1
INSTITUT D'ETUDES DU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET
SOCIAL (IEDES)
MASTER 2 PROFESSIONNEL
MENTION « ETUDES DU DEVELOPPEMENT
» SPECIALITE : DEVELOPPEMENT SOCIAL
RAPPORT DE FIN DE STAGE
LE MIGRANT AFRICAIN DU GRAND LYON :
L' « AGIR » SOCIAL ET ECONOMIQUE À
CONSTRUIRE
Enjeux, discours d'acteurs, pratiques, stratégies
et cadres d'intégration, de mobilisation et valorisation des
compétences des migrants sub-sahariens de l'agglomération
lyonnaise
|
Par Issopha NSANGOU
Stage académique du 1er septembre
au 30 novembre 2012 au Centre Appui Conseil Formation(ACF) à
Villeurbanne
Directeur de mémoire : Professeur Bruno
LAUTIER,
Directeur de la spécialité «
Développement Social » (IEDES)
Maître de stage : Daniel KOUTIA, Directeur du
Centre Appui Conseil Formation
Année académique 2011-2012
REMERCIEMENTS
Toute ma reconnaissance va à l'ensemble des
responsables et acteurs associatifs qui m'ont accordé un peu de leur
temps pour la réalisation de cette enquête.
Un merci tout particulier à mon Maitre de
stage, M. Daniel KOUTIA, Directeur du Centre Appui Conseil Formation pour
tout son appui logistique et ses précieux conseils.
2
L'université n'entend apporter aucune approbation ou
improbation aux opinions émises dans ce rapport. Celles-ci doivent
être considérées comme propres à leur
auteur.
3
SOMMAIRE
CONTEXTE DE PRODUCTION ET REALISATION DU RAPPORT DE STAGE
4
INTRODUCTION GENERALE 6
PARTIE 1. CONTEXTE MIGRATOIRE DES AFRICAINS
SUBSAHARIENS EN FRANCE ET DA NS LE RHONE 28
Chapitre 1. MIGRATIONS SUBSAHARIENNES EN FRANCE ET
DANS LE GRAND LYON 29
Chapitre 2. LE CADRE D'INTEGRATION DES MIGRANTS
SUBSAHARIENS 53
PARTIE 2. LES ASSOCIATIONS DES MIGRANTS DU GRAND LYON,
LA POLITIQUE D'INTEGRATION ET LA POLITIQUE DE LA VILLE.
ANALYSE DES DISCOURS ET PRATIQUES DES RESPONSABLES
ASSOCIATIFS 67
Chapitre 3. Données générales de
l'enquête de terrain. Profil des associations migrantes subsahariennes du
Grand Lyon 68
Chapitre 4. Les associations subsahariennes et
l'insertion. Analyse des discours et des pratiques des associations de
migrants
subsahariens dans le Grand Lyon 88
PARTIE 3. LES ASSOCIATIONS SUBSAHARIENNES ET LES RESEAUX
DIASPORIQUES. Logiques de construction et d'affiliation,
coûts et bénéfices 108
Chapitre5. Les réseaux diasporiques
subsahariens dans le Grand Lyon. Essai de caractérisation
109
Chapitre 6. Motifs d'appartenance aux réseaux
associatifs selon les responsables associatifs membres des réseaux de
migrants
à Lyon 120
PARTIE 4. LES MIGRANTS SUBSAHARIENS DU GRAND LYON, LES
ASSOCIATIONS ET LE CAPITAL HUMAIN 140
Chapitre 7. Discours et pratiques autour de la
construction, la mobilisation et le développement des compétences
des migrants
ou « Capacity Building » dans le Grand Lyon
141
Chapitre 8 : Corpus des préconisations par les
acteurs associatifs subsahariens au travers de leurs discours 165
CONCLUSION GENERALE 168
TABLE DES MATIERES 169
ANNEXES 174
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE 179
4
CONTEXTE DE PRODUCTION ET REALISATION DU RAPPORT DE
STAGE
La présente étude est une analyse qualitative
qui s'inscrit dans une démarche située entre recherche et action.
Les termes de référence ont été définis
conjointement par la structure d'accueil : le Centre A.C.F.
Rhône-Alpes (Appui, Conseil et Formation) à
Villeurbanne et nous-mêmes, sensibles depuis toujours à la
problématique de la force et de l'efficacité dans
l'unité.
Il s'est agi pour cette étude de mener une
réflexion sur un échantillon réduit d'organisations
associatives de migrants, à propos des démarches à mettre
en oeuvre pour construire une plate-forme de collaboration qui permette de
mobiliser de façon efficiente les compétences (savoirs,
savoir-faire, savoir-être) très hétérogènes,
dispersées et peu exploitées des migrants. L'objectif
étant d'impliquer un peu plus la communauté immigrée
subsaharienne dans les dynamiques économiques, entrepreneuriales,
professionnelles et sociales du département du Rhône d'une part,
et d'autre part de la région Rhône-Alpes et de la France à
plus large échelle.
Les analyses qui vont suivre s'appuient sur l'idée
qu'au-delà des transferts de fonds par lesquels les migrants
s'illustrent avec un certain succès, les ressources
non-financières (RNF) cognitives, relationnelles, organisationnelles,
institutionnelles, symboliques des migrants peuvent contribuer autant sinon
plus encore au développement des pays d'origine ; mais aussi et surtout
à l'amélioration des conditions de vie (emploi, logement
école, parentalité) et de participation citoyenne des migrants
africains dans l'Hexagone. Ce d'autant que cette catégorie de la
population (immigrés naturalisés ou étrangers) subit de
plein fouet les contrecoups de la crise économique et financière
internationale actuelle, la désintégration du marché du
travail, la dégradation des conditions de vie, etc. Quelques chiffres
permettront d'illustrer cet état de fait dans les prochains
développements.
Notre étude ambitionne dès lors d'apporter un
éclairage de plus sur la place et le rôle des organisations
associatives des migrants dans le processus d'intégration nationale des
immigrés subsahariens en France ( spécifiquement dans les champs
économique et professionnel).
Ceci nous a amené tour à tour, au travers des
discours des acteurs principalement concernés, à nous interroger
sur les modalités pratiques de cet accompagnement (quand il y a lieu),
leur spécificité, de même que le niveau d'ancrage des
actions associatives des migrants africains dans les politiques publiques en
place en matière d'accueil, d'insertion, d'accès à
l'emploi et à la formation entre autres ( 1re Partie). Nous
verrons également comment s'animent les synergies et les mises en lien
entre les réseaux associatifs des migrants dans le Rhône : entre
diasporas du savoir ou expertes (transculturelles), les associations
professionnelles d'appui aux migrants et l e s associations communautaires
constituées sur une base ethno-régionaliste (2e
partie). Et enfin la mise en exergue des pratiques de mobilisation des
compétences des migrants dans le département et au-delà
(3e partie), toutes sections ponctuées de recommandations
pratiques.
En clair, ce travail est une investigation autour de
l'ensemble des préalables culturels, sociaux, techniques, cognitifs,
organisationnels et opérationnels permettant une implication «
réussie » des migrants subsahariens dans les dynamiques
socio-économiques de leurs bassins de vie et d'emploi en France. Cela
passe par la promotion du droit pour chaque immigré, quels que soient
son niveau d'études ou de qualification, ses revenus, son statut
vis-à-vis de l'emploi, à être acteur de son projet et de
son développement, le droit à être acteur de la vie
sociale. L'objectif final étant de développer une
citoyenneté concrète, pleine et entière.
L'agglomération lyonnaise nous a servi de cadre
d'observation et d'investigation, en raison de la configuration
sociodémographique de la région dont elle est issue
(Rhône-Alpes), démographiquement très diverse. Elle
constitue la deuxième région la plus importante pour la
population immigrée résidente (derrière la région
Île-de-France) et celle où le maillage et le dynamisme associatifs
afférents sont l'un des plus importants de France1.
1
Près de 60.000 associations officiellement
déclarées dont environ 30.000 sont actives, et 9638
identifiées dans le Répertoire départemental des
associations du Rhône, tous secteurs confondus, hors les associations
politiques.
5
Un protocole d'enquête (technique d'entretien individuel
et de groupe) et un chronogramme ont été définis et
l'investigation sur le terrain étalée sur environ deux semaines
et demie auprès des responsables associatifs, acteurs institutionnels,
migrants entrepreneurs et citoyens lambda ; principalement dans la ville de
Lyon et dans sa très proche banlieue (Villeurbanne, Vaulx-en-Velin,
Vénissieux, Bron, Saint-Priest, Caluire-et-Cuire).
L'objectif de notre mission était de produire un
rapport sur les résultats de l'investigation permettant de
dégager quelques propositions concrètes et pratiques à
soumettre aux organisations associatives concernées et les instances
périphériques en lien avec elles, de façon à
s'éclairer mutuellement sur le cadre juridico-politique de
l'intégration et de l'insertion sociale en France aux niveaux
départemental et communal. S'éclairer également sur les
pratiques des unes et des autres en matière d'insertion en vue
d'améliorer et diffuser celles-ci. Accentuer les échanges et
capitalisations d'expériences, définir des orientations et des
cadres d'action communs, mutualiser les moyens d'action via par exemple
l'identification, la cartographie et la mobilisation des compétences des
migrants et des non-migrants à l'échelle locale, puis
régionale, pour que l'intégration économique et
professionnelle assure une autonomisation économico-financière
forte (surtout en situation de crise) dans l'optique du développement
des pays d'origine.
C'est le prétexte du présent rapport. Il a
bénéficié d'un accompagnement méthodologique,
théorique et d'un appui logistique à toutes les étapes du
Centre A.C.F, particulièrement de son directeur, Daniel KOUTIA. Qu'il en
soit ici une fois de plus remercié.
6
INTRODUCTION GENERALE
MISE EN CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE L'ETUDE
7
1. CONSTATS PREALABLES 8
2. PROBLEMATIQUE GENERALE 12
2.1. Questions de recherche
|
13
|
2.1.1. Question centrale
|
13
|
2.1.2. Questions secondaires
|
13
|
|
2.2. Corpus des réponses provisoires au moment du
démarrage de l'enquête 13
2.3. Objectifs de l'étude 14 2.3.1. Objectif
principal 14
2.3.2. Objectifs spécifiques 15
3. FONDEMENTS METHODOLOGIQUES DE L'ENQUETE
15
3.1. Cadre théorique opérationnel 15
3.2. Méthode et outils de collecte de données
17
4. METHODES D'ECHANTILLONNAGE 20
5. DELIMITATION DU CHAMP CONCEPTUEL 21
7
MISE EN CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE
L'ETUDE
A la faveur de « la prise de conscience croissante de
l'importance de la connaissance dans les processus de développement,
stimulée par l'émergence des systèmes nationaux
d'innovation en même temps que l'ouverture de nombreux pays du Sud durant
les années 1990 (Argentine, Chili, Chine, Colombie, Inde)
»2, le renforcement et la mobilisation des
compétences des expatriés tiennent désormais une place
centrale dans les stratégies nationales de développement au Sud.
Si la question des transferts des fonds des migrants a fait l'objet de nombre
d'études pluridisciplinaires, l'heure est de plus en plus à
l'évaluation d'impact des transferts des ressources non
financières principalement cognitives et techniques sur le
développement des pays d'origine. D'où les initiatives
diasporiques et étatiques qui se sont multipliées ces
dernières décennies en faveur de l'agrégation des
ressources humaines africaines dotées de compétences utiles
à la construction des économies de ces pays. Mais au-delà,
la préoccupation semble également se porter sur la
nécessité de mettre cette mobilisation du capital cognitif et
humain des migrants au service du processus d'intégration
économique des « pairs » dans les pays d'accueil. Une
préoccupation fortement exprimée par nombre de groupes
diasporiques d'Europe (associations et fédérations
d'organisations issues des migrants) tels le FORIM et tout récemment le
RESACOOP3 en Rhône-Alpes en France ou le forum
DAVOC4 en Suisse, à travers la constitution des fichiers de
compétences, des annuaires de professionnels issus des migrations. Les
associations des migrants, certaines du moins, ne font donc pas
l'économie de cette ingénierie ou gestion des connaissances par
laquelle passe le développement, au-delà de l'approche
traditionnelle des facteurs de production.
Ainsi donc , la réaffirmation du statut du migrant
africain en tant qu'acteur incontournable du développement invite les
pouvoirs publics des pays d'accueil et de départ, la
société civile, les réseaux d'acteurs de la
solidarité internationale, les associations d'insertion des migrants
dans les pays d'arrivée ainsi que le chercheur, à
réfléchir aux voies et moyens permettant d'inciter,
développer, faciliter et valoriser l' « agir »5
social et économique des immigrés d'ancienne ou de fraîche
installation en France. Disons le autrement : participer avec efficacité
aux dynamiques de transformation sociale dans le Sud commande au migrant, quels
que soient son statut et les motifs de l'émigration, de mobiliser
d'importantes ressources (financières et immatérielles). Et cela
implique une assise juridique et socio-économique solide dans le pays
d'accueil, la France en l'occurrence.
Mais au-delà de l'urgence de «
développer » et à rebours des «
facilités » octroyées par les instances publiques en Europe
dans le cadre du dispositif des aides au retour dans le pays d'origine
(retour encadré ou volontaire géré par l'Office
Français de l'Immigration et de l'Intégration), apparaît en
filigrane le besoin pour l'immigré installé légalement de
participer pleinement à la vie économique et citoyenne de son
environnement social d'une part ; et d'autre part de jouir de son droit
à circuler sans compromission de son projet migratoire. Cette
participation peut-être multidimensionnelle, individuelle ou collective.
La démarche entrepreneuriale, économique ou sociale, prend
à cet égard une importance de plus en plus croissante au sein de
la population immigrée de France6.
2
Jean-Baptiste Meyer, « La circulation des
compétences, un enjeu pour le développement » in
Migration et développement, un mariage
arrangé, Annuaire suisse de politique du
développement, vol.27, N°2, 2008.
3
Réseau Rhône-Alpes d'appui à la
coopération internationale et qui depuis 1994 : « conseille et
accompagne les organisations de la région Rhône-Alpes,
engagées dans des actions de coopération et de solidarité
internationales avec les pays en développement et en transition
économique ». Portail du Résacoop.
4 DAVOC (Draw a vision of Cameroon) est un forum
des compétences de la diaspora camerounaise qui s'est tenu pour sa
5e édition à Genève du 11 au 12 octobre 2012,
organisé par le réseau des expatriés camerounais hautement
qualifiés , le réseau CASA-NET
( Cameroonian Skills Abroad - Network)
basé en Suisse, soutenu par l'ONG Suisse OCAPROCE INTERNATIONAL et par
L'État camerounais . Thème majeur du forum : « contribution
des migrants africains aux programmes de développement ». Occasion
pour les migrants africains de venir discuter des axes concrets de leur
participation à la définition et la mise en oeuvre de politiques
publiques de développement. Le cas du Cameroun, avec l'examen du
récent DSCE (Document Stratégique pour la Croissance et
l'Emploi) a ainsi été examiné.
5
Agir : c'est entrer ou être en action, adopter une
attitude, exercer une action sur. Quelques synonymes identifiés de ce
mot : entreprendre, exécuter, intervenir, mettre à
exécution, mettre en pratique, opérer, passer à l'acte,
réagir, s'agiter, se remuer, s'occuper, travailler (Larousse des
synonymes et contraires, Mai 2004).
6
Thierry LEVY-TADJINE, « L'entrepreneuriat immigré
et son accompagnement en France », thèse de doctorat soutenue
en octobre 2004, Université du Sud-Toulon-Var.
8
L' « agir » socio-économique du migrant africain
qui va croissant se pose bien des fois comme une solution efficiente aux
difficultés d'insertion socioprofessionnelle, avec évidemment,
nous le verrons plus loin, des formes, des trajectoires et des fortunes
diverses.
Dans l'optique d'appréhender au mieux la
problématique de notre étude et d'en préciser par la
même occasion son triple intérêt : scientifique, pratique et
politique, nous proposons d'inventorier ici quelques constats de départ
qui ont donné prétexte à ce travail de recherche.
1. CONSTATS PREALABLES
Constat n°1
Tout d'abord, les immigrés africains en France
(travailleurs, réfugiés, naturalisés, illégaux...)
n'ont pas tous vocation ou la volonté de devenir acteurs du
développement7. En conséquence, ils n'envisagent pas
tous systématiquement de retourner dans leur pays d'origine et encore
moins d'y engager quelque investissement productif que ce soit. Si la notion si
polémique de Co-développement (remorquée par
l'impératif politique de la régulation des flux migratoires)
s'est pour beaucoup appuyée sur l'hypothèse du retour du migrant
volontaire ou forcé (migration temporaire donc) dans le pays d'origine
aux fins de s'y réinstaller et de le « développer » ,
le phénomène même des migrations de retour a
considérablement évolué et tend à céder le
terrain aux migrations circulatoires. Le phénomène, quoi qu'il en
soit, varie selon les espaces, les projets migratoires individuels ou
collectifs, et les politiques publiques en la matière promues au Nord
comme au Sud.8
Constat n° 2
L'expérience migratoire peut être fondatrice d'une
perception alternative du développement par le migrant lui-même,
capable à certaines conditions d'analyser un contexte, les enjeux, les
intérêts, d'identifier les gains potentiels ou les risques
liés aux actions entreprises, puis de développer des
stratégies idoines. Selon son statut et les ressources disponibles
(fonds, savoirs, compétences, réseaux), le migrant peut avoir
recours à la mobilité interne ou externe au départ cette
fois du pays d'accueil. Il est donc susceptible de s'installer et, partant,
d'initier une activité économique dans un environnement qui lui
paraitrait « viable » et stable, un investissement productif donc,
dans une aire autre que celle du pays d'origine. Et c'est là tout
l'intérêt du paradigme sur la circulation des compétences
que nous évoquerons plus loin, et qui a peu à peu
éclipsé l'obsessionnelle grille de lecture de la « fuite des
cerveaux ». Le patriotisme économique ou sociopolitique n'est plus
une règle absolue dans un contexte où le
désenchantement démocratique, l'instabilité
politique (pour ce qui est de certains pays africains
7 Altay Manço, Valorisation des
compétences et co-développement. Initiatives pour migrants
africains qualifiés. La recherche-action VITAR, Irfam, Bruxelles,
2008.
8
Il est reconnu que les flux de retour occasionnés par les
politiques publiques concernent de très petits effectifs, c'est ce
qu'indiquent
Marie-Laure FLAHAUX et alii, in Partir,
revenir : Tendances et facteurs des migrations africaines intra et
extra-continentales : « les retours en provenance des pays du
Nord sont à la fois moins nombreux et moins rapides. Après 10
années passées hors du Sénégal, environ 7 migrants
internationaux sur 10 sont de retour d'Afrique, ils sont seulement 2 sur 10
parmi ceux qui avaient rejoint un pays du Nord. Et l'écart
s'accroît encore légèrement avec le temps. Les migrations
de retour des Congolais sont légèrement moins nombreuses et moins
rapides, mais l'écart en fonction des destinations (pays du Nord vs.
pays africains) demeure(...)pour les migrants, le retour au pays est
associé à l'incertitude des conditions de réinsertion ; la
possibilité de repartir en cas de difficultés lors du retour est
une manière de pallier cette incertitude ; du coup, plus le coût
du départ est élevé (en argent, en démarches, en
risques divers), moins il est aisé de décider de rentrer. Dans
d'autres contextes, des chercheurs ont ainsi montré que les migrations
de retour des Mexicains sont devenues moins fréquentes lorsque les
conditions d'immigration aux
États-Unis sont devenues plus difficiles (Massey,
Durand et al. 2002) Pour rappel, le retour des étrangers est
à l'ordre du jour en Europe et fait aussi partie de la politique des
étrangers. Des initiatives de retour sont mises sur pied dans les
différents états membres de l'Union Européenne (UE), et
cela pour trois catégories d'étrangers: respectivement les
demandeurs d'asile déboutés, les personnes
déplacées et les autres migrants. Il s'agit tantôt
d'initiatives à court terme ou de programmes ciblés sur un public
spécifique, tantôt de services permanents destinés à
une large catégorie de personnes, indépendamment de leur
nationalité ou de leur statut. Depuis 1992 la plupart de retournants
sont des demandeurs d'asile qui n'ont pas été reconnus comme
réfugiés.
9
francophones), la crise économique sévère
et son cheptel de conséquences dramatiques pour le niveau de vie des
citoyens africains constituent des facteurs répulsifs l
iimportants. Ils peuvent être d'ailleurs de nature à
impacter
i
fortement les projets ou trajectoires de vie des migrants,
leurs relations avec le pays d'origine, et l'intention d'y retourner, d'y
investir ou non. Et à cet égard, nous verrons que les pratiques
transnationales de développement de certains migrants en direction de
leurs pays d'origine est fonction de la situation et de la configuration
sociopolitique de ces derniers. En conséquence, et nous y reviendrons,
une partie des migrants en France a vocation à acquérir la
nationalité française, une autre à revenir dans le pays de
départ et le dernier tiers à partir vers une autre
destination.
Constat n°3
Peu de cas sont faits dans la littérature
spécialisée des études sur les étapes en amont de
la création d'entreprise et le processus d'accompagnement et de
création proprement dit, ainsi que la spécificité
gestionnaire des initiatives socio-économiques des migrants en France
(Lévy-Tadjine, 2004). En effet, si les dimensions socioculturelles de
l'entrepreneuriat immigré tiennent une large place dans les travaux
scientifiques, il n'en est pas de même de l' « approche
processuelle » ou « approche HOW». Cette
approche conduirait par exemple à étudier comment l'entrepreneur
subsaharien dans sa démarche entrepreneuriale a recours aux ressources
auprès des réseaux des migrants, la solidarité du groupe
(pour trouver un financement, une garantie pour les banques, etc). Cette grille
de lecture amènerait aussi à s'interroger sur les
modalités de management de l'entreprise et l'accompagnement dont il
bénéficie de la part des associations d'appui (issues des
migrations au besoin), les dynamiques socioculturelles ou interculturelles qui
s`instaurent. En clair, en reprenant à notre compte l'expression de
SCHMITT citée par Thierry Lévy-Tadjine (2004, p.17) : «
l'étude processuelle de l'entrepreneuriat immigré concerne
tout autant les entreprises en création que les entreprises
de création ». Un focus sur l'entrepreneur
immigré et son accompagnement, en somme. Il serait également
intéressant de se pencher sur l'intégration sous l'angle de la
finalité, pour évaluer si la création et la gestion d'une
entreprise ont permis ou non une intégration, du point de vue de
l'entrepreneur lui-même. L'analyse du discours des acteurs sur
eux-mêmes et les autres est en ce sens particulièrement
pertinent.
Constat n° 4
Les diasporas africaines du savoir (ou diasporas de la
connaissance), les ONG de migrants experts10, les organismes d'appui
opérationnel et de gestion issus des migrations11 se
multiplient depuis quelques années en France, avec l'ambition
affichée de mobiliser les ressources financières et
non-financières (cognitives, relationnelles, institutionnelles,
organisationnelles) des migrants en vue des transferts et du
développement dans
l
les pays d'origine. Toutefois, quelques problèmes se
posent et nous semblent majeurs:
10 Tel l'ONG de migrants professionnels hautement
qualifiés basés en Suisse Afri-Experts
International, qui : « offre une gamme de services
variés dans les domaines du développement international, des
technologies de l'information, des services financiers et de l'immigration. Ses
activités s'appuient sur la formation de haut niveau et les
compétences de son vaste réseau de consultants qui jouissent
d'une excellente notoriété pour réaliser les missions qui
leur sont confiées en rapport avec leurs différents champs
d'expertises ». Portail Afri-Extperts
http://www.afriexperts.com/index.php/notre-firme/mission
11
A l'instar du COSIM Rhône-Alpes qui est
un Collectif né avril 2007 à l'initiative
d'Organisations de solidarité internationale issues des
Migrations(OSIM) et spécialisé, entre autres missions,
dans le renforcement des capacités de celles-ci, l'appui au montage et
le suivi des projets de développement solidaire dans les pays d'origine
(Afrique, Asie, Amérique latine).
1.
10
La proportion des migrants africains faiblement
qualifiés résidant en France, toute génération
confondue, est aussi importante en comparaison du contingent des migrants
hautement qualifiés, selon de nombreuses études en Europe
notamment13. Elle subit plus que d'autres catégories de
travailleurs les incidences socio- économiques de la crise
économique et financière (taux de chômage
élevé chez les hommes et davantage chez les femmes,
non-reconnaissance des compétences quand il y en a, emplois peu ou
sous-qualifiés et mal rémunérés) avec d'importantes
implications sociales (baisse du revenu, mal-logement principalement).
Pourtant, bien moindres sont les dispositifs recensés en France au
niveau des politiques publiques en matière de (co)-développement
et au niveau des OSIM expertes à destination de ce public. Nous
entendons par là des dispositifs visant à développer les
compétences et l'employabilité des migrants
non-diplômés et sans qualifications particulières,
au-delà des dispositifs génériques existants
gérés par les agences publiques/privées pour l'emploi et
la création d'entreprise : Pôle emploi, agences d'intérim,
cabinets de recrutement.
Il en ressort parfois une difficulté pour les
immigrés à allier aide aux leurs restés au pays et
bien-être individuel ou collectif dans la société d'accueil
car une partie conséquente des revenus du travail ou des prestations
sociales va être dédiée aux transferts de fonds
là-bas. Au niveau de la recherche, de ce qu'il ressort de nos
investigations documentaires, bien peu de travaux ont été
consacrés spécifiquement aux travailleurs migrants sans
qualifications en France, si ce n'est indirectement au travers des associations
communautaires de migrants, ce qui peut paraître fort réducteur.
On sait par exemple peu sur les activités menées par ces groupes
diasporiques pour faciliter l'intégration économique et
socioprofessionnelle de cette catégorie de travailleurs : formation,
réseaux d'information pour la recherche d'emploi, entreprises
d'insertion par le travail et issues des migrations, etc. D'où
l'intérêt majeur que nous apporterons à ceux-ci, sous
l'angle professionnel et économique, dans le cadre de ce travail.
2. Pour faire face de façon plus efficace et
coordonnée aux problèmes d'intégration et de
développement qui se posent actuellement aux migrants en France, des
regroupements d'OSIM (associations, fédérations, forums...) se
sont accrus dans le courant des années 2000 (Forim, Fafrad)14
.Parallèlement émergent des tentatives de rapprochement
entre membres des diasporas de la connaissance originaires des pays
africains. Qu'elles soient l'initiative des migrants ou des non-migrants,
l'optique de ces agrégations est d'assurer aux associations
socioculturelles, de solidarité ou de développement des
immigrés en France: une visibilité publique, administrative et
politique, une coopération et une convergence des actions et
l'accès aux ressources des instances publiques (subventions et aides en
tous genres). Pourtant, en dépit de ces efforts de mutualisation des
outils et actions, il n'existe pas à proprement parler de cadre
opérationnel spécifique, national et cohérent, permettant
des consortiums, des alliances fortes entre réseaux de migrants, des
passerelles visibles ayant vocation à décloisonner ces
organisations parfois
13 Voir la Base de données de l'OCDE sur les
immigrés et les expatriés de 2004, in Louka T. Katseli et alii.
(2006), « Politiques migratoires et développement : une
perspective européenne », Cahier de Politique
Économique, n° 30, OCDE. Il y est analysé que :
« La migration de travailleurs peu et semi-qualifiés a en
général un impact plus fort que l'émigration de
professionnels sur la réduction de la pauvreté dans le pays
d'origine(...)Trois raisons expliquent ce phénomène : tout
d'abord, ces travailleurs sont originaires de familles et de communautés
à faible revenu qui profitent donc plus directement de la migration ;
ensuite, leur retrait sur les marchés de travail des pays d'origine
ouvre la voie à d'autres travailleurs peu ou semi-qualifiés
appelés à les remplacer ; enfin, ces migrants ont tendance
à envoyer davantage de fonds que les professionnels hautement
qualifiés, surtout s'ils ont laissé leurs familles au pays(...)
La migration de travailleurs peu ou semi-qualifiés confère par
ailleurs
d'importants avantages à de nombreux pays
d'accueil(...)dans les secteurs de l'agriculture, du BTP et des services aux
particuliers »
14
On peut lire ceci à la Page d'accueil du site web du
FORIM : « Le Forum des Organisations de Solidarité
Internationale issues des Migrations (FORIM) est une plateforme
nationale qui réunit des réseaux, des fédérations
et des regroupements d'Organisations de Solidarité
Internationale issues de l'Immigration(OSIM),
engagés dans des actions d'intégration ici et dans des actions de
développement dans les pays d'origine. Le FORIM représente
environ 700 associations intervenant en Afrique Subsaharienne, au Maghreb, en
Asie du Sud Est, aux Caraïbes et dans l'Océan Indien.
Créé en mars 2002 avec le soutien des pouvoirs publics
français, il témoigne de la volonté de ses membres de
s'associer à toutes les composantes de la société civile
française, afin de favoriser l'intégration des populations issues
des migrations internationales, de renforcer les échanges entre la
France et les pays d'origine et de contribuer au développement de leur
région d'origine. Il montre une image spécifique de la vie
associative des personnes issues de l'immigration et met en évidence les
aspects positifs de la double appartenance en faisant la promotion d'actions
conduites en France autour de l'intégration, de l'échange
culturel et d'actions de développement vers les pays d'origine » ;
La FAFRAD ou Fédération des Associations Franco-Africaines
de Développement est une ONG de solidarité internationale
née en 2008 et basée à Bobigny en région
Île-de-France, dont le but est de « Décloisonner
l'espace et le domaine de la coopération Nord-Sud et en particulier,
celle décentralisée et assurer une meilleure coordination des
initiatives franco-africaine de
développement en tirant un meilleur parti de
toutes » (statuts de l'organisation)
11
murées dans un entre-soi qui à certains
égards peut desservir.
Ce défaut de cadre commun d'action rend difficile
certaines initiatives susceptibles de résoudre les problématiques
d'insertion sensibles .Par exemple, construire un système
cordonné de promotion des droits sociaux des migrants subsahariens les
plus vulnérables qui, même s'ils sont différents par leurs
origines ethno-géographiques, ont en partage les mêmes
difficultés sociales. Nous pensons également à la mise en
place par des structures d'insertion (par la formation) d'un système de
certifications et des référentiels et normes professionnelles
permettant la mise à contribution des compétences des migrants
acquises sans diplôme reconnu (apprentissage non-formel et informel),
utiles aux économies des pays source et d'arrivée . Ce
système pouvant permettre par ailleurs d'harmoniser, en France en tout
cas, les processus spécifiques de montage et valorisation des projets
socio-économiques des migrants et les mécanismes de leur gestion.
Quelques initiatives notables mais isolées existent, telles
la mutuelle des Sénégalais de
France15 ou des annuaires de compétences pour
lesquels des modalités et cadres de mise en valeur sont définis
et connus de l'ensemble des acteurs concernés. C'est le cas des
communautés pakistanaise et subsaharienne dans les grandes provinces du
Canada. Une telle plateforme opérationnelle pourrait servir de cadre de
rapprochement et de coopération aux projets de développement ou
d'intégration d'envergure entre fédérations d'associations
professionnelles, techniques, scientifiques, financières,
institutionnelles de migrants africains dans toute leur diversité. Nous
songeons par exemple à la promotion de l'entrepreneuriat international
entre autres opportunités.
Or, les interactions entre OSIM techniques, Diasporas
africaines dites du savoir (en tant qu'initiatrices de réflexions, de
débats et porteuses de propositions innovantes et pratiques) et les
associations communautaires de migrants sont pour l'instant, nous le postulons,
sinon inexistants, du moins très faiblement mises à contribution
dans la démarche de mobilisation et valorisation des compétences
des migrants africains. Ce déficit d'approche intégrative
à large échelle, en tout cas de part et d'autre de ces 3
pôles d'acteurs diasporiques, pose un problème
non-négligeable () d'accès à l'information des nouveaux
arrivants au niveau de la France du moins. Cela concerne, par exemple, la
connaissance du marché du travail local et national, les certifications
requises pour intégrer certains segments du marché du travail,
notamment ceux qui ne sont pas réglementés (85% du marché
du travail au Canada), l'accès aux incubateurs pour l'entrepreneuriat,
la formation professionnelle propre à un secteur d'activités
particulier, au-delà bien sûr des dispositifs
génériques existants dans le cadre des Plans régionaux
d'Intégration redéfinis sous la mandature du Président
Nicolas Sarkozy (Contrat d'accueil et d'Intégration, Programme de
formations linguistiques, bilan de compétences, en partenariat avec
l'Office Français de l'Intégration et de l'Immigration et
Pôle emploi, etc.).
3. À l'échelle des instances gouvernementales,
nous postulons que combler un tel manque aiderait les migrants organisés
et structurés à peser de manière décisive sur
l'appareil institutionnel, sur les politiques publiques de l'espace
européen et de la France en matière de coopération, de
développement, de conseils aux entreprises européennes souhaitant
par exemple investir dans les pays africains ; ou plus encore, sur les
politiques migratoires et d'intégration dans les pays d'accueil en
l'occurrence.
En d'autres termes, il y a nécessité à
construire des espaces de développement et de valorisation des capitaux
humain et social des immigrés qualifiés et peu ou
non-qualifiés ici pour mieux agir avec efficacité dans le long
terme là-bas. Et c'est dans et à travers ce cadre
opérationnel structuré, identifié, visible, qui se posera
comme « lieu d'investissement de l'action diasporique et son
inscription plus élargie dans le cadre national ou continental » (
Babacar Sall , 2003) que serait mise en exergue et apprécié
à sa juste valeur l'expertise opérationnelle des diasporas
scientifiques et techniques, des OSIM d'appui et gestion des projets
économiques des migrants auprès des publics porteurs d'une
demande sociale particulière dans les pays d'accueil et dans les pays
d'origine : État, entreprises, société civile,
particuliers.
15
MECSEF : La Mutuelle d'Épargne, de Crédit des
Sénégalais en France (MECSEF) qui ambitionne de «
Participer à l'amélioration des conditions de vie et
d'insertion socio-économique des populations ici et là-bas.
Permettre à tous Sénégalais vivant en France d'être
Acteur Solidaire d'un Co développement économique durable et
solidaire », entre autres missions. Voir sur son Portail web :
http://www.mecsef.com/
12
Compte tenu du cheptel de constats qui
précèdent, c'est l'exploration du volet
insertion/intégration des migrants originaires de l'Afrique
sub-saharienne (tous statuts) dans le circuit social et économique en
France (mécanismes, dispositifs, acteurs, politiques) qui a
mobilisé notre attention. De même que l'autonomie
financière et les gains de nature technique qui, théoriquement du
moins, leur sont corrélés.
La ligne directrice de cette étude consiste à
porter un double regard à la fois sur la démarche individuelle et
collective d'insertion des migrants au travers de la mobilisation et la
valorisation des ressources ( sociales, culturelles, humaines et
économiques) autant que sur la dimension sociale de l'entrepreneuriat
immigré très peu exploré (maillage de réseaux de
diasporas expertes avec des structures d'accompagnement et de formation et les
associations d'insertion des migrants...).
Cette posture met en avant l'idée que les initiatives
socio-économiques des migrants constituent une des étapes
fondamentales d'accumulation des ressources et des compétences requises
dans l'accomplissement des actions de développement. Ce n'est donc pas
un hasard si les logiques de transferts et de circulation de fonds et des
connaissances (savoirs et savoir-faire) vers les pays en développement
ont fait l'objet de nombreux travaux scientifiques et qu'ils sont fortement
encouragés par les acteurs politiques et de la solidarité
internationale16. L'enjeu est en effet double : l'acquisition de la
culture de l'investissement productif par les migrants, sans
l 18
distinction de qualification . Puis le renforcement des
capacités de ceux des immigrés les plus concernés par les
situations de précarité socioprofessionnelle en France :
déqualification, sous-qualification et leurs corollaires.
Aussi, tenterons-nous dans le cadre de ce travail d'esquisser
des éléments de réponse à la problématique
suivante :
2. PROBLEMATIQUE GENERALE
Si le constat de l'accès de plus en plus restreint au
marché du travail en France aux migrants originaires de l'Afrique
sub-saharienne est aujourd'hui globalement partagé, il importe
d'identifier les mécanismes et les instruments pouvant permettre de
reconnaître, développer, mobiliser et valoriser les
compétences individuelles et collectives (associatives) des migrants
subsahariens qualifiés et faiblement qualifiés en France ; afin
d'améliorer leur employabilité, la prise d'initiatives
socio-économiques efficientes, favorisant une intégration
réussie en France, l'accumulation et la transférabilité de
ces ressources financières et immatérielles dans les pays de
départ.
Quels cadres organisés et quelles structurations
efficaces des associations subsahariennes (tous champs d'actions confondus)
pour opérationnaliser la mise en valeur des ressources humaines
immigrées africaines, à l'instar de ce que font les diasporas
marocaine, indienne et chinoise en France, Europe et Amérique ? Comment
atteindre cet objectif et le reproduire à large échelle ?
16 Le programme TOTKEN (Transfer of
Knowledge Through Expatriate Nationals) ou Transfert de
connaissances par l'intermédiaire de nationaux
expatriés), développé et conduit depuis 1977
par Le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) offre
ainsi des voies alternatives aux pays ne disposant pas d'infrastructures
locales viables pour accueillir leurs ressources humaines exilées les
plus qualifiées (chercheurs, ingénieurs). Aussi, ce programme
permet-il de soutenir des missions temporaires de consultance scientifique ou
technique réalisées par des chercheurs expatriés dans leur
pays d'origine. Voir par exemple le portail internet du Totken
Sénégal adossé au Programme National pour la Mobilisation
de l'Expertise de la Diaspora (PNMED) : http://www.tokten.sn/
18
En tout cas ceux qui sont les moins enclins à cette
démarche en France, au-delà du financement des
micro-réalisations dans les localités d'origine.
13
2.1. Questions de recherche
2.1.1. Question centrale
Quels sont les discours, les positionnements et les pratiques
des organisations associatives subsahariennes du Grand Lyon en matière
de mobilisation des compétences (cognitives, techniques et culturelles),
de ressources économiques, de construction des réseaux
diasporiques et des alliances stratégiques en regard des champs de
l'insertion socio-économique et professionnelle des migrants et du
développement solidaire dans les pays source ?
2.1.2. Questions secondaires
- Quelles sont les pratiques des associations
sub-sahariennes de l'agglomération lyonnaise en matière
d'accueil, d'intégration et d'insertion des migrants (en
vue de l'amélioration de leurs conditions de vie) ?
- Comment les organisations associatives
appréhendent-elles les dispositifs institutionnels de la
politique
d'intégration des populations
immigrées et des politiques de la ville à Lyon
et ses alentours ? Quel est leur niveau d'investissement
global dans la mise en oeuvre de ces politiques publiques au niveau local ?
- Quel rôle les associations de migrants peuvent-elles
jouer, au-delà des instruments génériques existants
en France, dans le développement des
compétences des travailleurs migrants dans un contexte
économique tendu où l'employabilité exige de plus en plus
des qualifications fortes, plus de flexibilité et de mobilité
?
- Quels facteurs expliquent que les associations
africaines soient d'ordinaire moins bien structurées,
moins inter-reliées et moins visibles
institutionnellement que les organisations françaises d'insertion ou
encore des diasporas maghrébines ? Quels sont du point de vue des
acteurs eux-mêmes les facteurs de réussite et
d'échecs des groupes diasporiques africains dans le Grand Lyon
?
- Quels solutions et modèles relationnels
féconds les acteurs subsahariens esquissent-ils au travers
de
leurs discours afin de : surmonter les tensions
politico-ethniques et luttes internes de pouvoir qui fragilisent d'ordinaire
les associations, renforcer les synergies entre groupes associatifs de toutes
origines, accentuer les échanges de bonnes pratiques et les
expériences porteuses en matière d'insertion ici et de
développement là-bas ? Comment formaliser l'influence d'une
diaspora peu organisée au niveau institutionnel ici?
- Dans quelle mesure est-il possible d'inclure
l'interculturalité dans les mesures spécifiques
d'insertion et
d'accompagnement à l'accès à l'emploi ou
à la création d'entreprise ? les stratégies
identitaires des organisations diasporiques africaines peuvent-elles
constituer une réponse au processus d'intégration professionnelle
et socio-économique des migrants en France ?
- Quelles pratiques développent les associations des
migrants en matière de promotion de l'entrepreneuriat
immigré ?
2.2. Corpus des réponses provisoires au moment du
démarrage de l'enquête
2.2.1. Proposition provisoire de
base
L'efficacité individuelle et collective des actions
d'intégration sociale, professionnelle et économique des migrants
africains regroupés en associations dans le Rhône ainsi que la
mobilisation et la valorisation de leurs
14
compétences sont fortement déterminées et
conditionnées par le niveau de structuration et de management de leurs
organisations, l'intensité de leurs interactions, le niveau
d'accès à l'information pertinente et leur niveau d'expertises
respectives.
2.2.2. Propositions de travail
- En dépit des objectifs clairement stipulés dans
leurs statuts, nombre d'OSIM et les fédérations auxquelles
elles se rattachent n'investissent que très
marginalement le champ de l'intégration et appréhendent
faiblement les instruments institutionnels existants (Plan départemental
d'intégration). Il en ressort que les migrants peu qualifiés par
exemple sont les laissés-pour-compte des politiques de
développement des compétences (avec ou au-delà des
dispositifs génériques existants) et d'accompagnement à
l'intégration socio-professionnelle aussi bien par les associations que
par les pouvoirs publics.
- L'accompagnement à l'insertion des migrants
primo-arrivants ou des migrants anciens se pratique par les
associations communautaires de manière informelle et
ponctuelle au travers de la mobilisation des ressources et réseaux de
sociabilité traditionnels endogènes : hébergement,
entraide matérielle et morale entre ressortissants de la même
localité ou du même pays d'origine...
- Les lacunes stratégiques et organisationnelles des
groupes diasporiques sub-sahariens du Rhône et les
défections à l'égard des projets
collectifs d'intégration des migrants par les associations qui les
représentent résident pour beaucoup dans l'affaiblissement
croissant du ferment unitaire national et du sentiment patriotique, la
prépondérance des intérêts individuels
contradictoires, des conflits de leadership, des irréductibilités
ethno-régionalistes, des tensions politiques locales importées en
France et des rapports politiques problématiques qu'entretiennent une
frange importante des ressortissants africains avec les régimes
politiques locaux. Il s'en suit des velléités de mise en
réseaux sans consistance réelle et la dispersion accrue des
membres de la diaspora et de leurs multiples capitaux (social, cognitif,
économique, etc.) qui circulent certes mais sans cadre spécifique
de mise à contribution et de valorisation.
- La situation socio-politique du pays d'origine et la
réalité du « mieux vivre ensemble » au sein des
associations dans le Rhône sont fortement
imbriqués.
- Le succès d'une mobilisation et valorisation des
compétences aux fins d'une intégration socio-
professionnelle et économique forte passe surtout et
avant tout par la structuration des groupes associatifs en réseaux
alliant, selon les compétences et les apports potentiels, les diasporas
de la connaissance, les OSIM d'appui et les associations culturelles,
militantes et communautaires, autrement dit, un point de rencontre entre
qualifiés, moyennement qualifiés et les sans qualifications.
2.3. Objectifs de l'étude
2.3.1. Objectif principal
Déterminer les pratiques actuelles des groupes
diasporiques subsahariens dans le Grand Lyon (OSIM généralistes
ou spécialisées) en matière de mobilisation et de
valorisation des compétences des migrants qualifiés et faiblement
qualifiés, de l'insertion économique et professionnelle et
identifier ensuite les conditions et les modalités de mise en place d'un
cadre opérationnel organisé permettant :
- de tirer le meilleur parti des savoirs et savoir-faire souvent
épars, dévalorisés ou sous-employés des
migrants ;
- d'encourager, accompagner et optimiser les initiatives
socio-économiques immigrées en France et en
Afrique.
15
2.3.2. Objectifs spécifiques
- Examiner un aspect particulier du processus
d'intégration : l'accès des migrants qualifiés et sans
qualifications au marché du travail en France et dans
le Rhône et l'analyse des remèdes préconisées par le
gouvernement français en ce sens et les résultats des mesures
ayant eu pour but de favoriser l'intégration.
- Dresser un état des lieux du lien entre associations
sub-sahariennes et l'intégration économique des
migrants dans l'environnement local, l'importance de cette
préoccupation dans leurs agendas d'activités, leur relation
à la question du renforcement des compétences et des
capacités des migrants au travers des cadres, politiques, intervenants
spécialisés et des dispositifs génériques et/ou
spécifiques publics : Validation et valorisation des acquis des
antécédents professionnels, formation continue d'adultes
(professionnelle, remise à niveau).
- identifier les organisations diasporiques africaines
(intellectuelles, d'appui et communautaires) de la
région lyonnaise et la nature des liens possibles
qu'elles entretiennent, puis les pratiques des structures d'appui et
accompagnement issues des migrants pour les migrants dans l'optique d'une
implication forte et visible de ceux-ci dans les dynamiques économiques
des bassins de vie.
- analyser ensuite les préalables nécessaires et
les ressources à mobiliser afin qu'émerge un cadre
opérationnel efficient, facilitant la collaboration
entre groupes de migrants experts et non-experts ; ce cadre visant à
développer l'employabilité des migrants africains ( tous statuts
, niveau d'études et origines confondus) en tirant le meilleur parti de
leurs aptitudes souvent éparses, inadéquates ,
dévalorisées et/ou sous-employées.
- Identifier les pistes pour associer les groupes diasporiques
(OSIM communautaires et diasporas
professionnelles et savantes) à la politique
régionale de coopération décentralisée, de
solidarité internationale et d'intégration socioculturelle,
professionnelle et économique des immigrés.
- Identifier ce qui se fait avec réussite sur les plans
opérationnel et organisationnel au sein des associations
sub-sahariennes du Grand Lyon et les opportunités de
leur réplication en d'autres endroits dans un cadre formel
d'échanges de bonnes pratiques et capitalisation
d'expériences.
3. FONDEMENTS METHODOLOGIQUES DE L'ETUDE
3.1. Cadre théorique
opérationnel
Pour déterminer ses appuis méthodologiques, la
présente étude a eu recours à : ? La
Théorie de l'acteur stratégique (acteur et le
système)
Centrale dans la sociologie des organisations,
développée par Michel Crozier et Erhard
Friedberg, elle nous a permis de saisir, à travers les discours
et l'observation participative, les rationalités d'acteurs qui
président aux choix d'adhésion ou non aux réseaux des
pairs, les jeux et intérêts qui s'affirment , interagissent ou
s'opposent, leurs impacts sur les actions collectives et l'efficacité ou
non de celles-ci sur les objectifs de développement, solidarité
ou d'intégration en France. Dit autrement, la démarche a
consisté à analyser le fonctionnement et la structuration des
organisations de migrants en partant des caractéristiques et des
stratégies individuelles ou collectives propres aux membres qui les
composent.
16
Cette théorie s'appuie d'ailleurs sur trois principes
majeurs relatifs au concept de stratégie que nous avons repris à
notre compte dans le cadre de cette étude :
- Renforcer la capacité d'action en
aménageant dans le même temps des marges de manoeuvre est le sens
majeur des actions des acteurs dans une organisation ;
- Le comportement des acteurs a toujours un sens
intrinsèque même si les projets peuvent parfois manquer de
cohérence ou de clarté ;
- Tout comportement humain est actif dans la mesure
où il résulte d'un choix et s'ajuste de façon opportune en
fonction du comportement possible d'autrui.
À la lumière de ces principes, nous avons
émis l'hypothèse que les stratégies du migrant membre de
groupes associatifs s'élaborent au fur et à mesure eu
égard à la situation dans laquelle il est
impliqué, son statut, les actions engagées, les objectifs de
l'organisation qui peuvent converger ou non avec ses intérêts
propres, les ressources dont il dispose et tirent parti, les relations
entretenues avec les uns et les autres, ici et là-bas, les rapports de
pouvoir qui ne manquent pas dans une telle configuration sociale, les
représentations individuelles. Ce qui revient aussi à analyser
les « effets de composition » ( Raymond Boudon), ou la façon
dont un processus social naît de l'agrégation des actions
individuelles, l'issue du jeu, le décalage significatif entre le
rôle et les actions et comportements de l'acteur. Ainsi, lorsque le
sentiment d'appartenance au groupe, à une culture nationale
sédimentée dans les objectifs et missions de l'organisation
apparait faible, il s'en suit une difficulté pour les migrants pourtant
issus du même pays et de sensibilités ethno-régionalistes
et politiques semblables ou différentes à se
fédérer en constituant une diaspora intégrée propre
à ce pays, au sens où on parle de la diaspora russe ou indienne.
Il restera néanmoins à comprendre comment en dépit de
cette hétérogénéité qui traverse et affecte
les groupes diasporiques africains, ceux-ci parviennent néanmoins
à maintenir leur identité propre et à se
pérenniser.
La grille d'analyse par la stratégie
permet également d'éclairer les initiatives
entreprises par les migrants, les logiques de leurs actions (approche
compréhensive), en vue d'accroître leurs possibilités de
s'insérer dans le tissu socio-économique en France ou
d'intégrer durablement le marché de l'emploi, de s'y maintenir en
sécurisant les parcours professionnels ou en optant pour la
mobilité professionnelle qui peut s'accompagner de la mobilité
résidentielle. Ce qui implique une lecture analytique de la situation
(contexte historique et institutionnel, symboles, dispositifs...) qui participe
à la formation des logiques d'action.
L'enquête de terrain est à cet égard un outil
de collecte de données particulièrement indiqué. Par cette
analyse empirique, nous rejoignons :
Le paradigme de l'individualisme
méthodologique
Il est en usage dans les sciences économiques et
sociales et explique par une approche ascendante les phénomènes
collectifs à partir des attributs des individus (volonté,
motivations, possibilité d'agir en acteur libre, dispositions,
croyances, ressources, relations) et leurs actions.
Ainsi, pour comprendre les groupes diasporiques, ses forces et
ses faiblesses, et leur capacité d'action, il faut analyser les buts,
intérêts et actions des individus. En ce sens, ce paradigme
s'oppose au holisme qui part du global pour expliquer le particulier (approche
descendante).
Nous allons d'ailleurs introduire un fléchissement
à la lecture individualiste des processus sociaux en indiquant
l'importance des structures sociales comme lieux de socialisation et de
construction de l'identité, de promotion des mécanismes
identitaires, comme c'est le cas pour les associations de migrants
constituées sur une base ethnique, professionnelle, institutionnelle,
financière, technique ou scientifique. La sociologie bourdieusienne ne
dit pas autre chose qui postule que les intentions et les individus sont
globalement déductibles de la place qu'ils occupent
17
dans la société, bien au-delà de leurs
motivations et intérêts propres. Ainsi Jean-Pierre Dupuy
parle-t-il d'Individualisme méthodologique complexe
(ou IMC) qui réconcilie les deux paradigmes
sus-cités. En clair, les actions individuelles s'agrègent et
modifient les structures sociales qui à leur tour « produisent
des effets cognitifs sur les individus et déterminent en partie leurs
actions. » (J-P Dupuy).En somme, une interdépendance entre
action et structure.
Ce qui nous amènera ensuite à aborder la
question de la conduite du changement en
organisation, chère à la sociologie des
logiques d'action, avec l'idée centrale que la
réussite du changement dépend de la structuration d'une
organisation en réseau. Autrement dit, une meilleure
intégration socio-économique et professionnelle des migrants en
France dépend pour beaucoup de l'organisation en réseaux
intégrés des groupes diasporiques de même origine
dispersés dans différentes régions du même pays
d'accueil ou dans d'autres pays de destination. La multiplication des
réseaux secondaires forts en clair (Natalie Buga, 2011).
Au final, la présente recherche pour l'action accorde une
place centrale à : ? La sociologie des
organisations
Elle agrège l'ensemble des paradigmes explicatifs
évoqués plus haut. C'est une branche de la sociologie qui prend
pour étude la manière dont les acteurs construisent et cordonnent
des activités organisées, les modes de gouvernance des
organisations et les interactions de celles-ci avec l'environnement
socio-politique, technique, économique et culturel direct ou distant.
Hiérarchie et relations de pouvoir, lien social et
identitaire, phénomènes culturels, étude de la circulation
de l'information et outils de communication, les situations conflictuelles sont
autant d'angles d'étude abordés par la sociologie des
organisations et que nous ferons nôtres dans l'analyse
empirique des individus et des groupes diasporiques sub-sahariens dans le
périmètre géographique du Grand Lyon en Région
Rhône-Alpes.
Pour renforcer notre armature théorique, nous
évoquons de façon marginale :
? Les théories générales des
migrations (positives et normatives) : Elles font un focus sur
les apports globaux des mouvements migratoires au développement des pays
des départs ;
? Les approches socioculturelle, économique
et processuelle permettant de saisir au mieux des pans de
l'entreprenariat immigré dans notre zone d'investigation ;
? Les théories des réseaux sociaux
et de l'acteur-réseau pour nous guider dans l'analyse des
logiques et dynamiques de mise en réseaux des OSIM africaines dans le
Grand Lyon spécifiquement.
3.2. Méthode et outils de collecte de
données
Le présent travail est principalement axé sur
une analyse qualitative et s'appuie sur un parti pris méthodologique qui
est la démarche de recherche pour l'action. Qu'est-ce
que cela implique pour notre travail d'investigation ?
3.2.1. La recherche-action
L'expression recherche-action est apparue dans les
années 40 sous la plume de Kurt Lewin et repris au cours des
années 50 par des psychosociologues américains et britanniques.
En France, son usage est devenu fréquent à partir de 1977,
devenant même une mode (Rémi HESS, 1983). Mais que recouvre pour
chaque auteur le mot recherche et le mot action si l'on considère que la
spécificité de toute démarche de recherche-action tient
à la combinaison à de la dimension recherche et la dimension
action ?
18
D'après Robert Rapoport, la recherche-action vise
à « apporter une contribution à la fois aux
préoccupations pratiques des personnes se trouvant en situation
problématique et au développement des sciences sociales par une
collaboration qui les relie selon un schéma éthique mutuellement
acceptable. »19
Pour Guy Le BOTERF, « La recherche-action est un
processus dans lequel les acteurs sociaux ne sont plus considérés
comme de simples objets passifs d'investigation, deviennent de plus en plus des
sujets conduisant une recherche avec la collaboration de chercheurs
professionnels. Ce sont donc les groupes sociaux concernés qui vont
identifier les problèmes qu'ils veulent étudier, en
réaliser une analyse critique et rechercher les solutions
correspondantes. »
Ces deux assertions font écho en gros à
l'idée que les connaissances dérivent de l'action et
connaître un objet, c'est agir sur lui et le transformer, en saisissant
« les mécanismes de cette transformation en liaison avec les
actions transformatrices elles-mêmes » (Jean PIAGET, 1969). En
clair assimiler le réel en vue d'une coordination nécessaire et
générale de l'action, une recherche pour l'action en somme.
Nous définirons la recherche-action comme une
méthode de recherche qui permet l'interpénétration dans la
même démarche de compréhension de la théorie et la
pratique. C'est donc une rencontre entre chercheurs et praticiens. Elle a pour
vocation d' une part d'associer les acteurs sociaux à la démarche
de la recherche et d'autre part de co-construire avec ces acteurs les
connaissances qui irrigueront ou à tout le moins orienteront leurs
actions. La recherche-action part généralement du constat d'une
situation, de pratiques, de résultats vécus comme insuffisants ou
insatisfaisants. Aussi porte-t-elle une volonté d'intervention aux fins
d'une transformation, d'un changement dans le monde réel mais sur une
échelle restreinte quoique tendant vers un projet plus
général. Cette volonté est adossée à la
compréhension du problème à résoudre, pour ce qui
est des acteurs. Pour le chercheur en revanche, elle a une visée de
connaissance qui, sur la base des informations collectées sur le
terrain, peut esquisser une théorie.
Nous pouvons avec Jean Dubost20 dégager 4
caractéristiques de la démarche de recherche-action :
? C'est d'abord une recherche fondamentale ;
? Ensuite une recherche sur l'action
;
? Puis une recherche pour l'action, en
raison de l'intérêt portée à son efficacité
;
? Enfin une recherche en action du fait
de la participation des sujets de la recherche à la réflexion.
Signe particulier de cette démarche, les
réponses particulières à un ensemble de problèmes
particuliers n'ont pas nécessairement vocation à être
reproduites autre part, sinon à certaines conditions. En clair, si la
recherche-action apporte des réponses tout à la fois complexes et
singulières à une problématique contextualisée,
localisée, elle n'exclut pas non plus radicalement une reproduction en
d'autres contextes.
À tout prendre , la recherche-action telle que la
conçoit Lewin « a pour objectif de produire des connaissances
en cherchant à comprendre ce qui se passe tout en impliquant les groupes
concernés par la recherche dans une visée de changement voire de
développement organisationnel », précise la sociologue
Catherine TOURILHES21
À l'échelle de notre enquête, nous nous
situons entre recherche et action. En raison du temps extrêmement court
dont nous disposions pour ce travail et la difficulté à joindre
et rassembler pour une réflexion commune les différents
interlocuteurs, nous nous sommes bornés à mener un certain nombre
d'entretiens approfondis, à recueillir des données auprès
des acteurs ayant tout ou partie liée avec la relation immigration et
intégration. Toutefois, la visée transformatrice a
constitué notre ligne fondatrice car ayant noté dans le cadre de
nos entretiens
19 Robert N. RAPOPORT in « Les trois dilemmes
de la recherche-action. » Connexions n°7, 1973, p. 115.
20
« Les critères de la recherche-action. » Pour
n° 90, 1983, p. 17
21 Catherine Tourilhes in « La
recherche-action comme démarche de coopération sur un territoire.
Expérimentation d'une formation-recherche intégrant
étudiants, formateurs, chercheurs, professionnels,
IRTS Champagne Ardenne, Laboratoire de recherche CIREL-PROFEOR,
Lille 3.
19
exploratoires un certain nombre de problématiques
formulées par les acteurs eux-mêmes et pour lesquelles il fallait
esquisser des solutions, collectivement de préférence.
Il s'est donc agi de mener une enquête dans la
Communauté urbaine de Lyon afin de comprendre le positionnement des
migrants organisés en associations et réseaux d'associations sur
la question de la mobilisation et la mise en valeur des compétences dans
l'optique d'actions d'insertion socio-économique efficientes ici et
là-bas. Au-delà de la place qu'occupe cet impératif dans
l'agenda des diasporas en France, cette enquête visait également
à identifier les actions menées collectivement pour atteindre cet
objectif dans le périmètre rhodanien et les collaborations
possibles entre groupes associatifs sub-sahariens. Ce qui nous a permis de
recouper les informations en vue d'une rapide comparaison avec les diasporas
asiatiques et afin d'en isoler les points de convergence et de divergence, les
potentialités de succès ou d'échec, les constantes et les
spécificités en la matière.
Pour ce faire, nous avons privilégié des outils
permettant une collecte efficiente de données dites qualitatives,
à savoir :
3.2.2. L'analyse documentaire et de contenus
À partir d'une revue de la littérature la plus
pertinente possible sur ce thème, nous avons dressé un
état des lieux sur les groupes diasporiques, leurs organisations,
l'impact de leurs activités sur les économies du pays d'accueil
et des pays d'origine, de même que les démarches entreprises
visant l'intégration socio-économique de leurs membres dans la
région lyonnaise et leurs pratiques en termes de mobilisation,
développement et valorisation des compétences des membres de la
communauté africaine de France et du périmètre
d'enquête. À cet égard, nous avons exploité
quantité de données statistiques officielles du type INSEE, et
celles issues des travaux de recherche divers (articles de revues,
mémoires, thèses de doctorat... ou encore des OSIM
elles-mêmes). Ce sont entre autres données celles portant sur les
associations identifiées de migrants de part et d'autre de la
région Rhône-Alpes, le volume des transferts des ressources, la
création d'entreprise par les immigrés en France (taux,
résultats, post-suivi), les renseignements sociodémographiques de
la population immigrée rhônalpine en général et
rhodanienne en particulier.
3.2.3. Les Entretiens qualitatifs
Ils nous sont apparus comme la voie royale
d'appréhension et de compréhension des représentations,
croyances, attitudes et comportements, dits et non-dits, les pratiques ou
non-pratiques au travers des discours des migrants engagés dans la
situation ici concernée. Les entretiens menés selon le
cas et les possibilités étaient principalement semi-directifs,
directifs ou de groupe (focus group), le but étant de recueillir les
points de vue des acteurs associatifs et non associatifs dans toute leur
complexité et diversité, sur eux-mêmes, sur le sens qu'ils
donnent à leurs actions, sur leurs relations aux autres et sur leurs
environnements multiples. Nous nous sommes dotés pour cela d'un guide
d'entretien, que nous avons adapté en fonction des catégories
d'interlocuteurs (statut, fonction, origine, etc.) cibles de l'enquête.
Ce sont pas moins de 20 responsables d'associations et réseaux
d'associations de migrants du département du Rhône que nous avons
rencontrés, de même que quelques institutionnels en mairie
notamment (Bron, Villeurbanne). Nous y reviendrons dans le détail dans
les prochains chapitres.
3.2.4. L'Observation participante
Au cours de notre enquête, il nous est arrivé de
participer personnellement aux réunions, assemblées
générales de certaines associations et manifestations d'OSIM de
solidarité et du développement actives dans
l'agglomération lyonnaise. L'objectif était de nous immerger et
de nous imprégner de l'exercice démocratique ou des pratiques
spécifiques en termes de prise de décisions, puis comprendre
l'appréhension qu'ont ces dernières de la question de la
mobilisation des savoir-faire et valorisation des compétences, du niveau
de structuration des organisations de migrants, du niveau d'intégration
de ceux-ci, des actions à envisager pour améliorer les
capacités d'action et accentuer les marges de manoeuvre. Nous avons
ainsi pu assister à des séances de brainstorming en
préparation de la Journée de solidarité (du 16 au
18 novembre 2012) co-organisée par un réseau d'associations de
20
solidarité et développement : le CADR ; ou encore
à une réunion de préparation de cet
évènement par le collectif des associations béninoises de
Rhône-Alpes.
4. METHODES D'ECHANTILLONNAGE
4.1. L'échantillon
Si on ne dispose pas de chiffres précis du nombre
d'associations issues des migrations sub-sahariennes dans le Rhône, il
est possible de se faire une idée de celles qui en sont les plus
représentatives en consultant les bases de données d'associations
disponibles sur les sites internet des quelques rares réseaux
associatifs de migrants de notre zone d'enquête. Aussi nous sommes nous
procurés une liste non-exhaustive des OSIM membres du COSIM
Rhône-Alpes, du Collectif Africa 50 et du CADR mais
aussi en consultant les annuaires des associations édités par les
collectivités territoriales : Mairie de Bron, Mairie de Villeurbanne,
Hôtel de ville de Lyon et Mairie de Vénissieux pour ne citer que
ces pôles d'informations. En les croisant, nous avons pu obtenir les
coordonnées des responsables administratifs desdites OSIM.
La définition de la taille de notre échantillon
d'enquêtés a été fonction de plusieurs facteurs, des
impondérables avec lesquels il a fallu composer : tout d'abord la
disponibilité des acteurs (coordonnées, temps) et du consentement
à se laisser interviewer. Nous nous étions engagés au
départ à assurer selon la méthode des quotas une
représentativité parfaite de toutes les nationalités
sub-sahariennes présentes sur le territoire rhodanien dans notre
échantillon d'associations. Nous avions alors établi une liste
précise de groupes associatifs de toutes origines à contacter, en
nous appuyant sur notre base de données extraite du site du COSIM
Rhône-Alpes. Nombre de ces associations sont restées injoignables.
Après avoir défini une stratégie de prise de contact tout
d'abord par la constitution d'une base de données des associations
rhodaniennes de migrants identifiées par les réseaux et les
mairies du périmètre de l'enquête, nous avons
opéré en deux temps : e-mailing selon les adresses
électroniques disponibles et les appels téléphoniques.
Même si au final nous avons arraché quelques rendez-vous
extrêmement intéressants par la qualité des échanges
qui en ont suivi, le taux de retour de nos contacts a été
plutôt faible : manque de temps de nombre de membres d'associations, peu
de coordonnées à jour ( e-mails et numéros de
téléphone erronés ), méfiance de certains acteurs
vis-à-vis de notre démarche d'enquête, malgré toutes
les précisions et précautions prises et les garanties
données au travers de nos courriels et contacts
téléphoniques. Au-delà de ces impondérables,
l'enquête s'est déroulée essentiellement auprès des
acteurs associatifs (responsables, membres actifs ou démissionnaires),
des acteurs sociaux et institutionnels en relation avec les associations de
migrants (ONG de solidarité internationale et de développement,
réseaux des collectivités territoriales en charge de la
coopération décentralisée...). Ce sont, dans le
détail :
- Associations communautaires de solidarité (associations
villageoises-rurales, régionales)
- Associations culturelles
- Association militante (santé)
- Associations féminines (transnationales, communautaires
ou culturelles)
- Associations techniques d'appui aux projets et demande de
financement des migrants
- Associations nationales (généralement des
collectifs d'associations régionales ou culturelles)
- Fédérations régionales et nationales
d'OSIM (du type COSIM, FORIM, FAFRAD, CADR, RESACOOP...)
21
4.2. Indicateurs d'analyse de l'enquête
Nous en avons défini quelques-uns en fonction des
thématiques principales de l'enquête. Aussi, se mêlent
variables explicatives et dépendantes, en fonction des catégories
d'enquêtés : au niveau individuel, associatif et institutionnel.
Elles portent tour à tour sur des données empiriques de
diagnostic du phénomène associatif sub-saharien du
département du Rhône, l'analyse objective d'un problème ou
d'une situation singulière par les acteurs, puis les opinions
personnelles émises en termes d'explication des logiques et causes des
questions soulevées et leurs justifications, puis en termes de
préconisation de solutions et moyens de mise en oeuvre. Entre autres
indicateurs de notre investigation déterminés au travers des
opinions des acteurs associatifs :
- La taille de l'association, les champs et
périmètre des actions et l'échelle des priorités
des associations
- L'ancienneté des enquêtés sur le territoire
national du pays d'accueil
- Le niveau de satisfaction du fonctionnement des Osim, de
l'engagement associatif et de ses retombées
concrètes au niveau individuel et collectif
- Les actions des associations en faveur de l'intégration
et leur niveau d'investissement dans ce champ
- L'appartenance aux réseaux et les alliances
stratégiques conclues avec différents acteurs, le degré
d'ouverture, de connaissance mutuelle et d'interactions entre
associations (migrants, français de naissance) et entre réseaux
(capital social).
- Les actions déployées en matière
d'accompagnement à l'insertion socio-économique, l'incitation et
le soutien à la création d'activités
génératrices de revenus ou l'entreprenariat (capital
économique).
- Le niveau de connaissance des droits spécifiques aux
migrants et droit commun, instruments et dispositifs existants en
matière de soutien aux associations (subventions, formation,
encadrement, fiscalité) et l'intégration des populations
immigrées (PRIPI, PDI, Politique de la ville dans son volet insertion et
lutte contre les discriminations). Nous le résumons au capital
culturel.
- Les pratiques en termes de mobilisation,
développement et gestion des compétences en vue des
actions (capital humain)
- La nature des solutions préconisées pour faire
face aux difficultés quotidiennes face aux
problèmes identifiés comme constituant un obstacle à
l'atteinte des objectifs visés.
5. DELIMITATION DU CHAMP CONCEPTUEL
La présente étude fait appel à un
ensemble de concepts qui relèvent de plusieurs champs disciplinaires
(socio-anthropologie, psychologie sociale, sciences de l'éducation,
économie du développement...) et s'interpénètrent
eu égard à nos thématiques de recherche.
Compétences
C'est un ensemble de connaissances théoriques et
techniques acquises par la formation ou par l'expérience, mobilisables
et surtout utiles à l'exercice d'une activité. À la
lecture de diverses définitions proposées par les
théoriciens français de la notion de compétence, dans le
cadre notamment de l'économie des savoirs, des caractéristiques
et dimensions multiples du concept peuvent être isolées. Ainsi, la
compétence à la fois:
- Opératoire : En clair, elle permet
d'agir, elle est « compétence à agir »
d'après la délicieuse formule de
Michel Parlier22, en ce sens qu'elle se repère
et se rapporte toujours à une activité et à une situation
professionnelle donnée. On la dit alors contextuelle (Sandra
Bellier).
- Apprise : car elle s'acquiert par construction
personnelle et sociale ;
22 Michel Parlier, « La compétence,
nouveau modèle de gestion des ressources humaines », revue
Personnel, N° 366, 1996.
22
- Structurée dans la mesure où
elle regroupe un ensemble de « savoirs d'actions »
(Philippe Zarifian) : le
savoir proprement dit comme somme des connaissances
théoriques et techniques, le savoir-faire qui renvoie aux
habiletés de l'individu et le savoir-être qui en
constitue les qualités personnelles.
La compétence combine d'autres attributs dont le
savoir-agir qui est l'art d'assembler les ressources
adéquates , le vouloir-agir et le
pouvoir-agir qui allient un contexte (conditions
sociales, organisations, etc.) qui rend possible ou non la prise de risques ou
de responsabilité d'une part, et d'autre part la motivation de
l'individu à agir.
En conséquence, le concept de compétence
revêt les atours d'une attitude face aux
situations qui commandent d'agir en visant la réussite, au besoin en
mobilisant des réseaux d'acteurs qui, pour atteindre cet objectif, vont
contribuer directement à la prise en charge de ces situations en y
apportant en tout cas leur soutien (P. Zarifian).
Cette observation valide l'idée d'une participation des
réseaux des migrants à la construction et au renforcement des
savoir, vouloir et pouvoir agir ( les compétences donc) dans
l'optique d'augmenter la valeur de la main d'oeuvre du migrant, la
compatibilité de ses aptitudes, traits de personnalité et
connaissances acquises avec les attentes du marché du travail en
mutation, lequel exige dans un contexte économique tendu une
flexibilité, une adaptabilité à toute épreuve, une
disponibilité immédiate et des compétences
spécifiques. Ces compétences peuvent aussi être
recherchées par les associations elles-mêmes qui font face
à une crise sans précédent, ce qui tend à
démobiliser les ressources humaines bénévoles.
Dans ce contexte, comme déjà
évoqué plus haut, les communautés africaines de France
peinent à identifier, inventorier, mobiliser et mettre en oeuvre des
cadres opérationnels de valorisation des compétences de ses
ressources humaines de haute facture. Si quelques États des pays
d'émigration ont mis en place des politiques visant à mobiliser
les compétences de leurs expatriés pour les besoins du
développement national, d'autres en revanche ne s'en sont guère
préoccupés : « Il existe(...) un handicap de poids :
c'est la méconnaissance des ressources humaines qualifiées dans
les pays d'accueil. Les consulats africains en Europe ignorent jusqu'au nombre
de leurs ressortissants et ne savent rien de leurs compétences. Dans ce
cas, comment envisager, de manière efficace, la mobilisation des
ressources disponibles à des fins de développement s'il n'y a pas
au préalable d'identification, d'organisation et de rationalisation du
potentiel diasporique ?» (Babacar Sall, 2003).
Les compétences sub-sahariennes de la diaspora se
recrutent donc assurément dans divers secteurs d'activités et du
savoir (sciences et techniques, management, enseignement, arts, finances,
institutionnel, etc.). Et si la presse africaine célèbre
régulièrement les plus emblématiques de ses
représentants à l'étranger, ceux qui s'illustrent dans un
domaine particulier23, des exemples d'organisations africaines
défrayant positivement la chronique des médias africains et
occidentaux se font en revanche plus rares. Au-delà des réseaux
diasporiques émergents, forts bien structurés et devenus
modèles d'organisations des migrants hautement qualifiés tels les
réseaux SANSA24 et SADN sud-africains, peu nombreux sont des
mouvements diasporiques africains parvenus à un tel niveau
d'organisation transnationale et de mobilisation de ses ressortissants les plus
qualifiés. En dépit de quelques velléités
d'agrégation des ressources compétentes çà et
là (l'annuaire des compétences du FORIM par exemple), la
dispersion des « sachant », des « exécutants
» et des « performants »25 reste la
règle.
Au-delà, la question des compétences pose aussi
l'épineux problème des niveaux de qualification des migrants qui
entrent ou aspirent à intégrer le marché du travail
français. Or, il ressort des enquêtes de l'INSEE, et nous y
reviendrons, qu'en considérant la population active immigrée dans
son ensemble, la proportion des travailleurs
23 Voir le trimestriel Africa 24 Magazine,
N° 7 d'août-Octobre 2012, sur les parcours élogieux de
certains Africains de la diaspora à l'étranger.
24 SANSA : South African Network of Skills Abroad ,
SADN : South African Diaspora Network
25
Ces attributs résument les types de compétences
qui résultent de l'interférence des trois sphères de
savoir : le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. Ainsi par exemple,
le « sachant » combine savoir et savoir-être, l'
« exécutant » résulte de la combinaison entre
savoir-faire et savoir-être, le « performant » est
celui qui maîtrise à la fois le savoir et le savoir-faire.
23
peu ou non qualifiés est conséquente. Cela pose
la question de la formation de ces personnes, l'acquisition des
compétences en lien avec la demande du marché, le
développement de celles-ci ou leur remise à niveau, pour assurer
aux demandeurs d'emploi par exemple un minimum de qualification requis pour
prétendre à un emploi rémunéré dans une
entreprise publique ou privée. En d'autres termes, par la
formation continue les compétences des personnes semi
qualifiées pourrait s'accroître et s'agréger aux aptitudes
et habiletés acquises dans d'autres sphères du savoir. La
présente étude sera aussi l'occasion d'évoquer l'utile
réadaptation du dispositif de reconnaissance des titres de
compétences acquises par exemple sans diplôme reconnu, parce que
issu d'un apprentissage informel ou non formel, par l'expérience, comme
c'est le cas chez bien des migrants non diplômés résidents
en France.
Migrant ou immigré
Dans son rapport de 1991, le Haut Conseil à
l'Intégration, s'appuyant sur les travaux de Michèle
Tribalat (1989), a proposé d'appeler « immigrés » les
personnes nées à l'étranger, entrées sur le
territoire avec une nationalité étrangère et
résidant en France depuis un an au moins. Un immigré en France,
à différencier de l'étranger26, est donc une
personne résidant en France mais née étrangère
à l'étranger. Après son entrée en France, il peut
soit quitter sa nationalité d'origine et devenir Français par
acquisition, soit rester étranger. Le lieu de naissance et la
nationalité d'origine sont les principaux critères officiels de
définition de l'immigré. La notion telle que définie par
l'INSEE inclut donc à la fois les immigrés non-Français(ou
immigrés étrangers) et les immigrés naturalisés
français.
Les descendants d'immigrés pour la plupart nés
en France ne rentrent pas dans la catégorie d'immigrés, par
convention27.
Cependant pour les besoins de la présente étude,
nous avons ajusté notre définition au travers d'une
démarche inductive, autrement dit à partir des données
recueillies sur le terrain. Pour l'essentiel, nous avons collé à
la définition du migrant qu'en donne l'INSEE, ce qui a permis
d'intégrer dans notre échantillon une population
d'immigrés aux statuts juridiques et caractéristiques
socio-culturelles diverses. Étant entendu que la question de
l'intégration et des opinions émises à ce propos nous
apparaissent pertinentes pour autant qu'elles sont portées par les
acteurs concernés à différents niveaux du processus
d'intégration. Ce qui logiquement nous a obligé à
élargir notre champ d'investigation. Il s'est par conséquent agi
des immigrés d'Afrique sub-saharienne appartenant à l'une des
catégories suivantes :
? Immigrés naturalisés français avec ou sans
double nationalité et résidant dans l'agglomération
lyonnaise
? Des immigrés étrangers (d'ancienne ou de
fraîche installation) munis d'un titre de séjour et donc ayant
conservé leurs nationalités d'origine
respectives.
Au total, ce sont donc à la fois des migrants à
la retraite, des immigrés bénéficiant de la double
nationalité, des migrants ayant conservé leurs
nationalités d'origine, des travailleurs migrants très
qualifiés, peu qualifiés ou sans qualifications, installés
pour une longue durée, munis d'une autorisation de travail en bonne et
due forme ; des migrants entrés en France suite au regroupement
familial, des réfugiés politiques28, les
déplacés, migrants forcés
26 La notion d'étranger est fondée
sur le critère de la nationalité. Un étranger est une
personne qui n'a pas la nationalité française. Les personnes
nées en France de parents étrangers sont
étrangères; à leur majorité la plupart d'entre
elles acquièrent la nationalité française (INSEE,
1999).
27 Conséquence de cette définition, les enfants
d'immigrés, s'ils sont nés en France, ne sont pas eux-mêmes
immigrés. Des non-immigrés donc
dont un au moins des deux parents est né
étranger à l'étranger. Notons que le terme
d'immigrés est lui-même sujet à caution, puisque d'un point
de vue purement juridique seule prévaut la notion d'étrangers. Il
s'agit essentiellement d'une convention à des fins d'études
(Héran,
2002).
28
Un réfugié est une personne dont la demande d'asile
a été accordée par un pays tiers et qui obtient donc la
protection de ce pays. La qualité
de réfugié est prévue par la Convention de
Genève de 1951. Cependant, dans le cadre de cette étude, nous
n'avons pas abordé la question des
24
et demandeurs d'asile, des étudiants
régulièrement inscrits dans une école, institut
universitaire, et dans une moindre mesure, pour les besoins d'illustration ou
de comparaison avec leurs ascendants, des descendants d'immigrés souvent
déjà Français.
À la notion de migrant, nous associons le concept
de diaspora, qui évoque l'idée de
dispersion des ressortissants d'un pays, d'une région dans diverses
parties du monde, entretenant peu ou prou des liens avec le pays d'origine, par
la conservation de la nationalité du pays en question, ou par des
actions de nature variée : culturelle, économique ,
socio-politique ... quand bien même les individus auraient renoncé
à cette nationalité ou alors en auraient acquis une seconde.
Natalia Buga29, à la lecture des
définitions différentes du concept, distingue les diasporas par
l'étape de leur processus de structuration ou encore par leur niveau de
structuration. Aussi, identifie-t-elle :
- les diasporas à maturité
(diasporas chinoise et indienne) et - les diasporas
émergentes (la diaspora russe).
- Il existe toutefois une troisième catégorie
aux contours flous, les diasporas en construction
telle la diaspora sud-africaine.
Selon leur niveau de structuration, les diasporas sont
structurées en :
- réseaux primaires :
expatriés exclusivement et directement en lien avec le pays d'origine
;
- réseaux secondaires :
expatriés en lien avec les ressortissants du même pays d'origine
dans d'autres localités du pays d'accueil (type 1) et dans d'autres
pays de destination (type 2).
Les diasporas à maturité se situent clairement
dans cette seconde catégorie et ont souvent gardé un lien
culturel fort avec le pays d'origine dans lequel ils engagent d'importants
investissements productifs et effectuent de gros volumes de transferts de fonds
et de technologies mais aussi de ressources non-financières (RNF) :
cognitives, organisationnelles, institutionnelles, relationnelles.
Au regard de ces éléments, où peut-on
placer le curseur sur l'échelle de construction des groupes diasporiques
subsahariens dans le monde en général et en France en particulier
? Quelles logiques président aux rapports entre groupes issus d'un
même pays ou de pays tiers ? Comment se structurent-ils et quels rapports
et pratiques liées à l'intégration
socio-économique, à la mobilisation des compétences et au
développement des pays de départ ? Nous allons tenter au travers
de la démarche empirique d'apporter des éléments de
réponse à ces questions.
Intégration
On y entend généralement un processus qui
implique d'une part, la personne qui entreprend de s'intégrer et d'autre
part, la société qui s'efforce de contribuer à la
réalisation de cet objectif, parce qu'il y va de son
intérêt (W.R. Böhning, R. Zegers de Beijl : 2008). Cette
notion renvoie aussi à un résultat final. En clair, un
état généralement qualifié de réussi, bien
que ce ne soit pas toujours le cas. Et cette situation, comme tout processus
social peut être potentiellement réversible, aboutissant à
une situation de désintégration comme nous le verrons en ce qui
concerne une frange importante de migrants à l'égard du
marché du travail en France.
Vue sous l'angle des migrants, l'intégration se
rapporte à la jouissance pleine et entière d'opportunités
de droit et de fait que l'on peut comparer à celles des Français
de naissance, présentant des caractéristiques similaires
réfugiés et de leurs organisations qui, même
s'ils sont autant concernés par les politiques d'intégration et
d'insertion, représentent out de même une histoire à part,
qui a des caractéristiques spécifiques qui ne permettent pas une
généralisation.
29 Natalie Buga, Les diasporas comme ressources
d'intégration à l'économie mondiale, thèse de
doctorat soutenue en juillet 2011, université de Grenoble,
faculté d'économie, 517 p.
25
d'âge, de sexe, d'éducation, etc. Autrement dit,
leur participation réussie aux mêmes produits de la vie de la
société dont les deux groupes font partie. Notons toutefois que
l'intégration implique un certain laps de temps et n'est pas applicable,
a priori, à certains types de migrants, notamment les travailleurs
temporaires. D'où le critère de la durée ou la
continuité de résidence du migrant en France pour juger de la
pertinence d'un processus d'intégration de part et d'autre de
l'immigré et de la société d'accueil.
Une précision s'impose tout de même concernant la
dimension d'autonomie culturelle que comporte la notion
d'intégration.
Si elle diffère de l'assimilation, l'intégration
doit néanmoins autoriser les dissemblances sur le plan des perceptions
culturelles et des pratiques de la famille ou de la société par
exemple. Aussi, se pose la question de savoir si ces perceptions et pratiques
culturelles doivent être prises en compte et fonder des mesures
spécifiques dans la démarche d'accompagnement à
l'intégration sociale, professionnelle ou économique, la
création d'entreprise par exemple. En d'autres termes, favoriser
l'inclusion professionnelle et sociale n'implique-t-il pas de développer
des outils adaptés aux besoins des migrants et à leurs
spécificités culturelles de même qu'à leurs
pratiques en matière d'activités économiques, y compris
dans une République française aux aveugles aux particularismes
ethniques ? C'est sous ces atours que se posent la question et
l'intérêt de la démarche interculturelle comme facteur ou
facilitateur dans le processus d'intégration des immigrés.
Co-développement
Concept polémique à différents
égards, il a pour cadre de naissance la sphère politique et non
pas académique. Le concept est forgé sur « le constat
d'une action positive des migrants sur le développement de leur pays
d'origine » (Institut Panos Paris, 2009).
Il est cependant utile de distinguer dans une étude de
2009 sur le co-développement30 trois dimensions
différentes que résume ce concept :
- Le co-développement par les migrants qui recouvre
l'ensemble des pratiques spontanées des migrants en faveur des
régions de départ: tels les transferts individuels en termes
d'envoi d'argent et de biens aux proches ou à des causes solidaires, les
transferts collectifs qui prennent la forme des projets de développement
et enfin les investissements productifs (création d'entreprises, les
coopératives, les groupements d'intérêt économique,
etc..).
? Le co-développement pour les migrants. Il faut y voir
« les politiques liant développement et contrôle des
flux(...)
conçues et mises en oeuvre dans une optique de
gestion globale des migrations, au niveau national ou international (politiques
d'aide au retour volontaire, abaissement des coûts des transferts, aide
à l'investissement et au transfert de compétences) »
(Institut Panos Paris, 2009). Signe particulier de cette autre
réalité du co-développement, les migrants sont absents de
ces dispositifs, tout au plus y figurent - ils en tant que cibles.
? Le co-développement avec les migrants renvoie au
regroupement des politiques destinées à soutenir les
initiatives de développement au nombre desquelles : les
dispositifs de cofinancement des projets, de programme de formation et de
renforcement des capacités des organisations de migrants, la
création de plateformes associatives et internet. « Ces
dispositifs sont le plus souvent le fait d'autorités locales et
incorporent des impératifs de bidirectionnalité
(intégration). Les migrants sont souvent associés à leur
mise en oeuvre, notamment par le biais de consultation en
amont.»(Institut Panos Paris, 2009).
30
Institut Panos Paris, « Migrations,
Développement et Co-développement : quels discours pour quels
acteurs ? », Paris, 2009, 25p.
26
Ces trois dimensions recouvrent pour notre étude une
égale importance. Elles posent automatiquement la triple question de
l'impact réel et mesurable de ces approches sur le développement
et l'intégration, l'amélioration des résultats au travers
des évolutions organisationnelles et structurelles, puis les relations
avec l'environnement institutionnel direct. Disons le autrement : comment le
co-développement par, pour et avec les migrants peut-il favoriser une
meilleure intégration de ceux-ci dans les dynamiques
socio-économiques en France et une transformation efficiente des
sociétés d'origine vers un mieux-être et un mieux-avoir
?
La mobilisation, le développement, la valorisation par
la mise à contribution des compétences des migrants est une piste
entre autres , surtout dans une contexte international où
l'économie de la connaissance occupe une place de plus en plus centrale
dans les politiques et stratégies nationales de développement
économique et social des pays du Sud, par la captation des ressources
cognitives et techniques des expatriés très qualifiés.
Création d'entreprise
C'est tout d'abord un processus de création d'une
organisation, d'une valeur, le fait d'innover, la détection et
l'exploitation d'une opportunité31.
D'après l'INSEE, depuis le 1er janvier 2007, «
la notion de création d'entreprise s'appuie sur un concept
harmonisé au niveau européen pour faciliter les comparaisons
». Aussi, le concept recouvre-t-il 3 idées :
- La création proprement dite : créer
une entreprise revenant à créer ou à mettre en oeuvre de
nouveaux moyens de production, tout statut juridique confondu.
- Créer une entreprise consiste
également en « la reprise par une entreprise
nouvelle de tout ou partie des
activités et moyens de production d'une autre
entreprise lorsqu'il n'y a pas continuité de l'entreprise reprise
».
- Le concept se réfère enfin au cas où
après une interruption de plus d'un an, un entrepreneur (en
général
individuel), reprend une activité32.
Le migrant entrepreneur qui intéresse cette étude
rentrera donc dans tout ou partie de ces 3 cas de figure.
Le Grand Lyon
C'est l'appellation populaire de l `agglomération
lyonnaise ou Communauté urbaine de Lyon (son nom officiel).
Identifié comme le plus important établissement public de
coopération intercommunale français, le Grand Lyon désigne
un regroupement de 58 communes de l'agglomération de Lyon , toutes
localisées dans le département du Rhône.
Intercommunalité créée par la loi 66-1069 du 31
décembre 1966 et devenue effective le 1er janvier 1969, cet
ensemble de communes totalisait en 2009 selon l'INSSE 1.281.971 habitants, soit
80% de la population du département du Rhône qui se concentre sur
15 % du territoire et une densité de population de 2484,6 habitants
/km2. Une population globalement jeune puisque les 15-29 ans, les 30-44 ans et
les 0-14 ans représentent respectivement 23,7%, 19,5% et 17,1 % ; soit
près de 60% de la population totale33.
31
Justin KAMAVUAKO-DIWAKOVA (2009), «
Problématique de l'entrepreneuriat immigré en République
Démocratique du Congo. Essai de validation d'un modèle
», Thèse de doctorat présentée et soutenue en
juin 2009, École doctorale Sciences de l'Homme et de la
Société, université de Reims Champagne-Ardenne.
32 On considère qu'il n'y a pas
continuité de l'entreprise si parmi les trois éléments
suivants concernant le siège de l'entreprise, au moins deux sont
modifiés lors de la reprise : l'unité légale
contrôlant l'entreprise, l'activité économique et la
localisation.
33 Source : Insee, Recensement de la population, 2009.
27
En plus de la ville de Lyon34 et ses 9
arrondissements, y figurent au nombre des communes de la très proche
banlieue lyonnaise que cible la présente étude : Bron,
Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Caluire et Cuire, Saint-Fons,
Saint-Priest, Rillieux-la-Pape, etc.
En matière de coopération
décentralisée, le Grand Lyon a élaboré un protocole
de coopération qui le lie à la ville de Ouagadougou au Burkina
Faso. D'où d'ailleurs le dynamisme remarqué de la
coopération entre l'Association des Burkinabé de la région
lyonnaise (ABL) et la communauté urbaine du Grand Lyon.
19 communes de cette agglomération comptent plus de
10.000 habitants et, signe particulier, 14 de ces communes souvent
situées à l'est du territoire lyonnais concentrent l'essentiel
des zones de précarité selon une étude de l'INSEE datant
de 201035. Nous pouvons d'ores et déjà postuler
à ce niveau de notre étude qu'en plus de leur forte
présence dans Lyon intra-muros, les immigrés africains
et maghrébins se concentrent principalement dans les frontières
correspondant globalement à ces zones identifiées comme abritant
les phénomènes les plus accentués de la
précarité (monétaire, emploi, familles en
difficulté...) et éligibles aux actions de la Politique de la
Ville (Insertion, Aménagement urbain, etc.).
Figure 1 : Carte du Grand Lyon et communes
environnantes
Source : Wikipédia
34
Le quartier de la Part-Dieu à Lyon abrite les services de
l'hôtel de la communauté. Le développement et
l'aménagement économique, social et culturel est de la
compétence de la Communauté du Grand Lyon, de même que les
services d'intérêt collectif, l'aménagement de l'espace
communautaire, la gestion de l'habitat social, les transports urbains ou encore
la politique de la ville dans le cadre duquel s'insèrent quelques-unes
des politiques et dispositifs d'accompagnement des immigrés à
l'intégration.
35
« Grand Lyon : la précarité reste
concentrée à l'est de l'agglomération »,
étude réalisée par INSEE Rhône-Alpes, en
partenariat avec la Préfecture de Rhône-Alpes, septembre 2010.
28
PARTIE 1
CONTEXTE MIGRATOIRE DES AFRICAINS SUBSAHARIENS EN
FRANCE ET DANS LE RHONE
Qui sont les migrants subsahariens en France et dans le Grand
Lyon ? La présente section tente d'établir le profil
socio-économique des immigrés d'Afrique subsaharienne
résidant dans le périmètre géographique de notre
recherche (Chapitre 1) et les justifications sociales des politiques publiques
d'intégration et d'insertion dans l'emploi et le logement notamment et
enfin le niveau d'ancrage des associations migrantes dans ces actions publiques
(Chapitre 2) et les principaux enseignements qui en découlent au niveau
de la nécessité d'une structuration plus efficace des
réseaux diasporiques africains.
Chapitre 1. MIGRATIONS SUBSAHARIENNES EN FRANCE ET DANS
LE GRAND LYON 29
Section 1 : Qui sont les migrants subsahariens de France et du
Grand Lyon ? 29
Section 2 : Emploi, qualifications et insertion professionnelle
des immigrés en France 42
Section 3 : Les immigrés et le marché du travail
dans le département du Rhône et le Grand Lyon
spécifiquement 49
Chapitre 2. LE CADRE D'INTEGRATION DES MIGRANTS
SUBSAHARIENS 53
1. Un bref historique de la politique d'intégration en
France 53
2. Nouvelles Orientations nationales de la politique publique
d'intégration sous la houlette de l'Union européenne. 54
3. Mesures spécifiques d'insertion professionnelle des
migrants au niveau départemental 58
4. Présentation sommaire du dispositif du Plan Local pour
l'Insertion et L'Emploi 60
5. Politique d'intégration et politique de la ville :
quelles convergences dans le Rhône ? 63
29
Chapitre 1. MIGRATIONS SUBSAHARIENNES EN FRANCE ET DANS LE GRAND
LYON
Section 1 : QUI SONT les MIGRANTS SUBSAHARIENS de France
et du Grand Lyon ?
1.1. Données générales sur
l'immigration en France
1.1.1. Bref rappel historique de
l'immigration subsaharienne en France
L'immigration en France est un phénomène ancien qui
remonte au Moyen-âge (Laetitia Van Eeckhout, 2007). Toutefois, les
immigrés dont il est question dans cette étude sont originaires
des pays de l'Afrique sub-saharienne ayant ou pas des liens historiques avec la
France. La première vague des migrants durablement installés est
arrivée après la Grande Guerre, afin de pallier l'insuffisance de
main d'oeuvre au moment où la croissance économique en France
suscitait un appel à main d'oeuvre principalement venue de l'Europe du
Sud36 et du Maghreb. Il s'est agi pour les pouvoirs publics
d'encourager et d'organiser l'immigration de travail tout en mettant en place
des dispositifs visant à la contrôler. Mais c'est clairement dans
les années 60 que les mouvements de décolonisation en Afrique
francophone vont alimenter une nouvelle vague de flux migratoires en provenance
d'Afrique sub-saharienne (pour le travail dans l'industrie française ou
les études pour ceux des étudiants qui parfois de retour dans les
pays d'origine occupaient d'importants postes à responsabilité).
Après 1974, le 1er choc pétrolier va donner un coup
d'arrêt à l'embellie économique des Trente glorieuses. Le
Gouvernement de Giscard d'Estaing va annoncer officiellement l'arrêt de
l'immigration de travail, la substituant par l'immigration familiale (le
regroupement familial)37 et ouvrant les frontières
également aux seuls demandeurs d'asile. À partir de cette date,
on note en France un prolongement du séjour des immigrés du
continent noir, une accentuation du regroupement familial et un impact
limité des aides au retour. L'on note une diversification des flux
migratoires avec une augmentation rapide de la part des originaires d'Asie
(18%) et des sub-sahariens (17%). Une stagnation de même de l'immigration
européenne (32%) et de l'immigration maghrébine (29%). En 1975,
les immigrés représentent 7,5% de la population globale en
France, avec respectivement 17% pour les sub-sahariens ce qui reste
légèrement stable par rapport aux années
antérieures. C'est toutefois entre 1999 et 2008 que l'on note une
progression importante de la part des immigrés dans la population qui a
crû de 22% à raison de 2% de croissance démographique
annuelle.
En 2008, selon les derniers recensements officiels de l'INSEE
au niveau national, publiés le 10 octobre 2012 et consultables sur son
portail internet : « 16 % des enfants mineurs nés en France
vivent avec au moins un parent immigré, contre 10 % en 1975. Cet
accroissement est la conséquence de la hausse du nombre
d'immigrés de la génération précédente en
âge d'avoir des enfants. Il est aussi favorisé par l'existence des
unions mixtes qui, à population d'immigrés donnée,
augmente le nombre d'enfants ayant au moins un parent immigré
». Voir le tableau 1 ci-après.
36
Parmi les immigrés résidant aujourd'hui en France,
22 % sont arrivés avant 1974 : 57 % d'entre eux sont européens,
principalement portugais, espagnols et italiens, et 34 % sont maghrébins
; seuls 4 % sont originaires d'Asie (Turquie incluse) et 5 % d'Afrique
subsaharienne .Voir recensement 2008 de l'Insee.
37
D'après l'Insee, cité par Van Eeckhout : «
Cette procédure permet au ressortissant étranger
régulièrement installé en France d'être rejoint par
les membres de sa famille proche, son conjoint et ses enfants mineurs, sous
réserve de remplir certaines conditions (...) Pratiqué depuis
toujours, le regroupement est longtemps resté un droit non
réglementé. I n'a été reconnu qu'en 1976, par un
décret de trente lignes. Depuis cette date, pour faire venir sa famille,
un étranger doit justifier d'un certain temps de résidence
préalable en France, disposer de ressources stables et suffisantes et
d'un logement adapté. Ces règles n'ont cependant cessé
d'être durcies, la réglementation ayant été
modifiée pas moins de 14 fois» (op.cit.)
30
1.1.2. État des lieux de la population immigrée
en France
Selon l'étude de l'Insee
«Immigrés et descendants d'immigrés en
France»38, la France comptait en 2008 plus de 5,34
millions d'immigrés dont les deux tiers sont natifs de pays hors UE
(L'ancienneté des migrations de travail et les liens avec les anciennes
colonies l'expliquent en grand partie), soit 8% de la population.
D'après ces chiffres, 2,17 millions ont acquis la nationalité
française (quatre immigrés sur dix naturalisés soit 41%)
et 3,17 millions sont immigrés étrangers. Dans cette
dernière publication de l'Insee, les descendants directs
d'immigrés sont des personnes nées en France ayant au moins un
parent immigré. Fin 2008, parmi les personnes âgées de 18
ans ou plus résidant en France, 4,5 millions de personnes correspondent
à cette définition. Toutefois, pour un peu plus de la
moitié, ils ont également un parent non immigré. Parmi les
enfants mineurs nés en France, 2,1 millions vivent dans une famille dont
au moins un des parents est immigré. Au total, on peut donc estimer
à environ 6,7 millions de personnes le nombre de descendants directs
d'immigrés nés en France, soit 11 % de la population vivant dans
un ménage en France. Une proportion qui fait de la France le pays
où la deuxième génération est la plus
présente.
Tableau 1. Récapitulatif des
derniers chiffres de l'INSEE sur l`évolution de la population
immigrée en France
38
http://www.insee.fr/fr/ffc/docsffc/ref/IMMFRA12aSommaire.pdf
; voir également une synthèse de l'étude publiée
dans l'édition du quotidien Le Monde datée du 10 octobre
2012.
31
Tableau 2. Étrangers, immigrés et
descendants d'immigrés en France
1.2. Données sociodémographiques de
l'immigration dans la Région Rhône-Alpes
D'après la définition du Haut-Conseil à
l'Intégration aujourd'hui reprise à son compte par l'Insee, un
immigré est un individu résidant en France mais né
étranger sous une nationalité étrangère, et peut
avoir acquis la nationalité française (naturalisation) ou choisi
de demeurer immigré étranger39. Selon les statistiques
datant de 2008, ce sont 568 000 immigrés en situation
régulière (515.000 en 2005) qui résidaient en
Rhône-Alpes (soit une proportion de 9% de la population
générale dans la région). Si la région a
été traditionnellement considérée comme la
6ème la plus concernée par l'immigration40,
après l'Île-de-France, les trois régions du sud-est
méditerranéen et l'Alsace, en elle est cependant remontée
à la 2e place en termes de proportion de personnes
immigrées vivant de manière continue dans la région, avec
environ 11% d'immigrés contre 8,2 % en 1999.
Les régions urbaines et frontalières sont
plébiscitées par les immigrés qui s'y concentrent en grand
nombre. Au 1er janvier 2005, note l'Insee « une majorité
d'immigrés résidant en Rhône-Alpes est née en Europe
(44 % contre 36 % en moyenne nationale) ou en Afrique (39 % contre 42 %).
Algérie, Italie, Portugal et Maroc sont les principaux pays d'origine.
13 % des immigrés sont installés dans la région depuis
moins de 5 ans. Les femmes sont désormais aussi
39
En 2005, 210 000 immigrés sont de nationalité
française, soit 41 % contre 37 % en 1999 en région
Rhône-Alpes (Insee 2008).
40
Voir l'Atlas des populations immigrées en
Rhône-Alpes édité dans le cadre de
l'élaboration du PRIPI 2010-2012.
32
nombreuses que les hommes et le vieillissement se
stabilise. Les immigrés sont plus nombreux parmi les 30-59 ans. Ils sont
plus diplômés qu'en 1999 mais moins que les autres
rhônalpins ».
Ainsi donc, les natifs d'Italie et d'Espagne(au total, 23 %
des immigrés rhônalpin)41, d'installation plus ancienne
, sont deux fois plus représentés en région
Rhône-Alpes que dans l'ensemble de la France, ils sont relativement
âgés et comptent une proportion de femmes très importante
mais se caractérisent par des tailles de familles assez modestes, un
taux d'acquisition de logement supérieur à la moyenne des
habitants de la région et sont plutôt globalement bien
insérés sur le marché du travail, avec un taux de
chômage inférieur au niveau régional, quoi que le nombre de
cette catégorie d'immigrés tende à se réduire
sensiblement du fait des décès au sein de leur population
vieillissante et du faible effectif de nouveaux arrivants.
Les caractéristiques sociodémographiques sont
sensiblement les mêmes pour les immigrés originaires de Suisse
(les plus représentés dans la région, proximité
géographique oblige), d'Allemagne ou du Royaume-Uni, souvent
d'immigration plus récente et très minoritaires (7% de l'ensemble
des immigrés), qui bénéficient d'une situation
particulièrement favorable puisque très souvent
propriétaires de leur logement souvent d'un grand confort. Ceux-ci
exercent des professions intermédiaires, sont cadres, et sont beaucoup
moins touchés par le chômage.
A contrario, les immigrés d'origine
maghrébine (l'Algérie en est le pays le plus
représenté)42 et turque relèvent d'une
immigration de travail plus récente, qui remonte des années 60
aux années 80. Elles sont caractéristiques de familles nombreuses
bien souvent logées en HLM. « Majoritairement ouvrières,
elles sont particulièrement touchées par le chômage. En
1999, 38 % des immigrés de la région sont originaires d'un pays
du Maghreb ou de Turquie, proportion supérieure à la moyenne
nationale », note l'Insee dans son recensement de la population
immigrée en région Rhône-Alpes de 2006.
Quant aux immigrés d'Afrique sub-saharienne,
l'échantillon qui nous intéresse, ils sont plus nombreux en 2005
(39%) qu'en en 1999 (35 %). Une augmentation sensible est également
constatée au sein de la population immigrée originaire d'Asie
(13% en 1999 et 15% en 2005).
En gros, si l'Algérie, l'Italie, puis le Portugal(12%)
et le Maroc(13%) sont les pays de provenance des immigrés les plus
représentés en Région Rhône-Alpes, suivis de la
Turquie (7 % des immigrés), la Tunisie (6 %), l'Espagne (6 %) et la
Suisse(4 %), les plus fortes progressions au sein de la population
immigrée rhônalpine sont tout de même le fait des
populations africaines (hors Maghreb) et asiatiques .
Quant à la répartition géographique des
immigrés, elle varie d'un département à l'autre suivant
d'ailleurs autant la proximité frontalière des pays de provenance
de certains immigrés que l'attractivité économique.
Ainsi L'Ain et la Haute-Savoie abritent-ils une proportion
importante d'immigrés d'origine suisse tandis que l'Isère et la
Savoie compte un grand nombre de ressortissants originaires d'Italie. Les
immigrés d'origine maghrébine se concentrent surtout dans la
Loire, la Drôme et le Rhône où ils constituent plus de la
moitié de la population immigrée. Les Africains sub-sahariens
plébiscitent davantage le Rhône et plus précisément
l'agglomération lyonnaise (10% de la population immigrée
rhodanienne). La configuration de l'implantation géographique est
sensiblement la même en ce qui concerne les migrants venus d'Asie.
41 « Les personnes originaires d'Italie arrivent au
deuxième rang dans l'immigration régionale et elles sont,
proximité géographique oblige, presque » Insee 2006.
42
Les immigrés d'origine italienne et algérienne sont
plus présents en Rhône-Alpes qu'au niveau national (respectivement
13 % contre 7 % et 18 % contre 13 % en 2005).
33
Figure 2. Répartition de la population
immigrée par département dans la région
Rhône-Alpes
Source : Insee, recensement de la population immigrée
2006
1.3. Caractéristiques de la population
immigrée dans le département du Rhône
À quelques rares exceptions près, les
caractéristiques sociodémographiques à l'échelle
régionale et dans le département du Rhône sont sensiblement
les mêmes.
Par son importance démographique, le Rhône est le
4e département français et regroupe plus du quart de
la population rhônalpine.
1.3.1. Un peu d'histoire
L'immigration en provenance des principaux pays
européens dans le département est ancienne. La préfecture
estime que c'est vers les années 20 ou 30 qu'un peu plus d'un
immigré italien sur 10 dans le Rhône est arrivé en France ;
« la moitié s'est installée dans l'hexagone entre
l'après-guerre et le milieu des années 60. Les natifs d'Espagne
sont venus pour certains à la fin des années 30
(réfugiés au moment de la guerre civile espagnole) et pour
beaucoup dans la première moitié des années 60. Les
immigrés venant d'Algérie sont surtout arrivés en France
depuis 1945, avec un pic dans les années 60, après la guerre
d'Algérie » (Insee, recensement de la population 2006).
Les immigrés d'origine portugaise quant à eux
sont arrivés sur le territoire entre 1965 et 1975 de même que Les
natifs de Suisse, avec une forte accélération dans les
années 90. Près de 60 % d'entre eux ont cependant élu
domicile en Haute-Savoie et près de 30 % dans l'Ain, départements
frontaliers du Rhône. Ce courant migratoire où se mêlent
à la fois la migration de main d'oeuvre et le regroupement familial ont
également vu l'arrivée en nombre de personnes originaires du
Maroc.
Entre les années 70 et 80, les origines
géographiques des migrants dans la région et le
département du Rhône vont se diversifier avec l'arrivée de
Turcs, d'Asiatiques (Vietnamiens, Cambodgiens, Laotiens) et d'Africains
sub-sahariens notamment dans le cadre des études supérieures et
du regroupement familial.
34
1.3.2. Quelques données statistiques de la migration
dans le département du Rhône
La population immigrée (naturalisés et
étrangers) dans le département du Rhône
s'élève en 2009 à environ 193.986 personnes
identifiées par l'Insee Rhône-Alpes43, dont environ
19.130 immigrés d'origine sub-saharienne.
Avec un solde migratoire entre 1990 et 1999 de 0,17% par
an44, un taux d'urbanisation d'environ 92% et 2 communes de plus de
100.000 habitants, le département du Rhône recense une population
spécifiquement étrangère d'environ 117.000 personnes au 31
décembre 2008, d'après la préfecture. Les communes de Lyon
et Villeurbanne regroupent à elles seules plus de 52% de la population
immigrée du département avec respectivement 37% et 15%.
Vaulx-en-Velin et Vénissieux comptent tous deux la même proportion
d'immigrés étrangers (8%), puis viennent Saint-Priest (4%) et
Villefranche-sur-Saône (3%), une des deux sous-préfectures avec la
commune de Lyon.45
Près d'une cinquantaine de nationalités sont
représentées dans le département. Parmi les 15 les plus
implantées en janvier 2009, la préfecture du Rhône recense
environ 60.000 ressortissants Algériens (ils étaient 58.939 en
2005), ce qui en fait la population immigrée la plus importante en ce
qu'elle constitue à elle seule près de la moitié de
l'effectif global des étrangers. Viennent ensuite la Tunisie (20.634 en
2005), la Turquie et le Maroc dont l'effectif est compris entre 10.000 et
20.000 ressortissants. En clair, quatre nationalités représentent
plus de 85% de la population étrangère du département.
Ceci tient principalement à l'immigration familiale dans l'intervalle
19601980 qui fit suite à la migration de la main d'oeuvre
encouragée par les pouvoirs publics français jusqu'à leur
limitation à partir de 1974, à la suite des chocs
pétroliers de 1973 et 1979.
Les 15 % restants de la population étrangère
globale du département se partagent, en 2009, entre Chinois (2.551
individus), Sénégalais(1970), Comoriens(1704), Congolais de la
RDC(1732), Vietnamiens(1356), Ivoiriens(1221), Japonais(962),
Etats-Uniens(867), Libanais(717) et Malgaches(669). En gros, les ressortissants
d'Afrique sub-saharienne représentent 9 % de l'effectif global des
étrangers du Rhône et 6 % pour les contingents asiatique,
américain et océanien.
Nous ne disposions pas au moment de l'enquête du nombre
exact des ressortissants adultes étrangers d'origine camerounaise,
pourtant très représentés au sein de la population
associative sub-saharienne du périmètre rhodanien ; de même
que celui des Béninois, Togolais, Ghanéens, Guinéens,
Maliens, Burkinabé, Centrafricains, Tchadiens, Nigériens,
Cap-verdiens, Rwandais, Djiboutiens et Burundais.
43
Le tiers de l'effectif immigré de la région
Rhône-Alpes (environ 540.000 personnes).
44
Le solde migratoire c'est la différence entre le nombre de
personnes venant résider dans le département et le nombre de
personnes le
quittant
45
Programme département d'Intégration de la
Population Immigrée (Rhône) - 2010-2012. / On lit ainsi
qu' « en Rhône-Alpes comme en France,
la population immigrée est essentiellement citadine
et très concentrée dans les grandes villes. Les motifs principaux
de l'immigration sont d'ordre économique et familial. Les
immigrés venus pour travailler ont souvent été
embauchés dans l'industrie et ils ont donc majoritairement peuplé
les villes. En 1999, 89 % des immigrés rhônalpins habitent ainsi
dans une commune urbaine(...) Ces chiffres sont très proches de la
moyenne nationale. Lorsqu'elle est citadine, la population immigrée vit
à part presque égale entre la ville centre et la banlieue, comme
la moyenne des Rhônalpins citadins »
35
Tableau 3 : Les 15 nationalités
étrangères les plus représentées dans le
département du Rhône et plus spécifiquement dans le Grand
Lyon
1.3.3. Caractéristiques sociodémographiques de
la population immigrée rhodanienne
Sur environ 194.000 immigrés en 2009, environ 33% sont
naturalisés français et 130.000 sont étrangers, un taux de
la population étrangère qui avoisine les 11 % de la population
globale du département.
Si la population rhodanienne dans son ensemble se
caractérise par sa jeunesse, laquelle se concentre essentiellement dans
une vingtaine de communes de l'agglomération lyonnaise46, ce
n'est pas le cas de la population immigrée qui apparait plus
âgée que la moyenne : «les plus jeunes sont peu nombreux
puisque les immigrés ne naissent pas en France et que peu d'enfants ont
été concernés par le regroupement familial,
procédure plus souvent utilisée pour les conjoints. Ainsi, tous
âges confondus, les immigrés représentent 8,9 % de la
population des ménages mais seulement 2,5 % chez les moins de 15 ans
» (Insee, RP : 2006). En effet, 96% de la population immigrée
dans son ensemble est avant tout adulte avec une part forte parmi les 30-59 ans
(55%), tranche qui correspond aux âges d'activité, d'où le
taux d'actifs assez élevé, nous le verrons, au sein de la
population immigrée du Rhône. Les25-54 ans sont les plus nombreux
avec 102.070 individus recensés en 2009 contre 61.980 pour les 55 ans et
plus, 21.036 pour les 15-24 ans, et 8.901 pour les moins de 15 ans.
1.3.3.1. Les primo-arrivants
Personnes étrangères présentes sur le
territoire rhodanien depuis moins de 5 ans, les primo-arrivants sont environ
20.000 (ils sont près de 67.000 en 2005 au niveau régional). Il
est recensé 4000 nouveaux entrant par an, cette estimation étant
faite à partir du nombre de Contrats d'Accueil et d'Intégration
(CAI)47 signés dans le Rhône (4050 en 2008 et 3555 en
2009 contre 8 700 dans la région Rhône-Alpes sur la période
2008-2009).
46
Le département du Rhône est surtout un pôle
très attractif pour les étudiants de la région
Rhône-Alpes (121.807 étrangers en 2006) et pour
les étudiants étrangers (13.000 à
Lyon).L'agglomération lyonnaise est en effet un des plus importants
pôles européens en matière de santé, des
bio-industries, de l'industrie chimique fine, pharmaceutique, agrochimique, de
la recherche mais aussi pour la formation.
47 Selon la préfecture du Rhône, dans son
Programme départemental de l'Intégration des Immigrés du
Rhône 2010-2012 : « Ce contrat entre l'État et le
migrant, prévu à l'article L.311-9 du code de l'entrée et
du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), est
obligatoire depuis le
1er janvier 2007. Il est conclu pour une durée d'un
an et peut être prolongé d'une année supplémentaire.
Par ce contrat, le migrant s'engage "à suivre une formation civique et,
lorsque le besoin en est établi, linguistique" (art L.311-9 CESEDA). Il
bénéficie également d'un bilan de compétences
professionnelles. En cas de non-respect des termes du contrat par
l'étranger, le préfet peut refuser le renouvellement du titre de
séjour ou la délivrance de la carte de résident
». En 2009, 97.736 CAI ont été signés en France
(8.710 en Rhône-Alpes). 52% l'ont été par des femmes (4961
en 2009 dans la région) et 48% par des hommes, chiffres qui confirment
la tendance observée depuis les 20 dernières années d'une
augmentation constante des femmes dans la population immigrée en France.
La tendance est globalement la même en Rhône-Alpes, dans le
Rhône et dans le Grand Lyon. Le CAI est majoritairement
délivré au titre de la migration familiale (73%) au niveau
national. Suivent les migrants économiques (20.000 environ par an) et
les réfugiés (10.00 par an). Moins d'un titre sur 10 est
accordé pour motif professionnel.
36
Tableau 4 : Statut des primo-arrivants signataires du
Contrat d'Accueil et d'Intégration en Rhône-Alpes
Source : Insee, RP, 2006.
Plus d'un immigré sur dix arrivé en France
depuis 2000 d'après le recensement démographique 2006 de l'Insee
s'est ainsi installé en Rhône-Alpes48. Parmi les
nouveaux entrants, beaucoup sont Algériens (près de la
moitié de l'effectif des signataires avec Tunisiens et Marocains),
Sub-sahariens mais aussi Anglais.
1.3.3.2. Les femmes
Elles constituent le contingent le plus important des
immigrés avec environ 52 % de la population rhodanienne, ce qui confirme
la forte féminisation de la migration dans le département et plus
largement dans la région Rhône-Alpes (51% de l'effectif global des
immigrés)49. On y recense ainsi 98.520 immigrées
(étrangères et naturalisées confondues) et environ 95.466
pour les hommes. En 2009, note l'Insee, les femmes immigrées sont
majoritaires parmi les 25-54 ans (52.774 contre 49.296 pour les hommes), et, du
fait de leur mortalité plus tardive, parmi les plus de 75 ans. Mais dans
la tranche d'âge des 55-74 ans, les hommes y sont plus nombreux (32.045
contre 29.935 pour les femmes). Elles sont 47% à n'avoir aucun
diplôme (contre 42% pour les hommes) y compris au niveau de la
région, ce qui peut expliquer en partie le taux de chômage
particulièrement élevé au sein de cette catégorie
de la population, toutes tranches d'âge confondues, avec néanmoins
des disparités importantes selon les nationalités. Cet indicateur
de la faible qualification peut également laisser entrevoir pour une
bonne part d'entre elles les difficultés d'insertion sociolinguistique,
d'où la multiplication des mesures et dispositifs institutionnels, au
travers du PRIPI ou du PDI, visant à combler ces lacunes avec le
concours de divers acteurs. Nous y reviendrons.
Tableau 5. Situation au regard de l'emploi des femmes
selon le niveau de diplôme
Source : Insee, RP, 2006.
48
Insee, RP, 2006 : « La région se situe en
deuxième position pour les nouveaux arrivants derrière
l'Île-de-France, ce qui est conforme à son poids
démographique ».
49 On peut toutefois noter quelques différences selon les
périodes d'arrivée, selon les données fournies par le
PRIPI. Ainsi : « Les populations parvenues en France avant 1990 sont
composées pour deux tiers d'hommes et un tiers de femmes. Pour les
populations arrivées en 1990 et après, le rapport est exactement
inverse ». En 2008, au niveau national, 51 % des immigrés sont
des femmes, contre 44 % en 1968.
37
1.3.3.3. Les migrants
âgés50
Si la population immigrée es globalement jeune, tant
chez les hommes que chez les femmes, dans le département du Rhône
« la part des plus de 55 ans est plus importante dans la population
immigrée (33%) que dans la population non immigrée (25%). 19% de
la population immigrée est retraitée ou
préretraitée »51.
Cet accroissement de la population des migrants
âgés ne va pas sans poser quelques problèmes, notamment
pour ceux des migrants vivant dans les foyers de travailleurs et dont une part
importante, selon une étude du GRDR, est confrontée à une
méconnaissance de leurs droits sociaux et font face à
d'importants soucis de santé. L'accentuation des campagnes de
sensibilisation sur le sort de cette catégorie de migrants a
également amené les pouvoirs publics à prendre la question
à bras le corps en intégrant les migrants âgés comme
public prioritaire ( comme les primo-arrivants et les femmes migrantes ) dans
sa politique globale d'accompagnement vers l'accès aux droits communs
spécifiquement (accompagnement socio-sanitaire, accès à la
prévention et aux soins) et plus largement vers intégration
nationale.
Quant aux populations originaires d'Afrique sub-saharienne
dans le Rhône, elles représentent 9,8% de la population
immigrée totale avec près de 20.000 personnes dont 9.400 hommes
et 9.800 femmes. Près de la moitié des sub-sahariens de la
Région Rhône-Alpes se concentrent dans le département du
Rhône, et plus spécifiquement dans les communes qui constituent
l'agglomération lyonnaise. Cette population a considérablement
cru en 6 ans. Ils étaient près de 34.000 au niveau
régional en 2006.
1.4. Caractéristiques de la population
immigrée du Grand Lyon, notre périmètre
d'investigation
Créée le 1er janvier 1969 avec une
superficie de 515,96 km2, la Communauté urbaine de Lyon est
subdivisée en 58 communes et compte en 2009 1.281.917 habitants, avec
une densité de 2485 habitants au km2. Cette communauté de
communes regroupe plus de 80 % des habitants du département du
Rhône alors qu'elle occupe à peine 15% du territoire
départemental.
Parmi les communes les plus importantes en proportion du
nombre de ressortissants étrangers adultes, arrivent en tête :
Lyon avec 41.929 étrangers (soit 37,12% de la population globale du
département) dont 19.346 femmes(46,1% des étrangers de la
commune), puis Villeurbanne avec 16.992 étrangers (dont 44% des femmes),
Vénissieux avec 9.981 individus dont 45% de femmes, suivent
Vaulx-en-Velin (9.068 et 48,1% de femmes), Bron (5.129 dont 48% de femmes),
Saint-Priest (4571 dont 47% de femmes) et Villefranche-sur-Saône (3.976
et 48% de femmes), Saint-Fons (3.612) , Rillieux la Pape (2.653 et 50% de
femmes) et enfin Givors, Meyzieu, Caluire-et-Cuire, Decines, Oullins, Pierre
Bénite, etc.
Toute la difficulté est cependant d'accéder aux
données démographiques les plus récentes concernant la
proportion des sub-sahariens dans la population immigrée globale de
chacune des communes sus-citées du Grand Lyon.
Selon la préfecture du Rhône, dix-neuf des 20
communes les plus représentatives de la population
étrangère du Rhône sont signataires d'un Contrat urbain de
cohésion sociale (ou CUCS) qui fait la jonction entre politique de la
50 « Au 1er janvier 2008, 1,7 million d'immigrés
âgés de 55 ans ou plus réside sur le territoire
français dont 794 000 sont originaires des pays tiers. Cette population
connait des conditions de vie plus difficiles que la population non
immigrée du même âge. Les immigrés âgés
originaires des pays tiers résident en HLM dans 42 % des cas contre 9,1
% de la population âgée non immigrée. Leur état de
santé dépend de leur origine et de leur sexe. Globalement, les
hommes immigrés sont plutôt en meilleure santé, les femmes
immigrées en moins bonne santé, relativement à leurs
homologues non immigrés », souligne Yannick Croguennec de
l'Insee dans son article intitulé : « Qui sont les
immigrés âgés ? », Infos
Migrations, février 2012.
51
Document-cadre du Plan départemental d'Intégration
des Immigrés 2010-2012 (PDI).
38
ville et politique d'intégration, pourtant officiellement
séparée en 2009 par la loi de programmation de la cohésion
sociale décidée par le gouvernement Fillon.
Tableau 6. Implantation géographique des
ressortissants adultes étrangers dans le Rhône au
31 décembre 2008
Source : Document-cadre du PDI Rhône 2010-2012.
1.5. Caractéristiques sociodémographiques
des migrants subsahariens du Grand Lyon à partir des données
générales du recensement de la population au niveau
régional.
Au niveau national, l'Insee note que 644 049 immigrés,
soit 12 % des immigrés et 1 % de la population métropolitaine,
sont en provenance d'Afrique subsaharienne en 2010. Un chiffre en hausse de 45
% par rapport à 1999. Deux Africains sur trois proviennent d'anciennes
colonies françaises (75 000 Ivoiriens, par exemple). Un bémol
cependant : Sur les 15 millions d'Africains sub-sahariens qui vivent hors de
leur pays d'origine, seulement un sur 30 vit en France.
Au niveau local, ne disposant pas de données
socio-économiques récentes sur la population immigrée
sub-saharienne du Grand Lyon, nous nous sommes appuyés sur les
données générales du recensement de la population de
l'Insee de 2009.
1.5.1. Fécondité, structure et taille des
ménages immigrés et conditions de logement
Sur 519.000 ménages identifiés en 2006, ce sont
précisément 75% des immigrés rhônalpins qui vivent
en couple dont 50% avec au moins un enfant. Les familles monoparentales y sont
peu nombreuses (8%) de même que les ménages de personnes vivant
seules (6% pour les hommes contre 7% pour les femmes).
Les caractéristiques socio-économiques se
reflètent de manière générale dans la vie familiale
et les conditions de logement. Il en découle que les immigrés ont
un nombre d'enfants supérieur à la moyenne de la population
nationale et les familles d'au moins trois enfants sont ainsi deux fois plus
fréquentes dans la population immigrée que dans l'ensemble de la
population régionale, souligne l'Insee dans son enquête
démographique de 2006. Selon
39
cette étude nationale, cela est partiellement
lié au fait que les immigrés appartiennent souvent à des
groupes sociaux ayant une fécondité relativement
élevée. On pense notamment aux femmes immigrées
nées en Turquie, au Maghreb ou Afrique subsaharienne.
Plus spécifiquement au niveau des populations
sub-sahariennes, les immigrés sont plus souvent installés en
famille : 48 % de ménages sont un couple avec enfants, 14 % sans enfants
et 16% de familles monoparentales52. Cette proportion importante de
ménages familiaux n'est pas anodine car, en fonction de la taille du
ménage et des contraintes des uns et des autres au sein de la famille,
elle va influer sur le niveau d'implication des migrants concernés dans
la vie ou les obligations associatives. Et ce d'autant que nombre de migrants
rencontrés au cours de notre enquête nous ont fait savoir que les
obligations familiales étaient une des raisons principales du peu
d'investissement dans certaines dynamiques qu'implique l'engagement associatif,
la question migratoire et l'intégration qui leur est
corrélée.
1.5.2. Les immigrés originaires de pays tiers
occupent plus souvent les logements sociaux que les immigrés
d'origine européenne.
Si nombre d'immigrés originaires de pays
européens y compris la Suisse sont dans la majorité des cas
propriétaires de leurs logements, il n'en est pas de même pour
nombre d'immigrés hors Europe qui sont souvent locataires d'un logement
vide ou meublé, HLM ou non, ou logés gratuitement.
En ce qui concerne les conditions de logement des
ménages immigrés, Ils sont plus fréquemment locataires, en
immeuble collectif et, surtout, habitent deux fois plus souvent en HLM vide
dans la plupart des cas alors que les immigrés européens sont
plus souvent propriétaires. En 2006, dans la région
Rhône-Alpes, les logements HLM concernent 100.920 ménages et plus,
alors que 145.206 ménages sont clairement identifiés comme
propriétaires. Cela peut s'expliquer par le fait que « la
population immigrée vit davantage dans les villes, où l'habitat
collectif prédomine. Mais pour le logement HLM, l'écart persiste
même si l'on considère uniquement les citadins. D'après des
études nationales, les caractéristiques du parc HLM correspondent
particulièrement au profil social et familial de la population
immigrée, composée en grande partie de familles nombreuses
à faibles revenus »53.
1.5.3. Niveau d'études, scolarisation et
formation
Les immigrés des pays tiers sont en moyenne
plus diplômés aujourd'hui que leurs ascendants
De manière générale, les immigrés
ayant achevé leurs études et installés depuis moins de 5
ans dans la région sont en moyenne plus diplômés que les
homologues d'ancienne installation. La moitié des nouveaux arrivants,
plus jeunes et plus scolarisés selon une étude de l'Insee sont
souvent bacheliers ou diplômés de l'enseignement supérieur
contre le quart de l'ensemble des immigrés. Le niveau de formation est
globalement plus élevé en 2012 chez les immigrés comme
pour l'ensemble de la population française. En ce qui concerne les
populations immigrées sub-sahariennes du Grand Lyon, cette
évolution est sans doute le fait d'une proportion de plus en plus
importante d'étudiants sub-sahariens dans les universités,
écoles et instituts que compte la Communauté urbaine de Lyon. Si
en 1999 ils sont 58% de non-diplômés ou tout au plus titulaires
d'un Certificat d'Études Primaires, en 2005 ils sont 55% et sans doute
beaucoup moins en 2008. Ils sont 26 % en 2005 à être titulaires du
baccalauréat
52 En raison (entre autres causes) de la fécondité
assez élevée, chez les femmes immigrées de Turquie,
Algérie et Maroc, Les familles d'au moins trois enfants sont deux fois
plus fréquentes dans la population immigrée que dans l'ensemble
de la population régionale.
53 « Du point de vue des conditions de logement, il
existe une différence notable entre les immigrés étrangers
et les immigrés ayant acquis la nationalité française. 54
% des seconds sont propriétaires de leur logement contre 35 % pour les
premiers. Par ailleurs, les immigrés étrangers sont plus souvent
locataires d'un logement HLM (34%) que les immigrés ayant acquis la
nationalité française (26%) ». Préfecture de
région-Rhône-Alpes, document-cadre du Programme Régional
d'Intégration des Populations Immigrées, 2010-2012.
40
contre 20% en 1999. Environ 6 immigrés sur 10,
âgés de 15 à 29 ans, sortent du système scolaire
avec au moins un brevet de collège, et 2 sur 10 sont détenteurs
du Bac, un sur dix parmi les plus de 60 ans.
Toutefois, ce taux de migrants diplômés dans la
région reste en-deçà de la moyenne de la région. En
2005, 55% des immigrés sont non-diplômés contre 31% pour
les non-immigrés, 26% sont titulaires d'un diplôme de niveau bac
ou études supérieures contre 39% pour les non-immigrés
(30% au niveau national). Le taux de non-diplômés est le plus
élevé chez les femmes immigrées en particulier avec 58%
(contre 52% pour les hommes), et inversement leur taux de
diplômées est plus faible que celui des hommes (15% contre 16%).
Dans la population globale cependant, les femmes sont plus
diplômées que les hommes (24 % contre 23%).
La corrélation entre niveau de diplôme et niveau
de qualification des immigrés explique, au moins en partie, les
difficultés socio-économiques d'accès à un logement
décent et à un emploi stable. D'où un taux de
chômage particulièrement élevé, les bas niveaux de
revenus et les incidences sur la qualité de la vie.
En effet, 47 % des actifs immigrés sont ouvriers en
1999 alors que la proportion n'est que de 27 % pour l'ensemble des actifs
rhônalpins. Cette caractéristique a une incidence forte dans de
nombreux domaines, comme les conditions d'emploi ou de logement. Ainsi, avec un
taux de chômage de 19,8 % en 1999, la population immigrée
apparaît davantage exposée au chômage que la moyenne des
Rhônalpins (11 %).
Tableau 7. Niveau d'études des populations
immigrées en Rhône-Alpes
Source : Atlas des populations immigrées 2010-2012
1.5.4. Revenus et Précarité les revenus des
ménages, le patrimoine et précarité
En France, le taux de pauvreté est de 13,5% pour
l'ensemble de la population en 2012. La pauvreté concerne 37% des
immigrés et 20% de leurs descendants. Ceux-ci vivent donc mieux que
leurs parents mais moins bien que les Français de
souche.54
Selon une étude de l'Insee en 2010 autour de la
pauvreté dans le Grand Lyon, la précarité reste
très marquée principalement dans les communes de la banlieue Est
et dans quelques arrondissements de Lyon , eux aussi majoritairement
situés dans le sud-est de la ville.
Cette étude révèle en effet que la
précarité atteint des sommets dans la commune de Vaulx-en-Velin
et à moindre échelle à Vénissieux, Saint-Fons et
Givors. Ce sont en tout 14 zones de précarité qui ont
été définies sur les 19 communes de plus de 10.000
habitants où l'implantation des ressortissants étrangers et la
population immigrée dans sa grande majorité est la plus forte. De
nombreux quartiers de ces communes où se concentre le plus fortement la
précarité des ménages55 sont
intégrés aujourd'hui comme quartiers prioritaires ou zones
d'action publique prioritaire par la politique de la ville du Grand Lyon. C'est
ce qu'indique l'auteur de l'étude :
54
Charlotte Plantive (AFP), « Les descendants
d'immigrés à la peine sur le marché de l'emploi, selon
l'Insee », extrait du quotidien en ligne Le Monde, du 10
octobre 2012.
55
La précarité est ici multidimensionnelle :
précarité monétaire, précarité familiale,
précarité liée à l'emploi
41
« Les espaces de précarité,
identifiés dans cette étude, correspondent, la plupart du temps,
aux quartiers prioritaires du Contrat urbain de cohésion sociale (Cucs),
signé entre l'agglomération et l'État en 2007. Seulement
trois quartiers ressortent en précarité, sans être
classés parmi les quartiers en politique de la ville du Cucs
»56.
Sur l'ensemble des dix-neuf communes de plus de 10 000
habitants du Grand Lyon, quatorze espaces de précarité
conséquents apparaissent répartis sur onze communes : Bron,
Décines-Charpieu, Meyzieu, Givors, Lyon, Rillieux-la-Pape, Saint-Priest,
Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Saint-Fons et Villeurbanne. Ainsi, à
titre d'exemple « Vaulx-en-Velin est la commune où les neuf
indicateurs atteignent leur valeur maximale. Dans cette ville, 25 % des
allocataires perçoivent l'allocation de parent isolé (API) ou le
RMI, 21 % des inscrits à la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam)
bénéficient de la CMUC et 6 % des actifs sont des chômeurs
faiblement qualifiés contre respectivement 15 %, 9 % et 2 % dans le
Grand Lyon. Vénissieux, Saint-Fons et Givors présentent les
mêmes caractéristiques que Vaulx-en-Velin, à savoir une
présence des trois types de précarité beaucoup plus
importante que dans le reste de l'agglomération(...) Dans les autres
communes, où la précarité des ménages est plus
élevée que dans le reste de l'agglomération (Bron,
Rillieux-la-Pape, Décines-Charpieu, Saint-Priest, Rochetaillée et
Neuville-sur-Saône), la précarité familiale ressort
systématiquement, à l'inverse des arrondissements de
Lyon.».
Caractéristiques de ces espaces de précarité
:
- Une concentration importante de la population des personnes en
difficulté sociale
- un nombre élevé de personnes sans emploi y sont
domiciliés (59% pour seulement 36% des actifs),
- 62% des habitants de ces espaces de précarité
sont bénéficiaires de la CMUC.
- Regroupent 39% des personnes inscrites à la CNAM
- Une précarité familiale (par exemple la part des
familles monoparentales avec bas revenus) et monétaire
importante
Trois groupes de zones de précarité sont ainsi
définis :
- Le groupe 1 : correspond aux communes de plus
de 10.000 habitants qui concentrent les 3 types de
précarité (précarité
monétaire, précarité liée aux familles en
difficulté et le chômage endémique). Ce sont les communes
de Bron où l'on recense en 2009 5129 immigrés étrangers,
puis 6 autres communes dont : Rillieux-la-Pape, Vénissieux (9.881
immigrés étrangers), Saint-Fons, Vaulx-en-Velin (9.068
immigrés étrangers), Givors et Lyon (7e et
8e arrondissement).
- Le groupe 2 concerne surtout les communes
où la précarité monétaire est très
marquée. « Ici Les
personnes en difficulté sont plutôt des
personnes seules qui cohabitent avec une population plus aisée. Ces
espaces ont en commun d'être surtout concernés par la
précarité monétaire. La précarité des
familles y est aussi moins marquée. La part des familles monoparentales
à bas revenus avec au moins deux enfants est même plus faible que
sur l'ensemble des communes de plus de 10 000 habitants de
l'agglomération » (M. Coudène, Insee : 2010, op.cit.).
Ce groupe rassemble surtout les 8e et 9e arrondissements de Lyon.
- Le groupe 3 concerne les communes où la
précarité familiale est la plus forte mais ne touche que
que certains quartiers. Ce sont les communes de Saint-Priest,
à Décines-Charpieu et à Meyzieu. Les autres types de
précarité y sont moins importants.
56 Maud Coudène, «
Grand Lyon : la précarité reste concentrée à
l'est de l'agglomération », Insee, 2010.
42
Figure 3. Zones de précarité du Grand
Lyon
Pour autant, il nous est difficile de déterminer de
manière factuelle à quel niveau et à quelle échelle
les immigrés sub-sahariens, naturalisés ou étrangers,
objet de notre étude, ont partie liée avec ces zones de
précarité. Ne disposant pas au moment de l'enquête de
données précises sur les revenus des migrants subsahariens, nous
avons postulé malgré tout qu'il existe une corrélation
forte entre précarité et population immigrée, au regard
des chiffres liés au chômage et à la configuration des
ménages immigrés du Grand Lyon précédemment
évoqués.
Section 2 : EMPLOI, QUALIFICATIONS ET INSERTION
PROFESSIONNELLE DES IMMIGRES EN FRANCE
1. Contexte général de la relation
Immigrés et Marché de l'emploi en France
L'emploi contribue naturellement à une
intégration réussie de `aveu même des autorités
préfectorales du Rhône. Or en France, du point de vue du
marché du travail, il est aujourd'hui largement démontré
que les immigrés, ainsi que les populations issues de l'immigration,
sont globalement défavorisés comparativement au reste de la
population active. Le taux de chômage57 des immigrés
est deux fois plus élevé que celui des Français d'origine
alors que celui de leurs descendants directs se situe à trois fois
au-dessus de que la moyenne nationale58. Les
57
Le taux de chômage est la proportion des personnes sans
emploi parmi les actifs , c'est-à-dire l'ensemble des personnes avec
emploi et sans emploi.
58
D'après les résultats de l'enquête 2012 de
l'Insee sur les immigrés et leurs descendants en France, cinq ans
après leur sortie du système scolaire, 11% des descendants de
Français de naissance sont au chômage contre 29% pour les
descendants d'immigrés d'Afrique. Parmi ceux ayant un emploi, notent ce
rapport, 74% des Français de souche ont un contrat à durée
indéterminée(CDI) contre 67% des fils et filles
43
ressortissants du Maghreb sont les plus
pénalisés : environ trois actifs sur dix, qu'ils soient
immigrés ou issus de l'immigration (ayant leurs deux parents originaires
de cette région) sont au chômage. Ceux d'Afrique subsaharienne
présentent également des taux de chômage
élevés, alors que les immigrés d'origine européenne
se situent à un niveau proche de celui des natifs.
D'abord quelques chiffres.
1.1. Taux d'activité des immigrés tous
genres confondus
Selon l'étude de l'Insee parue le 10 octobre 2012,
déjà évoquée, sur les immigrés en France et
leurs descendants, sont plus souvent au chômage que la moyenne de la
population : leur taux s'élevait à 16 % en moyenne en 2010 pour
la population immigrée dans son ensemble et à 20 % pour les
immigrés originaires des pays tiers59.2,6 millions
d'immigrés sont actifs en France dont deux tiers sont originaires des
pays hors Europe, une progression d'actifs immigrés de 10% par rapport
à 2006. Deux tiers des hommes et un quart des femmes immigrées
sont en emploi et un tiers sont en recherche d'emploi60.
Les nouveaux détenteurs de titres de séjour
nés en Asie ou en Europe sont plus souvent en emploi que ceux nés
en Afrique ou dans le Maghreb.
Ainsi, par exemple, 42% des femmes asiatiques et 39% des
femmes d'origine européenne sont en emploi contre 30% pour les femmes
d'origine sub-saharienne et 14% pour les femmes d'origine maghrébine.
Les femmes immigrées de pays tiers, note l'Insee, ont le moins souffert
paradoxalement de l'augmentation du chômage à partir de 2007 (1,4
point pour l'ensemble de la population), et surtout celles ayant la
nationalité française. Signe que la nationalité compte
pour beaucoup dans l'accès des immigrés à l'emploi en
France. Toutefois, apprend-on des statistiques 2010 de l'Insee : « le
taux d'activité des femmes reste inférieur de plus de 10 points,
atteignant seulement 28,7% chez les Turques et 48% chez les
maghrébines(...) A noter que l'activité des femmes originaires
d'Afrique hors Maghreb (+ de 5 points) dépasse celle des
Françaises de naissance »61
Pour les hommes, les écarts sont moins
élevés : Asie (76%)62, Turquie (75%), Europe (67%),
Maghreb (62%) et Afrique noire (60%). Il faut cependant noter qu'en 2010, le
taux d'activité des sub-sahariens est de 73,3%, presque 3 points de plus
que les Français de naissance dont le taux d'activité est
à 70,5% dans leur ensemble et 2 points de plus par rapport aux
immigrés d'origine algérienne.
d'Africains. Les raisons de ce taux de chômage
élevé sont liées à 61% à la fois aux
origines sociales nettement populaires des descendants d'immigrés (58%
d'entre eux ont un père ouvrier contre 26% pour les descendants des
natifs), mais également au niveau du diplôme des parents, le lieu
de résidence, la structure familiale et la taille de la fratrie. La
« par inexpliquée » du pourcentage restant pourrait
correspondre aux discriminations ou à un certain « racisme de la
société », même si les chercheurs de cette
étude se gardent de la lui attribuer. Une nuance toutefois : dans le
secondaire, la réussite des descendants d'immigrés est à
égalité sinon meilleure que celle des descendants de natifs. On
cite les filles d'origine tunisienne et marocaine qui décrochent
davantage le Bac que les Françaises de souche.
59
Les immigrés qui sont étrangers sont exclus
d'environ 5,3 millions d'emplois soit un poste de travail sur cinq. Il est
logique dès lors que leur
taux de chômage soit supérieur
60
Trouver un emploi est particulièrement difficile pour les
réfugiés et les bénéficiaires du regroupement
familial, en 2009, selon l'Insee.
61
Yves Breem, « L'insertion professionnelle des
immigrés et de leurs descendants en 2010 », Infos Migrations,
DARES, Insee, janvier 2010.
Toutes ces données sont issues de l'enquête
Emploi en Continu (EEC) de l'INSEE, déclinaison française de
l'enquête européenne Labor Force Survey (LFS
62 On notera une proportion conséquente
d'immigrés originaires d'Asie en emploi, tous genres confondus. De
même les descendants d'immigrés asiatiques sont ceux qui
obtiennent les meilleurs résultats à l'école ou dans le
cadre des études supérieures. Comment expliquer cette
prépondérance et cette exception asiatique ? Est-ce le fait de la
structure des ménages ? De l'origine sociale des parents ? La
socialisation à la culture du travail et de la réussite ? Un
réseau de sociabilité et relationnel plus fort ? Un sens plus
fort de la communauté et de la solidarité envers les siens ? Une
meilleure prédisposition à l'intégration ? Quel
parallèle peut-on faire entre intégration des asiatiques de
France, leur dynamisme entrepreneurial et la force des réseaux
associatifs ? Une réflexion plus approfondie sur cette question
permettrait de comprendre le différentiel entre modes et moyens
d'insertion des immigrés asiatiques et ceux des immigrés
sub-sahariens par exemple.
44
1.2. Statut d'emploi des immigrés
Alors que 88,4 % des Français de parents nés
français ont un statut à durée indéterminé
ou sont non-salariés, seul 84 % des immigrés des pays tiers sont
dans ce cas, une part en progression par rapport à 2007. Pour ce qui est
de la situation des descendants des pays tiers, « elle est plus
précaire puisqu'ils ne sont que 77,9 % à ne pas être en
contrat à durée déterminée ou en intérim,
même si la situation s'est améliorée ces dernières
années(...) les descendants d'immigrés des pays tiers
(...) ont, pour tous les diplômes, des niveaux de chômage
supérieur, même à celui des immigrés de même
origine. Ce taux atteint 40,5 % pour les non diplômés (45,6 % chez
les hommes). Le niveau élevé du taux de chômage global des
descendants d'immigrés des pays tiers résulte en partie de la
part des jeunes de moins de 25 ans sans diplôme, qui sont trois fois plus
nombreux au sein de ces descendants que dans le reste de la population
»63.
1.3. Temps de travail des immigrés
Les immigrés des pays tiers sont plus souvent en
sous-emploi (contrat précaire, temps partiel subi, temps partiel
contraint). Ils représentent 9% de la population active occupée
concernée par le phénomène du sous-emploi. On
évalue leur nombre à environ 1.4 million de personnes en France
entre 2006 et 2008. Ainsi, un immigré non-européen a 77% de
chances en plus d'être en sous-emploi qu'un Français de parents
nés Français. Les femmes sont deux fois plus touchées par
le sous-emploi que les hommes. Toutefois, avoir au moins le Bac diminue le
risque d'être à temps partiel subi, car les diplômes les
plus élevés conduisent souvent à l'obtention d'un poste
qualifié à temps plein, même si les opportunités
s'avèrent peu nombreuses pour des raisons que nous verrons plus loin.
Autres chiffres illustrant la situation précaire des immigrés sur
le marché de l'emploi en France : 3 immigrés sur 10 occupent un
emploi non-qualifié. En région parisienne par exemple, dans les
entreprises de nettoyage, 7 salariés sur 10.
1.4. Secteurs d'activité des actifs
immigrés non-européens
Cela dit, au niveau national, les immigrés
non-européens sont plus présents dans la construction et trois
fois plus nombreux dans l'hôtellerie-restauration, les activités
d'administration et de soutien (dans la sécurité et le nettoyage
et majoritairement en intérim) que les Français de naissance.
Néanmoins, avec l'élévation du niveau de diplôme des
nouveaux arrivants, plus diplômés donc, la part des cadres
supérieurs parmi les immigrés non-européens est
passé de 9% en 2007 à 11% en 2010 des actifs, une progression
bien plus forte que celle des natifs. En dépit d'un accès
croissant des immigrés des pays tiers aux métiers très
qualifiés en France, les 2/3 de cette catégorie d'actifs restent
encore des employés (surtout les femmes) et ouvriers contre seulement un
actif sur deux pour les natifs.
Tableau 8 : Secteur d'activités des actifs
immigrés des pays tiers et des Français de
naissance
Source : Insee, Infos Migrations, L'insertion professionnelle des
immigrés et de leurs descendants en 2010.
63 Yves Breem, idem.
45
1.5. Lieu de résidence des actifs
immigrés
Les actifs immigrés (naturalisés et
étrangers) résident plus souvent en région parisienne pour
48% d'entre eux, ensuite viennent la région
Provence-Alpes-Côte-D'azur et la région Rhône-Alpes à
9% puis le Languedoc Roussillon pour 4% de ces actifs.
2. Causes du chômage des immigrés
étrangers et immigrés naturalisés
2.1. Le niveau de diplôme
2.1.1. Les difficultés d'accès
au marché du travail tiennent pour beau coup au manque de
qualifications.
Alors qu'en France le diplôme est un atout
particulièrement déterminant dans l'accès à
l'emploi, les immigrés sont en moyenne moins qualifiés que les
personnes nées en France. Selon les statistiques du ministère du
travail français, 48 % des immigrés de 15 ans et plus disposent
au maximum du certificat d'études primaire ou aucun diplôme,
contre 30 % pour l'ensemble de la population vivant en France. Chez les 20
à 24 ans, 31,5 % sont dans ce cas, contre 15,6 % pour la moyenne du
pays. Et même à niveau de diplôme équivalent, le taux
de chômage des immigrés demeure supérieur. Ainsi, pour les
titulaires d'un bac par exemple, le taux de chômage est de 9 % pour les
Français nés de parents français, contre 22,3 % pour les
immigrés non-européens. Pour les titulaires d'une licence et
plus, les chiffres sont respectivement de 4,6 % et 16,3 % pour les
immigrés étrangers ( 13% pour les immigrés
naturalisés). Le taux de chômage va décroissant avec le
niveau de diplôme64, certes, mais celui des immigrés
des pays tiers est toujours supérieur d'au moins 10 points à
celui des Français de parents nés Français, quel que soit
le niveau de diplôme. Ce qui fait dire aux chercheurs que les
diplômes protègent peu les immigrés du chômage, de
même que leurs descendants65.
Tableau 9 : Taux de chômage de la population
active selon le niveau de diplôme
Source : Insee, Infos Migrations, L'insertion professionnelle des
immigrés et de leurs descendants en 2010.
64
Un immigré actif sur quatre est diplômé du
supérieur en France. Proportion identique à celle des
non-immigrés. Quant aux immigrés
étrangers sans diplôme, leur taux de chômage
s'élève à 27,1 % (dont 31,9% pour les femmes) contre 23,5%
pour les immigrés naturalisés. Signe que la nationalité
française des immigrés a un impact réel sur le taux de
chômage.
65
Pour ce qui est des enfants d'immigrés en France, si
à l'école ils améliorent leurs résultats, selon les
chercheurs de l'Insee, ils sont trois fois
plus au chômage que les descendants de Français de
naissance.
46
2.1.2. Les diplômes obtenus sont peut-être de
niveau identique, mais ne se valent pas
Pour un même niveau de diplôme, l'on observe un
écart significatif entre immigrés et natifs, notamment pour les
diplômés de l'enseignement supérieur, les premiers
étant plus exposés au chômage. Une des explications
réside dans le fait que les immigrés et leurs enfants dans leur
grande majorité, particulièrement les filles, sont souvent
orientées vers des filières qui ne conduisent pas aisément
à trouver un emploi en France. En termes d'intégration
professionnelle, un diplôme d'ingénieur dans le contexte tendu du
marché du travail aura sans doute plus de poids qu'une licence en
lettres modernes, précise l'étude.
Ajouté à cela le problème de la
non-reconnaissance des diplômes66 et des
qualifications67 acquises dans les pays d'origine ou le manque
d'initiatives en la matière par les immigrés
eux-mêmes. Des démarches, auprès d'un rectorat
d'académie par exemple peuvent permettre d'obtenir une reconnaissance
formelle des études menées à l'étranger ou du
diplôme acquis. Or en 2008, selon l'Insee, « seul un
immigré sur dix a fait ce type de demande. La principale raison
invoquée de l'absence de cette démarche est le manque
d'utilité. Les immigrés diplômés du supérieur
sont beaucoup plus nombreux à bénéficier d'une
reconnaissance formelle de leurs qualifications. Ceci traduit le fait qu'ils
ont plus souvent terminé leurs études en France et que
l'utilité de faire reconnaitre leurs diplômes apparait plus grande
»68. Ainsi, autant les diplômes et les
expériences professionnelles acquises en dehors de la France constituent
les principaux « passeports » pour les nouveaux migrants mieux
formés, autant ces mêmes passeports sont vite
périmés faute d'être reconnus facilement , rapidement et
équitablement une fois la personne installée en France. Il
découle de cette non-reconnaissance des acquis et des compétences
de fâcheuses conséquences pour des personnes qui croyaient pouvoir
intégrer le marché du travail : une augmentation du taux de
chômage, une surreprésentation des migrants parmi les prestations
des aides sociales, plus de migrants occupant des postes pour lesquels ils sont
surqualifiés et les salaires perçus étant de beaucoup
inférieurs à ce qu'ils pourraient recevoir : le
phénomène du déclassement ou la
déqualification69 qui concerne de nombreux migrants
diplômés qui ne trouvent pas d'opportunités correspondant
à leur niveau de qualification et doivent par conséquent se
« reconvertir » dans une autre activité, moins bien
rémunérée. C'est le phénomène du
sous-emploi. Plus de personnes se voient, comme au Canada par exemple,
obligés de recommencer des programmes d'études qu'ils ont
déjà effectués dans leur pays d'origine. Ces formations
coûtent cher autant à l'État qu'au migrant lui-même
qui se sent dévalorisé et frustré par ces contraintes et
abandonne son programme d'étude. Les migrants concernés,
semi-qualifiés ou très qualifiés en viennent à
perdre ces qualifications par défaut d'exercice ou de pratique, ce qui
va jusqu'à hypothéquer les capacités au
développement des sub-sahariens de la diaspora « qui se
trouvent en difficulté par rapport aux opportunités
d'investissement dans les pays d'origine, lesquelles exigent un niveau de
compétences que ces migrants ont perdues faite
d'expériences(...)la déqualification est une perte pour
le
66
En effet, seuls 13% des immigrés arrivés
après 18 ans en France pour y effectuer des études ont obtenu
leur plus haut diplôme
67
La reconnaissance des titres de compétences est un
processus qui consiste à vérifier si les connaissances, les
compétences, la formation, le niveau d'études et
l'expérience de travail acquis dans une autre pays respectent les normes
établies pour les travailleurs en France et pour y exercer une
profession ou un métier.
68
Voir Olivier Monso et François Gleizes, «
Langue, Diplômes : des enjeux pour l'accès des immigrés
au marché du travail », division emploi, Insee, 2010.
69
Ce phénomène fait référence
à une baisse du capital qualitatif due à un manque d'exercice
professionnel adéquat. Babacar Sall remarque dans un ouvrage collectif :
Diasporas scientifiques, aux éditions de l'IRD, que : « un
nombre significatif de migrants qualifiés (des ingénieurs, des
médecins, etc.) font un travail qui n'a pas de lien avec leur formation
d'origine : agents d'entretien, tâcherons...cela constitue un
gâchis à la fois pour les pays d'origine et d'accueil. Ce sont
ainsi 77% des femmes et 68% des hommes qui sont impliqués dans un
processus de déqualification progressive dans quatre régions
d'Italie (Toscane, Ombrie, Sardaigne, Latium) d'après une étude
du CERFE. L'enquête souligne que, sur un échantillon de 979
immigrés, 53% avaient acquis une formation universitaire, et que sur ce
nombre près de 28%, tous genres confondus, ont obtenu une formation
postdoctorale. En dépit de l'importance de cette catégorie, il
n'existe aucune archive administrative ni aucun centre de documentation public
en mesure de fournir la moindre information sur la présence des
immigrés qualifiés en Italie. Le même constat peut
être également fait en France où il n y a pas de
spécification de l'immigration qualifiée. Cette
indifférenciation fonde une politique uniforme qui part de l'idée
que l'immigration est un phénomène univoque, sans égard
pour la diversité des compétences et des situations ».
Le CERFE en Italie est une fédération de plusieurs structures de
formation et de recherches intervenant dans plusieurs domaines du
développement : »Entreprise, emploi, occupation », «
Migration et fuite des cerveaux », « renforcement des
capacités et formation », etc. Toutefois, à la
décharge des pouvoirs publics français, et à rebours de
cette analyse de Babacar Sall, des mesures ont été prises afin
d'encourager et faciliter l'entrée sur le territoire des personnes
très qualifiées actives dans différents domaines, à
travers notamment l'octroi des visas « Compétences et talents
».
47
pays d'accueil(...) et pour les pays d'origine. Il y a
donc une communauté d'intérêt à favoriser le
renforcement des qualifications et à considérer les diasporas qui
en sont porteuses comme une ressource » (Babacar Sall, 2003). En
gros, des bénéfices de l'immigration qui sont de beaucoup
inférieurs à ce qu'ils pourraient être ici et là-bas
au final.
S'il est avéré que les sub-sahariens
récemment arrivés en France ont plus souvent suivi des
formations, les immigrés originaires d'Afrique et de plus ancienne
installation recourent très peu aux dispositifs de la formation
professionnelle continue ou de remise à niveau, nous entendons
par là des formations post-scolaires, sous statut de chômeur ou
formations suivies à titre individuel : « Les immigrés
accèdent deux fois moins à la formation professionnelle continue
que les Français d'origine. En revanche, les bénéficiaires
qui sont dans ce cas suivent des actions plutôt plus longues et plus
qualifiantes que la moyenne des stagiaires. Les personnes nées de
parents immigrés, quant à elles, accèdent dans des
proportions proches de celles des non-immigrés aux dispositifs de
formation. Seules celles dont les deux parents sont originaires du Maghreb
apparaissent défavorisées »70.
2.2. L'insuffisante connaissance de la langue
française pourtant vecteur de l'intégration et le poids des
contraintes familiales
En 2008-2009, 55% des signataires du Contrat d'Accueil et
d'Intégration dans le Rhône ne maîtrisent pas le
français écrit71. Même si, de l'aveu certains
chefs d'entreprises et immigrés eux-mêmes les difficultés
liées à la langue ne sont pas fondamentalement gênantes
pour le travail, elles influent de façon non-négligeable sur le
taux de chômage des immigrés et notamment des femmes, très
concernées. Ajoutées à cela les contraintes familiales qui
sont une cause importante de l'inactivité professionnelle,
particulièrement chez les nouvelles détentrices d'un titre de
séjour. Une proportion significative d'immigrées d'origine
algérienne, turque et africaine est « femmes au foyer » dans
le périmètre du Grand Lyon. Nous y reviendrons.
2.3. Les discriminations liées à l'origine
ou à la couleur de peau
Elles restent difficiles à mesurer, en dépit des
opérations dites de testing72 conduites par la HALDE
ou des associations de lutte contre le racisme et les discriminations. Ces
opérations ont conclu que l'effet de l'origine était loin
d'être négligeable sur les chances d'être engagés par
un employeur ou non. Le tabou des statistiques ethniques dans une France qui se
veut aveugle aux différences et particularismes ethniques n'aide pas
à se faire une idée de l'ampleur du phénomène et de
son impact sur le taux de chômage des immigrés, et
particulièrement ceux originaires du Maghreb et d'Afrique subsaharienne.
Nous le verrons dans le détail un peu plus bas. Ces écarts sont
encore plus importants en ce qui concerne les descendants d'immigrés,
notamment ceux nés de parents originaires d'Afriques, qui
déclarent eux aussi plus souvent avoir subi les discriminations dans
l'emploi. Ils sont en Ile-de-France par exemple 18% à le déclarer
contre 12% pour les Fran9ais de naissance. Les enfants d'immigrés
maghrébins, note la DARES, déclaraient plus souvent en septembre
2012 « un refus injuste de promotion », 15% contre 7% pour les
descendants de Français de naissance. Ces discriminations mal connues
renforcent le phénomène de la déqualification des migrants
très qualifiés sus-citée ou conduisent au départ de
ceux-ci vers d'autres pays d'accueil, l'Amérique du Nord principalement
(États-Unis, Canada). Certaines études font ainsi remarquer que
l'Amérique du Nord absorbent les plus qualifiés des
immigrés là où l'Europe en accueillent des moins ou
semi-qualifiés.
70
Didier Grélot et Claude Minni, « Les
immigrés accèdent moins à la formation professionnelle
continue », in la Revue Formation &Emploi, N° 94,
2006.
71
Document-cadre du Plan Départemental d'Intégration
de la population immigrée dans le Rhône (PDI Rhône
2010-2012).
72 Opérations de testing via lesquelles on
compare les résultats de candidatures qui ne se différencient que
par le nom où la couleur de la peau, voir le site
www.discriminations.inegalites.fr
48
2.4. Le manque de réseaux sociaux
stratégiques pour s'intégrer dans l'emploi
Selon une étude de l'Insee, parmi les immigrés
ayant un emploi en 2008, 41% se sont appuyés sur les réseaux
relationnels (famille, amis, proches) pour trouver un emploi, 46% n'ont eu
besoin d'aucune aide et 13% sont passés par une agence publique ou
privée de l'emploi. On apprend également que les immigrés
originaires d'Afrique sub-saharienne particulièrement se distinguent par
un recours assez fréquent aux agences de l'emploi (environ 18%) alors
que les immigrés d'origine maghrébine se distinguent par une
utilisation moindre des réseaux relationnels. Ce qui amène
à penser que subsahariens et maghrébins pour une bonne part et
leurs descendants ne disposent pas d'un réseau de relations assez
étoffé ou stratégique et recourent donc plus souvent aux
institutions comme Pôle Emploi pour accéder au marché du
travail. Or rien de tel pour obtenir un bon stage ou un poste que de
connaître des personnes qui sont dans le même type d'univers
professionnel.73 Ceci pose la double question de la structure des
réseaux auxquels recourent les migrants en recherche d'emploi mais aussi
la qualité du capital relationnel proprement dit, dans la mesure
où « la nature de ces relations influence le comportement et
les stratégies des individus récepteurs d'informations
»74.
En effet, « mal informé au sujet de
l'accès aux réseaux aidant à l'intégration dans la
société d'accueil, le nouvel arrivant a tendance à
solliciter son propre entourage : un réseau ethnoculturel,
qualifié d'informel par plusieurs études(...)le recours aux
réseaux ethniques constitue la stratégie la plus souvent
adoptée par les nouveaux arrivants dans la mesure où ces
réseaux servent de soutien moral et parfois financier mais aussi de
source d'informations sur le marché du travail (...)En passant presque
systématiquement par des réseaux ethniques pour trouver un
emploi, il arrive souvent que l'intégration professionnelle se fasse
dans ce qu'on appelle l'économie ethnique», souligne Karine
BEGIN75. Une analyse que partagent d'autres chercheurs : «
Pourtant la nature du lien associant l'informé à
l'informateur peut influencer sensiblement la recherche d'information. Le
nouvel arrivant, chercheur de l'information pertinente, aura tendance à
considérer l'information provenant du réseau ou du lien auquel il
a le plus confiance »76 . Cette stratégie de
captation d'informations est certes rapide et moins coûteuse, mais elle
peut conduire aux biais informationnels. Certains auteurs parlent alors de
« pièges à relations
»77 qui sont de nature à décourager
l'utilisation d'autres moyens de recherche d'informations plus variées
et pertinentes. En conséquence, une piètre qualité du
capital relationnel et la structure même du réseau social de
recours peuvent être à l'origine de la «
non-intégration socioprofessionnelle » de l'immigré en
France.
2.4. Les lacunes informationnelles pour l'accès
à l'emploi
L'information est un élément clé dans
tout processus migratoire et joue un rôle central dans
l'intégration sociale et professionnelle des nouveaux arrivants en
particulier, à plusieurs niveaux. Aussi une information imparfaite peut
accentuer les difficultés d'accès au marché de
l'emploi.
Tout d'abord, l'accès à l'information pour le
migrant passe (mais pas exclusivement) par la connaissance de la langue du pays
d'accueil comme moyen de communication. Or, nous l'avons vu, une proportion
importante des migrants éprouve de réelles difficultés
avec la langue française. De plus, la reconnaissance des acquis et des
compétences des migrants nécessite de leur part qu'ils disposent,
au départ du pays d'origine, d'une information transparente et
exhaustive concernant les démarches à entreprendre et les
délais moyens pour faire établir les équivalences de leurs
diplômes et compétences. Or, de ce point de vue, des études
montrent que les migrants
73
Les conjoints de Français et les
bénéficiaires du regroupement familial s'appuient davantage sur
leur famille mais aussi sur l'accompagnement de Pôle Emploi.
74
Sandrine Vigel, « Flux informationnels et
décisions stratégiques ». Thèse
présentée à la Faculté d'économie
appliquée d'Aix-en-Provence, 2002.
75
Karine Bégin, « Les nouveaux immigrants et
l'économie ethnique : une perspective longitudinale ».
Mémoire en sociologie, Université de Montréal, 2004.
76
Morten Hansen, «The Search-Transfer Problem: The Role
of Weak Ties in Sharing Knowledge across Organizational Subunits»
Administrative Science Quarterly, 44, 1999, 82-111.
77
Rebecca Sandefur et Edward Lauman, « A Paradigm for
Social Capital », in Rationality and Society, 10, 1998,
481-501.
49
déclarent avoir été induits en erreur par
des informations inexactes78 même si depuis quelques
années en France les instances gouvernementales informent davantage et
bien mieux les candidats à l'immigration sur les démarches en
question, notamment pour ce qui est de l'accès aux métiers et
professions réglementés. Pour finir, ainsi que le rappelle Kamel
BEJI et Anaïs PELLERIN dans un article co-signé, « les
employeurs de leur côté n'ont souvent
aucun repère ni les informations nécessaires
leur permettant d'évaluer la valeur réelle d'un diplôme
obtenu à l'étranger »79
D'où le rôle de vecteur, d'interface, d'espace de
collaboration, de courroie de transmission entre employeurs immigrés ou
non-immigrés et demandeurs d'emploi immigrés que pourraient jouer
les associations de migrants, en fonction des ressources sociales
(réseaux professionnels) dont elles disposent. La convergence des
informations suppose une collaboration des partenaires impliqués dans
l'intégration des personnes immigrées et par voie de
conséquences la multiplication des passerelles entre ces
différents partenaires et les réseaux sociaux et professionnels
disposant des informations pertinentes.
Est-ce le cas au sein de la communauté subsaharienne du
Grand Lyon ? Le partage d'informations relatives aux opportunités
d'emploi dans le bassin de vie est-elle une pratique courante ? La question de
l'insertion professionnelle de leurs membres et des subsahariens en
général en recherche d'emploi est-elle une préoccupation
fondamentale au sein des associations des migrants ? Jusqu'à quel point
?
Nous esquisserons à ce propos dans les prochains
chapitres quelques éléments de réponses sur la base de
l'observation des pratiques et des discours des acteurs associatifs
subsahariens en la matière. Mais faisons un point de la situation des
migrants et en particulier des subsahariens sur le marché de l'emploi
dans le Rhône.
Section 3 : LES IMMIGRES ET MARCHE DU TRAVAIL DANS LE
DEPARTEMENT DU RHONE Et LE GRAND LYON SPECIFIQUEMENT
Ainsi que nous l'avons noté précédemment,
80 % de la population du Rhône vit dans les 58 commune qui composent la
Communauté urbaine de Lyon. À quelques exception près
donc, les chiffres de l'emploi relatifs au lien Immigrés et
marché du travail dans le Grand Lyon sont sensiblement les
mêmes que ceux du département dans son ensemble.
1. Taux d'activité et chômage des
immigrés dans le Rhône
Les chiffres détaillés au niveau
départemental dont nous disposions relèvent du recensement annuel
de la population 2009 de l'Insee. Et d'après celui-ci, la mesure du taux
d'activité80 des immigrés sub-sahariens du Grand Lyon
porte sur une population de 17.640 personnes (sur un effectif global de
subsahariens d'environ 20.000 subsahariens). On y apprend que seuls 9.524 sont
des actifs ayant un emploi (un taux d'activité de 53 % environ, hommes
et femmes confondus, contre 37% pour les seuls Algériens). 3119 sont
chômeurs, 808 sont femmes ou hommes au foyer, 679 sont retraités
ou pré-retraités, 2.215 sont ou élèves ou
étudiants et stagiaires et 1294 sont inactifs.
78
Amel Belhassen, « La reconnaissance des diplômes
et des compétences : difficultés et impact chez les femmes
immigrantes », Rapport
de recherche-action, Action travail des femmes, 2009 ; Martin
Savard, « L'accès des personnes immigrantes aux professions et
aux métiers réglementés », MICC, 2010.
79 Kamel BEJI, Anaïs
PELLERIN, « Intégration socioprofessionnelle des immigrants
récents au Québec : le rôle de l'information et des
réseaux sociaux », in Revue Relations industrielles /
Industrial Relations, Volume 65, numéro 4, 2010, p. 562-583.
80
Le taux de chômage correspond à la proportion
d'actifs dans la population âgée de 15 à 64 ans. Les actifs
c'est l'ensemble des personnes ayant un emploi et des chômeurs.
50
Les hommes sont plus souvent en emploi que les femmes (on
compte ainsi en 2009 5.131 immigrés sub-sahariens ayant un emploi dans
le Rhône contre 4.400 pour les femmes, un taux d'activité de 49%
en regard de la population active féminine sub-saharienne) et moins
souvent au chômage (1.289 contre 1.830 ) et au foyer (15 contre 793 pour
les femmes).On compte autant d'inactifs hommes et femmes au sein de la
population immigrée sub-saharienne, respectivement 627 et 668 , et plus
de retraités et préretraités hommes (433) que femmes (247)
et presque autant d'étudiants, élèves et stagiaires hommes
et femmes d'origine africaine ( 1.175 et 1.404).
En règle générale, par rapport à
l'effectif global des immigrés ayant un emploi en 2009 dans le
Rhône (82.362 dont 35.554 femmes), le taux d'activité des
sub-sahariens se limite à 11,5 % et représente 15% des
chômeurs sur les 20.614 immigrés sans-emploi recensés au
cours de cette enquête. La situation des immigrés, au regard de
l'emploi, est marquée par une forte inadéquation de la demande
par rapport à l'offre.
2. Taux de chômage des immigrés dans le
Rhône en 2009
1.387.234 personnes composent la population active du
Rhône en 2009. Dont 1.202.117 pour les non-immigrés et 82.376 pour
les immigrés.
Sur 86.500 chômeurs recensés en 2009 par
l'Insee, 20.614 sont immigrés. La tranche d'âge d'actifs la plus
touchée, hommes et femmes confondus, ce sont logiquement les 25-54 ans
à 76%, suivie des 15-24 ans (ils sont près de 3000) et des 55 ans
et plus (2000 seniors environ). Mais d'importantes disparités
apparaissent selon les sexes.
Ainsi, parmi les immigrés, 9.864 chômeurs sont des
hommes dont 7.456 individus rien que pour les 25-54 ans.
Les femmes restent les plus concernées par le
chômage chez les immigrés dans leur ensemble avec un taux qui
avoisine les 54 %. Elles sont ainsi 8.393 des 25-54 ans à être
sans-emploi sur un effectif de 10.749 femmes. Puis viennent les 15-24 ans avec
1.555 personnes sans activité. Toutefois, les sub-sahariennes du Grand
Lyon sont cependant beaucoup moins souvent femmes au foyer (793 contre 707 pour
les Italiennes) que les immigrées d'origine algérienne (6592),
tunisienne (2173), turque (2107) et marocaine(1516), mais aussi moins inactives
(627 contre 1.718 immigrées algériennes) et sont plus souvent
étudiantes ou élèves (1.040 contre 83 pour les
immigrées portugaises et 335 pour les originaires de Tunisie).
3. Catégorie socio-professionnelle des
immigrés dans le Rhône
Les immigrés en région Rhône-Alpes
occupent plus souvent des emplois dans le secteur tertiaire (54% pour les
hommes et 84% pour les femmes à presque égalité pour les
non-immigrées, 85%), suivent des emplois dans l'industrie
majoritairement occupés par des hommes (24% contre 14% pour les femmes)
de même que le secteur de la construction. Cette configuration est
sensiblement la même pour la population globale rhônalpine.
De manière générale, les immigrés
rhodaniens, pris dans leur ensemble, sont dans leur majorité des
personnes à la retraite (38.256, soit 19,6% sur un effectif total de
194.849 personnes en 2009), puis ouvriers à 18%, employés
à 15%, exercent des professions intermédiaires à 8,3%, des
professions intellectuelles supérieures et cadres à 5,7%,
artisans, commerçants et chefs d'entreprise à 3,4% et sans
activité professionnelle à 29% (56.163 immigrés dont 68 %
des femmes). Tandis que les hommes exercent en tant qu'ouvriers, les femmes
sont davantage employées dans les services à la personne,
l'hôtellerie-restauration, commerce, etc. Elles sont peu nombreuses
à être chefs d'entreprise. On les retrouve aussi, à une
échelle moindre, dans les métiers d'ouvriers et les professions
intermédiaires.
4. Quid de la population immigrée subsaharienne
du Grand Lyon ?
SI beaucoup, hommes et femmes, sont sans activité
professionnelle dans le Rhône (6.431 individus sur un effectif global de
19.305 personnes en 2009 dans le Rhône), les immigrés subsahariens
sont majoritairement ouvriers (2.690 personnes) puis employés (1.467).
Viennent ensuite les professions intermédiaires (1.070) et les
professions
51
intellectuelles supérieures ( 765 personnes contre 611
pour les immigrés marocains, 311 pour les tunisiens et 938 pour les
Algériens). Difficile cependant de savoir combien sont les
immigrés sub-sahariens naturalisés et étrangers à
exercer dans ces professions intellectuelles supérieures. Cette
donnée pouvant permettre de comprendre si la nationalité joue ou
influe sur le niveau d'études et la volonté de mettre à
contribution son expertise au service des actions collectives portées
par les associations de migrants sub-sahariens en regard de
l'intégration nationale des primo-arrivants ou des missions de
solidarité et développement dans les pays d'origine.
En ce qui concerne les métiers d'artisans , de
commerçants et de chefs d'entreprise, sur une population active
masculine d'origine sub-saharienne de 9.427 individus, l'Insee n'en a
recensé que 320 individus, un taux relativement faible en comparaison
par exemple des immigrés d'origine algérienne (967), portugaise
(776), turque (735) et tunisienne (602), plus entreprenants. Peut-on voir
à ce niveau-ci de notre étude la fréquence de
créateurs d'entreprises au sein de la communauté
maghrébine du Rhône comme un palliatif aux difficultés
d'accès au marché de l'emploi qui touche davantage cette
catégorie de la population ? Un parallèle peut en effet
être fait81 si l'on s'en tient à la multitude
d'études consacrées au sujet au niveau national.
La faiblesse de la présence des femmes subsahariennes
du Rhône dans la dynamique de la création d'entreprises ou de
l'auto-emploi ressort également de cette enquête, avec 179
personnes identifiées comme commerçantes, artisans ou chefs
d'entreprise sur un effectif total de 9.878 immigrées. Ces femmes sont
à presque égalité d'effectif sans activité
professionnelle (3.758) et employées (3.821) dans le secteur tertiaire
pour l'essentiel. Elles sont moitié moins nombreuses dans les
professions intermédiaires (779) et les professions intellectuelles
supérieures (359) que les hommes. Un écart important entre les
métiers manuels et intellectuels qui fait apparaitre en filigrane les
niveaux de qualification particulièrement faibles chez les
immigrées sub-sahariennes et qui les assignent fatalement à des
emplois globalement peu qualifiés et mal
rémunérés.
La population des retraités et
pré-retraités sub-sahariens approchent les 700 individus en 2009
dans le département. Les premières données de notre
enquête de terrain ont laissé entrevoir que très peu ou pas
de retraités, aux dires des responsables associatifs rencontrés,
et notamment ceux ayant exercé des professions intellectuelles
supérieures ou intermédiaires, ne donnaient de leur temps et ne
mettaient leurs expertises et compétences diverses à disposition
des associations de migrants enquêtées. L'échantillon de
notre investigation étant réduite à une vingtaine
d'associations, il est trop tôt pour tirer des conclusions
générales. Il serait toutefois intéressant de voir
à terme quelle est la proportion des retraités sub-sahariens du
Rhône qui s'impliquent dans la vie associative de la communauté
africaine du Grand Lyon, leurs pratiques associatives de manière
générale en regard de celle des non-migrants, ainsi que les
formes et leur niveau d'implication. Une étude d'autant plus importante
à mener que de nombreuses enquêtes ont démontré que
le bénévolat associatif, même s'il fait appel autant aux
personnes actives qu'aux demandeurs d'emploi et étudiants (et surtout
les 18-25 ans), repose pour l'essentiel sur les retraités nationaux de
bonne volonté82.
Au total, la situation de l'emploi dans le Grand Lyon est
globalement peu favorable aux immigrés. Et cela entraine un certain
nombre d'incidences sur le plan social : baisse de revenus, accès
précaire au logement, conditions de vie peu enviables. Dans ce contexte,
l'intégration devient problématique83. Or,
l'intégration des migrants est un long processus qui nécessite la
conjonction de 3 conditions :
- Les conditions socio-économiques d'insertion ( travail,
logement, famille, scolarisation)
81
82
|
Voir Tadjine-Lévy, op.cit.
|
Voir sur le portail de l'association Recherches &
solidarités, une étude de Cécile Bazin et
Jacques Malet intitulée : « Le bénévolat selon
les générations, baromètre d'opinion des
bénévoles », Cahier N°9, Juillet 2010. Voir aussi
« le Panorama de la vie association dans le Rhône »,
publiée pour la direction des mêmes auteurs et de Marie Duros et
Henitsoa Raharimanana en février 2012. Avec le concours de la
Délégation départementale de la cohésion sociale du
Rhône.
83
Voir le rapport du Haut-Conseil à l'Intégration :
« la France sait-elle encore intégrer ses immigrés ?
Bilan de la politique d'intégration en
France depuis vingt ans et perspectives », Avril
2011.
52
- Une identité culturelle affirmée sur laquelle les
migrants s'appuient pour faire face aux adaptations
nécessaires à leur vie quotidienne en France ;
- Des relations satisfaisantes avec des personnes
extérieures au groupe d'origine et qui favorisent l'ancrage sur le
lieu d'habitation et le développement d'une nouvelle identité.
Ainsi donc, l'intégration au niveau individuel suppose
que le sujet atteint un état, un équilibre psychologique
lorsqu'il élimine les tensions dues aux différences entre son
groupe et l'environnement étranger tout en restant de façon
variable dans ses anciennes références.
Quelles réponses les pouvoirs publics donnent-ils
à la question de l'insertion sociale, professionnelle, économique
et culturelle des migrants de manière à réduire les
écarts importants existants entre immigrés étrangers,
immigrés naturalisés et français de naissance ? Quelle
politique d'intégration pour favoriser l'accès des migrants aux
dispositifs du droit commun de façon à faciliter une
intégration accomplie et assurer ainsi la cohésion sociale dans
une société française caractérisée par une
diversité ethnoculturelle et sociale importante?
53
Chapitre 2 : LE CADRE D'INTEGRATION DES MIGRANTS
SUBSAHARIENS
1. Un bref historique de la politique
d'intégration en France
Les immigrés considérés dans la
présente étude sont pour leur quasi-totalité
arrivés après la seconde guerre mondiale. L'impératif de
la reconstruction puis de la reconstitution de la démographie
française mise à mal par deux guerres amène les pouvoirs
publics à encourager l'immigration. C'est ainsi qu'entre 1945 et 1974,
la croissance économique va provoquer un appel d'air aux flux
migratoires en provenance d'Europe du Sud et du Maghreb. Mais si l'immigration
des travailleurs est encouragée, elle doit aussi être
contrôlée, organisée. C'est dans cette optique que sont
mises en place les premières politiques d'intégration au travers
de structures ad hoc créées en vue de l'accueil des travailleurs
immigrés, de leurs familles mais aussi afin d'encadrer les
réfugiés qui commencent à affluer vers la France vers les
années 1950. C'est le cas en 1945 de l'Office national de
l'Immigration(ONI) et en 1952 pour l'Office Français de Protection des
Réfugiés et Apatrides (OFPRA).Toutefois, en dépit de la
naissance de ces structures, cette politique n'est pas appliquée dans
l'optique d'admettre les étrangers non-européens en vue d'une
installation définitive. Les étrangers ont reçu
l'autorisation d'entrer dans le pays lorsque les ressortissants nationaux ne
suffisaient pas à pourvoir à certains emplois vacants. Or, si
l'admission à titre permanent peut requérir d'emblée une
politique d'intégration, la question de l'intégration ne se pose
pas s'agissant de l'admission de travailleurs étrangers destinés
à combler certaines lacunes sur le marché local de l'emploi,
puisque la présence de migrants est appelée à rester
temporaire.84 En clair, avant les années 1970,
l'intégration n'a pas été un problème pertinent en
France au sens où pour bien les travailleurs migrants, «
l'emploi était un phénomène à caractère
temporaire(...) D'une certaine manière, les travailleurs migrants
étaient en fait fort bien intégrés du point de vue du
marché du travail ».
À compter des années 50, la population
immigrée s'accroit et se diversifie. Et tandis que l'immigration
européenne fléchit quelque peu, la part des ressortissants
maghrébins s'accroit considérablement, tandis qu'une
première vague de travailleurs migrants africains sub-sahariens et turcs
commence à s'installer en France. Aussi, la politique d'accueil
va-t-elle se concentrer sur l'aide sociale et l'accès au logement des
travailleurs, notamment algériens. C'est dans cette mouvance que nait en
1958 le Fonds d'action sociale pour les travailleurs musulmans
d'Algérie en métropole et pour leurs familles (FAS).
Avec les dynamiques de décolonisation qui agitent le
continent africain, un afflux important d'immigrés du continent noir
déferlent sur la France. Face à cette diversification qui tend
à s'accentuer plus que jamais, les pouvoirs publics français
décident d'étendre la politique d'intégration à
l'ensemble des immigrés en définissant de nouveaux axes
opérationnels d'intégration : accès à la formation,
formation linguistique, action culturelle plus large.
Le premier choc pétrolier et ses répercussions sur
la machine productive française inspireront aux pouvoirs publics des
mesures de restriction à partir de 1974 et notamment la suspension de
l'immigration de travail permanente. Le flux d'immigration ralenti, s'en est
suivi une diminution de la part des étrangers dans la population active
qui décroit alors de 7,3% en 1975 à 6,4% en 1990 et à 6%
en 200085. Se développe alors l'immigration familiale qui
s'accélère dans les années 80 marquée à la
fois par une féminisation croissante des mouvements migratoires mais
aussi des problèmes plus aigus d'insertion sociale et professionnelle
des nouveaux arrivants d'une part. Et d'autre part des migrants travailleurs
déjà présents sur le territoire français qui,
désintégrés du marché du travail suite à la
crise économique et la fermeture des frontières, décident
pour une bonne part d'entre eux de
84
D'après R.W. Böhning dans un article intitulé
l'Intégration des travailleurs migrants : « Dans le cas de
l'Europe de l'Ouest et du Nord, bon nombre [de travailleurs migrants] n'ont
jamais eu l'intention de se fixer à l'étranger de manière
permanente ».
85
Voir sur le portail de la documentation française : «
exode des compétences du Tiers-Monde vers les pays
développés. Le cas des Africains francophones de la France
», 2002.
54
s'installer de façon permanente dans l'Hexagone, rejoints
par leurs conjointes et autres membres de la famille. La crise
économique a en effet considérablement réduit les
débouchés professionnels.
La politique d'intégration va poursuivre son renforcement
par l'octroi de droits supplémentaires aux étrangers mais sans
plus connaitre de changement significatif jusqu'à l'orée de la
décennie 1990.
Le tournant des années 1990 va en effet voir
émerger une orientation nouvelle de la politique d'accueil et
d'intégration nationale des étrangers avec un renforcement des
dispositifs de formation linguistique face à la difficulté
d'insertion professionnelle en raison d'une faible maitrise de la langue
française par nombre de nouveaux arrivants ; une accentuation de la
formation civique des étrangers récemment arrivés suite
aux dérives « communautaires » dénoncées par les
pouvoirs publics et certaines mouvances politiques nationales.
Le point d'orgue de l'évolution de la politique
d'intégration c'est l'introduction en amont dans le processus
d'accompagnement à l'intégration d'un Contrat dit d'Accueil et
d'Intégration (CAI) dont l'expérimentation a débuté
en 2003, entré officiellement en vigueur et obligatoire à partir
du 1er janvier 2007.
2. Nouvelles Orientations nationales de la politique
publique d'intégration sous la houlette de l'Union
européenne
La nouvelle politique d'intégration nationale des
immigrés, même si elle relève de la compétence
nationale, s'inspire depuis quelques années de 11 principes de base
définis par les 27 États membres de l'Union en vue d'harmoniser
leurs politiques en la matière et créer un espace commun
d'action. Trois conférences ministérielles (2004, 2007 et 2008)
fondatrices ont permis d'initier des réflexions et élaborer des
outils86 permettant de renforcer l'intégration des nouveaux
arrivants sur le territoire des États membres, étant entendu que
pour l'Europe, le processus de l'intégration s'achève avec la
naturalisation.
2.1. Dispositifs spécifiques d'intégration
des migrants en France et le PRIPI en Rhône-Alpes
À compter de 2005, une loi de programmation de la
cohésion sociale invite les préfets à mettre en oeuvre un
Programme Régional d'Intégration de la Population Immigrée
(PRIPI)87 qui s'inscrit dans le cadre de la politique nationale
globale et qui ambitionne de renforcer les dispositifs d'accompagnement des
migrants à l'intégration nationale. L'intérêt de ce
programme qui s'inscrit dans la continuité des précédents
mais avec des innovations majeures et une plus grande diversification des
publics cibles (primo-arrivants, femmes immigrées et migrants
âgés) se veut tout d'abord une politique globale
d'intégration qui, au-delà de la vocation du Contrat d'Accueil et
d'intégration (acquisition par les primo-arrivants des savoirs de base
nécessaires pour une bonne intégration dans la
société française : apprentissage du français,
connaissance des valeurs fondamentales de la république, droits et
devoirs des citoyens...), vise à favoriser l'accès des
immigrés étrangers en situation régulière aux
dispositifs de droit
86
Parmi ces outils, le Fonds européen
d'intégration (FEI) : outil financier créé en 2007,
il permet de financer des actions destinées à promouvoir
l'intégration des ressortissants des pays tiers, mais
aussi les indicateurs d'intégration qui permettront d'apprécier
les évolutions et résultats des politiques publiques de chaque
État membre en la matière, un Forum européen sur
l'intégration accessible via le lien suivant :
http://ec.europa.eu/ewsi/fr/index.cfm,
manuel destiné aux praticiens de l'intégration dans chaque pays,
et un lien désormais fait entre intégration, emploi et
éducation et le souhait de renforcer les dispositifs d'évaluation
des politiques publiques d'intégration et d'implication de tous les
acteurs à tous les échelons administratifs : national,
régional, département .
87
Relancés par le comité interministériel
à l'intégration (CII) réuni le 10 avril 2003 , les PRIPI
sont en réalité « créés par le
décret n° 90-143 du 14
février 1990 qui prévoyait
l'établissement tous les ans, par les préfets de région,
d'un programme d'insertion des populations immigrées(...) et
généralisés par une circulaire du ministère des
affaires sociales n°2003/537 du 24 novembre 2003(...)Elle a reposé
également sur l'association des collectivités territoriales et
locales à l'analyse des besoins et à la proposition de
réponses adaptées(...) La circulaire du 28 janvier 2010 invite
à la réalisation de nouveaux PRIPI pour la période
2010-2012. Elle dispose que ces programmes doivent être l'occasion de
donner un nouvel élan à la politique publique
d'intégration des migrants et d'y associer de façon plus
large tous les acteurs locaux, à partir d'une analyse
territorialisée des situations et des besoins. Ils seront
financés à titre principal par les crédits
déconcentrés du programme 104 « intégration et
accès à la
nationalité française »
délégués aux DRJSCS.», Le programme 104 fixe les
orientations de l'État en matière d'Intégration et
accès à la nationalité française. Document-cadre du
PRIPI Rhône-Alpes, 2010-2012.
55
commun et à répondre à l'ensemble des
enjeux de l'intégration au niveau du logement, la santé ,
l'emploi, l'éducation , la formation, la langue française, etc.
Ce programme dans le cas de la région Rhône-Alpes est
élaboré et piloté par la Direction régionale de la
jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) en association
avec l'Office Français de l'immigration et de l'Intégration
(OFII) et s'articule autour de cinq grands axes d'actions88
définis et détaillés par la circulaire
ministérielle du 7 janvier 2009 (ministre en charge de
l'intégration), suite aux engagements pris au niveau européen par
la France et conformément aux impératifs de la révision
générale des politiques publiques(RGPP) :
- La promotion de l'apprentissage du français à
visée d'insertion sociale et professionnelle, un autre
aspect du développement de l'employabilité des
migrants ;
- L'accompagnement vers l'emploi des primo-arrivants dès
l'accueil sur le territoire français, par
exemple par une séquence d'information collective
permettant d'acquérir la connaissance des outils d'accès à
l'emploi : rédaction d'un CV, conduite d'entretien, recherche d'emploi.
Mais aussi le soutien à la création d'activités, la
promotion de la diversité dans les entreprises ;
- Faciliter l'accès à la prévention et aux
soins et particulièrement pour les personnes âgés dont
il
ressort de certaines études que les immigrées
âgées sont celles dont l'état de santé est le plus
dégradé a contrario de celui des hommes 89 ;
- Soutenir les dispositifs d'accès aux droits par des
actions d'accompagnement pour l'accès à un
logement de droit commun et l'amélioration des
conditions de vie et de logement des migrants vivant en logement foyer
spécifiquement ;
- La connaissance des institutions, des valeurs de la
république et le développement d'actions portant
sur l'accès à la citoyenneté ;
- L'accompagnement des familles .
Pour mettre en oeuvre ces mesures et afin d'en assurer la
réussite, des dispositifs ont été élaborés
d'année en année au gré des évolutions
législatives entre 2003 et 2006 en s'appuyant sur 3 principes majeurs
:
· « L'intégration est un processus qui
se prépare dès le pays d'origine et se prolonge dans les
années qui suivent l'arrivée sur le territoire national ;
· elle nécessite un engagement
réciproque du pays d'accueil et du migrant, qui s'exprime dans le
contrat d'accueil et d'intégration et, pour les
bénéficiaires du regroupement familial, dans le contrat d'accueil
et d'intégration pour la famille ;
· Elle s'organise dans le cadre d'un parcours
d'intégration qui est conforté par l'obtention d'une carte de
résident (10 ans) et peut se conclure par l'accès à la
nationalité ».90
Au nombre des dispositifs nouveaux de la politique de
l'intégration des immigrés en France depuis 2003 :
- le Contrat d'Accueil et de l'Intégration
déjà évoqué, créé à
la suite des réunions du Comité interministériel pour
l'intégration (CII) de 2003 et 2006 en vue de personnaliser le parcours
d'intégration des migrants, de manière à leur assurer un
accompagnement optimum à toutes les étapes de ce
88 Les actions d'intégration, d'après le PRIPI,
sont concentrées sur les cinq premières années de
séjour.
89 « Qui sont les immigrés âgés
?», op.cit.
90
Voir PRIPI Rhône-Alpes, 2010-2012.
56
processus. Contrat désormais
généralisé à tous les primo-arrivants par la loi du
24 juillet 2006 relative à l'immigration et à
l'intégration pour une entrée en vigueur à partir de 2007
;
- l'opération « ouvrir l'école aux
parents », dispositif qui a pour objectif d'apporter une aide aux
parents
confrontés aux difficultés de la langue
française et en incapacité de suivre la scolarité de leurs
enfants puisque méconnaissant le fonctionnement de l'institution
scolaire91 ;
- le « label diversité
»92 ;
- les accords avec les branches professionnelles et les
acteurs du monde économique (Entreprises,
organismes collecteurs, chambres économiques,
industries...) ;
- le réseau des agents de développement
local pour l'intégration (ADLI)93
;
- les prix de l'intégration et de soutien
à l'intégration qui vise, à travers une
série d'évènements et
d'actions à promouvoir et valoriser des parcours
d'intégration individuels ou collectifs de migrants en France.
2.2. Le PRIPI en Rhône-Alpes
Le Programme régional d'intégration de la
population immigrée en région Rhône-Alpes s'inscrit et
s'inspire des principes et dispositifs susmentionnés, lesquels sont
déclinés, sous la supervision du Préfet de région,
au niveau des 8 départements composant le territoire (Ain,
Ardèche, Drôme, Haute-Savoie, Isère, Loire, Rhône,
Savoie), en fonction des spécificités démographiques
propres à chacun.
Au-delà de l'équipe-projet et du comité
de pilotage composés des représentants des services
administratifs régionaux et départementaux94,
chargés d'organiser le diagnostic, le partage d'informations et de
définir les priorités et les orientations régionales et
départementales du PRIPI 2010-2012, notons que le secteur associatif
actif dans le champ de l'intégration au niveau régional a
été associé à titre consultatif à son
élaboration :
· Association Rhône-Alpes pour le
logement et l'Insertion sociale (ARALIS)
· Association Femmes Informations juridiques
Internationales Rhône-Alpes (FIJIRA)
· Association Départementale d'Accueil
des Travailleurs étrangers (ADATE)
· Centre Ressources Enfance Familles
École (CREFE)
· Forum Réfugiés
· ADOMA
91 Qui a remporté un franc succès dans le
Rhône depuis son lancement conjoint par les ministères de
l'Éducation nationale et celui de l'Immigration et de
l'Intégration.
92 « Le label diversité,
propriété de l'État, a été
créé par décret interministériel du 17
décembre 2008. Il est délivré à tout type
d'employeur public ou privé à la suite d'un audit et d'un rapport
préalable d'un organisme certificateur (AFNOR-Certification),
après avis favorable d'une commission de labellisation quadripartite
(État, patronat, syndicats, experts), qui examine sur la base des
exigences d'un cahier des charges les mesures mises en place pour
prévenir les discriminations et favoriser la diversité à
l'embauche et dans la carrière professionnelle. Actuellement, 364
entreprises, ministères, associations...ont obtenu ce label, concernant
plus de 830.000 salariés (cf. fiche « label diversité
»).Extrait de la rubrique « Intégration »
du Portail internet du Ministère de l'immigration, de
l'Intégration, de l'Asile et du Développement solidaire.
93 « Dispositif initié en 1996, les agents de
développement local pour l'intégration interviennent en tant que
personnes ressources et médiatrices pour la mise en oeuvre des actions
prévues dans le cadre des PRIPI pour des publics particuliers sur des
territoires spécifiques (promotion sociale et professionnelles des
femmes, accès aux droits et à la santé pour les personnes
âgées immigrées, soutien à la parentalité et
à la réussite scolaire des enfants de migrants, informations sur
les droits des primo-arrivants, médiation interculturelle...)
».Portail du Ministère de l'Immigration.
94
SGAR, DRJSCS, Préfecture, DIRECCTE, DREAL, HALDE, DDI,
OFII, Préfectures du Rhône et de l'Isère, Pôle
Emploi, délégation régionale aux droits des femmes,
Éducation nationale...
57
On notera l'absence d'une représentation des
organisations associatives spécifiquement de migrants (européens
ou des pays tiers) aux cours de ces assises. Signe d'une politique
régionale d'intégration des migrants définie sans les
migrants eux-mêmes ? Est-ce le déficit d'une plate-forme forte de
migrants, portant des requêtes ou revendications particulières, au
double niveau départemental et régional qui explique cette
non-sollicitation des migrants directement ? Est-ce le principe même du
travail d'élaboration d'une politique publique que de ne pas associer
directement des représentants du public prioritaire à qui se
destine ces politiques ? Qu'en est-il au plan départemental et
spécifiquement dans le département du Rhône ?
2.3. Le Plan Départemental d'intégration
de la Population Immigrée dans le Rhône (PDI)
Le PDI Rhône est une déclinaison du PRIPI dans
le sens où l'essentiel des principes et des orientations sont repris et
adaptés en fonction des réalités propres à la
démographie immigrée du département. Aussi, suite à
la circulaire préfectorale du 28 janvier 2010, le PDI Rhône a-t-il
défini les axes d'intervention suivants :
· Dresser un diagnostic complet de la population
immigrée du département : sa répartition
géographique, son évolution démographique, l'accès
au logement et à l'emploi ;
· Assurer et promouvoir l'apprentissage » du
français en identifiant via une cartographie et en renforçant
l'offre de formation linguistique de droit commun, avec un accent particulier
sur l'apprentissage du français à finalité
professionnelle. Objectif : développer l'employabilité du migrant
primo-arrivant tout particulièrement ou des migrants d'ancienne
installation ayant des difficultés de langue. L'organisation d'une
« Journée départementale de l'apprentissage du
français » est ainsi une des innovations proposées pour
atteindre cet objectif ;
· Soutenir les dispositifs de connaissance des
institutions et d'accès aux droits dans la droite lignée de la
formation civique proposée dans le cade du CAI mais en mettant en place
des modules complémentaires en raison de la brièveté de
cette formation justement et pour les migrants installés sur le
territoire avant la généralisation du CAI en 2007 ;
· L'accompagnement des familles, au-delà de
l'opération « Ouvrir l'école aux parents pour
réussir l'intégration » concerne également
l'accès à un logement pérenne pour les primo-arrivants et
les réfugiés ;
· L'accompagnement vers l'emploi dans une
économie de sous-emploi est une gageure notamment pour les
immigrés fortement touchés par la désintégration du
marché du travail. C'est dans ce contexte qu'en 2010 une convention a
été signée par le Ministère de l'immigration et de
l'intégration avec la direction nationale de Pôle Emploi afin
d'assurer aux primo-arrivants un suivi personnalisé. Au-delà, le
PDI ambitionne surtout de soutenir des actions fortes en faveur des femmes dont
beaucoup sont peu qualifiées et ont un difficile accès au
marché du travail. Ainsi une des pistes proposées par le
haut-Conseil à l'Intégration est qu'il convient de
développer les modules courts permettant d'acquérir des
"unités de valeur" pouvant déboucher sur une qualification.
C'est, en outre, dans ce contexte professionnel que l'apprentissage du
français se révèle le plus efficace ;
· Faciliter l'accès à la prévention
et aux soins et l'accès aux droits les plus fondamentaux (droit à
la retraite ) par des mesures spécifiques tout particulièrement
pour les migrants âgés vivant en foyer (19% des plus de 55 ans
dans le Rhône). Action qui, dans son volet santé, devrait
être coordonnée à un niveau régional par l'Agence
régionale de santé ;
· Valoriser les parcours d'intégration
remarqués à travers la remise aux migrants distingués d'un
« Prix de l'intégration » et l'animation d'une
semaine de l'intégration dans l'optique de « sensibiliser le
grand public
58
et les professionnels sur l'ensemble des facteurs
d'intégration et des actions mises en place dans le Rhône
»95.
3. Mesures spécifiques d'insertion
professionnelle des migrants au niveau départemental
« L'accès à l'emploi
est l'une des composantes majeure de l`intégration des personnes
immigrées dans notre pays, en ce qu'il permet l'autonomie
économique et facilite la socialisation. Or les étrangers
rencontrent de nombreux obstacles dans leur insertion professionnelle et sont
plus que d'autres victimes du chômage. L'action du ministère de
l'intérieur vise à promouvoir toutes les possibilités
facilitant à la fois la recherche d'emploi dès l'arrivée
en France et la création d'activités par les migrants, tout en
incitant les employeurs à s'ouvrir davantage à la
diversité », peut-on lire sur le site internet du
Ministère de l'immigration, de l'intégration, l'asile et le
développement solidaire. Dans le même esprit, le HCI fait le
constat suivant : « La fonction intégratrice du travail,
notamment pour les immigrés et leurs descendants directs, est devenue
incertaine dans notre économie de sous-emploi marquée par la
désindustrialisation »
Pour favoriser l'accès rapide à l'emploi des
signataires du Contrat d'Accueil et d'Intégration, l'État
français a mis en place un ensemble de dispositifs dont :
3.1. Le bilan de compétences
professionnelles
Créé par la loi du 20 novembre 2007, sous la
présidence Sarkozy, il est organisé par l'OFII dans le cadre du
CAI et vise à « valoriser les expériences passées
[des primo-arrivants], leurs diplômes et compétences
professionnelles ou leurs savoir-faire dans la perspective d'une recherche
d'emploi ». D'une durée de 3h seulement, le dispositif
suffit-il au primo-arrivant candidat pour se faire une idée claire et
précise sur le marché du travail local ? ou pour mobiliser les
ressources nécessaires pour s'y insérer et faire valoir son
capital compétences ?
3.2. Les accords de branches
professionnelles
Afin de favoriser un accès rapide à l'emploi des
signataires du CAI, le gouvernement (via la DAIC et l'OFII) a signé des
accords avec :
? des représentants de branches
professionnelles et des organismes paritaires collecteurs agréés
(OPCA). L'idée c'est de permettre aux migrants en
recherche d'emploi, à l'issue du bilan de compétences,
d'être recruté dans des secteurs économiques en
développement ou à fort potentiel qui manquent de main d'oeuvre
locale : secteur des services à la personne, des transports, des
entreprises de propreté, du travail temporaire, de l'hôtellerie...
;
? des réseaux économiques
et chambres consulaires. « Ces
protocoles d'accord ont pour objet d'expérimenter dans quelques
départements l'adaptation de méthodes facilitant l'accès
à l'emploi dans des entreprises : accès aux formations en
alternance, forums d'accès à l'emploi, "job datings", coachings
et parrainages, préparation de demandeurs d'emploi par des cadres ou
chefs d'entreprises » ;
? de grands groupes industriels «
pour tester des méthodes d'intégration de primo-arrivants,
faciliter l'accès à des métiers en tension par la voie de
l'intérim, permettre d'intégrer les métiers de la
logistique ainsi que de préparer les demandeurs d'emploi primo arrivants
à l'entretien collectif d'embauche »96.
95 PDI Rhône,op.cit.
96
Portail du Ministère de l'immigration, rubrique
Intégration, op.cit.
59
En clair, la surreprésentation des migrants dans les
secteurs d'activités du tertiaire et le recours massif à
l'intérim et donc aux contrats de travail précaires sont
organisés et soutenus par l'État lui-même97. La
question étant de savoir si ces orientations répondent aux
contraintes de la crise de l'emploi et une recrudescence du taux du
chômage de la population active dans son ensemble ou à une
politique d'insertion professionnelle résolument établie sur la
durée.
3.3. Soutien de la création d'activités
par les migrants
La création d'entreprise est un des vecteurs de plus
en plus plébiscité de l'insertion socio-économique des
migrants en France. Sans disposer de chiffres détaillés du taux
de créations d'entreprises par les migrants dans le Rhône, on peut
toutefois souligner que le lancement du régime de l'auto-entreprenariat
a accentué la dynamique de l'entreprenariat au sein de la population
immigrée de France. Pour autant, s'affichent d'importantes
disparités selon les origines géographiques des migrants en
France et dans le Grand Lyon en particulier. Il ressort ainsi des statistiques
de l'Insee soulignées plus haut que les immigrés d'origine
maghrébine sont deux à trois plus entreprenants que les
subsahariens. L'entreprenariat constituant une alternative au marché de
l'emploi dont l'accès semble de plus en plus restreint aux
immigrés et aux turcs, maghrébins et subsahariens en particulier.
Aussi l'État ambitionne- t-il d'encourager et soutenir la
création d'entreprises par les immigrés (étrangers et
naturalisés) à travers la mise en place « des outils et
des méthodes pour sensibiliser et mobiliser plus efficacement les
principaux réseaux d'appui et d'accompagnement à la
création d'entreprise et de les faire mieux connaître par le
public immigré. Dans ce but, des accords ont été
signés avec les grands réseaux d'appui à la
création d'entreprise ».
À ce propos, plusieurs dizaines de structures
d'insertion par l'emploi et le logement ont été
identifiées dans le Rhône dont quelques organismes
spécialisés dans l'accompagnement à la création
d'entreprise, en plus des structures publiques. Nombre d'eux sont ont un statut
d'association de loi 1901. Se pose dès lors la question de savoir si
certaines associations subsahariennes dans le Grand Lyon occupent ou envisagent
d'occuper le créneau de l'accompagnement à la création
d'entreprise ou de l'insertion par l'économique compte tenu du contexte
tendu du marché de l'emploi dans le périmètre rhodanien et
des facteurs d'exclusion de certains immigrés qui vont croissants ,quoi
que non-mesurables, tels les discriminations à l'embauche en raison de
l'origine ou la couleur de la peau. La présente étude tente de
répondre à cette interrogation. Nous l'aborderons dans le
chapitre consacré à l'analyse des discours des responsables
associatifs rencontrés.
3.3. Promotion de la diversité dans les
recrutements et les carrières
Le dernier des dispositifs élaborés par le
gouvernement afin de garantir l'égalité des chances de tous
devant l'emploi et dans le monde de l'entreprise au sein de laquelle nombre
d'immigrés ou descendants d'immigrés font état de
traitement différentiel et donc de discriminations dans l'octroi d'une
promotion : 15% pour les enfants d'immigrés maghrébins contre 7%
pour les descendants des natifs selon la dernière enquête Insee
sur les immigrés et leurs descendants en France. L'État
français fait globalement le même constat et reconnait que :
« Les entreprises et les autres employeurs publics et privés ne
reflètent pas suffisamment la composition de la population
française (origine, âges, sexes, personnes handicapées...)
dans leur population salariale et les discriminations à l'embauche et
dans la carrière sont encore trop importantes ».
97 HCI, dans son rapport intitulé «
Intégrer dans une économie de sous-emploi » fait en
effet le constat suivant : « Les immigrés restent
concentrés dans certaines professions. Ils sont proportionnellement
trois fois plus nombreux que les Français de naissance dans
l'hôtellerie-restauration, l'intérim, la sécurité et
le nettoyage, et reste plus présent dans la construction (10% au lieu de
7% chez les Français de naissance) mais moins dans l'industrie (10% pour
16% de Français de naissance).Paradoxalement, les descendants
d'immigrés des pays tiers, même s'ils accèdent plus
fréquemment aux études supérieures, ont un taux de
chômage supérieur à celui de leurs parents (24,2% pour
20,2%) qui est globalement le double de celui des Français de naissance
».
60
Dans l'optique d'assurer une cohésion sociale y compris
au sein de l'entreprise, le Ministère de `l'immigration a mis en place
deux instruments incitatifs pour la favoriser : la charte de la
diversité et le label diversité.
Le Ministère s'en explique : « La Charte de
la diversité a été créée fin 2004 et est
maintenant signée par près de 3400 entreprises et autres
structures publiques et privées. Elle constitue une première
approche de la diversité par un employeur, celle de l'engagement
volontaire à oeuvrer pour la non-discrimination dans la gestion des
ressources humaines (embauche, déroulement de carrière,
rémunération) ».
On peut en effet déplorer que ces mesures manquent
d'une dimension coercitive puisqu'elles ne relèvent finalement que du
sens de la responsabilité et de la volonté des employeurs. En 8
ans de promotion de la diversité dans les entreprises, le chemin reste
long si l'on en juge par le nombre relativement modeste d'entreprises ayant
joué le jeu. C'est pour prévenir cette application à
géométrie variable de la charte de la diversité dans les
entreprises que le HCI émet un certain nombre de recommandations,
à partir de l'observation suivante :
« L'accès à l'emploi est, avec
l'orientation scolaire, le domaine où les descendants d'immigrés
expriment le plus fréquemment un ressentiment lié à une
discrimination réelle ou supposée. Depuis une dizaine
d'années en France, les entreprises se sont engagées dans la
lutte contre toutes les formes de discriminations, pour la promotion de
l'égalité et de la diversité, avec en particulier un
accord interprofessionnel du 12 octobre 2006 sur la diversité et
l'égalité des chances dans l'emploi, étendu à
toutes entreprises en 2008. Le Haut Conseil recommande qu'un bilan de cet
accord soit établi et que le dialogue social sur ce sujet soit
relancé. Sans attendre ce bilan, le Haut Conseil recommande que toutes
les entreprises, qu'elles soient ou non signataires de la charte ou du label
diversité utilisent les outils disponibles permettant de lutter contre
les discriminations : recrutement par habiletés, CV anonyme,
"Jobdating", parrainage. Enfin, pour mesurer que les procédures de
recrutement et les différentes étapes des parcours professionnels
ne sont pas discriminantes, le Haut Conseil recommande, à l'exemple de
La Poste, de recourir aux indicateurs objectifs que sont le sexe, le lieu de
naissance, de résidence, l'âge ou la nationalité, comme
l'autorise d'ailleurs la Commission nationale de l'information et des
libertés (CNIL). Ainsi, il réaffirme que cette mesure rend
inutile le recours à des statistiques ethniques
»98.
4. Présentation sommaire du dispositif du Plan
Local pour l'Insertion et L'Emploi
Mis en place par la Ville de Lyon en 1993 et cofinancé
par le Fonds social Européen(FSE), Le Plan Local pour l'Insertion et
l'Emploi (PLIE) est un dispositif de lutte contre l'exclusion et un outil
conçu pour favoriser l'accès ou le retour à l'emploi des
personnes en difficulté. C'est aussi une plateforme de coordination des
acteurs de l'insertion et l'emploi lyonnais. En ce sens, le PLIE travaille
à la mise en réseau des opérateurs d'insertion et
constitue l'interface entre les acteurs économiques, les acteurs
sociaux, les institutionnels et les personnes en situation d'exclusion.
Concrètement, le dispositif du PLIE, adossé aux
critères énoncés par la loi de lutte contre les exclusions
du 29 juillet 1998 en France, consiste en la mise en place des parcours
individualisés et d'accès à l'emploi au
bénéfice d'un public ciblé mais aussi au financement par
le FSE des actions au sein des structures d'insertion par l'économique
via des appels d'offres. La finalité de l'ingénierie
portée par le PLIE c'est à la fois :
? le déploiement des actions permettant une
requalification sociale et professionnelle des personnes durablement exclues du
marché du travail et à qui vont être proposés des
parcours qualitatifs et ciblés d'insertion ;
? l'identification et le développement des gisements
d'emploi, de l'insertion et de la formation ; ? la gestion et la dynamisation
des parcours d'insertion ;
98 Suzel Anstett et Michèle Laroque,
« Intégrer dans une économie de sous-emploi »,
Haut-Conseil à l'Intégration, 2011.
61
> Pour ce faire, il mobilise et centralise les
financements auprès d'acteurs institutionnels (FSE, Communauté
urbaine de Lyon, État, Conseils régional et
général) qui sont redistribués en direction de l'insertion
aux gestionnaires des PLIE locaux.
À ce sujet par exemple, en ce qui concerne la commune
de BRON, quelques associations gèrent au nom de la Communauté
urbaine du Grand Lyon le programme du PLIE pour l'année 2012 :
· Association Pôle PIK pour la Mobilisation
par l'action culturelle
· CIDFF pour l'accompagnement transversal des
femmes99
· CEFI pour l'accompagnement renforcé et
suivi de parcours100
· Multiservices développement (MSD) pour
le diagnostic professionnel, l'acquisition et la validation des
compétences
Tableau 10. Actions proposées dans le cadre du
PLIE de l'est et sud lyonnais pour l'année 2012 à
BRON
4.1. Critères d'éligibilité au
PLIE
Pour ce qui est de la ville de Lyon, sont éligibles au
PLIE les personnes domiciliées à Lyon et rencontrant les
caractéristiques suivantes :
> Des personnes privées d'emploi depuis
longtemps (Chômage de Longue Durée- 2 ans,
bénéficiaires du RSA, jeunes primo-demandeurs d'emploi sans
solution depuis 1 an...) ;
> Cumulant plusieurs type de difficultés
rendant difficile leur insertion professionnelle ;
99 CIDFF : Centre national d'information sur les
droits des femmes et des familles
100 CEFI : Culture Éducation Formation
Individualisée
62
? Non autonomes dans leur démarche ;
? Souhaitant s'engager dans une démarche de
retour vers l'emploi.
4.2. Composition du PLIE
L'organisation interne du PLIE est constituée de :
1. Le Conseil Lyonnais de l'Insertion ou CLI qui constitue le
comité de pilotage.
2. Un Comité Technique de Coordination auquel
participant les financeurs : Conseil Général, Pôle Emploi,
Ville....
3. La Commission de validation qui est l'instance de
validation des outils et de propositions de prescription101.
4.3. Un partenariat institutionnel fort et
convergences avec la politique de la ville
En plus d'être fortement associé aux instances de
Droit commun (de l'État, de la Région et du Département)
ce qui lui confère en théorie une bonne connaissance des publics
cibles, le PLIE participe aux Commissions d'insertion d'arrondissement
(CIA).
Les points de convergence avec la politique de la ville se
résument par exemple aux axes suivants :
? Le Contrat de Ville est associé à
l'élaboration de la programmation du PLIE ;
? Le PLIE a délégation pour la partie insertion
des Contrats de Ville ;
? En 2004, par exemple, L'adjointe à l'insertion
était la Présidente de l'Association Lyonnaise pour
l'insertion
économique et sociale `(ALLIES), porteuse du PLIE qui
constitue le volet emploi insertion de la Ville102.
Tableau 11. Répartition du public selon la
mesure d'accompagnement renforcé (PLIE Rhône)
101
La Commission valide les entrées / sorties dans le PLIE,
établit un lien avec les prescripteurs et puis est censée faire
remonter les besoins des
publics du territoire.
102 90% des crédits de la ligne insertion de la Ville sont
dédiées au PLIE. Consulter le portail web de l'Association
ALLIES.
63
Figure 4. Synthèse des orientations du PDI
Rhône 2010-2012
Source : Document-cadre du Plan Départemental
d'Intégration des populations immigrées du Rhône
(2010-2012)
5. Politique d'intégration et politique de la
ville : quelles convergences dans le Rhône ?
En juillet 2008, sous la présidence Sarkozy, dans le
cadre de la révision générale des politiques publiques
(RGPP), les pouvoirs publics ont exclu les préoccupations de
l'intégration dans le champ de la politique de la ville en dissociant
tout bonnement politique de la ville et politique d'intégration. Cette
décision a eu pour conséquence de réduire les publics
bénéficiaires de la politique d'intégration aux
primo-arrivants (étrangers arrivés en France depuis moins de cinq
ans) de même que le budget103 dont près de 40 millions
ont été transférés à la politique de la
ville, au titre de l'accès aux droits et de la lutte contre les
discriminations.
103
« A l'occasion de cette nouvelle répartition
budgétaire, près de 60 millions d'euros destinés à
financer les actions d'intégration, ont
également été supprimées par
la direction du budget. Compte tenu de l'ensemble de ces
éléments, le Haut Conseil considère que le seuil
budgétaire critique de 100 millions d'euros pour mener à bien une
politique d'intégration est atteint
». Bernard Normand et Jean-Christophe
Sintive, in « Investir dans les associations pour réussir
l'intégration », Haut Conseil à l'Intégration,
avis remis au ministre de l'Intérieur le vendredi 2 mars 2012.
64
Figure 5. Diagramme logique d'impact - PDI
Rhône
Source : Document-cadre du PDI Rhône 2010-2012.
Dès lors, les politiques de la ville, pilotées
entres autres par l'ACSE, s'inscrivent dans un cadre départemental.
Elles sont territorialisées aux travers des contrats urbains de
cohésion sociale (CUCS) alors que la politique d'intégration est
pilotée depuis la région via le PRIPI.
Autres conséquences de cette dissociation :
? la fragilisation des associations intervenant
antérieurement dans le champ de l'intégration avec une
multiplication des interlocuteurs (DAIC, OFII, DJRSCS) ;
? leur retrait de certains quartiers prioritaires des politiques
de la ville ;
? l'émergence des associations communautaires qui se
substituent dès lors aux services de l'État et
pratiquent la solidarité entre migrants de même
origine, quoique de l'avis du HCI, la tentation du communautarisme est
réelle ;
? la complexification des procédures de réponse
à appels d'offres ou des appels à projets pour
des associations, soumises depuis au code des marchés publiques comme
toute entreprise classique et qui dès lors y renoncent.
65
Cette « séparation étanche » a
été cependant dénoncée par le Haut Conseil à
l'Intégration dans son rapport de février 2012104 qui
fait valoir l'argument de la proximité des thématiques et des
populations que visent ces deux politiques et cite pour appuyer son analyse une
enquête de l'Insee d'octobre 2010105 :
« D'après l'enquête Trajectoires et
Origines les immigrés, c'est-à-dire les personnes nées
à l'étranger et de nationalité étrangère
à la naissance, et les descendants d'immigrés,
c'est-à-dire les personnes dont au moins un des parents est
immigré, représentent plus de la moitié des personnes
âgées de 18 à 50 ans vivant en ZUS (Zones urbaines
sensibles). Dans les ZUS de l'agglomération parisienne, ils
représentent même 64% de la population âgée de 18
à 50 ans ».Or, « Occultant cette
réalité, les décisions budgétaires de 2008 ont
centré les moyens financiers de l'intégration pour l'essentiel
sur l'intégration des primo-arrivants dans le cadre du contrat d'accueil
et d'intégration et les formations linguistiques gérées
directement par l'Office Français de l'Immigration et de
l'Intégration (OFII - soit près de 50 millions d'euros).
Au-delà de l'accueil et de l'intégration des primo-arrivants,
seules quelques actions ont été préservées en
direction de publics jugés prioritaires comme les femmes
immigrées ou les vieux travailleurs migrants, mais avec des moyens
budgétaires très réduits (moins de 20 millions d'euros du
programme budgétaire 104, géré par la Direction de
l'Accueil de l'Intégration et de la Citoyenneté -DAIC- si l'on
exclut les crédits destinés à la gestion des foyers de
travailleurs migrants et des centres provisoires d'hébergement de
réfugiés statutaires, auxquels s'ajoute une dizaine de millions
du Fonds européen d'intégration) ».
Dans le Rhône toutefois, les autorités
préfectorales ont fait le choix de collaborer avec les instances en
charge de la politique de la ville et donc des questions d'insertion, tant les
problématiques qu'elles portent s'imbriquent fortement. Aussi,
l'équipe-projet ayant été chargée de
l'élaboration du Plan départemental de l'intégration dans
le Rhône pour 2010-2012 était composée d'un Inspecteur
d'Académie, d'un représentant de l'OFII, de 2
délégués du Préfet délégué
pour l'égalité des chances, d'un agent du développement
local pour l'intégration et...d'un représentant de la Direction
départementale de la cohésion sociale (DDCS).
Quant à la mise en oeuvre effective et conjointe de ces
deux politiques, nous ne disposions pas de suffisamment de données au
moment de notre enquête pour en faire un développement
conséquent. Quoi qu'il en soit, les populations immigrées du
Rhône( y compris les naturalisés) dont une part significative
réside dans les quartiers de la politique de la ville du Grand Lyon ( 14
zones de précarités précédemment définies )
font face à différentes problématiques qui recoupent les
champs couverts par les contrats urbains de cohésion sociale(les
politiques d'insertion pour l'emploi par exemple )106 et
l'intégration. Les politiques d'insertion s'appuient sur une logique de
discrimination positive même si elles ne sont pas désignées
comme tel. Dans la mesure où elles ciblent des populations et des zones
de vie particulières de l'espace social et déploient à
leur intention des stratégies spécifiques. IL s'agit en clair
d'un ensemble de mesures de mise à niveau visant à rattraper
l'écart qui peut exister entre un migrant et ce que l'on
considère comme une intégration accomplie : cadre de vie
décent, scolarité normale, emploi stable, accès aux
équipements urbains, relations sociales, émancipation
personnelle. Toutefois les politiques d'insertion se destinent
évidemment à tous les publics. La césure avec les
politiques d'intégration tient à la spécification des
mesures d'insertion à destination des populations immigrées
primo-arrivantes ou des personnes installées d'ancienne date sur le
territoire mais rencontrant des difficultés d'intégration
particulière : langue, santé, emploi, revenus, logement. Ce sont
entre autres les migrants âgés et les femmes. Entre politiques de
la ville et politique d'intégration, la frontière reste mince
sinon quasi inexistante. Les orientations de l'une et l'autre laissent
plutôt entrevoir une complémentarité, une convergence de
vues et d'objectifs.
C'est en ce sens que le Haut-Conseil à
l'intégration a recommandé dans son rapport sus-indiqué
que la politique nationale d'intégration devait être
amplifiée et réinvestir les quartiers sensibles où les
associations jouent un rôle d'interface efficace sur la question de
l'intégration, mais finalement pas assez valorisé ni visible
auprès des pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux.
Aussi l'État devrait-il investir davantage dans les
associations pour réussir l'intégration, selon le HCI. Cela
implique une exigence de reconnaissance et de légitimation des
associations à travers un système de labellisation en
104
105
Bernard Normand et Jean-Christophe Sintive, « Investir
dans les associations pour réussir l'intégration »,
op.cit. Trajectoires et origines, Enquête sur la diversité des
populations en France, INED, INSEE, octobre 2010
66
fonction des champs d'intervention, des process et
des résultats obtenus ; puis une exigence de stabilité des
financements car , nous l'avons dit, la complexité des procédures
d'appels d'offres et d'appels à projets de même que la
multiplication des interlocuteurs pour les démarches de demande de
financement sont des facteurs d'exclusion de nombre d'associations
françaises ou de migrants qui n'ont pas toutes le même niveau de
ressources : connaissance des procédures administratives, des politiques
nationales en vigueur et du tissu associatif, bénévoles,
salariés, fonds et subventions, assise territoriale, capitaux
matériels, etc.
Tableau 12 : Politique de la ville. Géographie
prioritaire en Rhône-Alpes
Cela étant, à l'issue de ce tableau
général de la politique nationale d'intégration et ses
déclinaisons locales, il convient de s'interroger sur la place
qu'occupent réellement les associations et le rôle qu'elles jouent
dans le cadre de ces politiques publiques d'intégration et de la
ville.
67
Partie 2
Les associations des migrants du Grand Lyon, la
politique d'intégration et la politique de la ville.
Analyse des discours et pratiques des responsables
associatifs
Quelles sont les formes et le niveau d'investissement des
associations subsahariennes (d'insertion, communautaires, de solidarité
ou de développement) du Grand Lyon dans le cadre de la mise en oeuvre
des orientations locales du PDI et des CUCS dans les territoires où
elles sont actives ? Quelles actions mènent-elles ou peuvent-elles mener
en la matière ? Quel est le niveau de préoccupation des membres
des organisations associatives africaines quant à l'insertion
multidimensionnelle (emploi, logement, santé, scolarité,
parentalité, participation citoyenne et politique) des migrants dans le
périmètre de notre enquête ? La présente section
tente d'y répondre.
Chapitre 3 : Données générales de
l'enquête de terrain. Profil des associations migrantes subsahariennes du
Grand Lyon p.68
1. Rappel des Termes de référence de
l'enquête auprès des associations de migrants 68
2. Conditions du déroulement de l'enquête et
méthodologie 68
3. Panorama des associations subsahariennes du Rhône et
leur rapport aux activités d'insertion et d'intégration nationale
72
4. Données générales de la vie associative
dans le Rhône 77
5. Panorama des associations d'insertion et d'intégration
dans le Rhône 82
Chapitre 4 : Les associations subsahariennes et
l'insertion. Analyse des discours et des pratiques dans le Grand Lyon p.88
Section 1 : Les migrants subsahariens du Grand Lyon et la
question de l'inclusion sociale. 88
Section 2 : Causes de la non-implication des associations des
migrants dans le champ formel de l'insertion/intégration dans le Grand
Lyon 99
Section 3 : Comment inciter les migrants à se saisir plus
collectivement des dispositifs institutionnels d'intégration et
d'insertion et à se rapprocher des structures publiques et
privées gestionnaires des politiques publiques en lien avec la question
des migrants au niveau
local ? 103
68
Chapitre 3 : Données générales de
l'enquête de terrain. Profil des associations migrantes
subsahariennes du Grand Lyon
1. Rappel des Termes de référence de
l'enquête auprès des associations de migrants
Pour rappel, notre travail d'enquête s'inscrit dans une
démarche d'initiation à l'exercice des études
recherche-action, alliant donc la recherche et la pratique professionnelle sur
le terrain, et relatives aux champs du développement social pour ce qui
concerne notre spécialité propre. Les termes de
référence ayant donc été de mener une courte
investigation auprès d'associations de migrants «
grand-lyonnais » aux fins de comprendre les raisons de la marginale
implication de celles-ci, tous champs d'intervention confondus, dans le
processus d'intégration nationale et spécifiquement d'insertion
socio-économique des immigrés primo-arrivants ou d'ancienne
installation, au-delà bien sûr de la traditionnelle entraide
intracommunautaire souvent notée. L'objectif à atteindre
était donc de fournir des éléments d'explications et un
corpus de solutions par les acteurs associatifs eux-mêmes en termes de
construction d'un ou des cadres et structures efficients et forts qui
permettent de se constituer en interlocuteurs légitimes et
privilégiés dans les partenariats avec les pouvoirs publics et
les acteurs privés ; de construire des « hommes nouveaux »,
soucieux de mobiliser toutes les compétences nécessaires ( y
compris « ethniques » et interculturelles) afin d'accompagner les
migrants aussi bien dans les actions du développement solidaire avec les
régions d'origine que dans le processus d'appropriation des dispositifs
institutionnels existants en matière de politique publique
d'intégration au niveau local et de politique d'insertion pour l'emploi,
le logement , l'accès à la santé, aux droits sociaux
divers, à la parentalité, à l'école, à la
citoyenneté participative, dont nombre de migrants subsahariens sont ou
se sentent exclus pour différents motifs. En clair, les clés de
construction d'une ou des diasporas africaines entreprenantes.
Nous nous sommes cependant entrepris à
stériliser la dimension militante d'une telle démarche pour nous
centrer sur les fondements socio-anthropologiques et politiques des pratiques
associatives, des discours et représentations de leurs membres, du sens
qu'ils donnent aux différentes questions des compétences, de la
force du réseau, de l'intégration/insertion
socio-économique en France, du développement en Afrique, du sens
et la place de soi dans une société multiculturelle (où la
tentation du repli communautaire peut être très puissante) et du
rapport de soi à l'autre : immigrés d'autres sensibilités
ethno-régionalistes et non-immigrés.
2. Conditions du déroulement de l'enquête
et méthodologie
Notre enquête s'est déroulée du 03 au 24
octobre 2012 dans le périmètre du Grand-Lyon. Nous avons
été amenés à rencontrer nos interlocuteurs dans les
communes de Lyon intra muros, Villeurbanne, Vaulx-en-Velin,
Vénissieux, Bron, Caluire-et-Cuire, Jonage, et Saint-Priest qui
concentrent l'essentiel des associations et la population immigrée de la
Communauté urbaine de Lyon et du Rhône.
2.1. Échantillonnage
Les associations dites de migrants étant nombreuses
dans le périmètre d'enquête, environ 300 et plus
d'après les estimations de l'annuaire des associations dans le
Rhône édité par le Département, nous avons eu
recours tour à tour aux bases de données des associations membres
d'organisations spécialisées et en lien avec la communauté
des migrants du Grand Lyon : COSIM, du RESACOOP, du CADR, mais aussi les
communes via les services de la vie associative dont ceux de Lyon,
Villeurbanne, Bron... Bases de données variées dont nous avons
extrait après un
69
traitement sur le tableur excel un échantillon
suffisamment représentatif des nationalités107 les
plus présentes dans le périmètre de l'enquête par la
démographie, le volume, la taille, l'ancienneté et les
réseaux d'affiliation des organisations associatives africaines actives
dans le Rhône.
En plus du Sénégal donc, population
subsaharienne la plus forte en nombre dans le département (selon une
estimation de la Préfecture), nous avons sélectionné
principalement les collectifs associatifs de Côte d'Ivoire, du
Bénin, du Togo, du Cameroun, du Congo-Brazzaville et du Congo-Kinshasa
(RDC), de République centrafricaine, du Burkina-Faso, des Comores, du
Mali, du Niger, du Ghana, de Madagascar.
2.3. Phase préparatoire de
l'enquête
Une phase intense (plusieurs jours) d'e-mailing et de phoning
aux associations figurant dans les fichiers de ces collectifs a suivi. Nous
avons eu des retours qualitativement très positifs de responsables des
associations les plus en vue opérationnellement, médiatiquement
et « politiquement » dans le microcosme lyonnais. Ceux-ci se sont
prêtés plaisamment et avec un intérêt soutenu au jeu
de nos interviews approfondies (entre 45 minutes et 1heure environ) sur les
thèmes principaux de notre enquête.
2.4. Déroulement de l'enquête
Les rencontres, pour un confort d'échanges, ont pu se
faire en des endroits choisis par les enquêtés eux-mêmes :
leur lieu de travail, les cafés (régulièrement),
restaurants, etc.
Avec l'autorisation des enquêtés, durant
l'ensemble des entrevues, l'entretien a pu être enregistré avec un
enregistreur numérique afin d'exploiter le maximum de données
qualitatives possibles, l'essentiel de notre enquête s'étant
centrée sur la compréhension des motivations, des logiques
d'action ou de non-action, les représentations personnelles et
collectives des uns sur eux-mêmes et sur les autres, sur l'environnement,
les solutions aux problèmes identifiés.
Ce sont donc au total une vingtaine d'entretiens qui ont
été réalisés trois semaines durant à l'aide
d'un guide d'entretien ouvert et semi-ouvert structuré autour de 4
thèmes indiqués plus bas. En plus des associations et des
collectifs d'associations, nous nous sommes entretenus
téléphoniquement avec des acteurs institutionnels en relation
avec le monde associatif au niveau départemental et les politiques
publiques de la ville et de l'intégration des populations
immigrées du département du Rhône.
À tout prendre, ce sont en tout une vingtaine
d'associations que nous avons rencontrées en vis-à-vis
entre le 03 et le 24 octobre 2012108
?? A2P Nord-Sud-Sud (Actions Perspectives-Prospectives
Nord Sud-Sud)
?? ABL (Association des Burkinabé de
Lyon)
?? ABRA (Collectif des associations béninoises de
Rhône-Alpes)
?? AFORMETROP (Association franco-togolaise
spécialisés dans la formation en médecine
tropicale)
107 Celles-ci sont principalement originaires des pays de
l'Afrique francophone et anglophone (Afrique centrale et des grands lacs et
Afrique de l'ouest, y compris le Ghana).
108
Bon à savoir, malgré de multiples relances
téléphoniques , nous n'avons pu, pour des raisons d'agendas
décalés, convenir d'une plage
horaire de rencontre et d'entretien avec les associations CTRA
( Collectif des Togolais de Rhône-Alpes), FOJEP-D ( Forum des Jeunes
entrepreneurs pour le développement - Congo), le CACRA ( Collectif des
associations camerounaises de Rhône-Alpes ), l'Union des Comoriens de
Vénissieux ( UCV), le SOPé ( Union des Sénégalais
du Rhône ), le CODAE ( collectif des Guinéens dans le
Rhône), ANAN-K (Collectif des Associations des Nigériens de
Rhône-Alpes). Mais pas de retour en revanche des associations
ghanéennes nombreuses à Villeurbanne, ni les maliennes, ni les
associations étudiantes dont les cordonnées sont restées
introuvables, notamment l'association des étudiants camerounais de Lyon,
membre du réseau CASA-Net en Suisse pourtant.
70
?? AFRICA50 (Collectif des associations africaines et des
amis de l'Afrique du Grand Lyon)
?? AIPES (Association ivoirienne pour la promotion de
l'éducation et de la santé
?? ALPADEF (France-Sénégal)
?? Association des femmes de Malé
(Comores)
?? Association Unité jeunesse africaine
(France-Togo)
?? CADR (Collectif des associations de
développement et solidarité internationale de
Rhône-Alpes)
?? COSIM (Collectif des organisations de
solidarité issues des migrations)
?? Djan Djé (Association française
intervenant au Mali)
?? Émergences Sud (France-Cameroun)
?? FEDAM (France-Haïti-Bénin)
?? Haut-Nkam Nshu-Shu (Ouest-Cameroun)
?? Mac Mael Agri Togo (Formation agricole et promotion de
l'agriculture et du maraîchage au Togo)
?? MIFERVAL (France)
?? Mutoto Africa (Centrafrique - Congo
Kinshasa)
?? Passerelle NGAM (France - Cameroun)
?? SAAE (Solidarité Akpoussou-Akébou en
Europe, France-Togo)
Nous avons assisté aux séances de travail de
certaines d'entre elles, effectué une revue documentaire large en lien
avec le sujet de l'enquête, et avons recueilli des opinions,
représentations et croyances exprimées à titre officiel ou
officieux (en « on » et en « off ») par les membres actifs,
non-actifs(ou démissionnaires) et responsables associatifs
interviewés. Quelques migrants commerçants, propriétaire
de petites boutiques à Lyon nous ont également accordé
quelques minutes d'entretien non enregistré, discussion à
bâtons rompus.
Nous avons mené parallèlement une dizaine
d'entretiens téléphoniques avec des acteurs
institutionnels en lien avec la vie associative, l'insertion,
l'intégration des immigrés en France :
? L'Espace associatif du Rhône
? L'adjoint-au maire de Villeurbanne en charge de la
démocratie locale et la lutte contre les discriminations
? Le Centre Culturel OEcuménique Jean Lachaize
à Villeurbanne
? Le centre culturel de la vie associative de Villeurbanne
? Le Resacoop
? L'Insee Rhône-Alpes
? Chef de projet PLI à la Mairie de Bron
? Une chargée de mission et formatrice à l'ASSFAM,
délégation du Rhône
? Le service Insertion à la communauté urbaine de
Lyon
Nous avons enfin visité et collecté des
informations utiles sur les Portails internet de :
? La Préfecture de région (Rhône-Alpes)
? La Préfecture à l'égalité des
chances
? Mairies de Villeurbanne, Lyon, Vénissieux (annuaire des
associations)
? La Communauté Urbaine du Grand Lyon (Courly)
? Ministère de l'intérieur, de
l'Intégration, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales
(Rubrique DAIC)
? Haut-conseil à l'Intégration
? Insee Rhône-Alpes et Rhône
? Résacoop, CADR, Cosim, Forim, Africa 50, Alpadef,
Sopé, ABL, ABRA, ANAN, Passerelle Ngam, etc.
2.5. Phase de dépouillement
Nous avons alors procédé lors de la phase de
dépouillement à la retranscription de ces entretiens
en faisant ressortir les renseignements les plus significatifs pour la
construction de l'analyse et en effectuant des recoupements afin d'isoler des
constantes dans ces discours et mettre en exergue les variables explicatives.
Le
71
temps court ne nous a pas permis d'effectuer un traitement
statistique approfondi de certaines des données quantifiables que nous
aurions pu articuler aux variables explicatives : âge, sexe,
nationalité, ancienneté de
résidence, statut au sein de l'association,
réseaux d'appartenance, nature des interactions avec
d'autres associations de migrants. Néanmoins, la quantification s'est
faite de manière sommaire par l'application de la loi du grand nombre :
la fréquence et le volume des occurrences ou des réponses
similaires émises par les répondants. En clair, par exemple, pour
comprendre si les positionnements politiques des membres d'une association se
voulant apolitique pouvaient être de nature à fragiliser celle-ci,
nous pouvions dégager des tendances, par l'affirmative ou la
négative, en fonction de la fréquence de l'une ou de l'autre
occurrence, avec bien sûr toutes les précautions
méthodologiques qui sont de rigueur dans un travail de recherche
fondamentale ou une recherche-action.
2.6. Indicateurs de l'enquête de
terrain
Notre enquête ambitionnait de tirer des enseignements
afin d'aider les acteurs migrants subsahariens à mieux s'organiser et
à mieux se structurer afin d'asseoir leur légitimité, leur
crédibilité, et partant, leur visibilité en s'ancrant
davantage dans les politiques publiques et les dispositifs spécifiques
afférents aux migrants, en matière d'intégration nationale
particulièrement et d'insertion sociale corrélativement. Pour
comprendre et agir, nous avons construit 4 thèmes ou items. Ce sont des
variables dépendantes ou à expliquer et qui permettront de
dégager des tendances. Et dans la mesure du traitement de nos
données, nous confronterons ces variables à expliquer aux
facteurs explicatifs : les champs d'action de l'association, la
catégorie socio-professionnelle, l'activité, la situation
familiale, la nationalité, l'âge, le genre, le niveau
d'études et l'ancienneté de résidence en France des
répondants :
1. Discours, représentations et pratiques liés
à l'intégration nationale et/ou l'insertion
socio-économique des migrants à Lyon et ses environs ; L'ancrage
des actions des collectifs 'associatifs de migrants dans les politiques
publiques d'intégration/insertion, les niveaux et modes d'appropriation
des dispositifs institutionnels y relatifs ;
2. Les motivations, les logiques, niveau et modes
d'affiliation des associations aux fédérations et réseaux,
les pratiques d'interactions transculturelles avec les associations autres, les
alliances stratégiques avec différents acteurs et les
bénéfices tirés ;
3. Les discours et pratiques d'identification, mobilisation
et développement des compétences des migrants et non-migrants en
vue d'accompagner les immigrés (tous statuts confondus) dans le double
processus de l'intégration/insertion et le développement
solidaire des régions d'origine ;
4. Les corpus de solutions et les stratégies
esquissés par les acteurs eux-mêmes afin de pallier les
difficultés conjoncturelles, organisationnelles, relationnelles et
opérationnelles auxquelles ils font face ; dans l'optique de renforcer
les capacités techniques, les compétences diverses, les
identités propres, la visibilité auprès des acteurs
privés et institutionnels et les interactions fécondes entre les
associations des migrants subsahariens du Grand Lyon et entre celles-ci et les
associations des non-migrants.
2.7. Au chapitre des difficultés
rencontrées
Les retours de nos contacts par mail et par
téléphone étaient numériquement peu importants pour
une raison principale : les données et cordonnées des
associations contactées n'étaient pas toujours à jour
(numéros de téléphone et e-mails erronés,
changements à la tête de l'exécutif, inactivité de
certaines...). Informations que nous nous sommes cru en devoir de remonter aux
fédérations sus-citées.
De plus, nombreux sont les présidents d'associations
qui n'ont pu se rendre disponibles en raison d'un agenda professionnel et
familial chargé. Ce qui a permis quelques rares fois de conduire un
entretien par téléphone ou via
72
des outils de vidéophonie en ligne tel « skype
», notamment avec des acteurs de deux associations expertes en
déplacement professionnel au Togo.
Cette enquête, commanditée par le Centre ACF se
veut avant tout un outil d'aide à l'analyse des problèmes et
à la décision en termes de recherche et d'administration de
solutions efficientes. Le temps de la recherche sur le terrain étant
trop court en raison des contraintes calendaires académiques qui nous
étaient imposées, nous avons souhaité aller à
l'essentiel : ce que pensent et ce que font et compte faire les acteurs
associatifs pour être acteurs de leur propre développement social
et économique en France et là-bas.
Les résultats de notre enquête, plus qualitatifs
que quantitatifs, seront restitués tour à tour sous forme
d'analyses des discours recueillis et des pratiques observées sous
chacun des 4 thèmes ci-haut indiqués et leurs sous-thèmes
dérivés, le cas échéant.
3. Panorama des associations subsahariennes du
Rhône et leur rapport aux activités d'insertion et
d'intégration nationale
« Connaître le milieu associatif, c'est aussi
et sans doute d'abord savoir ce que ce milieu pense de lui-même, de sa
situation, des conditions de son action, de son évolution...
».
Association « Recherches et solidarités
», dans la Collection « L'opinion des responsables
associatifs. Le baromètre des associations».
À travers ce chapitre, nous tentons de brosser un
tableau général des associations actives dans le
département du Rhône afin de comprendre les formes et l'ampleur
des engagements des unes et des autres dans le double champ qui nous
intéresse : intégration et insertion. Une
arrière-pensée comparatiste guide notre démarche , nous le
confessons, dans l'optique de mieux cerner les raisons du différentiel
qui existe entre associations des migrants subsahariens et les autres quant
à leurs implications respectives dans l'accompagnement des publics
migrants rencontrant des difficultés particulières. Aussi, nous
parait-il essentiel avant tout de faire un inventaire rapide des domaines
d'actions des associations migrantes et non migrantes en relation avec les
politiques de l'inclusion sociale.
3.1. Les champs de l'intégration et de l'insertion
en France
Il s'est agi au moment de la phase préparatoire de
notre enquête d'identifier les différents domaines d'action des
associations ayant pour coeur de métier l'intégration ou
l'insertion. Comme nous allons le voir, ces domaines s'imbriquent, se recoupent
par la nature des problématiques sociales qui en émergent, par la
nature des publics cibles et des acteurs institutionnels sous la supervision
desquels sont déployées les mesures de résorption. C'est
bien là la preuve de la proximité des politiques publiques
d'intégration et d'insertion comme nous l'avons déjà vu,
même si les publics prioritaires ne sont pas nécessairement les
mêmes par définition, les unes portant sur un public
spécifique : les immigrés et l'autre sur l'ensemble de la
population, mais dont une frange importante est d'origine
immigrée109, nous l'avons souligné plus haut.
109
« le récent rapport de l'observatoire national
des zones urbaines sensibles (ONZUS), met ainsi en évidence que sur les
4,4 millions de
personnes résidant en zone urbaine sensible 52,6%
sont immigrées ou descendantes d'immigrés et 64% pour la seule
région parisienne, que leur situation socio-économique est
sensiblement plus difficile que celle du reste de la population, notamment en
étant plus exposées au chômage, en occupant plus souvent
des emplois moins qualifiés et en touchant des salaires moins
élevés. Conformément à l'analyse du Haut Conseil
dans son avis remis au Premier ministre le 12 avril 2011, l'ONZUS estime que
ces constats « invitent à croiser les politiques
d'intégration individuelle et familiale avec les actions territoriales
de la politique de la ville. Au niveau associatif, ce «
croisement » existe déjà puisque dans les zones prioritaires
de la politique de la ville, une partie des actions subventionnées par
ces deux politiques s'avèrent similaires (soutien à la
parentalité, accompagnement vers l'emploi, vers l'éducation, vers
la santé, vers la culture) et ne se différencient
réellement que par le public accueilli (toute population de la zone
urbaine sensible (ZUS) ou population immigrée). Or cette distinction
demeure très théorique pour les associations qui
73
3.1.1. Champs de
l'intégration
Les domaines d'intervention découlent des orientations
et objectifs opérationnels du PRIPI et du PDI Rhône. Les actions
déployées dans ces directions pouvant bénéficier de
subventions :
? du programme 104 de la politique de l'Intégration
(OFII et DAIC notamment) et ? du Fonds Européen pour
l'Intégration(FEI) entre autres sources de financement.
Les champs d'intervention concernés sont :
?? soutien et accompagnement des parcours d'apprentissage de la
langue française,
?? connaissance et promotion des valeurs de la
société d'accueil,
?? intégration professionnelle et promotion de la
diversité,
?? intégration des femmes immigrées,
?? accompagnement des familles immigrées,
?? accompagnement des personnes âgées
immigrées,
?? valorisation de la mémoire et de l'histoire de
l'immigration,
?? l'accès aux droits,
?? la prévention des discriminations,
?? la mixité dans l'habitat,
?? les projets culturels,
?? l'accès à la santé...
Les financements vont globalement vers les associations ayant
une présence territoriale la plus étendue possible, un
savoir-faire reconnu et un réseau d'expertises important.
La politique d'intégration territorialisée est
mise en oeuvre au travers des PRIPI, pilotée par la Direction
Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale
(DRJSCS) en ce qui concerne la région Rhône-Alpes tandis que le
PDI est élaboré et mis en oeuvre sous la direction du
Préfet à l'égalité des chances associé
également au pilotage de la politique de la ville.
3.1.2. Champs de l'insertion
Ils relèvent principalement de la politique de la ville
du Rhône dans sa dimension « insertion ». Les actions qui s'y
déploient peuvent bénéficier de multiples subventions dont
:
? Le programme 147 de la politique de la ville dans son volet
insertion par l'emploi et le logement,
médiation sociale et la lutte contre les discriminations
notamment via l'ACSE ;
? Le programme 137 de la politique de l'« Egalite
entre les hommes te les femmes » placée sous l'autorité
du Directeur général de la Cohésion sociale ;
? Le programme 177 de la politique de la «
prévention de l'exclusion et insertion des personnes
vulnérables». ? puis les communes, le département et
obtiennent alors des subventions des programmes 104 et 147
pour des actions comparables. », Haut-Conseil
à l'Intégration, Rapport 2012 « Investir dans
les associations pour réussir l'intégration »,
op.cit.
74
? le Fonds Social Européen
(FSE) au travers de divers programmes dont le programme EQUAL.
Notons que le FSE est le levier financier de l'Union européenne pour la
promotion de l'emploi110.
En voici quelques-uns de ces secteurs d'intervention :
- Retour à l'Emploi, insertion
socio-professionnelle : services d'aide ou d'insertion par le travail
et
l'économique, entreprises d'insertion notamment ;
- Formation professionnelle, activités
socio-éducatives ;
- Logement et cadre de vie
- Aides aux jeunes (fonds d'aides aux structures
menant des actions dans les domaines du logement,
hébergement d'urgence, mobilité ...puis aides
financières ponctuelles aux jeunes de subsistance, transports,
hébergement, formation...)
- Prévention spécialisée
(personnes âgées, protection infantile et maternelle,
intégration sociale, personnes handicapées
- Défense des droits et intérêts
et égalité des chances : médiation, droits
civiques, assistances et conseils juridiques...
Dans les Zones Urbaines Sensibles(ZUS), les politiques
d'insertion et d'intégration souvent se croisent de même que les
actions subventionnées sont souvent similaires et ne se
différencient que par le public accueilli : Immigrés ou
population diversifiée de la ZUS. Les associations locales y sont
très présentes étant donné l'importance de la
demande sociale qui émane de ces zones de forte
précarité.
3.1.2.1. Brève présentation de l'ACSE
L'Agence Nationale pour la Cohésion sociale et
l'Egalite des Chances, (ex-FASILD) est l'opérateur central de la
politique d'insertion territorialisée pour le compte du ministère
de la Ville. Placée sous la responsabilité du Préfet
à l'égalité des Chances dans chaque département,
elle est chargée de la conduite et du financement des actions
menées en faveur de la cohésion sociale et de
l'égalité des chances, dans le cadre de la politique de la ville,
ainsi que des actions pour la prévention de la délinquance et des
discriminations. Elle finance et conçoit des programmes qui
répondent aux besoins concrets et améliorer la vie des habitants
des quartiers dits prioritaires de la politique de la ville (en raison de la
multiplicité des difficultés socio-économiques,
professionnelles et culturelles que cette catégorie de population
cumulent). Ce sont donc environ 30 000 actions locales que finance et
accompagne dans leur mise en oeuvre l'ACSE avec l'appui des
collectivités locales, établissements publics, associations,
entreprises et habitants.
Artisan du « mieux vivre ensemble », l'ACSE a
financé depuis le début de l'année 2012 environ 29500
actions sur l'ensemble du territoire national en faveur des habitants de ces
quartiers pour un budget global de 392 millions d'euros. Ce sont 497 Contrats
Urbains de Cohésion Sociale (CUCS) qui ont été
appuyés et 10.900 opérateurs locaux employés.
3.1.2.2. Champs d'actions financés par l'ACSE
110
Portail web du FSE : « Le FSE soutient
les projets des organismes publics ou privés visant les priorités
suivantes :adapter les travailleurs
et les entreprises aux évolutions
économiques ; - favoriser le retour et le maintien dans l'emploi ; -
intégrer les personnes défavorisées et lutter contre les
discriminations dans l'emploi ; - améliorer le système
d'éducation et de formation ; - promouvoir les partenariats et renforcer
la capacité des services publics, des partenaires sociaux et des ONG en
matière d'accès au marché du travail. Le FSE n'accorde pas
d'aide directement aux personnes individuelles (les fonds sont versés
aux organismes de formation, collectivités locales, associations)
».
75
La politique de promotion de la cohésion sociale sur le
terrain recouvre des champs spécifiques qui font l'objet de subventions
tant de l'ACSE, des partenaires communaux que des institutions
européennes via le Fonds Social Européen.
Ces champs ce sont :
- La cohésion sociale et territoriale à
travers :
o L'animation des Ateliers Santé Ville (267 en
2011),
o Le financement de 4231 postes
d'adultes-relais111 (accompagnement et formation) pour la
médiation sociale (l'accès des publics
jeunes, âgés et des femmes aux droits, faciliter
l'accessibilité géographique aux services publics,
amélioration de la qualité de l'accueil et de l'information) et
780 postes pour les animateurs associatifs,
o Le soutien financier à la production de 130 oeuvres
audiovisuelles pour promouvoir la diversité en 2011 à travers le
programme « Images de la diversité » ;
- L'insertion par l'emploi et
l'économique
o En 2011, soutien à la création de 6000
entreprises dans les quartiers prioritaires,
o L'accompagnement de 11.000 stagiaires vers les Écoles
de la Deuxième Chance (E2C) ;
- La prévention des
discriminations
o La mise en place de 66 plans territoriaux de lutte contre
les discriminations dont 52 dans le domaine de l'emploi, 13 pour le logement,
12 pour l'éducation et 10 pour la santé. À noter que 31
plans supplémentaires ont été mis en oeuvre pour
l'année 2012 ;
o La sensibilisation de 2100 acteurs locaux aux
discriminations ;
- La citoyenneté et la prévention de
la délinquance
o La prise en charge de 640.000 adolescents et
pré-adolescents par l'opération Ville Vie Vacances dans
94 départements ;
o Le soutien financier de 4437 projets pour lutter contre la
délinquance,
o Le partenariat avec environ 7500 associations actives sur
le terrain,
o En tout 62 millions d'euros mobilisés pour ce
pôle d'activités en 2011;
- L'Éducation
o Le programme Réussite éducative qui a
bénéficié à 700.000 enfants et
o le financement en 2011 de 3600 places en internat
d'excellence pour les jeunes des quartiers prioritaires,
o 312 Cordées de la réussite qui ont
permis à 47 000 lycéens d'accéder aux filières
d'excellence et aux grandes écoles de la fonction publique ;
- la Santé et l'accès aux
soins
o L'ACSE a déboursé en 2011 environ 14,7 millions
d'euros pour la santé et l'offre de soins
o Les Ateliers de Santé Ville sont financés
à 51 % par l'ACSE ;
- l'Accès à la
culture
o Accès aux équipements culturels, au
patrimoine, manifestations culturelles (expositions, spectacles, art
vivant), avec un encadrement et des parcours adaptés ;
o La valorisation du potentiel créateur de chacun la
valorisation du potentiel créateur de chacun ;
o Développement de toutes les formes de pratiques
artistiques : musique, danse, écriture, vidéo... (Ateliers
`'Passeurs d'images») ;
111
Les adultes-relais sont âgés de plus de 30 ans,
sans emploi (ou bénéficiant d'un contrat d'apprentissage ou d'un
contrat d'avenir) et
résidents d'un quartier prioritaire. Les employeurs sont
généralement des associations ou des collectivités
locales.
o
76
L'ACSE soutient aussi les expositions et festivals qui rendent
visibles les créations artistiques des résidents des quartiers de
la politique de la ville et mettent en valeur la diversité culturelle
;
o Le programme « Médias et Diversité
» permet à l'Acsé de soutenir des radios de
proximité qui valorisent l'apport culturel et citoyen des habitants des
quartiers populaires, ainsi que des sites Internet d'information locale
permettant la participation des habitants ;
- l'Habitat et cadre de vie
o Promouvoir l'accès au logement en luttant contre toutes
les formes de discriminations
o Améliorer le cadre de vie des habitants des quartiers
à l'occasion des projets de rénovation urbaine.
3.2. Quelques associations bénéficiaires
en 2011 des subventions du Fonds Sociale Européen dans le Grand
Lyon
De nombreux acteurs associatifs interviennent dans le champ
de l'insertion dans le Grand Lyon et plus spécifiquement dans les
domaines de l'inclusion sociale, la créativité d'activités
et l'emploi, la formation , l'innovation et nouvelles technologies de
l'information et la communication(TIC), le tourisme, la culture, les transports
et l'énergie.
3.2.1. Champ de l'Inclusion sociale
À titre d'exemple, pour l'année 2010-2011 :
Commune de BRON
Association Réussir l'Insertion à Bron
(RIB)
- Accompagnement et tutorat des emplois aides de la ville de
Bron (16.500€ pour un coût global de
23.500€),
- Expérimentation d'un service d'accompagnement
innovant « Mobi seniors », contre l'isolement
des personnes âgées et pour l'insertion professionnelle des
publics en difficulté à Bron (17.250€ sur 23.000€),
- Intégration et suivi dans l'emploi 2012 (40.050 sur
90.000€),
- Accompagnement renforcé personnalisé
(120.600€ sur 230.400€),
Association POLE PIK
- Défilé Biennale de la danse 2010 (5000€ sur
5005,12€), etc.
CEFI
- Accompagnement renforcé et suivi de parcours 2012
(60.520€ sur 126.700€)
Commune de VAULX-EN-VELIN
PRESTAL (Entreprise d'Insertion)
- Préparation à la mise à l'emploi de droit
commun (10.000€ sur 10.730€)
Commune de VENISSIEUX
Régie de Quartier Armstrong
77
- ACI Jardinier dans la ville (14.000€ sur 14.000€)
F.C.2.E. Formation (Former et Construire autour de
l'emploi et l'entreprise)
- Référent de parcours pour le Plan Local pour
l'Insertion et l'Emploi (PLIE SOL) (12.474€ sur 12640€)
Commune de SAINT-PRIEST
Association San Priote pour l'Insertion et l'Emploi
(ASPIE)
- Placement à l'emploi (18.652 € sur 81.600)
Arrondissement de LYON 7e
ECIDEC112
- création d'une offre de
formation en Rhône-Alpes sur les enjeux de la microfinance et de la
finance solidaire à destination des étudiants et des
professionnels (15.750 € sur 21.000€)
Arrondissement de LYON 3e
UFCS/FR (Union Féminine Civique et Sociale
- Formation Insertion)
- 2012 Atelier linguistique
intégrant un atelier d'autoévaluation (15.000€ sur
15.007€)
URHAJ (Union Régionale pour l'Habitat des
Jeunes Rhône-Alpes)
- Facilité la
mobilité permettre la réussite du permis de conduire (25.000 sur
43.182€)
3.2.2. Champ de la Création
d'activités
Association Planet ADAM
Cré'Acteurs
- Entreprendre en banlieue - Programme de détection et
d'accompagnement à la micro-entreprise dans les
ZUS de Vénissieux (2010) (30.184€ sur
102.584€)
VIVEA
- Actions de développement de l'emploi et des
compétences des agriculteurs (2012-2013) (463.868 € sur
1.030.817 €) ;
Association Pépinière CAP
NORD
- aide au démarrage de la pépinière
d'entreprises Cap Nord (12.605€ sur 120.035€)
4. Données générales de la vie
associative dans le Rhône
La préfecture du Rhône estime à environ
60.000113 le nombre d'associations officiellement
déclarées dont environ 35.000 seulement sont réellement
actives114. Parce que les instances en charge de la vie associative
n'ont pas
112
Ecidec, association de microcrédit,
intervient en appui aux institutions de microfinance au Bénin et au
Sénégal pour favoriser l'insertion sociale et
économique.
113
Pour rappel, le monde associatif en France c'est à peu
près 1,3 million d'associations ; 21,6 millions de membres de plus de 14
ans. 84% des associations fonctionnent sans salariés, 120.000 emploient
1,6 millions de salariés à temps plein ou partiel, soit 1 million
à temps plein
78
toujours une visibilité claire sur les dynamiques
d'actions des associations dans le périmètre rhodanien et afin de
« développer une meilleure connaissance des associations par le
grand public et favoriser le rapprochement des responsables associatifs avec
les partenaires institutionnels »115, le
Département a mis en place un annuaire qui recense, sur la base de la
volonté des celles qui souhaitaient y figurer , environ 9638
associations (d'après les dernières estimations du
Conseil général du Rhône) dont les associations migrantes
réparties dans divers secteurs : action sanitaire et sociale, culture et
socio-culturelle, défense des droits et intérêts,
éducation et recherche, loisirs et animation sociale, relations
internationales, emploi et économie, sports.
4.1. Quelques chiffres qui illustrent le dynamisme de la
vie associative dans le Rhône
- 2052, c'est le nombre des associations créées
dans le Rhône entre 2010 et 2011, un rythme de création
soutenu selon les Services du Journal Officiel qui livre des
données. En gros, sur une période de 10 ans, entre 2001 et 2011
donc, le département du Rhône s'illustre avec en moyenne 12
associations pour 1000 habitants, un ratio qui le place un peu plus au-dessus
de la moyenne régionale (11,1 pour 1000) et nationale (10 pour 1000).
- Dans le Rhône, on déclare plus les nouvelles
associations à la préfecture de Lyon (près de 9
créations
d'associations sur 10) qu'à la sous-préfecture de
Villefranche.
- Sur les 4 dernières années, 27,9 % des
inscriptions se sont situées sous le thème « Culture »
dans le
département, 23,1 % dans la région et 22,6% en
moyenne nationale. Ensuite viennent les Sports (11,7%), les Loisirs (9,3%), le
Social (7,9%), l'Éducation-Formation (5,8%), la Santé (4,5%) et
l'Économie (4,4%).
- En 2010, 5200 associations sont employeurs (dont 2000 sont
spécifiquement lyonnaises soit 40%) contre
5100 l'année d'avant. Celles employant 1 à 2
salariées représentent 51 % de cet effectif, soit 2641
associations. 761 emploient 3 à 5 salariés (14%), 555 en
emploient entre 10-19 (11%) et 465 entre 20 et 49 salariés (9% du total
des associations employeurs).
- 13.000 c'est le nombre de nouveaux emplois créés
par les associations entre 2000 et 2010, et qui
correspondent aux nouvelles créations de postes
(salariés à temps complet ou partiel, une croissance soutenue de
25 %, plus rapide que dans l'emploi du secteur privé et à peu
près au même niveau que la moyenne nationale, malgré un
léger fléchissement au 4e trimestre 2010 au plan
régional. Ce qui fait dire à l'association Recherches
et Solidarités qui a réalisé le panorama
dont sont tirées ces statistiques que : « Avec plus de 63.700
emplois et plus de 1,25 milliard d'euros de salaires distribués en 2010,
le secteur représente un enjeu économique important pour le
département. Ces emplois, fortement ancrés au territoire, sont
précieux car ils apportent du lien social, et ne peuvent
généralement pas se délocaliser
»116.
- 1525 associations en 2010 ont eu recours au Chèque
Emploi Associatif(CEA) pour environ 4794 salariés. Le
CEA est un dispositif institué en 2004 qui vise
à simplifier et faciliter l'embauche et les formalités des
employeurs du secteur associatif et spécifiquement pour les associations
employant des salariés correspondant à 9 équivalents temps
plein. Sur une année.
dont 380.000 dans le secteur social et celui de la santé,
167.000 dans le secteur éducatif. 7 emplois sur 10 sont occupés
par les femmes. En
France, les associations sont régies par une loi
spécifique, la Loi du 1er juillet 1901 qui instaure 4 statuts
d'associations : l'association de fait ou non déclarée,
l'association déclarée, l'association agréée,
l'association reconnue d'utilité publique.
114
Nous tenons ces chiffres du responsable de l'espace de la vie
associative dans le Rhône avec qui nous nous sommes entretenus
téléphoniquement.
115
Extrait de l'annuaire des associations du Rhône. Propos
introductif de l'élu en charge de la vie associative dans le
département du
Rhône.
116
Recherches et Solidarités, « Panorama de la vie
associative du Rhône », Février 2012
Tableau 13. Aperçu de l'activité
salariée des associations dans le Rhône
Répartition des salariés des associations
par secteur (%)
Employeurs associatifs et effectif des salariés
par secteur
Masse salariale et salaire moyen annuel par
secteur
79
80
- Au plan national, 45% des Français
adhèrent à une association dont 6 millions sont
bénévoles sur un mode hebdomadaire. 80% expriment des
attentes fortes vis-à-vis des associations autant par les services
qu'elles proposent, le soutien qu'elles portent et le lien social qu'elles
créent
- En plus du besoin d'être utile, solidaire de son
prochain et jouer un rôle actif de citoyen, les
bénévoles s'engagent aujourd'hui portés par des
motivations professionnelles (acquisition et
développement des compétences, construction d'un projet
professionnel, recherche de l'efficacité, besoins de conseils,
d'accompagnement, de formation, accès aux nouvelles
responsabilités, travail en équipe) et personnelles
(épanouissement personnel)
- de nouvelles formes d'engagement
bénévole émergent : mobilisation pour une mission
précise et pour faire valoir un savoir-faire précis, la
participation et le travail à distance « médié »
technologiquement (la force des nouvelles technologies de communication), un
mode d'engagement qui peut par conséquent pallier le manque de
disponibilité des bénévoles qui sont souvent
absorbés par leurs charges professionnelles (puisque dans la tranche de
l 'âge actif : 25-55 ans) et familiales et régler l'épineux
problème des ressources humaines disponibles sur les sites physiques des
activités associatives.
4.2. Contexte économique difficile et contraintes
budgétaires, techniques et humaines
- les associations en 2012 sont cependant globalement
confrontées à un ensemble de nouveaux défis
qui vont de manière variable affecter le niveau d'engagement
des adhérents : déterminés et persévérants,
révoltés ou définitivement résignés donc
démobilisés. Ces défis tiennent tout d'abord à la
pertinence et la cohérence du projet associatif dans un contexte de
crise où les attentes des populations de naissance ou immigrées
sont de plus en plus fortes et la qualité des prestations fournies par
les associations dans le cadre de leur partenariat avec les instances
administratives et l'État de plus en plus exigé. Les associations
doivent donc pouvoir adapter leurs objets, statuts et fonctionnement au
contexte socio-économique, à l'environnement institutionnel et la
complexification des procédures des marchés publics, de
même qu'à l'environnement technique et technologique compte tenu
de la volonté pour les services centraux et déconcentré de
l'État d'aller un peu plus loin dans la démarche de la
dématérialisation (procédures administratives via le web
principalement qui nécessitent la maîtrise des TIC).
4.2.1. Le financement public des associations en forte
baisse
Le développement des marchés publics
consécutif au besoin de l'État de sous-traiter un
certain nombre de ses missions aux partenaires de la société
civile a un impact important sur le monde associatif. Les associations sont de
plus en plus soumises en la matière aux mêmes codes, règles
juridiques, techniques, sécuritaires et de qualité qui
s'imposaient jusqu'ici aux seules entreprises du secteur
concurrentiel(privé). Le savoir-faire technique et la polyvalence des
intervenants, salariés ou bénévoles, sont aujourd'hui une
exigence et une nécessité compte tenu de ce contexte
concurrentiel. Le niveau d'exigence a donc considérablement crû et
accentue la tendance à la professionnalisation pour qui la salarisation,
la rémunération des prestations n'est plus nécessairement
un tabou. Conséquence : les petites associations locales, très
utiles à la politique d'intégration par exemple, ne sont plus
financées car certaines ne remplissent pas les critères de
qualité requis, d'autres en revanche n'ont pas les moyens techniques,
rédactionnels, financiers (sources de financement internes) pour
répondre aux appels d'offres et à projets de l'État ou de
l'Union Européenne. Et puis beaucoup ne sont pas assez visibles( car
très atomisés ou communiquant fort peu ) pour être
identifiés comme partenaires suffisamment compétents pour obtenir
un financement.
En 2010 par exemple, l'État français a
alloué un budget total de 249 Millions d'€ à la politique
d'intégration dont 158 millions destinés à l'OFII. Environ
101 millions ont été affectés au financement des
associations, soit pas subventionnement direct, soit par appels à
projets ou par l'obtention des marchés publics. Mais seules 1300
associations identifiées comme partenaires de l'État aujourd'hui
bénéficient cette manne en ce qui concerne la politique
d'intégration. Les financements associatifs enregistrent certes une
forte baisse mais les enveloppes allouées sont plus importantes
qu'auparavant, passant de 30.000 € en moyenne par association en 2000
à 77.000 €
81
en 2010. Il y a évidemment de fortes disparités
dans cette moyenne suivant la taille, les moyens de l'association, son assise
territoriale, ses réseaux partenaires, etc.
4.2.2. Typologie des financements publics des
associations
Les financements de la politique de
l'intégration sont de deux types, selon les
échelons administratifs des activités associatives. Dans le cadre
des marchés publics étendus ou des appels à projets
majeurs, ils émanent d'un trio institutionnel : la Direction de
l'Accueil, de l'Intégration et la Citoyenneté (DAIC), le Fonds
européen d'Intégration et l'OFII ; et sont majoritairement
dirigés vers les associations régionales, fédérales
ou nationales.
Les actions d'intégration et d'insertion très
localisées, au niveau départemental ou communal par exemple, sont
financées entre autres bailleurs fonds et dans le cadre de la
politique de la ville par la Direction Départementale de
la Cohésion Sociale (DDCS) et certains services préfectoraux de
l'immigration (en ce qui concerne le PRIPI), avec un volume moyen d'enveloppe
de 14.789 €, selon l'estimation du HCI dans son rapport
sus-mentionné.
À contrario des contraintes budgétaires de la
politique d'intégration qui réduit drastiquement le nombre de
bénéficiaires des financements, la politique de la ville au
niveau national finance et accompagne environ 9.000 associations. Les
opérateurs principaux de cette politique au niveau des territoires en
région étant l'Agence nationale pour la Cohésion Sociale
et l'Egalite des Chances (ACSE) et le Secrétariat général
du Comité Interministériel des Villes (SG-CIV). Pour simplifier,
la politique d'intégration, plus générale, s'appuie sur
des associations nationales ou fédérales, alors que la politique
de la ville territorialisée s'appuie sur les associations locales.
4.2.3. Exemples de cofinancement s publics de 3 associations
d'accompagnement des migrants en France.
Signalons qu'un grand nombre d'associations obtiennent des
financements multiples autant dans le cadre de la politique de la vielle que la
politique d'intégration. C'est le cas de :
4.2.3.1. L'Association pour l'Enseignement et la Formation
des Travailleurs Immigrés (AEFTI)
L'AFTI a reçu pour la seule année 2011
un cofinancement du Fond Européen d'Intégration d'un
montant avoisinant les 100.000 € via la DAIC pour des actions
suivantes budgétées à hauteur de 180.000€
environ. Soit un cofinancement du FEI à plus de 55% du
coût total. Dans le détail cela donne:
? Ateliers sociolinguistiques
- antenne départemental du 71 - 37.000 € sur un
montant global de de 88.000€
- antenne départemental de Paris - 13.724 € sur un
montant total de 27.449€
? Formation linguistique des migrants
âgés
- Antenne départemental du 71 - 18.750 € sur un
montant global de 25.000 €
- Antenne départementale du Nord Picardie - 29.000 €
sur un montant global de 38.831 €
4.2.3.2. L'Association Service Social Familial Migrants
(ASSFAM)
L'ASSFAM, association nationale spécialisée dans
l'accompagnement des migrants en France depuis plus de 40 ans apparait deux
fois sur la liste des bénéficiaires du FEI en 2011 117 :
? Financement d'un poste d'Agent de
Développement Local pour l'Insertion (ADLI) -
Cofinancement FEI de 24.790 sur un montant total de 49.740
? Ateliers sociolinguistiques
117
http://www.interieur.gouv.fr/Le-secretariat-general-a-l-immigration-et-a-l-integration-SGII/Fonds-europeens/Le-Fonds-europeen-d-integration-FEI/Les-beneficiaires-du-Fonds-europeen-d-integration-FEI
82
- Cofinancement FEI de 243.325 € sur montant global de
528.325 €. 4.2.3.3. L'Association de solidarité avec les
travailleurs immigrés (ASTI 93)
L'ASTI 93 actif dans le département de la
Seine-Saint-Denis intervient dans le champ de la formation linguistique
à visée d'insertion professionnelle en direction des femmes
immigrées inactives ( femmes au foyer) et en recherche active d'emploi,
souvent confinées à l'isolement en raison des difficultés
de langue. L'association francilienne a obtenu régulièrement dans
le cadre de ses activités :
? un soutien financier du Fonds social européen (FSE) via
le CRAJEP (Coordination régionale des
associations de jeunesse et d'éducation
populaire)118, 23.000 pour les ateliers de formation
sociolinguistique entre 2006 et 2007 par exemple au bénéfice des
femmes immigrées résidant dans le quartier du Haut-Clichy
à Clichy-sous-Bois(92)119 ;
? un cofinancement du FEI en 2011 de l'ordre de 14.628 €
sur un montant global de 29.256 € pour l'animation des ateliers
sociolinguistiques.
4.2.4. La disponibilité des ressources humaines,
premier souci des responsables associatifs
Aux impondérables liés aux finances internes,
véritables zones d'incertitude que doivent prendre en compte et
gérer les associations aujourd'hui, s'ajoute la situation
socio-économique personnelle des bénévoles. La situation
tendue du marché de l'emploi, les difficultés financières
auxquelles sont confrontées certains bénévoles et
adhérents (majoritairement de condition modeste en ce qui concerne les
migrants subsahariens du Grand Lyon) tendent à les démobiliser.
Aussi, les responsables associatifs doivent-ils trouver des ressources
motivationnelles importantes et efficaces pour en recruter, remotiver et
fidéliser. Or, le recours par exemple à l'engagement à
distance (internet, téléphone, etc.) au sein de la
communauté associative subsaharienne pour maintenir malgré tout
une par une participation réelle des membres physiquement absents aux
activités de l'association n'est pas chose courante.
Au total, ces défis multiples sont en effet de nature
à susciter l'inquiétude dans l'exécutif d'une association
qu'au niveau du moral des simples membres, si l'on ajoute à cela la
réduction du nombre d'associations partenaires de l'État qui
bénéficiaient jusqu'ici des subventions publiques locales,
nationales et européennes.
Les associations subsahariennes du Grand Lyon ne font pas
l'économie de ces évolutions multiples. Aussi, serait-il
intéressant de voir comment elles s'adaptent à toutes ces
contraintes, les réponses qu'elles apportent aux attentes fortes des
Français concernant tant la question de l'insertion des publics en
difficulté que l'intégration accomplie des populations
immigrées nouvelles ou des générations
antérieures.
5. Panorama des associations d'insertion et
d'intégration dans le Rhône
5.1. Typologies des opérateurs des
activités liées à l'Insertion socioprofessionnelle dans le
Grand Lyon
Les associations actives dans le secteur de l'insertion dans
le Rhône sont nombreuses. Dans la seule ville de Lyon, au vu des
données disponibles sur le portail internet du Conseil
général, nous avons identifié plus de deux cents
structures d'insertion par l'emploi et la formation réparties entre :
118 Anciennement ARDEVA, le CRAJEP est une coordination
volontaire des associations, unions, fédérations et mouvements
régionaux de jeunesse et d'éducation populaire qui se revendique
des principes de l'éducation populaire. Ces principes s'appuient
à la fois sur l'émancipation à tous les âges de la
vie, la reconnaissance des capacités et des savoirs de chacun, et
l'envie d'agir collectivement dans une perspective de transformation sociale.
Le CRAJEP rassemble 28 réseaux associatifs franciliens intervenant sur
différents champs (jeunesse, enfance, éducation,
solidarité, insertion, logement, loisirs, culture, vacances...). Chacun
de ces réseaux est lui-même constitué de multiples
associations locales implantées dans les territoires au plus près
des préoccupations des habitants franciliens. Au total, ce sont plus de
20 000 bénévoles et élus associatifs et près de 3
000 salariés qui composent le réseau de la CRAJEP sur l'ensemble
de la région Île-de-France.
119
ARDEVA (rebaptisée CRAJEP), « Europe, Emploi,
Insertion en Ile-de-France. L'expertise associative en faveur des projets
locaux »,
préfacé par Nicole Deshayes alors
présidente de la coordination, 2006-2007.
83
> Opérateurs d'alphabétisation ;
> Opérateurs de préformation ;
> Opérateurs de formation en alternance/formation ;
> Opérateurs de formation par le travail ;
> Opérateurs de formation qualifiante ;
> Associations intermédiaires de placement des
travailleurs (agences d'intérim ou de travail temporaire
par exemple)
Les associations actives sur le champ de l'insertion
professionnelle dans le Grand Lyon ont en règle générale
pour vocation à :
o permettre à des personnes en situation d'exclusion
sociale de se doter d'une antériorité professionnelle, de
rechercher un emploi, de se bâtir un projet d'insertion par des
activités économiques et de formation. Exemple :
AID'AUTO à Vaulx-en-Velin ;
o mettre à disposition de particuliers,
collectivités et d'entreprises, du personnel formé et suivi dans
le cadre de missions de courte et moyenne durée dans les domaines du
nettoyage, de la restauration, du tertiaire...Exemple :
ARIEL Services à Lyon ;
o Créer un réseau d'anciens cadres afin de
s'épauler dans la recherche d'emploi ou de mission. Professionnels
à disposition des chefs d'entreprises afin de mettre en place les
solutions techniques, de gestion, de conseil...Exemple :
Association des cadres, méthodes et techniques de gestion en
entreprise à Ecully ;
o Accompagner et maintenir dans l'emploi en contrat
saisonnier dans les stations alpines principalement dans le secteur de
l'hôtellerie et restauration. Exemple : Association
lyonnaise pour l'insertion par l'emploi saisonnier (ALPIES)
à Villeurbanne ;
o Faciliter l'insertion sociale et professionnelle de
personnes en difficulté par un travail salarié. Public: jeunes,
personnes ayant des problèmes avec la justice, sans domicile fixe, sans
formation, chômeurs de longue durée... .Exemple :
Association pour l'Insertion des Jeunes par l'Économique
(AIJE) à Vénissieux, etc.
5.2. Insertion sociale
Les associations rhodaniennes sont très fortement
présentes dans le secteur de l'action sanitaire et sociale, sans qu'il
soit aisé d'évaluer leur effectif total. On y distingue ainsi
pêle-mêle des associations spécialisées dans :
o L'accueil, conseil, protection sociale, l'entraide et la
solidarité
o L'accueil et l'hébergement d'urgence
o L'écoute téléphonique
o Les centres sociaux
o Les foyers de jeunes travailleurs
o L'aide à domicile
o L'enfance, accueil, protection et activités diverses
o La restauration sociale
o Les soins infirmiers, le paramédical à
domicile
o Les mutuelles,
o Le logement
o L'accueil des retraités, personnes âgées
et des personnes handicapées
o Les associations pour victimes...etc.
84
Cependant , sur la trentaine de structures associatives
spécifiquement dédiées à l'entraide et à la
solidarité identifiées dans l'annuaire des associations du
Rhône, les 2/3 sont sinon d'origine immigrée du moins
administrées par des personnes d'origine immigrée,
maghrébine dans leur grande majorité.
5.3. Les associations subsahariennes du Rhône.
Typologie et répartition géographique
Les données parfois parcellaires et non à jour
recueillies lors de l'exploration documentaire et l'enquête de terrain ne
nous ont pas permis d'avoir une évaluation précise de l'effectif
des associations dites de migrants dont les membres sont originaires d'Afrique
subsaharienne. D'autant que ces organisations se distinguent dans leur
composition par la grande hétérogénéité de
ses membres : immigrés étrangers et naturalisés,
descendants d'immigrés, les migrants d'origine européenne en
France (italiens, portugais, espagnols, suisses...), les non migrants
(français de naissance), amis et sympathisants de la cause des
immigrés que l'on retrouve, dans certains cas à Lyon, à la
tête de structures migrantes d'importance120.
Cependant au vu de l'ensemble des bases de données
consultées dont l'annuaire des associations actives dans le Rhône
(qui rassemble donc environ 9638 associations), avec toutes les
précautions d'usage qui s'imposent, nous estimons entre 250 et 300 le
nombre d'associations composées de migrants d'origine subsaharienne et
actives dans le Grand Lyon. Il s'en dégage globalement 5
catégories :
5.3.1. Associations d'insertion
Elles militent en faveur d'actions facilitant
l'intégration nationale des populations immigrées en
Rhône-Alpes de manière générale, et plus
spécifiquement l'insertion de ces personnes (immigrés
naturalisés ou primo-arrivants, hommes et femmes, descendants
d'immigrés, personnes âgées) en regard des
problématiques sociales elles aussi spécifiques :
o la prévention des discriminations et la promotion de
l'interculturalité, la transculturalité et la
multiculturalité, entendue comme le processus de connaissance de soi en
vue d'une entrée en relation avec l'autre dans un espace culturel
quasi-similaire (transculturalité) ou radicalement différent
(interculturalité), lequel peut être multiculturel.
o la valorisation de la mémoire et l'histoire de
l'immigration,
o la promotion de l'entrepreneuriat et
particulièrement l'accompagnement à l'insertion
socio-économique des femmes
o les activités socio-éducatives et la
formation sur des thèmes socioculturelles
Moins nombreuses il est vrai que leurs consoeurs
françaises, les associations subsahariennes pratiquant l'insertion et
l'intégration, au sens formel que leur donnent les administrations
étatiques , ne figurent pas toutes dans l'annuaire des associations du
Rhône consulté. De même que nous n'avons pas pu contacter,
faute de disponibilité des uns et des autres, toutes celles que nous
avions identifiées au départ, à savoir à peine une
petite dizaine de petites associations, très souvent actives dans le
champ de la création du lien de l'entraide et de la solidarité
entre les générations, entre les anciens et les nouveaux
arrivants...En revanche, les associations figurant dans notre
échantillon et que nous présentons ici sont celles qui
revendiquent formellement une activité d'intégration et
d'insertion, largement dominée par son volet culturel comme nous le
verrons. Parmi ces associations :
120 Il n'est en effet pas rare dans le Grand Lyon qu'un non
migrant soit porté à la tête d'une structure
représentative des migrants. C'est le cas de l'ex-président du
COSIM Rhône-Alpes, non migrant, français de naissance, élu
par les responsables associatifs membres du collectif et majoritairement
d'origine subsaharienne et. Il arrive aussi de voir des migrants d'origine
européenne à la tête d'organisations dites de migrants,
mais celles-ci seront bien souvent des associations transculturelles,
émancipées des clôtures communautaristes.
85
?? A2P Nord - Sud-Sud : Actions
Perspectives-Prospectives Nord-Sud-Sud
?? AFRICA 50, le Collectif des associations de
culture africaine et caribéenne du Grand Lyon
?? MIFERVAL
?? FEDAM
5.3.2. Associations communautaires d'entraide dans le
Grand Lyon
Souvent de taille modeste et sans avoir
développé une expertise ou un champ d'expertise particulier dans
le secteur du développement ou de l'intégration, elles ont pour
vocation l'accueil, l'accompagnement dans le parcours d'installation, le
soutien moral et matériel des anciens et nouveaux membres de la
communauté pendant des périodes difficiles : deuil,
chômage, difficultés financières, etc. Elles s'inscrivent
dans le continuum des caisses de solidarité autour desquelles se
structuraient la communauté et qui ont évolué vers une
forme associative à partir de 1981 avec la loi autorisant les
étrangers à créer et animer des associations. L'entraide
permet ainsi de diminuer les charges financières du séjour en
France. Ces associations mènent en parallèle des micro-actions de
solidarité dans les villages d'origine des membres : transferts de
fonds, envoi de médicaments, de livres et fournitures scolaires,
financement des structures sanitaires, entre autres actions. Les associations
communautaires sont le parent pauvre des octrois de financement pour des
raisons que nous évoquerons plus loin.
Entrent dans cette catégorie par exemple :
?? Solidarité des Akpoussou-Akébou en
Europe
?? Haut-Nkam Nshu Shu
?? Association des Burkinabé de Lyon
?? Le Collectif ABRA
?? Et hors de notre échantillon : Les Collectifs
SOPE, CIRAL, ANAN...
5.3.3. Associations de développement et de
solidarité internationale (OSIM)
Souvent transculturelles (c'est-à-dire
réunissant les migrants originaires d'un même pays mais parfois de
sensibilités ethno-politiques multiples), elles sont tournées
principalement vers l'aide au développement des localités
d'origine et porteuses de projet de plus grande envergure que celles des
associations d'entraide. Elles sont plus souvent membres de collectifs et des
réseaux d'appui technique aux projets des associations. Elles
s'inscrivent volontiers dans une démarche de professionnalisation en
termes de montage de projet et de demande de subventions, une de motivations
d'ailleurs à l'affiliation aux réseaux d'acteurs de la
Solidarité.
Ce sont entre autres associations de notre échantillon
:
?? AFORMETROP : Association
franco-togolaise spécialisée dans la formation en médecine
tropicale et dont l'essentiel des activités sont localisées au
Togo. Expertise en ingénierie de la formation et pratique
médicale
?? ALPADEF: L'Alliance Panafricaine
pour le Développement de l'Entrepreneuriat Féminin.
?? Mac Mael Agri Togo : active et
intervenant elle aussi au Togo depuis plusieurs années, elle est une
association spécialisée dans la Formation agricole et la
promotion de l'agriculture et du maraîchage au Togo.
86
?? Passerelle NGAM (France -
Cameroun) : Se veut avant tout, le point de rencontres et de
réflexion de la configuration développementiste121
, la passerelle entre les hommes et femmes d'ici et ceux de
là-bas, le trait d'union entre différentes cultures, celle du
« développeur » et celle du « bénéficiaire
» des actions de développement. Fort de la démarche
d'ingénierie sociale développée à la suite des
études théologico-anthropologiques préparatoires
menées sur le terrain en lien avec l'objet des futures interventions,
l'association conduit depuis une dizaine d'années des projets
d'alimentation des villages en eau principalement dans le Sud Cameroun. Elle
s'appuie sur une communauté mixte d'ingénieurs migrants et
non-migrants de toutes nationalités, spécialisés dans les
projets de forage, d'assainissement et d'adduction d'eau.
5.3.4. Associations dites opérateurs d'appui aux
projets (OPAP) de développement ou d'insertion
Organisations souvent mixtes, composées d'hommes et de
femmes migrants et non-migrants, disposant d'une expérience
significative, plus ou moins experts dans un domaine lié au
développement , à l'action humanitaire ou à la
solidarité internationale :
o ingénierie sociale,
o ingénierie de la formation et de l'éducation au
développement, à l'économie sociale et solidaire...
ingénierie de la conception, du suivi et de l'évaluation des
projets,
o ingénierie d'étude recherche-action
o ingénierie de la communication et du marketing :
levée de fonds, évènementiel
Les organisations de notre échantillon appartenant
à cette catégorie sont :
?? Le COSIM Rhône-Alpes :
Collectif des Organisations de Solidarité issues des Migrations,
identifié comme un acteur d'appui au montage de projets de
solidarité internationale122 . Labellisé OPAP,
l'organisation portée par les migrants est considérée
comme une « filiale » rhônalpine du FORIM, même si
née à l'initiative des seuls migrants du Grand Lyon. À ce
propos, plusieurs versions nous ont été délivrées
qui s'opposent. Pas moins de 3 membres influents de la vie associative
africaine du périmètre lyonnais revendiquant la paternité
du COSIM Rhône-Alpes.
?? ALPADEF-France
?? Le Centre Appui Conseil Formation (ACF)
: basé à Villeurbanne et qui a
développé une expertise en ingénierie de la formation
(informatique, technique, linguistique, photovoltaïque ...) et de
l'accompagnement à la création d'entreprise depuis plus de 10
ans. Ses activités s'inscrivent dans le continuum de la politique locale
du retour à l'emploi. Ouverte à tous publics dont les migrants et
les non migrants, c'est la structure d'accueil de notre stage académique
en études du développement social. Il est par ailleurs le
principal commanditaire de la présente étude.
5.3.5. Les Associations dites de plaidoyer, de
sensibilisation et d'éducation en revanche ne sont pas
légion
Elle constitue une fausse catégorie dans la mesure
où les associations subsahariennes sont rarement et ni exclusivement
réductibles aux actions de plaidoyer. Les associations appartenant aux
catégories susmentionnées peuvent, de façon variable et
selon les capacités et ressources dont elles disposent, intégrer
dans leurs activités une dimension plaidoyer et donc un aspect militant
pour appuyer et légitimer leurs actions de terrain aux yeux de l'opinion
publique et des acteurs institutionnels. Leur coeur
d'activité réside dans la formulation de problématiques
sociales, nationales ou internationales, en vue de participer à un
débat ou de l'initier, mais toujours dans l'optique de sensibiliser
l'opinion à toutes les échelles à la prise de conscience
d'un problème et à la prise de mesures
121
122
Formule chère à Jean-Pierre Olivier de Sardan in
Socio-anthropologie du développement, éditions Karthala.
Une réflexion collective et étude sont en train
d'être menées par l'exécutif et les associations membres
afin d'intégrer dans leurs activités un pôle
intégration avec soutien et accompagnement au montage des projets
liés à l'intégration des immigrés dans le
Rhône.
87
efficientes visant à le résoudre. En ce sens,
elles se veulent aussi un groupe de pression désireux de peser sur les
politiques publiques à travers souvent un catalogue de propositions
d'actions. Ces démarches vont prendre les dehors de campagnes de
communication (plaidoyer) autour d'une cause, d'un enjeu particulier lié
:
o à l'intégration nationale ou l'insertion
sociale d'une catégorie spécifique de la population
immigrée : promouvoir l'entrepreneuriat auprès des femmes
immigrées et dans les quartiers prioritaires de la politique de la
ville, accompagner les migrants âgés (les plus de 55 ans) des
foyers des travailleurs migrants vers les dispositifs du droit commun par
exemple...
o au développement tels que : l'eau, le genre, la
microfinance, l'accès au foncier pour les femmes, la
décentralisation, le développement solidaire dans les en zones de
guerre, etc.
?? C'est le cas par exemple de l'ONG Passerelle NGAM
qui oeuvre en France dans le domaine de l'éducation au
développement.
Pour finir, si dans les annuaires consultés
auprès des communes du Grand Lyon, les migrants sont majoritairement
rangés dans la catégorie «Relations Internationales
» ou « solidarité/actions humanitaires » même
lorsqu'elles ces domaines n'occupent qu'une portion congrue dans leurs
activités, certaines associations peuvent toutefois appartenir à
une ou plusieurs de ces catégories, notamment les associations
féminines que nous avons enquêtées, de même que les
associations dites culturelles.
88
Chapitre 4. Les associations subsahariennes et
l'insertion. Analyse des discours et des pratiques des associations de migrants
subsahariens dans le Grand Lyon
Au terme de notre enquête de terrain et l'analyse
approfondie du répertoire des associations du Rhône, il nous est
apparu que très peu d'associations subsahariennes investissaient
formellement le double champ de l'insertion et de l'intégration. Sur la
vingtaine d'organisations interviewées en l'espace de 2 semaines, seules
4 se revendiquaient statutairement d'une démarche d'insertion en France
et/ou dans les pays tiers.
C'est le cas majoritairement des associations
féminines : ALPADEF, FEDAM et MIFERVAL, puis d'une association qui se
situe dans le double espace culturel France et Afrique : A2P Nord-Sud-Sud
basée à Jonage.
Section 1 : Les migrants subsahariens du Grand Lyon et
la question de l'inclusion sociale
1. Insertion sociale « formelle » dans le
Grand Lyon : Modalités, champs, discours, raisonnements,
pratiques
Les associations de notre échantillon et celles
figurant sur le répertoire des associations du Rhône pratiquant
l'insertion privilégient 3 approches fondamentales :
?? l'insertion par les valeurs :
prévention et lutte contre les discriminations dans l'espace public
(école, administration, services publics) et privé (entreprises),
promotion de l'interculturalité/transculturalité et soutien
à la parentalité. Les descendants d'immigrés sont ici
particulièrement concernés.
?? L'insertion par l'économique :
soutien à la création d'activités
génératrices de revenus au vu de l'autonomisation
économique des migrants et migrantes, formation à la gestion et
au suivi. Les femmes en sont le public prioritaire.
?? L'insertion par la pratique de l'art et
l'artisanat : arts plastiques, artisanat, sculpture, poterie,
broderie...très orientée vers les femmes également
Autrement dit, les associations de migrants sont peu
présentes dans les champs de l'accompagnement à la recherche de
logement et amélioration du cadre de vie des personnes précaires,
l'accompagnement à l'insertion professionnelle et les questions de
santé et la formation linguistique par exemple à visée
professionnelle pour ceux des migrants ayant des difficultés
particulières de langue. Avant d'en arriver aux causes, analysons dans e
détails les activités des organisations sus-citées.
89
1.1. Organisations pratiquant l'insertion sociale et
l'intégration nationale par les valeurs culturelles Elles sont
au nombre de deux dans notre échantillon de départ :
o A2P Nord - Sud-Sud : Actions
Perspectives-Prospectives Nord-Sud-Sud est l'association par excellence
qui porte la question de l'intégration par la culture et notamment
l'interculturalité et la transculturalité au coeur des
réflexions progressivement agissantes au sein de la communauté
africaine du Grand Lyon. Avec à sa tête un président
arrivé et installé depuis 1972, cette association est membre de
collectifs associatifs tels Africa 50 au sein desquels elle anime des ateliers
et porte des débats sur cette problématique. Elle se positionne
comme un passeur ou médiateur de cultures et mène en ce sens des
activités de promotion de l'interculturel, de l'Universel et des vertus
des particularités ethniques. De l'aveu de son président, cette
démarche est :
(( La voie d'une meilleure connaissance de sa propre
culture, de son histoire, de ses cultures, l'histoire des relations
Afrique-Europe aussi. Pour dire que si nous sommes ici, c'est aussi à
cause de l `histoire, de cette histoire-là. Si nous sommes là
c'est nous sommes acteurs aussi de ce territoire français et que nous
faisons partie de la communauté nationale et que l'identité
française est riche des identités multiples et l'identité
africaine entre autres. L'objectif c'est que nous soyons pleinement fiers de ce
que nous sommes. Et pas seulement fiers d'une partie de nous-mêmes.
Être fiers, nous reconnaître tels que nous sommes, la
complexité de ce que nous sommes aujourd'hui. Nous sommes africains,
mais nous sommes africains européens. Et c'est là que
j'apprécie de nouveaux concepts tels que l'a forgé
Léonora Miano, nous sommes des « Afropéens
», pour dire qu'il est important que nous sachions nous poser pleinement
dans toute notre complexité ; Et c'est important aussi que nous sachions
résister à des assignations à résidence, à
des simplifications, à des réductions de la part d'autres, selon
les moments, selon ce qui les arrange , nous disant que nous sommes «
irréductiblement africains », ou à d'autres moments
:»nous avons cessé d'être Africains, nous nous sommes
complètement assimilés `'. Non ! Nous sommes tous là et
nous n'avons pas à nier une part de nous. Il y a là aussi toute
une dimension du savoir-être, du savoir-vivre(...) les cultures
africaines, l'histoire africaine ont des choses à nous dire
».
Cette dialectique interculturelle implique la connaissance de
soi, de ses propres culture, personnalité et société, y
compris dans la relation des Européens au monde africain dans le cadre
des actions de solidarité internationale ou de développement ; et
surtout dans la relation entre Africains eux-mêmes. Et de ce point de
vue, nombre de griefs ont été exprimés vis-à-vis de
la communauté africaine du Grand Lyon dont la quasi-totalité des
associations de notre échantillon qui sont en lien direct avec les
migrants subsahariens.
A2P fait donc aussi de la lutte contre les
préjugés et stéréotypes qui font le lit des
discriminations, du racisme, de la xénophobie, du repli identitaire, de
la fermeture de soi à l'autre un de ses chevaux de bataille :
(( Les préjugés, les
stéréotypes, ce n'est pas seulement celui qui vient de loin,
entre hommes et femmes, entre voisins, entre nous. Nous parlions d'histoire. Il
y a un véritable impact de l'histoire de la colonisation sur nous qui
fait qu'il y a des personnes qui ont tendance à ne pas reconnaitre
à leur juste valeur les africains qui ont fait les mêmes
études. Cela tient des a priori que nous entretenons tous. L'un
des domaines d'intervention d'A2P c'est de travailler précisément
sur les représentations, les stéréotypes, en
commençant par faire émerger à la conscience ces
stéréotypes et puis après de travailler à les
déconstruire et à s'engager dans un processus de connaissances ;
Car ce qui explique ces préjugés c'est l'ignorance en fait. Et
lorsqu'on consent à s'engager dans une relation à l'autre tel
qu'il est et non pas tel qu'on voudrait qu'il soit, à ce
moment-là, on peut gagner le combat de l'enrichissement des imaginaires
et donc de la transculturalité, parce qu'on est capable d'aller
au-delà des préjugés que l'on a vis-à-vis des
autres. »
Et c'est fort de cette conviction et s'appuyant sur ce
paradigme de la rencontre nécessaire de » l'un et de l'autre»
en terre de France et en terre africaine qu'A2P anime des ateliers, des
conférences, des formations sur cette problématique au sein des
structures de volontariat international dans le Rhône (notamment au
Service de Coopération et de Développement où a longtemps
officié son président), par exemple, afin de préparer les
volontaires à la rencontre avec cette altérité
africaine.
L'organisation s'est associée à deux ONG
allemande et italienne afin de conduire, dans son versant
français et lyonnais, un projet intitulé
« Cross Community School» (auquel participe également
la
90
structure qui nous accueille en stage, le Centre A.C.F.),
consistant à recueillir les opinions des élèves,
étudiants et enseignants afin d'évaluer l'ampleur du
phénomène des discriminations en milieu scolaire, les
modalités des actions de prévention, puis à faire en ce
sens des recommandations spécifiques.
A2P porte ce projet au sein d'AFRICA 50 sous la houlette de
laquelle elle mène ces activités, lequel projet
bénéficie du label du collectif123. Ce qui nous permet
de dire qu'au travers d'A2P, c'est AFRICA 50 qui porte ce projet en tant que
faire-valoir du projet, au niveau local du moins.
o MIFERVAL : le Mouvement
International des Femmes pour la Réhabilitation des Valeurs est un
groupe de femmes issues de cultures différentes, mues par des objectifs
communs qui se déclinent comme suit :
- la réhabilitation des valeurs humaines et le
développement des échanges interculturels.
- La lutte pour le maintien de la place des parents dans la
cellule familiale, leur responsabilité dans
l'éducation des enfants ; le soutien à la
parentalité dans une société égalitariste où
le droit d'aînesse peut être mis à mal du fait de
l'affirmation des droits de l'enfant, l'ouverture de l'école aux parents
(un des axes du PRIPI d'ailleurs) afin de les aider à gérer au
mieux la scolarité de leurs enfants, rempart contre l'échec
scolaire qui frappe majoritairement les enfants d'immigrés au niveau de
l'enseignement primaire et secondaire.
- La sensibilisation des jeunes face aux violences et
facteurs de déviance.
- L'encouragement des jeunes à la (re)
découverte de la richesse des cultures d'origine et la culture
d'accueil,
tout en développant la solidarité entre les
peuples sans distinction de race, ni de religion.
En gros, MIFERVAL, née en 2008 et
présidée par une femme, ancien fonctionnaire international
d'origine mauritanienne, porte un discours quelque peu semblable à celui
d'A2P et milite pour la rencontre des cultures, l'éducation à la
diversité, la réhabilitation des valeurs culturelles des groupes
d'origine et leurs transmissions aux jeunes descendants d'immigrés
souvent en déshérence culturelle.
Ces démarches participent d'une stratégie
identitaire d'insertion, mais qui se pose en s'opposant à la tentation
du communautarisme, puisqu'elle promeut l'ouverture à l'autre et la
connaissance approfondie par les migrants, jeunes et adultes, femmes, enfants,
primo-arrivants, de la société d'accueil tout en
développant la solidarité entre les peuples sans distinction de
race ni de religion.
1.2. L'Insertion sociale par les pratiques artistiques
et l'artisanat
o FEDAM (Femmes, Éducation,
Développement artistique, Médiation) : De
création très récente mais affichant déjà de
grandes ambitions par l'originalité de sa démarche, le
FEDAM développe une démarche d'accompagnement
à l'émancipation socioculturelle et psychologique des femmes par
la pratique de l'art comme mode de (re)construction de soi, de
réappropriation de son identité, de réinsertion accomplie
dans la société quoique fortement marquée par la
domination sociologique et politique des hommes.
Aspirant à développer une assise territoriale tant
en France qu'en Haïti, au Bénin et partout ailleurs, le FEDAM a
pour objectifs :
o Le soutien international à l'Enseignement des Arts
aux Femmes dans le Monde ;
123
La labellisation d'un projet analysé et
intégré dans le programme annuel d'Africa 50 est essentielle pour
les associations membres du collectif dont les projets peuvent
bénéficier d'un appui technique et d'un financement à
condition que ceux-ci rentrent dans les critères définis par le
bailleur. Principal bailleur sollicité d'ailleurs par ce collectif : La
communauté urbaine de Lyon qui aurait, selon un des coordonnateurs du
collectif, identifié celui-ci comme partenaire technique pour ce qui
concerne les projets portant sur les questions d'insertion/intégration
et d'intérêt général dans le Rhône. Le
principe de la labellisation est le même que celui en vigueur au sein du
FORIM qui dispose d'un dispositif interne de financement des projets
jusqu'à un certain seuil, 75% notamment du coût total du projet
présenté. Ce dispositif est dénommé le PRA-OSIM
(Programme d'Appui aux projets des Organisations de Solidarité
Internationale issues de l'Immigration).
o
91
La création de centres d'éducation ou de
formation des pratiques artistiques et culturelles et la Promotion de
l'Éducation Culturelle et Artistique auprès de Femmes ;
o Favoriser la diversité culturelle par
l'échange de pratiques, d'expériences ou de savoir-faire
;
o L'appui des initiatives culturelles des femmes artistes
issues de milieux marginalisés ;
o L'encouragement de toutes les formes de publication et de
diffusion mettant en valeur les talents et la créativité des
femmes.
Entre autres activités à mener : la
Création d'ateliers et de centres de formation d'expression artistique
et culturelle puis la Création et l'animation d'événements
artistiques et culturels.
La démarche (artistique donc) de FEDAM fait appel au
concept du genre, mais se veut avant tout une association féminine qui
s'interdit toute inféodation à l'idéologie
féministe.
Au-delà de la pratique de l'insertion sociale des
migrants et non migrants aussi par les valeurs culturelles, une association,
féminine elle aussi, a fait le pari de l'intégration des femmes
en privilégiant l'approche économique et entrepreneuriale plus
spécifiquement.
1.3. Insertion sociale des femmes dans le Grand Lyon :
Une approche par l'économique
o ALPADEF -Sénégal et
International : L'Alliance Panafricaine pour le
Développement de l'Entrepreneuriat Féminin , association
réunissant des femmes majoritairement d'origine immigrée, y
compris sa Présidente124, a développé une
expertise en matière de formations-action et d'accompagnement des femmes
sénégalaises souvent sans emploi et sans qualifications
particulières puis plus globalement d'Afrique de l'Ouest dans le montage
et la prise en main de leurs projets de création d'activités
génératrices de revenus. L'association, investie depuis 3 ans
dans le double espace culturel Afrique-France, a mobilisé pour cela un
parterre de compétences de haute facture où se recrutent chefs
d'entreprises, professeurs, journalistes, informaticiens, experts en
ingénierie du développement local, étudiants
d'écoles de commerce et de communication.
o ALPADEF-France, son versant français, porte
les mêmes objectifs que ceux précédemment cités mais
en direction cette fois des femmes immigrées avec ou sans emplois.
Née au Sénégal en 2008, l'association, en
discutant avec les femmes, est partie du constat que :
- les femmes avaient besoin de formation au montage et la
gestion d'activités génératrice de revenus afin
de sortir de la logique de micro-crédit qui, de l'avis de
la présidente de l'association :
«... Ne va pas trop loin et, de plus, crée
une sorte de marginalisation des femmes et renforce un préjugé
selon lequel, en Afrique, la Finance c'est pour les hommes et la microfinance
pour les femmes...Au Sénégal par exemple, les chambres de
commerce sont plus souvent fréquentées par les hommes que par les
femmes. Parce que derrière, il y a un relai qui est celui des banques et
dont l'accès est particulièrement difficile pour les femmes. Ce
d'autant qu'en certains endroits du continent africain, les femmes ne peuvent
ouvrir par exemple un compte bancaire sans l'accord du mari, de l'oncle, etc.
Une situation socio-économique qui est en train de changer heureusement
».
- ce constat s'est accompagné d'une lecture
socio-anthropologique sur la condition et l'attitude de certaines
femmes migrantes en France, moins entreprenantes au
demeurant. La présidente d'ALPADEF s'en explique en ces termes :
124
Universitaire en école de commerce et gestion,
universités lyonnaises et corrélativement consultante
internationale pour les
entreprises sur la diversité et le développement
durable.
92
(( La femme en Afrique est active, actrice. Et
malgré la vision occidentale de la femme battue, soumise et autre, moi
je vois que là-bas ce sont elles qui gèrent tout. Avec des formes
culturelles différentes. Ici en France, en revanche, les femmes
deviennent invisibles. Elles perdent totalement cette force. Quand elles
viennent ici, très souvent c'est pour accompagner ou rejoindre leurs
maris. Et quand elles sont ici, elles n'ont plus la force ou l'autonomie et je
pense aussi à leur identité féminine africaine. Il y a une
sorte de déperdition ici. Elles restent à l'ombre des hommes, en
exerçant de petites activités de commerce ...il y a à mon
avis une sorte d'appauvrissement du potentiel de la femme africaine dès
qu'elle arrive ici ; je pense qu'elle souffre encore plus du
déracinement que l'homme. Ici, si la femme n'est pas
`'éduquée», n'est pas cultivée, ne parle pas bien le
français, alors qu'est ce qui lui reste à faire ? Vendre des
boubous à la maison ! »
Il s'est donc agi pour l'association de créer des
formations-actions dans les secteurs d'activités identifiés par
les femmes : restauration, textile, services, agriculture (transformation des
produits agricoles), d'organiser des conférences sur le thème des
femmes migrantes et la création d'entreprise, où d'assister aux
rencontres des réseaux professionnels des femmes, toutes origines
confondues.
Néanmoins, au-delà du traditionnel
problème de l'accès aux subventions, l'association se heurte
aussi aux réticences des personnes cibles, ce qui pose un
problème de mise en place et d'animation des dispositifs prévus
pour l'accompagnement de celles-ci. La direction d'ALPADEF apporte à ce
sujet quelques éclairages :
(( Le problème du coup c'est qu'il faut faire du
porte-à-porte. Pour arriver à dénicher les femmes et les
faire venir à nos formations, il fallait faire du porte-à-porte,
parce que les femmes spontanément ne viennent pas. Mais vu qu'il faut
des financements pour faire ça, nous nous sommes limitées
à l'objectif d'accompagner 6 à 7 femmes porteuses de projet de
création d'entreprise par an. Mais il y en a une qui a
déjà laissé tomber, c'est donc vous dire...
»125
Cela étant, ALPADEF, particulièrement sensible
à la construction des consortiums, s'appuie stratégiquement sur
un large réseau d'associations professionnelles et de promotion
économique des femmes dans le Grand Lyon et au niveau national, parmi
lesquelles : Résolink, Action'elles, Supplément
dames, les Marianne de la République, etc. L'association
est membre du conseil d'administration de l'ONG de développement
Passerelle NGAM incluse dans notre
échantillon, et membre cotisant des collectifs AFRICA 50
et SOPE (Solidarité pour exister, collectif des
associations sénégalaises de Rhône-Alpes).
Une pratique des alliances stratégiques qui permet ainsi
à l'association d'être identifiée et d'avoir ses
entrées dans des cercles professionnels et décisionnels
fermés. Une pratique à promouvoir à l'échelle des
associations de migrants dont la majorité souffre d'un déficit de
ressources relationnelles ou capital social ? Nous y reviendrons dans le
chapitre consacré aux réseaux des acteurs associatifs
subsahariens du Grand Lyon.
Ce tableau des pratiques d'insertion effectué, notons
que figurent dans le répertoire des associations du Rhône d'autres
associations composées entièrement ou majoritairement de migrants
et pratiquant l'insertion de manière formelle ou alors sous des formes
alternatives tournées vers l'entraide intracommunautaire.
2. Formes communautaires des pratiques d'insertion :
l'entraide et la solidarité sur la base de l'appartenance
ethno-régionaliste
2.1. Les formes et les paliers de la
communautarisation divergent
Les associations subsahariennes de France comme d'autres
régions d'ailleurs sont communautaires au sens où : -
d'une part la majorité et parfois l'intégralité des
membres appartiennent à la même communauté
:
o nationale : elle se construit alors autour
d'un sentiment partagé par les membres de l'appartenance à la
communauté nationale. Exemple : le SOPE des
Sénégalais, l'ABL des Burkinabés, ANAN pour les
Nigériens, ou Fraternité Novissi pour les Togolais du Grand Lyon
;
125
Extrait de l'Entretien du 24 octobre 2012 avec ALPADEF
o
93
continentale : promeut donc une vision
panafricaine qui transcende les ethno-espaces, une posture transculturelle
donc. Exemple : le collectif Africa 50 ;
o ethno-régionaliste : basée
sur l'appartenance `'mécanique» à un même village, une
même région dans le pays d'origine. Exemple :
Solidarité des Akpossou-Akébou d'Europe, région
du sud du Togo ;
- et d'autre part, elles ciblent leurs actions en
direction des membres de la communauté d'origine principalement, en
termes d'entraide ici ou de développement solidaire avec les
localités d'origine.
2.2. Des problématiques sociales et sociologiques
sensiblement identiques
Ces pratiques « grégaires » s'appuient sur
le constat de la similitude des difficultés sociales rencontrées
par les migrants subsahariens en termes d'insertion professionnelle, sociale,
économique dans le pays d'accueil. Et rien de mieux que de se
réunir pour y faire face ensemble. Or, si les immigrés à
titre individuel ont souvent recours aux dispositifs et outils
dédiés à l'insertion dans les domaines de l'emploi, du
logement, la santé, de la citoyenneté, ou de l'accompagnement
à la création d'entreprise, il reste qu'à titre collectif
ou associatif, ces recours sont faibles, les dispositifs et les acteurs qui les
promeuvent parfois méconnus. Il y a un déphasage manifeste entre
difficultés sociales du groupe communautaire et la nature des solutions
apportées à celles-ci, puisqu'ici priment l'entraide
traditionnelle et la solidarité intracommunautaire : aides
financières ponctuelles aux personnes désargentées,
accueil des nouveaux arrivants, orientations et accompagnement dans les
démarches administratives, hébergement, informations
échangées pour la recherche du travail, les initiatives
entrepreneuriales, dans un contexte économique et de l'emploi assez
tendu, où les réseaux relationnels ne sont pas toujours
très étoffés ni réellement stratégiques pour
décrocher un emploi ( cf. chapitre consacré aux immigrés
et le marché du travail dans le Grand Lyon).
2.3. Une communauté de l'entraide et de la
solidarité par excellence : L'association des Burkinabé de Lyon
(ABL)
L'Association des Burkinabé de
Lyon estime entre 400 et 450 Burkinabés à Lyon et
ses environs. Née en juillet 2005, cette association à but non
lucratif s'est donné pour objectif principal la promotion de la culture
du Burkina Faso dans le Rhône. Cela se traduit concrètement par
l'organisation et l'animation chaque année d'une semaine culturelle
à l'occasion de laquelle sont organisés forum
économique126 et conférences en tous genres ouvrant
une fenêtre sur les potentialités et toutes les
opportunités économiques au Burkina favorables à
l'investissement des entreprises françaises ou les initiatives
entrepreneuriales des Burkinabé, diplômés ou non ,
candidats au retour.
Le second objectif consiste en l'accueil des Burkinabé
primo-arrivants (étudiants, migrants familiaux ou professionnels...)
puis suivent un catalogue d'activités permettant leur insertion du point
de vue de l'emploi et des démarches administratives en tous genres. :
« Faire en sorte qu'ils se sentent appartenir
à la famille ABL, leur fournir les premières informations pour
faciliter leur vie en France. Pour les étudiants s' »inscrivant
dans la même université que celle des anciens, l'objectif est
qu'ils fassent connaissance et se passent des polycopiés afin que ces
nouveaux puissent réussir leur année. Le travail, c'est pareil.
C'est un système de
126 À l'instar du FEDDA, le Forum Économique
pour le Développement Durable de l'Afrique, qui s'est tenu en mai
dernier à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon avec le concours
de partenaires multiples, dont la Région Rhône-Alpes, la
communauté du Grand Lyon , l'Insa, Lyon Latitude, etc. La
finalité de cette rencontre était de : « faire en sorte
que la diaspora africaine et ouest-africaine en particulier puisse apporter une
contribution efficace et effective au développement des pays africains
». Ponctué par des réflexions sur les bases du
développement en Afrique, la promotion de l'entrepreneuriat
auprès des jeunes burkinabé de France, la mise en relation des
entreprises françaises et burkinabé et les activités
culturelles et sportives. Quatre volets qui avaient pour objectif de «
créer une cohésion de groupe et faire en sorte que les gens,
burkinabé et amis du Burkina Faso, apprennent à se connaitre,
à travailler en `'task force» », rencontre qui fut
parrainée entre autres par le Ministre burkinabé de
l'environnement et du développement durable, qui a
séjourné 4 jours durant dans l'agglomération lyonnaise
pour cet évènement.
94
réseau. On essaye de se donner les contacts de
professionnels. J'ai permis à certaines personnes d'avoir des stages
là où je travaille (...) C'est vrai qu'avec le forum qu'on
organise, nous avons une base de données qui est déjà
constituée. On connaît à peu près les professionnels
burkinabés dans la région. Et pendant le forum, il y a une
rubrique qu'on appelle « carrefour des métiers ». Et ça
permet de mettre ces professionnels en contact direct avec les étudiants
et les stagiaires. C'est une plateforme d'échanges entre professionnels,
jeunes professionnels et étudiants. Ce qui peut permettre de
décrocher des stages ou un emploi et puis de développer leur
réseau. Donc nous on a cette base de données là
».
Pour ce faire, l'ABL s'appuie sur un ensemble de leviers et
un réseau communautaire fort pour atteindre ces objectifs:
o l'association est autant un lieu de construction de la
cohésion qu'un espace de rencontre (entre demandeurs d'emplois et
potentiels employeurs d'origine burkinabé) et de
génération des compétences ;
o le forum économique de mai 2012 a été
la concrétisation du renforcement du réseau des Burkinabé
du Grand Lyon appuyé par le Consul du Burkina à Lyon et les
autorités locales qui ont multiplié des initiatives visant
à tirer parti des compétences des Burkinabé de
l'extérieur ;
o L'identification et l'inventaire des professionnels
d'origine burkinabé travaillant à Lyon ;
o Les Burkinabé ont décidé d'un commun
accord de créer une seule instance associative représentant les
burkinabé afin d'éviter les dispersions en tous genres.
L'association s'est donnée à ce sujet en 2009 un objectif
globalement atteint, nous confiait son actuel Président :
fédérer tous les Burkinabé de Lyon autour des projets de
l'association. Ils sont étudiants, professionnels, chômeurs,
diplômés, très qualifiés, sans qualifications...
;
o Un lien communautaire national fort qui transcende les
frontières ethniques et surtout politiques ;
o Un partenariat fort avec la Communauté Urbaine de
Lyon facilité par l'accord de coopération
décentralisée entre celle-ci et la ville de Ouagadougou ;
o L'ouverture de l'association à toutes les
nationalités, amies du Burkina Faso ;
o Une chambre de commerce Franco-Burkinabé qui a la
réputation d'être dynamique.
Cela étant , en dépit de cet investissement
massif dans l'entraide et la solidarité intracommunautaire sur la base
de l'appartenance nationale ( et transnationale), à la question de
savoir si l'ABL s'appuyait aussi sur les dispositifs institutionnels
d'accompagnement à l'intégration des primo-arrivants dans le
département stipulés par le document-cadre du Plan
départemental d'Intégration, la réponse a
été sans ambiguïté : « c'est vrai qu'on ne
pousse pas très loin, mais on prend certains aspects qui nous paraissent
importants ».
Cet exemple illustre à suffisance le primat des
pratiques traditionnelles (même si transculturelles) de l'entraide et la
solidarité intracommunautaire. Les communautés africaines donnant
par là le sentiment de se suffire à elles-mêmes en ne
recourant que peu ou pas aux outils permettant des actions de plus grande
envergure en termes de recherche d'emploi, de logement, de formation, etc.
La force et l'efficacité des réseaux
traditionnels d'entraide, de solidarité, d'insertion restent très
variables cependant, en fonction des communautés associatives en
présence et dépendront de plusieurs facteurs :
- Le mode de gouvernance et les compétences
managériales
- La personnalité du président
- La force du lien social ou communautaire et/ou la
cohésion au sein de l'instance associative
- Le niveau d'implication des adhérents ou la force du
bénévolat
- Le degré d'ouverture à d'autres cultures,
d'autres apports ou emprunts, etc.
2.4. La communauté sénégalaise du
SOPE, entre entraide traditionnelle et prélude à une pratique de
l'insertion formelle
Solidarité pour Exister
(SOPE). Cette appellation laisse entrevoir
d'entrée de jeu toute la quintessence de l'idéal solidaire et la
pratique de l'entraide qui a fait la réputation des
Sénégalais de France et d'Italie notamment :
95
reconnaissance sociale, économique, politique et
socio-anthropologique par l'importance de la littérature
consacrée à ce sujet depuis une trentaine d'années.
Très impliquée dans la vie sociale et citoyenne
par les activités (des professionnels et des élus communaux) de
certains de ses membres, le SOPE a la particularité d'être une des
rares associations du Rhône à disposer d'une Maison culturelle.
C'est le cas dans la commune de Villeurbanne. Faut-il y voir le résultat
d'un lobbying « intelligent » et efficace pratiqué par le SOPE
via un de ses membres influents, élu communal et actuel adjoint au Maire
de cette ville en charge de l'Éducation ? Est-ce à mettre au
crédit de la culture d'une communauté de migrants connue pour son
réseau associatif d'envergure et très intégré, les
pratiques transnationales de sa diaspora (dont celle des très
qualifiés), son dynamisme socio-économique et sa mobilisation sur
les questions cruciales ayant trait non seulement au développement des
localités d'origine mais aussi et surtout, depuis quelques
années, à l'intégration pleine et entière de ses
ressortissants en France ?
Malgré de multiples relances
téléphoniques, nous avons été en peine d'obtenir un
rendez-vous avec le coordonnateur local des activités du SOPE. Nous nous
sommes néanmoins entretenus brièvement avec le
référent francilien de l'organisation qui nous a invité
à consulter le Portail internet qui résume les actions
menées par le collectif à Lyon, la Région Ile-de-France ou
Bordeaux. Ce que nous avons fait.
Il en ressort quelques enseignements instructifs relatifs
à notre questionnement de base : quelles pratiques de
l'intégration/insertion par le SOPE dans le Grand Lyon.
2.4.1. La communauté africaine la plus novatrice sur
les questions d'intégration et d'insertion ?
À la différence des Burkinabé
réunis sous une seule bannière, le collectif SOPE
fédère 16 associations sénégalaises du Grand Lyon
représentées chacune au sein du conseil d'administration par deux
membres.
Sa raison sociale porte fondamentalement sur
l'intégration des populations immigrées d'origine
sénégalaise (migrants et descendants d'immigrés), entendue
au sens de l'amélioration des conditions de vie de celles-ci dans les
champs de :
?? La protection et la promotion sociale
?? L'éducation
?? La santé
?? L'accompagnement scolaire
?? Le sport
?? La culture
?? L'humanitaire
?? La solidarité internationale
La structure du bureau de cette instance reste pyramidale,
mais ce qui nous est apparu instructif ce sont les postes de secrétaires
généraux en charge des problématiques sociales et des
publics que recoupent les domaines et les populations-cible des politiques
d'insertion de la ville et de l'intégration :
?? les femmes : celles notamment réunies
en associations
?? les jeunes : question portée par deux
secrétaires généraux, signe de l'importance
accordée aux
problématiques qui en découlent : échec
scolaire, déshérence culturelle, déviance,
parentalité, etc.
?? la valorisation de la mémoire et de
l'immigration
Signe de l'intérêt particulier porté aux
questions d'intégration de ses ressortissants en France, la
communauté sénégalaise de l'Hexagone (
société civile, politiques, étudiants, cercles
économiques...) s'est réunie en avril 2012 en région
parisienne, à Saint-Denis, afin de débattre et de formuler des
propositions allant dans le sens de la
96
promotion et la défense des droits sociaux,
économiques et politiques des immigrés d'origine
sénégalaise en France. Suite aux travaux des groupes de
réflexion mis en place, des axes d'actions ont été
dégagés qui devaient faire l'objet d'une saisine des
autorités gouvernementales nouvellement installées depuis
l'élection du nouveau Président de la république, M. Macky
Sall. Ce sont entre autres axes :
?? Les droits sociaux des migrants
sénégalais de France : retraites décentes,
parité pour les allocations familiales des ayant-droits restés au
Sénégal, revalorisation des pensions militaires
?? Vie familiale en migration : échec
scolaire et phénomène de délinquance des descendants
d'immigrés, reconnaissance de la double culture pour les enfants et les
familles et la transmission culturelle aux enfants, meilleur accueil et
assistance aux étudiants et stagiaires en France, régularisation
des sans-papiers, insertion socio-professionnelle
?? Vie consulaire : amélioration des
services consulaires de proximité pour le confort de tous les
sénégalais (horaires, accueil, information au public...)
?? Maison des Sénégalais de
l'extérieur : carrefour de rencontre et de partage entre
associations, entrepreneurs, acteurs de la solidarité
?? Représentation dans les assemblées
représentatives : sénat, assemblée nationale,
Conseil économique et sociale, choix des députés
représentant les sénégalais de l'extérieur,
à l'instar de ce qui se fait au palais bourbon en France
?? Migrants, acteurs de développement et
coopération décentralisée : entre
redéfinition des programmes de co-développement
France-Sénégal et la valorisation du rôle des associations
comme actrices de développement
?? Transferts financiers : modalités de
leur canalisation vers l'investissement productif 2.4.2. Une association
communautaire comme une autre ?
La particularité de ces discussions c'est que les
différentes actions promues appelle nécessairement un ancrage de
celles-ci dans les politiques publiques en matière d'insertion et
d'intégration. Difficile de dire quel serait l'ampleur du recours
à ces dispositifs par les immigrés sénégalais dans
leur ensemble. Il serait intéressant de suivre l'évolution de ces
propositions afin d'en évaluer la mise en application et ses effets sur
les conditions de vie des immigrés et descendants d'immigrés en
France et dans le Grand Lyon.
Pour l'heure, ces mesures , la plupart en tout cas , ne
faisant l'objet d'aucune application concrète formelle,
l'intégration/insertion par le SOPE dans la région lyonnaise se
pratique sur le mode informel, traditionnel à tout le moins, sans que
l'on soit en mesure de dire à quel point la communauté
sénégalaise pratique l'ouverture à d'autres
communautés ,en termes d'accueil ou d'emprunt. Quoi qu'il en soit, le
Portail internet du SOPE atteste d'une pratique de la solidarité
communautaire, comme d'autres associations finalement, à travers le
déploiement d'activités socio-culturelles aidant :
?? Au renforcement de la cohésion au sein de la
communauté entre les générations (échange
intercommunautaire et intergénérationnel
»),
?? À l'accompagnement scolaire
?? À l'éducation à la santé
?? L'atelier informatique
?? L'atelier de cuisine
En clair, pas d'actions particulières, en tout cas
manifestes, en direction de l'accès à l'emploi, la formation
professionnelle, la formation linguistique à visée
professionnelle, l'insertion par l'économique des hommes et des
femmes.
3. 97
Permanence des systèmes traditionnels
d'entraide
Sur le plan collectif, l'entraide reste de mise dans la
plupart des associations tournées spécifiquement vers le
développement solidaire127 des localités d'origine de
leurs membres, sans la préoccupation de s'installer en France.
Or, alors que dans les années antérieures le
séjour en France était vécu comme une parenthèse
entre deux étapes de la vie, les données semblent avoir
changé depuis lors. Parmi les immigrés partis se
réinstaller dans le pays source, il y en a qui reviennent en France
après un échec connu : une entreprise qui dépose le bilan,
l'environnement socio-économique et politique
délétères, une stabilité précaire, toutes
choses qui sont peu favorables à l'investissement productif. En
conséquence, certains migrants ont opté pour une migration
circulaire, des allers et retours entre le pays et la France, en confiant la
gestion de petites activités génératrices de revenus
à un proche (amis, famille) ou à une personne de la
communauté villageoise.
Un responsable associatif, arrivé et installé en
France depuis 1984, auto-entrepreneur et patron d'un espace de vente, nous
confiait ainsi que :
«Au départ, c'était dans les 4 ans
après mon arrivée ici que je prévoyais de rentrer au pays,
mais plus ça avance et plus cet objectif s'est dissipé.(...) Dans
mon cas, les conditions du retour.. ;euh.. ;je ne vois pas ce que je peux faire
là-bas, et vu la façon dont nos pays sont gérés ;
Moi si je retourne là-bas aujourd'hui , je ne serai rien...Maintenant
s'il faut partir , il faudrait que je le fasse avec mes moyens d'existence, or
je ne suis pas issu d'une famille « élue
»128(rires); et donc si j'y arrive, quelles que soient mes
compétences acquises grâce à mes voyages, nos dirigeants je
ne sais pas s'ils en sont conscients...Quoi que sur place on a aussi des gens
bien compétents, mais moi, si je rentre au Cameroun , je ne vois pas ce
que je peux faire à part peut-être faire les affaires...mais le
cadre institutionnel des affaires là-bas, je ne peux plus, je
n'arriverai pas à m'insérer. Quand tu te lances dans les
affaires, c'est pour réussir. Étant un homme très objectif
et très réaliste, j'y vais, j'observe, je vois que je ne pourrai
pas(...) Aujourd'hui je suis à ma 28e année ici, et au
début mon objectif était de repartir. J'ai essayé
déjà, j'y ai fait des investissements, pourtant c'est comme si je
n'avais jamais rien fait : Pas de rentabilité, pas de gens assez
fiables. Comme j'y vais régulièrement, j'observe avec la
mentalité occidentale, je n'incrimine personne, c'est le système
qui est en cause. Un entrepreneur là-bas, avec toute sa bonne
volonté se lancera mais n'aboutira pas au résultat attendu parce
qu'il y a trop des impondérables, des facteurs extérieurs qui
jouent. Par exemple, cela fait deux mois que j'étais en contact
permanent avec le propriétaire du local que je viens de reprendre ici.
Les règles sont claires, vous savez que vous allez payer telle somme ici
ou fournir tel papier ; alors que là-bas, si vous allez pour faire un
papier vous allez y passer une semaine...Pour un papier à signer, on va
vous dire que : `'non, le chef n'est pas là ! ». Alors naïf
comme vous êtes, vous y croyez. Je n'ai aucune raison de douter de la
parole de cette personne...Je demande : `'il sera là quand ?' ; On me
dit : `'demain», et après le lendemain quand tu reviens, on te dit
que le `'chef a voyagé», et on vous balade pendant une semaine,
jusqu'à ce que vous rencontrez quelqu'un qui vous dit : `'Mais...mais tu
n'as rien compris ! Donne -lui 1000 francs CFA, tu verras, le chef sera
là» ! (Rires)...Alors, vous aurez passé une semaine pour
faire un document qui n'a même pas besoin d'une minute ici. Ce sont tous
ces facteurs qui poussent les jeunes entrepreneurs à l'échec au
pays. Je peux vous dire que la plupart des gens que j'ai connus ici, les
anciens, et qui sont rentrés s'installer au pays, je peux vous dire que
90% sont revenus ou cherchent à revenir. Ah oui oui oui ! Mais dans le
lot, il y a peut-être 10% qui ont réellement réussi
à se réintégrer au pays...Sinon...voilà quoi
!»129.
Cela étant, la question de la réinsertion
socio-professionnelle ou économique va se poser pour ces anciens
candidats au retour dans le pays d'origine, qui ont parfois tout soldé
au moment du départ. Il faut repartir de zéro.
4. La création d'entreprise, hors du
champ des préoccupations des associations subsahariennes
?
De « retour dans le pays d'accueil », en France et
à Lyon donc, notre entrepreneur a multiplié des initiatives
entrepreneuriales, dans une démarche toujours individuelle, comme c'est
le cas pour nombre d'entrepreneurs
127 Notons toutefois avec C. Daum la contradiction apparente
existant entre le fait d'intervenir par des actions collectives centrées
sur un seul village ou une localité, portant sur des problèmes
précis vécus là-bas et le développement au sens
fort de ce mot. Et en particulier avec ce que ce concept implique de plans
d'ensemble nécessairement régionaux et nationaux. Certaines
associations, souligne DAUM, modulent d'ailleurs cette ambition dans leur
intitulé en association d'aide au développement du village par
exemple.
128
Cossue, dans le jargon populaire local...
129
Extrait de l'Entretien du 16 octobre 2012
98
africains rencontrés à la « rue de la
Guillotière »130à Lyon, en l'absence de
relais associatifs forts spécialisés dans l'accompagnement
spécifique131 des migrants à la création
d'activités génératrices de revenus au sein de la
communauté des migrants de Lyon ; à l'exception notable de
structures identifiées tel le Centre A.C.F à
Villeurbanne qui nous a accueilli en stage ou les
établissements publics ou privés tous publics qui abondent dans
le département.
C'est dans cette optique que nous avons investigué
quelque peu au coeur de cette artère marchande, recherchant une
association d'entrepreneurs ou une fédération des patrons de
boutiques subsahariens dans la ville de Lyon, en vain. Il n'en existait pas. De
l'aveu même de deux propriétaires d'une boutique de commerce
alimentaire de détail consultés, les soutiens ou l'accompagnement
à la création d'entreprise dans le commerce de détail et
les services en particulier relèvent des démarches et des
réseaux d'entraide personnels (amicaux et familiaux) des
entrepreneurs.
Un responsable associatif déplore en ces termes cet
état de fait :
« En ce qui concerne l'entrepreneuriat immigré
au sein de la communauté africaine du Grand Lyon, là aussi on
retrouve les mêmes réalités culturelles et la primat de
l'intérêt particulier sur l'intérêt
général. C'est dommage qu'il n'y ait pas d'occasion de
rencontres, d'échanges d'information. C'est vrai, il y a beaucoup
d'initiatives lorsque vous allez à la `'rue de la
Guillotière», à différents niveaux. Bon, je me dis,
c'est dommage qu'il n'y ait pas de besoin de rencontres, d'échanges
d'informations, de lobby. Cela peut aider par exemple à créer des
synergies pour réussir ensemble, créer de l'emploi, des
structures de formation. »
D'autant que la communauté africaine de Lyon compte des
créateurs d'entreprises mais aussi des experts ayant des
compétences en matière de gestion de projet, de management
d'entreprises. Il ne nous a pas été possible de vérifier
s'il pouvait y avoir une réticence de la part de ces experts à
collaborer avec les associations souhaitant promouvoir l'entrepreneuriat
auprès des migrants africains au niveau collectif, ou avec des porteurs
individuels de projets de créations d'activités. Un acteur
associatif confessait en effet que :
« À ma connaissance, je n'ai pas eu
écho de prises d'initiatives dans ce sens-là... C'était
l'un des objectifs d'une association que nous avions créée, faire
l'inventaire de l'existant, orienter et puis pourquoi pas solliciter des
contributions spécifiques pour le suivi et autre.... Il y a quelques
chefs d'entreprises effectivement, Il y a des initiatives individuelles pour
créer des activités mais qui restent isolées. Pour moi
c'est un domaine qui reste un chantier à travailler, parce que notre
présence c'est aussi par l'économique que nous pouvons l'affirmer
»
Une analyse qui rejoint notre postulat de départ selon
lequel pour être individuellement efficace là-bas au travers des
projets de développement solidaire, encore faut-il que les migrants
soient économiquement, socialement et politiquement solides ici. Or, au
sortir de notre enquête, force est de constater que la question de
l'insertion par l'économique reste très peu investie par les
acteurs associatifs africains. Au point où en consultant les catalogues
associatifs des communes, peu sont apparues les Entreprises d'insertion par
l'économique ou les structures de formation spécialisées
dans l'accompagnement pour le retour vers l'emploi ou la création
d'entreprise. Le Centre ACF qui nous accueille en stage apparaissant ainsi
comme une des rares structures créées et administrées par
un migrant subsaharien et ayant ces vocations. D'où notre
démarche d'étude visant à comprendre les raisons
conjoncturelles, culturelles, organisationnelles, opérationnelles et
individuelles de ce déficit dans le Grand Lyon.
À tout prendre, la pratique de l' entraide et de la
solidarité ne s'appuie que fort rarement sinon pas du tout sur les
dispositifs d'insertion génériques existants en matière
d'accompagnement à la création d'entreprise, de recherche
d'emploi et de logement, de prévention spécialisée, bref
d'intégration sociale, au vu des opinions recueillies au cours de notre
enquête. Est-ce suffisant pour en faire une généralisation
? À notre sens, une enquête plus
130
Artère marchande lyonnaise célèbre pour
ses vitrines alimentaires exotiques, salons de coiffures et son
éclectisme fortement dominé
par les cultures africains subsahariens.
131
Lévy-Tadjine déjà cité insiste dans
sa thèse de doctorat tout particulièrement sur la
nécessité de prendre en compte et d'intégrer dans le
processus d'accompagnement les spécificités culturelles de
l'accompagné, de même que le cadre culturel dans lequel il inscrit
sa démarche entrepreneuriale : intégrationniste,
ségrégationniste, assimilationniste.
99
approfondie sur le recours individuel ou collectif des
immigrés subsahariens aux instruments d'accompagnement au retour vers
l'emploi et la création d'activités de production permettrait
d'évaluer l'ampleur du phénomène est les mesures à
promouvoir. Ce que n'a pas permis le temps court de notre recherche.
5. Associations communautaire vs associations
communautaristes
C'est en raison de l'exclusivisme, de la « quête
du typique » communautaire, réelle ou supposée, des
associations dites communautaires que le qualificatif «
communautaristes » leur est quelques fois assigné. Une
assignation à géométrie variable, selon les
communautés en présence132et la catégorie
socio-professionnelle et le statut de ceux qui expriment ce discours.
Les critiques sont portées par des acteurs tant du
monde institutionnel qu'associatif, y compris certains immigrés
eux-mêmes, qui y voient les germes du cloisonnement ethnique,
l'expression du repli identitaire, de la non-fluidité interculturelle
dans une société culturellement plurielle, de la non-ouverture
à d'autres communautés migrantes africaines ou autres et
non-migrantes, et du risque réel du cloisonnement des associations de
migrants. Ceci explique d'ailleurs en partie l'attitude frileuse des pouvoirs
publics à subventionner les associations d'entraide et de
solidarité intracommunautaires qui sont du coup le parent pauvre de
l'octroi des financements publics. Sans doute en raison d'un
préjugé fort tenace des instances politiques et administratives,
que résume fort à propos un élu communal du Grand Lyon
:
« Il y a une espèce de volonté de ne
pas passer par les associations communautaires au nom de la lutte contre le
communautarisme...moi je fais très clairement la différence entre
communautarisme et l'existence des communautés. Ce n'est pas tout
à fait la même chose. Mais la réaction politique
très fréquente est quand même d'assimiler les deux et donc
de se méfier. Du coup, on a tendance à reléguer les
associations communautaires dans un rôle d'entraide interne, dans un
rôle folklorique...Elles participent aux fêtes et font la
cuisine...Mais l'idée qu'elles peuvent jouer un rôle vraiment dans
l'intégration est
133
beaucoup moins fréquente. Du coup ça se
retrouve... .Euh...j'ai peu d'exemples à part les
Sénégalais de l'association SOPE ».
Ainsi, d'après ces acteurs, les associations d'entraide
intracommunautaire ont plutôt mauvaise presse car, de l'avis de leurs
contempteurs, elles ne rechercheraient pas de liens extérieurs, ni une
ouverture à d'autres associations, ne serait-ce que par curiosité
de ce qui s'y fait, et bien, et ils considèrent par conséquent
qu'en dirigeant leurs actions exclusivement vers la communauté, elles ne
mènent pas nécessairement des actions d'intérêt
général et se disqualifient des chances d'obtenir des
subventions.
Conséquence de ces réticences de politiques, les
associations communautaires d'entraide fonctionnent pour l'essentiel sur des
fonds propres, qui sont bien modestes du reste. D'où un taux
d'activité annuel moyen relativement bas et la difficulté
qu'elles ont à fournir des cahiers de compte et des rapports
d'activités à jour, justifiant des actions
réalisées, des capacités financières
endogènes et des compétences fortes ; conditions
extrêmement sélectives pour l'accès aux subventions
publiques que ne remplissent pas toujours ces organisations, fatalement
marginalisées.
Section 2 : Causes de la non-implication des associations
des migrants dans le champ formel de l'insertion/intégration dans le
Grand Lyon
132 La communauté burkinabé de Lyon
bénéficie d'un crédit et d'un traitement différent.
Appréciée pour son dynamisme socio-économique et
l'efficacité de son organisation. Le parallèle peut être
fait de même avec l'association SOPE des Sénégalais. Pour
autant, selon certains acteurs associatifs eux-mêmes, le
phénomène de la non-ouverture et donc la non-interaction entre
les associations subsahariennes concerne autant les Sénégalais
que les autres. Les Burkinabés se défendant de ce cloisonnement
en faisant valoir que l'association est ouverte tant aux burkinabé
d'origine que les amis du Burkina Faso. Est-ce là que réside la
recette du succès de l'Association des Burkinabé de Lyon qui
jouit du même crédit auprès des migrants d'autres
communautés ?
133
Notons que l'un des leaders de cette association, au moment de
notre enquête est actuellement élu communal adjoint au Maire de
Villeurbanne, en charge de l'Éducation.
100
(( Cela fait à peu près un an que nous
formons les femmes de la diaspora. Avant on ne s'en occupait pas. Parce que
d'abord on attendait d'avoir des aides qui ne sont pas venues du tout. Mais il
se trouve qu'il y a beaucoup d'associations qui sont payées par
l'État qui font ça. Disons que ce n'est pas notre coeur de
business. Le nôtre, c'est le Sénégal. Ici, c'est du
secondaire ». ALPADEF.
Ces propos résument à eux seuls l'essentiel des
raisonnements exprimés par les responsables associatifs d'origine
immigrée dans la région lyonnaise.
o « Ce n'est pas l'objet de l'association...
»
C'est le principal argument avancé par les
associations tournées vers le développement solidaire avec les
pays d'origine, mais qui pourtant se positionnent statutairement sur l'accueil
et l'entraide.
o Les migrants envisagent toujours un retour dans le
pays d'origine pour y passer leur retraite et vivre leurs derniers
jours
Le Président d'un important collectif d'associations nous
expliquait ainsi que :
(( Les immigrés n'ont pas définitivement
déposé leurs valises et entretiennent toujours l'espoir d'un
retour dans le pays d'origine pour y vivre paisiblement leur retraite
».
Cela justifie-t-il le peu d'engagement des personnes
retraitées d'origine subsaharienne dans les associations
rencontrées durant notre enquête ?
C'est aussi l'avis de cet autre responsable associatif
(globalement partagé par les répondants) pour qui la projection
du retour au pays natal explique le non-investissement des immigrés dans
les champs officiels de l'insertion et de l'intégration dans leurs
bassins de vie :
« Le problème ici c'est que les gens qui sont
venus c'est pour être des Africains de passage. Et dans la tête de
ceux qui sont là, ils se disent toujours tournés vers l'Afrique
pour passer là-bas leur retraite. Les gens ne se voient pas mourir ici.
Ils se projettent dans un retour de là où ils viennent. Et par
rapport à ça, ils préfèrent économiser leurs
sous pour aller mourir là-bas. Dans ce cas-là, même si tu
dis à quelqu'un qu'il faut créer une structure de soutien ou
d'accompagnement à l'intégration des migrants, il
préfère faire ses économies dans l'optique du retour au
pays ».
o Méconnaissance des problématiques
sociales globales relatives aux migrants dans le département et la
région ainsi que les catégories spécifiques des migrants
concernés.
Cela nous a amené à plusieurs reprises, au
cours de notre enquête, à fournir (à la demande de certains
enquêtés) quelques renseignements statistiques collectés
auprès des institutionnels et d'autres acteurs associatifs, autour des
problématiques sociales, spécifiques aux migrants, de
l'accès à l'emploi, au logement, à la culture, aux
dispositifs de droit commun...Avec évidemment toute la précaution
de rigueur tant les chiffres communiqués peuvent varier d'une structure
à l'autre et selon les champs concernés.
o Méconnaissance des politiques publiques
d'intégration nationale et d'insertion et de même que l'ensemble
des outils existants permettant de réduire et rattraper les
écarts entre les immigrés dans une certaine proportion et ce
qu'est une intégration accomplie (cadre de vie décent,
scolarité normale, parentalité normale, emploi stable,
participation à la vie sociale et citoyenne).
101
Les 3/4 des responsables associatifs
interviewés134 nous ont confié n'avoir pas
connaissance des axes d'actions, des publics prioritaires et aboutissants de la
politique d'intégration locale énoncée dans le PRIPI et le
PDI, et encore moins les quartiers prioritaires de la politique de la ville et
leurs réalités sociodémographiques ; arguant qu' il y a
dans la communauté associative africaine un problème réel
de circulation et de partage de l'information, du fait du cloisonnement des
associations communautaires des migrants et de l'absence d'une structure
représentative forte et rassembleuse en serait une des causes.
Parmi les outils les plus souvent promus permettant
l'insertion des publics en difficulté, la formation continue d'adultes
et jeunes adultes dans toutes ses variantes occupe une place centrale. Pourtant
peu de migrants y recourent, y compris lorsqu'il s'agit de se former aux
techniques de gestion administrative ou de management d'une organisation
associative. La faute au manque de moyens135 et de temps.
En témoignent les propos de cet acteur associatif :
« C'est vrai, quand on voit la vie que nous menons
ici, le travail, la famille...les moyens, il faut aller les chercher. Il y a un
déficit de notre côté pour identifier tous les dispositifs
qui nous permettraient de capter les moyens. Par exemple les fonds pour le
développement de la vie associative et autres pour proposer ces
formations-là de façon interne, et que ça soit
institutionnalisé. En nous mettant ensemble, nous pouvons aussi peser
pour négocier auprès des municipalités (Conseil
général, région) pour avoir des crédits afin
d'organiser ces formations, parce que ce sont des formations qui nous
permettent d'être citoyens à part entière dans toute la
complexité de notre parcours(...) C'est l'un des grands chantiers de mon
point de vue. Il y a déjà quelques pas au niveau du Grand Lyon,
notamment avec Africa 50, parce que ça fait 2 ans que nous essayons de
négocier un budget global...».
Ainsi, malgré les facteurs socio-économiques et
politiques qui poussent à prolonger son séjour dans le pays
d'accueil ou à s'y installer définitivement tels que : les
problèmes liés au monde du travail, la gestion des relations avec
les responsables des foyers de travailleurs migrants, l'accroissement du taux
de chômage des migrants et la dégradation de leur qualité
de vie , pour ceux habitant les espaces dits de
précarité136 où ils constituent la
moitié de l'effectif des habitants, les difficultés liées
aux cartes de séjour, la forte limitation des entrées de nouveaux
migrants sur le territoire...Malgré tous ces facteurs, les migrants
apparaissent ici en peine de se saisir de manière collective des outils
existants dans le cadre des orientations des politiques d'intégration (
soutien à la parentalité et à la scolarité des
enfants d'immigrés, soutien à la recherche d'emploi pour les
femmes et les primo-arrivants , l'aide aux personnes âgées dans
les foyers de travailleurs migrants...) et d'insertion pour faire valoir leurs
droits sociaux137 et économiques. Alors même que le
contexte devrait au contraire :
« ...Ouvrir une nouvelle étape qui impose des
rapprochements avec la société d'accueil, rapprochements rendus
nécessaires car l'on ne peut plus se suffire à la seule
structuration communautaire pour faire face aux conflits impliquant de nouveaux
acteurs :
138
sociétés gestionnaires de foyers, justice,
avocats, comité de gestion et de soutien aux associations diverses
»et aux difficultés sociales manifestes.
À propos par exemple des immigrés
âgés sans qualification, au chômage dans les années
90, rentrés dans leurs pays d'origine ou installés
définitivement en France, Christophe DAUM note que :
134 À la rare exception de ceux pratiquant l'insertion
de manière formelle et de quelques autres intervenants sur
l'éducation à l'interculturalité, à la
transculturalité et au développement tels les associations
Passerelle NGAM, ALPADEF, A2P, MIFERVAL, etc.
135
Le droit d'entrée à une formation dans les
centres de la vie associative, comme à Villeurbanne, est souvent payant.
Les fonds des associations de migrants étant souvent modestes, le
recours dans ces conditions à une formation visant le
développement des compétences individuelles ou collectives
devient par conséquent problématique.
136
Dont certains quartiers prioritaires de la Ville de
Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Bron, Vénissieux, Saint-Priest,
Caluire-et-cuire ou encore les arrondissements du Sud-est de la ville de Lyon.
Voir le rapport 2010 de l' Insee sur les zones de précarités du
Grand Lyon, déjà cité.
137
Institut Panos Paris, « Quand les immigrés du
sahel construisent leur pays », synthèse de l'étude
« Migrations et développement »
réalisée par Christophe DAUM, L' Harmattan, 1993. : A propos des
immigrés étant retournés dans leurs pays pour y faire
valoir leurs expériences acquises durant la parcours migratoire,
l'auteur de l'étude note : « le très faible nombre qui
ont fait valoir les droits acquis pour la retraite, bien qu'ayant naturellement
cotisé pendant leur temps salarié en France. On ne
dénombre que de très rares retraités qui touchent
effectivement une pension dans leur village ».
138
Institut Panos Paris, op.cit.
102
« Très rares sont ceux de cette
génération qui ont réussi à acquérir une
qualification professionnelle reconnue dans le monde industriel. La
société française ne propose pas à ces
catégories de travailleurs d'accéder aux filières de
formation professionnelle, elle les exclut ainsi des possibilités de
promotion sociale. En retour, il ne semble pas que ce fait ait
constitué, à l'époque, une revendication des
communautés. On ne constate en effet que rarement des stratégies
personnelles affirmées. Plusieurs immigrés qui prenaient sur leur
temps de loisir pour se former (alphabétisation en cours du soir,
formations diverses...) témoignent en ce sens :»les autres me
disaient que j'étais fou de perdre mon temps ainsi» ».
Parmi toutes les raisons évoquées par nos
enquêtés expliquant ce peu d'ancrage des associations
subsahariennes dans les politiques d'intégration et d'insertion, il y a
aussi :
o Une réticence de la part des administrations
publiques locales et régionales à travailler avec les structures
associatives morcelées et n'ayant pas une assise géographique
importante au niveau régional ou national. Pour illustrer ce
fait, voici ce que nous a rapporté un acteur associatif, membre d'un
réseau d'OSIM :
« La DAIC139 lance tous les ans un appel
à projets pour l'intégration des migrants en France. Mais ils ne
s'intéressent qu'à des associations nationales,
c'est-à-dire comme la Croix-Rouge. Or, le déficit de nos
associations des migrants, c'est qu'elles ne sont pas nationales. Notre
collectif a répondu il y a 3 ans à un appel à projets de
la DAIC et c'est ce qui nous a été répondu. Nous voulions
prendre en charge la formation des primo-arrivants. Nous pensions que ce sont
les migrants qui peuvent mieux comprendre les migrants mais la réponse
qui nous a été opposée c'était : « Vous
êtes à Lyon , mais pas à Bordeaux, ni à Strasbourg.
Et on a besoin d'une association qui recouvre l'étendue du territoire
pour faire le même travail partout où il y a des primo-arrivants
».
Aussi nous sommes-nous demandé si le Forum des
Organisations de solidarité issues des Migrations (FORIM) qui revendique
700 associations et collectifs d`associations de migrants de France sur son
portail internet (dont certains collectifs associatifs subsahariens du
Rhône) n'était pas en capacité de porter des projets
d'accompagnement à l'intégration des migrants à
l'échelle nationale. Mais pour notre interlocuteur, la réponse
était sans ambiguïté :
« C'est là même la faiblesse de ce genre
de choses(...) Si vous voulez que le FORIM existe , il faut qu'il ait les pieds
enracinés dans les régions(...)Or, même si au FORIM ils ont
redéfini leur stratégie en 2010, en acceptant de travailler avec
nous parce qu'ils ont vu là-bas à Paris que notre collectif
ça marchait et qu'on ne leur faisait pas de l'ombre, eh bien vous voyez
qu'ils peinent toujours à créer les COSIM [ Collectif des
organisations de solidarité issues des migrations ] dans d'autres
régions. Et aujourd'hui, c'est à peine s'ils ne demandent pas au
COSIM Rhône-Alpes d'aller créer d'autres COSIM ailleurs(...) Tout
ça c'est pour dire que nous les migrants nous sommes quand même
porteurs de bonnes idées. Si aujourd'hui le FORIM marche, il le doit en
partie à notre collectif(...) Pour autant, la faiblesse est
là-dedans. Si on avait été des gens capables de comprendre
que nous avons là un outil formidable et puissant, nous irions frapper
à la porte de l'Union Européenne pour présenter un projet
fort et lever des subventions(...) On a les personnes [les compétences
nécessaires] mais on n'arrive pas à avoir le pouvoir. On ne peut
pas que se contenter de la petite subvention que donne le Ministère de
l'Intérieur...c'est vraiment lamentable !!! »
Or, dans le statut de ce collectif « national »,
au-delà de la coordination des actions de solidarité et de
développement des pays d'origine, l'accompagnement à
l'intégration est un des domaines dits prioritaires et ce
139 LA DAIC c'est La direction de l'accueil, de
l'intégration et de la citoyenneté , chargée de
« l'ensemble des questions concernant l'accueil et
l'intégration des populations immigrées s'installant de
manière régulière et permanente en France. Dans ce cadre
elle assure l'élaboration, l'impulsion, la mise en oeuvre ainsi que le
suivi de mesures liées à l'intégration de ces personnes.
Ainsi, elle veille à la prévention des discriminations
liées à l'origine et à l'égalité des
chances, et ce par des actions telles que l'apprentissage de la langue
française comme facteur premier de l'intégration, l'accès
à l'activité professionnelle et la lutte contre les
discriminations, l'égal accès des populations d'origine
immigrée aux services publics et aux droits sociaux ou le suivi de
l'ensemble des conditions de logement des populations immigrées et
notamment celles concernant les foyers de travailleurs migrants ».
Portail internet du Ministère français de l'intérieur.
103
d'autant qu'aux yeux de certains responsables associatifs qui
se sont exprimés dans le cadre de cette enquête, les axes
d'intervention développés par le PDI du Rhône sont «
prenables » par les associations des migrants subsahariens. Toutefois,
pour un de nos répondants :
« (...) on ne le pourra que si nous sommes
organisés. Nous ne sommes pas organisés. Moi, j'ai l'art d'aller
chercher la bonne information. Quand la Mairie de Lyon et les autres nous
disent `'Si vous voulez parler, organisez-vous», eh bien on comprend que
c'est l'organisation notre point faible »
o Selon certaines administrations locales, le secteur de
l'insertion apparait déjà trop saturé par un nombre
important de structures d'insertion140. Par conséquent,
certaines organisations associatives se sont recentrées uniquement sur
le développement solidaire avec les pays d'Afrique. Un acteur associatif
d'origine immigrée à Lyon en témoigne :
« Moi, je me suis tourné vers l'Afrique. Une
copine à moi, une immigrée africaine elle aussi, voulait
créer une structure d'insertion comme ça. Et nous avons
été voir la DDASS141 à Lyon et elle nous a
répondu qu'elle était déjà submergée par des
structures comme ça. Parce que nous on travaillait sur les nouvelles
formes d'esclavage en ce qui concerne les femmes et en particulier des femmes
africaines. Donc nous avions cette idée là et c'est la DDASS qui
nous répondu que même si nous procédions à la
création de quelque chose maintenant, ce serait saturé et que
nous n'aurions pas les moyens pour durer parce qu'il y en a trop. À
force de créer encore et encore, à la fin, les gens ne veulent
plus donner de l'argent pour tout ça . Tant qu'il n y a pas d'offre ou
de demande, tu ne peux pas faire vivre une structure».
Or, il nous est apparu qu'il existait une demande forte en ce
qui concerne notamment la prise en charge des migrants âgés dans
les foyers de travailleurs migrants, mais est-elle connue des associations
africaines du Grand Lyon dont une part importante du public âgé
est originaire du continent ? En supposant que les retraités veuillent
tous retourner dans le pays d'origine pour y passer leur retraite et y vivre
leurs derniers jours, il se pose parfois la question de la
transférabilité de leurs droits sociaux ( retraite y compris).
L'Assemblée des sénégalais de l'Extérieur s'est par
exemple penché sur la question en avril dernier en région
parisienne et des propositions ont été soumises au gouvernement
sénégalais nouvellement élu. Les retraités ou les
migrants âgés qui font le choix du retour au pays de départ
peuvent être confrontés à ce type de difficultés.
Est-ce une préoccupation pour les associations de migrants dans le Grand
Lyon ?
« Mais chacun endure sa galère pour le moment.
Tant que quelque chose ne t'habite pas dans la tête, ça ne pourra
pas venir dans les gestes. Dans la tête des gens, je suis né
là-bas et j'irai mourir là-bas... », déplorait
un des acteurs associatifs rencontrés.
Serait-il par conséquent exagéré
de conclure que l'intégration des migrants subsahariens du Grand Lyon se
fait sans les migrants eux-mêmes ?
Pour certains de nos répondants, cela ne fait pas de
doute. Une des raisons évoquées étant qu'au sein des
associations elles-mêmes : « Il y a une lutte acharnée
entre les migrants pour la captation des ressources publiques et le pouvoir
» et qui les éloigne des sujets essentiels. Ajoutés
à cela un important problème structurel, opérationnel et
une difficulté à identifier et mobiliser les compétences,
d'où qu'elles procèdent : migrants, non-migrants,
étrangers ou nationaux, au niveau local ou transnational. Aspects sur
lesquels nous reviendrons dans le chapitre consacré aux réseaux
diasporiques.
Section 3 : Comment inciter les migrants à se
saisir plus collectivement des dispositifs institutionnels d'intégration
et d'insertion et à se rapprocher des structures publiques et
privées gestionnaires des politiques publiques en lien avec la question
des migrants au niveau local ?
1. Corpus de solutions émises par les acteurs
eux-mêmes
140 Nous en avons identifié près d'une centaine
oeuvrant à Lyon et les alentours. Voir l'annuaire des associations du
Rhône.
141
Direction Départementale des Affaires Sanitaires et
Sociales du Rhône
104
La question s'inscrit dans la ligne de celle du Haut-Conseil
à l'Intégration : à savoir investir dans les associations
pour réussir l'intégration, y compris les associations
communautaires. Cela impliquerait la prise en compte des «
compétences ethniques »142 sur lesquelles nous
reviendrons dans le même temps. Nous nous sommes enquis de ce sujet lors
de notre enquête auprès d'un élu communal pour qui :
4J « D'abord il faudrait casser ce
préjugé bien français qui assimile associations
communautaires
et communautarisme(...),
Après il faudrait qu'il y ait une politique de
contact systématique avec ces associations ; et ça on ne le fait
pas. Et je ne sais pas si ce sera toujours bien pris par elles. Parce
l'idée du politique qui veut mettre son nez là-dedans, ce n'est
pas forcément ce qui est apprécié.... »
Cela induit-il qu'il pourrait y avoir une méfiance
systématique de la part de certaines associations de migrants si les
politiques venaient à initier un contact avec elles ? Notre élu
communal est affirmatif : « Oui, je crois. Puis il y a l'entre-soi qui
joue. »
Une chargée de mission et formatrice pour
l'ASSFAM143 interviewée lors de notre enquête
déplorait aussi le fait qu'à propos de ces associations :
« On ne leur laisse pas de place...il y a une gêne, elles sont
taxées de communautaristes ...à tort quelques fois».
En ce qui concerne la forme du contact à créer,
selon cet adjoint au maire en charge de la démocratie locale et la lutte
contre les discriminations, il pourrait prendre la forme d' :
4J « Un soutien financier aux associations
communautaires. Il y a la politique de la ville très
générale, il est vrai, qui joue
sur les quartiers où il y a beaucoup de
migrants.
4J Ça passe aussi par des soutiens aux
femmes , par exemple ce que fait FIJI
Rhône-Alpes144 qui est une association qui
fait de l'accompagnement, du soutien, de l'aide
personnalisé et de la formation en direction des femmes
immigrées, maghrébine ou africaines, en particulier sur tous les
problèmes de droit privé souvent compliqué, de droit
international privé. Et donc nous on les finance par exemple. Elles
interviennent auprès des femmes migrantes et ce n'est pas communautaire
».
4J À propos de
l'interculturalité, certaines
communes ont engagé des réflexions sur la question, avant-
gardiste sur les questions d'intégration/insertion des
populations immigrées, la 2e la plus importante en termes
d'effectif après Lyon, La Mairie de Villeurbanne par exemple a produit
un texte intitulé « Démocratie et
Diversité » et qui :
« ...Développe un point de vue qui n'est pas le
plus courant en France, justement à partir de l'idée de
l'existence des communautés, l'intérêt de cette
multiculturalité, avec la nécessité de passer par cette
interculturalité.. .On a réfléchi au moins
là-dessus, oui...On a participé à l'enquête du
CRAN145, une grande enquête sur la lutte contre les
discriminations, donc on leur a communiqué un rapport assez important
sur ce texte et d'autres choses... »
142 On peut y voir les compétences qui sont
développées en interne par les communautés associatives
qui les mettent au service des actions qui impliquent
l'interculturalité.
143 Association Service Social Familial Migrants,
Délégation du Rhône.
144
Vu sur le Portail internet de l'association : « Femmes
Informations Juridiques Internationales est une association à vocation
régionale
qui défend les droits personnels et familiaux ayant
une dimension internationale (mariages mixtes, déplacements illicites
d'enfants, divorces prononcés à l'étranger). La structure
née en 2002 d'un partenariat institutionnel et associatif
(la Délégation régionale des droits aux
femmes et à l'égalité-DRDFE, l'Agence pour la
cohésion sociale et l'égalité des chances-ACSé, le
Secrétariat général aux affaires régionales-SGAR,
Femmes contre les intégrismes-FCI, Le Centre d'Information des Droits
des Femmes et des Familles du Rhône-CIDFF), lutte contre les
discriminations et vise à faire respecter l'égalité entre
les hommes et les femmes. Elle offre des informations et des conseils
juridiques relatifs au droit international de la famille au public comme aux
professionnels. À ce titre des juristes assurent des permanences
téléphoniques et accueillent le public sur rendez-vous. Par
ailleurs, l'association offre des formations pour les professionnels et les
sessions de sensibilisation pour le public». FIJI
Rhône-Alpes. http://www.fiji-ra.com/
145 Conseil Représentatif des Associations Noires de
France
105
?? De ce point de vue, la Mairie reste disposée
à travailler avec les associations communautaires ; qu'elles portent des
actions d'intérêt général national ou exclusivement
au niveau local. Mais, une fois de plus, l'institutionnel souligne
l'intérêt pour ces associations d'une
intégration en réseaux,
car :
« À l'époque où il y avait le
CARA146, c'est sûr ça facilitait les choses, c'est
clair. Moi je regrette qu'il n'y ait pas assez de
fédérations...Moi je préfèrerais qu'il y ait
effectivement des regroupements qui permettent de parler un peu collectivement
et de mobiliser aussi des associations différentes ».
De là à inciter formellement les associations de
migrants africains à se constituer en collectifs pour «
faciliter le dialogue », la Mairie de Villeurbanne n'a pas
spécifiquement engagé de réflexion en ce sens, s'appuyant
sur l'idée que ce n'est pas au politique d'organiser les associations
subsahariennes du Grand Lyon, l'initiative devant venir des acteurs
eux-mêmes. Le Collectif Africa 50 ambitionne, nous l'avons
souligné, de porter cet impératif et d'incarner la vitrine
principale de toutes les associations de culture africaine et caribéenne
dans le Grand Lyon. Pour autant, d'après des renseignements
collectés au cours de notre enquête, le collectif n'est pas
suffisamment visible au sein de certaines mairies. C'est ce qu'indique
l'élu communal de notre investigation :
« Tout ce que je vois c'est des mails que je
reçois, mais je ne les connais pas...À ma connaissance il n y a
pas eu de demande formelle [émanant du collectif Africa 50] qui nous ait
été adressée, sinon je l'aurais su... ».
La situation est différente à l'échelle
de la Communauté du Grand Lyon, partenaire institutionnel et financier
central du Collectif Africa 50 qui fut très impliqué lors de la
Célébration du Cinquantenaire des Indépendances africaines
pilotée par le collectif. Un de ses coordonnateurs nous confiait ainsi
que :
« Les associations qui vont au niveau du Grand Lyon
de leur propre initiative, on les renvoie vers Africa 50. En ce sens, une
partie du travail [de la visibilité institutionnelle et du
positionnement en tant référent principal des organisations
africaines] est réalisée. Maintenant il y a un travail de
communication à faire en sorte que toutes les associations de culture
africaine reconnaissent vraiment l'objectif du collectif, adhèrent et
puis passent par le créneau qu'on a défini afin d'aller de
l'avant ensemble(...) je pense que dans les trois années à venir,
Africa 50 aura plus de portée, plus de voie ».
Difficile d'attester la pertinence de ces propos, nous n'avons
en effet pas pu rencontrer toutes les associations ayant engagé une
telle démarche, individuellement ou sous la bannière du
collectif. Pour le moment, du reste, en matière d'ancrage dans les
politiques publiques de la ville et d'intégration nationale, au vu des
données recueillies sur le terrain et des observations faites ( rapport
d'activités verbaux principalement), seuls le volet culturel ( la
valorisation de la mémoire, la promotion de l'interculturalité,
la prévention des discriminations le soutien à la
parentalité, le soutien scolaire) et les débats autour de la
relance des économies africaines et les initiatives entrepreneuriales
à promouvoir sur le continent noir( à travers le FEDDA) semblent
s'inscrire sur cette ligne. Encore que l'objectif majeur d'Africa 50 c'est
principalement d'assurer la promotion de la présence de l'Afrique et la
contribution des Africains à la vie de la cité lyonnaise et de
ses environs.
L'appropriation par le collectif Africa 50 des dispositifs
existants de la politique de la ville en matière d'Insertion, et de la
politique d'intégration, permettant un accompagnement global des
primo-arrivants, des femmes et des migrants âgés (publics
prioritaires du PRIPI/PDI) reste donc pour l'heure marginale. Néanmoins,
selon les principaux coordonnateurs qui reconnaissent ce déphasage avec
les problématiques sociales et réelles des immigrés de
manière générale et des subsahariens en particulier, des
travaux de réflexion seraient en cours dans ce
sens :
« Ça c'est l'objectif d'Africa 50. Nous sommes
en train de travailler là-dessus. C'est vrai qu'aujourd'hui, toutes les
structures d'insertion dont vous parliez, on n'a pas encore abordé ces
aspects, mais on passera obligatoirement par ça, on en a parlé
lors de nos deux dernières réunions. En fait pour nous,
l'intégration va passer par la base, et ça va commencer par les
femmes et les enfants en particulier ceux qui sont nés ici, qui sont
perdus et qui ne connaissent pas bien leur culture. Fl y a des activités
qui sont en train d'être mises en place pour permettre l'insertion des
jeunes puis des femmes ; Aujourd'hui on a ciblé le milieu scolaire. Nous
sommes en train de voir l'association des parents d'élèves au
niveau de Lyon, dans les écoles. Fl y a une activité qui
est
146 Collectif des associations des migrants africains dissous
suite à de multiples dissensions internes. Des versions convergentes
nous ont été rapportées lors de notre enquête par
des responsables d'associations anciennement membres de cette
fédération.
106
prévue le 31 octobre pour inciter les parents par
exemple à entrer dans tout ce qui est associations. Fl y a aussi une
activité sur l'éveil des enfants, dès l'âge de 4
ans. Aujourd'hui on le fait à Villeurbanne au sien des associations, et
on fait en sorte que ces gens-là puissent faire venir les enfants.
L'objectif à terme c'est de la faire dans chaque commune, d'aller vers
ces populations. Mais tout ce qui est insertion des personnes
âgées dans les foyers de travailleurs migrants par exemple, on n'a
pas encore soulevé le problème. Mais effectivement sur ce
plan-là, il y a du boulot à faire ».
2. Quelques préconisations pour une implication
forte des associations des migrants dans la mise en oeuvre du Plan
départemental d'Intégration du Rhône
Les pistes que nous indiquons peuvent avoir déjà
été explorées par certaines associations et mises en
oeuvre à moyenne et petite échelle ou pas du tout. L'ambition
n'est pas d'être exhaustif ou de réinventer la roue. Elle est
plutôt de mettre en exergue l'importance de ce qui existe, les acteurs
associatifs et les acteurs institutionnels en présence qui animent les
dispositifs d'intégration et d'insertion. Elle est surtout de mettre en
lumière ce qui se fait déjà au sein des organisations
associatives françaises des non migrants dans les champs qui pourraient
interpeller les migrants du Grand Lyon.
? Le ou les collectifs d'associations de migrants
pourraient faire de la pédagogie au travers des sessions d'information
explicative à destination des associations membres, communautaires ou
non, ayant un intérêt pour l'insertion sociale de ses
adhérents et désirant porter des projets en ce sens.
Pédagogie autour du PRIPI et du PDI local, ses enjeux, ses publics
cible, la place dévolue ou à prendre dans ces espaces par les
associations africaines organisées en réseaux, de même que
les tenants et résultats attendus du Plan local pour l'Insertion et
l'Emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les
actions prévues en matière d'amélioration du cadre de vie
des habitants des espaces de précarité dans le Grand
Lyon.
Cela suppose :
?? un travail de recueil de données :
socio-économiques (taille et composition des familles, logement, emploi,
revenus, santé), démographiques... par tous moyens accessibles
pour une évaluation de l'importance des problématiques sociales,
des ressources disponibles (fonds, compétences, personnel et temps) des
collectifs associatifs subsahariens pour un espace à occuper, une
partition à jouer à l'échelle communautaire et
transcommunautaire dans l'agglomération lyonnaise.
?? La mise en place des bureaux d'études et
d'expertise conseils par les migrants disposant de capacités
techniques et opérationnelles et offrant de formation, d'études
techniques et évaluation de projet, analyse des politiques publiques
dans les domaines du développement social et économique local,
accompagnement à des entrepreneurs migrants et non migrants à
l'international, les TIC, les services financiers, l'ingénierie...
?? Un effort accru d'ouverture et de rapprochement
avec les associations des migrants pratiquant déjà l'insertion
de façon communautaire ainsi que les organisations
transculturelles du type Passerelle Ngam ou Africa 50, dans
une démarche intégrative (alliances stratégiques). Un
cadre opérationnel intégré qui permette la mobilisation de
toutes les compétences utiles, y compris les compétences
«culturelles » , avec des objectifs opérationnels et
stratégiques clairs, pour les champs de l'accès à
l'emploi, l'accès au logement, aux droits sociaux, aux dispositifs du
droit commun, à la protection sociale de tous les migrants en situation
régulière, tous âges, sexe et périmètres
géographiques confondus.
? Développer des partenariats forts et
féconds avec les acteurs associatifs non migrants actifs dans ces champs
et reconnus d'utilité publique par les pouvoirs publics. Ces
associations sont gestionnaires ou pas des dispositifs d'insertion ou
d'intégration de l'État. Ces partenariats assureraient d'abord
une plus grande visibilité politique, sociale et professionnelle des
collectifs des migrants africains, puis la multiplication d'occasions
d'échanges d'expériences et des pratiques ; et enfin une
collaboration sur le terrain avec les professionnels de ces
secteurs.
107
Les partenariats stratégiques peuvent se construire avec
:
? Les régies de quartier pour des
zones à forte présence des migrants (Villeurbanne, Lyon Sud-est,
Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Bron, etc.): Régie de Quartier de
Bron (RQB), ou la régie de quartier Micro Initiatives Rilliarde (AMIR)
pour l'insertion sociale et professionnelle, par exemple ;
? Les associations spécialisées dans
l'accompagnement des migrants tels l'ASSFAM147 pour la
formation civique linguistique et professionnelle des femmes et migrants
âgés, ou l'ALPIL148 pour le logement des travailleurs
immigrés dans le Rhône ;
? Les associations de migrants d'autres
communautés souvent très implantées et actives
dans le domaine de l'insertion (Marocains, Portugais, Arméniens ...) en
vue d'initier des débats, pratiquer du lobbying institutionnel sur des
questions ayant trait à l'intégration. Cette ouverture pouvant
permettre dans le même temps d'accéder aux réseaux
économiques et professionnels, publics et privés, de ces autres
organisations.
? Les associations généralistes et
professionnelles impliquées dans la gestion locale du PLIE et autres
dispositifs en faveur du retour à l'emploi
dans des secteurs spécifiques (BTP, secteur hospitalier,
services à la personne, commerces, formation, enseignement ; et
l'accès au logement des familles et personnes
isolées dans le Rhône, ...) ; la formation
sociolinguistique et professionnelle ; et pour des publics migrants
spécifiques plus souvent exposés au chômage ou au travail
précaire : jeunes en rupture avec le milieu scolaire, jeunes
diplômés, cadres au chômage, personnes sans qualifications,
seniors migrants...149Nous pensons par exemple à
l'association ALLIES qui gère le PLIE pour la partie Sud du
Rhône.
? Les acteurs institutionnels départementaux et
régionaux en charge de la mise en oeuvre dans le Grand Lyon du
Plan Départemental de l'Intégration pour le Rhône et la
Politique de la ville : ACSE, DJRSCS, Préfecture à
l'égalité des chances...
Le Répertoire des associations du Rhône est un
outil accessible permettant d'identifier les acteurs clés de
l'intégration/insertion pour les communes concernées.
Des mesures peuvent être déployées
à l'infini et mériteraient une étude approfondie pour une
plus grande implication de la communauté africaine dans la vie
économique et sociale de l'agglomération lyonnaise. Promouvoir la
présence de l'Afrique dans le Grand Lyon doit pouvoir prendre la forme
d'une série d'actions en faveur de l'insertion sociale et
économique formelle des migrants subsahariens, toutes
générations confondues, en vue d'une intégration
accomplie. Mais cela suppose de mobiliser des compétences fortes
(déjà existantes mais non répertoriées) ; cela
apparait possible par la constitution des réseaux associatifs
intégrés et forts. Et c'est à ce jour loin d'être le
cas en ce qui concerne la communauté africaine du Grand Lyon, au vu des
avis et analyses recueillies auprès des responsables associatifs.
147 L'ASSFAM offre un catalogue de formations à
destination du public migrant : ateliers sociolinguistiques (apprentissage du
français), accompagnement des migrants âgés vers
l'accès aux droits, formation des professionnels, intégration
professionnelle des femmes migrantes, des ateliers prévention
santé et des séances d'échanges autour de la
parentalité. Lieux : Vénissieux, Lyon 1er et
7e arrondissements.
148 ALPIL : Action pour l'insertion sociale par le
logement a pour vocation d' « Améliorer le logement
des travailleurs immigrés et des catégories
défavorisées de la population. Promouvoir leur
intégration. »
149 Par exemple l'Association lyonnaise pour l'Insertion
Économique et Sociale(ALLIES) qui porte bien son nom et travaille
à l'insertion par l'économique des publics en difficulté.
Elle est gestionnaire du Plan Local pour L'Emploi et l'Insertion (PLIE) de la
ville de Lyon.
Partie 3
Les associations subsahariennes et les réseaux
diasporiques. Logiques de construction et d'affiliation, coûts et
bénéfices
? Pourquoi, comment et à quelle ampleur les
organisations associatives subsahariennes du Grand Lyon pratiquent-elles
l'ouverture aux réseaux associatifs ? À quel point tirent-elles
parti de leur capital social en termes de mobilisation des compétences
et de fabrique des acteurs socio-économiques en France et pour les pays
d'origine ?
Notre enquête sur les réseaux associatifs des
migrants africains tente de répondre à ce corpus
d'interrogations. Nous abordons tout d'abord la question des
réseaux diasporiques sous l'angle de la théorie des
réseaux sociaux en tentant d'en dégager les principales
caractéristiques (chapitre 5) et en faisant une analyse des pratiques
d'affiliation des migrants aux réseaux, des stratégies à
l'oeuvre, les intérêts que font valoir les uns et les autres et
les dynamiques relationnelles qui y ont cours (Chapitre 6).
Chapitre 5 : Les réseaux diasporiques
subsahariens dans le Grand Lyon. Essai de caractérisation p.109
Section 1 : Les réseaux diasporiques à la
lumière de la théorie des réseaux sociaux et la
théorie des champs de Pierre Bourdieu 109
Section 2: Émergence de l'esprit diasporique panafricain
à Lyon, entre détermination et échecs 116
Section 3 : Réseau social et Capital social. Pourquoi
s'affilie-t-on à un réseau associatif de migrants subsahariens
dans le Grand Lyon ?
117
108
Chapitre 6 : Discours et pratiques associatives
subsahariennes autour de la mobilisation du capital social p.120
1.
109
Les réseaux des migrants subsahariens du Grand Lyon 120
2. Des motifs d'adhésion multiples aux réseaux
associatifs 122
3. Migrants subsahariens du Grand Lyon : la Force du
réseau ? Inventaire des motifs de démobilisation des membres de
l'engagement associatif 124123
4. Quelques Préconisations en faveur du regroupement
fécond des associations des migrants en collectifs départementaux
et en une fédération régionale 132
Chapitre 5 : Les réseaux diasporiques subsahariens
dans le Grand Lyon. Essai de caractérisation
Les responsables associatifs enquêtés nous ont fait
part de leurs sentiments et visions à propos du fonctionnement des
réseaux des migrants, leur intérêt, les difficultés
rencontrées, les solutions envisagées, les alternatives
développées.
Il nous importe avant tout de revenir sur quelques données
théoriques et conceptuelles générales, replacer la
question des réseaux associatifs diasporiques dans leur contexte
socio-anthropologique et historique.
Section 1 : Les réseaux diasporiques à la
lumière de la théorie des réseaux sociaux et la
théorie des champs de Pierre Bourdieu
À la base des réseaux associatifs des migrants ,
il y a des groupes de personnes originaires d'un même village, d'une
même ethnie, d'une même région, d'un même pays , de la
même sous-région, d'un même continent ou encore d'un
ensemble de continents par rapport au continent du pays d'accueil. Cet ensemble
de personnes selon les caractéristiques propres à chaque origine
porte habituellement le nom de diaspora.
Natalia BUGA dans sa thèse déjà citée
fait référence à un concept élastique, au
départ employé pour désigner les seules diasporas
historiques (telles les diasporas juive et arménienne) et qui a fait
depuis lors l'objet de toutes sortes de définitions basées sur
des critères ou trop restrictifs ou trop larges. Pour notre part, dans
le cadre de ce travail, nous avons souscrit à la définition
revisitée qu'en donne l'auteure de cet intense travail intitulé :
Les Diasporas comme ressources d'intégration dans
l'économie mondiale150 . Pour Buga, en effet,
est diaspora :
« L'ensemble des migrants originaires du même
pays qui se sont installés pour une période longue, voire
permanente dans plusieurs territoires de destination et continuant de garder
des liens forts de nature diverse avec le pays source. Le noyau d'une diaspora
est composée par des membres qui ont une forte nécessité
et motivation à s'identifier à leur groupe d'origine qui
préserve, développe et transmet les valeurs du pays de
départ. Ils ont aussi la volonté d'apporter leur contribution au
développement de la patrie en mobilisant les ressources
générées par la diaspora, afin de mettre en oeuvre des
projets de développement adressés au pays de départ.
»
En clair, les membres de la diaspora ont en partage un
sentiment d'appartenance au groupe d'origine créé à la
suite d'une dispersion générale vers différents
territoires d'arrivée. Il existe des liens plus ou moins forts entre le
groupe et le pays de départ, les membres s'identifient par
nécessité ou par volonté au groupe et sont mus à
différentes échelles et selon les ressources par l'objectif
d'aider au développement économique et social, et
150 Thèse soutenue publiquement le 21 juillet 2011, sous
la direction de Jean-Baptiste Meyer (Faculté d'économie de
Grenoble), l'un des auteurs de l'ouvrage Diasporas Scientifiques publié
aux éditions de l'IRD.
110
politique parfois, de leurs territoires d'origine. Et pour
assurer le transfert des ressources financières et non
financières(RNF), la diaspora s'appuie sur un ou des réseaux
diasporiques qui, en fonction de leur niveau d'évolution, vont tenter
d'élargir les liens avec les communautés de même origine
dispersés dans d'autres pays d'accueil.
1. Essai de caractérisation des
diasporas
Ainsi, au vu de cette définition, la diaspora apparait
d'abord et avant tout comme une dispersion spatiale, une «
dissémination dans un non-lieu » d'après la formule de Ma
Mung151. C'est aussi une expérience sociale, une aventure qui
peut être à la fois individuelle et collective.
La diaspora, c'est aussi le lieu de l'inventivité, de
l'élaboration de stratégies identitaires permettant de
s'insérer dans la société d'accueil. Toutefois, même
si le réseau diasporique constitue aussi un lieu de fabrique de
l'identité nationale, régionale, continentale, ethnique, la
culture diasporique qui nait de l'expérience migratoire et des processus
d'identification à un groupe n'est pas nécessairement soluble
dans l'ethnicité elle-même. Elle ne s'y confond pas puisqu'elle
peut être très éclatée, très
hétérogène, ce qui est d'ailleurs le trait de
caractère principal des réseaux diasporiques transculturels :
ALPADEF, MIFERVAL, AFRICA 50, FEDAM, ACF, etc.
À Lyon, aujourd'hui, la diaspora panafricaine ne se
vit plus comme « une condition pathologique, diminuée, faite de
larmes et de souffrances » mais plutôt comme « un mode
d'être légitime et positif »152. Elle
revendique cette attitude positive quand elle valorise la mémoire ou
l'histoire de l'immigration, quand elle promeut la présence de l'Afrique
dans la cité, en mettant en avant les réussites individuelles et
collectives des africains en situation de migration. C'est d'ailleurs en ce
sens que l'expérience migratoire apparait comme le lieu et l'occasion
pour les groupes diasporiques ou les migrants à titre individuel, de se
constituer un patrimoine composé d'un ensemble de ressources qui
permettent à la diaspora d'apporter une contribution significative au
développement du pays d'origine d'une part, et d'autre part à
l'entraide, la solidarité entre membres d'une même
communauté dans le pays d'accueil : ressources financières,
cognitives, relationnelles, institutionnelles, organisationnelles,
symboliques.
Par ce patrimoine dont une part conséquente est
transférée dans les pays source, parfois au détriment du
bien-être individuel et collectif dans le pays d'accueil, les diasporas
ont engendré des externalités positives ou négatives,
à la suite d'effets intentionnels ou non-intentionnels, en tout cas
à un niveau tel que les pouvoirs publics tant dans les pays
d'immigration que ceux d'origine s'activent à impliquer de
manière formelle les immigrés dans les politiques nationales de
développement, dans les stratégies de lutte contre la
pauvreté. C'est le cas au Sénégal, au Mali, en Afrique du
Sud ou Au Maroc par exemple, et bien avant ces pays, la Chine et L'Inde ont mis
en place des politiques et dispositifs de soutien aux initiatives
économiques et socioculturelles des leurs expatriés. Ce qui fait
des diasporas de ses deux pays les plus dynamiques et entreprenantes au monde,
de même que les diasporas juive et russe.
2. Typologie des diasporas
151
Emmanuel Ma Mung, « Non-lieu et utopie : la diaspora
chinoise et le territoire », in Revue des migrations internationales,
1994. Cet
auteur est l'initiateur du laboratoire d'études sur les
migrations internationales, MIGRINTER, de l'université de Poitiers.
Chargé de recherche au CNRS.
152
Voir Richard Marienstras, Être un peuple en
diaspora, éd. Cahiers libres, 1975. Marienstras est un des
pionniers du « diasporisme »,
fondateur du Cercle Gaston-Crémieux, cercle de
réflexion qui fut notamment à l'origine de la revue
Diasporiques.
111
En considérant la constitution des réseaux
diasporiques comme un processus long fait d'étapes, Natalia BUGA
distingue deux types de réseaux en fonction de la direction
des relations entretenues :
?? Les réseaux primaires :
Ils apparaissent à la première étape d'évolution de
ce processus. Ce sont souvent des réseaux élémentaires qui
ont pour vocation de relier les migrants avec leur pays d'origine mais
« sans les relier entre eux dans le pays d'accueil à cause de
l'absence d'une diaspora comme une entité bien structurée
». Le centre ( le pays d'origine) est à ce niveau-ci de
l'évolution du réseau diasporique le seul horizon d'attachement
ou d'atteinte, le seul point d'intérêt.
?? Les réseaux secondaires du 1er
niveau : correspondent à l'étape d'après
dans la mesure où la communauté des migrants s'agrandissant dans
le territoire d'accueil, il va se constituer progressivement de petits
regroupements de personnes qui cherchent à s'identifier au groupe
d'origine :
« ... Pour valoriser leur identité et
même partager les mêmes valeurs, la même culture, la
même langue, des éléments qui rendent le groupe
différent de la société d'accueil (...) A ce stade, le
niveau de structuration des communautés diasporiques est faible mais
leur existence dénote l'apparition des prémices d'organisation de
la diaspora. ».
C'est l'étape de la mise en lien (sous la forme d'un
collectif, d'une fédération, d'un forum) des associations
regroupant les membres d'une même communauté dispersés sur
le même territoire donné. Les collectifs des Béninois,
Burkinabé, Camerounais ou Congolais de Rhône-Alpes correspondant
aux réseaux secondaires de niveau 1. De même que le FORIM qui se
pose comme instance de coordination de toutes les associations de migrants de
France.
?? Les réseaux secondaires du second
niveau : C'est la troisième étape du processus
d'évolution des réseaux diasporiques. Ils désignent les
réseaux diasporiques dont les membres de même origine
installés dans divers pays d'installation sont reliés et portent
des actions collectives au bénéfice des migrants eux-mêmes
dans les pays d'installation ou des populations dans les pays d'origine. On
parle alors à ce niveau de diaspora structurée
pour désigner ce système où les pôles
de migrants au niveau international sont interreliés mais toujours dans
une perspective de contact avec le pays d'origine. Ainsi par exemple,
le réseau CASA-NET en Suisse, association qui
interconnecte les Camerounais hautement qualifiés de tous les continents
et qui compte dans ses rangs des associations d'étudiants camerounais
d'Italie, de France (Lyon , Bordeaux), d'Allemagne, du Canada, d'Australie ou
du Royaume Uni.
On retrouve également dans cette catégorie les
réseaux d'expatriés de nature: scientifique, technique,
institutionnelle, professionnelle, financière. Jean-Baptiste Meyer cite
par exemple les réseaux suivants connus pour leur dynamisme et
bénéficiant du soutien actif de leurs pays d'origine :
? « Le réseau Caldas qui
possède quelques centaines d'inscrits dans plusieurs « noeuds
» locaux aux États-Unis et en Europe ;
? Le réseau SANSA (South African
Network of Skills Abroad) rassemble plus de 2500 membres répartis dans
65 pays du monde ;
? Les nombreuses associations indiennes et
chinoises regroupant plusieurs milliers de membres (American Society
of Engineers of Indian Origin, Chinese Association of Science and
Technology-USA, par exemple) qui sont particulièrement actives aux
États-Unis ;
? Les Marocains ou les Tunisiens ont
également plusieurs associations d'expatriés hautement
qualifiés, certaines francophones et d'autres présentes sur les
campus nord-américains (Savoirs et Développement, Tunisian
Scientific Consortium, Association des chercheurs enseignants tunisiens de
France) ;
? Les biologistes algériens
expatriés qui ont fondé un réseau disciplinaire
(Algebio) ».
3. Comment s'organisent et se structurent les
réseaux diasporiques africains du Grand Lyon ?
112
Le maintien des contacts avec les pays d'origine remonte aussi
loin que les vagues successives de la migration africaine en France. Mais c'est
à partir de 1981 que les premières associations villageoises
verront le jour avec un statut juridique officiel, dans le prolongement des
caisses de solidarité d'alors. La composition interne des
communautés évoluant, avec l'accentuation de la migration
familiale à la même époque (femmes et enfants venant
rejoindre le mari ou le conjoint en France), les associations communautaires,
habituellement repliées sur elles-mêmes, vont dans le même
temps rechercher plus souvent l'ouverture vers des réseaux qui ne
relèvent plus de la stricte logique villageoise.
Les contacts dès lors vont se multiplier grâce et
à travers les réseaux diasporiques primaires et secondaires de
niveau 1 au sens de la classification précédente : associations
ethno-régionalistes, associations nationales, collectifs d'associations,
associations professionnelles, étudiantes, diasporas scientifiques.
Dans le Grand Lyon, des diasporas, il en existe plusieurs,
originaires d'une même région. Aussi, parler d'Une diaspora
africaine parait inadéquat étant donné les
caractéristiques sociologiques, socio-politiques, linguistiques et
culturelles ainsi que les trajectoires historiques propres à chaque
groupe de migrants, et à l'intérieur de chaque groupe.
Dans le cas de l'Afrique, plurielle par ses peuples et leurs
cultures, la variété de ses trajectoires historiques,
économiques et socio-politiques, les déterminants, les formes et
les destinations, bref les dynamiques migratoires sont très
différentes d'un groupe diasporique à l'autre. L'histoire de
l'immigration en France depuis 1945 atteste de ces variations, nous l'avons vu.
L'immigration maghrébine et subsaharienne en France, si elles ont
été déterminées à la fois par l'effort de
guerre durant les deux conflagrations mondiales du 20e
siècle, puis par les besoins de l'industrie française en
main d'oeuvre durant les Trente Glorieuses, les formes et la temporalité
ont quelque peu divergé. L'immigration subsaharienne en France
s'étant accrue depuis les années 90, féminisée
à souhait et a vu émerger des migrants africains venus de pays
n'ayant eu aucun passé historique direct sinon de façon marginale
avec la France. Ainsi note-t-on aujourd'hui dans le Grand Lyon par exemple une
communauté importante de Ghanéens et de Congolais de la
République démocratique.
Les cultures et sous-cultures propres à chaque groupe
pays, les facteurs politiques et socio-économiques des pays d'origine de
même que les projets migratoires collectifs ou individuels des migrants
sont autant de marqueurs puissants qui soulignent la spécificité
de chaque migrant ou chaque groupe de migrants, selon qu'ils seront
Camerounais, Malgaches, Burkinabés ou Centrafricains.
Le contexte migratoire (ensemble des conditions socioculturelles, politiques et
économiques locales, nationales et internationales) influe
également sur les comportements individuels ou collectifs et forge les
représentations, les attitudes qui irriguent de façon complexe et
variable (selon le lieu, le temps et le groupe) :
? la relation des migrants avec la communauté nationale du
pays d'accueil,
? les contacts d'une communauté de migrants avec son pays
d'origine
? la force des liens entre membres de la même
communauté d'origine en France
? les relations entre communautés originaires du
même pays mais dispersées dans différentes villes
et régions de France et d'Europe : les Burkinabé de Lyon,
Bordeaux, Paris, Londres...
? les rapports entre communautés ethnolinguistiques
originaires des pays du continent africain : maghrébins et
subsahariens par exemple.
3.1. Caractéristiques générales des
organisations associatives de migrants dans le Grand Lyon : Entre lieu de
stabilisation identitaire et émergence d'un ghetto
identitaire
Le mouvement associatif migrant originaire de l'Afrique
subsaharienne tant au niveau national que local s'est beaucoup
transformé au cours de son histoire. De l'époque des caisses de
solidarité villageoises à la constitution des 1981 des
premières associations de migrants en France résolument
tournées vers l'entraide des membres et les transferts des ressources
financières, relationnelles et symboliques à la communauté
villageoise dans le pays d'origine , les associations subsahariennes se sont
aussi différenciées parallèlement, conjointement au
changement de la société. En dépit du fait que nous
disposions de peu de données sur le développement historique de
la vie
associative des migrants africains, spécifiquement dans le
périmètre lyonnais, nous nous sommes appuyés sur
l'histoire récente de ce mouvement associatif pour dégager
quelques grandes tendances générales toujours en vigueur
aujourd'hui.
Figure 5. Synthèse des différents types de
diasporas, inspirés de la classification proposée par Natalia
Buga (inspirée de sa thèse sur les réseaux
diasporiques).
Figure a. Réseau diasporique primaire Figure
b. Réseaux secondaires de type 1
d'accueil -Région C
Migrants dans pays
Migrants dans pays d'accueil -Région 1
Migrants dans pays d'accueil -Région 2
Migrants dans pays
d'accueil-Région D
M ig rants
Migrants dans le pays Migrants dans le pays
d'accueil A d'accueil C
d'accueil B
Migrants dans le pays
Pays d'origine (Le Centre)
113
Figure c. Réseaux secondaires de type
2
Migrants Allemagne
M i g r a n ts Migrants USA
Migrants Canada
Migrants Afrique du
Sud
Migrants France
Pays d'origine
Légende :
Figure a: Migrants sans aucun lien dans le pays d'accueil
(dominante associations communautaires)
Figure b : Migrants inter reliés dans
différents territoires du même pays d'accueil (type
fédérations régionales ou COSIM)
114
Figure c : Faisceau de relations entre collectifs de migrants
dans le même pays d'accueil et interreliés à d'autres
collectifs de migrants dans différents pays d'installation.
3.1.1. Plus identitaires et communautaires que
revendicatives
Par le socle communautaire (ethnique, national ou continental)
sur lequel elles se constituent et par la nature des activités qu'elles
mènent et des objectifs qu'elles s'assignent, les associations de
migrants subsahariens sont plus souvent identitaires que revendicatives.
? Elles sont plus souvent Identitaires
au sens où elles s'attachent, à quelque niveau que
ce soit (association familiale, villageoise ou réseau continental)
à maintenir un équilibre identitaire eu égard au contexte
fragilisé qui tend à déstabiliser. Elles ont en ce sens
pour vocation de répondre au besoin de s'individualiser par une
appartenance, en jouant ainsi un rôle de stabilisation des moeurs et des
valeurs dans ce contexte trouble , sans repères et l' environnement
pluraliste ; toutes choses qui forcent soit à l'assimilation pure et
simple à la culture dominante ( nationale ou régionale) soit
à la réaffirmation de sa spécificité culturelle, au
requestionnement et à la réinvention de son identité. Dans
le même ordre d'idées, Sandro Cattacin et Morena La Barba
soulignent que : « Ces associations [identitaires communautaires]
créent la confiance, de la sécurité ontologique, de
l'estime de soi ; des archipels dans une société plurielle
»153.
? Elles sont moins revendicatives en
Rhône-Alpes dans la mesure où très peu d'actions
portées par elles, individuellement ou collectivement, s'orientent vers
la promotion et la défense des droits sociaux spécifiques aux
migrants ou encore l'accompagnement de ceux-ci vers les dispositifs de droit
commun, ne serait-ce que pour ceux des publics ciblés par les politiques
locales d'intégration et d'insertion. En clair, une implication
collective et organisée fort marginale dans l'intégration sociale
prise dans ses multiples dimensions.
? En revanche quelques prémices d'actions
revendicatives commencent à se dessiner , nous l'avons
souligné déjà, portées par le collectif Africa 50,
fondée sur une base continentale donc transculturelle, tout au moins en
ce qui concerne la valorisation de la mémoire et l'histoire des migrants
dans la Région , leurs apports divers au développement de la
cité lyonnaise, puis les actions de prévention et lutte contre
les discriminations liées notamment à l'origine , d'où
l'accent mis sur les démarches de sensibilisation à l'inter et
à la transculturalité. De ce point de vue, les réseaux
associatifs de migrants produisent des ressources sociétales154
« qui doivent être prises en compte dans la politique
d'inclusion des migrants dans les sociétés d'accueil ».
Cette position d'entre-deux confère au Collectif Africa 50 un
caractère de réseau associatif communautaire, « politique
» et social, fondé sur une base continentale et non plus seulement
ethnique.
3.1.2. Une stratégie identitaire gagnante à
petite échelle mais un risque réel d'auto-exclusion dans
l'accès aux subventions publiques
153 Sandro Cattacin et Morena LA Barba : «
Migration et Association : La vie associative des
migrants - une exploration de leur rôle et développement en Europe
occidentale », octobre 2007.
154
Au sens qu'en donnent les deux auteurs pré-cités
: « la capacité de créer ponctuellement des liens
sociaux et fonctionnels entre les différents
groupes et sous-systèmes d'une société
territorialement précisée par des horizons communs de ses
composants », op.cit.
115
Si elles apparaissent plus faibles dans leur poids social et
politiques, elles restent néanmoins plus fortes dans leurs effets de
stabilisation identitaire. Le marquage identitaire des associations
subsahariennes du Grand Lyon a donc ses bénéfices en dépit
des a priori négatifs qui découlent des discours des
pouvoirs publics, souvent principaux bailleurs de fonds de ces organisations.
Et comme nous le soulignions déjà, la société
française, aveugle aux différences, a tendance à se
méfier des regroupements spatiaux et ethno-régionalistes de
personnes d'origine immigrée, même lorsqu'elle tend à les y
enfermer du fait de préjugés tenaces qui fragilisent la
cohésion sociale.
3.1.3. Les associations subsahariennes reflètent
aussi une hétérogénéité interne du point de
vue des statuts divers des membres
Il n'est par exemple plus possible de lire les associations
dans une logique relativement cohérente du point de vue des motifs de
migration ; on peut trouver dans la même association, par exemple, des
requérants d'asile, des clandestins ou des personnes avec un statut de
séjour stable. Des migrants primo-arrivants, des immigrés
d'ancienne installation et des immigrés naturalisés, davantage
d'hommes que de femmes dans les associations mixtes, toutes les
générations aussi s'y côtoient, ce qui occasionne parfois
un choc des valeurs, des cultures et amènent à des crises
internes qui peuvent conduire au blocage au niveau de l'exécutif, comme
nous le verrons plus loin.
3.1.4. Les associations des migrants cherchent des
coalitions dans une logique plus pluraliste mais peu de partenariats
stratégiquement forts
Les choix stratégiques des associations migrantes
d'Afrique subsaharienne se trouvent ainsi ballotés entre clôture
communautaire, inclusion de la population immigrée elle-même et
partenariat avec les acteurs étatiques et de la société
civile. Nos investigations nous ont permis d'identifier 3 types d'attitudes ou
de réactions qui fondent les stratégies relationnelles des
associations migrantes vis-à-vis du pays d'accueil. La classification
à venir s'inspire des travaux de Sandro Cattacin et Morena La Barba
déjà cités sur les associations de migrants dans l'Europe
occidentale d'après-guerre. L'enjeu et les gains potentiels de chacune
des stratégies varient d'un groupe à l'autre.
? la stratégie « Exit » ou
d'auto-exclusion: Cette réaction caractérise
particulièrement les associations
communautaires qui relèvent des réseaux
diasporiques primaires. Ici, tout tourne et s'oriente vers la communauté
du pays d'accueil et du pays de départ. Les lieux de rencontre sont
souvent homogènes (membres du groupe ethnique) et la visée de ces
regroupements se résume à la stabilisation identitaire. Ce sont
des associations globalement refermées sur elles-mêmes, même
si leurs membres peuvent , à titre individuel, participer activement
à la vie sociale de la cité et s'impliquer dans d'autres
mouvements pour défendre par exemple certaines causes.
? La stratégie « Voice » ou de
lutte de reconnaissance : les associations pluriethniques, nationales
ou
continentales, entrent dans cette catégorie et visent
avant tout à affirmer la spécificité de leur
identité, leur double culture, une particularité qu'elles
souhaitent voir prises en compte dans les politiques publiques d'accueil et
d'intégration des populations migrantes. Elles sont souvent
engagées sur le front de la lutte contre les discriminations, la
xénophobie et le racisme, réclament du respect et la
reconnaissance citoyenne des immigrés anciens ou primo-arrivants, en
déployant des actions à destination des populations
concernées mais aussi des pouvoirs publics souvent peu regardants des
particularismes. Cette catégorie d'associations pratiquent
déjà une certaine ouverture vis-à-vis des acteurs
extérieurs au groupe dans le pays d'accueil, multiplient des
partenariats avec des acteurs multiples appartenant à d'autres
réseaux : organisations de migrants et des non migrants, les
administrations étatiques, le monde de l'entreprise et les
fondations.
? La stratégie « Loyalty » ou
stratégie de coopération ou de participation aux
initiatives d'inclusion :
une troisième stratégie consiste à «
entamer par le regroupement de migrants un dialogue avec les
autorités du pays d'accueil. Cette stratégie de
coopération permet aussi de profiter de subsides pour
116
réaliser des mesures spécifiques d'inclusion et
fait des associations de migrants des ponts entre les besoins des migrants et
les options politiques ».
Si de manière générale l'augmentation en
poids de la stratégie de coopération est
caractéristique du monde associatif migrant contemporain, il reste que
l'implication des associations migrantes africaines dans les mesures
d'inclusion sociale dans le Rhône est marginale. Cela permet de penser
que cette stratégie de coopération reste à construire,
à renforcer, pour le bénéfice des populations migrantes
mais aussi des administrations locales dont l'intérêt est de voir
s'intégrer tous les migrants résidant sur son territoire pour une
longue durée du moins, en dépit des résistances qui se
manifestent de part et d'autre, et réaffirmer la cohésion sociale
au niveau de sa population globale.
Section 2: Émergence de l'esprit diasporique
panafricain à Lyon. Entre détermination et échecs
1. Genèse d'une diaspora panafricaine à
Lyon
L'une des tentatives majeures de construction d'un
réseau diasporique africain dans le Grand Lyon été la
création du Collectif des associations Africaines de Rhône-Alpes,
le CARA, qui marquait l'émergence d'une volonté des Africains de
Lyon et de la région Rhône-Alpes de travailler ensemble et
d'affirmer la présence de l'Afrique dans le territoire, à travers
des projets de développement solidaire et des actions allant dans le
sens du renforcement de la cohésion sociale au sein de la
communauté et dans sa relation à la société
d'accueil. Cette expérience inédite mobilisatrice a
échoué au bout de quelques années du fait de nombreux
blocages consécutifs aux dissensions internes : mauvaise gouvernance,
conflits personnels pour le leadership, tensions latentes
ethnico-politiques...avec pour conséquence une démobilisation des
membres... La dissolution de cette instance associative a eu pour
conséquence une balkanisation accentuée des associations
subsahariennes du périmètre lyonnais et, fatalement, une perte de
visibilité et de légitimité aux yeux du politique. Nous
citions déjà plus haut les propos d'un élu communal qui a
bien connu cette organisation. Un processus d'involution qui n'a pas
facilité le maintien à flots de l'idéal panafricain dans
la région.
Depuis lors, face à ce « trou structurel
»155 de la communauté associative subsaharienne, des
initiatives localisées d'agrégation des associations originaires
du même pays se sont multipliées : le CIRAL pour les Ivoiriens,
ANAN pour les Nigériens, ABRA pour les Béninois,
Fraternité Togolaise Novissi et CTRA pour les Togolais, ACTRA pour les
Tchadiens, le CACRA pour les Camerounais, SOPE pour les
Sénégalais , l'ABL pour les Burkinabé de Lyon , etc. Des
réseaux secondaires mais de type 1, au sens où ils sont apparus
peu interconnectés avec les réseaux diasporiques des
communautés d'origine dans d'autres pays d'installation.
2. L'AN II de l'émergence diasporique panafricain
à Lyon
Il faut attendre l'année 2010 pour qu'émerge un
souffle diasporique panafricain nouveau avec la Célébration du
Cinquantenaire des Indépendances des pays anciennement sous colonisation
française et dont les communautés 156sont quasiment
toutes représentées dans l'agglomération lyonnaise : le
lancement d'AFRICA 50, Collectif d'Associations de
Cultures Africaines et des Amis de l'Afrique, lancement qui a
bénéficié d'un retentissement médiatique et
politique bien au-delà des frontières de l'agglomération
lyonnaise.
155
D'après la théorie des réseaux sociaux, les
« trous structurels » correspondent aux "espaces vides" dans un
réseau social où aucune arête
ne relie deux sommets. En gros, dans le cadre de notre
étude, ils renvoient aux zones inoccupées qui s'étendent
entre les collectifs nationaux d'associations des migrants subsahariens dans le
Grand Lyon. Toutefois, renchérissent les théoriciens des
réseaux sociaux, « Les trous structuraux peuvent être
stratégiquement remplis en connectant un ou plusieurs noeuds ensemble.
Ils peuvent aussi être entretenus afin de maximiser la rentabilité
d'un réseau ».
156 On dénombre environ 58 nationalités en tout
dans le Grand Lyon, toutes origines confondues.
117
À l'issue de cette célébration s'est
dès lors posée la question de sa pérennité et de sa
vocation. Collectif d'associations pour quoi faire ? De l'intégration ?
De l'Insertion ? Du plaidoyer exclusivement ? Du développement solidaire
des pays d'origine ? Un outil de plus de promotion de la culture africaine dans
le Rhône ?
Faut-il y voir au contraire l'amorce d'une révolution
copernicienne de tous les membres de la communauté africaine du Grand
Lyon désirant être acteurs à part entière de la vie
économique, politique et culturelle de la cité « grand
lyonnaise » autant que des pays du continent africain dont ils sont
issus?
Avant d'en revenir au portrait, aux missions, activités
et les logiques partenariales qui ont cours au sein de ce collectif, un des
rares à porter l'ambition de fédérer les
communautés africaines, à l'échelle subsaharienne donc, il
convient de revenir sur l'ensemble des constats faits par les acteurs africains
eux-mêmes et desquels procèdent cette volonté de
fédération. Quels raisonnements, quels manquements les
responsables associatifs, solidaires de la démarche Africa 50 ou pas,
font-il valoir qui justifient une action fédérative ?
Section 3 : Réseau social et Capital social.
Pourquoi s'affilie-t-on à un réseau associatif de migrants
subsahariens dans le Grand Lyon ?
Réfléchir aux motivations d'affiliation aux
réseaux de coordination des actions des migrants c'est se poser la
question à la fois du capital social dont ces groupes et réseaux
disposent, leur efficience quant aux objectifs assignés, le degré
de relations ou d'interactions qu'entretiennent les acteurs membres de ces
réseaux, les rapports de forces qui s'y jouent, l'allocation des
ressources et l'accès à l'information de toutes les forces en
présence. En deux mots : La stratégie et les
intérêts des uns et des autres. Procédons à une
rapide exploration des points clés de la théorie des
réseaux sociaux et la théorie des champs de Pierre Bourdieu, qui
intègre le concept de capital social et mêle analyse macro (les
structures) et analyse micro (choix individuels).
1. Approche « bourdieusienne »
du capital social centrée sur les communautés
Pour le sociologue Pierre Bourdieu le capital social
désigne « l'ensemble des ressources actuelles ou potentielles
d'un agent qui sont liées à un réseau durable de relations
plus ou moins institutionnalisées d'interconnaissance et
d'interreconnaissance »157. Ainsi, lorsqu'un individu
possède un capital social fort, c'est-à-dire l'ensemble de ses
relations situées à l'intérieur et à
l'extérieur d'un réseau d'acteurs, il peut facilement mobiliser
ses « contacts » pour atteindre ses objectifs (interconnaissance) ou
encore « obtenir un appui nécessaire dans un contexte
particulier (interreconnaissance), maximisant ainsi le rendement de son capital
culturel, institutionnalisé ou non».
Alors que le réseau social s'appuie sur la construction
individuelle des relations qui constituent un réseau, le capital social
insiste lui sur la situation de l'individu qui s'inscrit dans une dynamique
sociale où son capital est soit hérité, soit construit. De
plus, la valeur de ce capital sera fonction de la « présence de
ressources réticulaires potentiellement "utiles", mais aussi des
ressources ou du capital détenu par les acteurs du réseau
»158
En nous inspirant de la théorie des champs de Bourdieu,
nous verrions dans la dynamique d'affiliation d'une association à un
réseau un jeu, qui plus est, ouvert. Le milieu associatif dans le Grand
Lyon et l'ensemble des relations qu'il entretient avec les bailleurs de fonds
divers étant le champ où se déroule le jeu. Pour Bourdieu,
chaque champ valorise un certain type de capitaux, et dans le cas
d'espèce la levée des subventions publiques et
157
BOURDIEU P. (1980), « Le capital social », Actes de
la recherche en sciences sociales.
158
LEVESQUE M. & D. WHITE (1999), « Le concept de capital
social et ses usages », Lien social et politique-RIAC, 41, pp.
23-33
118
privées, l'entrée dans les réseaux
d'importance permettant d'accéder aux informations les plus
stratégiques (appels d'offres, circuit décisionnel, contacts
utiles, etc.).
Dans cette veine, pour saisir les motivations qui portent les
uns et les autres à adhérer ou non à un réseau,
pour comprendre pourquoi les agents sociaux agissent comme ils le font,
Bourdieu convoque deux concepts :
? L'intérêt : qui est une condition
de fonctionnement du champ dans la mesure où il motive les gens
à
concourir pour l'enjeu : « En jouant le jeu, les
agents investissent leurs capitaux dans le champ dans le but de recevoir un
dividende et, par conséquent, d'augmenter la valeur des capitaux
»159.L'intérêt d'adhérer à un
réseau associatif peut donc être de plusieurs ordres : tout
d'abord pouvoir mener le projet et atteindre les objectifs que l'association
adhérente s'assigne ; ensuite l'accès à l'expertise des
uns et des autres pour la réalisation de ce projet , l'accès aux
financements, la recherche d'une référence ou labellisation
socioprofessionnelle qui confère du relief à une candidature par
exemple, la quête d'une visibilité auprès des acteurs
publics et privés pourvoyeurs des moyens d'actions, et la participation
aux activités du réseau qui peut servir la stabilisation
identitaire comme nous l'avons déjà souligné mais aussi
à la constitution d'un capital social utilisable ultérieurement
dans une recherche de fonds : participation aux forums, salons, rencontres
professionnelles en tous genres...Signe qu'il n'existe pas qu'un seul
intérêt, il en existe plusieurs, variables selon le temps et les
lieux.
? La stratégie qu'il définit
comme: « un ensemble d'actions ordonnées en vue d'objectifs
à plus ou moins long terme et non nécessairement posés
comme tels » ou encore des : « Lignes d'action objectivement
orientées que les agents sociaux construisent sans cesse dans la
pratique et en pratique, et qui se définissent dans la rencontre entre
l'habitus et une conjonction particulière du champ
»160. Donc, la stratégie est possible quand un
acteur possède les capitaux nécessaires et qu'il se trouve en
présence d'une situation sociale à laquelle il a un
intérêt à participer. Adhérer à un
réseau illustre un intérêt à quelque chose mais
exprime aussi une stratégie visant à s'appuyer sur son
réseau relationnel pour accéder à plus de ressources :
cognitives, financières, techniques, opérationnelles,
relationnelles, organisationnelles.
Les réseaux diasporiques composés d'associations
de migrants aux intérêts et objectifs multiples s'appuient sur la
notion de réciprocité qui conduit vers le capital social.
Autrement dit, ce sont les choix faits par les individus représentant
les associations adhérentes à un réseau qui fondent les
actions et les relations entre les individus. Celles-ci conduisent à la
construction de relations durables. Ces relations deviennent par
conséquent à la fois fondatrices du réseau social et
ressources pour les individus membres d'une association ou d'un collectif
d'associations.
2. Réseaux sociaux et qualité du capital
relationnel
Selon d'autres auteurs, qui nuancent les positions
bourdieusiennes ci-haut indiquées, les motifs individuels seuls ne
suffisent pas pour conférer de la ressource. Encore faut-il qu'elles
soient de qualité et surtout qu'elles soient rentables. La notion de
qualité du capital social implique l'idée que le
capital social possède des vertus à la fois quantitatives au sens
où elles sont rattachées au nombre de relations susceptibles
d'être mobilisées, et qualitatives dans la mesure où elles
sont reliées aux positions sociales des agents engagés dans ces
relations. C'est un point de détail qu'apportent Deschenaux et Laflamme
sus-cités:
« Le volume de capital social que
possède un agent est fonction de l'étendue du
réseau de relations qu'il peut mobiliser, mais aussi du
volume de capital (économique, culturel ou social) de chacun des
membres du réseau de relations auxquelles il peut
159
Frédéric Deschenaux et Claude Laflamme : «
Réseau social et capital social : une distinction conceptuelle
nécessaire illustrée à l'aide
d'une enquête sur l'insertion professionnelle de jeunes
Québécois »
160
Bourdieu, op.cit.
119
faire appel(...) La possession d'un capital social suppose
que l'agent aura mis en oeuvre, de façon consciente ou non, des
stratégies d'investissement social afin d'instituer ou de reproduire des
relations sociales directement ou potentiellement utilisables ».
Le sociologue J.Granoveter va lui aussi dans le sens d'une
étendue des relations qui confèrent du poids au capital social.
Mais il met un accent tout particulier sur la notion des liens distendus qui,
en dépit de leur apparente faiblesse, recèle un potentiel pour
l'enrichissement du capital social :
« Un réseau se compose de liens forts issus de
relations soutenues (par exemple des amis proches) et de relations plus
distendues, donc potentiellement faibles, avec des connaissances. Une personne
bien pourvue en capital social aura un réseau qui double les liens forts
de liens faibles diversifiés, lui permettant de pénétrer
d'autres réseaux. La force des relations étant tributaire de
l'investissement dans leur entretien »161.
En d'autres termes, un réseau fort et efficace c'est
celui qui sait tirer parti de « la force des liens faibles ».
Les liens faibles correspondent aux relations que l'on entretient se
situant hors du réseau d'appartenance. On peut atteindre ce
réseau extérieur ou réseau d'interreconnaissance
au travers d'un membre ou des membres du réseau
d'interconnaissance. C'est l'association des liens forts et des liens
faibles qui confère de la qualité à un capital social et
mène à l'élargissement de son champ de valorisation.
À tout prendre, la participation aux activités
d'un réseau, l' investissement d'un individu avec d'autres dans un
réseau d'acteurs, le volume des acteurs impliqués en termes
d'investissement, la réciprocité des échanges et la force
des liens faibles sont autant de facteurs qui participent à la
qualité et à la force du capital social. Celui-ci aidant à
accéder aux ressources de nature diverse utiles à la
réalisation du projet ou à la défense de la cause que l'on
porte.
Ainsi, pour Frédéric Deschenaux et Claude Laflamme
:
« Plus une communauté compte d'associations de
bénévoles, plus elle est en bonne santé. Ses membres se
font davantage confiance et le sentiment d'appartenance à la
communauté grandit, se traduisant notamment par une plus forte
participation électorale. »162
Ce point théorique des notions de réseaux social
et capital social effectué, penchons-nous à présent sur
les pratiques des associations des migrants d'origine subsaharienne en
matière de mobilisation des ressources relationnelles et leur
degré de rentabilité en regard des projets et causes à
faire valoir.
161 On doit la notion de « force des liens faibles » au
sociologue américain GRANOVETER qui publie en 1973 un article
intitulé : « The strenght of weak ties », American Journal
of Sociology, 78, dans lequel il développe ce concept.
162
Frédéric Deschenaux et Claude Laflamme, op.cit.
120
Chapitre 6. Motifs d'appartenance aux réseaux
associatifs selon les responsables associatifs membres des réseaux de
migrants à Lyon
Si toutes les associations des migrants subsahariens ne sont
pas nécessairement affiliées à un réseau associatif
dans le Rhône, une proportion importante de celles-ci s'en
réclame. De taille, d'âge , domaines d'actions d'importance
variables, les réseaux diasporiques identifiés au cours de notre
enquête ont des pratiques d'ouverture aux associations quelque peu
semblables. Ils sont en effet souvent composés par les mêmes
associations membres, à quelques différences près.
1. Les réseaux des migrants subsahariens du Grand
Lyon
Deux collectifs dans le Rhône et dont la
réputation dépasse les frontières rhodaniennes regroupent
l'essentiel des associations migrantes qui intéressent notre
étude. Ce sont :
? Le COSIM Rhône-Alpes, un
collectif des organisations de solidarité issues des migrations
, créé en 2007 qui regroupe 31 associations (cotisantes)
de migrants majoritairement subsahariens (en plus du Maghreb et l'Asie du
sud-est), tournés vers le développement solidaire des pays
d'origine et peu impliqués dans les actions d'intégration en
Rhône-Alpes en dépit de ce qu'indique l'un de ses objectifs
principaux :
?? renforcer la capacité des OSIM de Rhône-Alpes
à participer au développement de leurs pays d'origine, par un
appui individualisé au montage et au suivi de leurs projets ;
?? favoriser un mieux vivre ensemble ici en promouvant le
«faire ensemble» et en réunissant ici et là-bas les
acteurs de la société civile ;
?? faire connaître l'action des migrants en faveur du
développement solidaire et de l'intégration de leurs
diasporas.
Le COSIM est avant tout un opérateur technique d'appui
aux projets et qui a une compétence reconnue en la matière par
les instances institutionnelles autant que les associations qui y
adhèrent afin de bénéficier des prestations
d'accompagnement et de conseil : montage d'un projet, étude technique de
faisabilité, diagnostic de terrain, montage d'un dossier de financement,
bref toute la chaîne d'élaboration, d'exécution et de suivi
du projet. Le COSIM est un partenaire du FORIM en région parisienne et
les projets qu'il labellise peuvent bénéficier d'un appui
technique et financier grâce au PRA-OSIM, le dispositif de subvention mis
en place et lui-même financé par le Ministère de
l'Intérieur français.
? Le Collectif Africa 50, collectif
fédérant des associations de culture africaine et
caribéenne de même que
les « amis de l'Afrique », né en 2010
à la faveur de la célébration du Cinquantenaire des
Indépendances des pays africains anciennement sous colonisation
française. Il revendique aujourd'hui plus d'une trentaine
d'organisations membres, dont l'objectif est « d'assurer la
coordination des associations de
121
culture africaine et des amis de l'Afrique en vue de
créer, animer et gérer un espace pour promouvoir la
présence de l'Afrique et de la Caraïbe dans le Grand Lyon
».
S'il nous a été difficile d'identifier, comme
dans le cas du COSIM, celui ou ceux qui sont effectivement à
l'initiative de ce collectif ( migrants ou suggestion des instances
institutionnelles du Grand Lyon ), tant de versions divergent à ce
propos, tant à l'extérieur qu'au sein même de celui-ci, il
apparait à ce jour comme l'organisation la plus importante,
symboliquement du moins, fédérant l'essentiel des collectifs des
organisations associatives africaines ; et celle qui a les faveurs du «
politique » au niveau local pour deux raisons :
?? D'une part, la pertinence de la démarche
privilégiée par le collectif, intégrative, transculturelle
et émancipatrice, pour briser la clôture communautariste et/ou le
cloisonnement conscient ou non de certaines OSIM africaines et pour porter
ensemble des actions en termes d'intégration accomplie des populations
immigrées ( telle en est l'ambition en tout cas ) et la pleine
reconnaissance de leur contribution à la construction de la cité
du Grand Lyon et au-delà.
?? D'autre part, cette visibilité, en construction du
reste, tient au retentissement médiatique des conditions (très
discutées donc) de son contexte de naissance : la
célébration d'un événement historique ayant
d'importants sous-entendus et implications politiques si l'on en juge par les
avis de quelques-uns des acteurs associatifs enquêtés.
Africa 50 privilégie donc, en tout cas en
l'état actuel de son évolution, l'insertion par la valorisation
de la mémoire, la réappropriation de celle-ci par les descendants
d'immigrés nés ici et parfois tiraillés entre
méconnaissance de l'histoire de leurs origines et « vexations
sociales » diverses (discriminations à l'embauche,
déscolarisation, etc.) , et donc l'histoire de l'immigration, un des
pans de la politique publique d'intégration nationale des populations
immigrées en Rhône-Alpes.
L'avènement d'Africa 50 est l'expression de
l'envie d'union d'une communauté subsaharienne traversée et
caractérisée par tant de différences : historiques,
linguistiques, socio-politiques, culturelles...mais qui tente la construction
identitaire autour d'un socle commun : celui du lien originel avec le continent
africain. L'expérience migratoire, disions-nous plus haut, peut
être l'occasion de se réinventer, de fabriquer un espace culturel
et social inédit qui permette d'unifier les deux mondes qui habitent en
soi : la culture d'origine et la culture du pays d'accueil. Mais cette ambition
portée par le collectif ne va pas sans sa cohorte de rapport de forces,
de tensions que nous évoquons dans les lignes à venir.
Ce rappel fait, intéressons-nous à
présent, certes dans une moindre mesure, à un troisième
réseau d'acteurs associatifs qui compte lui aussi des associations de
migrants, il est vrai, en petit nombre :
? Le CADR, Collectif des Associations de
Développement en Rhône-Alpes, né en 1986 et
revendiquant une cinquantaine d'associations de solidarité
internationale actives sur les champs du commerce équitable, du tourisme
solidaire, du soutien aux projets de développement, de la finance
solidaire, de formation à la solidarité internationale. Il se
veut avant tout une plateforme de réflexion et d'échanges
d'expériences entres les associations membres, d'animation et de
sensibilisation à la solidarité internationale puis de mise en
réseau avec les acteurs institutionnels dont les collectivités
territoriales.
Le CADR a développé une expertise dans les
champs de la formation, de l'éducation au développement et
à l'économie sociale et solidaire, initie des débats, des
séances de réflexions et de production de connaissances
théoriques et pratiques sur des thématiques en relation avec la
solidarité internationale. Sa force tient à sa multiple connexion
à d'autres réseaux dont : le Réseau Paix et
développement, le Réseau Rhône-Alpes pour
Haïti, le Réseau Commerce Équitable et
économie solidaire, le Réseau Découverte et
Partage.
? Le Réseau d'appui à la coopération
décentralisée en Rhône-Alpes (RESACOOP)
122
À contrario du Cosim et du Collectif Africa 50,
initiatives des migrants, le Resacoop est l'émanation des
autorités intercommunales en Rhône-Alpes et regroupe les acteurs
de la solidarité et la coopération internationales de la
région dont quelques associations de migrants.
Ces trois réseaux ont donc en partage une
poignée d'associations de migrants investies ou qui tentent de
s'investir ici et là-bas en même temps. Mais ce commun
dénominateur ne constitue pas pour autant, de notre analyse, un pont,
une passerelle, une occasion de construire un partenariat fort entre ces trois
pôles associatifs. À la suite de nos échanges avec les
acteurs membres de ces trois instances, il est apparu nettement une absence de
collaboration réelle sur des thématiques transversales touchant
à la cause des migrants, tant en ce qui concerne le développement
solidaire que les actions d'intégration en France.
2. Des motifs d'adhésion multiples aux
réseaux associatifs
Il ressort de l'analyse des discours des acteurs associatifs
rencontrés durant ces quelques jours d'enquête trois
catégories de motivation. Adhérer à un réseau
étant avant tout un moyen et non une fin. En effet, selon les
associations et les projets qu'ils portent, le réseau associatif est
:
2.1. Un moyen de se connaitre et de se
reconnaitre
Lieu de construction ou du renforcement de l'identité
d'origine et du lien communautaire, les réseaux diasporiques
subsahariens sont le mécanisme qui confère aux diasporas
nationales leur existence indépendante par rapport au pays d'accueil.
Pour Georges Prévélakis, le réseau diasporique est ainsi
« un des éléments fondamentaux de la survie des
diasporas ; c'est ainsi qu'elles arrivent à combattre la tentation de
l'assimilation, comme si le capital iconographique se répartissait sur
un grand nombre de centres connectés entre eux
»163. À travers sa capacité à former
des réseaux, une diaspora acquiert son autonomisation, tant par rapport
au pays d'accueil qu'au pays de départ. Vis-à-vis du pays de
destination, l'autonomisation se manifeste par la résistance à
l'assimilation mais aussi par la pérennisation des valeurs acquises dans
le pays d'origine.
C'est tout le sens de la démarche du Collectif Africa
50 qui veut faire « exister » la communauté africaine du Grand
Lyon, étape par étape, en revisitant dans un premier temps
quelques pans de l'histoire des relations Afrique-France, du moins en ce qui
concerne l'agglomération de Lyon. Le questionnement de l'identité
des « Afropéens » du Grand Lyon en d'autres termes, exercice
par lequel passe, de l'analyse des coordonnateurs du collectif, une
intégration pleinement assumée et réussie des
immigrés. La mémoire ici a donné occasion au
réseautage et à la collaboration des subsahariens de la
région. Une stratégie identitaire dont nous doutons qu'elle soit
le motif principal d'adhésion de l'ensemble des membres du collectif.
2.2. Un moyen de connaître et d'être
reconnu
Le réseau d'appartenance prend les formes d'un espace
de fabrication, d'enrichissement et de mobilisation du capital social en vue de
la captation de ressources diverses, une carte à posséder dans
son jeu. Le réseau aide à identifier les partenaires
stratégiques, les interlocuteurs institutionnels, les dispositifs de
financement existants et d'autres ressources utiles à l'atteinte des
objectifs d'une association membre. Mais nous avons constaté qu'à
Lyon , au sein des organisations rencontrées, le capital social se
limitait bien souvent à l'accumulation de contacts ou de relations qui
permettent l'obtention privilégiée d'informations ou de
subventions, consacrant par là le primat de la logique de subvention sur
la logique de prestation de services en relation avec l'intégration ou
l'insertion des populations immigrées dans le Rhône. Il nous est
néanmoins paru difficile, en raison du mutisme de nos répondants
sur la question, de décrypter comment fonctionnait le système
d'interconnaissances et
163 Georges Prévélakis, Les réseaux des
diasporas, L'Harmattan, Coll. Géographie et Cultures, 1996,
443p.
123
d'interreconnaissance au sens du contact direct d'un membre du
réseau avec une personne bien placée eu sein d'une instance
pourvoyeuse de fonds. Le silence sur la question était
particulièrement de mise.
Toutefois, plusieurs témoignages concordants et
l'observation des pratiques partenariales des associations
enquêtées nous ont permis de noter une forme de planification
stratégique en termes d' expériences d'implication
variées, de participation multiple à différents
réseaux. Les réseaux COSIM et Africa 50 s'imbriquant, en
apparence du moins, dans une sorte de mutuelle adhésion de l'une
à l'autre. Mais, comme nous le verrons, le partenariat entre ces deux
types de réseaux, émanations de migrants subsahariens, est loin
d'être réel.
Au-delà du COSIM ou d'Africa 50, des associations, dans
une démarche individuelle, ont souvent fait le choix stratégique
d'adhérer à d'autres réseaux, selon leurs domaines
d'intervention. C'est davantage le cas des deux associations féminines
transculturelles dont ALPADEF. Cette Alliance panafricaine , présente
sur le front français et ouest-africain , en plus d'être active au
sein d'Africa 50 après être passée par le COSIM, est membre
de trois réseaux féminins nationaux ou locaux :
Supplément Dames, Résolink, Action'elles...qui
bénéficieraient d'un certain crédit auprès des
instances publiques. La présidente de cette association accorde une
importance particulière à la constitution des consortiums.
Construire des alliances stratégiques pour ALPADEF est donc un
impératif majeur. Au-delà des compétences de haute facture
la qui composent, l'association a une pratique de représentation, de
promotion d'elle-même qui peut la rendre moins dépendante aux
réseaux dont les droits de cotisation à l'année peuvent
souvent constituer un motif démobilisateur pour les organisations
associatives à petit budget.
2.3. Un moyen de participation
Participation que nous désignons ici avec M. Gauthier
et J. Piché comme : « la capacité des individus et des
groupes à influencer les orientations de la société et
à investir les lieux de pouvoir, et cela, peu importe le palier
d'activité où se dessinent et se prennent les orientations qui
dictent la vie en société »164. La
participation à la vie d'un réseau, la pleine implication dans sa
dynamique de reconnaissance recèle une potentielle rentabilité.
C'est en même temps un moyen de se reconnaître et d'être
connu. Elle peut aussi répondre simplement à un besoin de vivre
un idéal, de défendre une cause, sans une
arrière-pensée de rentabilité financière,
relationnelle ou symbolique.
En marge de notre enquête, nous avons aussi
découvert une pratique plutôt rituelle qui a cours au sein des
collectifs de migrants, et sans doute autre part : gonfler superficiellement
l'effectif des membres pour donner du poids au réseau et en
démultiplier l'influence fictive, y compris lorsque les associations
supposées membres ne se sont pas acquittées de leurs droits de
cotisation. Plus le réseau revendique un nombre conséquent
d'adhérents, plus légitime il semble apparaître au regard
des bailleurs de fonds, notamment publics, qui incitent assez souvent les
associations à se fédérer en réseaux en vue d'une
meilleure traçabilité de l'usage des fonds alloués et un
meilleur suivi des projets financés. Asseoir sa légitimité
en tant que collectif ou réseau afin de lever plus facilement les
subventions serait la motivation principale de cette pratique. Des responsables
associatifs interrogés se sont d'ailleurs étonnés de
figurer sur la liste des associations membres de ces réseaux alors
qu'ils n'y siègeaint plus et ne s'acquittaient plus des droits de
cotisation. Des associations sont-elles ainsi des membres fantômes de
réseaux des migrants comme en témoigne ce responsable associatif
:
« Le première année de notre
adhésion, j'ai payé. J'ai pensé franchement avoir un grand
retour. En vain. C'est ça le problème. En effet, on a
présenté des projets, portés par ce réseau,
même si ce n'était pas de sa faute. Pour nous ça devait
être un gain total. Mais ils ont été tous rejetés.
Alors je me suis dit :»Je ne vois pas l' »intérêt de
payer une cotisation pour je ne sais pas trop bien quoi. Et puis, après
3 ans d'existence, je pense que notre association est bien connue. Donc pas
d'intérêt d'en être toujours membre. Du coup, j'ai dit
clairement aux dirigeants : `'Moi, je ne paye plus. Vous me radiez si vous le
voulez `'. Eh bien ils n'ont pas du tout radié notre association. C'est
donc toujours exactement comme avant mais sans payer. Et chaque fois que
je
164 GAUTHIER M. & L. PICHE (2001), « Participation des
jeunes aux lieux d'influence et de pouvoir », L'Action nationale,
XCI(7), pp. 77-86
124
les vois, ils ne vont pas me demander de payer puisque j'ai
dit non. Sinon, j'y vais et je donne ma contribution en termes d'idées ;
c'est bizarre quoi ! ».
La démobilisation de certaines associations
interrogées, leur désolidarisation des réseaux
évoqués, de leurs démarches respectives, si pertinentes
soient-elles, tiennent aussi à tout un complexe de facteurs d'ordre
à la fois structurel, culturel, conjoncturel et personnel.
3. Migrants subsahariens du Grand Lyon : la Force du
réseau ? Inventaire des motifs de démobilisation des migrants de
l'engagement associatif
De l'aveu de l'ensemble des responsables associatifs
interrogés (une vingtaine environ), s'il est un commun
dénominateur à la balkanisation de la communauté
associative africaine du Grand Lyon et les velléités de
regroupement des communautés à l'échelle ethnique,
nationale et continentale, c'est bien en raison du constat globalement
partagé que les Africains, les Subsahariens du moins, peinent à
composer et travailler ensemble, pour toutes sortes de raisons. Les plus
communément évoquées pour expliquer la fragilisation des
initiatives intégratives étant :
3.1. Le pouvoir
Autour du pouvoir que confère la position de
Président, dont la réalité et
l'importance des privilèges varient d'une association à l'autre,
gravitent tout un ensemble de problématiques dérivées dont
:
? « La malgouvernance »
Des cas de mauvaise gestion, de détournements de fonds,
de non-traçabilité des investissements financiers
effectués par l'exécutif, d'absence de cap défini par le
« chef »...nous ont été rapportés, et qui ont
justifié la démobilisation massive des membres, ou le
démembrement ou pire, la dissolution pure et simple de certaines
organisations associatives dont la plus emblématique et la plus
mémorable est le Collectif des Associations Africaines de la
Région Rhône-Alpes ( CARA).
? La personnalisation à
outrance
Elle est subie dans le sens où toutes les
responsabilités incombent ou sont laissées par les autres membres
à la seule charge du président, souvent initiateur de
l'association. Il est donc considéré comme légitime qu'il
doive être sur tous les fronts. C'est souvent le cas pour les
associations de moindre envergure. Mais l'identification de l'association
à la personne du Président est souvent voulue et le pouvoir
devenant monopolistique au-delà des limites qu'en fixe le statut165
; ce fait d'abus de pouvoir a été
régulièrement énoncé au cours de notre
enquête.
? La lutte pour le leadership
165 Le président a pour attribution de convoquer le
conseil d'administration et les assemblées générales. Les
statuts précisent en temps normal le pouvoir du président mais
dans le cas contraire, ce dernier représente l'association dans tous les
actes de la vie civile. C'est lui qui, en cette qualité, passe les
contrats au nom de l'association : location, vente, achat, engagement de
personnel, mise en oeuvre d'une procédure de licenciement. De plus,
l'article L.225-56 du code de commerce français précise que le
président d'une association est investi des pouvoirs les plus
étendus pour agir en toutes circonstances au nom et dans
l'intérêt de cette dernière. Cela lui donne le droit en
particulier de prendre toute mesure conservatoire, en l'occurrence de suspendre
de leurs fonctions, les membres du bureau, alors même que les statuts de
l'association ne confèrent au président aucun pourvoir
particulier. Le président a donc qualité pour agir devant les
tribunaux au nom de l'association, que ce soit comme demandeur ou comme
défendeur, sans qu'il soit nécessaire que les statuts le
prévoient expressément. C'est à lui que devront être
délivrées les assignations à comparaitre, les
significations de jugement.
125
Corollaire du fait précédent, la lutte pour le
pouvoir au sein des associations subsahariennes est perçue comme l'une
des causes principales du délitement du lien communautaire et la
démobilisation des bénévoles. Les associations sont lieux
de débats, d'initiatives, mais aussi de tensions, de conflits parfois
bloquants. Cela est dû en partie au modèle organisationnel de ces
associations très hiérarchisé, vertical et qui accorde une
place centrale à la fonction du Président ou à un
comité restreint de personnes chargés de la définition et
la mise en oeuvre des orientations de l'organisation. Le pouvoir a tendance
à y être contesté en raison de la non-reconnaissance par
les contestataires de la légitimité ou de la
représentativité de la personne élue ou alors de la
non-reconnaissance d'une motion de démission du président
initiée par une assemblée générale. Selon certains
de nos répondants, ces conflits pour le pouvoir sont
particulièrement exacerbées dans les associations ayant
bénéficié d'importantes subventions et dont la gestion
peut être perçue comme non-transparente par une partie de
l'assemblée. Les cas de figure menant à la lutte pour le
leadership sont légion, en dépit de la fonction finalement
ingrate de présidente, particulièrement en période de
crise.
? La désarticulation entre culture du pays
d'accueil et la culture d'origine
Elle va se traduire par une appropriation insuffisante des
outils et méthodes modernes de gestion et de management des
organisations associatives, les modèles culturels du groupe d'origine
(qui s'appuient sur la force du consensus, l'adhésion aux positions du
chef en dépit des résistances souvent larvées) ayant
tendance à prendre le pas sur la culture démocratique (la force
de la majorité, la légitimité populaire, la transparence
dans la gestion...) que prône le code juridique appliqué au
management des associations en France.
Témoignage d'un membre d'un collectif d'associations
issues d'un pays africain et qui illustre à suffisance le tiraillement
permanent des migrants africains entre références à la
culture d'origine et la culture du pays d'accueil, selon les situations et les
contraintes :
« Nous avons toujours été une
société basée sur l'unité. C'est-à-dire que
lorsqu'on a un problème, on ne le règle pas tout seul dans son
coin. Donc chaque membre vient et chacun discute. Au milieu, il y a ce qu'on
appelle le chef du village, apparenté ici à un juge, et qui va
donner tort ou raison à untel. Et lorsque le verdict tombe, personne ne
le discute. Cela veut dire que l'autorité est installée. Or,
aujourd'hui dans notre association, il y a un problème qui se pose.
C'est que le chef n'a plus le rôle de juge. Il devient
décisionnaire et a tendance à tout imposer. C'est lui dicte
l'objectif à atteindre. Or, pour pouvoir définir un objectif, il
faut où toi-même tu veux aller. Si c'est pour faire des
soirées, nous on n'a pas besoin de chef pour faire les
soirées(...) Notre association est une structure démocratique
dans les textes mais pas dans la culture, parce que c'est la culture qui
détermine l'être humain. Si l'être humain ne se reconnait
pas dans sa culture et ne voit pas sa culture exprimée dans ce qu'il met
en place, il est complètement en déphasage. Et c'est ce qui
amène les guerres intestines. Donc la manière dont notre
association est structurée ne correspond pas à notre culture.
Parce que dans notre culture, on a le respect du chef. La manière dont
nous avons parlé du chef la dernière fois [contestation des
positions du président à propos d'une stratégie
partenariale à engager avec des structures non migrantes], on n'aurait
pas pu ».
Et cet autre président d'association,
dépité, qui regrette que la personnalisation à outrance de
la question du pouvoir, choisie ou subie, affecte des enjeux importants :
« C'est peut-être aussi un problème
démocratique. Se dire que si nous mettons aujourd'hui telle ou telle
personne à tel poste, c'est des mandats, 3 ans par exemple, puis on
renouvelle une fois. C'est aussi important d'expérimenter d'autres
personnes puis de faire en sorte qu'il y ait d'autres personnes qui prennent
des responsabilités et qui se forment pour les prendre. Donc il y a ce
travail qui à mon avis n'est pas suffisamment fait parce que cela
relève du long terme bien entendu, du renforcement des
compétences, des capacités. Mais on reste très souvent
englué dans le quotidien, le montage des projets, la course aux moyens
pour réaliser ces projets. Et on perd de vue finalement que chaque
action que nous posons, nous devons la mettre en perspective avec les
objectifs. Il y a ce décalage, ce déphasage, cette césure
qui pose problème. C'est pareil aussi dans le domaine du
développement. Les prêts, on finit par les considérer comme
une fin en soi. Alors que pour moi, c'est des étapes, des moyens...
»
? Le conflit entre les générations au
sein des associations
126
La difficile communication entre les « anciens et les
jeunes » est une des manifestations éloquentes du « choc des
cultures » à l'oeuvre dans les organisations associatives. Faisons
parler cet acteur associatif qui rend bien compte de cette tension
:
« Il y a dans nos associations, un problème de
génération ; la génération qui est la mienne
[trentenaire] n'est pas celle du président. Si tu veux, lui, sur
certains points, il va avoir une position pas très souple, rigide,
fermée. Moi je vais être plus souple. Je vais lui dire `'tu as
tort». Or, dire cela au président, chez nous ça ne se fait
pas. Ce n'est pas dans ma culture. Mais la culture occidentale veut que je dise
à mon président tu as tort. Ce qui a fait que j'ai pu lui dire
ça, c'est que j'ai été formaté. Je suis en France
depuis 23 ans. J'en ai aujourd'hui 38. Mais celui qui n'a pas été
formaté comme moi, qui est par exemple arrivé depuis 5 ou 10 ans,
lui il ne va jamais comprendre pourquoi un `'petit», parce que je suis un
`'petit», lui dit Non ! ».
Cette attitude est confirmée par un autre responsable
d'association qui estime que : « Il y a cette difficulté de
passer de l'implicite à l'explicite. Une difficulté à
trouver les moyens ou les mots pour dire les choses à un
aîné, à une femme, à un jeune, de façon
respectueuse, en lui faisant comprendre que ce n'est pas contre sa personne
mais pour viser l'objectif que nous nous sommes collectivement fixés
»
? Les rapports hommes/femmes sont aussi en
question
Une responsable d'association nous faisait ainsi remarquer que
dans l'essentiel des organisations des migrants du Rhône, peu nombreux
étaient les responsables femmes à la tête des associations
mixtes, y compris des collectifs. Sexisme, non-intérêt ou
non-disponibilité des femmes pour ces postes à
responsabilité ? Une enquête plus approfondie permettrait d'en
savoir un peu plus. Nous n'avons pas porté l'investigation plus loin sur
ce champ-là, faute d'interlocutrices et de temps.
? Le contrôle de l'information comme facteur de
renforcement des positions dominantes
Kamel Béji et Anaïs Pellerin soulignent que
« la recherche d'informations pertinentes dépend : de
l'accessibilité à l'information, de l'engagement et la
volonté du détenteur de l'information de la diffuser et de la
confiance accordée à l'informateur »166.
Or, au vu du comportement des migrants, en règle
générale, qui consiste à recourir plus souvent aux
informations provenant du réseau ou du lien auquel ils ont le plus
confiance, le réseau communautaire, la détention et la
rétention de l'information deviennent un attribut du pouvoir, comme en
ont témoigné nombre de nos répondants ; et parfois sources
de conflits entre le détenteur et les autres. Les informations pouvant
être diffusées au compte-gouttes, partielles, avec des biais ou
pas du tout selon les ressources en jeu. Parce qu'au sein d'un réseau
les informations accumulées peuvent être convergentes,
complémentaires, divergentes ou contradictoires, des théoriciens
des réseaux sociaux tels Ronald Burt (1992) suggèrent de «
bâtir des ponts entre les différents réseaux [qui]
permettrait pour les nouveaux arrivants d'accéder à une
information de meilleure qualité et de réduire les
possibilités d'émergence de biais informationnels
»167. En d'autres termes, les migrants récents en
recherche d'emploi gagneraient à recourir à différents
réseaux, ce qui permettrait d'accéder à plus
d'informations pertinentes et utiles à l'intégration dans
l'emploi, même si cette multiplication des réseaux ne va pas sans
un risque de biais informationnels, c'est-à-dire «
l'écart entre deux informations provenant de sources différentes,
soit entre l'information reçue et l'information pertinente
»168.
? La politisation latente des groupes associatifs des
migrants participe aussi de cette
démobilisation
Par politisation, nous entendons le processus par lequel pour
des raisons d'intérêts personnels ou collectifs manifestes ou
occultes, des acteurs d'une organisation associative vont prendre position sur
des questions liées à
166 « Intégration socioprofessionnelle des
immigrants récents au Québec : le rôle de l'information et
des réseaux sociaux », 2010, idem.
167
Ronald Burt, «Structural Hole: The Social Structure of
Competition», Cambridge, Massachusetts: Harvard University Press,
1992.
168
Kamel Béji, Anaïs Pellerin, idem.
127
la confrontation politique entre professionnels de la
politique dans le pays d'origine avec lequel l'association reste très en
lien et/ou dans le pays d'accueil. L'engagement politique en faveur de tel ou
de tel groupe, notamment en situation électorale, peut être
pourvoyeur de ressources, ou en tout cas faciliter l'accès à
celles-ci dès lors que les acteurs politiques soutenus, officiellement
ou de manière voilée, arrivent aux affaires,
généralement à la tête des instances administratives
qui octroient les subventions (Mairie, communautés de communes, conseil
général, conseil régional, etc.). Témoignage d'un
acteur associatif africain :
« Effectivement, ça c'est réel hein,
même si on est apolitique, on va forcément côtoyer des gens
qui sont politiques. Parce que quand tu organises un forum, une
conférence d'envergure et que tu présentes un dossier de
subventions, il y a des politiques qui sont en face, ce sont des élus
qui vont lire ton dossier ou en tout cas une partie et qui vont prendre la
décision. Même s'ils ne lisent pas tout ton dossier, ils vont
prendre la décision de t'accorder la subvention ou pas. Dans ce
cas-là effectivement, il y a la politique qui intervient(...) Mais
ça ne nous empêche pas de chercher d'autres subventions ou de
réaliser ces activités qui nous tiennent à coeur par
d'autres moyens ; Par les cotisations des bénévoles, nous on
réalise ces projets... ».
Toutefois, de manière générale, les
responsables d'organisations dites apolitiques se méfient de
l'engagement partisan au sens de la politique politicienne :
« Les politiques ici, on connait leur capacité
d'instrumentalisation. Ils veulent des adhérents, s'afficher :»nous
on est avec ceux-là... etc... .etc.» Afficher nos convictions c'est
important. Mais ce qui est malheureux, c'est encore cette tentative de
coloration pour bien se faire voir. Moi je dis qu'il faut absolument
éviter cette instrumentalisation-là. Nous sommes ici pour
réfléchir. » .
D'autres en appellent carrément à un apolitisme
radical et s'en expliquent :
« Le fait d'être apolitique c'est pour que tout
le monde se retrouve autour d'une table, bossent sur un projet....Faire sa
journée culturelle, faire son forum, sans parler de politique. Parce que
si tu parles...disons tu es de tel ou tel parti, ça va froisser les
gens. Il ne faut pas parler de politique. Notre objectif n'est pas de faire de
la politique. Par contre s'il y a une information qui concerne par exemple les
élections , le vote des ressortissants de notre pays ici, c'est une
information à passer qui n'est pas politique mais qui est un
devoir...s'il faut passer par l'association pour donner ces informations sans
prendre parti, on les donne...Après , au niveau du vote, chaque
adhérent vote pour qui il veut. Voilà ! Nous on ne parle pas de
politique au sens de la politique politicienne. Notre objectif n'est pas du
tout ça ».
C'est le signe que certains responsables associatifs restent,
en dépit des sollicitations de politiques, tout à fait lucides
quant à la nécessité de prendre part au débat
politique au sens de l'art de gérer la cité, du diagnostic, de
l'analyse et la gestion des questions sociales ou sociétales.
L'articulation Migration et Intégration en est. Telle est en
tout cas la conviction de ce responsable associatif pour qui la
résolution de la tentation du politique n'est possible que
:
« ...dans la mesure où on est capable de se
poser des questions de confiance, de l'équilibre entre
intérêts personnels et intérêt général,
de la capacité à résister pour ne pas se laisser
instrumentaliser. Être au clair pour ne pas se laisser solliciter par les
politiques ici , y compris les politiques de nos pays, comme ces associations
qui sont purement et simplement des relais ici de partis politiques locaux. Il
faut rester vigilant ».
3.2. Les causes attitudinales et le poids des
préjugés
? La crise de confiance mutuelle et la
non-reconnaissance de l'expertise des Subsahariens par la
« clientèle africaine »
;
La valorisation des compétences des migrants est un axe
que privilégient de nombreux acteurs par la promotion de la cartographie
de ces compétences, leur mise en relation, leur mise en relief et leur
mise à contribution dans les actions de développement
là-bas et d'intégration ici. C'est une démarche d'autant
plus impérative que les migrants ayant développé une
expertise dans un domaine particulier souffrent parfois d'une double exclusion
:
- la non-reconnaissance de leur expertise par la
communauté nationale des experts et qui se manifestent par
une sollicitation fort marginale des subsahariens de France dans les actions de
coopération avec les
128
pays africains, ce fait ayant été
confirmé par des associations de français engagées dans le
champ de la solidarité internationale notamment avec le Mali.
- La non-reconnaissance par les migrants
Subsahariens eux-mêmes qui auraient, de l'avis de certains de nos
répondants, un a priori négatif de l'expertise africaine
; Pour des raisons qui sont difficilement cernables tant elles
relèvent des croyances propres à chacun. Ce déficit de
confiance entre membres qui sévit au sein de la communauté
associative subsaharienne du Grand Lyon se nourrit du préjugé que
« le goût du travail bien fait est l'apanage du Blanc
», un préjugé tenace, stigmate psychoculturel des
années de colonisation mentale et qui est aussi à la base de la
fragilisation des réseaux d'acteurs associatifs migrants.
Cette situation selon certains responsables d'associations
conduit ainsi nombre d'organisations de migrants à ne pas recourir aux
savoir-faire et services des cabinets d'études par exemple (quand il en
existe) administrés par des migrants subsahariens, car ceux-ci sont
présumés « pas assez rigoureux ni compétentes
dans leurs démarches d'accompagnement, ni ponctuels ni discrets
». Cela relève-t-il de la « jalousie » entre experts
d'origine africaine livrés à une concurrence farouche dans un
microcosme (tout le monde se connait dans le Grand Lyon) comme justifiait un de
nos enquêtés ? Du manque d'ouverture et donc de la
méconnaissance des capacités techniques et opérationnelles
avérées entre experts ? Difficile à dire tant les avis sur
la question divergent.
Un médecin africain interviewé officiant dans un
grand hôpital de l'agglomération lyonnaise nous confiait ainsi que
les patients immigrés qui prenaient rendez-vous avec son service
préféraient consulter les médecins « blancs » et
« français ». Principale raison évoquée,
réelle ou supposée: les Subsahariens ne seraient pas assez
discrets et ne respecteraient pas assez le secret médical des
patients. Le thérapeute interviewé évidemment s'en
est défendu et a insisté sur l'importance de la
réputation, de l'image, de la présentation de soi, du
paraître chez l'Africain corrélée à la crainte de
l'opprobre sociale. Aussi, peu de patients migrants de cet hôpital,
venant consulter pour les tests de SIDA par exemple, éviteraient
soigneusement les médecins subsahariens. Cet évitement est
manifeste lors des salons locaux de la solidarité nationale ou
internationale où l'association de prévention et de lutte contre
le SIDA et les infections hépatiques que co-préside notre
enquêté tient souvent un stand de sensibilisation avec
distribution des moyens de protection (préservatifs notamment). Une
situation qui rend difficile le travail d'information et de prévention
contre les Maladies sexuellement transmissibles (MST) de cette association au
sein de la communauté subsaharienne, nous confiait son
co-président. L'adhésion à un réseau national
d'acteurs associatifs et institutionnels de lutte contre les MST répond
sans doute au besoin d'approcher par d'autres moyens cette communauté,
au travers des campagnes de sensibilisation de l'association nationale AIDES,
un de ses plus importants partenaires.
Au total, la crise de confiance entre Subsahariens affecte
fortement la volonté de travailler ensemble y compris au sein d'une
même communauté ethnique et occasionne une déperdition
d'énergies et de compétences préjudiciable aux initiatives
des migrants.
? Cette crise de confiance s'accompagne du
déficit de la culture du contrat et du respect de la
parole donnée
Ce qui pose la question de l'inscription des acteurs dans un
double cadre de référence culturel qui suppose de prendre en
compte autant les valeurs de la culture d'origine et celles de la
société de résidence. Un des responsables associatifs
rencontrés a fort bien résumé cette dialectique entre le
contrat écrit moderne et la force de la parole donnée des
sociétés africaines :
« Quand on donne sa parole, c'est très
africain. La parole c'était le lieu de l'engagement. Elle était
lourde de sens et elle était habitée. Il faut les deux. Il faut
ma parole et le contrat. Le contrat renforce davantage cet engagement mutuel.
Et la modernité de l'Afrique c'est de montrer que la parole,
l'engagement, le poids que l'on donne à la parole c'est moderne, c'est
d'aujourd'hui. Et que lorsque les contrats capotent, c'est tout simplement
parce qu'elles étaient basées seulement sur le papier. Et qu'on
n'avait pas travaillé suffisamment sur la dimension confiance,
communication, relation.... ».
129
Une confiance déficitaire, comme on l'a vu, du fait des
pré-jugements qui affectent les rapports entre acteurs sociaux de la
même communauté panafricaine :
« ...tout à fait ! Et c'est là que
quand je parle de passeur de culture, c'est de dire :»qu'est-ce qu'il y a
de bon dans le papier qu'on signe `', `'qu'est-ce que ça implique
?», `'qu'est-ce que cela représente ? `' . Je dirais que quand on
est biculturel ou multiculturel et qu'on le vit comme une richesse et comme une
ouverture, comme un renforcement, à ce moment-là on essaie de
capter, de se passer le meilleur de toutes les cultures en disant que ça
permet de mieux être soi-même et de mieux être ensemble les
uns les autres(...) C'est là aussi que les associations à travers
les réseaux et les collectifs peuvent permettre des avancées,
l'acquisition de cette culture de la parole donnée et du contrat. Il y a
des manquements sur les deux plans : africain et européen. Le fait que
quand on est un collectif on a un souci de se donner des
règles».
? Une insuffisante incorporation des règles du
code des associations en France, des règles de
fonctionnement et des outils modernes de management
des organisations associatives
Cette situation a conduit à des situations telles que
l'incurie dans la gestion des fonds de l'association, la personnification de
l'association souvent par le créateur, les blocages statutaires
consécutifs à une interprétation à
géométrie variable des dispositions des statuts et du
règlement intérieur. La quasi-totalité des responsables
associatifs interviewés ont déploré cet état de
fait, sans jamais se mettre en cause eux-mêmes. Nous avons toutefois
donné la parole à des membres simples de certaines associations
qui nous ont fait part d'une liberté d'interprétation des
dispositions des statuts de l'association selon la position au sein de
l'organisation et selon la génération des acteurs
concernés. Une des raisons du conflit des générations
évoquées plus haut réside dans la difficile cohabitation
des règles de la démocratie à l'occidentale et les
règles coutumières de gestion des groupes et règlement des
litiges. La jeune génération estimant que les anciens
s'arcboutent sur le sacro-saint principe du droit d'aînesse pour ne pas
avoir à engager l'association vers des actions plus progressistes, des
actions d'ouverture par exemple ; les anciens estimant que les jeunes manquent
de plus en plus de respect aux aînés et aux valeurs
traditionnelles de la communauté d'origine.
D'où les préconisations émises par
certains de nos répondants, notamment de promouvoir au sein des
associations subsahariennes la culture de l'évaluation mais aussi de la
critique positive qui permettent de progresser vers le mieux-faire. C'est le
cas de ce responsable associatif pour qui, en plus de la restauration de la
culture de confiance, du respect du contrat et de la parole donnée, des
vertus du débat contradictoire, il faut aussi :
« (...) une culture de l'évaluation et faire
une pédagogie afin de faire comprendre que ce n'est pas un
contrôle ; la faire de façon positive. Il y a des gens qui voient
souvent l'évaluation comme un contrôle ou une sanction mais il
faut montrer l'évaluation dans son aspect positif et contributif
à l'évolution, au progrès. On évalue pour
progresser. Il faut intégrer ça ».
Cela dit, les conséquences logiques de la crise multiforme
de confiance entre Subsahariens sont nombreuses :
? Le délitement du lien
communautaire
L'expérience migratoire qui fonde ou renforce le lien
communautaire peut, à certains égards, en provoquer son
affaiblissement. Cela tient à la qualité et à la force des
relations qu'entretiennent les acteurs au sein d'un réseau. Une
qualité qui se déprécie au vu des clôtures
communautaires qui persistent entre groupes diasporiques, ou des tensions qui
agitent jusqu'aux micro-communautés qui jouissent habituellement d'un a
priori positif pourtant trompeur. Nous avons ainsi assisté à de
vives tensions entre membres de bureau d'un collectif d'associations de
migrants d'origine ouest-africaine, migrants perçus de
l'extérieur comme une communauté harmonieuse et très
intégrée à l'image de la stabilité socio-politique
du pays d'origine. La réalité en interne est évidemment
toute autre.
D'aucuns ont mis cet affaiblissement du lien communautaire et
le primat des individualités sur le compte de la guerre que se livrent
groupes et individus pour la captation des ressources et d'autres l'expliquent
par une identité culturelle qui se perd au contact de la culture du pays
d'accueil et qui justifierait les sursauts panafricanistes visant à se
prémunir contre toute tentation assimilationniste. C'est le discours et
l'idéal de reconquête identitaire que
revendique le collectif Africa 50.
130
? La démobilisation des adhérents et la
faiblesse du bénévolat
Ce sont aussi une des caractéristiques des associations
subsahariennes du Grand Lyon. Peu de disponibilité des
bénévoles happés par les urgences et les charges
professionnelles et familiales de la vie quotidienne ou ne voyant pas
d'intérêt ou de gain direct à leur engagement. Ce que
confirme Jean-Baptiste-Meyer et alii169, estimant que les
organisations de migrants :
« (...) sont généralement de petites
structures (en nombre de membres et en ressources) qui comptent principalement
sur la disponibilité de chaque membre. Ces derniers consacrent le temps
résiduel (hors temps de travail et hors temps familial) aux
différentes tâches concernant tant le fonctionnement de
l'organisation que les rapports avec les divers acteurs du pays d'accueil et du
pays d'origine. Cela est à l'évidence un facteur de
fragilité et attire l'attention sur la nécessité d'une
professionnalisation, dépassant le simple volontariat, ce qu'une
intégration de type fédératif peut permettre
».
À ce « temps résiduel » du
bénévole s'agrègent les facteurs démobilisateurs
soulignés plus haut, la faiblesse du bénévolat associatif
subsaharien est une conséquence directe du lien communautaire qui se
délite et de la prééminence des intérêts
particularistes sur l'intérêt général qui se perd,
nous ont confié, amers un répondant sur deux. Nous avons
d'ailleurs noté dans la même veine un engagement très
marginal des retraités qualifiés ou semi-qualifiés et les
migrants âgés de manière générale dans les
activités bénévoles des associations de
développement solidaire et d'insertion en France, là où la
situation dans les associations françaises est différente , avec
une très forte implication des retraités ou personnes
âgées dans la vie associative. Différences de culture ?
Est-ce le fait de facteurs purement conjoncturels liés à la
situation matérielle, familiale et socioprofessionnelle personnelle des
migrants concernés ? Nous n'avons pas eu l'occasion de rencontrer
individuellement les migrants âgés pour nous enquérir des
causes de cette attitude.
? La notion de l'africanité des
migrants d'origine subsaharienne en France et dans le Grand
Lyon
est elle-même en question
En effet, le délitement de ce lien communautaire trouve
aussi explication dans la façon dont chacun vit son «
africanité » et la reconstitution de l'idéal culturel
africain par sa promotion dans le département du Rhône.
L'africanité ici diffère selon les générations, les
projets migratoires, les groupes communautaires, la situation socio-politique
des pays de départ, le degré de mixité interculturelle des
alliances familiales, etc.
L'africanité, dans notre entendement, c'est le
sentiment d'appartenance d'une personne à un groupe d'individus
liés « culturellement » par un ensemble de manières,
conscientes ou non, de faire, d'agir, de sentir, d'être à soi et
au monde, de penser, par la similitude des invariants liés aux us et
coutumes des groupes ethniques et qui transcendent les frontières
politiques et linguistiques. Les individus constitutifs de ce groupe culturel
sont originaires (directement ou par leur ascendance immédiate) de
l'Afrique subsaharienne. Ils sont conduits, volontairement ou non, à
cohabiter plus ou moins pacifiquement, puis à construire et partager une
vision, mieux, un regard endogène sur le monde, une philosophie de
l'être et de la vie, et une relation à l'Autre influencée
par moult facteurs.
L'africanité tient aussi au partage d'une
mémoire commune construite autour des traumatismes et expériences
douloureuses liés à la Traite négrière,
l'esclavage, la colonisation, la participation de la « force noire »
à l'effort des deux guerres mondiales et ses répercussions
multiples sur les soldats africains et leurs descendants , les
problématiques actuelles des économies en déliquescence ,
des situations d'anomies socio-politiques et de
169
Diasporas Scientifiques. Comment les pays en
développement peuvent-ils tirer parti de leurs chercheurs et de leurs
ingénieurs
expatriés ? (sous la coordination
scientifique de J-B Meyer, Rémi Barré, Valéria Hernandez,
Dominique Vinck), IRD, collection Expertise
collégiale, Paris, 2003, p.62
131
profonde crise des valeurs morales , sociales et
sociétales , de l'élargissement du fossé entre les
élites politiques et le peuple ; des phénomènes qui
drainent des transformations permanentes et en profondeur des
sociétés africaines contemporaines et des personnalités
individuelles.
Un essai de définition loin d'être parfait mais
qui ne doit cependant pas minorer l'idée qu'au-delà de ses
caractéristiques « objectives », l'africanité
est avant tout une affaire de perception et d'appréciation
personnelles, une notion à géométrie
variable qui, par les manoeuvres de l'Histoire , mute avec le temps, avec les
gens , avec l'espace et les mouvements migratoires des populations, les
réalités et conditions historiques propres à chacun selon
ses origines, ses trajectoires de vie et son projet migratoire
personnel170. L'africanité varie donc, c'est une
dynamique, une dialectique, un état en mouvement, qui enfle ou
désenfle selon les contextes.
Les subsahariens du Grand Lyon n'échappent pas à
cette observation. Les acteurs entendus au cours de l'enquête ayant
déploré le délitement de ce sentiment communautaire en
dénonçant le primat des intérêts particularistes des
uns et des autres sur l'intérêt général, le peu
d'ouverture de certains acteurs associatifs à la culture
démocratique de la société d'accueil, la tentation et la
personnalisation à outrance du pouvoir au sein de quelques organisations
, le manque de rigueur dans la gestion de la chose commune et plus encore les
disensus
ethno-politiques qui fragilisent le mieux vivre ensemble au
sein même de la communauté associative subsaharienne du Grand
Lyon.
Débattre de cette problématique (et notamment de
la substance que chaque rhodanien se reconnaissant dans une quelconque origine
subsaharienne veut bien donner à ce concept) est d'autant plus
essentielle qu'elle influe directement sur le vouloir-agir des acteurs, les
motivations, l'implication des uns et des autres dans le renforcement des liens
communautaires, au sein et en dehors des associations et la réalisation
des actions collectives de développement économique et social au
bénéfice de l'ensemble des migrants et des non-migrants.
Refermons cette section avec cette analyse ô combien pertinente du
journaliste et sociologue Ndongo Mbaye:
« Une première réalité s'impose
de manière flagrante : (l'africanité) est seule. Que
véhiculent les concepts (si tant est qu'ils existent ?)
d'européanité, d'américanité, d'asiaticité,
d'océanité ? Rien. Ou en tout cas rien de palpable tant dans une
dimension et une perspective historique, sociologique, économique que
culturelle et politique. Dès lors, l'africanité ne serait-elle
pas une sorte de monstre du Loch Ness, d'Arlésienne dont on parle, mais
que personne n'a jamais vu ? N'est-elle pas une simple commodité
lexicale dont la signification chercherait en vain son sens ? Et à
supposer même qu'elle existe, il faudrait poser les fondements de la
réalité de sa représentation et de son
autoreprésentation (...) Étant entendu que la vision de
l'Africain sur son `'Africanité» (supposée ou
présupposée) ne sera sûrement jamais la même que
celle dont on l'affuble, aussi riches et scintillants qu'en soient les
oripeaux. Que peut signifier `'africanité» pour les paysans de
l'Afrique profonde, pour les éleveurs des contreforts du Fouta-Djalon,
pour le commerçant dioula, pour le pêcheur Lebou ou pour le Dogon
? Parlez-lui de valeurs et de traditions africaines eu égard à
son ethnie, à sa tribu, à son aire de vie, à son cercle
d'us et coutumes : il vous comprendra mieux. »171
3.3. Les facteurs conjoncturels
? La faiblesse des ressources disponibles des
associations explique pour une grande part le primat
des logiques de subvention des activités
menées sur les logiques de prestation
Il s'en suit que les associations de migrants s'engagent peu
dans les champs où la concurrence pour l'accès aux subsides de
l'État est particulièrement rude. C'est le cas dans les secteurs
de l'intégration sociale et l'insertion par l'emploi, la langue et le
logement où les organisations des migrants subsahariens sont si peu
actives. La politique
170 C'est typiquement le cas des migrants âgés
tiraillés entre le désir du retour dans le pays d'origine et la
prolongation du séjour dans la société d'accueil.
171
Ndongo Mbaye, extrait de l'article « A la recherche de
l'Africanité » in l'Africanité en
questions, Revue Africultures, 2001.
132
d'intégration nationale est sous-traitée
principalement aux associations françaises d'intégration sans les
acteurs migrants eux-mêmes, en d'autres termes.
· La non-ouverture aux acteurs non migrants
(associations, entreprises, groupes, pouvoirs publics) et le cloisonnement
communautaire expliquent en partie ce peu de visibilité auprès
des acteurs majeurs de la question migratoire et
intégrative
C'est ce travail de décloisonnement que portent et
animent de plus en plus des collectifs associatifs transnationaux tels Africa
50, le COSIM, le Forim. Les collectifs nationaux des migrants subsahariens
restent pour autant encore très recroquevillés et pas toujours au
fait des dispositifs et moyens disponibles pour accompagner les leurs dans le
processus d'intégration économique et socio-professionnelle.
Au final, en raison de ces facteurs bloquants, les
Subsahariens du Grand Lyon, pourtant désireux d'unité et
d'action, peinent à construire un projet associatif global,
cohérent, intégré, fédérateur qui serait
suffisamment fort, légitime et visible pour susciter l'adhésion
du grand nombre, mobiliser l'ensemble des compétences, même
lointaines, engagées ou non dans la vie associative. Les raisons de la
démobilisation ici évoquées ne sont pas exhaustives. Tout
juste sont-elles les plus significatives au regard des discours exprimés
par nos interlocuteurs durant la série d'entretiens que nous avons
menés dans différentes communes de l'agglomération
lyonnaise. La situation est-elle pour autant sans issue ?
Nombreuses sont celles qui restent déterminées,
comme le Collectif Africa 50, Alpadef, le promoteur du Centre ACF, l'A2P
Nord-Sud-Sud, Miferval, Passerelle Ngam, l'ABRA ou encore l'ABL
portées par la conviction qu'une révolution peut se faire
avec une poignée d'hommes et de femmes de « bonne volonté
», dès lors qu'un premier pas est fait sur le chemin de ce que la
communauté associative africaine du Grand Lyon voudrait être dans
un monde culturellement complexe mais si riche d'occasions de rencontres et de
partage. C'est fort de cette conviction que nous aussi nous hasardons à
proposer quelques pistes d'actions, sans doute déjà
envisagées par les acteurs susmentionnés...ou pas.
4. Quelques Préconisations en faveur du
regroupement fécond des associations des migrants en collectifs
départementaux et en une fédération
régionale
Tout d'abord, un rappel des éléments justifiant
et légitimant le renforcement des démarches intégratives :
la fédération des groupes associatifs subsahariens du Grand Lyon,
la mutualisation de leurs forces et moyens, la mise en commun et en
cohérence de leurs actions dans le double champ du développement
et de l'intégration :
> Le contexte difficile d'accès aux subventions de
l'État en raison d'une forte baisse du financement des associations
enregistrée depuis les 5 dernières années, sous la
présidence Sarkozy notamment ;
> la forte réduction du nombre d'associations
partenaires de l'État dans le champ de l'intégration ;
> le développement des marchés publics et
des appels à projets qui a entraîné une augmentation du
niveau d'exigence des pouvoirs publics et bailleurs de fonds en matière
de professionnalisation des associations en plus de la qualité des
réponses exigées ;
> la concurrence rude auxquelles sont confrontées
les associations de migrants de petite taille et ne disposant que de
très peu de moyens ;
> la concentration des subventions publiques sur des
associations d'envergure et de modeste taille sélectionnées avant
tout sur la base de l'ancienneté du partenariat avec l'État, les
critères de qualité et de professionnalisme et qui disposent de
moyens rédactionnels, techniques, financières pour
répondre aux
133
appels d'offres, ceux qui leur assurent une certaine
visibilité, gage de légitimité pour obtenir un financement
;
? la fragilisation et la non-visibilité des
associations subsahariennes dans l'espace public qui résultent de leur
extrême atomisation, trop souvent tentées qu'elles sont par
l'isolement et l'exclusivité dans le portage du projet, démarches
de collecte de fonds au succès pourtant limité comme en
témoignent de nombreux responsables associatifs eux-mêmes ;
? la confusion régnant dans l'esprit des politiques,
administrations étatiques et l'opinion publique entre associations
communautaires et associations communautaristes ;
? l'absence criante des structures associatives issues des
migrants au sein des instances de concertation et d'élaboration des
politiques publiques d'intégration et d'insertion dans la région
Rhône-Alpes et dabs le département du Rhône ;
? la trop faible proportion des associations des migrants
ayant remporté un marché public dans le domaine de
l'intégration/insertion et ce qui en ferait des partenaires de
l'État...
Ce contexte peu favorable aux démarches individuelles
nous amène à penser à la suite de l'ensemble des acteurs
entendus durant cette enquête qu'une initiative fédérative
ferait reculer les obstacles. Pour ce faire, quelques actions préalables
nous apparaissent indispensables :
? OEuvrer à l'élaboration et la mise en
place d'une seule et unique fédération172 des
associations des migrants subsahariens, démocratique, disposant
d'une assise départementale et régionale forte. Cette
fédération s'appuierait sur une démarche doublement
revendicative et partenariale avec les institutions ad hoc de l'État.
Régionale, elle serait donc représentative de collectifs
associatifs issus des 8 départements de Rhône-Alpes (un par
département), disposant des compétences étendues puisque
s'appuyant sur un réseau d'associations de migrants et non-migrants
spécialisés dans des champs spécifiques (ingénierie
de la formation, gestion de projets de développement,
création/reprise d'entreprise, soutien scolaire des jeunes, insertion
par l'emploi, le logement, accompagnement des migrants âgés, des
femmes...), bref porteuse d'un projet associatif global régional
structuré autour de deux axes principaux :
?? l'intégration et l'insertion
multidimensionnelle des migrants dans la région en relation avec les
objectifs du PRIPI Rhône-Alpes d'une part,
?? l'aide et le développement solidaire avec les
pays d'origine d'autre part.
Construire une fédération de collectifs
associatifs départementaux suppose en même temps une structuration
au niveau local des organisations fédérées. Il serait
souhaitable quelle que soit la configuration organisationnelle qu'elles
conservent une part d'autonomie et une personnalité propre. Il s'agit de
faire émerger Un et un seul collectif d'associations de
migrants subsahariens par département, clairement
identifié, aussi bien par les
172
Extrait de l'ouvrage collectif Diasporas Scientifiques
(sous la direction de Jean-Baptiste Meyer), IRD, 2003, p.62 :
« Le modèle de la
fédération d'organisations locales,
observé dans plusieurs cas, améliore la capacité de
négociation avec le pays d'origine et d'accueil. L'émergence
actuelle des fédérations d'organisations de migrants offre aux
DST la possibilité de s'associer à d'autres pour le
développement de projets (...) Cette
modalité organisationnelle en fédération représente
en effet un atout incontestable pour Les diasporas car elle permet de
gérer une masse critique relativement importante d'expatriés et
une pluralité de spécialisations professionnelles et de registres
d'investissement(...)Ces fédérations ont pour vocation de doter
Les associations de capacités d'action pour mener des projets de
développement dans les pays d'origine. Voici Les objectifs de ce
regroupement : la mutualisation des compétences et le partage de
ressources techniques, le développement de la formation
des membres et la professionnalisation de leurs actions, la
capacité de négociation avec les institutions d'État (pays
d'origine et d'accueil) et l'accès au financement de
projets et à des fonds de coopération. Les
fédérations, disposant de plus de ressources, d'infrastructure,
de relations sociales, peuvent parfois embaucher du personnel administratif,
permettant aux membres des associations de se concentrer sur les
activités de coopération et de développement du pays
d'origine et sur la création des liens entre ce dernier et le pays
d'accueil.».
134
immigrés porteurs de projets que par les partenaires
privés et institutionnels. Les collectifs départementaux
pourraient ainsi bénéficier de l'appui de la
fédération régionale ainsi constituée, laquelle
pourrait à son tour intégrer une confédération
nationale des fédérations régionales des migrants, sur le
modèle des réseaux des AGEFIPH (Association de gestion du
Fonds pour l'Insertion professionnelle des personnes
handicapées)173 ou du CRAJEP
déjà cité. L'enjeu ici étant de :
> Contribuer au développement économique et
social des immigrés à l'échelle de la région tout
en s'ancrant avec cohérence dans les initiatives de l'État qui
vont dans le même sens ;
> Faciliter l'identification des organisations
associatives des migrants par les pouvoirs publics et les partenaires
privés multiples afin de consulter celles-ci dans le cadre de
l'élaboration des politiques publiques en rapport avec
l'intégration et l'insertion des immigrés (primo-arrivants,
femmes, migrants âgés, descendants d'immigrés...) ;
> Porter un projet cohérent, collectif, lisible,
des revendications et recommandations discutées et approuvées par
les migrants, et la mise en oeuvre par ceux-ci des actions de
développement social en faveur des immigrés en butte aux
difficultés d'insertion sociale et professionnelle ;
> Échanger des informations permettant d'optimiser
et reproduire les bonnes pratiques, tirer profit des expériences des uns
et des autres ;
> Aider à formaliser les réseaux informels
préexistants ;
> Asseoir et renforcer la légitimité des
organisations associatives des migrants en tant que partenaires viables,
capables d'initiatives, de production de solutions, de co-construction ou
co-gestion avec l'État et les partenaires tiers des actions
d'accompagnement et d'insertion des publics en difficulté.
· S'appuyer pour ce faire sur un socle
fédérateur particulier, une cause spécifique commune pour
laquelle une mobilisation est identifiée par tous comme souhaitable et
pertinente, une cause qui pourrait inciter les Africains de France, toutes
origines confondues, à construire une diaspora forte, visible et
entreprenante au sens où le sont diasporas chinoise et indienne.
Promouvoir et renforcer l'esprit et l'identité panafricaine qui puisse
irriguer les pratiques et les attitudes et inspirer des initiatives
transnationales sur le continent africain ;
· Consolider les liens de confiance entre les
migrants récents, anciens et les différents réseaux
sociaux, formels et informels, que leur ouvrirait la
fédération pour faciliter ou fluidifier le processus de
l'intégration sociale, économique et professionnelle. Et donner
enfin sens à la formule « Force du réseau » et
l'appliquer légitimement aux subsahariens du Grand Lyon ;
· Faire reculer la logique de subvention au
profit de la logique des prestations en concevant et développant des
services divers (inspirés de la demande sociale ambiante) en direction
des publics migrants en difficulté et répondant, entre autres
besoins, aux impératifs des politiques publiques d'insertion et
d'intégration ; la participation à ces politiques se
concrétisant via la formalisation des offres et des candidatures aux
appels à projets, appels d'offres et les subventionnements directs des
structures administratives nationales et européennes en charge du suivi
et du financement de ces actions:
o Offre de formation multi-champs :
linguistique, civique, professionnelle, et développement de
compétences individuelles, pour les membres du réseau manifestant
ce besoin, et en direction
173 L'AGFIPH est une association nationale
agréée par le ministère du travail, de l'emploi et la
formation professionnelle qui oeuvre pour l'insertion ou le maintien de la
personne handicapée dans l'emploi, la formation et l'octroi à ce
public des aides spécifiques. Elle compte 20
délégations régionales. Elle est composée
d'un conseil d'administration qui fixe les orientations,
définissent la stratégie et les axes d'intervention, un
comité de direction qui organise, met en oeuvre et
évalue la politique de l'Agefiph, et enfin 4 commissions
dont les travaux alimentent les débats et inspirent les
axes d'actions et les irriguent les pratiques : commission financière,
commission politique d'intervention, commission Études des conventions
nationales, commission Études et Évaluation et Communication.
Elle compte de nombreux partenaires institutionnels et des opérateurs
d'accompagnement et d'appui sur le terrain (réseau Cap Emploi,
organismes d'accompagnement spécifique, chargés de mission
information et sensibilisation...)
135
des acteurs hors réseau, dans ou hors du cadre du CAI
(Contrat d'Accueil et d'Intégration) : primo-arrivants, femmes, jeunes,
personnes handicapées, etc.
o Aides à la recherche d'emploi, accompagnement
personnalisé à l'insertion socio-économique :
par la promotion et le soutien des migrants pour la
création des entreprises d'insertion par l'activité
économique (EIA) dans les quartiers prioritaires de la politique de la
ville ; la sensibilisation et l'incitation des migrants anciens et
primo-arrivants aux initiatives (auto)entrepreneuriales ; le soutien
logistique, relationnel et financier aux projets d'investissement des migrants
dans l'agglomération lyonnaise; en s'appuyant de même sur les
dispositifs publics de soutien à la création d'entreprise telles
que les exonérations fiscales substantielles octroyées aux
opérateurs économiques implantées dans les zones franches
urbaines et les zones urbaines sensibles (pour rappel, 27 ZUS dans le Grand
Lyon).
? Bâtir de véritables alliances
stratégiques dans l'optique d'une collaboration féconde et le
partage d'expériences avec les coordinations régionales et
nationales d'associations des migrants, des fédérations et
mouvements associatifs nationaux spécialisés dans les champs de
l'insertion par l'emploi (CRAJEP), le logement (ADOMA), la santé
(URACA), de l'éducation populaire, de l'intégration (AEFTI,
ASSFAM...) et le développement solidaire (RESACOOP, CADR...)
;
? Encourager les associations de migrants à se
constituer en une série de petits réseaux basés non
seulement sur des liens géographiques mais aussi sur des
éléments d'identification tels que :
- le sexe : réseau
des femmes. Nous verrions à ce sujet un réseau composé de
toutes les associations
féminines de migrantes du Grand Lyon avec à sa
tête des organisations d'experts tels ALPADEF, MIFERVAL et autres ;
- la génération :
réseau des jeunes migrants impliqués dans les actions
d'insertion, d'intégration et de développement comme il en
existe par centaine dans la seule communauté malienne de la
région parisienne ;
- la profession : associations
professionnelles, groupes d'experts, groupement de défense des
intérêts des chefs d'entreprise d'origine immigrée par
exemple ;
- la culture : de manière
à réaffirmer une identité et construire des passerelles
qui permettent une ouverture pleine et entière à d'autres
cultures dont celle du pays d'accueil ;
- la combinaison de l'ensemble de ces
éléments d'identification ;
? Inciter tout particulièrement à la
constitution des réseaux professionnels des migrants (avocats,
enseignants, chercheurs, médecins, aides-soignantes, chefs d'entreprise,
auto-entrepreneurs, techniciens, etc.) afin d'assurer collectivement la
visibilité de leurs expertises respectives auprès des publics
migrants pour des actions d'accompagnement, de formation formelle ou non
formelle, et auprès des institutionnels pour des actions
ponctuelles.
? Encourager les petites associations de migrants
à solliciter et intégrer des réseaux d'acteurs associatifs
y compris dans d'autres communautés ethno-régionalistes et dans
d'autres départements et régions de France de manière
à enrichir leur capital social et leur capital informationnel. L'enjeu
étant de se doter d'un avantage concurrentiel sur un champ, celui de la
course aux financements, où les organisations se livrent une concurrence
féroce.
? Dans l'optique de répondre aux appels
d'offres et appels à projets départementaux (et régionaux
à plus long terme) dans le cadre du PRIPI Rhône-Alpes, du PDI
Rhône ou de la politique de la ville du Grand Lyon, il convient pour les
associations et réseaux associatifs de migrants, qui disposent de
manière éparse de compétences déjà
exercées d'Investir, par le biais à travers des offres de
services à destination des publics migrants de toutes origines, les
champs d'intervention suivants:
- veille stratégique des marchés
publics/réponse Appels d'offres/projets...
Pôle ingénierie de conduite des projets
- diagnostic, étude de
faisabilité, demande de financements, suivi
- évaluation des projets,
rapports...
Pôle Intégration Accueil,
orientation, 1res infos pertinentes et officielles pour démarches
administratives et insertion professionnelle et économique des
primo-arrivants (CAI, formation civique, linguistique).
sociolinguistique ;
-Soutien scolaire, remise à niveau (jeunes et parents en
difficulté scolaire)
Valorisation des acquis de
l'expérience associative, dév. des
compétences internes
Pôle Formation (transversale) -
ingénierie de
la formation professionnelle et
Pôle Étude-recherche pour l'action et
Commissions des travaux Réalisation études et
enquêtes, élaboration de guides théoriques et
méthodo, collecte et mise à disposition, ressources
documentaires, lien avec universités
(association de loi 1901) -Management, encadrement, - signature
des conventions avec les institutions
locales/régionales...
-Orientations et stratégies globales, planification...
Pôle
Accompagnement des femmes
-Insertion par l'emploi, l'économique, l'art, la
santé, les pratiques interculturelles et -le soutien à la
parentalité. Formation, sensibilisation.
associations des migrants
départementale des
Coordination
Pôle informatique, événementiel et
communication
visibilité du collectif sur le web (réseaux
sociaux, référencement), organisation, conférences,
recruter
bénévoles, relations médias.
Levée de fonds...
Pôle Insertion -inventaire des dispositifs
publics et acteurs clés -suivi des jeunes et migrants âgés
en quête d'emploi - accès au Logement, Santé, culture,
lutte contre discriminations, délinquance, Entrepreneuriat dans les
quartiers prioritaires...
des alliances stratégiques,
cartographie des compétences et acteurs, susciter la mise
en réseaux, émergence des réseaux
professionnels des migrants...
Pôle Partenariats Prospection et
constitution
136
Figure 5 (précédente) :
Représentation d'un modèle de structuration d'un réseau
sur la base des compétences spécialisées des associations
membres174.
174
Les associations membres du collectif ou du réseau
interviennent dans chaque pôle selon son expertise. Exemple : Pour ce qui
est de l'accompagnement des femmes migrantes du Grand Lyon, dans la
configuration idéale de notre collectif départemental,
l'association ALPADEF (et les réseaux féminins dont elle est
membre) et le Centre ACF interviendraient conjointement dans le Pôle
« insertion des femmes par l'économique » via le soutien
à l'entrepreneuriat , FEDAM pour l'insertion par l'expression
artistique, MIFERVAL et A2P pour le soutien à la parentalité et
la médiation sociale et familiale, AIPES pour la santé des
femmes, etc.
137
Figure 6 : Deux modèles de réseaux
structurés .Extraits du support de cours de Rémi Bachelet
(Centrale Lille) sur les réseaux sociaux.
138
- l'apprentissage des valeurs de la
République et de la citoyenneté (une
priorité d'intervention du PRIPI
Rhône-Alpes)175,
- la médiation familiale et le soutien
à la parentalité176
;
- la médiation sociale et
inter-trans-culturelle afin de faciliter la dimension
culturelle et citoyenne de l'intégration177de même que
la mise en réseau des associations de migrants, au-delà de leurs
différences ethnolinguistiques ;
- le soutien scolaire178des descendants
des migrants de la 3e génération et des migrants
mineurs récemment arrivés en France ; ces
deux derniers axes étant d'ailleurs le point de rencontre et de
complémentarité (axes d'intervention, objectifs,
sources de financements) des politiques publiques de l'intégration et
de la ville dans le Grand Lyon.
Autres champs d'intervention qui nous paraissent à la
portée des compétences individuelles et collectives des
associations de migrants subsahariens rencontrées au cours de notre
enquête et ayant développé à titre individuel ou
collectif une expertise particulière :
- les actions de formation des associations
membres et non membres des réseaux de migrants : structuration,
gestion, communication, collecte de fonds, ressources humaines,
responsabilité juridique et sociale, création , ouverture et
animation des réseaux associatifs, cartographie des acteurs essentiels
pour les associations des migrants engagés dans les actions d'insertion,
d'intégration, de solidarité communautaire ou de
développement solidaire... ;
- l'interprétariat social et linguistique
;
- la réalisation d'études scientifiques de
terrain : recherche-action, diagnostics, impact et
d'évaluation de la politique locale d'intégration
ou d'insertion menée...
- la conduite d'actions d'appui méthodologique
à travers la diffusion des bonnes pratiques et
la réalisation des guides.
- Aide administrative, morale, matérielle aux
étudiants venant des pays d'origine pour les universités de la
région (ce que fait l'ABL avec un certain succès)
? OEuvrer à construire au sein de la
fédération une spécialisation sur le champ de la
constitution et l'animation des réseaux (activité susceptible de
bénéficier des financements du Fonds Européen
d'Intégration) ; et procéder à l'organisation
d'événements ponctuels de mise en réseau des migrants
réunis en associations en multipliant des opportunités
d'échanges à moyen et long terme ;
? Établissement d'une plate-forme de
communication et d'information interactive qui permette la discussion sur de
multiples thèmes, comprendre ce qui fonctionne bien et pourquoi,
l'auto-évaluation collective des actions engagées, le partage sur
les retours d'expériences autour de projets portés par
les
175 Cet axe d'intervention consiste en la mise en place des
actions de formation visant une meilleure connaissance des institutions, des
lois et des valeurs de la République et des usages qui permettent de
savoir vivre ensemble au sein de la société française. Il
correspond par ailleurs à l'axe 2 de l'appel à projet DAIC 2012 :
« connaissance et promotion des valeurs de la société
d'accueil ».
176
De l'avis même du HCI dans son rapport 2011, les
associations actives dans le champ de la médiation familiale et le
soutien à la parentalité,
« reçoivent à ce titre près de 8
millions d'euros de subventions annuelles dans le cadre d'appels à
projet nationaux ou déconcentrés dans le cadre du programme 106
`'actions en faveur des familles vulnérables». Sur ces
financements, un tiers est déployé vers les zones prioritaires de
la politique de la ville ». Ce champ d'intervention de la politique
nationale d'intégration apparait largement à la portée des
associations si on en juge par leurs actions massives, essentielles et
reconnues par les pouvoirs publics. Les publics migrants constituent plus de la
moitié de la population résidant dans les quartiers prioritaires
de la ville, d'où toute l'importance d'investir ce champ pour les
associations de migrants subsahariens dans le Rhône, pour autant qu'elles
puissent être porteuses d'une offre de services forte, cohérente
et s'appuyant sur un réseau de compétences identifié et
solidaire.
177
Un domaine d'action investi principalement mais isolément
sur l'interculturalité par deux associations de notre échantillon
: Miferval et
A2P-Nord-Sud-Sud, toutes deux membres du collectif
Africa 50.
178
Les actions de soutien scolaire s'ancrent en effet dans deux
politiques publiques différentes mais complémentaires : d'un
côté, les projets de réussite éducative de la
politique de la ville pilotés par l'ACSE et pour lesquels il a
reçu en 2010 95 millions d'euros de budget. D'un autre
côté, le PRIPI prévoit également ce type d'actions
dans son volet territorial, en direction des enfants d'immigrés
spécifiquement. Ces actions sont financées, quoique marginalement
à hauteur de quelques centaines de milliers d'euros, par le programme
budgétaire 104.
139
migrants ici et là-bas, la diffusion des bonnes
pratiques, l'expression des besoins et la mise en exergue des expertises
mutuelles des migrants afin d'y répondre : le « Networking
».
Cela passe entre autres médias par :
- l'élaboration d'un portail internet interactif
concentrant et diffusant toutes informations pertinentes,
officielles et utiles (actualités sociales, politiques,
administratives et culturelles liées aux questions
d'intégration/insertion en direction des migrants) facilitant le
processus d'accueil et l'accompagnement à l'intégration et
l'insertion des migrants récemment ou anciennement installés ;
l'alimentation et la maintenance régulières de cet espace virtuel
;
- La création de supports matériels de liaison
d'échanges du type lettre de réseau179
;
? La création d'une Maison des subsahariens
du Grand Lyon (par une acquisition ou location immobilière) qui
servirait d'espace fédérateur des initiatives associatives, des
rencontres et contacts en face à face, des échanges
d'informations entre experts qualifiés, migrants semi ou non
qualifiés, professionnels, étudiants, acteurs institutionnels
dans la région Rhône-Alpes.
? L'initiation et la participation aux
forums-débats, y compris via les forums de discussion sur internet, sur
les questions ayant trait à l'intégration sociale, culturelle,
économique et citoyenne des migrants, occasion de formuler et porter des
requêtes auprès des acteurs institutionnels ;
? Participation au développement social et
économique local des rhodaniens d'origine immigrée et les non
migrants à travers :
- Les activités visant au renforcement de
l'employabilité des migrants au travers de la création des
structures de formation et d'accompagnement vers le retour
à l'emploi, la création des entreprises d'insertion par
l'activité économique et l'emploi ;
- Les activités de soutien ou d'accompagnement
à l'aide à l'intégration des nouveaux arrivants dans le
pays d'accueil ;
- Les activités de représentation des
immigrés vis-à-vis des autorités du pays d'accueil et des
pays de départ.
? Activités régulières, culturelles,
civiques, de création des liens entre les migrants récents et les
anciens
(à l'image de ce que fait l'ABL) et entre les
migrants et les non-migrants à travers une participation à la
« Semaine de l'Intégration » que prévoit le
document-cadre du PRIPI Rhône-Alpes pour distinguer des migrants qui se
seraient illustrés par un parcours d'intégration
réussi.
? Créer les conditions de mise en place d' un
fonds d'investissement productif pour financer les projets
d'intégration/insertion des publics migrants de France et les projets de
développement des pays d'origine, à l'instar de ce qu'envisage de
créer le réseau de migrants sénégalais de haut
niveau, né il y a peu : le réseau DiaspoSen.
La mise en oeuvre de ces actions implique tout d'abord la
volonté d'agir, d'agir ensemble et d'agir dans ce sens,
l'intérêt d'agir et surtout la mobilisation des
acteurs-clés, migrants et non-migrants, dotés des
compétences adéquates. Quel est l'état de la question en
ce qui concerne la communauté associative subsaharienne du Grand Lyon ?
Quelles pratiques y ont cours en termes de recrutement des compétences
et leur valorisation ? Les réponses à ces questions font l'objet
du prochain chapitre.
179
Il serait intéressant à ce sujet de consulter le
Portail web d'une association professionnelle initiée par des migrants
en région parisienne : l'URACA (Union de Réflexion et
d'Action des Communautés Africaines), fondé par
l'ethnopsychiatre Moussa Maman et ayant pour objectif la prévention
sanitaire et sociale globale associée à la défense des
cultures africaines. http://www.uraca.org/
140
Partie 4
LES MIGRANTS SUBSAHARIENS DU GRAND LYON, LES ASSOCIATIONS ET
LE CAPITAL HUMAIN
Cette partie engage une analyse des discours et des pratiques
des migrants réunis en associations autour de la question des
compétences, leur construction , développement et mobilisation
(chapitre 7) et enfin le corpus de solutions proposées par les migrants
eux-mêmes pour aller vers la construction d'une diaspora forte,
intégré, en dépit des spécificités
culturelles propres à chacun, de manière à mobiliser
toutes les ressources et compétences disponibles et utiles afin de
s'accompagner soi-même et accompagner l'ensemble des publics migrants
subsahariens vers une intégration pleine et réussie (Chapitre
8).
Chapitre 7 : Discours et pratiques autour de la
construction, la mobilisation et le développement des compétences
(ou « Capacity building ») des migrants dans le
Grand Lyon p. 141
Section 1. Les principales dimensions du concept de «
compétence » 141
Section 2. Mobiliser les compétences des migrants pour
réussir l'intégration 145
Section 3 : Pratiques et témoignages des associations des
migrants subsahariens du Grand Lyon en matière de gestion des
compétences
des migrants pour le développement et l'intégration
155
Chapitre 8 : Pour une diaspora forte,
intégrée et entreprenante. Corpus de Préconisations par
les acteurs associatifs eux-mêmes p.165
1. Entamer une révolution copernicienne au niveau des
mentalités et des comportements 165
2. Engager une transformation structurelle en profondeur 166
3. La valorisation et la mobilisation des compétences au
service des associations des migrants 166
4. Quel rôle pour les acteurs étatiques ? 167
141
Chapitre 7. DISCOURS ET PRATIQUES AUTOUR DE LA CONSTRUCTION,
LA MOBILISATION et le DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES DES MIGRANTS OU «
CAPACITY BUILDING » DANS LE GRAND LYON
Ce chapitre tente de mettre en lumière l'impact des
pratiques de mobilisation des compétences multiples des migrants en
France, puis celle des acteurs associatifs, des entreprises et des institutions
sur le processus d'intégration professionnelle et socioéconomique
des immigrés dans les régions d'installation et ses implications
sur les retombées des actions de développement des
localités d'origine.
À travers cette section, nous analysons les modes de
mobilisation des compétences individuelles et collectives
observés au cours de notre enquête ayant au cours au sein de la
communauté associative africaine du Grand Lyon, le recours aux
compétences externes au réseau des migrants, aux dispositifs
génériques du développement des compétences et les
pratiques en la matière puis l'état des discussions relatives
à la constitution des bases de données des compétences et
annuaires de professionnels subsahariens et réseaux d'origines
diverses.
Revenons toutefois dans un premier temps sur quelques
éléments théoriques du concept de compétences.
Section 1. Les principales dimensions du concept de
« COMPETENCE»
Le concept de « compétence » a pour
principale caractéristique son
hétérogénéité. C'est un terme
polysémique dont la définition varie suivant les auteurs et la
diversité des champs d'application : organisation du travail,
mobilité interne, externe, rémunération, mise en place de
changements organisationnels, management développement, etc... Nous y
voyons cependant la capacité à réaliser les
activités professionnelles attendues d'une personne dans le cadre du
rôle qu'elle doit remplir, dans une organisation ou dans la
société.
1. Les Compétences et l' «
agir »
Pour les besoins de l'analyse de notre sujet d'enquête,
dans la partie introductive de ce rapport, nous entendions par
compétence un ensemble de connaissances théoriques et techniques
acquises par la formation ou par l'expérience, mobilisables et surtout
utiles à l'exercice d'une activité. En d'autres termes,
l'ensemble des savoirs, savoir-faire et savoir-être mis en oeuvre dans un
contexte donné. Dans le détail, nous verrions dans la
compétence, avec certains auteurs dont Guy Le Boterf180, la
combinaison de trois attributs :
- Le savoir-agir : c'est un
savoir-faire opérationnel qui implique une capacité à
rassembler les
ressources adéquates pour accomplir avec succès une
tâche ou une mission précise ;
- Le vouloir-agir qui relève
plutôt de la motivation à agir, de l'attitude, du
savoir-être ;
- Le pouvoir-agir qui se rapporte lui
à un contexte qui peut être plus ou moins contraignant, un
environnement, une conjoncture (une organisation de travail par
exemple, un style de gouvernance...) qui vont influer sur le vouloir agir par
exemple.
La compétence se situe à l'intersection entre
les individus, leurs capacités, les structures organisationnelles et les
activités à réaliser au sein, pour le compte et en dehors
de celles-ci. Aussi, pour optimiser les compétences des
180 Guy Le Boterf, Professionnaliser. Le modèle de la
navigation professionnelle, Paris, 2007.
142
migrants en vue de l'a réussite du processus
d'intégration, faut-il prendre en compte à la fois la
démarche individuelle au sens du développement des
compétences individuelles , mais aussi la démarche
organisationnelle au sens de la structuration associative la plus
féconde possible au sens où l'organisation associative serait le
lieu de génération et d'amélioration les capacités
à agir socialement , professionnellement et économiquement des
migrants.
2. Compétences, Performances et gestion des
compétences
Les compétences sont l'essence même de la
performance au sens où les premières contribuent à
augmenter augmentent significativement les secondes. Si les compétences
sont essentielles pour l'action, encore faut-il que celles-ci soient
efficientes, d'où l'idée de de gérer mais aussi de
développer les compétences de façon à produire des
performances de meilleure qualité. De ce point de vue, les migrants
disposant des compétences particulières peuvent être
considérés comme des sources d'efficience et de richesse.
Les pratiques de gestion des compétences dans les
organisations de travail telles les entreprises par exemple reposent
traditionnellement sur différents types d'approches, selon Daniel Held
et Jean-Marc Riss181, très souvent centrés
exclusivement sur l'individu à travers sa formation de base, son
savoir-faire opérationnel, sa personnalité ou sa manière
d'aborder les problèmes. Or, la prise en compte de la notion de
performance, qui ne va donc pas de soi, est indispensable. Held et Riss
précisent ici la frontière de même que la
corrélation existant entre les deux concepts : « La performance
consiste à atteindre des résultats définis. La
compétence pour sa part concerne la capacité à
réaliser des d'activités, pour atteindre ces résultats. La
compétence devient alors l'essence même de la performance et se
situe au coeur de l'organisation apprenante ».
Le contexte concurrentiel au sein desquels évoluent
les associations des migrants subsahariens dans le Grand Lyon est marqué
par une réduction drastique du nombre d'associations partenaires de
l'État dans la politique d'intégration et par la monopolisation
des financements publics par les associations d'envergure régionale et
nationale et par celles portant des offres de service aux publics en
difficulté et reconnus d'utilité publique. L'efficience de ces
services contribue à en assurer à la qualité. Ce contexte
oblige par conséquent les associations des migrants à prendre en
compte non seulement la nécessité de mobiliser l'ensemble des
ressources disponibles et à en développer d'autres, mais aussi
l'impératif de la performance qui tient à la qualité de
l'action engagée. Il ne s'agit donc plus d'agir pour agir mais agir pour
obtenir les résultats les plus efficaces possibles en termes de
développement économique et social des publics visés.
Or la situation des associations des migrants
rencontrées laisse davantage entrevoir une faiblesse des moyens humains
et matériels, des capacités opérationnelles et de
management stratégique. Ce déficit ne permettant pas
d'accéder à la performance.
3. Déficit et Solutions de développement
des compétences
Les causes des lacunes en matière des
compétences au sein d'une organisation associative ou une entreprise, eu
égard aux activités à réaliser et des
résultats à atteindre, peuvent se rapporter selon les situations
à :
- la non-identification et la non-mobilisation des
acteurs individuels et collectifs qui en disposent, pour toutes
sortes de raisons ;
181
Daniel Held et Jean-Marc Riss : « Le
développement des compétences au service de l'organisation
apprenante », Employeur Suisse, n°13, 1998. Les approches
évoquées sont :
- Approche basée sur les savoir-faire
- Approche basée sur les connaissances, le
savoir
- Approche basée sur les comportements
- Approche intégrant les savoir, savoir-faire et
savoir-être
- Approche basée sur les « compétences
cognitives »
143
- l'écart important entre les niveaux des
compétences attendues et les compétences disponibles
;
- Le manque des savoirs : que l'on
peut exprimer par la formule « je n'ai jamais fait cela, ni même
abordé la question », ce que nous avons souvent entendu au
cours de notre enquête concernant les pratiques d'accueil et
d'intégration formelle des migrants par les associations des migrants
subsahariens ;
- Le comportement indispensable non acquis
eu égard au contexte économique, culturel et social
: difficulté d'adaptation aux règles et normes de management,
d'organisation, le déficit de la culture du contrat et de la parole
donnée, la non-maîtrise des procédures ;
- Le déficit personnel plus profond
: la peur d'aborder les conflits par exemple ou de sortir du
connu, de sa zone de confort, la faible tendance à la prise de risques,
à l'élargissement de son horizon opérationnel,
partenarial, social ...)182
Aussi, dans l'optique de maîtriser son activité,
des mesures spécifiques et individualisées peuvent-elles
permettre de développer les compétences manquantes des acteurs
associatifs, au sein ou à l'extérieur du réseau, pour
chaque action ou groupe d'actions :
- Améliorer les savoirs
généraux, spécifiques et pratiques, la connaissance
: pour en revenir à notre étude, il peut s'agir de
donner accès aux acteurs, par la formation ou les sessions d'information
collectives, à l'ensemble des renseignements (bien
informationnel) dont il vaut mieux disposer pour agir plus efficacement
dans un contexte qui apparait fortement concurrentiel. Ce sont entre autres
données :
· Les dispositifs législatifs et
opérationnels des politiques d'intégration et d'insertion au
niveau national et leur déclinaison au niveau local,
· les publics, les champs d'intervention et zones
géographiques prioritaires au sein du périmètre
départemental d'action,
· les marchés des subventions publiques et
privées et former à la pratique d'une veille stratégique
(internet, presse, journal officiel, etc.) pour être au fait quand il y a
lieu de l'ouverture des marchés publics à tous les
échelons administratifs : commune, département, région,
État, Europe, fondations, mécénat, etc. ;
· les problématiques et profils
socio-économiques et culturels des publics cibles (migrants jeunes,
âgés, femmes, résidants des quartiers prioritaires de la
politique de la ville, etc.) ;
· les associations partenaires de l'État qui
constituent la concurrence au niveau local, régional et national ;
· les méthodes et procédures efficientes
de réponse aux appels d'offres et appels à projet, de même
que les process de montage , suivi et évaluation et
optimisation de l'efficacité des projets d'insertion en direction des
migrants dans le Grand Lyon ;
· L'identification des acteurs clés
(associations, entreprises, institutions, particuliers) pour construire des
partenariats stratégiques gagnant-gagnant sur le long terme.
- Développer et renforcer les savoir-faire
c'est-à-dire les méthodes appliquées pour la
gestion d'un projet, la maîtrise des procédures institutionnelles
et techniques, les recours aux expertises externes, les techniques de
management, d'encadrement;
- Améliorer et gérer au mieux les
savoir-être : les comportements individuels et collectifs,
la motivation des membres de la communauté, la valorisation des
ressources humaines, les « bonnes ou mauvaises raisons » qui poussent
à agir ou pas ;
- Détecter et tirer parti du potentiel
intellectuel et personnel des acteurs au sein de l'organisation.
Ce point peut faire référence par exemple à la
manière d'aborder les sujets et leurs enjeux (concepts, analyses et
stratégie à mettre en oeuvre...) et les problèmes concrets
(adaptation aux situations nouvelles, équilibre personnel, valorisation,
image et estime de soi...)
182
Daniel Held et Jean-Marc Riss, idem.
144
Ainsi, lorsque ces déficits sont comblés et le
degré de maîtrise de l'activité dépasse les
attentes, il peut en résulter « des « réserves
» de compétences, qui peuvent être utilisées pour
d'autres projets ou missions, ou pour former d'autres collaborateurs
»183.
Cependant, pour agir dans ce sens, encore faut-il que les
acteurs cibles des actions du développement des compétences le
veuillent. Le vouloir-agir est d'autant plus essentiel que les associations
subsahariennes du Grand Lyon ont adopté quasiment toutes un
modèle économique reposant essentiellement sur le
bénévolat. Parmi toutes celles que nous avons
enquêtées et ayant consulté différents supports
répertoriant les associations qui salarient dans le Rhône, seule
le COSIM salarie une très infime parti de son personnel.
Cela étant, le désir de combler un
déficit de compétences relatives à une activité
donnée ne peut émaner que du bénévole
lui-même si cette initiative entre en résonnance avec ses
objectifs professionnels ou personnels et si ceux-ci sont en adéquation
avec ceux de l'organisation. L'initiative peut aussi résulter d'une
action de l'organisation elle-même qui va amener le
bénévole à améliorer ses compétences par la
valorisation des atouts exprimés et non-exprimés, du potentiel
(ses capacités virtuelles) de ce dernier, ou encore en lui confiant des
responsabilités plus importantes.
Le développement des compétences individuelles
s'accompagne d'une amélioration des compétences de
l'équipe (salariés et/ou bénévoles) sur laquelle
repose l'organisation associative ; l'équipe étant vue ici non
plus comme une somme de compétences individuelles disponibles, mais
comme une « dynamique créée par des individus, aux
profils variés, mobilisés par le fait de réussir ensemble
un projet, une mission». Et dans la perspective du
développement des compétences de l'équipe, HELD
et RISS déjà cités estiment qu'il faut :
« (...) obtenir l'adhésion de tous par
rapport à la mission et aux objectifs, valoriser au mieux les
complémentarités, par rapport à l'ensemble des
activités à remplir dans le cadre de l'équipe, clarifier
les règles du jeu, pour favoriser un feedback permanent, source de
progression pour chacun. Connaître les profils individuels de chacun
(compétences, potentiels et objectifs) se révèle alors
essentiel pour la dynamisation des équipes. La performance des
organisations en profitera directement ».
L'organisation elle-même n'échappe pas à
cet impératif du renforcement des compétences dès lors
qu'elle vise la performance, la pérennité et la participation de
toutes les parties. En orientant l'organisation vers une politique de
développement permanent des compétences, les migrants feraient
alors de l'association un espace de construction et de génération
du capital humain en même temps que de la construction et la
reconnaissance identitaires. En somme l'acquisition des compétences
supplémentaires est un avantage collatéral, un effet intentionnel
qui va apporter à la structure associative des ressources
complémentaires pour l'atteinte de ses objectifs. C'est par cet
investissement massif et permanent sur le développement humain qu'une
organisation dite « apprenante » définit les conditions de la
performance.
En résumé, la mobilisation des
compétences des migrants en vue contribuer à la construction de
l'agir social et économique des immigrés en France et donc
d'accompagner le processus pour une intégration réussie, implique
de prendre en compte les Hommes, les Moyens de l'action et le Contexte de
l'action, tryptique qui rejoint la triple dimension qui fonde l' « agir
» : le savoir-agir, le vouloir-agir et le pouvoir-agir.
Les associations des migrants subsahariens du Grand Lyon
sont-elles motivées agir dans le sens de leur pleine participation aux
actions publiques et privées d'accompagnement des immigrés
à l'insertion socio-économique ? Si oui, disposent-elles des
savoir-faire opérationnels pour ce faire ? Dans quelle mesure
peuvent-elles agir en matière par exemple des mobilisations des
ressources financières, relationnelles, cognitives, institutionnelles,
culturelles dont pourraient disposer leurs pairs au niveau local ? Et comment
agissent-elles en ce sens précisément.
183
Daniel Held et Jean-Marc Riss, idem.
145
Section 2. MOBILISER LES COMPETENCES DES MIGRANTS POUR
REUSSIR L'INTEGRATION
1. Contexte et principes
généraux
Les populations immigrées sont de plus en plus
qualifiées, c'est le constat fait au travers de nombreuses études
réalisées dans les pays d'immigration dont la France. Le niveau
général d'éducation des migrants a augmenté,
notamment ceux récemment installés dans les pays
d'accueil184. En autres facteurs expliquant cette évolution
majeure, les politiques migratoires des pays d'arrivée devenues plus
sélectives du fait d'une situation du marché du travail interne
de plus en plus tendue. De plus , au-delà de la valorisation de
l'épargne des migrants qui a fait l'objet de tant d'études, il y
a de plus en plus une prise de conscience de l'importance du potentiel que
représentent les migrants pour le développement des pays
d'origine, en d'autres termes, le lien entre les ressources non
financières principalement cognitives et techniques et le
développement. De ce point de vue, l'agenda politique international
accorde une place centrale aujourd'hui au line Migration et
Développement. Ce qui n'est pas nécessairement le cas pour le
dyptique Migration et Intégration, trop longtemps resté une
prérogative des seules instances administratives des pays d'accueil
avant que les associations ne fassent irruption dans le champ de la politique
de l'intégration et de l'insertion. En outre, malgré cette hausse
notable du niveau de qualification des immigrés qui arrivent dans les
pays du Nord, leurs compétences ne sont pas nécessairement
identifiées, utilisées et reconnues dans leur diversité et
à leur juste valeur. Or, la question de la contribution des
immigrés au développement économique et social des
populations en France et la réussite de l'intégration des
personnes nées étrangères à l'étranger et
résidant dans le pays (les migrants) se pose avec la même
acuité.
Aussi, avec le développement rapide de la vie
associative en France et de la sous-traitance de certaines missions de
l'État, de nombreuses associations ont investi les champs de
l'intégration et de l'insertion. Depuis le début des
années 80, de nombreuses associations de migrants on vu le jour mais peu
jusqu'ici ambitionnaient de s'insérer dans ce créneau. Depuis
quelques années, des collectifs voient le jour avec pour objectifs aussi
bien de soutenir les projets de développement dans les pays d'origine
que la solidarité et l'entraide entre membres de la même
communauté puis la valorisation de la présence et l'apport des
immigrés à la vie locale ici. C'est le cas à Lyon, nous
l'avons vu, avec le collectif Africa 50 et d'autres collectifs
d'associations représentant les ressortissants subsahariens par pays
d'origine.
Si certaines de ces associations africaines envisagent de
s'impliquer plus formellement dans le champs de l'intégration, au
travers d'un partenariat avec l'État et les institutions locales, il se
pose l'épineuse question des moyens disponibles et des
compétences à mobiliser au niveau local afin de développer
leurs capacités organisationnelles et opérationnelles qui
permettront d' asseoir leur crédibilité et lever des fonds pour
l'exercice de leurs activités. Étant donné le
modèle économique de celles-ci, reposant comme nous l'avons vu
sur le bénévolat, la mobilisation reste faible, la
disponibilité des bénévoles étant compromise par
leurs propres activités professionnelles et engagements familiaux, puis
les dissensions internes à certaines organisations qui débouchent
sur une démobilisation massive des acteurs et la dilution de
l'idéal unitaire et identitaire.
Dans ce contexte, comment engager et réussir la
mobilisation ? Comment recueillir auprès des personnes, associations,
des entrepreneurs, étudiants, acteurs institutionnels, enseignants,
médecins, avocats, ingénieurs, techniciens, etc., les
données permettant de connaître et mesurer l'importance et la
nature des compétences utiles , y compris celles qui échappent
aux instruments de mesure disponibles : compétences ethniques ,
compétences acquises de manière informelle et non formelle ?
Comment les associations subsahariennes mobilisent et gèrent-elles leurs
ressources humaines ? Quel parti en tirent-elles réellement ?
Avant d'esquisser quelques réponses à ces
questions en regard des résultats de notre enquête, nous proposons
avant tout de faire un point sur quelques initiatives notables en la
matière au niveau local, national et international.
184
Près d'un tiers des migrants récents dans les
pays de l'OCDE sont diplômés du supérieur contre moins de
6% dans les pays d'origine.
146
2. Pratiques publiques de mobilisation des
compétences
Le programme TOTKEN185,
précédemment évoqué et initié par le
Programme des Nations Unies pour le développement depuis 1977 avec un
certain succès en Asie a été décliné au
niveau national au sein de certains pays africains dont le Mali et le
Sénégal pour les cas les plus connus du fait des retombées
enregistrées au niveau de la mobilisation des ressortissants
qualifiés de ces pays résidant à l'étranger.
2.1. Le Programme National pour la Mobilisation de
l'Expertise de la Diaspora sénégalaise (PNMED)
Ce programme piloté par le Ministère des
affaires étrangères sénégalaises s'est
adossé au programme TOTKEN du PNUD avec pour objectif de «
contribuer au développement national par le transfert de
connaissances des Experts Sénégalais de la Diaspora et par la
mise en relation entre les acteurs des secteurs publics et privés des
pays d'accueil et ceux du Sénégal ». Les
experts sont sollicités dans le cadre de ce programme pour intervenir
dans des secteurs qui connaissent de réels besoins en expertise et
considérés comme des vecteurs de croissance.
Entre 2002 (date du lancement de la phase pilote du TOKTEN
Sénégal) et 2006, 200 experts ont été
répertoriés dans la base de données du Projet, dont 76
sont intervenus (2267 jours de missions cumulés) dans l'enseignement
supérieur, l'Administration, la Société Civile et le
Secteur Privé au Sénégal, à l'occasion de missions
de courte durée. Entre autres faits d'armes, Le PNMED a
développé en 2010 un service qui apporte un appui aux
entrepreneurs qui investissent dans la micro-finance et aux structures
évoluant dans l'industrie de la mobilité international :
E-Diaspora, première agence indépendante de promotion de la
microfinance basée au Sénégal186.
2.2. Unité de gestion du Programme Diaspora au
Togo
Volet opérationnel du Programme national de
mobilisation de la Diaspora togolaise, il a pour objectif de mettre en place
des mécanismes permettant :
- d'optimiser la contribution de la diaspora à
l'investissement privé au Togo
- la mobilisation de la diaspora scientifique et technique
- l'appui aux initiatives de la diaspora pour le
développement local au Togo
- l'optimisation des transferts des fonds des togolais de ola
Diaspora
C'est dans cette perspective qu'un appel à
manifestation d'intérêt a été lancé en
août 2011 par le Ministère togolais de la fonction publique et la
réforme administrative afin de recruter 4 experts internationaux
chargés de réaliser des études diagnostiques et faire des
propositions afin d'opérationnaliser ce plan d'actions. Le programme est
doté de fonds importants issus du Programme « d'Assistance
Technique Ciblée Multisectorielle et de Renforcement des
Capacités Institutionnelles de la Facilité des États
Fragiles de la Banque Africaine de Développement » en faveur
du Togo.
2.3. Le Programme Migrations pour le
Développement en Afrique (MIDA)
Érigé sur les acquis et expériences du
défunt Programme de retour et de réintégration de
nationaux africains qualifiés (RQAN)187 lancé en 1983
par l'Organisation Internationale pour les Migrations(OIM), le MIDA, né
en 2001 à
185
Rapport 2012 OCDE-AFD, déjà cité :
« Ce programme permet aux expatriés de contribuer à des
projets dans leur pays d'origine en y
retournant pour une période de moins de trois
mois. Au cours des 20 premières années d'exercice, environ 5 000
personnes ont participé à des projets dans près de 50 pays
en développement »
186 http://www.entrepreneurship-diaspora.org/
187
MIDA, « La mobilisation des africains de la diaspora
pour le développement de l'Afrique », OIM, 2004 : «
Grâce à ce programme, plus de 2000 nationaux africains
hautement qualifiés et expérimentés ont reçu une
aide au retour et à la réintégration dans 41 pays
d'Afrique. 2565 étudiants boursiers ont aussi été
assistés à travers d'autres programmes financés par
l'Union européenne. Cette main-d'oeuvre très qualifiée
a
147
Libreville au Gabon, spécifiquement dédié
aux pays africains, est un « programme[régional] de
renforcement des capacités visant à développer les
synergies potentielles entre les profils des migrants africains et les besoins
des pays, en facilitant le transfert des compétences et des ressources
vitales de la diaspora africaine dans les pays d'origine. Il s'appuie sur la
notion de mobilité des personnes et des ressources et, de cette
façon, offre des options de réinvestissement du capital humain,
notamment sous la forme de retours temporaires, de longue durée ou
virtuels »188.
Le MIDA s'adresse à l'ensemble des travailleurs
qualifiés, mais cible tout particulièrement les cadres, les
entrepreneurs et les experts africains de la diaspora «
désireux et capables de contribuer par leurs compétences, mais
aussi par leurs ressources, financières et autres, aux efforts de
développement de leur pays d'origine ». En 2002, le MIDA
estimait à 1.042.897 le nombre de non-nationaux subsahariens
résidant en Europe dont 275.000 en France, 250.000 au Royaume-Uni et
150.000 en Allemagne. Le service de l'Immigration et des naturalisations aux
États-Unis en revanche dénombrait 881.300 subsahariens
travailleurs qualifiés dont 326.507 originaires d'Afrique centrale, la
légion la plus importante des ressortissants africains d'Amérique
du Nord, contre 190.500 pour l'Afrique australe et 27.000 pour les
Ouest-africains.
Le MIDA dans une démarche partenariale avec les
acteurs de la diaspora, les gouvernements des pays d'origine et d'accueil
mène différentes activités dont :
- la Création de petites entreprises en facilitant
l'accès aux ressources, animant des sessions de
formation à la gestion des micro-entreprises et
promouvant la création des co-entreprises communautaires axées
sur le développement189 ;
- Des enquêtes d'évaluation et constitution des
bases de données sur les compétences et les ressources
multiples dont dispose la diaspora, l'étude des besoins
spécifiques aux pays et la compilation des opportunités
d'investissement dans les pays d'origine190 ;
- Le transfert des compétences par la promotion du
télétravail, les apprentissages à
distance191 « mediés » par les outils de
communication, les séjours successifs et retours permanents ;
- Campagnes d'information et de sensibilisation des diasporas
africaines au travers des sites internet dédiés ;
- La gestion des rapatriements des fonds via la canalisation
des fonds transférés vers l'investissement productif...
ramené avec elle ses expériences,
essentiellement dans les domaines de la gestion et de l'administration, des
services sociaux et juridiques (27 %), des sciences et de la santé
publique, de l'éducation (17 %), des sciences physiques et
mathématiques, de l'ingénierie (15 %) et de la gestion de haut
niveau (11 %), ont pu être mises à profit dans les secteurs
socio-économiques clé des pays d'origine connaissant une
pénurie en la matière ».
188
MIDA, idem.
189 Un projet a été mené en ce sens en
Guinée sur la formation des femmes à la création et
à la gestion des micro-entreprises par le transfert de connaissances et
l'octroi de micro-crédits.
190
Dans le cadre d'un Projet pilote, le MIDA a contribué
à l'élaboration d'un site Internet d'information financé
par le gouvernement italien pour les Ethiopiens de la diaspora et notamment
ceux d'Italie: «Ethiopian diaspora.info », qui apporte
à la communauté éthiopienne à l'étranger des
informations utiles à la diaspora : procédure de création
d'une entreprise, conseils d'investissement, annonces ciblées ; Un
« questionnaire » en ligne permet également aux personnes
intéressées de s'identifier et soumettre ces renseignements dans
le but de constituer une base de données nationale des Éthiopiens
vivant à l'étranger.
191 « Le programme MIDA, qui s'appuie sur les
technologies de l'information et de la communication, a donné naissance,
en septembre 2003, à une initiative pilote d'apprentissage à
distance facilitant le transfert de compétences en permettant
d'atteindre virtuellement un large auditoire. 700 étudiants en
deuxième année de maîtrise ont
bénéficié de ce projet auquel sont associés
l'Université de Lubumbashi (UNILU) en RDC et l'Université libre
de Bruxelles (ULB) en Belgique. Financés par le Gouvernement belge, les
cours de formation sont élaborés dans le cadre d'accords de
jumelage belgo-congolais, sélectionnés en accord avec le
programme de l'UNILU et en fonction des compétences disponibles au sein
de la diaspora congolaise. Il relie la diaspora aux instituts d'enseignement
à l'intérieur des pays, et ces derniers les uns aux autres, et
offre une formation et un développement professionnel dans des
conditions rentables ».MIDA, idem.
148
3. Initiatives de mobilisation des compétences par
les diasporas
3.1. L'expérience
sénégalaise
L'expérience sénégalaise en matière
de mobilisation des compétences, même si elle reste modeste en
comparaison des initiatives indienne, chinoise ou latino-américaine, est
tout de même une référence en ce qui concerne les diasporas
africaines francophones.
3.1.1. DIASPOSEN
DIASPOSEN est le plus récent mouvement
diasporique sénégalais connu en France. Fondé par Lamine
Thiam et présidé par Ibrahim Guèye-Nago, il est né
à Paris à la faveur de la dernière élection
présidentielle au Sénégal. Ce mouvement rassemble des
personnes de très haut niveau d'origine sénégalaise
résidant en Europe et en Amérique du Nord notamment : chefs
d'entreprises, fonctionnaires internationaux, cadres dans la finance,
l'aéronautique, les multinationales... Ces cadres politiquement
engagés, malgré le positionnement « apolitique » du
réseau, affichent alors à la naissance du réseau
l'ambition d'« apporter leur pierre à l'édification d'un
nouveau Sénégal » en militant en faveur de l'alternance
et en apportant leur soutien officiel au candidat Macky Sall de l'Alliance Pour
la République (opposé à Abdoulaye Wade le candidat
sortant) depuis élu nouveau président de la République du
Sénégal. Des cadres et commerçants
sénégalais basés en Espagne, Portugal, Italie, Suisse, au
Canada et aux États-Unis ont d'ailleurs rallié le mouvement.
Assiste-t-on aux prémices d'une diaspora structurée mettant en
réseau les ressortissants d'un pays installés dans divers pays
d'installation au sens où l'est la diaspora chinoise d'après la
classification de Natalia Buga déjà citée ? Quel horizon
d'activités au-delà de l'appui à l'accession de Macky Sall
à la magistrature suprême ?
Le nouveau Président du Sénégal qui s'est
engagé à « faire de la diaspora la quinzième
région du Sénégal» a depuis lors reçu en
audience une délégation du Diasposen durant laquelle il a
été question « d'étudier les moyens d'inciter la
diaspora qui a souvent d'importants moyens financiers, un carnet d'adresses et
de l'expérience dans différents secteurs d'activités
à s'impliquer dans des projets et des actions au
Sénégal»192. En clair, les
Sénégalais de la diaspora réunis sous la bannière
du Diasposen souhaite s'impliquer plus activement dans la vie économique
et sociale du Sénégal.
Entre autres projets envisagés par le réseau
dans le champs de l'aide au développement: `' la création du
Fond d'Investissement des Sénégalais de
l'Extérieur qui aura pour objet de financer des projets de
développements dans les domaines agricoles, industriels et
écologiques orientés sur l'autosuffisance alimentaire, le plein
emploi, la sauvegarde de l'environnement et
l'amélioration du cadre de vie».
3.1.2. L'Assemblée des Sénégalais de
l'extérieur (ASE)
En ce qui concerne la résolution des problèmes
à l'intégration et l'insertion sociale et professionnelle que
rencontrent les Sénégalais de France, des assisses se sont tenues
le 15 avril 2012 en région parisienne sous la houlette de
l'Assemblée des Sénégalais de l'Extérieur
née à l'issue d'une série de rencontres de discussions
entre membres de la diaspora sénégalaise de France en 2009. Ont
assisté à ces assises les collectifs associatifs, les
responsables politiques et différentes personnalités de la
diaspora. Des propositions ont été faites, validées le 17
juin 2012 par la plateforme et soumises aux autorités
sénégalaises. Au-delà des réflexions autour de la
reconnaissance et la valorisation du rôle des associations
sénégalaises comme actrices du développement durable
local, la conception des conditions d'une valorisation(en termes
d'investissements productifs) des transferts financiers des
Sénégalais de l'extérieur dans l'économie
nationale, ou encore de la définition des conditions de
représentation des Sénégalais de l'extérieur
à l'Assemblée nationale, au Sénat, au Conseil
économique et social, « les organisations de la Diaspora
sénégalaise proposent également leur expertise dans tous
les champs de
192 Voir le portail internet du Collectif des associations
sénégalaises du Rhône, Solidarité Pour Exister
(SOPE) :http://www.sopeonline.net/
149
compétences relatifs à la coopération
bilatérale et multilatérale et au renforcement des
solidarités entre les peuples »193. Ce qui a
davantage suscité notre attention, ce sont les réflexions d'ordre
socio-économique portées par l'ASE fixant les conditions de
réussite du processus de l'intégration des
Sénégalais de France et les actions à mettre en oeuvre
pour atteindre cet objectif, au besoin avec l'appui du gouvernement
sénégalais. Ces réflexions sont réparties sur 3
axes essentiels :
? Droits sociaux des migrants
sénégalais de France
- Défense et garantie des retraites décentes
intégrant le double espace Sénégal-France dans lequel
sont inscrits les migrants ;
- la parité des allocations familiales pour les
ayant-droits restés au Sénégal ;
- déperdition des droits pour les ayant-droits de
migrants décédés liée au manque d'informations
(allocation de veuvage, pension de réversion,
capital-décès...) ;
- revalorisation des pensions militaires
? Vie familiale en migration
- difficultés inhérentes au regroupement familial
(intégration nationale et insertion socio-professionnelle) ;
- échec scolaire et phénomènes de
délinquance au sein de la seconde génération ;
- reconnaissance de la double culture pour les enfants et les
familles,
- importance de la transmission culturelle aux enfants ;
- tarifs préférentiels pour les vacances
familiales ;
- suppression de la surtaxe téléphonique ;
- améliorer l'accueil et l'assistance aux
étudiants et stagiaires sénégalais en France ;
- actions autour de la régularisation des sans-papiers et
la promotion de la solidarité communautaire ...
? Maison des Sénégalais de
l'Extérieur
- Création d'un espace fédérateur des
initiatives des associations, organisations et opérateurs
économiques;
- développement des solidarités (multiservices) et
des échanges au sein de la communauté sénégalaise
de
France.
L'animation et le renforcement du réseau des
sénégalais de la diaspora tiennent aussi à la
création des espaces virtuelles d'échanges où sont
discutées sujets de société, problématiques
socio-économiques et politiques en lien avec le Sénégal et
les sénégalais de l'extérieur. C'est
précisément la vocation du site internet «
www.senediaspora.com»,
une web-agora qui revendique plusieurs milliers de membres.
Dans les organisations associatives transculturelles et
transnationales en lien avec les migrants en France, on dénombre
également quelques initiatives intéressantes de mobilisation des
compétences des migrants.
3.2. L'expérience du Forum des organisations de
solidarité issues des migrations (Forim)
Longtemps en marge des questions d'intégration et de
la promotion du « mieux vivre ensemble » que stipule pourtant ses
statuts, a mis en place sur son portail internet un formulaire ouvert à
toute personne « issue de l'immigration » souhaitant apporter son
expertise dans l'accompagnement à l'insertion économique et
193
Portail internet du Sope, idem.
150
professionnelle des migrants en France et dans les pays
d'origine. Outil de collecte des informations sur les compétences
individuelles et expertises techniques des migrants donc194 pouvant
également aider à
?? la mise en réseau des migrants et des organisations de
solidarité internationale ;
?? la valorisation de l'apport des migrants grâce à
leurs compétences spécifiques.
Figure 7. Aperçu du portail web d'inscription
dans la base de données des compétences individuelles des
migrants (Forim)
Source : Site internet du Forim
http://www.forim.net/
Il est cependant difficile de faire un état des lieux
du recensement de ces compétences, d'analyser l'utilisation qui en est
faite (les canaux et les zones géographiques d'affectation de celles-ci)
et donc d'en mesurer l'efficacité pratique, les données
recueillies n'étant pas accessibles sur le site internet de
l'organisation, contrairement au portail internet du TOTKEN
Sénégal où les statistiques des experts inscrits sont
immédiatement disponibles. Une étude approfondie
d'évaluation de cette initiative serait souhaitable et permettrait
d'apporter différents ajustements ; ce d'autant que le Forim, en tant
que structure représentative des migrants de France, du moins le versant
majoritairement africain de cette population, pourrait inspirer des
démarches similaires au niveau des régions et départements
en y assurant appui méthodologique, conseil, coordination. Rien de tel
ne nous est apparu au cours de notre enquête.
3.3. Le Resacoop et les experts « africanistes
» du Grand Lyon
L'expérience de mobilisation des compétences la
plus récente identifiée au cours de notre enquête est un
travail d'inventaire des experts réalisé par deux
étudiants de Sciences Po Lyon195 pour le compte et sous la
férule du réseau RESACOOP. La mission de ces étudiants
consistait en l'identification dans le Grand Lyon des personnes hautement
qualifiées de toutes origines et horizons professionnels (agronomes,
vétérinaires, médecins, enseignants, universitaires,
formateurs, ingénieurs, techniciens, etc.) ayant une certaine
connaissance du terrain africain et susceptibles d'apporter leur contribution
à l'accompagnement des projets de coopération
décentralisée portés par les migrants au
bénéfice des pays d'origine. En raison du caractère
confidentiel des données recueillies, nous a-t-on fait savoir au niveau
du Resacoop, il ne nous a pas été possible de consulter ce
répertoire afin de déterminer le profil et l'effectif des experts
inventoriés. Le rapport de stage insiste toutefois sur le fait que
Sciences Po Lyon et le Réseau Resacoop « disposent
désormais d'une base de données inédite
sur le Grand Lyon (il n'existait pas à ce jour de recensement
équivalent) ; les individus qu'elle recense sont par ailleurs
mobilisables assez
194 Le portail est accessible à partir du lien suivant
:
www.forimcomptetences.net
195 Côme Nsika et Julie Depuydt, «
Élaboration d'une base de données d'experts dans le domaine
de la coopération avec l'Afrique Subsaharienne et présents dans
le Grand Lyon », Rapport de stage académique de 4e
année, sous la codirection de Rose-Marie Di DONATO
(Résacoop) et Xavier Alphaize (IEP Lyon), juin-juillet 2012.
151
facilement puisque les entretiens ont été
l'occasion de leur présenter le projet et de les informer des suites
prévues (tous nos interlocuteurs nous ont donné leur accord pour
être sollicités via la base de données) : la base de
données élaborée est donc `'prête à
l'emploi» ». Notons que pour les auteurs du rapport le
concept d'expertise, polysémique et « polémique »,
recouvre trois dimensions :
- les compétences techniques et
spécialisées apprises par un individu ;
- les savoirs particuliers
développés par les acteurs de la
société civile (ONG, associations...) ;
- les connaissances nées d'une approche rationnelle,
méthodologique et indépendante de scientifiques.
Aussi, ce sont au total 76 personnes classées par
grade d'expertise selon l'ancienneté de l'exercice du métier
(senior, junior expérimenté, junior) qui ont été
recensées, représentant 9 nationalités différentes
: française, américaine, sénégalaise,
congolaise (RDC), congolaise (Brazzaville), rwandaise, burkinabé,
béninoise et camerounaise et dont 44 maîtrisent au moins
une langue étrangère, 24 au moins deux langues, l'ensemble de ces
expertises couvrant 27 domaines de coopération différents parmi
lesquels : 17 experts intervenant dans le domaine de la culture, 16 dans les
études et la recherche, 15 experts dans la formation pour adultes, 12
dans l'éducation, 10 dans l'artisanat et l'économie, 9 dans la
santé, 8 dans le développement rural, 6 dans l' Eau et
l'assainissement, 5 respectivement dans l'urgence humanitaire, l'action sociale
et l'éducation à la citoyenneté et 4 dans l'appui
institutionnel, la collecte et l'envoi de matériel ,
l'agriculture-pêche, etc.
L'intérêt d'une telle base de données de
compétences, pour leurs auteurs, est à situer à
différentes échelles :
- À l'échelle des associations, elle permet
d'instaurer une « meilleure coordination entre les ONG
lyonnaises travaillant avec l'Afrique. L'objectif étant de
gagner en efficacité sur le terrain, notamment via une mutualisation des
financements et des moyens humains » ;
- À l'échelle académique, l'outil
permettrait « d'établir une spécialisation
universitaire sur Lyon. Cet objectif pourrait se concrétiser au
travers de la création d'un diplôme spécialisé sur
l'Afrique (...) ou encore de co-diplômes avec des facultés
africaines, voire même d'une école doctorale spécifique
(permettant de répondre aux demandes, chaque année plus
nombreuses, de doctorants africains) »196.
3.4. L'Unité de Réflexion et d'Action des
Communautés Africaines (URACA)
Le mouvement est une association de loi 1901 basée en
région en Ile-de-France, fondé par l'ethnopsychiatre Moussa Maman
à la suite de la mobilisation d'un petit groupe d'étudiants
africains suite au problème rencontré par l'un des leurs. La
prévention sanitaire et sociale globale associée à la
défense des cultures africaines est son coeur de métier depuis
1986 et elle s'appuie sur une démarche originale que résume la
formule suivante : « être, faire et réfléchir
ensemble », une démarche communautaire dans le sens
où : « elle est basée sur la participation active des
membres de la communauté concernée. Cette démarche aboutit
à L'utilisation des éléments culturels comme points
d'appui des stratégies d'intervention. Dans un contexte de migration,
elle vise à rendre possibles, malgré les décalages, les
liens entre les logiques de la société d'accueil et celles du
pays d'origine. Cette fonction de lien est essentielle, entre
communautés africaines et professionnels, entre pays d'origine et pays
d'accueil, entre représentations occidentales et traditionnelles
africaines, entre L'individu, sa communauté et la société
d'accueil, etc. »197. Cette démarche est
également partenariale car l'URACA intervient sur le double terrain de
la France et de l'Afrique et s'appuie donc sur l'expertise à la fois
d'une équipe de tradipraticiens africains et des professionnels
hospitaliers parisiens, majoritairement africains. On y compte des
psychologues, des médiateurs,
196
Nsika et Depuydt, idem.
197 http://www.uraca.org/
152
des animateurs, tous africains, et quelques compétences
issues de la communauté française de souche : la
secrétaire générale du mouvement et la coordinatrice de
l'atelier Santé Ville de Paris 18e arrondissement.
L'URACA en France c'est d'abord un lieu d'accueil,
d'écoute et d'accompagnement, ce sont des activités
d'ethnopsychiatrie, de médiations, d'assemblées de femmes, la
prévention du SIDA , la formation et les échanges, la
solidarité communautaire, le soutien aux parents grâce à un
projet né en 1999 : le groupe Relais-parents originaires d'Afrique
subsaharienne et dont « L'objectif principal est d'aider les parents
originaires d'Afrique sub-saharienne dans leurs relations avec leurs enfants et
avec les institutions liées à l'éducation
»198.
La pertinence de son approche et de ses actions valent
à l'URACA un soutien financier conséquent de la part de la Mairie
de Paris mais aussi du Fonds Européen d'Intégration qui lui a
octroyé une enveloppe de 75.000 euros pour l'année 2011 sur un
projet annuel d'un coût total de 100.000 €199.
Cette crédibilité tient à la
cohérence et la lisibilité du projet que porte l'URACA, la
spécialisation de ses activités et leur circonscription à
un champ spécifique du domaine de la santé (lutte et
prévention du Sida), le professionnalisme de ses membres (hautement
qualifiés), son option de la transculturalité (subsahariens et
européens), sa démarche interculturelle ( prise en compte des
invariants culturels d'ici et de là-bas), le ciblage d'un public
déjà prioritaire dans les politiques publiques
d'intégration et d'insertion par la santé, par l'éducation
et la formation notamment (publics migrants, femmes, ,jeunes, parents).
L'ancienneté apporte l'expérience et celle-ci a permis à
l'URACA d'élargir son périmètre d'intervention à
l'Afrique où sont parallèlement conduites des actions de
santé communautaire, développement et de solidarité :
création de centres de soins et de santé, tournée de
médecine foraine, création d'une radio rurale, etc.
Autre atout force de L'URACA : en plus des multiples
compétences permanentes dont elle dispose en interne, elle a noué
des alliances stratégiques avec des partenaires clés et de
proximité : les associations de quartier (Habiter
au quotidien, les Enfants de la Goutte d'Or, l'Anneau d'Or, Aidda...),
les associations locales, nationales et internationales de lutte contre
le Sida (Centre Régional d'Information et de
Prévention Sida Ile de France-CRIPS, Migrants contre le Sida, Migration
Santé, Act Up, Fédération AIDES , ONUSIDA, OMS, Institut
National de Prévention et d'Éducation pour la Santé-INPES,
etc.), les Services hospitaliers parisiens : (Tenon,
Saint-Louis, Avicennes, Lariboisière, Bichat), etc.
3.5. Autres exemples majeurs de réseaux
transnationaux de migrants qualifiés dans d'autres régions du
monde
En ce qui concerne l'Europe, nous retenons tout
particulièrement :
3.5.1. Le réseau CASA-NET (Cameroonian Skills
Abroad - Network)
Réseau des compétences de la diaspora camerounaise
dont le secrétariat permanent est basé à Genève en
Suisse. C'est une fédération d'associations née en 2008
à la faveur du premier forum des compétences de la diaspora
198 Il s'agissait pour l'URACA de « constituer des
groupes de parents, animés par des leaders appartenant à la
même communauté, et d'interroger l'éducation des enfants,
la situation d'être parents migrants d'enfants nés en France(...)
Deux groupes se sont impliqués dans cette action : Un groupe de 13
pères (soninké, peul, bambara...) dirigé par Mr Mamadou
DIARRA ; Un groupe de 33 mères (mandingue) dirigé par Mme
Aïssatou GNABALY. En 2004, un troisième groupe est né,
constitués de jeunes (16-25 ans) de la seconde génération
qui apportent leur regard, leurs interrogations sur une situation
particulièrement complexe ; groupe animé par Mr DIARRA
».
199
Pour plus d'informations, consulter le document disponible sur
le site du Ministère de l'Intérieur français : «
Liste des bénéficiaires du Fonds Européen
d'Intégration(FEI) pour l'année 2011 ». Cela dit,
l'URACA bénéficie également de financements de la Mission
Ville de la Ville de Paris, la Direction Régionale des affaires
Sanitaires et Sociales (DRASS), la Direction Générale de la
Santé (DGS), Le service des financements associatifs de « Ensemble
Contre le Sida »(ECS) , la Direction de l'Action Sociale, de l'Enfance et
de la Santé (DASES), la Caisse Régionale d'Assurance Maladie
d'Ile-de-France (CRAMIF).
153
camerounaise, baptisé DAVOC 2008200 et
regroupant universitaires et professionnels installés dans divers pays
de l'OCDE principalement. Un réseau d'experts donc qui ambitionne de
regrouper l'ensemble des migrants camerounais pour des échange
d'idées, de ressources et de projets en vue de mener des actions
multisectorielles d'accompagnement au développement du Cameroun, dans
une démarche partenariale avec les institutions ( Casa-Net travaille
avec les gouvernement camerounais et suisses notamment ) et des structures
privées au niveau national et international. Nombreuses sont les
associations étudiantes camerounaises d'Italie, Suisse,
États-Unis, Allemagne, Chypre, Hollande, Belgique, Angleterre membres de
ce réseau des compétences. En France en sont membres en
l'état actuel de nos informations :
?? l'Association des Étudiants et Stagiaires de
Lyon (AESCL)
?? l'Association des Stagiaires et Étudiants Camerounais
de Bordeaux (ASECB) ?? l'Association des Étudiants Camerounais de
Strasbourg (AECS)*
3.5.2. Le cabinet montréalais AfriExperts
International
AfriExperts est avant tout un réseau
d'experts consultants africains d'horizons géographiques multiples
basé à Montréal au Canada et proposant des expertises en
termes d'accompagnement, de réalisations de missions spécifiques
pour une clientèle variée dans différents champs dont l'
entrepreneuriat et le développement des affaires, le
développement international, les technologies de l'information, la
coopération internationale, les services financiers, la conduite des
projets de recherche, l'immigration. Parce qu'il a fait le choix d'accompagner
les Africains de Montréal dans le processus d'insertion professionnelle
et de reconnaissance de leurs compétences par la valorisation «
du potentiel des compétences africaines dans le cadre des mandats qu'il
réalise au Canada et ailleurs dans monde, AfriExperts International
s'emploie à faire prioritairement recours aux services d'experts
africains qui se démarquent par leurs expériences
professionnelles et leurs aptitudes à agir avec diligence et attention,
pour répondre aux exigences de la clientèle
»201.Pour ce faire , il s'appuie aussi sur son
réseau d'associés et partenaires installés au Canada, aux
USA, en Europe et en Afrique. Parmi les services proposés à sa
clientèle :
?? Création et la gestion d'entreprises
?? Conception, suivi et évaluation des projets
?? Analyse et évaluation des politiques
?? Réalisation des sites web et
référencement
?? Déclarations fiscales et comptabilité
?? Services aux immigrants
?? Le consulting (TIC, développement international,
services financiers, immigration) ;
?? L'assistance sur mesure ;
?? Le placement en emploi ou l'interface entre candidats
à l'emploi et employeurs potentiels : Ce 3e axe de
service s'éclate en une multiplicité de
prestations dont :
? la promotion du réseautage et du mentorat,
? la fourniture des informations sur le marché de
l'emploi canadien,
? les conseils en relations interculturelles dans l'emploi,
200 La 5e édition de ce forum annuel s'est
tenue à Genève les 11 et 12 octobre 2012 autour de la
thématique : « contribution des migrants africains aux
stratégies de développement » avec la participation
d'une importante délégation représentant le gouvernement
camerounais. Au cours de ces assises a été examiné le
Document Stratégique pour la Croissance et l'Emploi (DSCE)
proposé par l'État « pour faire du Cameroun un pays
émergent à l'horizon 2035 » (Voir
www.davoc.org). Le
Réseau Casa-Net participe les 29 et 30 novembre à Genève
au Forum mondial sur les migrations et le développement ou Global
Migration and Development (GFMD) à l'invitation des Nations-Unies.
En outre, dans la perspective de la mobilisation la plus large possible des
compétences camerounaises de l'étranger, un observatoire des
compétences de la diaspora camerounaise (OCDC) serait en cours de mise
en place au Cameroun.
201
Voir le Portail internet du Cabinet AfriExperts International
http://afriexperts.com/
154
? la recherche de potentiels employeurs et la mise en relation
sur la base des objectifs professionnels définis avec les
requérants.
Le Cabinet AfriExperts International, à travers son
Directeur Général Guy Pascal Zambou, a publié en juillet
2012 La première édition de l'annuaire africain de
Montréal, une manière de « contribuer au rapprochement
interculturel et au renforcement des dynamiques d'intégration
économique et socioculturelle des Africains dans la
société québécoise et canadienne ». Ce
répertoire recense majoritairement des adresses d'entrepreneurs
africains de l'agglomération montréalaise, des renseignements
utiles sur les services divers (emploi, associations, services financiers,
etc.) mais aussi les adresses de Québécois dits de souche, dans
une démarche de promotion des alliances stratégiques.
3.5.3. Le Réseau des Entrepreneurs et
Professionnels Africains (REPAF)
Lui aussi basé à Montréal et né
en 2005, le Repaf est un « réseau d'affaires dynamique
d'entrepreneurs, de professionnels et de travailleurs autonomes majoritairement
d'origine africaine »202, et dont les objectifs consistent
à accroître l'influence des jeunes entrepreneurs africains
à Québec promouvoir leur avancement professionnel. Pour ce faire,
le réseau anime les actions suivantes dans le cadre de réseaux
spécifiques spécialisés (« Clubs Affaires »,
« Clubs professionnels », « Journée
Carrière-Diversité », « Speedmeeting affaires »,
« rencontres Première action », « 6 à « 8,
« Galas », « Caravanes »):
?? Développer un réseau dynamique
d'entrepreneurs, de professionnels, de travailleurs autonomes et de dirigeants,
et accroître leur influence;
?? Cultiver les habitudes de réseautage d'affaires comme
outil de succès et de création de valeur;
?? Faire la promotion du professionnalisme et de
l'entrepreneuriat comme outil de création de richesse et
d'intégration;
?? Favoriser l'avancement professionnel des membres dans toutes
les sphères d'activité; ?? Créer une relève
d'affaires forte, diverse et engagée;
?? Outiller les membres dans leur cheminement vers des postes
décisionnels.
À l'issue de ce tour d'horizon non-exhaustif qui
consistait à mettre en exergue les initiatives notables de mobilisation
des compétences par les migrants eux-mêmes et parfois avec l'appui
des gouvernements locaux et des institutions internationales, nous tirons deux
enseignements majeurs :
- Le relai qu'assurent aujourd'hui les associations et
réseaux professionnels dans le processus d'accompagnement à
l'insertion économique et professionnelle des migrants primo-arrivants
et d'installation ancienne comme le montrent les deux exemples canadiens ;
- La nécessité pour les migrants de se
structurer en réseaux régionaux, nationaux ou transnationaux, et
à se fédérer autour d' une « cause », d'un
thème ou d'un champ spécifique d'engagement et pour lequel la
démarche de mobilisation des compétences visant à apporter
des solutions à la problématique posée doit être de
la même manière préparée, structurée,
planifiée. La crédibilité, la légitimité des
organisations associatives subsahariennes vis-à-vis des partenaires
institutionnels et privés et vis-à-vis des migrants
eux-mêmes tiennent à cette capacité à penser et
organiser l'action, puis à la rendre efficace par la manière et
les moyens avec lesquels elle est conduite.
S'organiser, se compter pour mieux agir, influer sur le cours
des évènements et donc compter, tel est l'horizon
déjà atteint par certaines organisations de migrants subsahariens
en Europe et en Amérique du Nord, nous l'avons
202 Voir le Portail internet du réseau à l'adresse
suivante www.repaf.org/
155
vu. Qu'en est-il des pratiques de mobilisation et
développement des compétences au sein de la communauté
associative subsaharienne du Grand Lyon ?
Section 3 : Pratiques et témoignages des
associations des migrants subsahariens du Grand Lyon en matière de
gestion des compétences des migrants pour le développement et
l'intégration
Le constat général d'une faible pratique de la
mobilisation formelle des compétences des migrants dans le Grand Lyon a
donné prétexte à la présente étude :
comprendre les raisons d'une telle dispersion des compétences et la
difficulté pour migrants à les agréger afin de porter
collectivement des projets d'insertion dans la société d'accueil
ou de développement des pays de départ.
1. Caractéristiques des compétences
individuelles et collectives des migrants
Les opinions recueillies auprès de la vingtaine de
responsables associatifs enquêtés sur la question des
compétences des migrants font apparaitre quelques
caractéristiques majeures :
1.1. Elles sont difficilement quantifiables en raison de
l'absence de données globales pertinentes
À l'exception, du travail précédemment
cité mené sous la direction conjointe de Sciences Po Lyon et du
Résacoop, nous n'avons pas identifié de démarche formelle
de mobilisation des mobilisation des compétences au travers de la
constitution d'un répertoire d'immigrés portant une expertise
particulière. L'association EKODAFRIK qui anime le site web
www.echosdafrique.net
propose néanmoins un annuaire en ligne des africains du Grand Lyon
(avocats, experts comptables, élus communaux, entrepreneurs,
associations, etc.) sans que l'on sache si ces données du reste
pertinentes ont pu servir à susciter la mise en lien des professionnels
recensés d'un même secteur d'activités ou la mise en
réseau d'organisations associatives désireuses de mener des
actions conjointes en mutualisant les moyens. Difficile également de
savoir si les renseignements y sont mis régulièrement à
jour (mobilité oblige) et enrichis au fur et à mesure des
collectes de nouvelles données sur les profils professionnels des
migrants nouvellement installés dans la région par exemple. Il
serait d'ailleurs intéressant d'élargir ce répertoire aux
professionnels subsahariens sur l'ensemble de la région
Rhône-Alpes, de manière à susciter des liens, encourager
les démarches de construction de réseaux professionnels et
associatifs outre-Rhône. Pertinent serait aussi la mise en lien entre les
collectifs d'associations des migrants du Grand Lyon et le Résacoop pour
s'inspirer de la méthodologie d'inventaire des compétences «
africanistes » mené par le second dans le périmètre
rhodanien et identifier les experts subsahariens répertoriés dans
cette base de données.
1.2. Elles sont dispersées et pas toujours
clairement identifiées ni même reconnues par les associations qui
en auraient pourtant bien besoin
En plus du déficit important d'informations
pertinentes de nombres de petites associations de migrants concernant les
interlocuteurs institutionnels chargés de piloter les politiques locales
de la ville et de l'intégration, les dispositifs publics existant et
l'octroi des ressources pour la conduite des actions, sévit aussi une
méconnaissance ou un déficit de crédit à l'endroit
des associations et structures professionnelles de migrants ayant
développé une ingénierie particulière dans le
montage et le suivi des projets d'insertion ou de développement, la
formation professionnelle, l'accompagnement en tous genres203. La
crise de confiance entre migrants peut accentuer ce
203 Citons en exemple le cas du Centre Appui Conseil
Formation, une des rares structures d'insertion économique et
professionnelle des publics en difficulté , immigrés et
non-immigrés, portée et administrée par des migrants.
Né en 2001, les activités du Centre se structure autour de deux
pôles : un pôle Conseil en création et
reprise d'entreprise, suivi post-création, gestion, les TIC, les projets
de santé, l'ingénierie des
156
phénomène, une crise de confiance des migrants
subsahariens vis-à-vis de l'expertise de l'Africain. Les a priori
positifs ou négatifs qu'ont les uns vis-à-vis des autres,
répercutés par le bouche-à-oreille particulièrement
efficace du point de vue des échanges d'informations dans les relations
interpersonnelles, peuvent aider à l'identification et l'adhésion
à une structure professionnelle ou une association d'experts africains
ou au contraire susciter méfiance, réticence et discrédit
qui renforcent la méconnaissance et les préjugés y compris
au sein de la même communauté nationale ou
ethno-régionaliste. Un phénomène assez courant au sein de
la communauté subsaharienne et qui légitime la démarche
d'une association comme l'A2P Nord-Sud-Sud qui a fait de la lutte
contre les préjugés et stéréotypes au sein de la
communauté africaine du Grand Lyon son cheval de bataille ; de
même que la promotion de la transculturalité et sa traduction en
actes par la pratique de l'ouverture et l'imbrication des associations
subsahariennes toutes origines confondues au sein d'un collectif du type
Africa 50 ou le Cosim. L'association s'appuie en effet sur le
constat qu'en plus du déficit de confiance :
« ...les préjugés font que l'on
s'imagine l'autre comme un ennemi, un danger, alors à ce
moment-là, on ne cherche plus à le connaitre, on cherche
plutôt à lui barrer la route. Au lieu de travailler sur des
objectifs communs et la mise en place d'outils qui nous permettent
d'évaluer que nous tendons vers cet objectif commun, de manière
à renforcer la confiance, cette confiance qui n'est pas donnée
une fois pour toutes, qui est à construire et à reconstruire en
permanence ».
Un autre responsable associatif nous confiait dans la
même veine que : « l'expertise c'est important et pour valoriser
certaines choses il faut que les gens en face donnent du respect et de la
reconnaissance à l'expert sinon ça ne vaut rien »
La permanence des attitudes de défiance mutuelle,
accentuée par le facteur concurrentiel pour la captation des ressources
publiques et privées et l'acquisition du prestige social , met à
mal le processus de professionnalisation des associations dont dépendent
l'efficacité des actions, la visibilité et la
légitimité des associations dans leur s quêtes
partenariales.
Nous avons noté parallèlement la
difficulté que rencontraient certains acteurs associatifs à
identifier les organisations par thématiques ou champs d'intervention en
raison d'une invisibilité sur l'espace public de nombre d'entre elles :
absence de sites internet, coordonnées dans les annuaires associatifs
des mairies pas toujours à jour, période d'activités
très variables en fonction de la disponibilité des membres du
mouvement...
1.3. Des compétences globalement peu
disponibles
La non-disponibilité des compétences,
corollaire de leur invisibilité, s'explique tout d'abord par la
réticence de certains migrants à s'impliquer pleinement dans les
activités associatives, même en sachant que ce cadre peut
être pourvoyeur en termes d'aide et d'informations en tous genres :
« Ce sont les conditions. Il y a beaucoup qui n'ont pas le temps de
militer dans les associations et tout. Ce sont les conditions
financières. La plupart des gens qui viennent ici ce sont surtout les
étudiants. Les gens se cherchent. Les gens pour vivre au quotidien c'est
un problème. Ça fait qu'il n'y a pas trop de motivation au niveau
de l'association», justifie un acteur associatif
rencontré.
Les charges familiales, les responsabilités
professionnelles et différentes autres urgences auxquelles sont
confrontés les immigrés de manière générale
dans les pays d'accueil laissent en effet peu de place à l'engagement
bénévole. La population au sein des associations des migrants se
rajeunit, une génération nouvelle qui portent des idées
parfois en rupture avec le système des « anciens », ce qui
crée, comme nous confiait un membre d'un collectif d'associations
originaires d'Afrique de l'Ouest, des conflits de génération qui
peuvent conduire aux blocages et entrainent des risques de scission.
projets socio-économiques ; un pôle
formation en création d'entreprise, aux métiers de
l'informatique, en management des projets et ressources humaines, en
installation et maintenance des systèmes solaires voltaïques et en
ingénierie du développement local.
Voir http://www.centre-acf.fr/
157
À cela s'ajoute le peu d'investissement des migrants
subsahariens à la retraite, « excusés » par la
quasi-totalité des responsables associatifs enquêtés.
Ceux-ci estiment en effet que les retraités, épuisés par
une carrière parfois péniblement vécue, aspirent, pour
certains en tout cas, au retour dans le pays d'origine. Aucune des
études consultées durant notre enquête n'attestent de cette
pratique. Au contraire, l'on assiste à une inversion de tendance avec la
circulation régulière entre ici et là-bas mais la
prolongation du séjour voire l'installation ou la réinstallation
définitive dans le pays d'accueil204.
En conséquence, le cadre associatif dans ces
conditions ne peut que très difficilement être un lieu
d'échanges, de génération des compétences et de
leur développement ; ou un espace de rencontre entre des entrepreneurs
et des personnes qui mettent leurs compétences à disposition.
Toutefois, l'Association des Burkinabé de Lyon (ABL) a
fait le choix de miser sur l'ensemble des burkinabé, quelles que soient
leur niveau de qualification, l'étendue de leurs connaissances ou leur
statut par rapport à l'emploi. La mobilisation des troupes et le
bénévolat, d'après ce que nous en avons observé,
marchent plutôt bien. Son président s'en explique : «
L'association peut être l'espace pour trouver des ressources. C'est
ce qu'on essaie de faire en tout cas dans notre association, par exemple
à travers l'accueil des nouveaux. Pour dire aux gens, même si vous
n'avez pas les moyens, Venez : on brasse les idées ensemble. On peut au
moins apporter des idées ». Elle s'appuie aussi sur son
réseau fort dense de partenaires institutionnels dont la
Communauté urbaine du Grand Lyon et le Consulat du Burkina Faso
associé au dernier Forum économique (le FEDDA) co-organisé
par l'ABL et Africa 50 et qui a été l'occasion
de la mise en relation entre employeurs et candidats burkinabé en
recherche d'emploi ou d'opportunités d'affaires.
1.4. Les compétences sont plus souvent
mobilisées en externe par les associations elles-mêmes
C'est une pratique courante que celle de l'adhésion
aux réseaux associatifs dont nous avons indiqué
précédemment qu'elle permettait, au-delà de la
construction et le renforcement identitaires, d'accéder à la fois
aux ressources et biens informationnels pour la conduite des projets des
migrants, de bénéficier des services et prestations techniques et
administratives proposées par les réseaux en termes de montage ,
suivi et évaluation des projets associatifs , procédure de
montage de dossier de financement, étude de faisabilité,
diagnostic, la représentation et défense de la cause des
associations auprès des instances politiques et administratives,
l'animation des formations pratiques et théoriques sur des
thématiques spécifiques ; comme pratiquent le CADR
autour de la solidarité internationale, le développement
durable , le commerce et le tourisme équitables, ou encore le
Resacoop et le Cosim sur la méthodologie de gestion et
capitalisation des projets .
Cependant, les prestations de formations ou accompagnement au
montage de projets sont peu pratiqués par et au sein des collectifs
associatifs représentant des migrants issus d'un même pays, quoi
que certains soient membre de
204
Voir Emmanuel Jovelin, « Le dilemme des migrants
âgés. Entre le désir du retour et la contrainte d'une vie
en France », in la revue Pensée
plurielle, 2003, pp.109-117.
L'auteur, dans cet article, souligne que peu de migrants
âgés sont satisfaits de leurs conditions de vie en France,
pourtant le retour même s'il est envisagé et fantasmé est
rarement effectué. Les causes identifiées du non-retour dans le
pays d'origine étant : le « fainéantisme »
du retour consécutif à la vie prolongée en
France, « combiné aux difficultés
financières, car pour rentrer au pays, il ne s'agit pas uniquement d'y
aller pour rendre visite à la famille, il faut aussi « arroser
» pour montrer le signe distinctif de la réussite sociale, sinon
mieux vaut ne pas y aller (...)» ; Ensuite le rêve
non réalisé : «
venir en terre d'immigration c'est avoir des rêves. Or
les problèmes économiques font qu'on ne peut rentrer chez soi en
étant pauvre. Ce serait dans ce cas un échec inexplicable.
Plutôt que de subir le regard du vaincu, on préfère rester
en France en maintenant le « mythe de la réussite ».
L'échec économique renvoie à un échec de la vie, de
toute vie passée en dehors de chez soi. L'enrichissement
rêvé au moment du projet du départ se transforme peu
à peu en dettes inépuisables » ; et enfin
les migrants âgés de retour se vivent comme
étrangers chez eux : « vivre longtemps
à l'étranger fait de vous un étranger chez vous et
traité en étranger chez soi. Les personnes qui vivent à
l'étranger sont quelquefois stigmatisées dans leur pays d'origine
où l'intégration et les habitudes de vie ne sont pas
évidentes. Pour les migrants âgés qui, pour certains, ont
passé plus de temps en France que chez eux, le retour est quasiment
impossible car cela les pousserait à faire le chemin inverse :
réapprendre une nouvelle vie dans un pays qui jadis était le
leur. Cette trajectoire à l'envers est inacceptable pour les migrants
âgés qui préfèrent sacrifier leur vie dans le pays
d'accueil ».
158
collectifs nationaux membres du Forim et labellisés
Opérateurs d'Appui aux Projets (OPAP) de solidarité
internationale. Aussi, avons-nous tenté de joindre les services du Forim
en charge de cette question pour comprendre la procédure et les
critères présidant au choix de labellisation des collectifs
communautaires205 , mais en vain.
Les compétences individuelles et collectives externes
au réseau peuvent être sollicitées également et
puisées dans le vivier des relations interpersonnelles, du capital
relationnel accumulé au gré des rencontres et collaborations.
Le constat que nous avons fait toutefois c'est
qu'au-delà du réseau communautaire d'appartenance, peu
d'organisations associatives subsahariennes recourent aux réseaux
associatifs des non-migrants intervenant sur des champs spécifiques. Par
exemple l'ASSFAM, FIJI Rhône-Alpes, le CADR ou les Centres Culturels de
la Vie Associative (CCVA) tels ceux de Vénissieux et de Villeurbanne que
nous avons joint et qui proposent dans leurs catalogues de services en
direction des associations domiciliées dans leurs communes respectives
des formations à la gestion associative ou des thèmes
particuliers.
1.5. Typologie des compétences recherchées
par les associations rencontrées
Elles sont de divers ordre mais leur mobilisation doit tenir
compte du modèle économique de l'association qui repose
principalement sur le bénévolat, comme déjà
indiqué plus haut. Cela suppose la disponibilité en temps des
bénévoles, leur adhésion aux valeurs et objectifs
portés par l'association, et c'est pourtant loin d'être le cas
dans certaines des organisations associatives du Grand Lyon. Des dissensions
internes ont souvent engendré une démobilisation des membres et
une dispersion des compétences, fatalement peu utilisées. Cela
pouvant conduire à une situation de déqualification des migrants
tant dans le champ associatif que professionnel.
Cela dit, les besoins exprimés par les acteurs
associatifs en termes de compétences pour la conduite des projets
recouvrent les domaines suivants :
205 Pour le Forim dont Le Renforcement du réseau des
Opérateurs d'appui labellisés (OPAP) pour un meilleur suivi et
accompagnement des projets de Codéveloppement des OSIM constitue une des
4 activités menées par le PRA-OSIM, un « dispositif
d'accompagnement, de cofinancement et de capitalisation des projets de
développement local portés par les OSIM de base
» , les missions d'une association labellisée OPAP
c'est : le Conseil et l'orientation du porteur de projet, l' Appui technique et
méthodologique, le Contrôle de la qualité, de la pertinence
et de l'éligibilité du projet, Appui à la recherche et
mobilisation de partenaires techniques et financiers, Aide au suivi financier
et opérationnel du
projet, l' Appui à la rédaction des comptes
rendus d'emplois de subvention. Parmi les associations labellisées
OPAP par le Forim on compte :
- L'Association des Marocains de France (AMF)
- Centre Kram Ngoy / Centre de Formation géré
par la Diaspora cambodgienne (CKN-CEFODIA)
- Les COSIM Rhône-Alpes, Nord-Pas de Calais et
Midi-Pyrénées
- Le Conseil des Béninois de France (CBF)
- Coordination des Associations Guinéennes de France
(CAGF)
- Femmes Inter Associations - Inter Service Migrants
(FIA-ISM)
- Haut Conseil des Maliens de France (HCMF)
- Migrations et Développement (M&D)
- Plateforme des Associations Congolaises de France
(PACOF)
- Plateforme des Associations Franco-Haïtiennes
(PAFHA)
- Réseau des Associations Mauritaniennes en Europe
(RAME)
- Comité de Suivi du Symposium sur les
Sénégalais de l'Extérieur (CSSSE)
- Touiza Solidarité (TS)
- Union Générale des Vietnamiens de France
(UGVF)
- Union des Associations Burkinabé de France
(UABF)
·
159
Les compétences managériales
: ce sont des compétences d'encadrement (organiser le
travail, résoudre des problèmes...), de direction (manager
l'association, mobiliser l'ensemble des membres et bénévoles,
communiquer, anticiper les évolutions techniques, administratives...)
;
· Les compétences techniques
: maitriser les procédures et les outils (informatiques,
communication), assurer l'autocontrôle, connaitre le marché des
financements associatifs, les dispositifs publics et les interlocuteurs
clés, etc. Elles concernent particulièrement les chargés
de mission au sein des associations, les consultants internes ou externes
justifiant d'une expertise spécifique ;
· Les compétences scientifiques
: effectuer des études, la recherche-action, produire des
synthèses thématiques sur les migrants, conduire des
enquêtes de terrain, des évaluations d'impact, la mobilisation des
ressources documentaires utiles à l'action, articuler l'univers
associatif au monde universitaire, les laboratoires de recherche et les centres
d'information tel le REMISIS ;
· Les compétences interculturelles
: former à s'adapter et évoluer sans encombre dans
un environnement culturel différent y compris sur le champ de
l'insertion professionnelle et l'univers éducatif, sensibiliser les
acteurs sociaux associatifs, institutionnels et civils aux vertus de la bi ou
multiculturalité... ;
· Les compétences linguistiques
: la maitrise de la langue du pays d'accueil et des langues
étrangères ;
· Les compétences pédagogiques
: Former, informer, conseiller, écouter, prendre en compte
les avis et évaluer ;
· Les compétences commerciales et de
communication : gestion des activités
évènementielles, levée de fonds, mobilisation de
ressources non financières, prospection de « clients »,
partenaires, négociations fournisseurs, sous-traitants... ;
· Les compétences personnelles qui
relèvent du savoir-être : capacité
d'adaptation aux nouveaux outils et aux procédures, à
l'environnement juridique et institutionnel, économique et
socioculturel, capacité d'apprentissage, d'acquisition de nouvelles
connaissances et d'élargissement des compétences, être
actif dans le changement, tenir les délais, le goût du travail
bien fait, assumer les aléas, prendre des initiatives, proposer des
améliorations, être solidaire du groupe et faire primer
l'intérêt général sur les intérêts
particuliers...
Ces compétences non-exhaustives se situent donc
à la confluence des trois dimensions que sont les savoirs, les
savoir-faire et les savoir-être.
En ce qui concerne les associations rencontrées, nous
avons noté que ces compétences pouvaient dans certains cas
être :
?? disponibles mais pas suffisamment mises
à contribution dans le cadre des activités
menées
Un responsable dont l'association est membre
d'Africa 50 nous confiait ainsi que ce sont moins les
compétences qui manquent que la définition des missions et
activités qui permettraient de les valoriser : management des projets
dans l'habitat social par exemple, la formation à la
création/reprise et la gestion des micro-entreprises, les
compétences informatiques, etc. Les activités du Collectif
à ce jour gravitent principalement autour de la promotion de
l'interculturel, la lutte contre les discriminations, le soutien scolaire ou
encore la valorisation de la mémoire à travers l'animation de
rencontres scientifiques auxquelles participent des panelistes de
renom206, il est
206
La récente commémoration du massacre des
soldats africains en 1940 par l'armée allemande dans les environs de la
commune de Chasselay (Rhône) où ils furent ensuite inhumés
a vu la participation remarquée d'un historien spécialiste de
l'histoire de l'Afrique et de l'esclavage, le Professeur Elikia Mbokolo.
160
vrai. Le Collectif totalise pourtant plus d'une trentaine
d'associations membres et autant de compétences. Mais les profils et le
potentiel des dépositaires de ces compétences au sein de ces
organisations membres (dont la liste est consultable sur le site internet du
collectif) ne nous sont pas apparus clairement établis.
?? Non-disponibles mais n'ayant fait l'objet,
à notre connaissance du moins d'aucune démarche poussée de
cartographie des compétences des migrants et de constitution d'une base
de données « prête à l'emploi ;
Dans l'optique de combler l'écart entre
compétences recherchées par les associations et les
compétences réellement disponibles mais si peu nombreuses. Au
sein du Collectif Africa 50, l'on nous a tout de même assuré que :
« C'est dans cet esprit que nous voulons constituer un
répertoire des compétences ». Peut-on par exemple
imaginer un réseau d'entrepreneurs d'origine subsaharienne de Lyon comme
il peut en exister ailleurs, au Canada par exemple ? La coordination du
Collectif nous a indiqué que :
« Ça peut être intéressant...on
n y a jamais pensé mais effectivement un réseau de professionnels
d'origine africaine, ça peut même faciliter la création du
répertoire (...) le dernier FEDDA visait en fait la création de
ce type de réseau. Cela existe donc sous une autre forme : les chambres
de commerce et d'industrie. Ce sont des associations de loi 1901 qui
réunissent des professionnels »
?? Le développement des compétences
n'est pas une pratique courante au sein des associations des migrants
subsahariens
Nous indiquions plus haut le recours faible aux ressources et
dispositifs destinés au développement de la vie associative mis
à la disposition des associations par les mairies notamment. À
cela s'ajoute le fait que l'expérience associative n'est pas
collectivement valorisée en dépit d'une sensibilisation faite
auprès des acteurs associatifs par les pouvoirs publics autour de
l'intérêt de la Validation des Acquis de l'Expérience
associative dans l'élaboration d'un projet professionnel. La VAE
pourrait théoriquement du moins contribuer à augmenter
l'employabilité des migrants en recherche d'emploi, et notamment les
jeunes sans expérience professionnelle. L'acquisition des nouvelles
compétences au sein des associations de migrants n'est pas
formalisée, le recours aux formations reste globalement faible en raison
d'un coût forfaitaire d'accès aux sessions pédagogiques
animées par les CCVA et qui ne sont souvent pas à la
portée du budget des petites associations.
Un responsable associatif interviewé témoigne :
« Il y a un déficit de notre côté pour identifier
un peu tous les dispositifs qui nous permettent de capter les moyens. Par
exemple, les fonds pour le développement de la vie associative et
autres, pour proposer ces formations-là de façon interne, et que
ça soit institutionnalisé. En nous mettant ensemble, nous pouvons
aussi peser pour négocier auprès des municipalités pour
avoir des crédits afin d'organiser ces formations parce que ce sont des
formations qui nous permettent d'être citoyens à part
entière dans toute la complexité de notre parcours
2. Quelques préconisations en faveur d'une
politique de mobilisation des compétences au sein des collectifs ou
fédérations d'associations subsahariennes
Mobiliser et valoriser les compétences des migrants et
des diasporas pour le développement nécessite donc tout d'abord
de :
? Tracer un profil détaillé des
compétences spécifiques des migrants subsahariens et plus
globalement des Nord-africains (acteurs socio-économiques, formateurs,
ingénieurs, techniciens, médecins, agents de développement
local, social, rural et urbain...)répertoriés par commune et
exerçant leur métier ou résidant dans le
département du Rhône ; étendre ensuite l'investigation
à la région Rhône-Alpes dans son ensemble.
161
Les acteurs associatifs subsahariens du Rhône et
au-delà peuvent s'inspirer, du point de vue méthodologique,
d'expériences significatives accumulées en la matière
depuis quelques années en différents endroits du monde en
identifiant dans le même temps les nombreux acteurs, institutionnels ou
non gouvernementaux, actifs dans ces domaines dont l'AFD et l'OCDE qui viennent
de réaliser un travail similaire207. Le programme du TOTKEN
Sénégal déjà évoqué, initiative
co-parrainée par le PNUD et le ministère sénégalais
des affaires étrangères et des Sénégalais de
l'extérieur, offre à cet égard sur son site internet un
exemple des plus instructifs208. L'expérience
identifiée la plus récente au cours de notre enquête est un
travail d'inventaire des experts réalisée par deux
étudiants de Sciences Po Lyon pour le compte et sous la férule du
réseau RESACOOP. La mission de ces étudiants consistait en
l'identification dans le département des personnes hautement
qualifiées de toutes origines et horizons professionnels(agronomes,
vétérinaires, médecins, enseignants, universitaires,
formateurs, ingénieurs, techniciens, etc.) ayant une certaine
connaissance du terrain africain et susceptibles d'apporter leur contribution
à l'accompagnement des projets de coopération
décentralisée portés par les migrants au
bénéfice des pays d'origine.
Le projet VITAR 2, une recherche-action conduite entre 2004
et 2007 à Bruxelles sous la houlette de l'organisme IRFAM209
et financée par le fonds Social Européen, met par exemple en
exergue deux types de compétences définies comme des
habiletés non académiques essentielles à l'insertion
socio-professionnelle des migrants en Belgique. En d'autres termes, des
capacités « comme la participation sociale, l'insertion dans
des réseaux, la négociation, l'adaptation à des contextes
nouveaux, etc. [Elles] revêtent une importance stratégique
particulière dès lors que l'on envisage le cas des
sociétés multiculturelles où la discrimination sur le
marché de l'emploi n'est pas chose rare »210.
Ces compétences clés, ce sont :
- Les compétences citoyennes qui sont
des capacités psychosociales transversales des individus
ouverts sur le monde et la société.
- Les compétences interculturelles,
capacités citoyennes particulières qui «
permettent aux personnes, aux groupes et aux institutions de faire face
à des situations complexes dues à la diversité des
référents culturels dans des contextes inégalitaires
».
Une initiative d'envergure qui réaffirme la
nécessité de la mise en place d'un département
étude recherche action au sein de la fédération des
collectifs des migrants qui mobiliserait le personnel, les sources
d'informations, les outils, corpus théoriques et conceptuels et toutes
autres ressources utiles la conduite de cette investigation. Et pour aller plus
loin, la création des cabinets d'expertise spécialisés
dans l'accompagnement au montage, au suivi et à l'évaluation des
projets de développement et d'insertion/intégration,
adossés à la fédération est fortement
souhaité.
? Dresser un inventaire des domaines d'actions ou des
canaux de mise à contribution pour lesquels les compétences sont
disponibles et mobilisables ; puis procéder par tout support accessible
à la mise en circulation d'informations sur ces compétences
(celles des membres et plus largement celles des non membres du réseau)
auprès de l'ensemble de la communauté associative
rhônalpine, des professionnels et acteurs institutionnels intervenant
directement ou subventionnant les actions dans le champ de
l'intégration.
207
Voir le Rapport 2012 conjoint AFD et OCDE intitulé :
« Mobiliser les compétences des migrants et de la diaspora en
faveur du développement : quelques pistes stratégiques »,
discuté lors d'une conférence le 5 octobre 2012 à
Paris avec la participation du FORIM sous le thème : «
Connaître et mobiliser les compétences des migrants en faveur du
développement ».
208
http://www.tokten.sn/ On peut lire la mention suivante :
« Même si son objectif générique n'est pas de
promouvoir le retour et l'insertion des Experts de la Diaspora, il convient de
noter qu'au cours de sa phase pilote, le TOKTEN a eu comme résultat
dérivé le recrutement définitif de 10 experts
».
209 L'Institut de Recherche, Formation et Action sur les
Migrations (IRFAM) est « un organisme ressource et
d'éducation permanente créé en 1996 par des intervenants
et des chercheurs, au service des professionnels de l'action sociale, de
l'éducation, du développement culturel et économique.
L'institut vise, par une approche multidisciplinaire, à construire des
liens entre la recherche et les interventions dans le domaine de
l'intégration et du développement, ainsi que la lutte contre les
discriminations ». Portail internet de l'Irfam.
210
Altay Manço, « Valorisation des
compétences et co-développement : un projet du FSE pour migrants
africains qualifiés », L'observatoire,
Liège, n°57, p. 15-16.
162
Pour rappel, les domaines qui nous paraissent « prenables
» par les associations des migrants du fait des compétences
individuelles et collectives identifiées au cours de notre enquête
sont : la Formation technique, civique, sociolinguistique ; la
Structuration et gestion des associations ; l'Accompagnement
à la création et suivi post-création d'entreprise ;
le Soutien scolaire des descendants d'immigrés et immigrés
mineurs récemment installés ; l' Accompagnement des
publics migrants à la recherche d'emploi, de logement, aux dispositifs
spécifiques du droit commun ; le Soutien à la
parentalité et l'ouverture de l'école aux parents ; la
Médiation sociale et interculturelle.
? Dresser une cartographie211 des
associations clés, des acteurs publics et des opérateurs
économiques locaux afin d'en solliciter les compétences le cas
échéant, exploiter le potentiel productif, les normes,
connaissances et savoir-faire, dans le cadre de partenariats
stratégiques :
?? Fédération AEFTI du Rhône pour la
Formation des travailleurs immigrés
?? Centre de ressources Ville Intégration
École
?? ASSFAM Délégation du Rhône pour la
formation et l'accompagnement des publics migrants
?? FIJI Villeurbanne pour la formation des femmes, la
promotion et la défense de leurs droits
?? ALLIES pour la gestion du Plan Local d'Insertion et de
l'Emploi dans l'Est et le Sud Rhône
?? URACA pour la prévention et l'accès aux
soins de santé par la prise en compte de l'interculturel
?? CREFE - Centre Ressources enfance Famille
École
?? DDCS - la Direction Départementale de la
Cohésion sociale
?? DRJSCS - la Direction régionale de la Jeunesse,
des Sports et de la Cohésion sociale du Rhône, etc.
? Renforcer la coordination entre les
différents acteurs associatifs subsahariens de la région à
travers la mise en place d'une plateforme de rencontre régionale et
nationale (sur le modèle de l'Assemblée des
Sénégalais de l'Extérieur) et la multiplication des
occasions d'échanges d'expériences relatives à la
mobilisation et la gestion des compétences.
? Valoriser les compétences des migrants
suppose également de consulter plus souvent, dans le cadre des
réponses aux appels d'offres publics, les professionnels africains
individuels et collectifs identifiés pour des actions d'appui aux
projets d'insertion, d'intégration ou de développement solidaire
portés par les associations de migrants ;
C'est le choix qu'a fait le cabinet AfriExperts
à Montréal en associant prioritairement les experts
d'origine africaine aux missions qu'il porte auprès de ses clients au
Canada. Il serait souhaitable également de sensibiliser les associations
de solidarité françaises membres du CADR et du RESACOOP par
exemple à ce type de démarche qui pourrait contribuer à la
fois à régler le problème de la déqualification
professionnelle. Les jeunes diplômés subsahariens qui peinent
à trouver leur place sur le marché du travail français
pourraient y trouver, selon leurs spécialisations, prétexte
à construire ou renforcer un projet professionnel, en optant soit pour
le retour au pays dans le cadre des missions desdites associations soit pour la
migration circulaire entre ici et là-bas. Dans l'optique de nourrir la
réflexion et aller dans le sens de préconisations pertinentes, il
serait souhaitable de consulter des laboratoires de recherche (l'Institut de
Recherche, Formation et Action sur les Migrations-IRFAM Bruxelles par exemple)
ou centre de ressources tel le REMISIS212 ou encore le RESACOOP
travaillant sur la problématique de la mobilisation des
compétences en lien avec les migrants.
211
Une cartographie des compétences à construire
sur le modèle du répertoire d'acteurs privés et
institutionnels réalisé par le réseau associatif
AIMS-Entreprendre pour la Cité intitulé : «
Handicap : vos partenaires pour optimiser votre politique en faveur de
personnes handicapées » dans le cadre du programme
Equal et soutenu financièrement par le Fonds social
Européen.
212
Le REMISIS est un réseau documentaire
spécialisé sur les migrations internationales, les relations
interethniques, l'intégration et la lutte contre les discriminations et
le racisme et qui produit une base de données bibliographiques riche de
plus de 26 000 notices. Son site internet http://www.remisis.org/
propose de faire connaître les documents sur les migrations et de les
localiser. Il présente également « les centres de
ressources membres et partenaires du réseau et travaillant sur le
thème des migrations et de l'intégration. Il donne
également accès à
163
? Identifier les étudiants immigrés ou
descendants d'immigrés (tous cycles et cursus confondus),
structurés en réseaux ou non, puis les sensibiliser aux avantages
de l'engagement associatif et les associer aux opérations
d'enquête de terrain, de production de l'information et des
connaissances, de collecte de la documentation pertinente sur des
problématiques sociales relatives aux migrants de France, l'animation du
portail internet et rédaction de contenus éditoriaux sous la
coordination de l'exécutif du réseau, l'accompagnement individuel
ou collectif à l'insertion sociolinguistique et culturelle : soutien
scolaire des mineurs et des parents ayant des difficultés de langue
(compréhension, écriture et lecture), techniques de recherche
d'emploi, aide à la rédaction administrative, etc.
? Mettre en place un système coordonné
et cohérent de reconnaissance des titres et compétences acquises
sans diplôme reconnu, hors du circuit formel donc, étant
entendu que l'essentiel des migrants n'ayant pas de qualifications importantes
ont pu au cours de leur vie professionnelle antérieure dans les secteurs
informel ou formel mobiliser un ensemble de savoirs, savoir-faire et
savoir-être qui mériteraient d'être valorisés et mis
à contribution dans le cadre des actions d'intégration ici.
? Développer au travers des réseaux des
migrants identifiés une ingénierie de la formation
professionnelle continue en vue du retour à l'emploi, la
gestion administrative et managériale d'une association, le montage d'un
projet d'insertion ou de développement, etc. Il s'agit clairement de
faire d'une association, d'un collectif ou un réseau associatif
un lieu d'acquisition, de maintien, de renforcement et de développement
des compétences, des capacités individuelles et collectives , du
capital social et culturel, bref un cadre de développement et de
valorisation de l'employabilité des immigrés compte tenu
des risques importants que beaucoup courent en termes de
désintégration du marché du travail,
déqualification ou chômage de plus ou moins longue
durée.
? Investir amplement dans les nouvelles technologies
et notamment les réseaux sociaux virtuels populaires et professionnels
(Facebook, Linkedin, Viadeo, Twitter, etc.), les outils collaboratifs
et de communication instantanée à accès libre (gmail
de google, skype, google talk, msn) en les alimentant avec de
l'information pertinente (sociale, politique, administrative et culturelle des
régions d'origine et d'accueil) de manière à toucher un
public migrant large (y compris ceux sans qualifications spécifiques)
tout en s'exemptant des coûts de communication importants.
Le recours à ces outils213 pourrait
permettre de recruter des bénévoles, repérer les
compétences plus directement sur Linkedin et Viadeo
par exemple, connecter les réseaux via leurs membres
présents à titre individuel sur l'une ou l'autre plateforme,
susciter et maintenir le lien entre membres, échanger des informations
pertinentes via des réunions virtuelles par exemple, identifier les
besoins propres à un réseau de migrants dans une zone
géographique donnée dans la région afin d'y
déployer des actions spécifiques, mobiliser les personnes
compétentes afin d' effectuer des transferts de compétences et
des connaissances à l'aide de ces outils, l'animation des formations
à distance entre autres. Les migrants sont de plus en plus jeunes, plus
familiers des nouvelles technologies, désireux de s'identifier à
une communauté dynamique, plus impliquée et engagée sur
les questions politiques et sociales des pays d'origine et du pays d'accueil et
donc plus connectés. En témoignant la présence massive des
associations et autres campagnes de plaidoyer sur les réseaux sociaux et
notamment Facebook qui sert à la fois de vitrine pour
un ensemble d'informations sur le thème des
migrations : - un agenda rassemblant des informations sur les colloques,
journées et conférences ainsi que sur les nouvelle parutions(...)
».
213 À titre illustratif de l'importance du recours au web
2.0 par les organisations diasporiques dans le monde, Le Rapport conjoint
OCDE-AFD sur la mobilisation des compétences des migrants cité
plus haut évoque ainsi le projet e-Diaspora, «
qui a recensé plus de 8 000 sites web se référant à
une trentaine de diasporas dans le monde, montre clairement la richesse et la
vitalité de ce nouvel univers aujourd'hui pleinement investi par les
migrants (
www.e-diasporas.fr)
».
164
se faire connaître mais aussi une plateforme
d'échanges où l'information est diffusée, discutée
et répercutée instantanément.
? la recherche de l'information pertinente est la
pierre angulaire du processus d'intégration. L'accès aux
informations pertinentes (procédurales ou d'intégration sociale,
citoyenne et économique) constitue le coeur même de la
démarche d'intégration professionnelle dans les pays hôte
et le rôle des réseaux sociaux dans leur diffusion est à
cet égard central.
Cela étant, nous pensons que le site internet de
référence des actualités africaines du Grand Lyon
www.echosdafrique.net
pourrait élargir ou enrichir ses rubriques d'informations et
gagner en audience en multipliant des informations pratiques et
synthétiques sur les sujets sociétaux qui impactent directement
la vie des migrants (logement , emploi, cadre de vie, santé, droits
sociaux divers, citoyenneté), les dispositifs et les acteurs des
politiques locales d'accompagnement à l'insertion sociale ,
économique et professionnelle, les adresses utiles(publiques et
privées), les procédures à suivre pour les
démarches collectives des migrants en ce qui concerne les demandes de
financement des projets d'insertion , bref en jouant le rôle d'interface
entre acteurs externes (institutions, associations, entreprises, régies
de quartier, réseaux professionnels...) et les réseaux des
migrants par la mise en ligne de ressources informatives pertinentes.
Notons qu'au-delà de ces quelques
préconisations, il y en a beaucoup d'autres qui ont été
formulées individuellement par les enquêtés au cours de nos
investigations. Ce sont autant les responsables associatifs que les simples
adhérents, acteurs institutionnels et partenaires privés qui ont
leur avis sur les raisons des faiblesses organisationnelles et
opérationnelles des associations des migrants et les solutions possibles
à promouvoir pour pallier ce déficit. Les solutions émises
touchent autant aux réformes impératives des structures
qu'à l'émergence d'un nouveau type d'hommes, une
génération nouvelle de subsahariens actifs, entre autres
préconisations.
165
Chapitre 8 : CORPUS DES PRECONISATIONS PAR LES ACTEURS
ASSOCIATIFS SUBSAHARIENS AU TRAVERS DE LEURS DISCOURS
Le présent chapitre consiste à
énumérer les solutions et modèles relationnels
féconds esquissés par les acteurs associatifs subsahariens au
travers de leurs discours, au cours de notre enquête, dans l'optique de
:
· surmonter les tensions politico-ethniques et luttes
internes de pouvoir qui fragilisent d'ordinaire les associations ;
· renforcer les synergies entre groupes associatifs de
toutes origines ;
· accentuer les échanges de bonnes pratiques et
les expériences porteuses des uns et des autres en matière
d'insertion ici et de développement là-bas ;
· assurer une plus grande visibilité du migrant
subsaharien comme acteur économique et social avec lequel les pouvoirs
publics, le monde économique et les partenaires de la
société civile peuvent compter.
La question ainsi posée des solutions à
promouvoir appelle celle des compétences à mobiliser et à
déployer dans le même temps.
1. Entamer une révolution copernicienne au
niveau des mentalités et des comportements
· La création d'un nouveau type
d'hommes. Il faut y comprendre la nécessité pour
l'Africain d'unifier sa personne autour de sa double appartenance culturelle
(bi-culturalité). Pour l'ONG Passerelle Ngam qui porte cette
revendication, il y a urgence à « construire une passerelle
entre les deux mondes qui habitent en nous » pour réguler la
tension et la désarticulation permanentes entre le soi africain et le
soi européen et qui se soldent par un affaissement du lien communautaire
au mieux, une perte de repères identitaires au pire.
· l'adjonction entre la parole donnée qui
relève de l'oralité africaine et le contrat écrit
européen qui consacre une fois de plus la culture
inédite de l' « Afropéen ». C'est la
conviction de l'association A2P Nord-Sud-Sud :
« Quand on est bi-culturel ou multiculturel et qu'on
le vit comme une richesse et comme une ouverture, comme un renforcement,
à ce moment-là on essaie de capter, de se passer le meilleur de
toutes les cultures, en disant que ça permet de mieux être
soi-même et de mieux être ensemble »,
· La lutte contre les préjugés et
la promotion de la transculturalité y compris et surtout au sein de la
communauté africaine elle-même ;
· Introduire une bonne dose
d'interculturalité dans le management des organisations associatives
en misant sur plus d'ouverture au monde associatif extérieur,
celui des migrants d'autres origines et des non migrants, autre facteur de
mobilisation des compétences utiles ;
· S'emparer de la question de
l'ingénierie sociale : « Cela veut dire mettre les
choses en ordre de manière à ce que la vie puisse être
gérée en commun. C'est ça le sens profond de
l'ingénierie sociale. Les gens sont éparpillés ou
nés en différents endroits. Mettons les structures pour que
chacune réponde aux différents besoins que nous avons, même
si nous ne sommes pas issus d'une même famille, dès lors que nous
nous retrouvons dans un consortium qui s'appelle Nation. Il faut que chacun
trouve sa place.», nous a par exemple confié une des
promotrices de cette démarche.
· Revisiter les concepts d'insertion,
d'intégration, de diversité ou de co-développement
car en effet, dans le domaine que représentent les discours
aussi bien que les pratiques, il y a à déconstruire aussi le
langage souvent préfabriqué et qui ne va pas sans quelque
arrière-pensée idéologique.
166
2. Engager une transformation structurelle en
profondeur
· Favoriser l'émergence ou accentuer la
consolidation des regroupements unitaires associatifs africains dans
un cadre intégré, ouvert, sur le modèle du
fédéralisme, chaque élément de l'ensemble disposant
d'une certaine autonomie et ayant développé une expertise
particulière à faire valoir dans le cadre des prestations
délivrées pour le compte d'une collectivité territoriale
suite à un appel d'offres ou un appel à projets ; ce cadre
opérationnel est l'étape fondatrice qui conditionne les autres
axes d'actions.
· Changer de mode d'organisation interne en
privilégiant des rapports de pouvoir horizontaux avec , en lieu
et place d'une fonction de président aux pouvoirs parfois trop
extensibles, un poste de secrétaire général, pour
désengorger l'exécutif et désamorcer par avance des
sources de conflit inhérents à la hiérarchisation des
pouvoirs au sein des associations des migrants et au-delà d'ailleurs.
· Favoriser l'ouverture : «
C'est important de de nous ouvrir à d'autres expériences, dans
d'autres pays, européens, américains...je sais qu' il y a des
choses assez significatives qui se livrent au Canada, etc. pour que nous
puissions progresser sur ce double plan du renforcement des compétences
individuelles et la construction des projets communs et des cadres qui nous
permettent de mettre en place ces projets là... »,
· Valoriser le bénévolat à
travers les dispositifs génériques de valorisation des acquis de
l'expérience associative (VAEA) aux fins de rentabiliser ces
acquis professionnels ;
· lever le « tabou » de la
salarisation dans les associations des migrants en misant sur la
professionnalisation des prestations et leur rémunération ;
· Améliorer le mode de management en
intégrant les notions de motivation des bénévoles
et la valorisation de leurs apports par un système de
reconnaissance à définir ;
· S'impliquer plus en amont dans la mise en
oeuvre des politiques publiques au sens de la gestion et la
résolution d'une problématique sociale spécifique (emploi,
scolarisation, logement, égalité des chances...) et
s'émanciper dans le même des querelles politiciennes et
positionnements partisans ;
· Promouvoir et généraliser la
culture de l'évaluation et l'art de la critique constructive :
Le voeu est fort justement exprimé à travers les propos de ce
responsable associatif : « Il y a des circonstances qui ont fait que
nous avons décidé de mettre en place Africa 50...mais le
processus n'est jamais terminé. Le cadre est à construire en
permanence ; Il faut évaluer son efficacité et puis il faut nous
évaluer nous-même par rapport à l'implication,
l'engagement, les compétences qu'il nous faut pour répondre aux
défis que nous nous sommes fixés, au niveau de cette
communauté d'intérêts qu'est Africa 50 ou le Cosim
».
3. La valorisation et la mobilisation des
compétences au service des associations des migrants
· Développer plus de partenariats
stratégiques en établissant une cartographie précise des
interlocuteurs privés et institutionnels pour des alliances
fécondes et en identifiant des champs d'expertise pour lesquels
les réseaux des migrants disposent de compétences
particulières ou projettent d'en développer ; et en multipliant
des occasions de mise en relation avec les acteurs publics et
privés les plus en vue sur le champ local de
l'insertion(emploi, logement, linguistique, entraide et
solidarité, formation) d'une part et de l'intégration
de l'autre pour s'instruire mutuellement des problématiques,
dispositifs et pratiques ;
· Promouvoir l'entrepreneuriat auprès des
acteurs sociaux immigrés et particulièrement la création
des entreprises d'insertion par l'économique et des structures
d'insertion par la formation, la langue, le logement ou la culture ;
4. Quel rôle pour les acteurs étatiques
?
Comme nous l'avons vu tout au long de cette réflexion,
les groupes diasporiques produisent des ressources sociétales non
négligeables (avec entre autres l'impératif de
l'interculturalité et l'importance des compétences dites
ethniques que nous n'avons pas suffisamment développées ici) qui
doivent être prise en compte dans la politique d'intégration des
migrants dans leurs bassins de vie respectifs. Cela peut se faire par des
partenariats de projet et par le dialogue constant avec les
instances représentant les associations d'immigrés. Concluons
cette partie par cette analyse fort pertinente dont les
références ont été précédemment
citées :
« Dans le but d'éviter une clôture
communautaire, la politique d'inclusion sociale, économique et politique
doit tenter de garder ces communautés ouvertes, tant par des offres de
participation tant par des reconnaissances concrètes et symboliques de
leur contribution à la construction de la société (...)
Ces politiques, qui peuvent se caractériser par un respect de
l'identité du migrants d'un côté et par la demande
d'adaptation fonctionnelle de l'autre (respecter les lois, apprendre la langue
pour améliorer les chances d'employabilité), se déploient
par un État qui doit, pour être efficace dans sa gestion de la
migration, construire les mesures sur les savoirs existant dans les terrain
d'intervention. Il en ressort un État à l'action incitatrice,
subsidiant des projets proposés par des acteurs proches du monde de la
migration et donc à la recherche de partenaires notamment
associatifs(...)Sans pouvoir demander dans une société
pluraliste l'acculturation des migrants dans l'idée de remplacement
identitaire, mais l'inclusion fonctionnellement compatible (acceptation du
droit et apprentissage de la langue), les États d'accueil des nouvelles
migrations sont dépendantes des ponts entre les migrants et les
autorités que les associations représentent. Elles ont la
crédibilité et la légitimation d'agir pour le bien du
migrant dans un contexte ambivalent et deviennent - tel que les associations
des homosexuels l'étaient dans la lutte contre le VIH/sida au
début des années 1980 - des acteurs-clé dans la politique
d'inclusion. Ce changement d'une orientation politique de méfiance
à la nécessité de coopérer - des deux
côtés - est probablement le plus grand défi dans la
construction d'une société pluraliste à bas niveau de
conflictualité destructive.» 214
167
214 Cattacin, op.cit.
168
CONCLUSION GENERALE
La tâche nous incombait dans le cadre de ce travail de
comprendre les raisons de l'insuffisante implication des migrants dans les
actions publiques d'intégration dans le Rhône et les solutions
portées par les acteurs associatifs eux-mêmes de manière
à créer un espace intégré de concertation, de
collaboration, qui faciliterait la mobilisation des compétences des uns
et des autres. L'un des horizons à atteindre étant de mettre ces
compétences au service de la construction de l' « agir »
économique et social du migrant subsaharien dans le Grand Lyon.
Nous sommes partis du postulat que pour être
suffisamment efficace là-bas et installer cette efficacité sur la
durée, il convenait de créer les conditions d'accès aux
ressources, de manière autonome. L'intégration
socio-économique ici, en France, apparaissant comme une des clés
du problème. Au terme de notre travail, force est de constater que le
chantier reste vaste. Nous avons certes noté des velléités
d'autonomisation des migrants subsahariens, mais essentiellement
cantonnées au champ de l'interculturel et des valeurs. Peu d'initiatives
économiques portées collectivement, si ce n'est quelques rares
associations oeuvrant à promouvoir l'entrepreneuriat auprès des
femmes, sans une adhésion totale de celles-ci.
Les causes de cette non-implication sont réelles et
connues de tous, à des échelles variables certes : dispersion des
énergies et des compétences, démobilisation, guerres
intestines et fragilisation de la cohésion sociale au niveau des
associations africaines, difficulté à se parler et à
parler d'une voix.
Chacun des acteurs que nous avons rencontrés y est
allé toutefois de sa solution et au final, ces propositions
émises pourraient faire office de manifeste, de programme d'actions pour
les prochaines années. Des préconisations multiples où se
recrutent pêle-mêle les conditions sine qua non de construction ou
d'accumulation du capital social, les moyens de mobiliser les capitaux
économiques et culturels et surtout les facteurs de fabrication du
capital humain (compétences, capacités opérationnelles).
Les obstacles sont énormes mais la détermination reste de mise et
portée par une poignée d'acteurs très actifs et convaincus
que le premier pas fait, quand il est sûr, provoque un effet
d'entrainement et fait reculer les réticences, les atermoiements des uns
et des autres. Une vision, un leader, une volonté d'agir, une
capacité à agir, la mobilisation des moyens et outils pour ce
faire et le contexte sont les ingrédients de la réussite, au
regard de ce qui ressort globalement des discours des acteurs associatifs
interrogés.
Toutefois, nous ressortons de cette enquête avec un
enseignement principal et ceci nous a été
répété à longueur d'interviews : Point de salut
pour la communauté associative subsaharienne sans unité. Les
modalités de cette union restent cependant à définir. Mais
des constructions sont en cours avec les difficultés inhérentes
au commencement d'un chantier d'envergure. Ces tentatives d'union, diversement
appréciées, bénéficient tout de même d'un
appui essentiel d'une partie importante des acteurs rencontrés, mais
aussi d'un appui « politique » des acteurs institutionnels de
l'agglomération lyonnaise, témoin de l'évènement
qui a placé sur les fonts baptismaux l'un de ces ouvrages unitaires.
La relation Migration et Intégration, si peu
souvent traité et discuté sous l'angle de la contribution des
migrants installés dans les pays d'accueil, aurait mérité
des approfondissements sur un certain nombre d'aspects. Sans doute est-ce
là une occasion ouverte pour poursuivre la réflexion sur ce
thème encore en friche.
169
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS 2
SOMMAIRE 3
CONTEXTE DE PRODUCTION ET REALISATION DU RAPPORT DE STAGE
4 INTRODUCTION GENERALE 6
MISE EN CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE L'ETUDE 7 1.
CONSTATS PREALABLES 8
2.PROBLEMATIQUE GENERALE 12
2.1. Questions de recherche 13
2.1.1. Question centrale 13
2.1.2. Questions secondaires 13
2.2. Corpus des réponses provisoires au moment du
démarrage de l'enquête 13
2.2.1. Proposition provisoire de base 13
2.2.2. Propositions de travail 14
2.3. Objectifs de l'étude 14
2.3.1. Objectif principal 14
2.3.2. Objectifs spécifiques15
3. FONDEMENTS METHODOLOGIQUES DE L'ETUDE 15
3.1. Cadre théorique opérationnel 15
3.2. Méthode et outils de collecte de données
17
4. Méthodes d'échantillonnage
20
5. Délimitation du champ conceptuel
21
PARTIE 1. CONTEXTE MIGRATOIRE DES AFRICAINS
SUBSAHARIENS EN FRANCE ET DANS LE RHONE 28
Chapitre 1. MIGRATIONS SUBSAHARIENNES EN FRANCE ET
DANS LE GRAND LYON 29
Section 1 : QUI SONT les MIGRANTS
SUBSAHARIENS de France et du Grand Lyon ? 29
1.1. Données générales sur l'immigration
en France 29
1.1.2. État des lieux de la population immigrée
en France 30
170
Section 2 : EMPLOI, QUALIFICATIONS ET
INSERTION PROFESSIONNELLE DES IMMIGRES EN FRANCE 42
1. Contexte général de la relation
Immigrés et Marché de l'emploi en France 42
1.1. Taux d'activité des immigrés tous genres
confondus 43
1.2. Statut d'emploi des immigrés 44
1.3. Temps de travail des immigrés 44
1.4. Secteurs d'activité des actifs immigrés
non-européens 44 1.5. Lieu de résidence des actifs
immigrés 44
2. Causes du chômage des immigrés
étrangers et immigrés naturalisés 45
2.1. Le niveau de diplôme 45
2.1.1. Les difficultés d'accès au marché d
travail tiennent pour beau coup au manque de qualifications. 45 2.1.2. Les
diplômes obtenus sont peut-être de niveau identique, mais pas
similaires ou ne se valent pas 46
2.2. L'insuffisante connaissance de la langue
française pourtant vecteur de l'intégration et le poids des
contraintes familiales 47 2.3. Les discriminations liées à
l'origine ou à la couleur de peau 47
2.4. Le manque de réseaux sociaux stratégiques
pour s'intégrer dans l'emploi 48
Section 3 : Les immigrés et le marché du
travail dans le département du Rhône et le Grand Lyon
spécifiquement 49
1. Taux d'activité et chômage des immigrés
dans le Rhône 49
2. Taux de chômage des immigrés dans le Rhône
en 2009 50
3. Catégorie socio-professionnelle des immigrés
dans le Rhône 50
4. Quid de la population immigrée subsaharienne du Grand
Lyon ? 50
Chapitre 2 : LE CADRE
D'INTEGRATION DES MIGRANTS SUBSAHARIENS 53
1. Un bref historique de la politique
d'intégration en France 53
2. Nouvelles Orientations nationales de la politique
publique d'intégration sous la houlette de l'Union européenne.
54
2.1. Dispositifs spécifiques d'intégration des
migrants en France et le PRIPI en Rhône-Alpes 54 2.2. Le PRIPI en
Rhône-Alpes 56
2.3. Le Plan Départemental d'intégration de la
Population Immigrée dans le Rhône (PDI) 57
3. Mesures spécifiques d'insertion
professionnelle des migrants au niveau départemental 58
3.1. Le bilan de compétences professionnelles
58
171
3.2. Les accords de branches professionnelles 58
3.3. Soutien de la création d'activités par les
migrants 59
3.3. Promotion de la diversité dans les recrutements
et les carrières 59
4. Présentation sommaire du dispositif du Plan
Local pour l'Insertion et L'Emploi 60
4.1. Critères d'éligibilité au PLIE
61
4.2. Composition du PLIE 62
4.3. Un partenariat institutionnel fort et convergences avec
la politique de la ville 62
5. Politique d'intégration et politique de la
ville : quelles convergences dans le Rhône ?
63
Partie 2 . LES ASSOCIATIONS DES MIGRANTS DU GRAND
LYON, LA POLITIQUE D'INTEGRATION ET LA POLITIQUE DE LA VILLE. ANALYSE DES
DISCOURS ET PRATIQUES DES RESPONSABLES ASSOCIATIFS 67
Chapitre 3 : Données générales de
l'enquête de terrain. Profil des associations migrantes subsahariennes du
Grand Lyon 68
1. Rappel des Termes de référence de
l'enquête auprès des associations de migrants 68
2. Conditions du déroulement de l'enquête
et méthodologie 68 2.1. Échantillonnage
68
2.3. Phase préparatoire de l'enquête 69 2.4.
Déroulement de l'enquête 69
2.5. Phase de dépouillement 70
2.6. Indicateurs de l'enquête de terrain 71 2.7. Au
chapitre des difficultés rencontrées 71
3. Panorama des associations subsahariennes du
Rhône et leur rapport aux activités d'insertion et
d'intégration nationale 72
3.1. Les champs de l'intégration et de l'insertion en
France 72
3.1.1. Champs de l'intégration 73
3.1.2. Champs de l'insertion 73
4. Données générales de la vie
associative dans le Rhône 77
5. Panorama des associations d'insertion et
d'intégration dans le Rhône 82 5.2. Insertion sociale
83
5.3. Les associations subsahariennes du Rhône.
Typologie et répartition géographique 84 5.3.1. Associations
d'insertion 84
172
5.3.2. Associations communautaires d'entraide dans le Grand Lyon
85
5.3.3. Associations de développement et de
solidarité internationale (OSIM) 85
Chapitre 4. Les associations subsahariennes et
l'insertion. Analyse des discours et des pratiques des associations de
migrants
subsahariens dans le Grand Lyon 88
Section 1 : Les migrants subsahariens du Grand Lyon et la
question de l'inclusion sociale. 88
1. Insertion sociale « formelle » dans le Grand Lyon :
Modalités, champs, discours, raisonnements, pratiques 88
1.1. Organisations pratiquant l'insertion sociale et
l'intégration nationale par les valeurs culturelles 8988
1.2. L'Insertion sociale par les pratiques artistiques et
l'artisanat 90
1.3. Insertion sociale des femmes dans le Grand Lyon : Une
approche par l'économique 91
2. Formes communautaires des pratiques d'insertion : l'entraide
et la solidarité sur la base de l'appartenance ethno-régionaliste
92
2.1. Les formes et les paliers de la communautarisation
divergent 92 2.2. Des problématiques sociales et sociologiques
sensiblement identiques 93
2.3. Une communauté de l'entraide et de la
solidarité par excellence : L'association des Burkinabé de Lyon
(ABL) 93
2.4. La communauté sénégalaise du SOPE,
entre entraide traditionnelle et prélude à une pratique de
l'insertion formelle 94
2.4.1. La communauté africaine la plus novatrice sur les
questions d'intégration et d'insertion ? 95
2.4.2. Une association communautaire comme une autre ? 96
3. Permanence des systèmes traditionnels d'entraide
9796
4. La création d'entreprise, hors du champ des
préoccupations des associations subsahariennes ? 97
5. Associations communautaire vs associations communautaristes
9998
Section 2 : Causes de la non-implication des
associations des migrants dans le champ formel de
l'insertion/intégration dans le
Grand Lyon 99
Section 3 : Comment inciter les migrants
à se saisir plus collectivement des dispositifs institutionnels
d'intégration et d'insertion et à se rapprocher des structures
publiques et privées gestionnaires des politiques publiques en lien avec
la
question des migrants au niveau local ? 103
1. Corpus de solutions émises par les acteurs
eux-mêmes 103
2. Quelques préconisations pour une implication forte des
associations des migrants dans la mise en oeuvre du Plan
départemental
d'Intégration du Rhône. 106105
PARTIE 3. Les associations subsahariennes et les
réseaux diasporiques. Logiques de construction et d'affiliation,
coûts et bénéfices108
Chapitre 5 : Les réseaux diasporiques
subsahariens dans le Grand Lyon. Essai de caractérisation 109
173
Section 1 : Les réseaux diasporiques à la
lumière de la théorie des réseaux sociaux et la
théorie des champs de Pierre Bourdieu 109
1. Essai de caractérisation des diasporas 110
2. Typologie des diasporas 110
3. Comment s'organisent et se structurent les réseaux
diasporiques africains du Grand Lyon ? 111
3.1. Caractéristiques générales des
organisations associatives de migrants dans le Grand Lyon : Entre lieu de
stabilisation identitaire et
émergence d'un ghetto identitaire 112
3.1.1. Plus identitaires et communautaires que revendicatives
114
3.1.2. Une stratégie identitaire gagnante à petite
échelle mais un risque réel d'auto-exclusion dans l'accès
aux subventions publiques
114
3.1.3. Les associations subsahariennes reflètent aussi une
hétérogénéité interne du point de vue des
statuts divers des membres
115
3.1.4. Les associations des migrants cherchent des coalitions
dans une logique plus pluraliste mais peu de partenariats
stratégiquement forts. Les choix stratégiques des associations
migrantes d'Afrique subsaharienne se trouvent ainsi ballotés entre
clôture communautaire,
inclusion de la population immigrée elle-même et
partenariat avec les acteurs étatiques et de la société
civile. 115
Section 2: Émergence de l'esprit diasporique
panafricain à Lyon, entre détermination et échecs 116
1. Genèse d'une diaspora panafricaine à Lyon
116
2. L'AN II de l'émergence diasporique panafricain
à Lyon 116
Section 3 : Réseau social et Capital social.
Pourquoi s'affilie-t-on à un réseau associatif de migrants
subsahariens dans le Grand Lyon ? 117
1. Approche « bourdieusienne » du capital social
centrée sur les communautés 117
2. Réseaux sociaux et qualité du capital
relationnel 118
Chapitre 6. Motifs d'appartenance aux réseaux
associatifs selon les responsables associatifs membres des réseaux de
migrants à Lyon 120
1. Les réseaux des migrants subsahariens du Grand Lyon
120
2. Des motifs d'adhésion multiples aux réseaux
associatifs 122
3. Migrants subsahariens du Grand Lyon : la Force du
réseau ? Inventaire des motifs de démobilisation des membres de
l'engagement associatif 124123
3.1. Le pouvoir 124
3.2. Les causes attitudinales et le poids des
préjugés 127 3.3. Les facteurs conjoncturels 131
4. Quelques Préconisations en faveur du regroupement
fécond des associations des migrants en collectifs départementaux
et en une fédération régionale 132
Partie 4. LES MIGRANTS SUBSAHARIENS DU GRAND LYON, LES
ASSOCIATIONS ET LES RESSOURCES HUMAINES 140
174
Chapitre 7. DISCOURS ET PRATIQUES AUTOUR DE LA
CONSTRUCTION, LA MOBILISATION et le DEVELOPPEMENT DES
COMPETENCES DES MIGRANTS OU «
CAPACITY BUILDING » DANS LE GRAND LYON
141
Section 1. LES PRINCIPALES DIMENSIONS DU CONCEPT DE
« COMPETENCE» 141
1. Les Compétences et l' « agir » 141
2. Compétences, Performances et gestion des
compétences 142
3. Déficit et Solutions de développement des
compétences 142
Section 2. MOBILISER LES COMPETENCES DES MIGRANTS POUR
REUSSIR L'INTEGRATION 145
1. Contexte et principes généraux 145
3. Initiatives de mobilisation des compétences par les
diasporas 148
Section 3 : Pratiques et témoignages des
associations des migrants subsahariens du Grand Lyon en matière de
gestion des compétences des migrants pour le développement et
l'intégration 155
1. Caractéristiques des compétences individuelles
et collectives des migrants 155
2. Quelques préconisations en faveur d'une politique de
mobilisation des compétences au sein des collectifs ou
fédérations d'associations
subsahariennes 160
Chapitre 8 : CORPUS DES PRECONISATIONS PAR LES ACTEURS
ASSOCIATIFS SUBSAHARIENS AU TRAVERS DE LEURS DISCOURS 165
1. Entamer une révolution copernicienne au niveau
des mentalités et des comportements 165
2. Engager une transformation structurelle en profondeur
166
3. La valorisation et la mobilisation des
compétences au service des associations des migrants 166
4. Quel rôle pour les acteurs étatiques ?
167
CONCLUSION GENERALE 168
TABLE DES MATIERES 169
ANNEXES 174
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE 179
ANNEXES
Annexe 1 : LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES
ADLI : agent de développement local pour
l'intégration ASL : ateliers sociolinguistiques
ADLI : Agent de développement local
d'intégration
175
AEFTI : Association pour l'enseignement et la formation des
travailleurs immigrés
ASSFAM : Association service social familial migrants
CAI : Contrat d'accueil et d'intégration
CUCS : contrat urbain de cohésion sociale
DAIC : direction de l'accueil, de l'immigration et de la
citoyenneté
DDCS : Direction départementale de la cohésion
sociale
DRJSCS : direction régionale de la jeunesse, des sports
et de la cohésion sociale
FASILD : Fonds d'action et de soutien pour
l'intégration et la lutte contre les discriminations
FEI : Fonds européen à l'intégration
FSE : Fonds social européen
HCI : Haut Conseil à l'intégration
HALDE : haute autorité de lutte contre les
discriminations
INSEE : Institut national de la statistique et des
études économiques
MIOMCTI : Ministère de l'intérieur, de
l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration
OFII : Office français de l'immigration et de
l'intégration
ONZUS : observatoire national des zones urbaines sensibles
ORIV : Observatoire régional de l'intégration et
de la ville
PDI : Plan départemental d'intégration
PRIPI : Programme régional d'intégration des
personnes immigrées
SG-CIV : Secrétariat général du
comité interministériel des villes
SGAR : secrétariat général pour les
affaires régionales
ZUS : Zone urbaine sensible
Annexe 2 - Liste des associations
enquêtées
A2P Nord-Sud-Sud (Actions Perspectives-Prospectives Nord
Sud-Sud)
ABL (Association des Burkinabé de Lyon)
ABRA (Collectif des associations béninoises de
Rhône-Alpes)
AFORMETROP (Association franco-togolaise
spécialisés dans la formation en médecine tropicale)
176
AFRICA50 (Collectif des associations africaines et des amis de
l'Afrique du Grand Lyon)
AIPES (Association ivoirienne pour la promotion de
l'éducation et de la santé
ALPADEF (France-Sénégal)
Association des femmes de Malé (Comores)
Association Unité jeunesse africaine (France-Togo)
CADR (Collectif des associations de développement et
solidarité internationale de Rhône-Alpes)
COSIM (Collectif des organisations de solidarité issues
des migrations)
Djan Djé (Association française intervenant au
Mali)
Émergences Sud (France-Cameroun)
FEDAM (France-Haïti-Bénin)
Haut-Nkam Nshu-Shu (Ouest-Cameroun)
Mac Mael Agri Togo (Formation agricole et promotion de
l'agriculture et du maraîchage au Togo)
MIFERVAL (France)
Mutoto Africa (Centrafrique - Congo Kinshasa)
Passerelle NGAM (France - Cameroun)
SAAE (Solidarité Akpoussou-Akébou en Europe,
France-Togo)
Annexe 3 - Indicateurs
présélectionnés de l'enquête et profilage des
enquêtés
?? Discours, représentations et pratiques liés
à l'intégration nationale et/ou l'insertion
socio-économique des migrants à Lyon et
ses environs ; L'ancrage des actions des collectifs d'associatifs
de migrants dans les politiques publiques d'intégration/insertion, les
niveaux et modes d'appropriation des dispositifs institutionnels y relatifs
;
?? Les motivations, les logiques, niveau et modes d'affiliation
des associations aux fédérations et réseaux, les
pratiques
d'interactions transculturelles avec les associations autres, les
alliances stratégiques avec différents acteurs et les
bénéfices tirés ;
?? Les discours et pratiques d'identification, mobilisation et
développement des compétences des migrants et non-migrants en
vue d'accompagner les immigrés (tous statuts confondus)
dans le double processus de l'intégration/insertion et le
développement solidaire des régions d'origine ;
?? Les corpus de solutions et les stratégies
esquissés par les acteurs eux-mêmes afin de pallier les
difficultés conjoncturelles,
organisationnelles, relationnelles et opérationnelles
auxquelles ils font face ; dans l'optique de renforcer les capacités
techniques, les compétences diverses, les identités propres la
visibilité auprès des acteurs privés et institutionnels et
les interactions fécondes entre les associations des migrants
subsahariens du Grand Lyon et entre celles-ci et les associations des
non-migrants.
Annexe 4 - Liste des tableaux et figures
Tableaux
Tableau 1. Récapitulatif des derniers chiffres de
l'INSEE sur l`évolution de la population immigrée en France
Tableau 2. Étrangers, immigrés et descendants
d'immigrés en France
Tableau 3. Les 15 nationalités étrangères
les plus représentées dans le département du Rhône
et plus spécifiquement dans le Grand Lyon.
Tableau 4 : Statut des primo-arrivants signataires du Contrat
d'Accueil et d'Intégration en Rhône-Alpes
Tableau 5. Situation au regard de l'emploi des femmes selon le
niveau de diplôme
Tableau 6. Implantation géographique des ressortissants
adultes étrangers dans le Rhône au 31 décembre 2008
Tableau 7. Niveau d'études des populations
immigrées en Rhône-Alpes
Tableau 8 : Secteur d'activités des actifs
immigrés des pays tiers et des Français de naissance
Tableau 9 : Taux de chômage de la population active
selon le niveau de diplôme
Tableau 10. Actions proposées dans le cadre du PLIE de
l'est et sud lyonnais pour l'année 2012 à BRON.
Tableau 11. Répartition du public selon la mesure
d'accompagnement renforcé (PLIE Rhône)
Tableau 12 : Politique de la ville. Géographie
prioritaire en Rhône-Alpes
Figures
Figure 1. Carte du Grand Lyon et communes environnantes
Figure 2. Répartition de la population immigrée
par département dans la région Rhône-Alpes
Figure 3. Zones de précarité du Grand Lyon
Figure 4. Synthèse des orientations du PDI Rhône
2010-2012
Figure 5.Diagramme logique d'impact-PDI Rhône
Figure 6. Modèle d'un réseau structuré
sur la base des compétences spécialisées des associations
membres
Figure7. Deux modèles de réseaux
structurés
Figure 8. Portail d'inscription à la base de
données des compétences individuelles (Forim)
Figure 9 : Synthèse des différents types de
réseaux diasporiques
177
178
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Africaine/Programme Solidarité eau, Bamako: FSP, Co-développement
Mali.
ZEHRAOUI Ahsène (1994), L'immigration. De l'homme seul
à la famille, Paris : CIEMI - L'Harmattan, collection «
Migrations et changements », 174 pages.
Webographie
· Emploi et insertion :
www.emplois-innovations.org
· Ville de Lyon:
www.lyon.fr
· Conseil Général Rhône:
www.cg69.fr
· Site de la région Rhône-Alpes :
www.cr-rhone-alpes.fr
· Emploi et Solidarité :
www.emploi-solidarité.gouv.fr
· Ministères de la ville :
www.ville.gouv.fr
· L'union européenne en ligne :
www.europa.eu.int
· Préfecture du Rhône :
www.rhone.pref.gouv.fr
· CCI. Lyon :
www.lyon.cci.fr
· Portail voilà Lyon :
www.lyon.voilà.fr
· Lyon web :
www.lyonweb.net
· INSEE :
www.insee.fr
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