II. La dépression au travail et l'origine du mal
être
Au préalable voyons la notion du travail normal
comme référence en préface ensuite nous pourrons voir ce
qui conduit au travail pathologique en identifiant ses facteurs.
Avant tout le travail dans un concept
idéal, c'est une aire de maitrise, de liberté, de
responsabilités concertées, le travail stimule la
créativité, l'ingéniosité, indispensable pour
élaborer et réaliser des projets.10
Il devrait idéalement être source
d'échange, de reconnaissance, d'estime, de complicité mais il est
encore trop souvent source de conflit, de rivalité, de mépris, de
haine. Il est notre identité sociale mais malheureusement il peut
aussi détruire cette identité, nous faire perdre confiance en
nous, nous conduire à la dépression en allant parfois jusqu'au
suicide.11
9
10 Ouvrage : Le stress
adaptation au travail
11 Ouvrage : Le stress
adaptation au travail
10
4. Phénomène du Burnout et
dépression:
Tout d'abord, le Burnout (« se consumer
entièrement »), d'origine anglaise qui se définit par une
« crise de surmenage », résultant d'un stress permanent au
travail, qui épuise ses victimes tant mentalement que physiquement.
Entre objectifs irréalisables et tâches insurmontables, la
pression est de plus en plus forte, le tout, souvent, sur fond de conditions de
travail en perdition. Il faut savoir que le syndrome d'épuisement
professionnel, ou burn-out, serait de plus en plus répandu en France, et
pas seulement dans quelques professions très exposées comme dans
le domaine de la santé.12
Le burn out se définit classiquement par trois
dimensions fortement associées entre elles qui résultent du
stress au travail. 13
1) Le burnout lié à la surcharge
de travail affecte typiquement des employés très
impliqués et ambitieux qui sont des travailleurs acharnés. Ils
sentent qu'ils mettent en péril leur santé et leur vie
personnelle en essayant d'obtenir de bons résultats dans leur
travail.
2) Le burnout lié à l'ennui et
au manque de développement personnel affecte des
employés dont les capacités sont sous sollicitées et qui
doivent composer avec un travail monotone et non stimulant. Ils souhaiteraient
être dans un emploi qui leur permettrait davantage de développer
leurs capacités. Ce type de burnout est particulièrement
associé au cynisme.
12 France info
13 Chercheur Jesus
MONTERO-MARIN de l'Université de Zaragoza
11
3) Le burnout lié à
l'usure est lié à une attitude d'abandon face au stress
ou à l'absence de gratification et se manifeste par de la
négligence à l'accomplissement du travail. Même si ces
employés peuvent vouloir atteindre certains buts, ils manquent de
motivation pour surmonter les difficultés.
S'y ajoutent l'accélérateur du temps,
souvent la réduction de l'espace, la gestion omniprésente,
l'argent roi, les objectifs de productivité souvent redoutables qui
peuvent s'avérer être de facteurs de désocialisation, et de
perte d'individualisation, et de blessure identitaire, force à des
objectifs qu'on ne peut atteindre touchant particulièrement les
personnalités fragiles (perfectionnistes, narcissiques).
Nous avons vu le burnout avec ses trois composantes,
passons à ses six facteurs qui peuvent contribuer à mener au
burnout:14
1) La surcharge de travail;
2) Le manque de contrôle sur le
travail;
3) Les récompenses insuffisantes;
4) Les problèmes dans la communauté de
travail, tels que l'incivilité et Le manque de soutien entre
collègues;
5) Le manque d'équité, tels que les
inégalités de salaires, de promotions ou de charge de
travail;
6) Le conflit entre ses valeurs personnelles et les
exigences d'un emploi.
14 Michael Leiter de
l'Université Acadia (Nouvelle-Écosse)
12
Nous allons illustrer notre propos par une
enquête.
* Sources : L'express - Le burn-out (et comment
l'éviter). N°3264/22 janvier 2014. p.44-122.
Parmi les 1 000 Français représentatifs
interrogés par le cabinet Technologia, 13% se disent soumis à un
travail excessif et compulsif et présentent donc un surengagement, voir
une addiction au travail. Mais il faut aussi ajouter ceux qui, sans cumuler
tous les facteurs de risques, sont au bord de l'épuisement professionnel
ou menacés de l'être --notamment une partie des 27% d'actifs qui
se disent « épuisés après une journée de
travail ». Au total, cela représentent près de 1
salarié sur 5, soit 4 millions de personnes environ.
Dans les études empiriques, la distinction
semble arbitraire. Nous préfèro ns alors, tout comme Schaufeli
& Buunk (2003), parler des manifestatio ns du burnout qui recouvrent
à la fois les symptômes et les conséq uences.
Tableau 1 - Manifestations du
burnout
Physiques Cognitifs et affectifs
Comportementaux
|
« sentiment de compétence et de
contrôle
« motivation
Frustration
Anxiété
Irritabilité
« estime de soi
« idéalisme
«concentration
« mémoire
Humeur dépressive
Dualité : quitter le travail ou rester
?
Asthénie
Troubles du sommeil
« énergie
Plaintes neurovégétatives
fonctionnelles (par ex. pal pitations, plaintes
gastro-intestinales, épigastralgie, oppression
thoracique, &)
Changement d'attitude envers autrui (cynisme,
indifférence, distanciation, détach ement)
Tendance à s'isoler
«performance
Absentéisme dans l'année
écoulée Fréquent, de courte durée
De longue durée (1 mois ou plus)
Agressivité
13
* Sources : Direction générale
Harmonisation du travail & Division de la promotion du bien-être
du
travail
Le tableau 1 reprend les différentes
manifestations du burnout sur le plan physique, cognitif/affectif et
comportemental. Toutes ces manifestations ont été mises en lien
clairement avec le burnout dans la littérature scientifique.
14
La relation entre la dépression et le burn-out
est très évidente. Les gens qui souffrent d'une dépression
majeure se sentent agités, fatigués et ont des difficultés
à se concentrer. Même les tâches les plus simples se
transforment en gros soucis. Dans de tels cas, les pressions liées au
travail font souvent déborder le vase. Le travail n'est pas la cause du
problème mais devient un facteur déclencheur qui contribue
à la dépression. L'incapacité de fonctionner au bureau
amène ensuite la personne dépressive vers un sentiment
d'échec et de culpabilité. Lorsque ces personnes doivent prendre
un arrêt de travail, on dit qu'elles sont en congé pour
épuisement professionnel, même si elles correspondent aux
critères pour une dépression majeure.15
On parle de dépression d'épuisement, 7
à 10% de la population active est "à hauts risques" de burn-out,
soit 3 millions de personnes environ, et plus encore si l'on prend en compte
l'ensemble des salariés qui sont potentiellement concernés. Ce
n'est pas rien: le travail constitue aujourd'hui un des derniers "lieux "qui
permette de créer des liens au quotidien. Il faut bien admettre qu'il
peut être "maltraitant", entre autres à cause du caractère
pathogène de certains modes d'organisations. « Il n'existe pas de
burn-out sans complices ». Les 35 heures, qui imposent de faire plus vite
avec moins de moyens, n'expliquent pas tout non plus.16
Pour finir, nous savons de façon
général, le burnout est une réponse de la personne
à un stress chronique au travail et représente une tentative de
s'adapter pour se protéger.
15 Institut universitaire en
santé mentale Douglas
16 Bruno LEFEBVRE - Dirigeant
du cabinet de conseil Alter Alliance
A) Le harcèlement au travail, de quoi s'agit-il
? :
Il est important de souligner que le
harcèlement professionnel est un phénomène
détruisant l'ambiance au travail, diminuant la productivité, mais
aussi favorisant l'absentéisme par les dégâts
psychologiques qu'il entraine. Se manifestant notamment par des comportements,
des paroles, des gestes, des écrits, pouvant porter atteinte à la
personnalité, à la dignité ou à
l'intégrité physique ou psychique d'une personne, mettre en
péril l'emploi de celle-ci ou dégrader le climat de
travail.17
Selon une étude européenne, 9 % des
salariés (1,9 million) subiraient humiliations, sarcasmes et autres
brimades sur leur lieu de travail. Le harcèlement, la violence morale,
le "mobbing" (de l'anglais to mob, molester), le bullying (de the bully, le
tyran), autant de mots pour l'inadmissible : des persécutions qui
mènent les opprimés à la démission, la
dépression, voire, parfois, au suicide. Dépréciation du
travail, tentatives d'isolement, surcharge de tâches : les tactiques de
l'agresseur sont multiples, mais visent à faire de la vie
(professionnelle et personnelle) de son souffre-douleur un enfer.
Le harcèlement au travail peut être due
à des situations comme :
> La mise au placard.
> L'absence volontaire de communication du
management.
> Le surcroît abusif ou la privation de
travail.
> Les demandes de tâches contradictoires ou
dépassant les compétences.
> Les critiques incessantes, humiliations, insultes,
menaces, sarcasmes
répétés.
> Des conditions de travail
dégradantes.
15
17 Marie-France HIRIGOYEN -
Le harcèlement dans l'entreprise (Ouvrage)
16
En France, dans les entreprises comme dans les
médias, il a souvent été question de harcèlement
sexuel, le seul pris en compte par la législation française, qui
n'est cependant qu'un aspect du harcèlement au sens large.
Aujourd'hui nous avons la reconnaissance par la loi du harcèlement
moral sur le lieu de travail. Malheureusement, actuellement la
précarisation de l'emploi empêche souvent les personnes qui en
sont victimes de pouvoir fuir une situation professionnelle
délétère. La loi distingue le harcèlement moral
du stress, ou de l'agression ponctuelle, ou bien encore de mauvaises conditions
de travail générales à l'entreprise.
B) Styles de management inadapté et
démuni ; l'humain est-il une simple ressource ? :
Le style de management est le plus souvent
spécifique à chaque organisation, occupant plusieurs
salariés au sein d'une structure. Nous allons distinguer et voir qu'il y
a des styles de management dépressogènes de façon
graduelle, début 2000 jusqu'à aujourd'hui.
Tout d'abord le management est bercé par la
culture de l'entreprise qui permet d'avoir un modèle de comportement, de
savoir-faire, de prise de risque et d'éducation pour les parties
prenantes au sein de l'organisation, c'est un système de fonctionnement
qui lui est propre. En matière de management nous avons deux
pôles.
Tableau 2 - Le management de l'entreprise ; L'essentiel
:
Pôles
managements
Management Stratégique (Corporate
Strategy)
Management opérationnel
Description essentiel
C'est l'ensemble des décisions pour mettre
en place les grandes orientations des entreprises concernant la gestion
à long terme.
|
Permet est celui du court terme, des
opérations courantes. Intègre la notion d'efficacité
(=aboutir à l'objectif donné) et d'efficience (=aboutir
à l'objectif donné avec moins de ressource)
|
17
* Sources : HESS Hervé, Professeur Management
et Gestion. Confère cours de BTS MUC, chapitre 4 ;
Le management des l'entreprises:
l'essentiel.
Les managements stratégique et
opérationnel n'en sont pas moins indissociables. La mise en oeuvre du
management stratégique est conditionnée par le management
opérationnel.
Les recherches de Rensis Likert concernant la relation
qui existe entre les types de leadership et la performance de l'entreprise
aboutissent à des conclusions similaires à celles de K. Lewin. II
degage quatre styles de direction;
18
Tableau 3 - Styles de management :
·
|
le style autoritaire
|
Ce type de direction correspond à une approche
taylorienne où les subordonnés ne sont que des exécutants.
Il repose sur un système de sanctions.
|
ou exploiteur
|
|
·
|
le style autoritaire
|
Ce style de gestion est assez proche du
précédent même si l'on peut considérer qu'il
existe des formes de confiance de type condescendante. Le contact et les
relations hiérarchiques sont directs, souvent francs et le
système de motivation et de récompense,
particulièrement arbitraire.
|
bienveillant ou
|
paternaliste
|
|
·
|
le style consultatif
|
Ce type de manager entretient des relations
étroites avec ses collaborateurs. Il cherche à créer un
climat fondé sur la confiance et l'échange même si le
système de délégation du pouvoir a certaines limites.
Le dirigeant prend ses décisions après avoir consulté
ses subordonnés ; la communication est à la fois ascendante et
descendante.
|
|
·
|
le style participatif
|
Il cherche à développer des relations de
confiance fortes avec ses collaborateurs. L'esprit d'équipe et les
dynamiques de groupe constituent de véritables objectifs
stratégiques internes à la structure et le nous remarquons
dans certaine activité, le manager va de son propre chef accompagner
et aider ses collaborateurs dans les tâches subalternes.
|
|
*Sources : HESS Hervé, Professeur Management
et Gestion. Confère cours de BTS MUC, chapitre 4 ; Le management des
entreprises: style de direction et processus de
décision.
Le style participatif aboutit à des
résultats bien meilleurs en termes de productivité.
Le but de ces analyses est de rechercher un type
«idéal » de management qui serait facteur de motivation pour
améliorer l'efficacité de l'homme au travail. Le modèle
taylorien, aujourd'hui profondément remis en cause correspond au
découpage du travail en tâches précises, prescrites et
répétitives. Les entreprises elles-mêmes
s'intéressaient alors d'abord aux résultats collectifs, puisque
seule comptait finalement l'augmentation de la production. Les 35 heures,
pourtant pensées et expliquées comme une mesure historique en
faveur du salarié et de sa qualité de vie, ont en
réalité conduit à une intensification et à une
densification du travail. Alors même que la productivité
horaire des Français est déjà parmi les plus
élevées au monde, les 35 heures ont mécaniquement
entraîné la disparition des pauses et des temps collectifs
d'échanges qui avaient pour mérite, non seulement de permettre au
salarié de récupérer, mais aussi de renforcer le tissu
social et de construire le « vivre ensemble
».18
19
18 Commission de
réflexion sur la souffrance au travail
Tableau 5 - Le style de management
Style
|
Par des dirigeants d'entreprises
|
Social
|
43
|
%
|
Managérial
|
40
|
%
|
Classique
|
4
|
%
|
Tableau 6 - Le style de
commandement
Style
|
Par des dirigeants d'entreprises
|
Démocratique Participatif Autoritaire Laisser-faire
|
46 % 24 % 2 % 1 %
|
(Enquête MMD Management)
21
(Enquête MMD Management)
D'après le MMD, structure
spécialisée dans le conseil en management, s'est penchée
sur le profil des managers en interrogeant 415 dirigeants d'entreprises
françaises, il en ressort que le facteur humain pèse tout aussi
lourdement sur le style de commandement, les approches «
démocratiques » et « participatives » s'imposant avec
respectivement 48 % et 24 %. Dans la logique démocratique, le dirigeant
d'entreprise sollicite l'opinion de ses collaborateurs et en tient compte. Dans
la logique participative, d'avantage opérationnel, tous les
salariés impliqués dans la mise en oeuvre d'une décision
sont au préalable consultés.19
19 Source MMD
22
Une hypothèse peut être exprimé,
en se demandant sur c'est dernier résultat en 2003, effectué
à ce jour ne correspond plus au management d'aujourd'hui ?
|
Parmi les adjectifs suivants, quels sont les deux qui
s'appliquent le mieux à votre dirigeant ?
|
|
|
Qualités / Défauts En %, deux
réponses possibles
|
Efficace
|
53
|
%
|
A l'écoute des salariés
|
45
|
%
|
Autoritaire
|
24
|
%
|
Charismatique
|
16
|
%
|
Mauvais gestionnaire
|
14
|
%
|
Malhonnête
|
9
|
%
|
Aucun de ces adjectifs
|
1
|
%
|
Ne se prononcent pas
|
2
|
%
|
Sondage : CSA/Le Parisien-Aujourd'hui en France, septembre
2005.
Effectivement l'enquête donne une
prédominance sur « l'efficacité » et « à
l'écoute des salariés » mais en un quart des personnes
interrogées jugent leur dirigeant autoritaire et 16 % le
considèrent charismatique. Moins flatteur, 14 % des sondés
qualifient leur patron de mauvais gestionnaire et 9 % vont jusqu'à
l'étiqueter de malhonnête. Par ailleurs, l'institut CSA a
demandé au panel d'employés si, sans pour autant changer
d'entreprise, ils aimeraient changer de patron. A cette question, 30 % ont
répondu par l'affirmative et 68 % par la négative. 2 % ne se sont
pas prononcés. L'enquête souligne une disparité dans les
réponses selon l'âge des personnes interrogées. En effet,
parmi les moins de 30 ans, ils sont 36 % à souhaiter changer de patron
(42 % chez les 25-
23
29 ans) quand ce chiffre tombe à 27 % chez les
plus de 50 ans. Au fil du temps le travail se fait aliénateur, des
changements nécessitent une attention plus soutenue dans
l'activité et une implication plus grande dans les rapports de travail.
De même, le décloisonnement et la coordination accrue entre les
différents services, la multiplication des réunions collectives,
l'attention plus grande portée aux exigences de l'usager ou du client...
font que les relations occupent une part importante de l'activité.
Ainsi, les salariés français ont une productivité horaire
moyenne supérieure à celles de nombreux autres pays mais cette
surproductivité horaire s'accompagne d'une mauvaise gestion du temps de
travail. En France, il est important de montrer qu'on est présent,
quitte à, pour certaines catégories comme les cadres, rester tard
le soir, voire montrer qu'on est débordé. Le «j'ai trop de
travail » est synonyme de « je suis indispensable
».20
En guise de conclusion, nous avons pu voir que le
management diffère de la culture d'entreprise, le secteur
d'activité, de la taille de sa structure principalement, il s'inscrit
dans les organisations modernes, il est demandé aux salariés de
jouer les rôles les plus pertinents au lieu d'occuper des postes. Cela
exige plus d'implication, d'autonomie, de réactivité. Les
managers tiennent alors une place nouvelle où ils doivent savoir faire
confiance à leurs collaborateurs, savoir les écouter mais
également les soutenir, décider etc. Or, dans ce contexte global,
les pays ne sont pas dans la même configuration :
> la France se singularise comme étant le
pays de l'exigence obsessionnelle, de la distance et d'une certaine
dureté des relations.
20 Commission de
réflexion sur la souffrance au travail
24
On y a le culte du professionnel mais dans une
insatisfaction permanente. D'où un besoin de reconnaissance individuelle
fort.21
C) L'automatisation ou technostress : La
technologie au travail facilite la vie ou infecte l'esprit ?
Un impact récent mais déjà
majeur. La naissance de l'informatisation de la société est une
révolution technologique récente qui fait suite à celle
des entreprises et du travail entamée dans les années 1970. Les
conséquences de l'arrivée des Technologies de l'Information et de
la Communication (TIC) dans le monde du travail sont donc encore difficiles
à évaluer de manière très concrète, ce
processus étant en perpétuelle évolution. En quelques 30
années sont apparus le micro-ordinateur, les logiciels, Internet, les
courriers électroniques, les réseaux et plateformes
d'échanges, autant d'avancées qui sont très certainement
à la source de changements plus importants encore de notre
manière de travailler que ceux que nous avions connus avant l'ère
numérique.22
Tout d'abord, comme c'est le cas pour notre cours par
exemple, le travail se voit facilité par ce monde virtuel. En effet, il
est maintenant possible pour deux personnes de travailler à distance,
sans jamais se rencontrer, mais simplement en échangeant par mails, par
téléphone, ou via des réseaux privés. Tout ceci
facilite grandement l'échange, mais également la rapidité
et l'efficience des tâches dans la mesure où tout peut se faire
plus vite. Il est également possible pour une personne, comme c'est
notre cas, de travailler de chez elle. Internet et les réseaux, nous
permettent d'avoir accès à toutes les informations
nécessaires pour notre travail, et ce depuis notre domicile.
21 BPI étude
management
22 Commission de
réflexion sur la souffrance au travail
Tableau 7 - Corrélation entre l'utilisation de
technologies et la qualité de vie au travail en Europe
Intensification Meilleures Davantage de Davantage
Davantage de troubles Meilleure
croissante du opportunités risques de
musculosquelettiques satisfaction
travail d'apprentissage ergonomiques symptômes
professionnelle
dans le travail de stress
|
Utilisation de
l'ordinateur
Utilisation de l'ordinateur et
de machines
++
++
- -
-
- -
++
Utilisation de machines sans ordinateur
Ni
ordinateur, ni machines
- -
- -
*
*
*
*
25
++ Corrélation forte et positive, - -
Corrélation forte et négative, + Corrélation faible et
positive, - Corrélation faible et négative, * Pas de
corrélation statiquement significative, fond
bleu claire : corrélation significative (forte
ou faible) après correction des biais liés au niveau
d'études, au genre.
*Source: d'après Joling C., Kraan K.,
Fondation de Dublin, 2008, pp. 39 et 44
26
Nous remarquons d'autres aspects, moins positifs, sont
à prendre en compte. En effet tous ces aspects ont principalement pour
conséquence d'annihiler complètement toutes les relations
humaines. Que ce soit dans le cadre d'un travail d'équipe, de la
négociation de contrats ou encore de simples relations de travail,
tous les contacts humains se voient supprimés de par cette distance
apportée par la technologie. Or, il ne faut pas oublier que les
hommes sont principalement faits pour vivre en société. Sur un
aspect moins métaphysique, le travail passe principalement par le
contact humain. C'est ainsi que de nouveaux projets voient le jour,
grâce au débat d'idées, c'est ainsi que certains
apprennent leur métier. Il apparaît donc ici que ce monde virtuel,
bien que plus rapide, soit également une menace pour le bon
déroulement du travail. Il y a une déformation des temps, les
nouvelles technologies renforcent la culture de l'urgence, elle-même
encouragée par les nouvelles organisations du travail. On passe alors de
l'urgence à l'instantanéité et à
l'immédiateté.23
Effectivement elles allègent la
pénibilité physique, elles accroissent la pression
psychique. Un second paradoxe est mis en avant par Vincent de Gaulejac (La
recherche malade du management) : celui de l'urgence. Plus on gagne de temps,
moins on en a. La course à l'urgence est une caractéristique
commune à toutes les entreprises hypermodernes. Le TTU (Très
Très Urgent) envahit le monde quotidien, et empêche de
travailler normalement, c'est-à-dire de prendre le temps de faire
correctement ce que l'on a à faire. On tente de mettre en place des
stratégies pour gagner du
temps. (Nouvelles technologies : internet, portable,
agenda électronique...)
23 Commission de
réflexion sur la souffrance au travail
27
Prenons un appui sur un exemple concret pouvant
illustrer ce sujet, avec l'arrivé des (NTIC) smartphones à usage
professionnel. Notamment avec le Blackberry, symbole de réussite sociale
! Les cols blancs en rêvent souvent, au point d'en négocier avec
leur DRH le modèle dernier cri. Ce que l'employeur vend souvent comme un
avantage en nature. Cependant quand on interroge les cadres plus avant, ils
répondent " Ah oui, c'est vrai, je travaille plus ". Les
résultats du baromètre CFE-CGC ne laissent aucun doute
là-dessus. Les NTIC, contribuent fortement au stress. D'ailleurs le
baromètre précédent pointait pour la première fois
le workaholisme des cadres aux outils numériques: 42 %
déclaraient ne pas pouvoir se déconnecter le soir, 36 % le
week-end ou 30 % durant leurs congés. Grâce au GPS, aux NTIC
on sait les localiser, on contrôle le temps passé chez le
client et on leur impose un mode opératoire dans
l'argumentaire " (nouvel esclavagisme pathogène) expose Bernard
Salengro. Un traçage qui pourrait se retourner contre son
auteur.24
En effet, l'usage des TIC est susceptible de modifier
le contenu du travail, les modes opératoires mais aussi et
peut-être surtout les relations et les interactions au travail.
Aujourd'hui, la majeure partie des métiers est entièrement
équipée de technologies de l'information et de la communication
(TIC). Pour le pire et pour le meilleur. Car si personne ne remet en cause les
avancées permises par l'ordinateur, le téléphone, Internet
au travail, beaucoup notent cependant qu'ils créent de nouvelles
tensions. Sur ce point particulier donc, l'aspect positif ou non de la
technologie dépendra de chacun et de son aptitude à s'isoler ou
pas.
24 SEVE Marie-Madeleine.
Baromètre CFE-CGC (L'express)
28
En clair statiquement sur la socioprofession : Chez
les enseignants, 9,14% sont en burn-out dès leur première
année d'exercice, selon une étude menée entre 2008 et 2011
par des chercheurs des universités de Bordeaux-2, Franche-Comté
et l'IUFM d'Aquitaine. Selon une autre enquête, publiée par le
Carrefour santé sociale en février 2012, c'est 14% de l'ensemble
du personnel de l'éducation nationale qui serait concerné. Chez
les médecins, 53% des médecins libéraux
d'île-de-France se déclarent menacés par le burn-out, selon
une évaluation de l'Union régionale des médecins
libéraux réalisée en 2007, et 30% des chirurgiens et
autres spécialistes de bloc s'en disent proches, selon une autre
enquête menée par l'association Asspro Scientifique.
En résumé concernant le
phénomène du burnout, il ferait suite à un schéma
de lutte face au stress, tandis que la dépression suivrait une logique
de conservation face à la pression. Contrairement au patient souffrant
de burn-out, le patient dépressif s'avouerait rapidement
vaincu.
29
5. Phénomène de la crise
économique et "déflation psychique":
A) Y a-t-il des risques psychiques lors
d'opérations de fusion-acquisition et la délocalisation pour le
travailleur ?
Depuis les années 1990, les grandes entreprises
se sont lancées dans un mouvement sans précédent de
restructuration, délocalisation et de fusion-acquisition leur permettant
d'augmenter leurs profits. Les propres fondateurs de ce mouvement, Hammer et
Champy, ont eux-mêmes admis que ce mouvement a négligé
le facteur humain.
En réalité, ce mouvement
général a progressivement brisé l'ancien "contrat
psychologique" reliant le salarié à l'entreprise. Cet
échange implicite a longtemps reposé sur un rapport de
réciprocité entre de la sécurité financière
(un salaire) et sociale (un rôle professionnel) d'un côté,
et une certaine loyauté ainsi qu'une haute productivité du
côté du salariés. Or dans un contexte de restructuration,
de fusion, et d'externalisation, l'entreprise n'est plus pourvoyeuse de
sécurité. Elle prétend offrir au mieux, une certaine
employabilité. Il y a passage d'une "protection
passive" à une "sécurité active"
où chacun doit maintenir ses compétences pour rester
désirable sur le marché de l'emploi. Pourtant, la
réalité des chiffres du chômage démontre les limites
de l'employabilité. Ce système loin de fonctionner en Europe, n'a
pu empêcher la montée du sentiment d'insécurité et
de déclassement, même pour les travailleurs les plus
qualifiés.25
Selon des sources en provenance des États-Unis,
ces opérations de fusion-acquisition ont augmenté de 33% en
janvier 2011 par rapport à un an
25 Grazier, B (2005). Vers un
nouveau modèle social, Champs Flammarion : Paris.
30
auparavant. Elles sont susceptibles de susciter chez
les salariés des inquiétudes et des frustrations qui peuvent
avoir un effet délétère sur leur santé mentale,
à court et long termes. Des études européennes ont
d'ailleurs montré que des opérations de réduction
d'effectifs et des privatisations pouvaient augmenter les arrêts maladie
et la mortalité cardiovasculaire. Par ailleurs, des études ont
montré, lors d'opérations de fusion-acquisition, l'apparition
de sentiments de peur, de symptômes anxieux et dépressifs
parmi les salariés. Mais pour les auteurs de l'étude, la
présence de tels symptômes ne représente pas un diagnostic
au sens du DSM (Diagnostic and Statistic Manual for Mental Disorders). Une
étude menée en Europe 26 a montré l'association
d'un risque augmenté de troubles mentaux avec des opérations de
fusion en utilisant des données d'hospitalisation et de prescription
(Hazard ratio de 1.6 avec intervalle de confiance à 95% compris entre
1.19 et 2.14). Mais l'association a pu être sous-estimée car tous
les individus ne font pas appel à un professionnel de santé pour
une prescription et seule une minorité est
hospitalisée.
Mais dans ce contexte que peut attendre le
salarié de son entreprise ? Sans doute qu'elle réponde à
son engagement par un environnement de travail de qualité lui permettant
de préserver équilibre de vie et bien être. Chacun le sait,
une carrière plus longue et complexe serra nécessaire pour les
générations actuelles. Dans un monde de précarité,
les talents d'aujourd'hui et de demain feront de plus en plus leurs choix de
carrière et les efforts que cela nécessite sur la capacité
de l'entreprise à leur apporter du bien être au travail. Il est
tout naturel de vouloir préserver un
26 Organisational merger and
psychiatric morbidity
31
maximum son capital santé pour continuer
à s'adapter aux contraintes professionnelles.27
B) Chômage/Plans sociaux y-a-t-il de quoi se
rendre malade ?
Dépression et travail sont parfois liés
mais chômage et dépression également.
Lorsque l'on perd son emploi on se sent rejeté
par la société. On a le sentiment d'être incapable de faire
les choses convenablement et souvent on se repli sur soi. Le fait de se sentir
inutile aux yeux des autres est délicat à gérer car dans
notre société on existe surtout par le regard que l'on porte sur
nous. L'image que l'on pense renvoyer est celle d'un « looser ».
Notre attitude change et l'on devient susceptible ou agressif ce qui nous rend
moins sociable au quotidien. C'est souvent à ce moment que la
dépression arrive car c'est un cercle vicieux. On se sent rejeté
mais on ne fait rien pour aller vers les autres.
De plus, il y a une incertitude concernant le futur
qui peut être douloureuse à gérer. On a tendance à
se poser beaucoup de question : vais-je pouvoir nourrir ma famille ? Comment
faire pour rembourser mon emprunt ? Pourrais-je un jour trouver du travail ?
C'est à partir de ce moment que la dépression suite à un
licenciement apparait.
Il faut savoir que les profils types de
dépression sont : les femmes, les personnes vivant seules,
particulièrement celles ayant connu une rupture affective et les
chômeurs présentent davantage de risques de dépression que
le reste de la population.
27 Mathieu POIROT - Le bien
être comme stratégie : nouveau rôle de
l'entreprise
Les réactions psychologiques au chômage
seraient différentes selon le sexe. Par exemple, Muller, Hicks et
Winocur (1993) trouvent que les chômeurs ont moins d'énergie, une
détresse, une tension et une fatigue plus fortes que les
chômeuses. Dans une étude longitudinale, Lahelmo (1992), mesurant
le bien-être psychologique à l'aide du G.H.Q., montre que les
hommes réagissent plus négativement à la perte d'emploi
que les femmes. Cependant, d'autres études produisent des
résultats inverses. Ainsi, les femmes au chômage auraient des
scores d'estime de soi significativement plus bas que les hommes (Warr et
Jackson, 1983). 28
L'analyse montre que les relations familiales et
sociales ainsi que l'insertion au travail diminuent les risques de
dépression. Le travail est stimulus important dans notre
société, mais nous avons vu ci-dessus, s'il est outrancier, il y
a aussi danger.
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28 Martine ROQUES -
Chômage et santé psychologique : synthèse et
perspective.
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