme les empreintes digitales. La mise
en place généralisée des politiques d'enregistrement des
cartes SIM pourrait peut-être sonner le glas des communications anonymes.
On admet donc à certains services, la surveillance effective des
communications des personnes. Mais alors, lorsque de telles surveillances ou
censures sont imposées aux fournisseurs d'accès, ne fut-ce qu'en
rapport avec les numéros et messages e-mail de leurs clients il y a une
grave atteinte à la liberté individuelle si ces services de
sécurité ou de renseignement sont autorisés à lire
les messages à partir des serveurs et à être à
l'écoute de toutes les communications.
La licéité de telles actions s'explique, nous
l'avons dit, lorsque le besoin de sécurité concoure au recours
à ces pratiques, encore faut-il s'interroger sur la
nécessité et la proportionnalité. Cependant, la
réalité sur le terrain est tout autre. L'expérience
renseigne que
93 Article 4 de loi n° 014/002 du 16 octobre
2002 portant création de l'autorité de régulation de la
poste et des télécommunications, in J.O RDC,
44e année, n°spéciale, Kinshasa, 25 janvier
2003
94 Dr GUS HOSEIN, op cit., p 67
95 Article 55 de la loi-cadre n°013/2002 du 16
octobre 2002 sur les télécommunications en République
Démocratique du Congo, in J.O RDC, 44e année,
n°spéciale, Kinshasa, 25 janvier 2003, p.1746
96 Article 52 alinéa 2 de la loi-cadre
n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en
République Démocratique du Congo, in J.O RDC,
44e année, n°spéciale, Kinshasa, 25 janvier 2003,
p.1745
41
l'objet à l'origine des restrictions a toujours
été contourné autant par les fournisseurs d'accès
que par les agents étatiques y affectés encore qu'aucune
règlementation n'organise ces surveillances ou censures et que la
hiérarchie directe de l'organe de régulation n'effectue pas en
permanence des contrôles. Ainsi, nous pouvons affirmer que, victimes,
nous le sommes tous, mais par ignorance. Voilà pourquoi un service
quoiqu'agissant dans le cadre d'intérêt général, la
possibilité de dépassement et d'abus demeure présente
comme dans l'exercice de tout pouvoir. Ce qui explique mieux le propos du juge
LAFOREST cité ci-haut.
C. LA SAISIE DES MATERIELS INFORMATIQUES
L'article 24 du code de procédure pénale
légitime la saisie en ces termes : «l'OMP peut ordonner la
saisie des télégrammes, des lettres et objets de toute nature
confiés au service des postes et au service des
télégraphes, pour autant qu'ils apparaissent
indispensables à la manifestation de la vérité...
»97. La lecture de cette disposition fait comprendre
aisément qu'il s'agit d'une faculté et non pas un
impératif et donc toute saisie dans un lieu est conditionnelle,
c'est-à-dire qu'elle doit être précédée par
la démonstration des motifs raisonnables à l'exécution de
celle-ci, en raison de la transgression possible d'une règle de droit ou
de l'obtention d'éléments de preuve à la commission d'une
infraction. La saisie doit donc être fondée sur l'existence des
motifs raisonnables de croire qu'une infraction a bel et bien été
commise.
Comme pour les perquisitions, le pouvoir de saisie s'exerce
par voie de réquisition98 (alinéa 3). Ainsi, l'arbitre
qui est appelé à donner son autorisation à la saisie doit
être impartial, il doit s'assurer de la fiabilité des informations
qu'il obtient et considérer les documents ou éléments de
preuve à être saisies. Il pourra aussi évaluer la
justification de la saisie au regard du principe fondamental de la
liberté individuelle et ainsi chercher un juste équilibre en vue
d'assurer le plein épanouissement à la fois démocratique
et respectueux des droits fondamentaux sous peine de tomber dans la saisie
abusive.
Cependant, la saisie des matériels informatiques se
présente un peu plus différemment avec d'autres saisies comme par
exemple celle d'une moto ou d'un véhicule car dans la plupart des cas,
c'est dans des outils informatiques qu'il est souvent stocké l'essentiel
des informations personnelles d'un individu, bref toute son intimité. En
outre, les ordinateurs sont susceptibles de donner aux policiers accès
à des vastes quantités de données sur lesquelles les
97 Article 24 du décret du 06 Août 1959
portant code de procédure pénale, in Codes Larciers,
Bruxelles, 2003
98 Article 24 alinéa 3 du décret du
06 Août 1959 portant code de procédure pénale, in Codes
Larciers, Bruxelles, 2003
42
utilisateurs n'ont aucune maîtrise, dont ils ne
connaissent peut-être pas l'existence ou dont ils peuvent avoir choisi de
se départir et qui pourraient fort bien ne pas se trouver
concrètement.
Cependant, la question intéressante ici n'est pas en
rapport avec la saisie faite conformément à la loi. Il s'agit
plutôt de toute saisie illégale. La victime peut subir une
incursion d'agents de services étatiques au bureau ou à domicile.
Ces derniers peuvent procéder à la saisie du disque dur, du flash
disc et de tout autre élément. Mentionner le respect de la
confidentialité dans le cadre de saisies des matériels
informatiques reste aléatoire.
On assiste, et c'est fréquent, à des cas
où les services étatiques dûment autorisés de saisir
des outils informatiques pour rechercher des informations précise,
débordent ce cadre et vont plus loin jusqu'à prendre connaissance
ou à recopier toutes les informations, même celles à
caractère individuel et étrangères à l'objet de
leur présence. Il s'agit là d'une atteinte grave à la vie
privée. Plus encore, d'autres vont jusqu'à contraindre la victime
de saisie de dévoiler son mot de passe plutôt que de saisir tout
simplement ou de constater la non coopération en cas de refus. Quoi de
plus qu'une violation de la vie privée.
La légitimation de certains actes par la loi,
n'écarte tout de même pas la possibilité d'abus de ceux qui
ont la charge d'exécution. Sous diverses formes et pour des raisons
personnelles, politiques, d'opportunité ou autres, l'usage du pouvoir
par une personne peut attenter à la liberté individuelle de
l'autre et parvenir à la violation de ses intérêts
légitimes. La grande préoccupation qui demeure à ce niveau
consiste dans l'admissibilité des moyens de preuve obtenus en violation
des droits fondamentaux (a) mais aussi l'organisation du régime de
responsabilité des agents fautifs (b).
a. La question de l'admissibilité des preuves
obtenues en violations des droits fondamentaux
D'entrée de jeu, notons qu'il existe deux approches en
matière de vie privée : celle de droit public et celle de droit
privé. La protection de la vie privée selon l'approche de droit
privé vise à assurer à toute personne le respect de sa vie
privée, de son intimité et à sanctionner, le cas
échéant la divulgation illégale des renseignements le
concernant. L'approche de droit public est celle qui est reflétée
dans les constitutions nationales et qui vise à reconnaître aux
individus une « zone » ou « sphère » de vie
privée à l'intérieur de laquelle les agents de l'Etat ne
peuvent s'immiscer à moins de justifications suffisantes
généralement établies par un texte législatif et/ou
soumises à l'autorisation judiciaire.99 En clair, la
distinction entre ces deux approches réside principalement au niveau des
parties. Alors qu'en
99 Marie sophy MORY, Leslie LAMBERTET et Alii, Op
cit. , p.4
43
droit privé ce sont des personnes physiques ou morales
qui sont opposées sur un point de droit, en droit public l'une des
parties est un représentant de l'Etat.
La question qui se pose ici est celle de savoir si une
personne, selon qu'on se situe dans l'une de ces deux approches, peut tirer
profit ou produire devant les autorités judiciaires une preuve qui a
été obtenue sur base d'une violation de la vie privée. Il
est admis que le courrier électronique, les données nominatives,
les conversations secrètes et les informations génétiques
font partie de la vie privée. Ainsi, un courrier électronique
obtenu illicitement, des données nominatives
téléchargées de manière irrégulière,
les conversations secrètes enregistrées subrepticement et les
informations génétiques acquises par fraude peuvent-ils
être utilisées en justice comme preuve ?
Dans l'approche de droit privé la solution est directe.
Dans le cadre de cette approche, pareilles preuves ne peuvent être
admises lorsqu'elles ont été obtenues par des personnes
privées. On les opposera dans le cadre du droit congolais le principe
« auditur turpitudinem allegans » pour écarter leurs
actions. Cependant, que serait le sort de ces moyens de preuve lorsqu'ils ont
été obtenus par les services légalement autorisés
à perpétrer ces atteintes s'il se démontre que l'objet de
leur mission a été dépassé mais que la
découverte des faits infractionnels se soit suivie. Qu'est-ce-qui peut
bien être sacrifié entre le souci de justice et la protection de
la vie privée en pareille situation ?
Il est un principe en droit congolais que la
légalité des atteintes autorisées par le pouvoir public
s'explique par la nécessité et le besoin profond de manifestation
de la vérité issues de ces violations encore que l'objet
expliquant ces pratiques ne soit contourné ou déplacé. Le
droit congolais étant silencieux sur cette question, nous estimons ici,
en s'appuyant à la charte canadienne de droits et libertés, que
la protection de la vie privée peut, en pareil cas, être
privilégiée au détriment du souci de justice. L'article 24
de la charte canadienne soutient que lorsque les éléments de
preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte
aux droits et libertés garantis par la loi, ces éléments
de preuve sont écartés s'il est établi, eu égard
aux circonstances que leur utilisation est susceptible de
déconsidérer l'administration de la
justice.1°° Le caractère abusif d'un acte
posé au départ dans la légitimé, peut en vertu de
l'enjeu de protection accordé aux droits fondamentaux amener au
renversement des moyens obtenus dans ce cadre et engager la
responsabilité de l'agent, auteur de ces violations.
100
https://fr.wikipedia.org/wiki/:
Article 24 de la charte canadienne de droits et libertés
101 Article 258 du décret du 30 juillet 1888 portant
code civil congolais livre III (Des contrats ou des obligations
conventionnelles) ; in B.O, 1888, p. 109
44
b. Le régime de responsabilité des
Agents fautifs
Le régime de responsabilité civile demeure la
pierre angulaire de la protection de la vie privée. En droit congolais,
il est expressément prévu que tout fait quelconque de l'homme qui
cause dommage à autrui exige celui par la faute duquel le dommage a
été causé, réparation.101 On peut
dès lors comprendre que la faute constitue le fondement de la
responsabilité car à l'égard d'un droit fondamentalement
protégé, la faute de l'agent contrevient au devoir
général de bonne conduite. Ceci suppose en effet que s'il est
établi que dans le cadre d'une action dûment autorisé par
la loi, l'agent en charge d'exécution dépasse le cadre de sa
mission et se retrouve à la base d'une quelconque violation des droits
fondamentaux protégés tels que la vie privée, c'est sa
responsabilité personnelle et non la responsabilité de service
qui sera engagée dans ce cadre. Lorsque l'atteinte se relève
continue (par exemple, la surveillance constante non expliquée,
l'interception des communications personnelles,...), il serait en principe
primordial d'ordonner d'abord sa cessation et par la suite la réparation
du dommage causé par cette violation (par exemple, atteinte à
l'honneur ou à la réputation). Le paiement de dommages
intérêts exemplaires se voit approprié dans ce cas car
ayant à la fois un but punitif et aussi dissuasif.
1.B. LES ATTEINTES A LA VIE PRIVEE SANCTIONNEES PAR LA
LOI
En droit congolais, certains actes considérés
comme attentatoire à la vie privée sont sanctionnés par la
loi (1.B.1), mais en dépit des sanctions ainsi instituées, le
problème d'adaptation de ses normes et du silence du droit (1.B.2) se
pose actuellement s'agissant de leur portée et de la protection
individuelle au regard des faits nouveaux mis en place par les NTIC.
1.B. 1. Actes attentatoires à la vie privée
sanctionnés par la loi
Parmi les actes sanctionnés par loi, il y a lieu de
distinguer ceux découlant de la prévoyance de la loi (A), et ceux
dont la qualification ou l'interprétation prête à des
discussions (B).
A. Actes ou infractions découlant de la
prévoyance de la loi
Certains actes ou infractions définis par la loi
semblent s'adapter aux considérations nouvelles introduites par les
nouvelles technologies de l'information et de la communication. Ces actes ou
infractions peuvent être qualifiés comme résultant de la
prévoyance de la loi.
102 Article 52 de la loi-cadre n°013-2002 sur les
télécommunications en RDC , in J.O RDC, 44e
année, n° spécial, Kinshasa, 25 janvier 2003, p.1745
45
C'est le cas par exemple du secret de la
télécommunication et de toute autre forme de communication (A.1),
de la violation du secret professionnel (A.2) et des injures et imputations
dommageables (A.3).
A.1. DU SECRET DE LA TELECOMMUNICATION ET DE TOUTE
FORME DE COMMUNICATION
Le secret de la communication est garanti par l'article 52 de
la loi-cadre n°013-2002 sur les télécommunications en RD
Congo. Aux termes de cette disposition, le secret des correspondances
émises par voie de télécommunication est garanti par la
loi. Il ne peut être porté atteinte à ce secret que par
l'autorité publique et ce par nécessité
d'intérêt public prévus par loi.102 Les articles
71, 72 et 73 de la même loi prévoient des sanctions
spécifiques en cas de violations. En effet, l'article 71 punit quiconque
aura altéré, copié sans autorisation ou détruit
toute correspondance émise par voie de télécommunication,
l'aura ouvert, ou s'en sera emparé pour en prendre indûment
connaissance ou aura employé un moyen pour surprendre des communications
passées par un service public de télécommunication.
Ensuite l'article 72 punit tout agent au service d'un exploitant de service qui
aura facilité, ou qui aura intentionnellement omis,
dénaturé ou retardé la transmission d'une correspondance
par voie de télécommunication. Enfin l'article 73 qui
réprime les personnes désignées à l'article
précédent qui hors le cas où la loi les y obligerait,
auront révélé ou ordonné de révéler
l'existence ou le contenu d'une correspondance émise par voie de
télécommunication.
Etant donné que la protection véritable d'un
droit ne peut être assurée que s'il a été
aménagé par la loi, les articles 71, 72 et 73 trouvent de sens
puisqu'ils se présentent comme une façon de concrétiser
les prescrits de l'article 31 de la Constitution.
Il va donc sans dire que le secret de la communication ou de
« toute forme de communication » que protège l'article 31 de
la Constitution s'étende aux nouvelles technologies de l'information et
de la communication (NTIC). Dans la protection de ce droit, la Constitution
paraît donc très prévoyante en ce qu'elle a utilisé
une formulation qui a le mérite d'inclure même pour l'avenir, la
protection de n'importe quelle forme de communication vu l'évolution
accrue de la technologie. D'ailleurs, le terme «
télécommunication », désigne toute transmission,
émission ou réception de signes, des
46
signaux, d'écrits, d'images, de son ou de
renseignements de toute nature, par fil, radioélectricité,
optique ou autres système
électromagnétique.103
A.2. LA VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL
Cette infraction prévue à l'article 73 du Code
pénal se révèle claire et aussi prévoyante en ce
qu'elle concerne le secret dont l'auteur avait pris connaissance lors de
l'exercice de sa profession ou de ses fonctions. Elle concerne donc une
catégorie limitée des personnes et à des circonstances
définies préalablement en vertu desquelles elle peut être
établie. Ainsi donc, l'infraction de violation du secret professionnel
concerne les personnes dépositaires par état ou par profession
des secrets qu'on leur confie. L'infraction ne pourra être établie
que si ces personnes auront révélé les informations
qu'elles possèdent en dehors de l'obligation légale ou en dehors
de la mission de rendre témoignage en justice.104
Nous estimons, à notre avis que, s'agissant de
l'infraction résultant du secret professionnel, la portée est
élargie même en ce qui concerne les TIC étant donné
que les personnes dépositaires du secret professionnel peuvent violer la
vie privée en révélant les informations obtenues dans le
cadre de l'exercice de leurs fonctions soit via Internet, soit via les
réseaux sociaux ou soit dans des forums de projection, ... En fait, en
s'abstenant de limiter le cadre de cette disposition, le législateur a
ouvert la voie de l'interprétation sur tout moyen ou toute
possibilité de révéler une information. Ce qui inclut la
voie des TIC dont il est question dans ce travail.
A.3. DES IMPUTATIONS DOMMAGEABLES ET DES
INJURES
Les infractions d'imputations dommageables et d'injures sont
organisées tour à tour par les articles 74 et 75 du Code
pénal. L'infraction d'imputations dommageables est établit dans
le chef de celui qui a méchamment et publiquement imputé à
une personne un fait précis qui est de nature à porter atteinte
à l'honneur ou à la considération de
celle-ci.105 Et celle d'injure n'est établie que si elle a
été faite publiquement.106 Le problème
posé par ces dispositions est celui de l'interprétation du
concept « public ». Et c'est là que réside d'ailleurs
la discussion.
103 Article 4.1 de la loi-cadre n°013-2002 sur les
télécommunications en RDC in J.O RDC, 44e
année, n° spécial, Kinshasa, 25 janvier 2003, p.1745
104 Lire à ce sujet l'article 73 du décret du 30
janvier 1940 portant code pénal
105 Voir article 74 du décret du 30 janvier 1940
portant code pénal tel que modifié et complété
à ce jour par la loi n°06/018 du 20 juillet 2006, in J.O
RDC, 47e année, Kinshasa, Aout 2006
106 Voir article 75 du décret du 30 janvier 1940
portant code pénal tel que modifié et complété
à ce jour par la loi n°06/018 du 20 juillet 2006, in J.O
RDC, 47e année, Kinshasa, Aout 2006
47
Par « publiquement », on sous-entend directement les
lieux ou endroits fréquentés par plusieurs personnes ou plus
encore, des endroits où l'on peut se retrouver à plus d'une
personne. Cela suppose donc des lieux comme l'église, le stade, le
marché ou super marché, arrêt-bus ou à
l'intérieur d'un bus,...
La question qui se pose est cependant de savoir si
actuellement l'internet peut être considéré comme un lieu
public ? Ou mieux, peut-on établir les infractions d'imputations
dommageables et/ou d'injures en se fondant sur une publication faite sur
internet ou sur des réseaux sociaux ? La question a une réponse
dans le texte qui l'organise et même, la possible interprétation
à faire quant à ce ne peut assortir des discussions. Il
apparaît évident que le caractère « public »
conditionnant l'établissement de cette ou de ces infractions
paraît clair quant aux possibilités d'interprétations qu'il
ouvre dans le domaine des TIC.
Et même si le caractère serait étendu
jusqu'au cyberespace, que dire de l'établissement du régime de
responsabilité des auteurs de ces infractions dès lors qu'ils
agissent de façon anonyme lorsqu'ils commettent ces faits ? Sur cette
question, la législation pénale congolaise demeure silencieuse,
et donc la répression des infractions d'injures publiques et
d'imputations dommageables qui se commettraient par voie du cyberespace n'est
pas certaine encore qu'il n'existe pas encore en droit congolais une
législation sur la cybercriminalité. Les mesures telles que la
fermeture du site ou les poursuites engagées contre les tenants du site
qui devraient normalement être prises en pareil situations, ne sont
jusque-là pas encore prévues par une quelconque loi.
B. Actes ou infractions dont la qualification et/ou
l'interprétation prête à des discussions
Il existe des infractions qui sont de nature à soulever
un débat quant à leurs établissements par le fait qu'il
faut avant tout passer à une interprétation évolutive pour
leurs applications. D'autres par contre ne sont jusque-là pas encore
prévu par un quelconque texte légal pourtant posant un
problème sur la confidentialité des données. C'est le cas
par exemple de la violation du secret des correspondances ou des lettres (B.1),
des délits de presse (B.2) et de la prise de connaissance ou la
soustraction des données stockées dans une banque privée
(B.3).
B.1. DU SECRET DE CORRESPONDANCE OU DES
LETTRES
Dans la législation congolaise, ce droit est
protégé par les articles 71 et 72 du code pénal. Il n'est
pas difficile de constater que si l'article 72 tend à protéger
particulièrement la secret de la correspondance contre les
indiscrétions des agents de poste en punissant le fait de
48
révéler l'existence et le contenu d'un objet
confié à la poste, l'article 71 assure, par contre,
l'inviolabilité des lettres, c'est-à-dire la
sécurité des correspondances dans tous les cas où la
disposition de l'article 72 n'est pas applicable ; elle ne se limite donc pas
à viser l'agent de poste qui se rendrait coupable de ces faits mais
aussi les simples particuliers qui peuvent supprimer ou ouvrir la
correspondance.1°7 La portée de cette disposition est
cependant limitée car la protection qu'elle offre est d'autant plus
réduite qu'elle la limite non seulement au service ou au circuit postal
mais également qu'elle vise la période intervenant entre le
moment où la lettre est confié à la poste et le moment de
délivrance à son destinataire.
Il en résulte que pour qu'une personne revendique la
violation de sa vie privée sur base de cette disposition, il faut que la
correspondance ait utilisé seulement la voie postale. Dès lors,
tous les moyens autres que la voie postale sont écartés.
Plusieurs auteurs dont Liévin MBUNGU
TSENDE1°8 et Emile-Lambert OWENGA ODINGA1°9,
affirment que la formulation de cette disposition est préjudiciable aux
victimes des atteintes à la vie privée par e-mail, par courrier
électronique, SMS mobile et autres procédés technologiques
modernes dès lors qu'elle ne va pas au-delà des correspondances
confiée à la poste ; pratique qui semble disparaître
actuellement. Le spécial dérogeant sans doute au
général, la position des auteurs sus évoqués n'est
à notre avis pas acceptable. Il résulte de l'article 71 de la loi
sur les télécommunications que les communications
électroniques et celles qui empruntent la voie de l'écrit
électronique à l'instar des messages par E-mail ou par
téléphone sont aussi protégées. Dans notre
entendement, les expressions « Correspondances émises par voie
de télécommunication » et « toute autre forme
de communication » dont il est fait mention à l'article 71
précité comportent sans nul doute, les nouvelles formes
d'écritures ou de correspondances et notamment la messagerie et les
courriers éléctroniques.
B.2 LES DELITS DE PRESSE
En droit congolais, le délit de presse est
défini comme toute infraction commise par voie de presse écrite
ou audiovisuelle.11°Le web et l'e-mail n'étant pas
soumis au même régime juridique. Le premier relevant de la
communication audiovisuelle, et le second étant assujetti aux
règles relatives à la télécommunication.
D'où, le délit de presse est susceptible
107 LIKULIA BOLONGO, Op cit. , p. 208
108 Liévin MBUNGU TSENDE, Responsabilité de
l'entreprise et vie privée des salariés dans un contexte des
technologies de l'information et de la communication, Larcier,
Université de liège-Belgique, 2014, p. 19
109 Emile Lambert OWENGA ODINGA, Op cit., p.21
110 Article 74 de la loi n°96-002 du 22 juin 1996 fixant les
modalités de l'exercice de la liberté de presse
49
d'être commis sur internet. Cette définition
soulève un débat par rapport au courant de pensée qui veut
qu'on voie comme délit de presse toute infraction commise sur internet
peu importe que le site qui est à l'origine de la diffusion ait ou pas,
la nature d'une entreprise de presse, or par définition cette infraction
est établie si elle résulte d'une action de presse. Ainsi donc,
la lecture de la définition légale des délits de presse
peut facilement amener à comprendre que les diverses infractions qui se
commettent en violation de la vie privée à partir des sites Web
ou des journaux électroniques par les éditeurs des magazines en
ligne et/ou les journalistes constituent bel et bien des délits de
presse.
Cependant, tout n'est pas encore résolu car en plus de
la définition légale, il se dégage un problème
s'agissant de l'application des normes relatives à l'audiovisuel dont
les difficultés se posent en rapport par exemple avec les journaux
électroniques et les sites internet d'information. Etant conçu
selon une certaine logique esthétique et finalité, les sites
internet ne se prêtent pas facilement au greffage de nouvelles
données, même si les propriétaires sont aussi
constructeurs.111 La loi congolaise sur la presse étant trop
tournée vers la télévision quant à la communication
audiovisuelle, certaines considérations relatives à la
réponse, à la rectification et à la réplique sont
difficiles à transposer sur internet. Il s'agit là d'un souci
d'adaptation de la loi sur la presse qui semble rester quelque peu statique sur
certaines questions telles que celles naissant en ligne.
B.3. LA PRISE DE CONNAISSANCE OU LA SOUSTRACTION DES
DONNEES STOCKEES DANS UNE BANQUE PRIVEE
Les renseignements concernant la vie privée d'individus
sur des ordinateurs dans la banque des données doivent être
règlementés par la loi.112 Il s'agit en fait d'une
obligation. Cependant, les données stockées dans une banque
privée ne sont pas règlementées en droit
congolais.113 Cette infraction existe qu'au cas où les
données téléchargées se trouveraient basées
dans la banque de l'Etat. Elle ne concerne guère les données
accumulées dans des banques privées. Il va sans dire que leur
prise de connaissance ou leur soustraction frauduleuse ne constituent pas, en
principe, une infraction quoiqu'il y a atteinte à la vie privée,
lorsqu'il est question des données nominatives ou personnelles.
Cette infraction peut être commise par n'importe quelle
personne. S'agissant des données stockées dans la banque de
l'Etat, il suffit d'accéder dans la base des données de l'Etat
pour s'en rendre coupable. On peut établir la violation de la vie
privée lorsqu'on accède
111 Emile Lambert OWENGA, L'entreprise virtuelle in «
juricongo », mai-juin 2000, p. 19
112 Observation générale n°16 : Article 17
(Droit au respect de la vie privée), adoptée le 4 Aout 1988, par.
10
113 Emile Lambert OWENGA ODINGA, Op cit., p.22
50
à des données à caractère
nominatif ou personnel et s'en approprier. Par exemple, des dossiers
judiciaires instruits au parquet. Cependant quoique non
règlementé en droit congolais, l'incursion dans les
données contenues dans l'ordinateur d'une personne constitue une
atteinte dès lors qu'à l'occasion de cette incursion il y a eu
prise de connaissance et soustraction des données privées.
Le fait que cette infraction ne soit pas reconnue en droit
congolais constitue quelque peu une faiblesse sur la protection de la vie
privée des congolais qu'il s'agisse d'un cadre particulier ou même
professionnel étant donné qu'un salarié
bénéficie aussi du droit à la vie privée lors de
l'utilisation des outils mises à sa disposition par l'employeur. Il peut
donc arguer la violation de sa vie privée si même son employeur
fait incursion dans ses données privées.114 La prise
de connaissance et soustraction des données dans une banque
privée peut bien être une infraction principale qui peut donner
naissance à d'autres. Par exemple, à l'issue de cette frauduleuse
soustraction des données, l'infracteur peut distribuer par mail ou via
les réseaux sociaux, des lettres, tracts ou oeuvres littéraires,
des images et même des musiques qui sans être diffamatoire
constitueraient par leurs simple révélations, une atteinte
à la dignité de la victime et par conséquent à sa
vie privée.
S'il faut considérer la seconde infraction comme une
violation au sens du cyberlex, la première pourrait mieux constituer une
circonstance aggravante sur l'établissement de la peine. Cela limiterait
leurs propagations inexpliquées. Cependant, le silence du droit sur
cette question serait appréhendé si pas interprété
comme une manière de ne pas jouer pleinement le rôle de protection
et par conséquent favoriser implicitement les perpétuelles
commissions de ces actes.
1.B.2. Problème d'adaptation des normes et du
silence du droit
L'exercice d'analyse des atteintes à la vie
privée organisées en droit congolais dénote une certaine
inadaptation et une imprévisibilité des normes qui semblent
protégées le droit à la vie privée.
La notion de protection de la vie privée a longtemps
été déterminée par l'état de la
technique.115Si, dans son sens le plus évident, elle implique
des limites imposées à l'invasion de l'espace physique et la
protection du domicile et des biens personnels, la question du contrôle
des informations relatives aux personnes privées se pose
inévitablement dans le cadre de l'ajustement aux incidences des
technologies de l'information et de la communication.
114 Liévin MBUNGU TSENDE, Op cit., p. 4
115 Toby MENDEL et Alii, Op cit., p. 121
51
Cette pratique a clairement changé la nature des
préoccupations sur la vie privée, ce qui a directement
modifié la portée des mesures préétablies pour sa
protection. On loue avec énergie la prévoyance de l'article 71 de
la loi-cadre n°013/2002 du 16 Octobre 2002 sur les
télécommunications qui punit quiconque aura altéré,
copié sans autorisation ou détruit toute correspondance
émise par voie de télécommunication, l'aura ouvert, ou
s'en sera emparé pour en prendre indûment connaissance ou aura
employé un moyen pour surprendre des communications passées par
un service public de télécommunication. Cette disposition quoique
découlant de la prévoyance du législateur ne couvre pas,
à elle seule, toutes les garanties de protection.
Notre Constitution qui est le fondement de base de la
protection de la vie privée énonce malheureusement de
manière presque exclusive le contenu du droit au respect de la vie
privée. Tout en ayant le mérite de la clarté, les
énumérations ainsi faites présentent le risque que les
éléments qui n'y sont pas inclus soient considérés
comme exclus. A l'exemple de l'intrusion dans l'espace privé qui
comprend aussi la prise de connaissance et la soustraction frauduleuses des
données contenues dans une banque privée qui semble être
écarté de la prévision légale pourtant bien plus
important dans la protection de la vie privée.
S'agissant des lois appuyant la Constitution, le
problème d'adaptation que nous avons invoquée est énorme
sur certaines dispositions essentielles protégeant la vie privée,
lesquelles nous avons élucidé en sus. Les dispositions
réprimant les injures et imputations dommageables lorsqu'il faut se
pencher sur l'espace numérique pour réprimer et même pour
les délits de presse sont restées statiques et semble ne pas
s'adapter aux faits nouveaux apportés par les NTIC.
Dans le cadre des délits de presse, les lois
traditionnelles sur la presse, y compris la nôtre, définissent le
délit de presse comme toute infraction commise par voie de presse
écrite ou audiovisuelle.116 Cependant, moins les lois
traditionnelles sont adaptées en la matière, plus
l'évolution va se heurter à la difficulté
d'interpréter les textes.117 Par exemple, une personne
poursuivie pourrait prouver qu'elle n'est ni directeur de publication, ni des
programmes, ni imprimeur, ni propriétaire du journal et prétendre
qu'elle n'est rien de plus qu'en éditeur d'un site n'ayant aucune
vocation aux activités de presse, et rejeter ainsi toute
responsabilité. Elle pourrait invoquer en défense que la loi
pénale est d'interprétation stricte (Délit de presse =
infraction commise par voie de presse).
116 Article 74 de la loi n°96-002 du 22 juin 1996 fixant les
modalités de l'exercice de la liberté de presse
117 Emile Lambert OWENGA ODINGA, Lois traditionnelles sur la
presse : au vu du phénomène « presse électronique
», faut-il penser aménagements ou refonte ?, in « lex
electronica », vol 9, n°1, Hiver, 2004, p. 12
52
La responsabilité en cascade prévue dans
certaines lois sur la presse n'est plus facilement applicable dans tous ses
aspects sur Internet où il apparaît quelque fois difficile
d'identifier les responsables de la presse électronique. Et même
pour certains cas où les sanctions sont déjà
prévues par la loi, le caractère mondial du réseau
internet complique l'application de ces sanctions lorsque par exemple, la
personne devant subir la sanction est domiciliée hors les
frontières ou alors lorsque le serveur logeant le site incriminé
est situé à l'étranger.
En clair, les lois traditionnelles sur la presse118
constituant le fondement important pour régir les activités de la
presse ont été conçues et rédigées de telle
façon qu'il est difficile sinon impossible de régir efficacement
l'ensemble des activités de la presse sur internet (presse
électronique) en vertu de leurs seules dispositions. Il importe
dès lors de reconnaître l'inadaptation des normes actuelles face
au caractère spécifique de la presse électronique et de
prévoir en conséquence des règles juridiques
appropriées.
Les défis posés à la vie privée
par les technologies se regroupent dans l'ensemble ou pour la plupart sur la
problématique de la confidentialité des données dont il
est porté atteinte soit en toute ignorance de la victime, soit en sa
connaissance mais dont il lui paraît impossible de prouver le
préjudice que cela lui cause. On peut donc affirmer que pour la plupart
de nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), c'est
bel et bien la question de la confidentialité des données des
utilisateurs qui se range au premier rang. Cependant, cette
problématique (confidentialité), se révèle plus
grave lorsque par la simple utilisation des services offerts par les
technologies, l'individu, sans y consentir et en toute ignorance expose son
intimité aux fournisseurs de service qui s'en sert pour des fins de
publicités de leurs services. Cette préoccupation sur la
violation de la confidentialité qui est l'oeuvre du fournisseur de
service n'a pas été prise en compte même par les lois qu'on
a qualifié de prévoyant. Or, il se démontre
qu'actuellement, les fournisseurs des TIC n'ayant aucun contrat lucratif avec
ses utilisateurs se servent plutôt de leurs données privées
qu'ils vendent pour que les services qu'ils offrent demeurent
profitables119. Voilà pourquoi il y a, chez un nombre des
défenseurs de la confidentialité et de l'anonymat un notable
scepticisme quant à l'efficacité des solutions
réglementaires et gouvernementales120, position que nous
soutenons aussi au vu de la conjoncture actuelle.
118 Emile Lambert OWENGA ODINGA, Op cit., p.1
119 Toby MENDEL, Op cit., p. 29
120 Toby MENDEL, Op cit.,, p.30
53
La protection de la vie privée ne mérite pas
d'être abolie pour motif tiré du caractère complexe du
réseau internet et des divers services qu'il offre. L'idéal pour
cette protection c'est l'existence des règles internes adaptées
aux réalités des NTIC ainsi que celle des moyens humains et
matériels nécessaires pour en assurer l'application. En attendant
ces règles, il importe de passer en revue les quelques efforts de
protection fournis à travers l'analyse de la jurisprudence.
§2. ETAT DE LIEU DE LA JURISPRUDENCE
CONGOLAISE
La question de la vie privée n'a pas un assez grand
volume jurisprudentiel en droit congolais. Dans le cadre des technologies de
l'information et de la communication, la plupart des victimes se retrouvant
dans la difficulté, si pas l'impossibilité d'apporter les
éléments de preuve témoignant de leurs préjudices
se laissent bouffer par leurs propres sorts. Néanmoins, dans la
pratique, les cours et tribunaux ce sont retrouvés face à des cas
qu'il faut solutionner à tout prix.
Dans un premier temps, les tribunaux semblent contourner
l'absence de texte spécifique en invoquant l'interprétation
évolutive ou analogique pour résoudre le litige. C'est le cas du
Tribunal de paix de Kinshasa/Gombe qui, saisi d'une affaire de prise de
connaissance et de manipulation par l'employeur des données
privées de l'employé, stockées dans un ordinateur de
service, retient dans son jugement définitif le faux en écriture
à charge de l'employeur qui a pris connaissance et manipulé ces
données.121
Il est vrai que la décision du Tribunal a
contourné le vrai problème posé par cette affaire en
invoquant tout simplement le faux en écriture. Il serait logiquement
meilleure de retenir en premier lieu la violation de la vie privée
résultant d'une incursion inexpliquée dans la banque
privée comme infraction principale et établir le faux en
écriture comme infraction connexe qui fait suite à la principale.
Dans pareille logique, la protection se présenterait d'une
manière un peu plus stricte.
Dans un autre chapitre, le Tribunal de Grandes Instance de
Lubumbashi, saisi d'une affaire mettant en cause un déclarant et
coordonnateur provincial d'une agence en douane de la place contre une jeune
femme de la même ville. Le monsieur est accusé d'avoir
utilisé volontairement son ordinateur portable pour enregistrer les
vidéos et prendre des photos en plein ébat sexuel avec cette
jeune femme, Vidéos et photos qui seront peu après publiés
sur
121 Tripaix Kinshasa/Gombe, RP.14739/DA, 1997, Inédit
54
internet. Dans son jugement définitif, le
TGI/Lubumbashi retient à l'encontre du présumé auteur,
l'infraction d'attentat à la pudeur122 se fondant sur
l'article 167 de la loi n°06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et
complétant le décret du 30 janvier 1940 portant Code Pénal
qui réprime le fait d'exercé intentionnellement et directement
sur une personne tout acte contraire aux moeurs sans le consentement de
celle-ci.123
Nous estimons à notre avis que là n'est pas le
problème exact posé. La victime peut bien avoir consenti à
la consommation de l'acte et non pas à la publication des images. Il
s'agit là de deux situations différentes. En établissant
tout simplement l'infraction d'attentat à la pudeur, qu'en est-il du
sort de la victime qui, par le fait de la publication de ces images, a perdu
son honneur et/ou sa réputation ? Cette question a déjà
été résolue sous d'autres cieux. En France par exemple, on
réprime par l'infraction d'espionnage visuel, le fait de fixer,
enregistrer et transmettre les images d'une personne se trouvant dans un lieu
privé sans son consentement.124 Plus encore, on adjoint
généralement à cette infraction la troisième qui
réprime le fait de conserver, porter ou laisser à la connaissance
du public ou d'un tiers le produit de l'infraction principale.125
La logique du droit français serait la plus
appropriée dans la cadre de cette affaire car elle prend en compte non
seulement le sort de la victime en réprimant la violation de son
intimité mais également elle s'inscrit dans le cadre de la
protection des moeurs en réprimant le fait de prendre soi-même
connaissance des images et/ou vidéos d'une personne dans un lieu
privé mais aussi de laisser à la connaissance du public les
images et vidéos ainsi obtenus. Nous estimons à cet effet que
l'idéologie du législateur français peut mieux servir de
source d'inspiration au législateur congolais pour l'amélioration
de la protection de l'intimité, de l'honneur et de la réputation
des personnes surtout qu'obligation est faite aux Etats de protéger
l'honneur et la réputation par une loi
appropriée.126
122 Lire à ce sujet MGL INTERNATIONAL : Tout sur
l'affaire MUPASA DHEDHE- Des multiples compétences face à une fin
tragique disponible sur : https ://
mglinternational-2014.com
Consulté le 03 Juillet 2015
123 Voir article 167 de la loi n°06/018 du 20 juillet 1940
modifiant et complétant le décret du 30 juillet 1940 portant code
pénal, in J.O RDC, 47e année, Kinshasa, Aout
2006
124 Michelle LAURE-RASSAT, Op cit., p. 353
125 Idem, p. 356
126 Voir Observation générale n°16 : Article
17 (Droit au respect de la vie privée), par. 11
55
Section II : PLAIDOYER POUR UNE REGLEMENTATION
SPECIALE ET LA REVISITATION DES NORMES PREETABLIES
Il est vrai qu'au stade actuel des choses, la solution pour
compenser les risques de violation et par conséquent assurer
parfaitement la protection de la vie privée ainsi que des données
à caractère personnel, ne peut être autre que celle de
compléter le cadre juridique de protection et de revisiter certaines
dispositions pour les adapter aux situations nouvelles. Pour y parvenir
aisément, il faudra dans un premier temps dégager, en tenant
compte des réalités actuelles, les conditions pour le processus
législatif et l'élaboration des politiques (A), pour introduire
au final dans le nouveau cadre juridique, le principe de la prise en compte du
respect de la vie privée dès la conception (B). Mais cela ne
suffit pas encore car la prise des mesures législatives adaptées
en cette matière et l'établissement d'un cadre législatif
autonome (C) reste une nécessité.
A. Conditions pour le processus législatif et
l'élaboration des politiques
Le nombre croissant d'initiatives sectorielles adaptées
ou programmées peut facilement conduire au double emploi ou même
à des distorsions. L'idée d'intégré un cadre
sectoriel dans ce processus est a priori rejeté et ne peut être
priorisée à première vue. Il peut donc s'avérer
judicieux au contraire de fonder l'échange d'informations sur une
stratégie cohérente à condition que la protection des
données soit pleinement prise en compte et intégrée
à cette stratégie.
La protection de la vie privée dans le domaine de la
police et de la justice est un sujet qui requiert une attention
particulière compte tenu de la relation complexe entre les
activités de l'Etat visant à garantir la sécurité
et la protection des données à caractère personnel. Pour
ce faire, il est primordial d'évaluer les instruments juridiques actuels
et leurs applications en tenant compte des coûts induits par la
protection de la vie privée. L'évaluation des mesures actuelles
doit être effectuée avant que des nouvelles mesures ne soient
prises. Une attention particulière doit être accordée
à la transparence et au contrôle démocratique du processus
législatif. Ainsi, une place importante doit être accordée
aux études d'impacts sur la vie privée à des modes
appropriés de consultation des autorités et un débat
parlementaire efficace.
En République Démocratique du Congo, il est
clair que la question de la vie privée n'a pas fort longtemps
préoccupé les autorités chargées de
l'élaboration des lois. Cette affirmation s'explique par cette faible
consistance des textes qui garantissent sa protection et le caractère
statique des normes préétablies. Tout doit donc partir sur un
nouveau pied.
56
Le processus traditionnel d'élaboration des politiques
doit être utilisé dans son intégralité :
débats parlementaires, recherches en politiques, campagnes
médiatiques, lobbying et autres activités menées par
toutes les parties dans le cadre des débats, des procès et des
appels. Nous pouvons parler de «droit» à la vie privée
et exiger que toute atteinte à ce droit soit conforme aux Conventions
internationales et à la Constitution nationale.
Pour que des telles délibérations aient lieu,
des conditions essentielles doivent être réunies : les droits
constitutionnels ainsi que les obligations en vertu d'un Traité
international sont essentiels si l'on veut interjeter appel devant le
système judiciaire. Les lois et règlements sont
nécessaires à divers moments clés dans le processus
législatifs. Une société civile active et
ingénieuse est souvent requise pour attirer l'attention des organismes
de règlementation et des organismes judiciaires, et leur
présenter des cas à traiter. Les médias
indépendants et intéressés qui sont prêts à
remettre en question le pouvoir de l'Etat ainsi que la sécurité
nationale peuvent servir de tribunes où l'on demande aux
autorités de rendre compte.
Dans le domaine de protection de la vie privée, ces
conditions ne se retrouvent que dans certains pays. Bon nombre de pays, si ce
n'est la plupart, la RD Congo y compris, ont des obligations en vertu de
Traités internationaux ainsi que des articles constitutionnels mais
souvent dépourvus d'Institutions clés comme la
société civile disposant des bonnes ressources, une
autorité chargée de la règlementation, un système
judiciaire indépendant, ainsi que des médias actifs et
informés.
B. Le principe de protection de la vie privée
dès la conception
Les initiatives d'autoréglementation des
sociétés commerciales ne vont pas en soi en matière de la
vie privée parce que, pour la plupart des fournisseurs d'accès
à internet et des fournisseurs de service en ligne, les
intérêts commerciaux le poussent tous dans le sens contraire
à l'exception du poids de l'opinion publique qui ne représente un
frein puissant que pour un nombre restreint d'entreprises. C'est pourquoi, de
nombreux commentateurs se montrent sceptiques à l'égard des
efforts d'autoréglementation.
Cependant, il est possible de prétendre à une
stricte protection de la vie privée grâce à une meilleure
application des principes par les autorités dans la
pratique127 étant donné que les utilisateurs des
services technologiques d'informations et de communications à savoir ;
les entreprises, le secteur public et plus encore les personnes physiques ne
sont pas en mesure de
127
http://ec.europa.eu/justicehome/fsj/privacy/index.fr.htm:
l'avenir de la protection de la vie privée, Décembre 2009, p
29
57
prendre eux-mêmes les mesures de sécurité
appropriées pour protéger leurs propres données à
caractère personnel ou celles d'autres personnes. Par conséquent,
ces services et technologies doivent être conçus avec un
paramétrage par défaut favorable au respect de la vie
privée.
Aussi, le cadre législatif doit-il prévoir une
disposition qui traduise les prescriptions ponctuelles actuelles en un principe
plus large et cohérent de prise en compte du respect de la vie
privée dès la conception. Ce principe doit être
contraignant pour les concepteurs et producteurs de technologies ainsi que les
responsables de traitement des données chargés de l'achat et de
l'utilisation des technologies de l'information et de la communication. Ils
doivent avoir l'obligation de prendre en compte la protection technologique des
données dès la phase de planification des procédures et
des systèmes technologiques d'informations. Les fournisseurs de tels
systèmes ou services et les responsables du traitement des
données doivent également démontrer qu'ils ont pris toutes
les mesures requises pour remplir ces obligations. Un tel principe doit
requérir la mise en oeuvre de la protection des données dans les
technologies de l'information et de la communication (prise en compte du
respect de la vie privée dès la conception) conçues ou
utilisées pour le traitement des données à
caractère personnel. Il doit impliquer que les TIC (Technologie de
l'information et de la communication) doivent non seulement assurer la
sécurité mais également être conçus et
développés de sorte à éviter ou à limiter la
quantité de données à caractère personnel
traitées. Cette approche est conforme à la jurisprudence
Allemande récente. Dans cette jurisprudence, la Cour constitutionnelle
Allemande a créé un droit constitutionnel à la
confidentialité et à l'intégrité des
systèmes informatiques. Les systèmes capables de créer,
traiter ou stocker des données sensibles à caractère
personnel requièrent une protection du droit fondamental à la
confidentialité et à l'intégrité des
systèmes d'informations s'étend aux systèmes qui seuls ou
du fait de leur inter connectivité technique peuvent contenir des
données à caractère personnel sur la personne
concernée à un degré et dans une diversité tels que
l'accès aux systèmes fournit des informations sur des
éléments importants de la vie de cette personne ou dresse un
portrait révélateur de sa personnalité. Ces
systèmes sont par exemple les ordinateurs personnels et les ordinateurs
portables, les téléphones portables et les agendas
électroniques.128
L'application de ce principe souligne la
nécessité de mettre en oeuvre des technologies qui
améliorent la protection de la vie privée. Un paramétrage
par défaut favorable au respect de la vie privée et des outils
indispensables aux utilisateurs pour mieux protéger leurs
données
128 Cour constitutionnelle Allemande : Arrêt du 27
février 2008 : 1BvR370/07 ; 1BvR595/07
58
à caractère personnel. Voilà pourquoi il
doit être fait obligation aux concepteurs et fournisseurs des services
d'intégrer ce principe avant toute utilisation et de prouver son strict
fonctionnement sous peine de se voir refusé l'accès aux
utilisateurs. Plus encore, il serait souhaitable pour assurer la protection la
plus efficace de la vie privée, comme le mentionne le Comité dans
l'Observation générale sus invoqué, que dès lors
que l'utilisateur de service détermine sous une forme intelligible les
données personnelles le concernant et dans l'affirmative lesquelles sont
stockées dans des fichiers automatiques de données, le
paramètre s'active de façon automatique pour garantir la
confidentialité.
C. Mesures législatives adaptées et
l'établissement d'un cadre législatif autonome
La prise des mesures législatives adaptées
à la protection de la vie privée et l'établissement d'un
cadre législatif autonome repousse déjà les limites de la
démocratie délibérative et du débat.
Si un constat fait de l'inadaptation des normes
protégeant la vie privée restreint la portée de ces
mesures, cela a aussi de l'impact sur l'affirmation de l'efficacité de
la protection qu'elles offrent. Dans son observation générale
n°16 sur l'article 17 du Pacte, le Comité des droits de l'homme de
l'ONU avait déjà mentionné que c'est
précisément dans la législation des Etats qu'il faut avant
tout prévoir la protection des droits énoncés par cette
disposition.129 Ce qui suppose que la protection véritable
d'un droit ne doit résulter que de la loi, encore faut-il que cette loi
offre une meilleure protection en réglementant efficacement tous les
problèmes qui ont donné lieu à sa mise en place.
Voilà pourquoi, du jour le jour, il faut s'interroger sur la valeur des
normes existantes au regard des situations nouvelles.
Ainsi par exemple, si le respect de la vie privée exige
que l'intégrité et la confidentialité de la correspondance
soient garanties en droit et en fait130, cela implique qu'en vertu
de cette disposition toutes les correspondances faites par une personne doivent
bénéficier de cette confidentialité. Une quelconque
restriction quant à ce serait une violation pure et simple de la vie
privée si aucune justification contraignante n'est faite. Voilà
pourquoi la limite légale actuellement portée à ce droit
diminue la portée de la protection qu'elle offre. Il serait donc
préférable d'ouvrir expressément la brèche aux
nouvelles formes de correspondances et d'écarter la seule
possibilité de la voie postale pour établir la violation du
secret des correspondances.
129 Observation générale n°16 : Article 17,
par. 1
130 Idem, par. 8
59
En outre, il est prévu que les renseignements
concernant la vie privée d'individus sur des ordinateurs dans la banque
des données (ci-après : publique ou privée) soient
réglementés par la loi.131 Obligation est donc faite
aux Etats de prendre des mesures efficaces afin que ces renseignements ne
tombent pas dans les mains des personnes non autorisées par la loi ou
encore que toute incursion arbitraire dans la banque des données
personnelles fasse l'objet d'une infraction. Cette infraction n'étant
pas encore prévue dans notre droit constitue un grave manquement de la
RDC aux obligations fondamentales qui lui incombe dont celle de protection.
Il est donc souhaitable de criminaliser cette pratique et de
l'ériger en infraction afin que chaque individu puisse recevoir
protection de ses renseignements ou données privées
stockées dans sa banque personnelle.
La vie privée ne peut recevoir une meilleure protection
que s'il existe une loi spéciale protégeant
particulièrement chacun des éléments qui rentre dans ce
cadre. Au paragraphe 9 de l'observation générale sur l'article 17
du Pacte, le Comité avait déjà mis en place une obligation
aux Etats, celle de créer un cadre législatif nécessaire
pour empêcher la violation des droits garantis par le Pacte lorsque les
possibilités de violation se dégagent inévitable.
Danièle LOCHAK pense que même les risques qu'on
redoute sont susceptibles de se manifester que dans un avenir lointain. C'est
de cette incertitude que doit déboucher la mise en oeuvre du «
principe de précaution» qui impose l'adoption des mesures visant
à prévenir les risques des dommages graves et
irréversibles même si l'on n'a pas la certitude, en l'état
des connaissances scientifiques et techniques du moment, que ces risques se
concrétiseront.132 Si les risques incertains peuvent
déjà faire penser à la prise des mesures protectrices,
qu'en sera-t-il des risques certains et qui se concrétisent ?
Voilà pourquoi, au stade actuel où le droit au
respect de la vie privée se retrouve bouleversé par les
technologies qui donnent lieu à la remise en cause des normes
préétablies, l'avènement d'une loi à portée
générale est une nécessité profonde. Par cette loi
sur la protection de la vie privée, la RD Congo devra :
1. Répertorier tous les faits constitutifs d'atteintes
à la vie privée en prenant en
compte les défis posés par les technologies de
l'information et de la communication et prévoir pour chaque cas une
sanction appropriée. En instituant des sanctions pour chaque cas, il
serait préférable de mentionner que la violation de ces droits
protégés ne serait admise que si l'intérêt public le
commande de
131 Observation générale n°16 : Article 17,
par. 10
132 Danièle LOCHAK, Les Droits de
l'homme, 3ème éd., collection
repères, Paris, La découverte, 2009, p.112
60
manière précieuse. Ainsi, la levée de ces
protections, pour ce qui concerne les interventions des agents
étatiques, devra être subordonnée à des conditions
à la fois de procédure et de fond. Sur le plan de la
procédure, il faudra en principe obtenir un mandat judiciaire et sur le
fond, faire la preuve de l'existence d'un intérêt public clair et
primordial, comme la nécessité de faire la lumière sur la
commission d'une infraction pénale pour que le recours à cette
pratique soit priorisé.
2. Prévoir au civil, un recours privé contre
les intrusions dans la vie privée qui seront déjà
définies dans la loi, de manière à couvrir les
informations dont on peut raisonnablement compter qu'elles relèvent de
la sphère privée. Le recours devra offrir aux personnes à
la vie privée desquelles il a été porté atteinte
une voie appropriée pour obtenir réparation. De toute
évidence, offrir une possibilité de recours pour atteinte
à la vie privée est une meilleure pratique et c'est aussi une
obligation en droit international.133
Voilà pourquoi, nous avons estimé qu'il
était préférable, pour des raisons de clarté,
d'offrir une protection expresse de ce droit même si les tribunaux
internationaux admettent que la possibilité d'intenter une action pour
divulgation des données confidentielles peut constituer une protection
suffisante.134 C'est d'ailleurs sur base de cette idée que le
parlement Britannique a adopté une loi sur la divulgation des
données confidentielles et la protection de la vie privée que les
tribunaux appliquent actuellement. Cette loi qui a amélioré la
portée des mesures protectrices traditionnelles, a fait de l'atteinte
à la vie privée un motif direct de poursuites
judiciaires.135 Cette logique Britannique s'inscrit dans notre
raisonnement qui consiste en l'amélioration de la protection par
l'institution d'une loi spéciale ;
3. Instituer au pénal quelques règles
particulières afin de protéger certaines informations hautement
sensibles. Par exemple pour les télécommunications et pour les
banques ;
133 Voir paragraphe 10 de l'Observation générale
n°16 (droit d'être protégé contre les atteintes
à l'honneur et à la réputation)
134 Voir Le compte et la comtesse Spencer C. R-U, 16 janvier
1998, Requêtes n°28851/95 et 28852/95, CEDH Cité par Toby
Mendel, Op cit, p. 123
135 Toby Mendel, Op cit, p. 124
61
4. Prévoir les justifications pour des
éventuelles restrictions et établir les exceptions à ces
règles pour certaines actions faisant application des principes de
Johannesburg, qui veulent que toutes les restrictions soient prévues par
la loi136 ;
5. Prévoir des dispositions spécifiques sur la
protection de l'honneur et de la réputation et mentionner clairement les
moyens d'exercice des voies de recours contre les responsables.
Il est vrai que le respect de la vie privée a depuis
longtemps été garanti par la loi. Mais, si les conceptions de la
vie privée ont évolué avec les circonstances nouvelles,
les premières formes de protection juridiques ne peuvent pas être
considérées comme système complet de protection de la vie
privée. Elles peuvent néanmoins être
considérées aujourd'hui comme des aspects du droit
général de la vie privée. Ce n'est qu'une loi nouvelle
spéciale qui peut résoudre des problèmes
spécifiques dans des contextes et des situations spécifiques.
136 Voir Principe 1.1 des Principes de Johannesburg
62
CONCLUSION
L'histoire des droits de l'homme n'est ni l'histoire d'une
marche triomphale, ni celle d'une cause perdue d'avance : elle est l'histoire
d'un combat.137 De l'évolution des droits de l'homme au cours
de soixante dernières années, on peut tirer deux lectures
contractées. Une lecture optimiste mettrait en exergue
l'universalisation de la revendication des droits de l'homme, l'extension
progressive des droits reconnus, la proclamation de l'indivisibilité des
droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et
culturels, l'inscription des droits et libertés dans le droit positif et
le développement des mécanismes de contrôle nationaux et
internationaux destinés à sanctionner la violation de ces droits
et libertés. Une lecture pessimiste amène à constater que
l'adhésion presque universelle au principe des droits de l'homme,
placés sous la protection internationale n'est pas une garantie contre
les atteintes qui peuvent et/ou continuent à être portées
à ces droits.
Si les bénéfices des technologies nouvelles sont
facilement et immédiatement palpables, il est aussi moins facile
d'évaluer la réalité et l'ampleur de leurs
retombées négatives sur le respect des droits fondamentaux. C'est
dans cette perspective que l'analyse des risques posés au droit à
la vie privée avec l'avènement des nouvelles technologies de
l'information et de la communication (TIC) a conduit notre raisonnement dans
cette étude sur les dimensions du droit à la vie privée
dans le contexte du droit positif congolais. Partant d'une problématique
à triple questionnement dont la première consistait à
savoir si possibilité il y a de prétendre actuellement à
une stricte protection de la vie privée en droit congolais au vu des
avancées technologiques, la deuxième s'interrogeant sur la
portée des mesures préétablies face à la
conjoncture actuelle et enfin la troisième qui consistait à
demander laquelle des protections faudra-il accorder à ce droit en
danger, nous avons émis comme hypothèses : quant à la
première question, nous avons estimé que les défis
spécifiques posés par l'éclatement des technologies ne
permettraient pas de prétendre à une stricte protection de la vie
privée en droit congolais, hypothèse qui a été
confirmée du fait qu'il a été démontré dans
le travail que les conceptions de la vie privée ont évolué
avec les circonstances, avec les technologies disponibles et qu'il serait donc
irréaliste de prétendre que les premières formes de
protection sont un système complet de protection. Il existe des faits
nouveaux qui ont changés la nature des problèmes posés
à ce droit et ont fait qu'aujourd'hui les lois traditionnelles de
protection soient considérées comme des aspects du droit
général de la vie
137 Danièle LOCHAK, Op cit., p. 117
63
privée. Voilà pourquoi, nous avons estimé
quant à notre deuxième question que la portée des mesures
de protection déjà établies serait actuellement minime car
les lois existantes ne couvrent pas totalement tous les aspects actuellement
considérés comme faisant partie de la vie privée du fait
du caractère soit général, soit statique de certaines
normes qui n'offrent pas une assez grande protection et dont l'évolution
se heurte à la difficulté d'interpréter le texte. Ce que
fut le cas pour les délits de presse et pour la problématique de
la confidentialité des données.
Le professeur BERTRAND a clairement écrit que : «
Les droits de l'homme ne sont pas un corps de principes gravés une
fois pour toutes dans le marbre. Ils ont une histoire qui continue à
s'écrire en fonctions des enjeux complexe ».138 Si
constat est fait du caractère non efficace de protection d'un droit
garantit par les instruments juridiques d'un Etat, ce constat ne doit pas
conduire à une vision cynique ou défaitiste qui ne serait que
leurre et illusion. Il doit en revanche nous prémunir contre une
édénique ou angélique qui se représente
l'évolution d'un droit garantit comme un processus univoque et
cumulatif, nous entraînant vers toujours plus de prévisions pour
assurer la bonne justice. C'est dans cette logique que nous avons non seulement
plaidé pour la révisitation des normes préétablies
pour contourner le caractère statique et adapté les
prévisions légales aux circonstances actuelles mais aussi
plaidé pour une réglementation spéciale pour offrir une
protection plus stricte.
Par une loi spéciale, la protection de la vie
privée serait plus efficace car, s'il est vrai, comme l'affirme certains
auteurs, que l'émergence des nouvelles technologies met à
l'épreuve les instruments traditionnels de protection139, ce
n'est qu'une loi nouvelle spéciale qui peut résoudre des
problèmes spécifiques dans des contextes et des situations
spécifiques. C`est donc pour cette unique raison qu'il convient pour le
législateur congolais, en réponse aux préoccupations
posées par le droit à la vie privée, de prendre des
mesures législatives appropriées140 pour garantir et
rendre effectif la jouissance de ce droit. Ce n'est donc à ce prix que
la vie privée ne pourra obtenir une protection véritable. Ce qui
confirme notre troisième hypothèse selon laquelle la mise en
place d'une loi spéciale contre les violations de la vie privée
serait un parfait instrument de protection contre les possibles atteintes.
138 André BERTRAND, Op cit., p. 96
139 Danièle LOCHAK, Op cit., p. 112
140 Voir Observation générale n°16 du
comité des droits de l'homme sur l'article 17 du pacte
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http://ec.europa.eu/justicehome/fsj/privacy/index.fr.htm
sur Consulté le 10 mars 2015.
69
TABLE DES MATIERES
DEDICACE I
REMERCIEMENT II
SIGLES ET ABREVIATIONS III
INTRODUCTION 1
I. PROBLEMATIQUE 3
II. HYPOTHESES 4
III. CHOIX ET INTERET DU SUJET 5
IV. METHODES ET TECHNIQUES 6
A. Méthodes 6
B. Techniques 7
V. ANNONCE DU PLAN 7
CHAPITRE PREMIER: LE DROIT A LA VIE PRIVEE A L'EPREUVE
DE LA
MONDIALISATION : LA PROBLEMATIQUE DE MUTATION DES RISQUES 8
SECTION I: NOTION ET FONDEMENT JURIDIQUE DE LA VIE PRIVEE 8
§1 NOTION DE LA VIE PRIVEE 8
I.1.1. Définition de la vie privée 8
I.1.2. La conception moderne de la vie privée
9
I.1.3. L'épuisement ou limite du droit au respect de
la vie privée 13
§2 FONDEMENT JURIDIQUE DE LA VIE PRIVEE 15
A. LE DROIT INTERNATIONAL 15
B. LE DROIT REGIONAL 17
1. La Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples
17
2. Autres instruments régionaux 18
A. LA CEDEAO 18
B. LA CEEAC 19
C. DROIT INTERNE 19
D. CARACTERE NON ABSOLU DU DROIT A LA VIE PRIVEE
20
SECTION II : LA PROTECTION DE LA VIE PRIVEE A L'ERE DES NOUVELLES
TECHNOLOGIES 21
§1. L'INFORMATIQUE, L'INTERNET, LES
RESEAUX, LA TELEPNONIE ET LA VIE
PRIVEE 21
1.1. L'INFORMATIQUE ET L'INTERNET 22
70
1.2. LES RESEAUX SOCIAUX 24
1.3. LA TELEPHONIE MOBILE 25
§2. LES MEDIAS ET LA VIE PRIVEE 27
II. A. LES OBLIGATIONS SPECIFIQUES DE LA REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE
DU CONGO DANS LA MISE EN OEUVRE DU DROIT A LA VIE PRIVEE
29
A. L'obligation de respecter 29
B. L'obligation de protéger 30
C. L'obligation de réaliser 30
II. B. LE DROIT A LA VIE PRIVEE EN DROIT COMPARE 31
II.B.1. LE DROIT AMERICAIN 32
II.B.2. LE DROIT CHINOIS 32
II.B.3. LE DROIT SUD AFRICAIN 33
II.B.4. LE DROIT NIGERIAN 34
CHAPITRE DEUXIEME : LE DROIT CONGOLAIS FACE A LA
QUASI-RELATIVITE
DE LA VIE PRIVEE 36
SECTION I : LES ATTEINTES A LA VIE PRIVEE
ORGANISEES EN DROIT
CONGOLAIS 37
§1. LES ATTEINTES A LA VIE PRIVEE ORGANISEES EN DROIT
CONGOLAIS 37
1. A. LES ATTEINTES A LA VIE PRIVEE LEGITIMEES PAR LE POUVOIR
PUBLIC 37
A. LES PERQUISITIONS, VISITES ET FOUILLES DES LIEUX 37
B. L'INTERCEPTION ET LA SURVEILLANCE DES COMMUNICATIONS 39
C. LA SAISIE DES MATERIELS INFORMATIQUES 41
a. La question de l'admissibilité des preuves obtenues en
violations des droits
fondamentaux 42
b. Le régime de responsabilité des Agents fautifs
44
1.B. LES ATTEINTES A LA VIE PRIVEE SANCTIONNEES PAR LA LOI
44
1.B. 1. Actes attentatoires à la vie privée
sanctionnés par la loi 44
A. Actes ou infractions découlant de la prévoyance
de la loi 44
A.1. DU SECRET DE LA TELECOMMUNICATION ET DE TOUTE FORME DE
COMMUNICATION 45
A.2. LA VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL 46
A.3. DES IMPUTATIONS DOMMAGEABLES ET DES INJURES 46
B.
Actes ou infractions dont la qualification et/ou l'interprétation
prête à des discussions
47
71
B.1. DU SECRET DE CORRESPONDANCE OU DES LETTRES 47
B.2 LES DELITS DE PRESSE 48
B.3. LA PRISE DE CONNAISSANCE OU LA SOUSTRACTION DES DONNEES
STOCKEES DANS UNE BANQUE PRIVEE 49
1.B.2. Problème d'adaptation des normes et du silence du
droit 50
§2. ETAT DE LIEU DE LA JURISPRUDENCE CONGOLAISE 53
SECTION II : PLAIDOYER POUR UNE REGLEMENTATION SPECIALE
ET LA
REVISITATION DES NORMES PREETABLIES 55
A. Conditions pour le processus législatif et
l'élaboration des politiques 55
B. Le principe de protection de la vie privée
dès la conception 56
C. Mesures législatives adaptées et
l'établissement d'un cadre législatif autonome 58
CONCLUSION 62
BIBLIOGRAPHIE 64
TABLE DES MATIERES 69