SOMMAIRE
Sommaire..................................................................................................................................1
INTRODUCTION...................................................................................................................2
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIQUE........................5
Chapitre 1:L'état de
l'art...........................................................................................................6
Chapitre 2:Quelques notions à
préciser...................................................................................18
Chapitre 3:Démarche
méthodologique....................................................................................23
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES DONNEES.
.......................................................39
Chapitre 4 : Les motivations et les raisons de partir.
..............................................................40
Chapitre 5: Les conditions de vie des étudiants
étrangers en France......................................53
Chapitre 6:A la recherche d'une activité
numéraire.................................................................60
CONCLUSION.......................................................................................................................85
Références
bibliographiques.....................................................................................................87
Table des
matières..................................................................................................................93
INTRODUCTION
De nos jours, avec la mondialisation où le monde est
considéré comme un «village planétaire», presque
aucune région du monde n'est épargnée par le
phénomène des migrations. Elles sont toutes concernées
soit par le départ, le transit ou encore l'arrivée de populations
devenues de plus en plus mobiles. C'est dans cette perspective d'ailleurs que
certains considèrent ce phénomène comme un « fait
social total » (M. Mauss, 1923-1924 ; A. Sayad, 1999). Presque toutes les
catégories sociales sont touchées particulièrement les
étudiants. En effet, d'après les chiffres de l'Unesco, en 2010,
le nombre d'étudiants en mobilité dans le monde a
été estimé à 3.600.000. Ce nombre important
d'étudiants étrangers dans le monde a fait de la mobilité
étudiante l'une des questions les plus traitées dans les
migrations internationales contemporaines. C'est d'ailleurs dans cette optique
que Caroline Barrera souligne que :
« L'étudiant étranger, longtemps
négligé au profit d'autres figures de l'immigration est depuis
quelques années de plus en plus présent dans le paysage
historiographique européen et s'intègre dans différentes
thématiques de recherche: étude des diasporas et des migrations,
géopolitique de la culture, enseignement supérieur, formation des
élites, relations internationales etc. » (Barrera, 2007)
En effet la question de la mobilité des
étudiants étrangers a été abordée sous
plusieurs angles. Elle a d'abord fait l'objet d'un traitement à travers
les statistiques du Ministère de l'Éducation Nationale et de
l'Enseignement Supérieur ou encore l'Observatoire national de la Vie
Étudiante. Dans ces publications officielles, les chercheurs se sont le
plus préoccupés de l'aspect quantitatif (le nombre
d'étudiants étrangers présents en France, leur part dans
la population étudiante française, leur évolution etc.) Ce
n'est que par la suite, avec les travaux d'Emmanuel Amougou, Serge Slama,
Latreche et de bien d'autres que l'aspect qualitative apparaitra. On commencera
alors à s'intéresser aux démarches faites par les
étudiants pour s'installer dans le pays d'accueil (visa, titre de
séjour), de leur accueil et de leur intégration, aux conditions
de vie et de leur adaptation.
Dans cette étude, il s'agira d'essayer de comprendre le
cumul étude-travail chez les étudiants venus d'Afrique et
particulièrement les Sénégalais et Maliens. En effet,
parce qu'elle est au croisement des problématiques de la réussite
étudiante, de l'insertion professionnelle des diplômés et
du financement des études, la question de l'activité
rémunérée constitue un thème central dans l'analyse
des parcours des étudiants, d'autant plus qu'elle concerne près
de la moitié des étudiants.1(*)D'après l'Observatoire de la vie
étudiante, 8 étudiants sur 10 exercent au moins une
activité rémunérée (emploi régulier, jobs
d'été ou petits boulots) pendant l'année et 5 sur 10
travaillent pendant l'année universitaire, au risque de compromettre
leurs études (OVE, 2004). Ainsi, la dualité étude-travail
est devenue un véritable fait social. D'où la
nécessité d'essayer de comprendre les logiques qui sous tendent
ce phénomène. En effet, le cumul étude-travail est souvent
traité dans des généralités. Le financement des
études constitue l'aspect principal apporté pour son explication.
Comme pour les étudiants français ou ceux qui résident
dans le pays d'accueil, l'on considère souvent que l'exercice d'une
activité parallèle aux études se justifie par la
cherté du logement, le coût de la vie, les inscriptions
etc. ; autrement dit, ce phénomène est expliqué en ne
tenant compte qu'à des aspects qui sont liés aux conditions de
vie économique dans le pays d'accueil. Ce qui rendrait en quelque sorte
homogènes les causes du recours au travail chez les étudiants.
Cette recherche propose une autre vison de la
réalité sur le cumul étude-travail chez les
étudiants venus d'Afrique. Elle part sur l'idée selon laquelle,
tous les étudiants ne travaillent pas pour les mêmes raisons.
Derrière le statut d'étudiant se cache un ensemble de
caractéristiques sociales, économiques et culturelles qui
distinguent les uns des autres. Ainsi, la compréhension du cumul
étude-travail nécessite de prendre en compte la
particularité de chaque catégorie sociale. On ne peut
réduire la problématique de la dualité
étude-travail aux seuls facteurs endogènes c'est-à-dire
aux réalités socioéconomiques du pays d'accueil
(conditions de vie, la question du logement, cherté de la vie etc.),
mais il importe d'avoir un cadre global en portant aussi son regard sur les
facteurs exogènes ou externes au pays d'accueil et qui
précèdent même le voyage en France. Ainsi, il s'agira de
faire une analyse complète de ce phénomène en montrant
comment les étudiants étrangers viennent en France, pourquoi,
dans quelle situation, etc. Ces questions et d'autres encore logent au centre
des préoccupations de notre recherche. Mais on ne peut utilement
considérer ces questions sans faire un détour du
côté de la relation que ces étudiants entretiennent avec le
groupe socio familial d'origine. De fait, ce dernier n'est pas sans influence
sur leur comportement une fois dans le pays d'accueil. Ce lien entre les
étudiants que nous interrogerons et leur groupe socio familial
d'origine, demeure capital dans cette recherche et s'impose donc comme une
sorte de toile de fond pour mieux connaître la problématique du
travail rémunéré pendant les études.
D'une manière plus spécifique, le
mémoire sera divisé en deux parties de trois chapitres chacune.
La première partie présentera un premier chapitre intitulé
l'état de l'art dans le lequel nous exposerons comment sommes nous
arrivés à s'intéresser à cette question et pourquoi
s'intéresser aux étudiants Maliens et Sénégalais.
Ensuite, après avoir présenté la problématique et
la revue de littérature, nous présenterons nos hypothèses
ainsi que les objectifs de la recherche. Dans le second chapitre, il s'agira
d'expliciter d'avantage les notions qui sont clés à notre
recherche. Le chapitre 3 quant à lui présentera la
méthodologie de l'étude qui est essentiellement qualitative.
La deuxième partie de ce travail rend compte des
résultats de l'enquête réalisée du 15 février
au 30 avril auprès d'étudiants Sénégalais et
Maliens. Il trace un exposé complet des éléments
évoqués par nos enquêtés et qui expliquent leur
mobilité vers la France, des conditions de vie dans le pays d'accueil et
les principales raisons avancées pour expliquer le travail
rémunéré pendant les études.
PREMIERE PARTIE :
CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE.
Chapitre 1 : L'état de l'art.
1.1. Construction de l'objet d'étude.
Comme tout travail scientifique le choix de
s'intéresser à la dualité étude-travail chez les
étudiants contient une dimension subjective, donc liée à
une vision personnelle mais aussi une dimension objective qui, elle, justifie
l'intérêt et l'originalité de ce travail. En
réalité, j'avais plutôt envisagé de travailler sur
les associations des migrants Sénégalais et du rôle
qu'elles peuvent jouer dans le processus intégratif de ces derniers.
C'est à ce propos d'ailleurs que j'avais décidé de
m'intégrer dans l'Association des Sénégalais de Poitiers
(ASEP) dans le but d'avoir une vision beaucoup plus complète sur le
rôle de ses associations mais aussi d'avoir une proximité avec mes
enquêtés. Ainsi j'en suis devenu le secrétaire
général. Depuis, je suis en contact en permanence avec les
étudiants Sénégalais de même que ceux qui sont
d'autres nationalités et qui nous sollicitent souvent pour avoir des
informations. Disons que c'est à partir des échanges que j'ai eu
avec deux étudiants Sénégalais qui sont en leur
première année en France que j'ai décidé de porter
mon travail sur la dualité étude étude-travail. En effet,
en les orientant sur les démarches administratives (aller à
l'OFII pour avoir leur titre de séjour, inscription à
l'université, ouverture d'un compte bancaire etc.), l'un d'entre eux
m'avait demandait une question qui a profondément attirée mon
attention: «comment faire pour trouver du travail? » A cette
question, l'autre ajouta qu'« il a déjà commencé
à faire des recherches sur internet. ». En réalité,
cette question a été posée presque à tous les
membres de l'association qui, à leur tour ont décidé
d'organiser un atelier sous la demande de ces derniers pour les aider à
faire des CV pour trouver un petit boulot. C'est à partir de ce moment
que j'ai pensé qu'il serait intéressant de travailler sur cette
question du travail des étudiants. Pourquoi se soucier d'un
travail alors qu'ils viennent à peine d'arriver en France?
Ainsi, en faisant la recherche documentaire, en consultant tout ce qui
peut me renseigner sur cette question, je suis tombé sur un extrait
d'entretien que j'avais fait l'année dernière avec un
étudiant Sénégalais. En l'interrogeant sur ses motivations
à vouloir partir à l'étranger, celui-ci disait.
« Nous avons une certaine façon de vivre qui est
particulière à la société
sénégalaise. C'est la solidarité. A la fin du mois chacun
participe pour qu'on puisse subsister. Et vu que tous mes frères et
soeurs ont une profession et que moi je suis le seul étudiant avec mon
petit frère, j'avais cette envie de réussir automatiquement,
coute que coute dans ma vie quoi, de faire quelque chose, d'être utile.
J'ai eu ma maitrise depuis 2010. Et de 2010 à 2013, j'ai tenté
pas mal de chose, j'ai secoué le monde privé et le monde public
et rien a marché et du coup comme je ne voulais pas toujours être
pris en charge, je me suis dis peut être qu'il faut sortir (Sortir dans
le sens de voyager, de partir à l'étranger). En France peut
être ils (c'est-à-dire la famille) vont te
financer le voyage mais si tu es là bas (à
l'étranger) tu peux espérer trouver quelques choses (un
travail, une source de revenu) pour te prendre en charge
financièrement. Voilà pourquoi j'ai décidé de
voyager en France pour venir trouver mieux et pour appuyer
financièrement ma famille.» (Extrait d'entretien avec M.S,
étudiant en master 2 de droit)
Cet extrait d'entretien parle en effet, de lui même.
N'ayant pas d'opportunité dans son propre pays pour soutenir sa famille,
cet étudiant juge nécessaire de s'expatrier vers la France,
symbole de la réussite, du travail et de l'autonomie. Voilà le
point de départ de notre recherche qui vise à comprendre le
travail des étudiants s'orientant sur le pays de départ. Mais
pourquoi porter la recherche sur les étudiants
Sénégalais et Maliens?
En effet, depuis le début des années soixante,
la France a connu une forte croissance du nombre d'étudiants, au point
qu'on a pu parler d'une véritable explosion des effectifs de
l'enseignement supérieur qui a aussi connu une diversification des
filières et une dispersion géographique des
établissements. Dans le même temps nous avons aussi assisté
à une augmentation considérable du nombre d'étudiants
étrangers qui viennent divers horizons.
En 2012, derrière les Etats Unis, la Grande Bretagne et
l'Australie, la France occupait la quatrième position parmi les
destinations privilégiées des étudiants
étrangers.2(*)
Toutefois, elle reste la première destination des étudiants
africains désireux de poursuivre leurs études à
l'étranger. Selon les chiffres publiés par Campus France, en
2010, la France accueillait 111 195 étudiants originaires du
continent africain soit 29,2 % du total des étudiants africains et 43 %
du total des étudiants étrangers dans l'hexagone. La très
grande majorité de ces étudiants africains en France provient des
pays du Maghreb et d'Afrique sub-saharienne francophone sur lesquelles porte la
recherche. En effet, la décolonisation n'a pas entraîné la
fin des relations entre la France et ses anciennes colonies. En
réalité, les citoyens des anciennes colonies
(Sénégal, Mali, Guinée, Cote d'ivoire par exemple) ont une
certaine proximité culturelle avec la France qui peut sembler
"naturelle" et évidente. Selon Georges Balandier, la colonisation a
entraîné l'assujettissement - quand ce ne fut pas la disparition -
de la quasi-totalité des peuples qualifiés d'attardés,
archaïques, primitifs ou encore a historique. Ainsi il préciser
que :
« toute étude actuelle des sociétés
colonisées, visant à une connaissance de la réalité
présente et non à une reconstitution de caractère
historique, visant à une compréhension qui ne sacrifie pas la
spécificité pour la commodité d'une schématisation
dogmatique, ne peut se faire que par référence à ce
complexe que nous avons nommé, situation coloniale » (Balandier,
2001, p. 9-29)
Dans cette optique, il est presque primordial à tous
chercheurs qui désirent faire des études dans ces
sociétés anciennement colonisées, de ne pas omettre ces
conditions spécifiques. De nos jours, pour de nombreux jeunes de ses
pays, la France représente un rêve. Elle est toujours
perçue comme un lieu où la réussite est chose facile
où du moins beaucoup plus facile dans leurs pays d'origine. La France a
pris une place importante dans l'imaginaire d'une large partie de la population
étudiante des ces pays. Plus encore, elle constitue un point focal de
conceptions des projets et s'impose
presque « naturellement » comme une voie, un passage
possible vers l'avenir professionnel. (Gérard, 2008, p.1) Dans ce sens,
la mobilité des étudiants de ces anciennes colonies doit susciter
des interrogations spécifiques car elle a beaucoup de points
différents par rapport à celles que peuvent susciter les
émigrations sud-européennes, asiatiques voire
latino-américaines vers la France. Des différences historiques,
géographiques, politiques, sociales et culturelles dont l'analyse
scientifique doit prendre en compte.
Au-delà de leur importance numérique dans le
pays d'accueil ainsi que les liens historiques qui unissent la France à
ces anciennes colonies, le choix de porter notre étude sur les
étudiants Sénégalais et Maliens est aussi motivé
par le fait que les étudiants venant de cette partie du monde (de
l'Afrique) sont ceux qui sont souvent entendus sous le terme
d'étrangers. Sur le plan juridique, est étrangers aussi bien les
étudiants Espagnols, Allemands, de même que ceux
Sénégalais, Maliens ou encore Ivoiriens. Même si les
différences de traitement varient en fonction des accords signés
entre les pays, admettons que les Africains semblent être '' plus
étrangers que les autres étrangers ''.
Jadis, les étudiants étrangers en particulier
ceux venant principalement des pays dits du Sud, ont toujours
bénéficié d'une belle image et ce, jusqu'au début
des années soixante-dix. Cette image positive est surtout liée
à la politique qui a été mise en place par la France. En
effet, le fait d'accueillir les étudiants originaires des pays
nouvellement indépendants était souvent «
présenté par les autorités publiques comme un
élément de la politique de prestige de la France.
L'étudiant étranger est jugé comme répondant aux
intérêts de la France dans ses relations internationales [...]
Cette ouverture idéologique se traduit par une politique d'accueil et un
statut juridique extrêmement libéraux » (Slama, 1999, p18.).
Ainsi, l'étudiant étranger se présente alors comme un
élément qui favorise le rayonnement de la France qui fait tout
pour les attirer et les conserver. Néanmoins et au fil du temps,
l'immigration des étudiants n'est plus seulement une immigration
souhaitant former des élites mais une immigration de masse issue d'un
grand nombre d'étudiants souhaitant poursuivre leurs études et
surtout « « l'incapacité de leurs universités (dans les
pays d'origine à y répondre ». (Hemery, 1980, p.2)
Ce n'est qu'à partir des années 70 avec la
publication du rapport Dischamps que la situation des étudiants
étrangers connaitra un véritable tournant. En effet, dans ce
rapport, pour la première fois les étudiants étrangers ne
sont pas perçus comme «les acteurs du rayonnement de
l'université française», mais constituent «une menace
contre son prestige». Ils sont dès lors présentés
comme une «charge» pour les universités, en terme d'effectifs
mais aussi en terme de qualité car l'on considère maintenant
qu'«ils font baisser le niveau» Sur ce point, il est clair que les
étudiants étrangers qui, ici sont mis en cause «sont bien
évidemment, ceux venus des pays du Tiers-Monde et non pas ceux venus des
systèmes éducatifs équivalents.» (Slama, 1999, p.9)
Dés lors, un changement radical fut noté dans les
représentations qui tournent autours de l'étudiant
étranger en particulier ceux venus des pays du tiers monde. Depuis, la
France a modifié sa politique d'accueil. Nous avons assisté
à un durcissement des conditions d'entrée dans le pays mais aussi
ces derniers doivent chaque année, justifier leur séjour en
France. Certains agents du Ministère de l'Intérieur
considèrent que les étudiants étrangers sont des fraudeurs
potentiels et prennent les mesures qu'ils jugent nécessaires au
contrôle de cette fraude comme la demande de documents de plus en plus
difficiles à obtenir.
En Novembre 2009, le Ministre de l'Immigration de
l'Intégration, de l'Identité Nationale et du Développement
Solidaire Eric Besson, précisera à son tour dans un
communiqué que «l'utilisation de visas touristiques de court
séjour pour entrer sur le territoire et s'y maintenir au-delà de
la durée autorisée constitue l'un des cas les plus
répandus de fraude au droit de l'entrée et du séjour en
France. Elle ne doit faire l'objet d'aucune bienveillance, quand bien
même le fraudeur revendiquerait le statut
d'étudiant.»3(*)
Toujours dans la même logique, en 2012, la circulaire de Guéant
appelle les préfets à durcir les conditions de délivrance
des autorisations de travail ainsi que le changement de statut. Ce qui ne
manque pas d'avoir des répercussions au niveau de l'action des agents de
préfecture comme le souligne Alexis Spire car elles renforcent les
croyances de certains agents de préfecture qui estiment agir au nom de
«l'adhésion au maintien de l'ordre national.»
Cette logique du soupçon pour reprendre les expressions
de Yann Elimbi4(*), nous
conduit à croire que la catégorie «étudiant
étranger» et plus précisément ceux de l'Afrique
constitue une catégorie particulière, d'où la pertinence
de porter notre étude sur ce groupe. Cependant, précisons que le
but en choisissant de se focaliser sur les africains ne constitue en aucun cas
de les montrer sous une lumière plus positive ou encore de tenter de
démontrer la vacuité des clichés qui leur sont
attachés. Il s'agit plutôt de chercher à comprendre le
rapport que ces derniers entretiennent avec le travail pendant les
études.
1.2. Etat des lieux
L'objectif de ce travail est de saisir les facteurs permettant
de comprendre la dualité étude-travail chez les étudiants
venus de l'Afrique subsaharienne (Sénégal et Mali). Le travail
étant défini dans cette recherche comme toute activité
rémunérée déclarée ou pas, menée
pendant les études à temps plein ou à temps partiel
excepté ceux ayant un lien avec les études (stage obligatoire
faisant parti de la formation, auxiliaire ou assistant de recherches,
auxiliaire d'enseignement, correcteur ou chargé de cours etc.)
En France et dans de nombreux autres pays, beaucoup
d'étudiants s'adonnent au travail rémunéré pendant
les études. Désormais, les étudiants ne travaillent plus
que pendant l'été au moment des vacances jadis
considérées comme la période ou ils auront plus de temps
libre, mais aussi ils travaillent de plus en plus pendant l'année
scolaire. Ainsi, s'établit une articulation entre étude-travail
qu'on peut qualifier de concomitante plutôt que de séquentielle.
(Moulin et al, 2011) D'après le rapport du Conseil économique et
social sur le travail étudiant en 2007, 15 à 20 % des
étudiants travaillent de façon régulière pendant
leurs études. Cette proportion d'étudiants salariés a
assez fortement augmenté pendant les années 1990, avec une
augmentation de 4,4 points entre 1990 et 2002.5(*) En 2006, l'enquête sur le coût de la vie
étudiante publiée par l'Unef, montrera que 48% à des
étudiants interrogés avaient déclaré exercer une
activité salariée. Six ans plus tard, le nombre
d'étudiants salariés augmentera pour atteindre 73% de la
population étudiante.6(*)
Ces chiffes nous renseignent sur l'ampleur de ce
phénomène. Celui ci se développe un peu partout en Europe
(M. Wolbers, 2001) et ailleurs et le terme d'étudiant-travailleur ou
d'étudiant-salarié est de plus en plus utilisé dans la
littérature sur les étudiants.7(*) Ce fait est également très
fréquent chez les étudiants étrangers. Déjà
en 1998, l'enquête de S. Paivandi sur les étudiants de Paris 8
montrait que, 62% des étudiants étrangers travaillent (52% pour
les étudiants français) pour gagner leur vie tout en
bénéficiant d'autres types de ressources financières
(aides familiales ou publiques). Pour ce qui concerne la durée de
travail, l'auteur montre que près de 60% des hommes étrangers et
35% des femmes étrangères qui exercent une activité
professionnelle, travaillent entre onze heures (surtout les femmes) et vingt
heures par semaine (Paivandi, 1998, p.29).
Aujourd'hui, même les autorités françaises
sont interpellées par cette question. Presque chaque année, des
mesures sont prises pour trouver une solution face à ce
phénomène. Le 31 mai 2011, Claude Guéant, ministre de
l'Intérieur, et Xavier Bertrand, ministre du Travail, de l'Emploi et de
la Santé, ont envoyé aux préfets une circulaire durcissant
les conditions d'obtention d'un permis de travail mais aussi de changement de
statut pour passer d'étudiant à travailleur. L'objet était
ainsi de « maitriser l'immigration professionnelle ». Le
but était chiffré : passer de 30 000 visas de travail à 20
000. En effet, les étudiants étrangers étaient au coeur de
ces mesures. Selon la circulaire, « une grande part du flux
migratoire à caractère professionnel provient des changements de
statut demandé par les étudiants. » C'est à ce
propos d'ailleurs qu'il faudrait comprendre les propos de Abdelkader Latreche
qui se demande si « Le travail salarié ne risque pas de tuer, ou de
transformer, la migration des étudiants (migration universitaire) en une
migration traditionnelle, de force de travail, et d'éloigner les
étudiants de leurs études» (Latreche, 1999)
Comment expliquer cette forte propension des
étudiants étrangers qui cumulent étude et
travail? Telle est la question directrice de cette recherche. En
réalité, cette question de la dualité étude-travail
a fait l'objet de beaucoup de travaux. Si certains se sont
préoccupés de l'impact du travail dans les études ou de
ses avantages ou inconvénients, d'autres se sont
intéressés aux causes de ce phénomène. Des
recherches américaines ont montré qu'il existait un lien positif
entre le travail en cours d'études et l'insertion professionnelle. Les
écrits Catherine Béduwé, Jean-François Giret
montrent que l'emploi étudiant permet d'acquérir des
compétences comportementales, d'obtenir des informations sur le
marché de l'emploi. De plus, il a un effet positif sur la
rémunération des diplômés à leur sortie du
système éducatif. (Béduwé, Giret, 2004) Quant
à Erlich, le cumul étude-travail signifie pour de nombreux
étudiants une préparation à l'insertion professionnelle
:
« Le travail rémunéré des
étudiants ne s'oppose pas au travail scolaire, mais constitue au
contraire une forme complémentaire d'activités pendant les
études. On assiste à une sorte de consécration
institutionnelle du travail salarié par les étudiants, en tant
que pratique ou modèle de pratique étudiante qui est basé
sur un modèle de professionnalisation axé sur l'expérience
de la vie active et l'apprentissage de l'autonomie financière, beaucoup
plus que sur le « besoin » à proprement
parler. » (Erlich, 1998).
Tous ces travaux cités ci haut montrent bien que le
travail pendant les études dispose de nombreux avantage pour les
étudiants. Cependant nous soulignons que dans le cadre de notre
recherche, nous ne nous intéressons pas à cette question. Notre
étude cherche à examiner les aspects pouvant induire les
étudiants à se consacrer au travail pendant la période
d'étude. A cette question, quelques travaux ont essayé d'apporter
des réponses.
Ducharme R. identifie deux raisons: pour accroître leur
autonomie financière et pour se payer plus de confort. L'auteur montre
que 38 % de ces répondants ont affirmé qu'ils se sont
adonnés au travail pendant les études pour pouvoir s'assurer une
vie de luxe et surtout être dans un confort. (Ducharme, 2012). La
réalisation du projet professionnel a aussi été
évoquée pour expliquer la ruée des étudiants vers
le travail pendant la période d'étude. Domingo, dans ses travaux
a dégagé deux types de relations entre les activités
rémunérées et le projet professionnel des
étudiants. Pour lui, dans un premier temps ces activités
contribuent à l'élaboration du projet professionnel, elles
permettent aux étudiants «d'acquérir des informations
précises sur un métier, une profession, un secteur
d'activité, de découvrir un milieu professionnel avec ses codes
et ses contraintes et de ce fait permettent aux étudiants de tester,
affiner, (ré) orienter leur projet professionnel » (Domingo, 2005,
p.3). Et dans un second temps pour les étudiants âgés avec
des projets professionnels bien précis, les activités
rémunérées pendant les études participent à
la future insertion professionnelle. Ces activités :
«(...) successives depuis le début de leurs
études leur permettent de construire leur CV ainsi qu'un réseau
actif de relations professionnelles. Les étudiants adoptent de
véritables stratégies dans leur recherche d'emploi. Leur objectif
est de faire des expériences variées, dans différentes
structures (...), mais néanmoins cohérentes avec leur projet
professionnel. Ils jugent leurs activités
rémunérées décisives en termes d'acquisition
d'expériences professionnelles. Elles participent véritablement
à la construction de leur qualification». (Domingo, 2005, p.3).
L'étude intitulée Investir dans leur avenir: une
enquête sur le soutien financier en matière d'éducation
postsecondaire en 2006, souligne que l'activité
rémunérée parallèle aux études s'explique
par les difficultés financières que rencontrent les
étudiants. Selon cette étude, le travail constitue un moyen
essentiel pour les étudiants de financer les études.8(*) En effet, la question
financière reste au coeur des explications de ce phénomène
chez les étudiants étrangers. D'après Ennafaa Ridha et
Paivandi, parmi les étudiants étrangers, une très large
majorité vient en France dans le cadre d'une initiative individuelle
sans bénéficier d'une aide financière institutionnelle
permettant de financer entièrement les études. Ainsi ces derniers
ont distingué trois sources financières : la famille, les
différentes aides publiques (bourses et autres allocations) mais aussi
l'activité rémunérée. Leur enquête a permis
de montrer que près de deux étudiants sur trois doivent
travailler d'une façon régulière ou occasionnelle.
(Ennafaa et Paivandi, 2008) Joubert, Baritaud et Lhuillier abonderont eux aussi
dans le même sens en évoquant les conditions de vie
précaires, voire acrobatiques, de beaucoup d'étudiants
étrangers, surtout les non boursiers. (Joubert, Baritaud et Lhuillier,
1985). Quant à Latreche Abdelkader il est presque obligatoire pour les
étrangers à cumuler étude et travail. Dans sa thèse
de 3° cycle à l'Université Paris 1 il montre qu'en moyenne
58% des étudiants maghrébins financent leurs études en
France par le travail salarié. (Latreche.A, 1999, p. 158). Le travail
étant le moyen privilégié de ses étudiants pour le
financement des études.
1.3. Les contours du problème
Depuis quelques années, nous avons assisté
à un engouement majeur des étudiants au travail, en lien ou pas
avec leurs formations pendant les années d'étude. Ainsi, la
problématique de l'emploi pendant les études est devenue un
phénomène social en pleine ascension. Dans une étude
portant sur les jeunes collégiens du Cegep, Jacques Roy souligne que si
deux étudiants sur dix occupaient un emploi
rémunéré durant l'année scolaire avant les
années 1980, cette proportion atteint maintenant sept étudiants
sur dix (Roy, 2006). Cette propension extraordinaire du nombre
d'étudiants qui cumulent les études et le travail pousse certains
observateurs à penser que ce phénomène tendrait à
s'imposer comme la norme plutôt que l'exception. (Gauthier et Labrie,
2013). Cette propension des étudiants vers le travail est un fait qui
s'observe également chez les étudiants étrangers et plus
particulièrement chez les étudiants africains. En effet,
même s'il n'existe pas encore de statistique permettant de mesurer la
part des étudiants africains qui exercent une activité
parallèle aux études, l'observation permet d'avoir une
idée sur ce phénomène chez ces derniers. Pour comprendre
cela, il suffit de faire un tour dans la plupart des restaurants de la ville,
dans les grandes surfaces, dans les boites de nuit etc. pour s'en rendre
compte. Comme le souligne Aline Mandrilly, ces derniers sont devenus de vrais
petits vigils et plongeurs, et les étudiantes africaines, de vraies
petites techniciennes de surface et spécialistes du service à
domicile. Les étudiants africains sont réputés être
des « petits travailleurs infatigables », car ils effectuent la
plupart du temps des tâches pénibles, ont parfois un travail de
nuit ou même en cumulent deux, et souvent travaillent dans
l'illégalité, puisque la durée maximale de temps de
travail par semaine ne suffit pas toujours à joindre les deux bouts.
(Mandrilly. A., Septembre 2007) C'est à ce propos d'ailleurs que
l'Association des Stagiaires et Etudiants Africains en France (ASEAF) avait
tiré la sonnette en tentant de rappeler aux étudiants l'objectif
premier de leur présence dans le pays d'accueil. Dans son site internet,
elle précise : « Si votre venue en France est liée
aux études, il faut alors consacrer l'essentiel de votre temps à
cet effet. La priorité est d'obtenir un diplôme, de finir une
formation, qui vous seront utiles à vous et à votre pays. En ce
sens, toute activité salariale doit être un moyen et non une fin
en soi »9(*)
Comment comprendre ce penchant des étudiants
(Sénégalais et Maliens) vers le travail
rémunéré ? Telle est la question sur laquelle
cette recherche tentera d'apporter des réponses.
En effet, l'exercice d'une activité
rémunérée pendant les études nous semble
intéressant à questionner car ayant pour la plupart du temps des
conséquences aussi bien sur l'étudiant que sur ses études.
Dans une étude sur les étudiants salariés en France, la
sociologue Vanessa Pinto nous apprend que l'emploi étudiant et en
particulier la forme non institutionnalisée, peut induire chez ceux qui
l'exercent une « incohérence statutaire »
caractérisée par des difficultés d'organisation et des
problèmes de définition de soi. D'une part, il s'agit de
gérer simultanément deux emplois, scolaire (cours et
révision) et salarié, en tentant dans la mesure du possible de
ménager des périodes de « loisirs » d'autres part, si
certains emplois ont une certaine cohérence avec la filière
suivie, d'autres exposent ceux qui les occupent à une sorte de
dédoublement identitaire (mi-étudiants, mi-salariés, ni
étudiants ni salarié) lié à un redoublement des
contraintes.( Pinto V. , Mars 2014, p.3)
L'Insee, quand à lui soulignera qu'un étudiant
salarié aura deux fois plus de risque d'échouer à ses
examens que s'il pouvait se consacrer entièrement à ses
études. L'occupation d'un emploi régulier réduit
significativement la probabilité de réussite à l'examen de
fin d'année universitaire. S'ils ne travaillaient pas, les
étudiants salariés auraient une probabilité plus
élevée de 43 points de réussir leur année. (Beffy,
M., Fougère, D., et Maurel, A. 2009)
Ce chamboulement des comportements étudiants a souvent
été expliqué par la crise économique survenue dans
la deuxième moitié des années 1970: sur fond de
difficultés dans les activités industrielles et face au
développement rapide des services, commerciaux avant tout, la demande
d'une main d'oeuvre flexible, disposée à accepter des emplois
précaires, le plus souvent à temps partiel et avec des horaires
fractionnés, aurait buté sur le rétrécissement de
l'offre de main d'oeuvre juvénile, lié tant à la baisse
des effectifs des jeunes générations qu'à leur propension
à rester plus longtemps dans le système scolaire (Conseil
supérieur de l'éducation, 1992: 48). Cette situation aurait
exercé un puissant effet d'aspiration sur la population
scolarisée tout en lui offrant de nouvelles opportunités,
notamment celle d'accéder à une source de revenu propre. (Eckert,
2009) C'est dans cette perspective d'ailleurs que, les études qui
s'intéressent à cette question de la dualité
étude-travail évoquent le plus souvent les soucis financiers pour
expliquer ce phénomène. L'occupation d'une activité
rémunérée pendant les études est toujours mise en
lien avec les conditions de vie des étudiants, la cherté de la
vie, le logement etc. Qu'en est-il pour les étudiants
Sénégalais et Maliens? En effet, notre revue de
littérature sur le thème nous a permis de savoir que les
éléments mobilisés pour expliquer ce
phénomène ne prennent en compte que le pays d'accueil. Ce que
nous appelons des facteurs endogènes c'est-à-dire cet ensemble de
variables qui, dans la société française vont
déterminer le devenir de l'étudiant. Pour bien comprendre ce
phénomène, il faut nécessairement avoir une vision
à la fois diachronique (historique) et synchronique (présente).
En réalité, à partir du moment où il ya une
diversité au sein de la catégorie étudiante, peut on
généraliser les causes de ce phénomène? A cette
question, il semble que, se limiter à ces seuls éléments,
constituerait une occultation d'autres facteurs qui préexisteraient
même à la venue en France. Même si les circonstances
économiques dans le pays d'accueil peuvent constituer une incitation
vigoureuse à la recherche d'un travail rémunéré, il
y a tout de même lieu de penser qu'elles n'ont pas constitué pour
autant une condition suffisante.
Ce travail, part sur l'idée selon laquelle, la
mobilité étudiante, au-delà des études
universitaires, est aussi sociale et économique. Elle se situe
dès lors dans la même perspective qu'Etienne Gérard pour
qui, la mobilité n'est pas cantonnée à un ou des circuits
permanents; elle est aussi le produit d'un ensemble de condition et d'histoire
particulière; celle de l'étudiant, celle de sa famille, celle du
groupe social auquel il appartient combinés à celle des
institutions en particulier scolaires qui ont influé la mobilité
de l'étudiant à l'étranger. (Gérard, 2008, p.22)
Ainsi, pour comprendre ce phénomène, il est important voire
nécessaire d'orienter son regard sur les conditions de départ des
étudiants vers la France car ce dernier se trouvant au centre de deux
systèmes en interaction. On ne peut faire la sociologie de l'immigration
sans esquisser, en même temps et du même coup, une sociologie de
l'émigration ; immigration ici et émigration là sont les
deux faces indissociables d'une même réalité, elles ne
peuvent s'expliquer l'une sans l'autre. (Sayad, 1999, p.15). En d'autres
termes, on ne peut faire une étude sur les étudiants
étrangers sans tenir compte de ce que nous appelons ici des variables
exogènes c'est-à-dire des caractéristiques sociales,
l'ensemble des dispositions et d'aptitudes socialement
déterminées, dont les étudiants sont porteurs avant
même l'obtention du visa pour études.
Ainsi, pourquoi ils partent en France? Comment ? Qu'est ce qui
caractérise ces étudiants ? Comment cette expérience
(conciliation étude-travail) est-elle vécue par les
étudiants? Quel sens lui attribuent-ils? Essayer de répondre
à toutes ses questions subsidiaires nous servira de fil conducteur pour
comprendre le recours au travail des étudiants étrangers pendant
leurs études.
1.4. Hypothèses
Pour comprendre la dualité étude-travail chez
les étudiants venus du Sénégal et du Mali, nous posons
dans cette recherche deux hypothèses qui sont les suivantes :
ü Le choix d'aller étudier à
l'étranger implique à la fois une décision
d'investissement en formation mais aussi un choix de migration en fonction des
opportunités de travail offertes par la France. En d'autres termes, un
rapport coût/bénéfice s'observe dans la décision de
partir à l'étranger. Un contact possible avec le monde du
travail, en lien ou pas avec les études, constitue une dimension non
négligeable dans la décision de partir.
ü L'exercice d'une activité
rémunérée pendant les études, se situe dans une
logique d'émancipation et d'autonomisation des étudiants
vis-à-vis de la famille ou du groupe social d'origine.
1.5. Objectifs.
En effet, la mobilité étudiante a
été traitée sous plusieurs angles mais très peu
d'études se sont attelées à analyser le recours au travail
des étudiants étrangers. Ce ''vide'' est intéressant en ce
sens où il y a peut-être matière à fournir une
nouvelle grille d'analyse puisque, comme souligner ci-dessus, le financement
des études reste au coeur des explications données à ce
phénomène. En effet, il n'est point dans cette recherche question
de prétendre rejeter cette explication, mais plutôt de voir cette
réalité sous un nouvel angle. L'objet en lui même, comme
rappelé précédemment, n'est pas une nouveauté mais
la grille d'analyse l'est un peu plus. L'objectif majeur étant de :
-porter notre regard sur le pays de départ pour
expliquer la dualité étude-travail chez les étudiants
Sénégalais et Maliens. Il s'agira de mettre en lien les projets
d'émigration des étudiants et leur recours au travail dans le
pays d'accueil. En des termes clairs, il s'agit de montrer que chez les
étudiants Sénégalais et Maliens, la raison du
départ est toujours double pour eux: à la raison proprement
universitaire se trouve toujours associée aux opportunités
d'insertion dans le marché du travail dans le pays d'accueil.
Nous avons également comme objectifs secondaires de:
-Saisir les motivations pour des études à
l'étranger. En effet, ceci nous permettra de mieux comprendre la
préparation, les stratégies, les attentes, les projets des
étudiants étrangers en France. Pourquoi la France et pas un autre
pays pour effectuer ses études ? Qu'est ce qu'on privilégie en
choisissant la France comme pays d'études ?
-Analyser le rapport que les étudiants entretiennent
avec le travail rémunéré pendant les études :
comment le perçoivent-ils ?comment se perçoivent-ils ?
Chapitre 2 : Quelques notions à
préciser.
2.1. L'étudiant étranger ?
Avant de s'investir sur la question du cumul
étude-travail chez les étudiants étrangers, une question
s'impose : qui est étudiant étranger ? En effet,
beaucoup de données statistiques sont publiées en France et dans
un certain nombre de pays alors qu'ils ne reflètent pas
complètement la réalité concernant les étudiants
étrangers. D'après le rapport d'étude effectué par
Borgorno et Vollenweider-Andresen sur les étudiants maghrébins en
France, il existe deux catégories d'étudiants étrangers
qui se fondent d'une part sur la nationalité et d'autre part sur le type
de mobilité.
-La première catégorie est composée
d'étudiants étrangers venus en France dans le but d'effectuer des
études. Cette catégorie encore appelée les
étudiants étrangers expatriés, est composée
d'étudiants dont les parents sont de nationalité
étrangère et qui réside à l'étranger. Il
s'agit plus précisément des étudiants qui sont titulaires
d'un diplôme étrangers.
- La seconde est composée d'étudiants
étrangers de parents de nationalité étrangère
résidant en France. Il s'agit donc des étudiants issus de
l'immigration mais aussi de ceux dont l'installation des parents peut
être considérer comme temporaire.
Selon Alain Coulon dans la grande majorité des pays, la
nationalité reste encore la seule dimension pour définir
l'origine d'un étudiant. Or, un étudiant peut très bien
avoir une nationalité étrangère mais être un
résident non-permanent du pays d'accueil, ou issu d'une famille
étrangère qui réside dans le pays d'accueil.10(*)Il en est de même pour
les étudiants qui sont des réfugiés politiques. Ces
derniers sont considérés et recensés comme
«étrangers» alors qu'ils ne se sont pas déplacés
pour continuer leurs études. Il existe cependant un trait commun avec
les étudiants étrangers en mobilité qui est sans doute
leur origine étrangère mais leurs conditions de vie et leur
statut sont assez différents et particuliers. Par étudiants
étrangers en mobilité, nous entendons ceux qui sont de
«nationalité étrangère», de parents de
nationalité étrangère et résidant à
l'étranger, nés et ayant effectué leur scolarité
à l'étranger, titulaires d'un titre étranger
d'accès à l'université (F. Aubert, M. Tripier, F. Vourc'h,
1996). A ce propos, l'UNESCO abonde dans le même sens. Selon cet
organisme est étudiant étranger, « une personne
inscrite dans un établissement supérieur d'un pays ou d'un
territoire où elle n'a pas sa résidence permanente» (1999).
Une distinction est alors faite entre «étrangers
résidents» et «étrangers en situation de
mobilité».
La population d'étudiants étrangers en France
est composée de plusieurs catégories en fonction de leur
situation et du cadre de leur voyage en France. Ainsi, dans le rapport
d'information sur l'accueil des étudiants étrangers, Alain Clayes
distingue cinq types d'étudiants qu'il classe dans deux
groupes :
a) Les étudiants en situation de
mobilité :
1. Les étudiants boursiers (bourse française,
bourse du pays d'origine)
2. Les étudiants dans un système
d'échanges
3. Les étudiants prenant des initiatives
individuelles : leur démarche de venir étudier
en France résulte d'une initiative personnelle et ils ne
bénéficient d'aucune aide spécifique. On les appelle les
étudiants « individuels » ou
« privés ».
b) Les étudiants étrangers
résidents :
4. Les étudiants réfugiés
politiques
5. Les étudiants étrangers résidents,
temporairement ou non
Dans ce travail de recherche, nous avons choisis de
s'intéresser aux étudiants étrangers en situation de
mobilité et qui viennent de l'Afrique subsaharienne.
2.2. Projet migratoire
Le projet migratoire est une notion dont l'usage est de plus
en plus courant dans la littérature sur les migrations. Cette notion
occupe une place centrale dans cette étude. Avant de procéder
à sa définition, il convient de s'attarder un peu sur le mot
« projet ».
Dans son ouvrage intitulé Anthropologie du
projet, Boutinet précise le caractère
prévisionnel du projet. Il le définissant comme « une
anticipation opératoire, individuelle ou collective d'un futur
désiré » (Boutinet, 1990, p.77). Cette définition
renvoie à un futur souhaité, le projet s'intègre dans
l'histoire de son auteur singulier ou collectif. Selon cet auteur, la notion de
projet se rapporte à plusieurs situations quotidiennes de la vie :
les situations existentielles à projet, les activités à
projet, les objets à projet, les organisations à projet et le
projet de société.
La dimension stratégique sera par la suite posée
par Lévy et Lussault pour qui le projet peut se définir comme une
procédure stratégique, pragmatique et contextuelle dont la
fabrication est intentionnelle (Lévy et Lussault, 2003) Cette
définition met en avant d'une part le rôle des
éléments contextuels dans l'élaboration du projet, d'autre
part, la conscientisation de sa construction et son caractère actif sur
la réalité.
Pour définir la notion de projet migratoire nous nous
sommes appuyés sur les travaux de plusieurs auteurs issus de
différentes disciplines tels qu'Emmanuel Ma Mung, Florence Boyer,
Paul-André Rosental ou encore Mihaela Nedelcu. En effet, ces derniers
ont tous mobilisé l'expression « projet migratoire »
dans leurs travaux et s'accordent tous sur le caractère dynamique du
projet migratoire. Ainsi ils s'accordent sur l'idée selon laquelle le
projet migratoire est révélateur de la capacité des
migrants à se projeter dans le temps d'une part, et du fait qu'il est en
constante évolution d'autre part.
Selon Emmanuel Ma Mung (2009) le projet migratoire est un
concept peu éclairci dont l'explication donné est l'intention de
quitter un lieu pour un autre et/ou l'accomplissement même de la
migration avant que celle-ci ait atteint son terme. En effet, pendant
longtemps, le modèle push and pull a servi d'explication à la
migration. Selon ses théories, il existe dans le pays d'accueil des
facteurs attractifs et positifs et des facteurs négatifs
répulsifs dans le pays d'origine favorisant le départ. Ces
derniers s'inscrivant donc dans une logique cause/conséquence de type
déterministe ou les réalités du milieu conduiraient les
migrants à quitter leur pays à la recherche d'une vie meilleur.
Aujourd'hui, de nombreux penseurs prônent l'idée selon laquelle il
faudrait dépasser ses théories. Ainsi comme le souligne Mihaela
Nedelcu:
« Si l'absence d'une infrastructure performante ou
d'opportunités de développement dans le pays d'origine participe
à pousser les spécialistes au départ, leurs trajectoires
et projets de vie sont souvent très complexes, fruits de la
capacité des individus à négocier avec des infrastructures
étatiques qui encadrent leurs migrations, à mobiliser des
ressources variées et à adapter leurs attentes dans un jeu
permanent des possibles ». (Nedelcu, 2005, p.5)
Dans une étude sur les migrants circulaires (2005),
Florence Boyer précise que pour expliquer les migrations, il ne faudrait
surtout pas qu'on se limite sur les facteurs répulsifs propres à
l'espace de départ ni des caractéristiques du pays d'accueil.
Dès lors l'introduction de la notion de projet migratoire permet de ne
plus considérer le migrant comme un agent social dont ses actions et
comportements sont guidés par des facteurs extérieurs. Mais il
conviendra de considérer le migrant comme un acteur indépendant,
capable de donner un sens à ses actions. Il s'agira alors de redonner
une place aux actions des hommes en partant du point de vue du migrant. Cette
notion devient alors suffisamment large pour rendre compte à la fois des
intentions de mobilité et des conditions de réalisation de cette
mobilité. F. Boyer inscrira également la notion de projet
migratoire dans une vision dynamique en l'associant à deux dimensions :
temporelle et contextuelle. Pour l'auteure :
« En tant que projection dans l'avenir, le projet se
caractérise par une dimension temporelle fondamentale; il s'inscrit dans
un continuum temporel qui participe de sa redéfinition constante. Le
présent n'étant qu'une actualité de l'avenir et l'avenir
n'étant qu'un futur prochain, le projet est sans cesse amené
à être redéfini au fil du continuum en fonction du contexte
et des stratégies sociales et/ou individuelles. Si nous ramenons cette
remarque à l'analyse du projet migratoire, cela revient à dire
qu'il se construit certes au départ, mais tout au long de l'histoire
migratoire, lors des séjours à l'étranger, comme lors des
retours. » (Boyer, 2005, p.52)
Parler de projet migratoire conduit alors à
privilégier une analyse dynamique qui se fonde sur le continuum
temporel. Si au départ le migrant dispose d'un certain nombre
d'informations et de connaissances sur la ou les possibilités du lieu de
destination, celles-ci ne sont que partielles et déformées ; il
éprouve par ailleurs des besoins qui le conduisent à partir et
suppose qu'il pourra satisfaire ces besoins en migration.
Emmanuel Ma Mung (2009) dans ses travaux, nous apprendra que
la notion de projet migratoire nous permet de comprendre les migrations non
plus comme les résultats de mécanismes agissant à l'insu
du migrant, comme par exemple la combinaison de forces économiques, mais
plutôt comme la réalisation d'une intention propre au migrant.
Cette notion nous a ainsi paru essentielle voir même centrale pour
construire la problématique de notre objet de recherche. Ainsi, en nous
appuyant sur la conception de ces deux auteurs, nous utiliserons cette notion
pour comprendre la dualité étude-travail chez les
étudiants. Toutefois, nous intégrerons dans cette recherche la
dimension sociale dans le projet migratoire. A notre avis, de même que
les migrations de travail, la mobilité étudiante est aussi
très complexe et que plusieurs raisons entrent en jeu dans la
décision partir. Loin d'être uniquement individuelle, le projet
est aussi social puisque l'individu s'insère dans un groupe plus ou
moins large et son départ implique l'ensemble de ce groupe. Cette
implication peut être le financement du voyage comme c'est le cas de
nombreux étudiants étrangers. D'où l'importance pour nous
de s'intéresser au condition de départ de ces étudiants
pour pouvoir avoir une lecture complète sur les facteurs explicatifs de
la dualité étude-travail. Ainsi pour répondre à
notre question, il est important d'identifier les éléments
contextuels et individuels qui interviennent dans le processus
décisionnel. Pour cela il est nécessaire de s'intéresser
aux motivations des étudiants à aller étudier à
l'étranger. Dans cette perspective, nous estimons que la
possibilité de travailler pendant les études constituerait un
élément majeur dans la prise de décision pour aller en
France. Dés lors pour expliquer le recours au travail, nous jugeons
nécessaire de porter notre regard depuis la constitution du projet
migratoire ainsi que des modifications dans le temps.
Chapitre 3 : Démarche
méthodologique
La nature de la recherche qui se propose de comprendre le
travail rémunéré des étudiants nous commande une
méthodologie essentiellement qualitative. Celle-ci nous permettra en
effet, de saisir les logiques qui sous tendent la dualité
étude-travail chez les étudiants Maliens et
Sénégalais mais également de comprendre par la suite les
dynamiques et les stratégies que les étudiants adoptent afin de
concilier le travail et les études. Cette méthodologie
qualitative nous apparait essentielle dans la mesure où il nous servira
afin de produire une analyse plus complète de la réalité
des étudiants qui sont engagés dans la dualité «
travail rémunéré et études ».
Ici, les étudiants sont vus dans la perspective de
l'acteur au sens wébérien du terme. Ce dernier part sur
l'hypothèse selon laquelle l'action sociale est le comportement auquel
l'homme donne un sens orienté par rapport à autrui. Ainsi la
sociologie doit être compréhensive en ce qu'elle doit rechercher
le sens, les motifs des comportements humains puisque ceux qui sont
constitutifs des actions dont il s'agit de rendre compte. L'homme est un
être de conscience qui agit en fonction de sa compréhension du
monde et des intentions qu'il a. A ce propos, l'étude de la
dualité étude-travail nécessite une
pénétration profonde des croyances et des motivations à
l'action, les mobiles d'agir et les sentiments exprimés par ces
étudiants dans l'exercice d'une activité
rémunérée pendant les études. D'ou l'importance de
la notion de projet migratoire. Cette dernière nous permettra
d'être en possibilité de comprendre l'attitude des
étudiants ainsi que leur comportement sachant au préalable leur
fondement et leur raison.
3.1. Choix du terrain
Cette étude s'est effectuée dans la ville de
Poitiers. Ce choix est en grande partie lié au statut de la ville comme
étant étudiante mais aussi une des destinations
privilégiées des étudiants étrangers. En effet,
l'aire urbaine de Poitiers est la première ville étudiante de
France pour sa densité d'étudiants, devant Montpellier, Rennes,
Nancy, Grenoble et Besançon avec une population constituée de 20
% d'étudiants11(*).Avec plus de 10% d'étudiants étrangers,
l'Université de Poitiers se situe légèrement
au-delà de moyenne nationale. Sur ce, nous estimons qu'il est plus
pertinent mener la recherche dans cette ville.
Aussi, faudrait-il ajouter à cela que, étant
étudiant dans la ville depuis deux ans, j'ai eu à côtoyer
beaucoup d'étudiants qui exercent une activité salariale. Cette
proximité que j'ai avec eux, surtout ceux venant du
Sénégal et du Mali, me pousse à penser qu'il sera plus
facile de les aborder pour espérer obtenir des entretiens. En
réalité, aller dans une autre ville m'obligera à trouver
un logement mais aussi à prendre le temps nécessaire pour trouver
nos enquêtés et d'établir les relations de confiance qu'il
faut pour espérer avoir des entretiens de qualités. Ce qui sera
non seulement couteux mais aussi, nous prendra beaucoup de temps. Ainsi le
choix de rester dans la ville de Poitiers reste stratégique compte tenu
des moyens et du temps que nous disposons.
3.2. La population d'étude.
3.2.1. Critère de sélection.
En conformité avec l'objectif de la recherche, qui est
d'explorer les logiques qui sous tendent la dualité
étude-travail, nous avons ciblé, en général, les
étudiants originaires de l'Afrique de l'Ouest, et en particulier, ceux
qui sont issus du Mali et du Sénégal. Toutefois,
« Il est très rare qu'on puisse
étudier exhaustivement une population, c'est-à-dire en interroger
tous les membres. Ce serait si long et si coûteux que c'est pratiquement
impossible. D'ailleurs c'est inutile : interroger un nombre restreint de
personnes, à condition qu'elles aient été correctement
choisies, peut apporter autant d'informations, à une certaine erreur
près, erreur calculable et qu'on peut rendre suffisamment faible. Le
problème est de choisir un groupe d'individus, un échantillon,
tel que les observations qu'on fera sur lui, pourront être
généralisées à l'ensemble de la population ; il
faut donc que l'échantillon présente les mêmes
caractéristiques que la population, qu'il soit représentatif.
» (Ghiglione et Matalon, 1982)
Dans cette optique, il nous faut un nombre limité
d'individus dont on va observer et mesurer un caractère dans le but de
tirer des conclusions applicables à la population entière
à l'intérieur de laquelle le choix a été fait.
Toutefois, nous précisons avant tout que, par travail, nous entendons
ici toute activité rémunérée déclarée
ou non, menée pendant les études à temps plein ou à
temps partiel par l'étudiant exceptés ceux ayant un lien avec
les études faites par l'étudiant (stage, charger de cours,
moniteurs etc.) ne car contribuant à nos yeux à la formation de
l'étudiant et de son carrière et donc présentent moins de
risques pour ses études. Dans la recherche, nous exprimons le travail
à travers plusieurs expressions : activité
rémunérée, travail rémunérée, petit
boulot, job étudiant etc. En réalité, l'observation montre
qu'une grande part de cette population d'étudiants
sénégalais et Maliens comme pour la plupart des étudiants
Africains qui exercent une activité rémunérée
s'investissent dans des petits boulots comme restauration, plonge, caissier,
garde d'enfant etc.
Il existe comme souligné dans les paragraphes
précédents, une diversité dans la catégorie
d'étudiant étranger : «étrangers
résidents» et «étrangers en situation de
mobilité». C'est dans ce sens que nous avons choisi de
délimiter notre choix et de porter notre étude uniquement sur les
étudiants en situation de mobilité. En effet, les
étudiants étrangers qui correspondent effectivement à la
mobilité sont de «nationalité étrangère»,
de parents de nationalité étrangère et résidant
à l'étranger, nés et ayant effectué leur
scolarité à l'étranger, titulaires d'un titre
étranger d'accès à l'université (Aubert, Tripier,
Vourc'h, 1996). Si nous avons choisi cette catégorie, c'est dans le but
d'être en parfaite accord avec les hypothèses que nous avons
posées. En d'autres termes, si nous voulons prendre en compte la notion
de projet migratoire dans cette étude, il semble plus pertinent de
porter cette recherche sur les étudiants qui sont en situation de
mobilité. Toutefois, cette catégorie d'étudiant est loin
d'être homogène Alain Clayes cité ci haut, cette
catégorie peut aussi être scindée en trois groupes. Il
s'agit :
-des étudiants boursiers (bourse française,
bourse du pays d'origine),
-les étudiants dans un système
d'échanges
- les étudiants qui prennent des initiatives
individuelles.
C'est à partir de là que nous avons choisi de
n'interroger que les étudiants qui viennent en France par leur propre
initiative. Selon Alain Clayes, leur démarche de venir étudier en
France résulte d'une initiative personnelle et ils ne
bénéficient d'aucune aide spécifique. On les appelle les
étudiants « individuels » ou « privés. Ces
derniers ont pour particularité du moins pour l'écrasante
majorité, de ne pas vivre avec leurs parents dans le pays d'accueil.
Ainsi, pour constituer notre population d'enquête, nous
avons tenu compte entre autres de la nationalité, de l'exercice d'une
activité rémunéré pendant les études ou
d'avoir eu l'expérience, de la durée dans le pays d'accueil. Ce
choix inclut des hommes, des femmes et des jeunes d'âges variés.
3.2.2. Présentation des personnes
enquêtées.
L'objectif de cette partie est de faire une description fine
des caractéristiques des répondants qui composent notre
enquête. Cette partie nous semble pertinente dans la mesure où
elles nous permettront d'avoir une idée sur les propriétés
sociales de nos répondants. En réalité, il est clair que
la situation sociale de nos répondants n'est guerre identique. Dans les
deux cas, nos répondants présentent
l'hétérogénéité des mondes migratoires
puisqu'elles rassemblent en leur sein des individus qui ne sont pas venus en
France pendant la même période et qui sont aussi issus de classes
sociales différentes.
Rappelons que nous avons interrogé 11 personnes dont 6
Sénégalais et 5 Maliens. De ce nombre, on y compte 8 hommes et 3
femmes. Un seul parmi nos répondants est marié, sa femme se
trouvant au Mali. Tout le reste est composé de célibataires.
Quand à leur tranche d'âge, elle est située entre entre 24
et 30 ans. Concernant leur domaine d'étude, seuls deux parmi eux font
des études en sciences (informatique, génie système
industriel). Les autres sont inscrits en droit, géographie, anglais et
philosophie. Pour ce qui est de leur durée de résidence en
France, elle est tout aussi variée. A ce titre, deux des
répondants vivent à France depuis 5 ans, trois autres en sont
pour leur troisième année, trois autres sont en France depuis
2013 et trois parmi eux sont venus pour l'année 2015.
Durée de Résidence en France
|
5ans
|
3ans
|
2ans
|
1an
|
Total
|
Sexe
|
H
|
F
|
H
|
F
|
H
|
F
|
H
|
F
|
Sénégalais
|
1
|
1
|
0
|
1
|
2
|
0
|
0
|
1
|
6
|
Maliens
|
0
|
0
|
2
|
0
|
1
|
0
|
2
|
0
|
5
|
TOTAL
|
1
|
1
|
2
|
1
|
3
|
0
|
2
|
1
|
11
|
Toujours concernant nos répondants, nous soulignons
également qu'ils ont des parcours migratoires très
différents. Six parmi eux ont quitté leur pays d'origine pour
s'installer directement à Poitiers. Ensuite trois autres ont fait
d'autres villes comme Châtellerault, Lille et Reine avant de
s'établir à Poitiers. Parmi les personnes interrogées,
trois sont passés dans d'autres pays avant de s'installer à
Poitiers. Il s'agit de deux Maliens qui ont eu une bourse après le bac
pour poursuivre leurs études en Algérie et une fille
Sénégalaise. Cette dernière, après son master 2 au
Sénégal avait commencé à travailler dans une
entreprise au Sénégal. Ce n'est que par la suite, par l'influence
de ses soeurs qui sont aux états Unis et en Italie qu'elle est partie en
Italie en 2010 pour honorer un contrat de travail en tant que auxiliaire de
vie. Par la suite, elle est venue en France à Reine pour s'inscrire dans
un master. Chose qu'elle n'a pas pu faire. Elle est restée là bas
pendant toute l'année avant de venir à Poitiers pour s'inscrire
en master 2.
La plupart des activités exercées par ses
étudiants ne sont pas qualifiées. On pourrait même parler
d'une discrimination à l'embauche puisqu'il existe des boulots «
spécial étudiants étrangers, de préférence
africains». Depuis quelques années, il s'est
développé une « véritable spécialisation des
étudiants noirs d'Afrique dans certains métiers : gardiennage,
hôtellerie, mais aussi ménage, services à la personne.
(Amougou, 1997, p.97) Sur 11 répondants, la plonge est le travail le
plus effectué soit 09 personnes. Quant aux filles, l'une a fait de la
plonge, l'autre fut une femme de chambre et une dernière qui, parce
qu'elle sait faire des tresses a eu sa propre clientèle. Elle
reçoit ses clients dans sa chambre. Elle travaille aussi dans un salon
de coiffure qui se trouve au centre ville.
Pour clore cet exposé sur les caractéristiques
générales de nos répondants, seule une personne parmi nos
répondants nous donne des éléments qui laissent penser
qu'elle provient d'une famille aisée. D'une mère qui est une
ancienne dactylo secrétaire et d'un père qui est expert
comptable, commissaire au compte cette fille sénégalaise a fait
ses études primaires et secondaires dans des écoles
privées catholiques ou la scolarité est très chère.
Après son bac, son voyage a été entièrement
financé par son père. Elle raconte que depuis son arrivée
en France en 2010, c'est son père qui le prend en charge elle et sa
soeur qui est aussi en France. Tous ces éléments combinés
nous autorisent à dire qu'elle appartient à un milieu social
favorisé.
Quand aux autres répondants, ils proviennent tous de
zones urbaines. Toutefois, ils sont issus de famille de classe social moyenne.
Sept parmi eux soulignent que leurs parents sont à la retraite. Quant
aux autres, leurs parents ne travaillent pas. Leur famille est prise en charge
par leurs frères et soeurs qui sont parfois à l'étranger.
Aucun parmi eux n'est boursier.
3.3. Outils de collecte des données.
Dans la mesure où le choix de la méthode est
toujours assujetti à la nature du sujet à explorer et que notre
étude porte sur des questions d'opinion faisant appel à des
données discursives, nous estimons que la méthode qualitative est
la mieux appropriée à utiliser. Celle-ci consiste en un ensemble
de techniques qui donne un aperçu sur le comportement, les attitudes et
la perception des gens sur lesquels porte l'étude. Elle permet aussi
d'étudier leurs opinions sur un sujet particulier, de façon plus
approfondie que dans un sondage. Elle génère des idées et
des hypothèses pouvant contribuer à comprendre comment une
question est perçue par la population cible et permet de définir
ou cerner les options liées à cette question. La démarche
qualitative regorge de plusieurs méthodes. Dans notre étude,
l'entretien semi directif et les récits de vie sont mobilisées
pour la collecte des informations.
3.3.1. L'entretien semi directif
Conformément à la spécificité de
notre objectif de recherche, nous avons choisi de réaliser une recherche
de type qualitatif. A ce titre, nous avons utilisé l'entretien semi
directif en guise de technique de collecte de données. Le choix de cette
approche s'explique par le caractère exploratoire de notre recherche.
Ainsi, vu l'objectif spécifique de la présente recherche qui est
d'analyser les motivations, les expériences, les conduites et les
logiques individuelles des étudiants à l'exercice d'une
activité rémunéré, l'entretien semi directif nous a
paru comme l'outil le plus adapté pour recueillir des données de
nature subjective comme celles dont il est question ici. À ce propos,
Blanchet et Gotman nous renseignent que:
« l'enquête par entretien est
particulièrement pertinente lorsque l'on veut analyser le sens que les
acteurs donnent à leurs pratiques, aux événements dont ils
ont pu être les témoins actifs, lorsque l'on veut mettre en
évidence les systèmes de valeurs et les repères normatifs
à partir desquels ils s'orientent et se déterminent. »
(Blanchet et Gotman, 1992, p.27)
C'est «un système d'interrogation à la
fois souple et contrôlé» nous apprennent Guibert et Jumel.
Ces derniers la définissent comme la méthode qui «consiste
à faciliter l'expression de l'interviewé en l'orientant vers des
thèmes jugés prioritaires pour l'étude tout en lui
laissant une certaine autonomie. » (Guibert et Jumel, 1997,
p.102) Toujours dans le but de montrer le bien-fondé de l'entretien semi
directif, Quivy et Campenhoudt soulignent que cette méthodologie de
recherche qualitative convient particulièrement lorsqu'il est question
d'analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux
événements auxquels ils sont confrontés; leurs
systèmes de valeurs, leurs repères normatifs, leurs
interprétations des situations conflictuelles ou non, leurs lectures de
leurs propres expériences, etc. (Quivy et Campenhoudt, 1995)
Dés lors, l'entretien semi directif nous permettra de recueillir des
informations concernant le sens que ces étudiants accordent au travail
rémunéré. Comme le souligne Blanchet et Gotman (1992, p.
24) l'enquête par entretien peut aussi s'inscrire dans la sociologie
compréhensive de Weber dont l'objectif spécifique comme nous nous
l'avons souligné dans les paragraphes précédentes est
l'activité, définie comme un comportement compréhensible
par le sens que lui attachent les acteurs, sens à la fois subjectif et
intersubjectif. »
Pour la réalisation des entretiens, nous avons
utilisé un guide d'entretien sur lequel nous nous appuierons pour mener
à bien notre enquête. Dans ce guide d'entretien, nous avons
proposé des thèmes à chaque répondant sous forme de
questions ouvertes ou à développement. Afin de mieux travailler
les concepts qui sont au coeur de notre réflexion, notre guide
d'entretien compte les dimensions suivantes :
Ø Emergence du projet. En effet, la question de la
préparation vers la France nécessite des préalables. Ici,
nous nous sommes intéressé à l'image et les
représentations que les enquêtés avait de la France, au
contexte social et économique de l'étudiant dans le pays de
départ, de ses motivations pour partir en France mais aussi de ses
attentes une fois dans le pays. Qui a eu cette idée (projet
élaboré de longue date, hasard d'une rencontre) : le jeune,
la famille etc. Pourquoi vouloir parti ? pourquoi la France ?
Ø Mise en oeuvre du Projet : Dans cette partie, nous
avons pensé à relever des informations très
précises sur l'ensemble des démarches que l'étudiant a du
accomplir pour partir (démarches administratives auprès de
l'ambassade, financement etc.) comment le voyage s'est réalisé ?,
les acteurs impliqués dans la réalisation du projet (qui a fait
quoi ?) le rôle joué par la famille et l'entourage etc. Nous nous
sommes également intéressés aux conditions de vie de
l'étudiant dans le pays d'accueil, du financement de ses études,
de sa perception actuelle de la France etc.
Ø Rapport au travail : la question du travail de
l'étudiant pendant les études a été directement
abordée ici. Pourquoi travail t-il ? Comment perçoivent-ils ce
travail ? Ces différentes questions nous ont permis de recueillir les
opinions et points de vu des enquêtés par rapport à
l'exercice d'une activité rémunérée.
Ø Liens avec le pays de départ : Cette
dernière partie consiste à recueillir des données sur les
types de relation que les étudiants entretiennent avec leurs origines
sociales. Bénéficient-ils d'un soutien familial ? s'adonnent-ils
à des transferts d'argent ? pourquoi ? Envisagent ils un retour au pays
de départ ?si oui pourquoi ? si non pourquoi ? ces questions
subsidiaires nous permettront de compléter nos informations.
3.3.2. Récit de vie
A coté de l'entretien, nous nous sommes aussi fait des
récits de vie. Cette méthode constitue une méthode
qualitative congruente pour appréhender le sens des
phénomènes humains à travers leurs temporalités,
tels la construction identitaire individuelle, les trajectoires sociales, les
changements culturels, etc. C'est un type d'entretien particulier puisqu'il est
demandé à quelqu'un de se remémorer sa vie et de raconter
son expérience propre. L'intérêt de cette méthode
dans notre travail est qu'il nous nous a permis de saisir les logiques d'action
selon le sens même que nos enquêtés confèrent
à leurs trajectoires migratoires. Loin de singulariser les cas, le
récit de vit permet de situer le réseau dans lequel les
enquêtés se positionnent et d'inscrire les
phénomènes sociaux dans un enchaînement de causes et
d'effets. Nous nous situons dés lors dans une approche
compréhensive du vécu (Kaufmann, 1996, p.23) qui conçoit
les enquêtés comme des « producteurs actifs du social, des
dépositaires d'un savoir important qu'il s'agit de saisir de
l'intérieur, par le biais du système de valeurs des individus
». Le vécu est donc envisagé comme source d'un savoir
phénoménologique (Bertaux, 2003).
Nous avons utilisé cette méthode dans le but de
saisir la trajectoire de chaque personne interrogée. Au cours de cet
exercice, trois points fondamentaux ont été pris en compte:
l'avant départ, l'arrivée en France et la vie présente en
France. Ce qui nous permettrait de compléter les informations obtenues
avec les entretiens en ayant des idées larges sur les motifs de
départ, les moyens de financement du voyage bref sur ce qui a
engendré la décision de partir à l'étranger. Cette
méthode a permis aussi de savoir s'il existe un lien entre les motifs de
départ et le recours au travail dans le pays d'accueil mais aussi
d'analyser le type de lien social que les personnes interrogées
entretiennent avec leur nouvel environnement d'accueil, les différents
passages qui ont marqué leur séjour dans le pays et qui pourrait
influer sur la décision de travailler.
3.4. L'analyse thématique comme méthode
d'analyse.
Une fois les données de terrain recueillies, le
chercheur doit maintenant les traiter. En effet, les entretiens retranscrits
contiennent un ensemble d'informations qu'il nous faudra repérer,
classifier, analyser et interpréter pour en extraire la ou les
signification(s). En d'autres termes, les discours qui sont produits par nos
enquêtés englobent un ensemble d'informations, des données
brutes dont il faudra découvrir le sens, en un mot qu'il faut
'décortiquer.
Selon Mucchielli et Paillé « toute analyse
qualitative passe par une certaine forme de thématisation »
(Mucchielli, 2008, p.161). Ainsi, dans notre étude, l'analyse
thématique est retenue comme la méthode la plus
appropriée. Celle-ci s'insère dans la panoplie des
méthodes et techniques d'analyse de contenu.
L'analyse thématique consiste à «
transposer d'un corpus donné en un certain nombre de thèmes
représentatifs du contenu analysé, et ce, en rapport avec
l'orientation de la recherche (la problématique)» (Mucchielli,
2008, p.162). Elle a comme but de dégager les éléments
sémantiques fondamentaux en les regroupant à l'intérieur
des catégories. Les thèmes sont des unités
sémantiques de base, c'est-à-dire qu'ils sont indifférents
aux jugements ou aux composants affectifs. Contrairement à l'analyse
textuelle qui étudierait individuellement chaque entretien, il s'agit
ici, avec l'analyse thématique de repérer et regrouper les
thèmes du corpus, en traversant tous les entretiens transcrits12(*)comme nous l'explique Bardin :
« La manipulation thématique consiste ainsi à jeter
l'ensemble des éléments signifiants dans une sorte de sac
à thèmes qui détruit définitivement l'architecture
cognitive et affective des personnes singulières. » (Bardin in
Blanchet, 2010, p.96) L'analyse thématique peut être
considérée ainsi comme un outil d'analyse des unités de
base qui ensuite peuvent être classifiées en opinions, attitudes
et stéréotypes. Ainsi, il s'agit ici, de repérer les
unités sémantiques qui constituent l'univers discursif des
entretiens.
Nous avons mis en évidence au sein de la partie
concernant les résultats de la recherche les thèmes
évoqués qui composent notre guide d'entretien oui qui ont
été évoqué par nos répondants lors des
entretiens. Ainsi, nous allons réaliser une analyse de ces
thèmes, en fonction des variables recherchées dans notre
étude et en nous appuyant sur les éléments
théoriques présentés dans les chapitres
précédents.
3.5. Négocier notre terrain
Après l'élaboration de la partie
théorique, le passage au terrain pour recueillir des données
d'enquête est une obligation pour les chercheurs. Cependant, trouver des
personnes à enquêter n'est pas aussi évident qu'on le
pense. Pour la plupart du temps, établir des relations de confiance est
presque une obligation pour mener à bien son terrain. Cette partie
s'intéresse à la manière dont j'ai négocié
mon terrain, c'est-à-dire la série de démarches (prises de
contacts, entretiens, échanges oraux ou écrits...) que j'ai eu
à faire pour récolter des données empiriques que
j'analyserais plus tard.
Etant moi même étudiant étranger venu du
Sénégal, je peux sans risque dire que je mène une
étude auprès d'un groupe à lequel j'appartiens.
Résidant dans une cité universitaire, je suis en contact en
permanence avec les étudiants de diverses nationalités en
particulier ceux venant de l'Afrique subsaharienne comme les
Sénégalais et les Maliens. En réalité j'entretiens
avec eux de bonnes relations. Mon plan était de me servir de mon
engagement associatif pour espérer élargir mes chances de trouver
des enquêtés avec qui nous pourrons effectuer des entretiens qui
nous permettront de pouvoir répondre à nos hypothèses.
C'est d'ailleurs pourquoi je pensais qu'il serait plus facile pour moi de
trouver des personnes à enquêter. Toutefois, les
réalités du terrain m'ont montré le contraire. En effet,
j'ai contacté plusieurs étudiants qu'ils soient
Sénégalais ou Maliens qui ont montré leur réticence
par rapport à mon sujet ou qui on même refuser
catégoriquement à m'accorder un entretien.
Dans cette situation, il m'a fallu user de mon propre
réseau d'interconnaissance et de ma proximité avec eux en leur
faisant savoir que ce mémoire compte beaucoup pour moi et qu'il n'y a
aucun danger puisque les entretiens seront à l'anonymat. Il m'a fallut
instaurer d'avantage cette relation de confiance pour avoir des
répondant sénégalais.
Concernant les étudiants maliens, l'idée
à été de se rapprocher de l'Association des Etudiants et
Stagiaires Maliens de Poitiers pour être en contact avec eux. Ma porte
d'entrée a été un étudiant Malien qui fait parti de
cette association et avec qui je loge dans la même résidence. J'ai
pris le soin de bien l'expliquer mon sujet et de mon souhait d'interroger des
étudiants Maliens. Après avoir fait un entretien avec lui, il m'a
donné le numéro de téléphone d'autres
étudiants Maliens que j'ai contacté par la suite. La
méthode boule de neige étant donc ma stratégie pour
constituer nos répondants. En précisant que je n'ai pas pu
interroger des Maliennes. Ceci étant du aux réalités du
terrain. En effet, je tenais toujours à demander aux étudiants
Maliens que j'interroge s'ils pouvaient me mettre en contact avec une
étudiante malienne qui effectue à la fois les études et le
travail. À ce propos, la réponse a été la
même « cet année, il n'y a pas d'étudiante
Malienne à Poitiers. » La seule fille qui peut être
considérer comme Malienne est née en France et a fait toutes ses
études en France. Elle n'est Malienne que de par ses parents. Ceci
étant, j'ai jugé de ne pas l'interrogé car elle ne
répondait pas à mon choix qui porte sur les étudiants en
situation de mobilité.
Au total, j'ai interrogé dans cette recherche 11
personnes dont six (6) Sénégalais et cinq (5) Maliens, parmi
lesquels, on compte trois (3) femmes et huit (8) hommes tous âgés
entre 24 et 30 ans.
Enquêtés
|
Hommes
|
Femmes
|
Total
|
Etudiants Sénégalais
|
03
|
03
|
06
|
Etudiants Maliens
|
05
|
00
|
05
|
Total
|
08
|
03
|
11
|
En effet, le nombre de personnes interrogées
s'explique par les réalités du terrain. En un moment
donné, nous avons senti une redondance des réponses qui nous sont
données par nos enquêtés. En fait, on s'est vite
aperçu que la productivité de nos entretiens
décroît. À chaque nouvel entretien, on obtient de moins en
moins d'informations nouvelles. Voilà pourquoi nous avons pensé
avoir atteint notre seuil de saturation pour reprendre les termes de Jean
Pierre Olivier de Sardan13(*).
Toujours dans la même logique de compléter les
informations reçues lors des entretiens, je n'hésitais surtout
pas à favoriser des discussions sur ce sujet lors des rencontres que
j'avais avec des camarades étudiants. Puisque je suis en contact en
permanence avec ces étudiants, je profitais toujours des moments de
rencontres dans les cuisines des résidences universitaires avec les
étudiants Sénégalais ou avec les étudiants Maliens.
Pendant ces moments de complicités ou tous les sujets sont
abordés dans les discussions, la question du travail et des relations
avec les familles au bled sont souvent évoqué. C'était
toujours l'occasion de favoriser ce sujet et de pousser ainsi les
étudiants à s'exprimer. A la fin, j'écrivais toujours les
informations qui me semblent capitales dans mon carnet de note. En somme,
voilà comment j'ai fait pour réaliser cette enquête.
Pour chacun de ces entretiens, j'ai utilisé le
même guide d'entretien qui comportait 4 grandes parties :
-L'avant départ : le parcours scolaire, la prise
de décision pour partir à l'étranger, les motivations, le
financement du voyage et les acteurs impliqué dans la réalisation
du projet.
-La vie en France : l'accueil en France, les conditions
de vie, le financement des études.
-Le rapport au travail : comment trouver du travail, les
acteurs impliqués, les raisons du travail, l'alliance étude-
travail.
- Liens avec le pays d'origine : transfert d'argent,
relation actuelle avec la famille ou le groupe social d'origine, projet de
retour.
Avant chaque entretien, il a été
nécessaire de rappeler l'objectif de mon travail et ensuite
préciser que ça sera à l'anonymat afin d'obtenir
d'avantage la confiance de mon enquêté. Les entretiens
effectués tournent autours d'une durée de 25 à 50 minutes.
Cependant, lors des premiers entretiens, je me suis rendu compte ce
n'était pas trop productif. Certaines questions n'avaient comme
réponse que des oui ou des non. Je sentais que les enquêtés
n'étaient pas forcément à l'aise. Toutefois, je me rendais
compte qu'ils étaient plus libres à me parler à la fin de
l'entretien c'est-à-dire dés que j'arrête l'enregistrement.
C'est ainsi que j'ai commençais à continuer de poser des
questions même à la fin des de l'enregistrement et je prenais des
notes. Par là j'ai eu à avoir souvent des informations qui ne me
sont pas données pendant l'enregistrement.
Afin de compléter les informations reçues lors
des entretiens, j'ai aussi effectué deux récits de vie avec une
fille Sénégalais qui est en France depuis 3 Septembre 2009 juste
après son baccalauréat. Puis un autre récit de vie avec un
étudiant Malien en thèse qui est quant à lui en France
depuis le 14 Octobre 2010. Ces deux récits de vie effectuée ont
insisté d'avantage sur les conditions de vie de ces derniers avant leur
arrivée en France, sur la situation socio économique de la
famille ou du groupe social, des motivations de départ, des
démarches effectués ainsi que le financement du voyage, l'accueil
en France, la vie en France, sur leur parcours scolaire et les moyens de
financement des études. J'ai aussi insisté pour savoir comment
ils ont fait pour trouver du travail et pourquoi et aussi sur leur vie
présente, de leur rapport avec les pays d'origine ainsi que les projets
d'avenir.
3.6. Approche réflexive de notre terrain
Comme dans toute recherche, il est toujours nécessaire
de faire une approche contextuelle des conditions de production des discours
recueillis dans cette enquête. En effet, la situation de recueil des
données, peut d'une manière ou d'une autre influer sur les
réponses que nous obtentions de nos répondants. L'idée
étant donc de montrer comment notre implication dans cette recherche
peut influer sur notre détermination en tant que chercheur. De ce point
de vue, nous devons à tout pris prendre conscience cette dimension
humaine, prendre compte finalement de la légitimité de notre
observation.
Tout d'abord, il est important de préciser que, comme
toute étude en sciences sociales, la démarche d'enquête
utilisée connait aussi ses limites. En effet, faudrait il souligner que
la méthode qualitative ne génère pas de données
statistiques et les résultats ne peuvent être extrapolés
à l'ensemble de la population. Ainsi, avec le nombre de personnes
interrogées et qui n'excède pas 11 répondants et la
spécificité de cette recherche qui est à caractère
exploratoire, je ne peux pas m'autoriser à une
généralisation exponentielle des résultats à
l'ensemble de la population étudiante dans la ville de Poitiers. C'est
pour cette raison que les données qualitatives sont relativement peu
concluantes au plan statistique et qu'elles ne devraient être
utilisées à titre de pourcentages ou de chiffres que dans une
approche de quantification des informations qualitatives. Il s'agit donc ici
d'une recherche empirique qualitative à caractère exploratoire
qui devrait plutôt alimenter la compréhension de cette
dualité études-travail.
Un deuxième obstacle d'ordre
épistémologique peut aussi être évoqué. Il
est lié à la position que j'ai par rapport à mon objet
d'étude. En plus de mon statut de chercheur, rappelons que socialement,
je suis enraciné dans cette recherche car étant étudiant
étranger venant du Sénégal et ayant déjà
effectué une activité rémunérée. En d'autres
termes je suis sujet et objet de ma recherche ou encore observateur et
observé. Cependant, cette position ne devra en aucun cas être
prise comme un atout pour la validité des données recueillies. En
effet si la distance sociale du chercheur par rapport à son objet
d'étude peut être un obstacle pour sa recherche, il en est de
même pour sa proximité ou son implication dans la recherche. C'est
dans cette perspective d'ailleurs que Mara Viveros, une anthropologue
colombienne souligne que :
« Un des risques auquel on est exposé quand on
fait de l'anthropologie chez soi, c'est de rester aveugle à sa propre
culture. Comment s'étonner de ce que nous vivons quotidiennement dans la
société dans laquelle nous sommes nés? Comment avoir le
regard étonné de l'étranger quand on étudie le
comportement d'une population qui participe de sa propre culture ? Le chercheur
a un double statut, d'acteur et d'observateur de la société.
Comment passer de l'un à l'autre sans mélanger les genres ?
» (Viveros, 1990)
De toutes les manières, les conditions concrètes
d'exercice de l'enquête commandent en grande partie l'attitude du
sociologue, tout autant que l'objet qu'il étudie. Aucune science, et
surtout pas la sociologie, n'est produite dans un milieu préservé
des influences du monde extérieur. (Javeau, 1986) Dés lors
l'importance réside dans la réflexivité en analysant
à la fois les refus et les acceptations d'enquête.
Analyser les refus et les acceptations d'entretien.
Tout au début de la recherche, j'avais pensé
qu'avec la proximité avec mess enquêtés, je ne serais pas
confronté à des problèmes de refus. Mais à travers
les premières démarches, ces présupposés de
départ se sont très vite infirmés. D'abord au moment de
fixer les rendez-vous avec les informateurs, quelques unes des personnes
contactées m'ont systématiquement refusé des entretiens en
me faisant savoir qu'ils ne sont pas à l'aise en parlant de ce sujet.
Encore plus, ils me mettaient même en garde en me demandant de faire
attention à ce que je dirai.
En effet, ces cas de refus pourraient s'expliquer par le
caractère de du sujet qui est un peu sensible. Le travail des
étudiants étrangers pendant les années d'études
reste d'actualité. Aujourd'hui les étrangers sont parfois
traités avec un soupçon de fraude. L'idée est que certains
viendraient en France avec le statut « étudiant » ou «
malade » avec pour seul but de s'installer définitivement en France
et de profiter du système.14(*) Notamment avec la circulaire de Guéant qui a
suscité un tollé dans le monde des étudiants
étrangers. Malgré son abrogation le 31 mai 2012, beaucoup se
souviennent encore de cette épisode et reste très vigilant.
Voilà pourquoi, en refusant d'accorder un entretien, certains
étudiants m'ont fait savoir qu'ils ne sont pas à l'aise de parler
de leur vie parce qu'ils ne savent pas entre les mains de qui, ce
mémoire peut tomber. D'autres soutiennent que l'information qu'ils
donneront pourrait peut être servir contre eux.
De même, devant chaque année justifier au niveau
de la préfecture qu'ils réussissent à leurs examens et
qu'ils sont assidus aux cours magistraux, beaucoup d'étudiants
n'aimeraient surtout pas parler de leurs activités
rémunérées car dépassant largement le nombre
d'heures autorisées pour un travail. D'autres par contre sont
plutôt réticents car ayant peur de la préfecture qui pose
souvent des problèmes aux étudiants lors du renouvellement des
titres de séjours. Persuadés que certains sont venus pour
s'installer, le passage à la préfecture est une véritable
épreuve pour les étudiants étrangers et surtout ceux
venant des pays sous développés.
Toutefois, ces cas de refus ne devraient en aucun cas
être considérés comme des biais à la recherche car
ils font parti de la recherche en sociologie. Ces refus de terrain devraient
être considérés comme normaux et nous renseignent sur les
enjeux qui tournent autours de cette problématique de recherche.
Quand aux personnes qui ont accepté de me parler,
faudrait-il de même être vigilant aux réponses
données. Il faut toujours tenir compte du fait qu'on a affaire à
des êtres humains, doués de raison, capable d'innovations et de
motivations. Ils acceptent de parler parce qu'ils ont des dispositions et des
intérêts à parler. Etant Sénégalais qui
effectue une étude auprès d'autres sénégalais et
faisant parti de l'Association des Sénégalais, cette
proximité sociale que j'entretiens avec la population
d'étude peut pousser mes enquêtés à vouloir
être à la hauteur de ce que j'attends d'eux. D'où une
tentative parfois d'en diminuer ou d'en rajouter aux informations au risque de
fausser la réalité sous prétexte de me satisfaire ou de
bien me faire comprendre D'ailleurs, certains des enquêtés
n'hésitent pas à demander après l'entretien si je suis
satisfait des réponses qu'ils m'ont données. D'autres encore me
proposer un autre rendez-vous si jamais je ne suis pas satisfait des
réponses. Ce qui semble intéressant à souligner dans la
mesure où ceci peut être un biais pour mon travail Cette tentative
de vouloir rendre service ou encore d'être à la hauteur des
attentes peut soulever la question sur la fiabilité de leurs propos.
D'où la nécessité d'établir des stratégies
de distanciation par rapport aux interlocuteurs. Ce que Gérard Althabe
a nommé « l'opération fondatrice ».
« L'absence de vigilance à l'égard de la perspective
engendrée par l'opération fondatrice a des effets
singulièrement négatifs dans la pratique d'enquête, cela
d'autant plus que chercheur et sujets vivent dans un même monde social,
partagent normes et codes, un langage surtout. Dans sa rencontre avec les
sujets, l'ethnologue court le risque de perdre son autonomie, de se voir
imposer par ses interlocuteurs des réponses que seule la démarche
d'investigation peut fournir. [...] Il lui faut donc reconquérir en
permanence son autonomie ; celle-ci passe par la distance qu'il
réintroduit dans chaque rencontre, les représentations que les
sujets lui donnent de leur monde social ou de celui des autres étant
replacées dans la problématique de l'édification du mode
de communication et interprétées dans ce cadre »
(Althabe, 1990) Dés lors, il s'agira alors, parce qu'étant
très proche de mon terrain, d'adopter en permanence des
stratégies d'autonomie. Quelle que soit la proximité que
j'entretiens avec mes enquêtés, il faudra mettre en oeuvre des
stratégies marquant une dés-implication dans les jeux sociaux.
Deuxième Partie :
Analyse des données
Chapitre 4: Les motivations et les raisons de
partir
Dans cette partie, il sera question de traiter les raisons qui
poussent les étudiants Sénégalais et Maliens à la
mobilité. En effet, la question des motivations des étudiants
pour partir à l'étranger constituent une thématique
très présente dans les études faites sur les
étudiants étrangers. En réalité,
s'intéresser aux motivations permettrait dans une large mesure d'avoir
une idée beaucoup plus claire sur la préparation du voyage, les
stratégies mises en place par ces étudiants, les attentes et
projets de ces derniers. Pourquoi la France et pas un autre pays pour effectuer
ses études ? Qu'est ce qu'on privilégie en choisissant la France
comme pays d'études ?etc.
Ce qu'il faut surtout savoir c'est que chaque composante de la
population étrangère des universités peut avoir ses
propres raisons pour s'inscrire dans une université à
l'étranger. Compte tenu des nombreuses théories15(*)faites à ce propos, il
est facile de repérer un ensemble de variables qui sont
évoquées et pouvant être qualifiées de facteurs
d'attraction comme la qualité de l'enseignement dispensé dans les
pays occidentaux comme la France, au prestige associé au diplôme
français sur la scène internationale mais aussi aux
opportunités de trouver du travail offerte par la France.
Toujours parmi les facteurs qui favorisent la mobilité
étudiante, il existe aussi des facteurs qualifiés de
répulsifs ou de facteurs « centrifuges » telle que
la situation économique des pays d'origine, la défaillance de
l'enseignement supérieur des pays d'origine, au chômage des
jeunes, mais aussi des problèmes socio-familiaux des étudiants.
4.1. Les raisons
pédagogiques.
Aujourd'hui, le système universitaire de nombreux pays
de l'Afrique est touché par des crises sans précédant. La
vulnérabilité des milieux universitaires et scolaires est
d'autant plus grande face à la tentation de migrer que les perspectives
d'emploi, voire même de réussite scolaire tout simplement, sont
devenus sombres. Les universités des pays d'origine souffrent de
carences, de défaillances qui obligent parfois les étudiants
à la mobilité. En réalité, nos répondants
ont désigné dans l'unanimité, le blocage que les
universités de leurs pays ont connu dans ces dernières
années suite aux nombreuses perturbations, à la qualité de
l'enseignement qui se dégrade de plus en plus, comme un des motifs les
poussant au départ vers l'étranger. A ce propos, la situation de
l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar peut servir d'exemple pour
illustrer ce malaise qui traverse l'enseignement supérieur de ces pays.
Alors considérée comme la plus ancienne structure d'enseignement
supérieure francophone de la sous-région Ouest africaine avec ses
25 établissements de formation et de recherche, celle-ci a connu une
véritable explosion de ces effectifs qui passent de 24 776 en 2001
à 75 188 en 2012.16(*)Ces transformations sur le plan démographiques
ont même poussées le gouvernement à créer d'autres
universités comme celle de Bambéy dans la région de
Diourbel, mais aussi l'université de Ziguinchor dans le but de permettre
à l'UCAD de réduire ces effectifs. A cela ajoutons, les nombreux
amphithéâtres qui sont construits à l'UCAD. Toutefois,
force est de constater que ces efforts n'ont pas eu les résultats
escomptés. La population étudiante ne cesse d'augmenter. Chaque
année, on note des conflits entre le syndicat des enseignants et le
gouvernement. L'augmentation des salaires et des indemnités de logement
constituent les principales revendications des enseignants qui se lancent dans
des grèves qui ne terminent jamais.
Les étudiants de leur coté, revendiquent eux
aussi l'amélioration des conditions d'étude et réclament
leur bourse que l'Etat n'arrive plus à payer, paralysant ainsi le
système universitaire. Il suffit que ces étudiants s'agitent pour
qu'il ait une intervention des forces de l'ordre. Chaque année,
plusieurs affronts entre les étudiants et les forces de l'ordre donnant
ainsi lieu à des coups de gaz lacrymogène, de matraques. Chaque
revendication universitaire fait l'objet de bastonnade, d'interpellation
entraînant des blessés et parfois même des morts.17(*)
Le taux de chômage des jeunes sortant de ces
universités ne cesse de s'accroitre. Au Sénégal, celui-ci
est a atteint 49 % avec plus de 100000 nouveaux diplômés qui
arrivent chaque année sur le marché du travail. Le gel des
recrutements dans la Fonction publique et la prorogation de l'âge de la
retraite ont un impact négatif sur l'entrée des jeunes dans la
vie active en particulier chez les diplômés du système
éducatif dont la formation est jugée inadaptée aux besoins
exprimés par les chefs d'entreprise.18(*)
Compte tenu des situations exprimées ci haut,
entreprendre un voyage vers l'étranger s'impose aux yeux de beaucoup
d'étudiants. La réussite est au bout du voyage semble t-il.
Ainsi, sans hésitation, beaucoup d'étudiants se sont lancé
dans des procédures pour un voyage vers l'étranger. A ce
propos, la France reste la destination privilégiée pour de
nombreux étudiants étrangers.
Tableaux représentant les 5 premiers pays
d'accueil des étudiants sénégalais en
2011.
Pays
|
Effectifs
|
Pourcentage (%)
|
France
|
9 142
|
77,1
|
CANADA
|
615
|
5,2
|
ETATS UNIS
|
589
|
5,0
|
MAROC
|
504
|
4,3
|
ARABIE SAOUDITE
|
188
|
1,6
|
SOURCE : Unesco (extractions novembre 2013)
Ce tableau ci-dessus place la France en tête des
destinations privilégiées des étudiants
Sénégalais désirant poursuivre leurs études
à l'étranger. En effet ce nombre colossal des étudiants
Sénégalais en France aurait pu être largement
dépassé, avec l'effectif sans cesse grandissant des bacheliers et
autres diplômés supérieurs désireux de poursuivre
leurs études dans l'Hexagone et à qui le visa est refusé.
Cette forte attraction de la France s'explique sans doute par
l'enseignement de qualité dont font office les universités
françaises sur la scène internationale. A travers le
réseau campus France qui veille à la promotion de l'enseignement
supérieur français, il y est indiqué que «
l'excellence de l'enseignement supérieur français est largement
reconnue à travers le monde. »19(*) En effet, ce pays bénéficie d'un
prestige universitaire qui ne souffre d'aucune contestation. Selon
l'enquête TNS Sofres pour Campus-France, 51% des étudiants
africains de leur échantillon ont mis la volonté de
bénéficier de meilleures conditions d'enseignement comme l'une
des deux raisons principales ayant conduit à leur mobilité.
A travers les entretiens effectués aussi, la
qualité de la formation française revient très souvent et
il ne fait aucun doute que cette bonne réputation de l'enseignement
supérieur français constitue une des raisons principales de la
mobilité des étudiants Sénégalais et Maliens.
D'ailleurs ils le disent assez clairement :
«Moi je voyais la France comme un pays qui pourra
m'apporter beaucoup d'opportunités surtout au niveau des études.
Puisque je faisais des études dans le domaine de la technique, je me
disais qu'en France, il y a du matériel technique dont j'aurais besoin
au cours de ma formation. » (Extrait d'entretien avec S.B,
étudiant malien, étudiant Malien)
L'idée étant réellement de venir en
France pour bénéficier du système scolaire qui est, selon
eux, réputé prestigieux et plus valorisé. Il faudrait
cependant mettre en corrélation la qualité de l'enseignement aux
défaillances des systèmes mais aussi aux difficultés
d'insertion dans le monde du travail. En effet, pour de nombreux
étudiants, il est beaucoup plus facile de s'insérer dans le monde
du travail avec un diplôme étranger, français en
particulier qu'avec un diplôme des pays d'origine. En
réalité, dans ces pays comme dans nombreux autres pays
anciennement colonisés par la France, même si la cela change petit
à petit, force est de reconnaitre qu'il existe ce qu'on peut qualifier
d'une survalorisation du diplôme français au détriment des
diplômes nationaux. Une telle importance est attachée pour ces
personnes détenteurs de diplômes étrangers au
détriment des diplômés nationaux. En réalité,
être titulaire d'un diplôme français ou simplement d'un pays
occidentaux, c'est jouir d'un grand prestige. De telle sorte que ceux qui sont
issus des universités locales, en plus d'un déficit d'emploi dans
le pays, ont moins de chance à s'insérer dans le monde du
travail. Ainsi, beaucoup d'étudiants préfèrent partir
à l'étranger dans le but d'obtenir un diplôme qui leur
permettra de s'imposer au futur dans le pays de départ. M.D,
étudiant Sénégalais qui a fait ses études
supérieures en droit à l'Université Cheikh Anta Diop
souligne dans son entretien qu'
« Au Sénégal, la vie est très
difficile. Des gens comme moi ont eu leur diplôme et n'arrivent pas
à trouver du travail. Déjà dans la faculté ou
j'étais, il y avait une association des diplômés
chômeurs. Plus de 5000 étudiants qui ont eu leur diplôme et
qui restent sans travail. Avec tout cela, je me disais que, une fois en France,
tout va changer. Je me disais que quand j'aurais mon diplôme, je
trouverai facilement du travail. D'autant plus que presque tous les gens qui
sont dans les entreprises ou qui occupent un bon poste ont fait leurs
études en France ou aux Etats Unis. De même que mes profs à
l'université aussi comme je l'ai déjà dit. (Extrait
d'entretien avec M.D, étudiant Sénégalais)
Cette survalorisation du diplôme étranger est
d'autant plus amplifiée par le fait que grande majorité des
dirigeants des pays africains comme Léopold Sédar Senghor, ont,
sous la période coloniale, effectué leurs études en France
et sont ensuite rentrés dans leurs pays d'origine. C'est ainsi que
beaucoup de jeunes estiment que partir en France pour continuer les
études est un moyen efficace pour pouvoir s'insérer dans le monde
du travail. Face à l'incapacité du marché de l'emploi
à absorber les vagues successives de diplômés qui sortent
chaque année du système éducatif, et l'inadéquation
de la formation aux nouvelles exigences du marché de l'emploi,
présenter un diplôme français constitue aux yeux de ces
jeunes un véritable atout pour se distinguer du lot.
4.2. La situation socio économique du pays
de départ.
Comme de nombreux autres pays africains, le
Sénégal et le Mali connaissent une crise économique et
sociale sans précédant entrainant ainsi d'amples
phénomènes migratoires à l'intérieur du continent
africain ou à l'étranger. Aujourd'hui, nombreux sont les
écrits qui font recours à la situation économique pour
expliquer l'exode vers d'autres cieux.
Si l'essentiel de la population active du
Sénégal évolue dans le domaine de l'agriculture, force est
de constater que le secteur agricole de ce pays n'est plus rentable à
cause des vagues de sécheresses successives. L'agriculture
présente de graves faiblesses structurelles liées en partie
à la désertification : les vents chargés de sable en
provenance de la Mauritanie transforment progressivement le Ferlo (zone de
culture de l'arachide située au centre du pays) en une zone aride.
L'insuffisance de la production agricole s'explique aussi par l'insuffisance de
quantité pluviométrique du pays mais également par la
quasi-inexistence de moyens de production modernes (mécanisation,
engrais, etc.). Ainsi, malgré les applications des politiques de
redressement, les problèmes sociaux et le chômage se sont
accentués et les conditions de vie des ménages sont devenues
précaires.
Selon l'ANSD20(*)(Agence National des Statistiques et de la
Démographie), après l'Enquête de Suivi de la
Pauvreté au Sénégal (ESPS-II) qui permet le suivi des
principaux indicateurs d'emploi et d'activité au Sénégal,
les régions les plus touchées par le chômage sont
respectivement Diourbel (17,5%), Saint-Louis (15,2%), Dakar (13,9%) et Louga
(13,6%.). Dans cette enquête, l'ESPS-II a utilisé la même
définition du chômage que celle utilisée en 2005 à
savoir celle du Bureau international du travail(BIT). Pour la mesure du
chômage, le BIT retient trois critères devant être remplis
concomitamment : être dépourvu d'emploi sur la période
retenue (ne pas avoir travaillé une heure au cours des 7 derniers jours
précédant le jour de l'interview ou date de l'enquête),
être activement à la recherche d'un emploi et être
disponible pour occuper un emploi dans les quinze (15) prochains
jours.21(*)
Répartition (en %) du taux de chômage
selon la région.
Source : ANSD. ESPS-II, 2011.
L'analyse selon la strate montre que c'est le milieu urbain
qui est le plus touché par ce phénomène. En effet, le taux
de chômage en milieu rural est de 7,7% alors qu'il est de 13,9% pour
« Autres urbains » et 14,1% pour « Dakar urbain ». Les
jeunes qui constituent une part importante de la population active restent les
plus touchés par le phénomène du chômage. En 2011,
l'ESPS-II estime le chômage des jeunes de 15 à 24 ans à
12,7% au Sénégal.
Quant au Mali, outre la situation chaotique du pays avec le
passage des djihadistes, l'économie est également en crise. Comme
le Sénégal, l'agriculture qui domine l'économie de ce
pays connait un frein à cause des sécheresses
répétitives, de la baisse du prix des matières
premières produites comme le coton, de la hausse des coûts de
production (intrants et carburants). La plupart des biens de consommation est
encore importée car le secteur industriel reste également peu
développé. Dans son dernier rapport sur les perspectives
économiques mondiales, publié début octobre, à
l'occasion de l'assemblée annuelle prévue à Washington, le
Fonds Monétaire International (FMI) dresse un bilan négatif de
l'emploi au Mali. Il a revu à la hausse le taux de chômage;
c'est-à-dire, 10, 8% en 2014 et 11, 3% en 2015 contre 9,8% en 2013.
Au vu et au su de ce qui précède, nous avons
assisté progressivement à ce que Momar Coumba Diop appelle la
culture de la « débrouille » d'où
l'expression « goor goorlu, » chez les
Sénégalais. (Diop, 2008) En d'autres termes c'est tenter de se
trouver une place dans le secteur informel (marchand ambulant) pour ne pas
être l'objet d'un oubli de la société. Dans le milieu
scolaire, les étudiants mettent en place toutes sortes de
stratégies pour s'en sortir. A l'Université Cheikh Anta Diop, il
est fréquent de voir des étudiants qui s'adonnent à la
vente de produits cosmétiques, de crédits
téléphoniques ou à la coiffure pour sortir de cette
inactivité sociale mais également pour compléter leur
bourse qui ne les suffit plus. Toujours dans cette logique de fuir cette
situation de crise, entreprendre un voyage à l'étranger est
perçu par de nombreux jeunes comme une condition sine qua non pour la
réalisation de soi. L'occident étant souvent perçu comme
une garantie pour la réussite comme le montre les propos de cette
étudiante Sénégalaise :
« Avant de venir, je pensais que c'était...
c'était... c'était... c'était le pays des merveilles
quoi ! (elle éclate de rire.), le pays de rêve. Je croyais
que c'est la fin des difficultés une fois en France. On aura plus de
soucis. Pour moi, on trouve rapidement du travail une fois en France. C'est
pourquoi j'ai pris le risque de venir ici sans bourse. J'avais cet espoir de
trouver du travail, c'est pourquoi j'ai pris ce risque. Pour moi ça
serait trop facile de trouver du travail par ici alors que c'est tout à
fait le contraire. » (Extrait d'entretien avec F.A, étudiante
Sénégalaise)
Cette perception de l'occident comme une forteresse est
également partager par K. B étudiant Malien qui abonde dans le
même sens :
« Par opposition à nos pays, moi je voyais la
France comme un pays ou on avait tout à notre disposition en fait.
L'argent, faire un job étudiant et gagner énormément
d'argent, faire des études de bonnes qualités, ou tu es
soigné quand tu es malade, ou il n'y a pas de corruption ni de
népotisme. »
Ces propos montrent clairement que même si certains
partent pour les études, force est de reconnaitre que la recherche d'une
vie meilleure reste au coeur du voyage. D'ailleurs ne pourrait on pas se
demander si les études ne constituent pas un moyens pour certains pour
entrer partir à l'étranger ? Comme le soulignent V. Borgogno
et L. Vollenweider-Andresen (1998), il existe trois types de migration
étudiante parmi lesquels une migration à dimension
sociétale (économique et social) qui se base sur une recherche
d'un meilleur environnement de vie. Pour ces deux étudiants cités
ci haut, partir en France équivalait à la fin des
difficultés car espérant trouver du travail. En effet, les
informations recueillies auprès de nos répondants sont de nature
à confirmer que l'aspiration à émigrer est
extrêmement forte chez eux. Le voyage en France, même par la voie
des études, reste aussi le produit des difficultés
économiques auxquelles font épreuve ses étudiants. La
conception d'une France riche, synonyme de réussite permettant de
comprendre que la recherche d'une vie meilleure reste un motif sous jacent du
voyage de ses étudiants. Malgré la procédure très
longue pour l'obtention du visa pour étude, la cherté du
financement du voyage, beaucoup de personnes estiment que ça en vaut la
peine. Les résultats attendus pour le voyage sont plus importants
à leurs yeux. En effet, avant de prendre la décision de partir,
l'individu examine les coûts, de même que les
bénéfices liés à la migration potentielle. Cette
approche de la migration est souvent associée au texte de Larry Sjaastad
publié en 1962 (chapitre 3), dans lequel il se propose d'identifier les
coûts et les bénéfices importants, à la fois
individuels et sociaux. L'auteur considère la migration comme un «
investissement qui augmente la productivité des ressources humaines
», investissement qui comporte des coûts et rapporte
également des bénéfices. Harris et Todaro, s'inspirant
d'un article de Lee (1966), considèrent quand à eux que la
décision de migrer relève d'un choix rationnel qui prend en
compte les avantages et les désavantages liés à la
migration. La rentabilité de migrer ou non relève donc d'un
calcul coûts-bénéfices. Toutefois, il est important de
souligner que les bénéfices ne sont pas que d'ordre
économique. Elles sont aussi sociales en ce que la migration peut dans
une large mesure accorder plus de légitimité et de
considération au migrant vis-à-vis de son groupe social
d'origine.
En effet, la perception de l'occident comme un eldorado est
largement alimentée par les migrants qui retournent au pays.
Considérés aux yeux de certains comme des acteurs au
développement, des modèles de réussite, ces derniers
profitent de l'admiration et de l'estime que leur accordent ceux qui restent au
pays. En réalité, la décision de partir, même pour
les études, est dans une grande mesure influencée par l'image que
propagent les émigrés une fois de retour au pays. Certains se
comportent de façon ostentatoire à l'égard des autres.
Circulant à bord de belles voitures, ils possèdent dans certaines
localités rurales les plus grandes maisons. Ils font étalage de
biens matériels acquis en Europe. Ces signes extérieurs de
richesse font penser à une grande partie de la jeunesse restées
au pays, qu'aller à l'étranger, c'est réussir. L'ailleurs
est devenu ainsi le lieu de tous les fantasmes, le pourvoyeur de tout ce dont
ils ont besoin pour acquérir une place dans l'échiquier social
d'origine.
« Quand on voyait nos tontons ou des gens qui
étaient en France et qui venaient au Sénégal en vacance,
ils venaient avec des choses qu'on n'avait pas chez nous. Il y a des gens qui
venaient et construisaient des maisons et conduisaient de belles voitures. Ces
gens là, on les appelle des « Moodu-Moodu ».
Ce sont des gens qui sont partis en France, pas pour des études
mais pour travailler ou bien des gens qui ont, peut être terminé
leurs études. Donc ils ont peut être le temps d'économiser
de revenir au Sénégal et de construire quelque chose. La plupart
des maisons, les R+1 ou R+2 sont construites par eux. En fait leur famille vit
bien. Tous les gens que je connaissais et qui étaient en France, en
Espagne ou en Italie, voilà quoi, leur famille vit bien. Et quand ils
revenaient, ils s'habillaient bien, et leur manière de se comporter
changer par rapport à notre manière de vivre. En fait ils nous
vendaient l'image de la France. Une belle image de la France. Et c'est cette
belle image de la France que j'avais dans la tête. Je voyais, les belles
routes, la belle vie et tout ça. Et ce n'est pas quelques choses qu'on a
au Sénégal. Et quant on a une telle chose dans la tête, on
pense que c'est comme ça et on veut aller découvrir et vivre
cette chose là. Ceci m'a beaucoup influencé. On voit cette belle
image de la France à travers ces gens qui revenaient de ce
pays. » (Extrait d'entretien avec CT.D, étudiant
sénégalais,).
Cette même idée est aussi soulevait par K.B qui
indexe à son tour les immigrés maliens qui retournent au pays.
« Je peux parler des immigrés Maliens qui
sont en France, qui envoient de l'argents, qui construisent des maisons etc.
ces gens là quand tu les vois, tu te dis voilà, ces gens sont
parti et ils sont revenu avec beaucoup d'argents. Tu te dis que ça veut
dire qu'il y a quelque chose là bas. » (Extrait d'entretien
avec K.B, étudiant Malien)
L'exemple des migrants qui ont réussi constitue un
élément non négligeable pour comprendre la motivation
à la migration. En effet, une fois de retour dans leurs terroirs,
certains migrants encore appelés les
« Moodu-Moodu », véhiculent une belle image
de la France en s'habillant parfois avec de beaux habits avec les marques
les plus célèbres; ce qui laisse croire aux autres qui sont
restés qu'ils sont devenus riches et que l'Europe symbolise la richesse.
Ce qui n'est pas toujours le cas. C'est dans ce sens qu'il faudrait comprendre
les mots de Sayad qui parle d'un mensonge collectif. Dans La double
absence, il a largement abordé le mécanisme de la
reproduction de l'immigration pour les immigrés algériens en
décrivant en détail comment l'immigration est reproduite. Il
souligne que de nombreux immigrés sont amenés à ne pas
dire la vérité et à passer sous silence les souffrances
causées par leur émigration, la vie dure qu'ils mènent
dans le pays. Ils ne disent point la vérité par respect pour
eux-mêmes mais aussi pour leur communauté, ainsi ils donnent envie
à d'autres de partir. Sayad fait parler un émigré kabyle
qui nous raconte son histoire : « C'est ainsi que la France nous
pénètre jusqu'aux os, une fois que tu as ça en tête,
ça ne sort plus de ton esprit, finis pour toi les travaux, finie l'envie
de faire quelque chose d'autre, on ne voit plus d'autres solutions que
partir » (Sayad A., 1999, p.31)
Toutefois, même si les migrants qui retournent aux pays
racontent certaines de leurs difficultés, certains de leurs
interlocuteurs ne vont pas toujours les croire. Parfois les plus jeunes
accusent les migrants qui les mettent en garde de vouloir les décourager
parce qu'ils ne veulent pas qu'ils puissent accéder aux mêmes
avantages qu'eux, que c'est par esprit de compétition. Les mots ont
moins de poids que les habits et les cadeaux que ces migrants rapportent de la
France. Ce pays reste à leurs yeux reste un véritable pays de
cocagne. En réalité la fluidité des informations, avec
l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, contribue à la construction de ces fantasmes qui
renforcent la fabrication de représentation. (Tandian, 2005).
4.3. Partir à l'étranger, une
condition de la réalisation de soi.
Si le voyage vers l'étranger peut être une
décision personnelle, elle peut aussi être le fruit d'une forte
pression familiale. Le besoin d'émigrer peut relever aujourd'hui d'une
stratégie pour fuir le chômage et répondre aux attentes du
groupe socio familial pour ainsi devenir « utile ». Quelles
qu'en soient les destinations et les mobiles du voyage, les modalités,
les difficultés financières et d'obtention du visa ainsi que les
risques encourus, il faudra reconnaitre que les mouvements migratoires,
collectifs ou individuels ont toujours été
présentés comme des actes de bravoure, de maturation et de
maturité. Pour comprendre cela, il suffit de regarder la grande
affluence des demandeurs de visa devant les représentations consulaires
et l'ampleur des migrations dites clandestines. (Dieng, 2008) Ainsi, la
perception du voyage dans l'imaginaire collectif de beaucoup de pays du sud
constitue sans doute un élément fondamental pour pouvoir saisir
les mobiles de la mobilité. En effet, dans la tradition africaine, le
voyage revêt d'une place prépondérante. Les populations ont
toujours été caractérisées par la mobilité,
qui fait partie d'une ancienne tradition rurale où, pendant la saison
sèche la famille délègue un ou plusieurs membres vers la
ville pour trouver du travail. Dans cette situation, voyager était une
sorte d'initiation qui confère la maturité, la connaissance de
l'ailleurs et mène à la sagesse.
De nos jours, il est évident qu'aux yeux de nombreux
jeunes, l'émigration constitue une opportunité de trouver une
solution contre cette sorte de mise à mort sociale, le temps de
s'octroyer les moyens de murir, de pouvoir faire face à ces obligations.
Dés lors l'ailleurs devient un lieu incontournable à leurs yeux
pour pouvoir devenir utile. En réalité, beaucoup de jeunes sont
prêts à tenter l'aventure à l'étranger à
cause de la forte pression sociale qui pèse sur leurs épaules.
L'envie de servir et de devenir utile semble être un des
éléments majeurs qui peuvent expliquer la migration. Dans la
tradition africaine, porter assistance à sa famille est non seulement
un devoir mais aussi un geste de réciprocité et de reconnaissance
souligne Abdoulaye Bara Diop. Ce dernier poursuit pour dire que toute personne
munie de quelque autorité dans la famille se doit elle de respecter et
de soutenir par son attitude de bienveillance et de bienfaisance, les plus
faibles et les plus petits. Voilà pourquoi, à un certain
âge, beaucoup de jeunes se sentent coupables car n'ayant pas la
possibilité de soutenir leur famille. Ainsi, toutes sortes de
stratégies est mises en place: passer des concours, se lancer dans le
secteur informel en devenant marchand ambulant mais aussi partir à
l'étranger considéré comme un moyen efficace qui leur
permettra de s'acquitter des lourdes attentes des parents de la famille ou du
groupe social d'origine.
Le rôle de la famille comme incitation ou plutôt
motivation au départ est indéniable. Derrière les
études, le voyage s'explique aussi par la recherche de moyens financiers
suffisants pour réaliser leurs propres désirs et répondre
aux attentes du groupe social d'origine. D'après notre enquête,
beaucoup étudiants ont déclaré être des soutiens de
familles. Ainsi, ne pouvant pas satisfaire leurs besoins propres de même
que le besoin familial, donc contraint par le principe de la solidarité
familiale, ils cherchent dans la migration la possibilité de sortir de
cette situation. Beaucoup de personnes mettent en avant le manque de
perspectives professionnelles dans leur pays, même après avoir
fait des études. Ceux qui avaient réussi à trouver un
travail quant à eux, soulignent qu'ils ne gagnent pas assez d'argent
pour subvenir aux besoins de leurs familles, fonder une famille et avoir
suffisamment etc. Par exemple, au Sénégal et au Mali, comme dans
de nombreux autres pays de l'Afrique, on retrouve ce qu'on appelle des familles
élargies ou on trouve facilement plus d'une dizaine de personnes dans
une maison dont une ou deux personnes seulement travaillent et souvent pour des
salaires modestes. Celles-ci assument alors généralement toutes
les charges financières du ménage. Elles sont donc contraintes
à limiter leurs désirs et à différer de
manière souvent persistante, la réalisation de leurs projets.
Cette situation entraine souvent une dépendance totale d'autres membres
de la famille qui peuvent produire être parfois frustrer comme l'exprime
M.S dans ces propos.
Etant étudiant, il raconte avoir été dans
une maison familiale ou son père est à la retraite. Et
c'étaient ces grands frères qui prenaient en charge la maison de
même que ses études. En vue de sortir de cette situation de
dépendance qui « l'infantilise » pour ainsi se
rendre utile, il raconte avoir effectué des concours nationaux comme la
gendarmerie, la police, magistrature, la douane en vue d'intégrer la
fonction publique. Malgré tout cela, ses efforts sont sans
récompense. Ainsi, n'ayant aucune perspective devant lui, il accuse le
système de l'avoir éjecté. Pour lui, partir à
l'étranger fut la seule option qui lui restait.
« Etant jeune étudiant, je portais un
lourd fardeau puisque je voyais les gens qui étaient fonctionnels,
opérationnels et qui participaient à la vie familiale et moi je
ne pouvais rien faire. A chaque fois que j'annonçais que je
devais aller à la l'université on me finançait mon voyage.
Mes conditions de vie à la fac aussi étaient alarmantes et
pourtant j'avais une bourse de 60000fcfa. Mais pour quelqu'un qui fait des
recherches, mais aussi le logement, le transport et les loyers, la bourse ne
pouvait pas tout couvrir. J'étais une charge pour ma famille et
moi j'avais cet envie de réussir et de participer comme tout le monde
puisque mon père a pris de l'âge, à la retraite quoi. Donc
moi je pensais à prendre la relève et assurer les dépenses
familiales. Parce que c'est comme ça chez nous. Chez nous,
c'est la solidarité. On vit en famille. On a des familles de dix
à onze personnes. Donc une seule personne ne peut pas gérer tout.
Donc le parent a des enfants qui sont en mesure de l'aider. Si celui-ci prendre
l'électricité, l'autre paiera les factures d'eau, l'autre assure
les dépenses. C'est comme ça qu'on vit chez nous. Même
pendant les fêtes comme la Tabaski, tu voyais un frère qui se
charge d'acheter le mouton, d'autres achetaient la boisson, d'autres paient
l'électricité etc. moi je suis un grand consommateur
d'électricité et je ne pouvais pas participer. J'avais
toutes les compétences que me fallait pour intégrer la fonction
publique mais je ne pouvais pas l'intégrer. Ce sentiment d'échec,
de mécontentement, de vouloir faire alors que je ne peux pas alors que
j'ai les compétences, tout ceci m'a poussé à chercher un
terreau beaucoup plus fertile. Et c'est à la France que j'ai
pensé. J'avais d'autres projets comme partir au Canada mais c'est la
France qui était beaucoup plus accessible. (...) je n'ai pas eu ce que
je voulais. Donc il me fallait un plan B pour combler ce vide. Ainsi, comme je
n'ai pas réussi aux concours, je me suis dit que je vais me couvrir des
études pour entrer en France. Sous couvert des études, je vais
chercher d'autres possibilités étant donné que j'ai tout
ce qu'il me faut. Donc je suis venu sous couvert des études pour
espérer trouver quelque chose. Mais aussi pour compléter mon
cursus bien vrai que j'ai une maitrise et un DEA. Maintenant, je veux avoir la
thèse que je n'ai pas pu faire au Sénégal.» (Extrait
d'entretien avec Mamadou, étudiant Sénégalais)
Dans ce contexte de crise, cet étudiant relève
le fait que, psychologiquement, il devient de plus en plus insupportable pour
lui de devoir dépendre de ses frères pour financer des
études dont l'issu est quelque fois hypothétique. Et cela
à un âge très avance parce qu'ayant effectué des
études poussées. Il met donc en avant pour expliquer son
départ, la possibilité de pouvoir trouver « quelque
chose » qui n'est rien d'autre ici que le travail qui lui permettra
d'être utile à la famille mais aussi de pouvoir terminer ses
études. Ainsi, il y'a clairement donc dans ce voyage l'idée de
partir pour pouvoir servir. Dés lors, il y a un avant et un après
de la migration exprimé ici : on est a priori quelqu'un de
« normal », c'est-à-dire « qui n'a
rien » « qui n'a aucune perspective de réussite
devant lui » et qui ne peut pas participer aux charges de la
famille ; puis, le fait de migrer permet a posteriori de conjurer
cette « insignifiance sociale», le sentiment de « ne
pas être ». (Timera 2001, p.38) Aussi le projet migratoire
s'inscrit-il dans une logique de partir dans l'optique d'un futur retour
glorieux permettant d'obtenir la reconnaissance sociale de son groupe et
d'accéder à une véritable majorité sociale. Le
voyage étant alors motivé en partie par la valorisation sociale
aux yeux des membres de la communauté. En effet, un jeune est
généralement minimisé s'il ne parvient pas à se
rendre utile en participant aux charges familiales. Plus que nécessaire,
soutenir sa famille est un devoir, une obligation. Ne pas le faire à un
certain âge entraine une sanction sociale. Dés lors la migration
devient en ce sens aussi une véritable stratégie de
reconnaissance, un moyen de promotion sociale ou de mobilité ascendante.
En réalité, le simple fait de partir, même en étant
étudiant, est déjà en soi un remède contre l'ennui,
la honte, la désolation et le désarrois qu'ils vivent ou
quotidien. Partir constitue alors un pari pour l'avenir, une sorte de
protection contre la dépression et un remède efficace contre le
sentiment de castration qui les envahit depuis fort longtemps.
Chapitre 5 : Les conditions de vie des
étudiants étrangers en France.
5.1. Vivre une expérience
étrangère
Toute immigration entraîne habituellement « un
déracinement à la fois géographique et historique,
culturel et linguistique, social et spirituel. Tout immigrant [...] est un
déraciné, un transplanté. » (Buzzanga, 1989,). Ces
mots de Mario Buzzanga renseignent d'avantage sur la situation de ces
immigrés qui découvrent une nouvelle société. En
effet, quittant leurs pays d'origine, ils affrontent un nouveau système
social dont les pratiques, les lois et la culture sont différentes de
celles qu'ils ont intériorisées antérieurement. Ainsi,
comme le souligne Dalila Chérif (2002) : «Destin» ou
«fatalité», «nostalgie» ou
«tragédie» rejoignent «départ»,
«émigration», «exil» (el ghorba) pour exprimer ce
malaise existentiel dont souffre tout «étranger». Ce malaise a
aussi été très bien exprimé à travers un des
entretiens de Sayad: «Est-ce une vie si, pour nourrir tes enfants, tu es
obligé de les quitter; pour remplir ta maison, tu commences par la
déserter, toi le premier ; pour travailler pour ton pays, tu
l'abandonnes ?» (Sayad, 1999, pp. 94-95)
En effet, il n'est pas toujours facile de s'installer et de se
retrouver dans une société que l'on ne connait pas.
Au-delà de la séparation géographique avec son pays,
l'immigration consiste également en une rupture avec son environnement
sociale de naissance. Ces étudiants ont dû quitter leurs anciens
liens sociaux (famille, amis, voisins et connaissances) pour s'établir
loin de ceux ci. Ainsi les premiers contacts avec son nouvel environnement sont
surtout marqués par des difficultés à s'adapter au normes,
pratiques et moeurs du pays d'accueil car comme l'exprime Sayad, immigrer,
c'est immigrer avec son histoire (l'immigration étant elle-même
partie intégrante de cette histoire), avec ses traditions, ses
manières de vivre, de sentir, d'agir et de penser, avec sa langue et sa
religion ainsi que toutes les autres structures sociales, politiques, mentales,
structures caractéristiques de la personne, et, solidairement, de la
société, les premières n'étant que l'incorporation
des secondes, bref avec sa culture» (Sayad, 1999, p. 18). Ce vécu
entre deux cultures entraine souvent un isolement social accompagné
d'une solitude que souligne bien M.B dans ces propos:
« Moi j'ai quitté une culture où c'est
le groupe qui prime quoi. Ce n'est pas chacun pour soi contrairement à
ici. C'est l'individualisme ou chacun est dans sa petite chambre surtout dans
les 9 mètres carrés dans les cités universitaires. Donc
j'ai quitté une culture différente ou on prenait le thé
ensemble, ou on discutait jusqu'à telle heure, bavarder etc. mais ici
tout le monde vaque à ses occupation. Donc ça m'a beaucoup
marqué. Je me rappelle en première année quand je suis
arrivé, j'ai même arrêté un cours une fois parce que
je n'étais pas habitué à arriver en classe et rester seul
à coté. Je ne discute avec personne. Dans notre promo, il y avait
presque toutes les nationalités : des français, des
asiatiques, des gens qui venaient du Brésil. Du coup chacun restait
à coté. J'avais réussi à sympathiser avec un
Chinois et un français. Un jour j'ai arrêté le professeur
et je lui ai dit que je ne suis pas habitué à ses genres
d'environnement parce que tu viens, tu dis bonjour, personne ne te regarde, tu
vois quoi. Donc du coup, depuis ce jour, quand on arrive, tout le monde fait la
bise, on discute, on part manger ensemble tu vois quoi. Je peux dire que ceci
m'a un peu frappé parce qu'on quitte une culture ou quand vous vous
rencontrez, vous vous serrez la main, comment tu vois, ça va bien etc.
mais bon ici, c'est chacun pour soi. Quand tu arrives et que tu vois ce
phénomène, ça te marque quoi. » (Extrait
d'entretien avec M.B, étudiant Malien)
Ces étudiants réactualisent les conflits des
valeurs entre l'occident et l'Afrique. Le voyage étant souvent pris
comme une perte. En tout cas, ce qui est sûr c'est qu'en plus
d'être affecté par l'émigration et de faire face à
des besoins de type nouveau, ces étudiants devront continuer à
interagir avec leur nouvel environnement dans le but de pouvoir réduire
progressivement les difficultés car ils doivent aussi s'adapter et
s'intégrer. Cet effort d'adaptation et d'intégration peut
impliquer, plus d'une souffrance aiguë. En effet, ce qu'il faudrait
surtout retenir c'est que, vivre dans une société qui nous est
étrangère, comprendre, décoder les normes et s'adapter
à la culture du pays d'accueil est avant tout un vécu, une
expérience. C'est dans les interactions avec les autres que
l'étudiant étranger se constitue et apprend à vivre dans
le nouvel environnement que dans les interactions qu'il entretient avec les
autres. Comme le soulignent Alain Coulon et Saeed Paivandi dans leur rapport
sur l'observatoire de la vie étudiante (Mars 2003), une fois
arrivé au pays d'accueil et inscrit à l'université, le
fait d'être étudiant et étranger, implique des
différences de langue, de mode de vie, de normes et d'organisation
pédagogique, de préparation psychologique.
Au-delà de l'adaptation sociale et culturelle, les
étudiants étrangers doivent aussi s'adapter dans leur nouvel
environnement scolaire. Généralement, l'environnement
universitaire, les méthodes et modes d'enseignement sont
différentes de celles que l'étudiant étranger a dans son
pays d'origine. Ce qui lui pose d'énormes problèmes surtout pour
la première année.
E. Cohen a souligné dans son rapport les
différences entre les pratiques pédagogiques en France et celles
d'autres pays. Selon lui, les étudiants étrangers expriment
très souvent des difficultés de repérage et d'adaptation
à l'égard de certaines pratiques pédagogiques
caractéristiques de l'enseignement supérieur français. La
compréhension de l'organisation pédagogique des cursus et des
activités d'enseignement suscite, pour certains d'entre eux, une perte
de repères et des difficultés d'adaptation (Cohen, 2001, p.76).
Ce dernier mentionne également la rigidité d'un système de
formation dans lequel les cursus sont délivrés de façon
directive en laissant à l'étudiant des possibilités
limitées de choix ou d'options dans l'organisation de son parcours de
formation, et dans lequel le travail personnel est très peu
valorisé. La relation pédagogique entre enseignants et
enseignés, les modes de participation des étudiants dans les
activités universitaires, ou l'approche didactique plus
structurée et plus directive fréquemment appliquée en
France nécessitent selon E. Cohen, un important effort d'adaptation de
la part des étudiants étrangers (2001, p.77). La pratique de
notation et le mode d'évaluation sont aussi soulevés dans ce
rapport. Pour E. Cohen, ces derniers qui privilégient les tests sur des
connaissances pointues: c'est un système de notation auquel les
étudiants étrangers ont besoin de s'accoutumer.
Dans leur nouvel environnement universitaire, ces
étudiants découvrent un système qui est
complètement différent. Au Sénégal par exemple, les
cours sont le plus souvent dictés par les professeurs qui ne demandent
que la restitution de tout le cours ou bien d'une partie pour l'examen. En plus
de cela, avec les nombreuses perturbations dans l'année scolaire, les
étudiants ont généralement le temps de s'en sortir. Tandis
qu'en France, les cours sont donnés par diaporama et des
références sont souvent données pour obliger aux
étudiants à faire des recherches. Alors que le niveau de
technologie est largement supérieur à celui des pays d'origine,
l'étudiant étranger éprouve d'énormes
difficultés pour faire ses recherches. Ce qui fait que certains nouveaux
arrivants perdent leur repère et n'arrivent pas à se retrouver.
Ces différences sur le mode d'enseignement se font ressentir sur la
performance et le résultat des étudiants après les
examens. D'ailleurs, bon nombre d'étudiants reprennent leur
première année. Un sentiment de doute et de regret s'installe le
plus souvent. Cet étudiant Malien explique sa situation :
« Après mes examens, j'ai comme l'impression
que je n'ai plus le niveau. Et pourtant j'avais toujours de bonnes notes quand
j'étais au pays. Jamais je ne me suis senti incapable. En fait, c'est
parce que je n'arrivais surtout pas à me familiariser avec le
système. Les profs nous donnent tout le temps des documents et les
manières d'évaluer sont différentes de celles de mon pays.
Mais bon, maintenant ça va mieux parce que je commence à
s'adapter.» (Extrait d'entretien avec A.B, étudiant
Malien)
Ces mots nous renseignent sur la perte de confiance
notée chez les étudiants. Ces derniers qui s'attendaient pour la
majeure partie à trouver un système auquel ils pourraient
réussir facilement se retrouvent désormais perdus et sans
confiance d'où la déception. Ces éléments
combinés font de l'étudiant étranger, quelqu'un qui est
perdu dans un milieu qu'il ne connait pas. Cette expérience
interculturelle des étudiants au sein de leur nouvel environnement
social et universitaire est très bien relatée dans les travaux de
C. Soto (1984). Effectuant une recherche sur les étudiants mexicains, ce
dernier tente de relater deux moments qui sont capitales et qu'il
considère comme douloureux chez les étudiants. Ces deux moments
se produisent au cours de la première période du séjour
des étudiants en France: il s'agit d'abord de la séparation,
observée au début du séjour. Celle-ci se présente
comme un conflit d'ambivalence, l'émergence d'un sentiment de perte, de
culpabilité, qui réactive d'autres expériences de
séparation. Ensuite vient le moment de la désillusion, dans la
mesure où, chez tous ces étudiants, on observe l'existence d'un
mythe de la France considérée comme un lieu de satisfaction des
désirs. L'étudiant est déçu par sa première
expérience. Il est confronté à une autre
réalité qui brise son illusion et identifie le pays d'accueil
comme le «mauvais», et le pays d'origine comme le «bon».
5.2. La question du logement et du financement des
études
Un des éléments les plus cités par nos
enquêtés concernant leurs conditions de vie reste le logement et
le financement des études. De nombreuses études ont
révélé que les étudiants étrangers vivent
dans des situations financières alarmantes. Les non boursiers
étant les plus touché par cette situation. S'appuyant parfois sur
un réseau familial qui n'est pas toujours en mesure d'aider, certains
étudiants éprouvent d'énormes difficulté pour le
financement de leurs études, trouver un logement ou effectuer certaines
démarches administratives (carte de séjour). (Borgogno et
Vollenweider-Andresen 1998) En effet, les faibles revenus de ces
étudiants entrainent des façons de vivre qui sont
précaires.
Toutefois on pourrait se demander pourquoi ses
étudiants sont dans ses situations alors qu'ils ont justifié
avant de venir en France qu'ils allaient avoir les ressources
nécessaires pour s'établir en France. En effet, la
première étape du voyage est sans nul doute d'obtenir le visa qui
est délivré par le consulat de la France dans le pays d'origine.
Pour cela il est demandé à l'étudiant désireux de
poursuivre ses études à l'étranger de fournir un ensemble
de documents. Les documents les plus importants sont l'attestation bancaire et
l'attestation de logement. L'étudiant doit toujours justifier qu'ils
disposent de moyens de subsistance. En d'autres termes, il s'agit de prouver
qu'il part avec de l'argent ou qu'il dispose dans son compte personnel la somme
de 6150 euros ou encore qu'il a un garant qui se chargera d'effectuer pour lui
un virement de la somme de 615 euros par mois. Ce qui est presque impossible
pour certains. Vu le taux de change du franc CFA à l'euro, trouver cette
somme ou un garant pose d'énormes difficultés à ces
étudiants. En réalité, avec la crise qui frappe ces pays,
le revenu de leurs parents est parfois inferieur à la somme
demandée par mois. Les 615 euros demandés à ces
étudiants sont presque le salaire de certains fonctionnaires. Dans cette
situation, certains d'entre eux n'hésitent pas à faire recours
à un réseau de trafiquant pour l'obtention de ce document. Ils
font recours à des groupes de personnes qui créent des sortes
d'agence dans le pays, dans la capitale surtout pour prétendre aider les
étudiants dans leurs démarches consulaires. Ces derniers
proposent à ses étudiants de trouver pour eux des garants qui
sont le plus souvent fictifs en échange de sommes faramineuses qui
tournent parfois aux environ de 200000Fcfa à 300000Fcfa. Beaucoup
d'étudiants, avec le soutien d'un membre de la famille qui travaille ou
encore de leurs propres économies, parviennent à payer cela.
Quant à l'attestation de logement, ce sont ses
mêmes agences qui s'occupent de cela. L'obtention de ce document est tout
aussi compliqué pour les étudiants qui font une demande de visa.
Certains d'entre eux n'ont pas souvent de contact en France, donc ne
connaissent pas de personnes qui se chargeront de les accueillir une fois en
France. Quand à la procédure du Crous qui s'occupe des logements
étudiants en France, ses demandeurs de visa ne sont pas trop
informés ou parfois ne connaissent même pas l'existence de cette
structure. Ainsi, comme pour l'attestation bancaire, ils font recours à
ces passeurs pour trouver ce document.
Voilà comment certains étudiants arrivent
à rassembler tous les documents nécessaires pour pouvoir
déposer leur demande de Visa. Même si tout le monde ne
réussi pas à avoir le visa, une grande partie d'entre eux
réussissent à s'échapper de la rigueur dont font preuve
les agents du consulat. Ce sont ouvrent ceux là qui, une fois en France
éprouvent d'énormes difficultés, pour vivre car n'ayant
pas de ressources nécessaires, pour se loger etc. Les sommes d'argent
envoyée par leurs parents n'arrivent pas à couvrir leur besoin.
Rappelons qu'un euro est l'équivalent de 655Fcfa. De ce fait, certains
parents réussissent à collecter une forte somme qui, une fois en
France n'est presque rien pour ses étudiants. Ces sommes d'argents
qu'ils reçoivent ne parviennent même pas à couvrir les plus
petits besoins. Beaucoup d'étudiants n'arrivent pas à assurer les
repas de la journée ou encore le transport.
Quant à leur logement, une fois arrivé dans le
pays d'accueil, ce sont le plus souvent les Associations de leur pays
respective qui les accueillent et les accompagnent jusqu'à l'obtention
d'une chambre auprès du Crous. Etant les seules structures en place sur
lesquelles ces étudiants peuvent compter, les associations
étudiantes sont toujours sollicitées par les étudiants qui
viennent d'arriver. Ainsi, à travers un réseaux
d'interconnaissance, l'étudiant arrive toujours à avoir une
personne qui peut l'héberger pendant les premiers jours.
« C'est à la veille de ma venue en France que
j'ai consulté sur internet et je suis tombé sur l'ASEP
(l'Association des Sénégalais de Poitiers). Là je les ai
envoyé un message leur faisant savoir que je serai à Poitiers
demain et que je ne connaissais personne là bas. A peu prés 10
min plu tard, le président m'a répondu me disant qu'il n'y a pas
de problème et il m'a donné ses coordonnées. C'est eux qui
m'ont accueilli et m'ont hébergé pendant quelques jours le temps
que je trouve un logement. A part ça je ne connaissais personne en
France. » (Extrait d'entretien avec M.D, étudiant
Sénégalais)
Il faut dire cependant que la question du logement reste l'une
des problématiques qui reviennent le plus souvent dans les
enquêtes sur les étudiants. Il en est donc de même pour les
étudiants étrangers. D'ailleurs dans l'enquête TNS Sofres -
Campus France, le logement est cité comme le problème majeur que
les étudiants étrangers rencontrent en France après le
coût de la vie. Déjà trouver un logement est un
véritable casse tête et encore plus, quand il s'agit d'un
étudiant puisque que par définition l'on considère souvent
que celui-ci n'a pas de revenus suffisamment élevés pour
rassurer les bailleurs. C'est d'autant plus compliqué pour un
étudiant étranger car faudrait il souligner qu'ils sont parfois
victimes de discrimination. Dès lors, le logement demeure une question
essentielle dans la vie de ces étudiants étrangers. Il peut
être un motif de satisfaction dans la mesure ou l'étudiant se
contentera d'avoir un logement stable, fixe ou il pourra recevoir tout son
courrier. Le logement peut aussi être source d'inquiétude car il
faut nécessairement trouver les revenus s'acquitter de son loyer.
En plus de cela, s'ajoute la préfecture qui est aussi
une des sources du stress que les étudiants étrangers sont
obligés de vivre. Dés la venue sur le territoire français,
il faut pouvoir prouver qu'on a une adresse fixe et pour ce faire il faut
fournir les quittances de loyer (pour un locataire), les factures EDF et
parfois les fiches d'imposition. Il demande également que
l'étudiant justifie chaque année ses ressources
financières de l'année précédente pour ce qui ont
durée, de même pour l'année suivante, une inscription
administrative et la preuve que l'étudiant était assidu au cours
et qu'il a produit de bon résultat.
Compte tenu de toutes ces expériences et de la venue en
France quelque fois « bricolée » sans compter les
dépenses personnelles, les conditions de vie des étudiants
étrangers en particulier ceux venant de l'Afrique sont souvent
alarmantes. Certains étudiants vivent le calvaire et dans le stress en
permanence. D'ailleurs, ils sont les plus nombreux à recourir au service
sociaux pour pouvoir bénéficier d'une aide. Les étudiants
africains font plus souvent appel à une assistante sociale que les
étudiants français.( Mandrilly, 2007) En effet, l'Etat
français a destiné le Fonds de Solidarité Universitaire
(FSU) qui permet aux CROUS d'accorder, sous forme de prêts, d'allocations
exceptionnelles ou de dons, une aide financière rapide aux
étudiants momentanément en difficulté. De nombreux
étudiants étrangers font des demandes qui feront l'objet d'un
dossier instruit par une assistante sociale. Ensuite, c'est à la
commission du Crous de décider de l'attribution ou pas d'une aide.
Chapitre 6 : A la recherche d'une activité
numéraire.
Avant de s'intéresser aux facteurs permettant de
comprendre la dualité étude-travail chez les étudiants, il
est plus judicieux de montrer d'abord en quelques mots comment font ces
derniers pour trouver du travail. En réalité, l'obtention d'un
job étudiant n'est pas aussi facile surtout quand il s'agit de petite
ville comme Poitiers. D'ailleurs beaucoup d'étudiants
préfèrent partir dans des villes comme Paris, Bordeaux, Rennes
etc. ou, même si la vie est plus chère, offre plus de perspectives
de travail. Cependant les étudiants ont plusieurs modes et sources
d'informations. D'après les travaux d'Etienne Gérard, trouver un
travail chez les étudiants peut relever soit d'un effort personnel,
soit, par des connaissances ou encore par des relations familiales.
Source : Gérard E. et al,
(2008), p.84.
Après notre enquête, nous avons pu savoir que la
plupart des étudiants trouve du travail à partir d'initiatives
personnelles. On note des efforts personnels fournis par les étudiants
à travers la consultation des annonces qui sont faites dans la presse
écrite, des recherches sur les sites internet (Jobrapido,
Météojob, leboncoin, pole emploi, etc.). Ces sites internet sont
très souvent visités par les étudiants car ils mettent en
place un très grand nombre de publications concernant les offres
d'emploi. Ils font également des portes à portes dans les
restaurants et les grandes surfaces ou encore dans les agences d'intérim
pour déposer leur CV ou candidature spontanée.
D'autres aussi s'appuient sur leur propre réseau
d'interconnaissance pour trouver un travail. En réalité, dans le
cadre des étudiants Sénégalais et Maliens, il est
fréquent de rencontrer un étudiant qui a trouvé un travail
grâce à une personne de même nationalité. Il s'agit
le plus souvent des ainés encore appelés par les étudiants
les anciens qui servent de piston pour insérer les nouveaux qui viennent
d'arriver ou qui n'ont pas encore trouvé de travail. D'autres par contre
peuvent solliciter un étudiant qui n'a pas de travail pour qu'il le
remplace lorsqu'ils ne sont pas disponibles ou encore partent en vacance.
Toujours dans le même sens, il est aussi important de souligner le
rôle que jouent certaines associations étudiantes dans la
recherche d'un emploi. Ces dernières qui sont les premiers
réseaux à être en contact avec les étudiants, sont
très souvent sollicitées par les nouveaux pour trouver un
travail. C'est la raison pour laquelle, elles organisent souvent des ateliers
pour aider les étudiants à se faire un bon CV qui leur permettra
par la suite de pouvoir avoir du travail. Dans leur site internet aussi, elles
publient fréquemment des offres d'emploi.
Dés lors, il est perceptible que dans la vie
quotidienne de ces étudiants, le travail rémunéré
pendant les études occupe une place importante. Mais comment faut-il
comprendre l'intérêt majeur à exercer une activité
rémunérée ? Après notre enquête, les
résultats sont exposés dans les parties suivantes.
6.1. Le travail, une quête d'autonomie
financière?
Compte tenu de cette forte propension d'étudiants
africains en particulier Sénégalais et Maliens qui cumulent
étude et travail, il est nécessaire de s'interroger sur les
mobiles de leurs actions. Sur ce, le désir d'autonomie a
été le facteur le plus évoqué par nos
enquêtés. Sur 11 répondants, 09 parmi eux expliquent leurs
activités rémunérées par le fait de vouloir
être indépendant de leurs familles qui sont dans leur pays
d'origine. Mettant en avant la situation sociale et économique de leur
pays d'origine et des membres de leur groupe social, le travail
rémunéré s'impose à leurs yeux comme une
façon de s'autonomiser. Mais Comment faut-il comprendre cette puissante
revendication d'autonomie financière ?
En effet, le voyage à l'étranger constitue, pour
les étudiants interrogés, une période de transition et de
passage à la responsabilité. Cette transition se traduit
notamment par un processus d'indépendance et d'autonomisation
vis-à-vis des parents. Précisons que par autonomisation, nous
entendons cette capacité de pouvoir se prendre entièrement en
charge et de ne plus dépendre financièrement des autres pour
vivre et satisfaire ses besoins. Comme souligner dans les paragraphes
précédents, ces jeunes se situaient souvent dans une situation ou
ils n'avaient aucune perspective devant eux et furent pris en charge par la
famille. Partir à l'étranger constituait pour ces eux le
préalable intangible, le moyen le plus sûr de pouvoir, plus tard
plonger dans le versant valorisant et gratifiant de l'univers adulte. Il faut
partir, s'éloigner du groupe et de la famille pour devenir adulte et
responsable. C'est-à-dire faire mourir l'enfant qui dort en eux. Partir
leur permet de devenir adultes, en tuant en eux la partie infantile que leur
maintien dans leurs univers social et familial entretient.22(*)Beaucoup de jeunes n'envisagent
plus d'être pris en charge par la famille. En réalité, aux
yeux de leurs sociétés, c'est une honte d'être encore sous
la charge des parents à un certain âge d'où la
nécessité de trouver une solution à cette situation qui
les minimise socialement. Dés lors, la première étape sur
le chemin de l'indépendance après le départ vers
l'étranger, constitue de trouver le moyen de se prendre en charge.
Ainsi, quel que soit les motifs du voyage, le travail constitue la
première étape pour rendre effectif ce désir d'autonomie.
A ce propos, travaillent-ils pour pouvoir s'acquitter de leurs besoins sans
attendre la famille:
« Si je ne travaillais pas, j'allais être
dans la merde. Je n'allais pas pouvoir payer mon loyer et vivre comme il le
faut aussi. Moi je suis quelqu'un qui n'aime pas dépendre des
gens. Je veux être autonome. Moi je préfère vivre de moi
même que de vivre sur le dos des gens. Dans la vie, il faut
vraiment vivre de soi même quoi. A un certain moment, il faut vraiment
prendre sa vie en main quoi. Surtout à 23 ou 24ans. Je pense
que c'est à l'âge à laquelle ou on estime que la famille a
tout fait pour nous et qu'il est temps de prendre sa vie en main et de les
aider en retours. C'est comme ça que je suis
éduqué» (Extrait d'entretien avec S.B, étudiant
Malien)
Cet étudiant met surtout en exergue le rapport entre
l'âge et la prise de responsabilité qui se traduit par sa
capacité de se prendre en charge. En réalité, les
sociétés traditionnelles étaient
caractérisées par la vie de communauté ou l'esprit de
partage était au centre des relations. Il appartenait à la
famille de soutenir le jeune qui ne parvenait pas à subvenir à
ses besoins. Cela s'est longtemps manifesté par les longues nuits
blanches ou des séances de thé toute la journée, tout en
étant assuré d'avoir les trois repas quotidiens. Mais
aujourd'hui, nous avons assisté à de profondes
mutations. « Les conditions de vie très difficiles ont
fini par détériorer les rapports interpersonnels y compris au
sein des familles qui assument de moins en moins leurs fonction de remparts
sécurisant. Pour les jeunes, chez soi, c'est désormais
là où l'on pourra trouver du travail et gagner sa vie. Chez soi,
c'est là où l'espoir leur est encore permis. »23(*) En effet, le jeune homme qui
reste sur la tutelle de ses parents jusqu'à un certain âge est de
plus en plus mal perçu voire même considérer comme un
paresseux voué à vivre au crochet des autres. Ceux là sont
très souvent considérés comme de mauvais fils car certains
parents se lancent souvent à des comparaisons avec d'autres personnes
qui, parce qu'ils ont réussi à se trouver un travail, s'occupent
de leurs parents ou même entament des travaux de réfection de
leurs maisons par exemple. Dans ces sociétés, un jeune est en
effet généralement minimisé au niveau social s'il n'a pas
la capacité de s'auto prendre en charge et d'être en mesure de
participer dans les dépenses quotidiennes de la maison. Cette situation
est encore beaucoup plus amplifiée lorsque la personne se trouve
à l'étranger et qui continue de dépendre de ses parents.
Dans cette situation, leur seule possibilité de mise à
contribution réside dans l'accès à l'emploi et à
des revenus. Mais, le fait d'être pris en charge par la famille
développe chez eux un sentiment d'être un éternel
assisté. Cette situation les confine dans une impossible
réalisation sociale, une impossibilité d'entrer par la grande
porte dans l'espace public. L'exercice d'une activité
rémunéré permettant de mieux assurer l'accession à
la majorité sociale en gagnant plus d'estime et de considération
aux yeux des autres. En effet, Il existe une multitude d'étapes de la
vie qui viennent marquer le passage à la majorité ou
l'entrée dans la vie adulte. Parmi elles le mariage, l'autonomie
résidentielle qui définie comme le fait de quitter la
résidence familiale pour accéder à son propre logement,
à titre de locataire ou de propriétaire et la recherche d'un
emploi. Ce dernier point représente qui constitue un moment crucial
puisque l'accès au travail conditionne en grande partie la
réussite sociale et économique. L'autonomie financière
constitue en quelque sorte une condition préalable nécessaire
pour déclencher les différentes phases devant conduire à
la pleine indépendance. Selon les travaux de Philippe Antoine,
l'entrée dans la vie adulte pourrait se définir comme le
franchissement d'un seuil au-delà duquel on sort de la catégorie
des personnes à charge pour prendre en main son existence et devenir un
véritable acteur de la société, notamment en assurant sa
reproduction. Ce passage d'un statut à un autre ne se fait toutefois pas
aussi aisément que sa définition peut le laisser paraître,
ni selon un modèle unique, en suivant un chemin déjà
tracé par les aînés.24(*)
En plus de cela, il faut aussi admettre que la situation
économique des parents de la plupart d'entre eux ne permet pas aussi de
bénéficier d'une aide. La plupart d'entre eux sont issu de
famille pauvre n'ayant une pas une situation financière solide.
« Je pense que moi réellement, je ne viens
pas d'une famille riche entre guillemet donc voilà quoi. Je peux dire
que je suis là... bon..., en fait c'est vrai que c'est pour les
études mais souvent quand on est France, les gens penses que tu peux
étudier et travailler. Donc pour quelqu'un qui, effectivement ses
parents ne sont pas des fonctionnaires internationaux ou des ministres qui
peuvent t'envoyer de l'argent, c'est difficile que des gens t'envoient de
l'argent. Donc du coup, la seule chose que tu peux faire c'est de travailler
à coté. Je pense que la plupart des étudiants africains
ont ces petits plans là. Ce n'est pas évident que les parents
envoient tout le temps de l'argent. Ils peuvent le faire au début mais
ils ne peuvent pas le faire continuellement quoi. Donc il faut faire des
efforts et de trouver un petit plan quoi. Moi je trouve ça formateur.
Ça m'a permis en tout cas d'évoluer et de faire ce que je veux,
d'acheter ce que je veux acheter et de faire des économie et de pouvoir
aller en vacance quand je veux. Ça te permet d'avoir un peu
d'économie parce que c'est toi même qui te prend en
charge. Tu n'es pas lié à quelqu'un. Tu essaies de gérer
comme tu peux. » (Extrait d'entretien avec M.B, étudiant
Malien.)
A travers cet extrait d'entretien, l'on peut tout de suite
dire que ce désir d'autonomie est inextricablement lié à
la situation socio économique de la famille du pays de départ.
Travailler devient une façon de libérer la famille de cette
lourde tache. En effet, étant obligé d'honorer le loyer, manger,
payer les inscriptions à l'université, acheter ses fournitures
scolaires, payer ses factures d'électricité, de gaz, d'eau, de
téléphone, son abonnement de transport etc., certains
étudiants sont conscients du fait que leurs parents ne peuvent pas les
prendre en charge. Leurs familles n'ayant pas la capacité
financière pour le faire. Dans ces conditions, il est donc
nécessaire de trouver des ressources. Voilà pourquoi, nombreux
parmi eux sont prêts à tout pour se trouver un travail
considéré comme un moyen de s'acquitter de ses propres besoins.
Ainsi, en fonction de leur histoire et de leurs valeurs socioculturelles, les
jeunes sont amenés à élaborer des choix propres à
leur génération. Mais aussi, le contexte socioéconomique
spécifique de la période constitue une contrainte à
laquelle doit se plier le candidat à l'insertion.
Ces étudiants cherchent alors dans le travail, la
possibilité d'assurer les rôles qui leur sont
dévoués et de retrouver la place et la considération dans
la famille ou du groupe social d'origine. Cependant, pour satisfaire cette
attente, il faut d'abord avoir les moyens. Avant de pouvoir être
autonome, il faut d'abord avoir. L'affirmation individuelle se réalise
dans une large mesure dans l'acte d'avoir et de donner. Au vu et au su de ce
qui précède, l'on peut tout de suite comprendre pourquoi certains
étudiants travaillent à des heures supérieures à la
limite autorisée. D'autres par contre, s'adonnent au travail au noir
appelé encore travail dissimulé. En d'autres termes, ils
s'autorisent à faire un travail alors que leur employeur ne les a pas
déclarés à l'URSSAF ("déclaration préalable
d'embauche"). Dans cette situation, l'employeur échappe aux charges
patronales et l'étudiant ne reçoit ni contrat de travail, ni
bulletin de salaire. Ce qui est illégal. Au-delà de s'enfreindre
à une activité illégale, l'étudiant court de
nombreux risques. Si l'étudiant a par exemple un accident, une blessure
dans son lieu de travail, il ne lui sera pas remboursé ses frais
médicaux par la sécurité sociale via la cotisation
accident du travail. En effectuant un travail au noir, l'étudiant ne
cotise pas ne cotise pas pour la retraite et peut vous licencier du jour au
lendemain par son employeur, sans qu'il ait la possibilité de faire un
recours. En plus de cela, si par exemple il arrive que l'employeur ne lui verse
pas son salaire ou encore lui donne un salaire moins élevé que
prévu, il ne pourra en aucun cas aller devant les tribunaux pour
contester (la seule solution sera alors de le dénoncer, en apportant des
preuves de votre travail : témoignages, documents).
Malgré tous ses risques, il est avéré
qu'il y a beaucoup d'étudiants étrangers qui font cette pratique.
F.A est pour sa première année à Poitiers. Après
avoir recherché du travail, elle tombe sur un employeur
sénégalais qui a un restaurant. Ce dernier la demande de
travailler pour lui. Ce que F.A accepte en se basant juste sur une promesse de
faire un contrat pour elle. Elle raconte à travers cet extrait
d'entretien son histoire :
« Je ne peux pas le considérer comme du
travail. C'était un Sénégalais qui m'avait
embauché. Je ne dirai même pas qu'il m'a embauché parce
qu'il n'y avait pas de contrat de travail. On peut dire que c'était du
travail au noir parce qu'il m'avait promis un contrat mais il n'a pas tenu sa
promesse. Ce monsieur n'est pas logé à Poitiers mais à
Paris. Il a juste un restaurant à Poitiers. Il m'a contacté pour
me dire qu'il a besoin d'une cuisinière dans le restaurant parce qu'il
n'y avait qu'une seule personne là bas et elle ne pouvait pas tout
faire. Comme ça j'ai accepté mais je lui avais demandé
qu'on fasse un contrat. Il m'a dit que je peux commencer à travailler et
qu'il sera à Poitiers d'ici la fin du mois et il me fera le contrat.
Là j'ai accepté. Et j'ai commencé à travailler le
12 Janvier. Il m'avait dit qu'il allait me payer les jours que j'ai
commencé après on fait un contrat et j'étais d'accord
parce que j'avais confiance en lui. Le 3 février, la gérante m'a
appelé pour me dire que le propriétaire a appelé mais il
veut que tu travailles tous les jours désormais parce que l'autre
cuisinière doit partir au Sénégal. Là j'ai
répondu par le négatif en lui faisant savoir que j'ai des cours
à faire et je suis venu en France pour des études. Donc je ne
peux pas travailler tous les jours. et c'est là qu'il y a eu
problème. Il voulait que je travaille tous les jours. Donc je lui ai dis
que j'arrête de travailler parce que je suis étudiant.
Là, la gérante m'a fait savoir que le
propriétaire viendra dans la semaine et il te paiera ton argent. Elle
m'a même donné un jour pour venir récupérer mon
argent. Je suis allé mais elle m'a dit que le propriétaire n'est
pas encore venu alors qu'il était là. C'est l'autre
cuisinière avec qui je travaillais qui me l'a fait savoir. Le lendemain,
je suis allée de nouveau et j'ai pu rencontrer le propriétaire.
Là, le monsieur m'a donné encore rendez vous le soir parce que
dit il n'avait pas d'espèce avec lui. Il m'a alors donné rendez
vous le soir alors qu'il devait voyager. En ce moment, je devais partir
à Paris alors je lui ai dis que je ne pouvais pas parce que je devais
partir. Alors il m'a dit qu'il aller me l'envoyer dans mon compte une fois
arrivée. J'étais d'accord. Et je lui ai demandé de faire
le tout pour me l'envoyer avant le 10 Février parce que je devais payer
mon loyer. Quand je parti à Paris, je l'ai appelé à
plusieurs reprises et je suis tombé sur sa messagerie. Et j'ai
laissé des messages là bas mais il ne m'a jamais rappelé.
Un soir, l'autre cuisinière m'a appelé pour me
demandé des nouvelles et je l'ai mis au courant de tout. Après
qu'elle ait raccroché, je ne sais pas ce qui s'est passé mais le
propriétaire du restaurant m'a appelé. Il disait qu'il a entendu
que j'allais appeler la police et que j'allais porter plainte etc. il me dit
que tu peux faire ce que tu veux mais tu n'auras rien. Tu peux même
saisir le président François Hollande, il ne peut rien contre
moi. Et puis je n'ai pas ton temps. Je lui ai dis ok et j'ai raccroché.
Depuis lors il ne m'a plus rappelé, il ne m'a pas payé. J'en ai
parlé avec la personne qui m'avait mis en contact avec lui mais
jusqu'ici il n'y a pas du nouveau. »
Cette forte obsession de travailler s'exprime à travers
cet extrait d'entretien. Cette étudiante ayant accepté de
travailler sans contrat en se basant juste sur des promesses explique par la
suite les raisons qui l'ont poussé à accepter cela :
« Ce n'était pas parce que je voulais faire
du travail au noir mais c'était la seule chose que j'avais
trouvé. Je voulais avoir un contrat après et j'avais aussi
confiance en lui. Mais il n'a pas respecté ses engagements. Avec ce
travail j'espérais beaucoup de choses. C'est pourquoi, quand il m'a
escroqué, j'avais vraiment mal. Je me disais que j'ai enfin
trouvé du travail et que je pourrais payer mon loyer chaque fin du mois,
je pourrais également subvenir à tous mes besoins sans demander
à mes parents et même faire des économies. Parce
qu'à mon âge, je ne dois plus demander à mes
parents. Ils ont déjà tout fait pour moi. Maintenant, il
faut que je me débrouille. Malheureusement, on m'a trahi. »
(Extrait d'entretien avec F.A, étudiante Sénégalaise)
Ainsi, il est perceptible que cet idée de s'autonomiser
reste toujours l'élément central qui favorise la recherche d'un
travail chez nos enquêtés. Se tenir à l'écart du
travail entraine une dépendance total vis-à-vis de la famille ou
d'un membre de la famille, surtout lorsque l'étudiant n'est pas
boursier. Dés lors il faut par tous les moyens possibles s'auto prendre
en charge. Cette forte revendication d'autonomie de la part des
étudiants traverse et transcende les situations économiques dans
le pays d'accueil mais inclus une dimension sociale qui se traduit par cette
injonction morale à la responsabilité que la plupart des jeunes
ne peuvent esquiver sous peine de rester en deçà des
réquisits auquel doit satisfaire tout individu de leur âge. Le
travail constitue un moyen possible de se réaliser personnellement.
Détenir un emploi est encore aujourd'hui synonyme de réalisation
de soi et surtout d'intégration sociale (Méda, 1995). Elle permet
de se procurer une valorisation de soi et d'être reconnu comme
responsable aux yeux des autres. Dès lors, il constitue une sorte de
sociabilité et s'inscrit comme une logique sociale qui favorise ou
réconforte la maturité.
En réalité, le travail
rémunéré chez les étudiants
Sénégalais et Maliens peut même être pris comme une
revendication généralisée et par là même a un
caractère sociale, dans la mesure où même ceux qui sont
issus de famille aisée s'autorisent à exercer une activité
rémunérée comme l'exemple de cet étudiante
sénégalaise qui a fait ses études dans des écoles
privées prestigieuses de Dakar et qui bénéficiait de
l'aide de ses parents chaque moi. D'une mère ancienne dactylo et d'un
père expert comptable, elle affirme avoir exercé une
activité rémunérée malgré le fait qu'elle
recevait une somme de la part de ses parents. Ceci pour prouver qu'elle peut se
débrouiller seule. Même étant malade, alors que ses parents
l'ont suggéré de ne pas travailler et qu'ils s'occuperaient de
tout, elle n'a pas manqué de travailler quand même. Dans
l'entretien qu'elle nous a accordé, elle dit :
« Je voulais faire comme tout le monde.
C'est-à-dire faire comme tous les étudiants étrangers qui
sont là qui cherchent du travail et qui... qui souffrent quoi ! Il
fallait que je vive cette expérience là. Je peux dire que je ne
suis pas en très bonne santé c'est pourquoi mes parents me
disaient pourquoi tu travailles ? Ne travailles pas surtout quand tu sais que
tu n'as pas la santé. Mais je disais non ! Ça va, ça va,
ça va ; Il fallait que je travaille. J'avais besoin de travailler pour
pouvoir faire de mon argent ce que je voulais. Parce que quand même mon
père n'est pas jeune, il n'a pas non plus une bonne santé, donc
voilà il se tue quand même pour envoyer de l'argent à moi
et à ma soeur. Je ne pouvais pas me permettre de faire certaine chose.
Alors que quand je travaillais et que c'étais mon argent à moi,
je pouvais en faire ce que voulais. Je ne sais pas si vous voyais ce que je
veux dire. Donc voilà j'ai travaillé. Et voilà ça
me permettais de dire à mon père de m'envoyer la moitié de
ma somme habituelle. J'ai trouvé un travail. Paies moi le loyer, le
reste je gère. Voilà mes parents étaient d'accord. Ma
mère m'encourageait. Mais après c'est mon père qui
n'était pas d'accord car il se soucier de ma santé. Mais
j'insistais quand même et c'est quand même une belle
expérience. Moi je n'ai pas envie d'être traité
d'une fille à Papa. Moi je n'ai pas envie d'être traité
d'une fille à Papa. Ça c'est un truc qui m'énerve quoi.
Ça m'énerve! Je veux être autonome. Je ne veux pas
dépendre des autres. Après tout je rends grâce
à Dieu parce que quand j'ai besoin d'une chose, il me suffit d'appeler
et d'être aider par la grâce de Dieu. Mais il fallait que je fasse
comme tout le monde pour pouvoir connaitre la vraie valeur de l'argent. Moi
j'ai eu le bac et je suis venue ici directement sans passer à
l'université Cheikh Anta Diop comme les autres. Je n'ai jamais
été là bas. La seule fois ou je suis passé
là bas j'accompagnais ma soeur mais j'étais choquée. Je me
disais intérieurement est ce que tu réalises la chance que tu as
? C'est pour prouver que c'est bien de souffrir de temps en temps. Pour mon
premier jour de travail, quand je suis rentrée, je pleurais comme une
malade. J'avais les pieds enflés. C'était dur. C'était
très dur mais j'avais besoin de faire ça. J'avais besoin de
prouver que ce n'est pas parce que papa et maman sont là que tu dors.
Parce que nos papas et mamans ne sont pas éternels sur terre. Tôt
ou tard, ils partiront. Donc il faut que je sache me débrouiller, savoir
comment faire en cas de besoin. C'est pourquoi je voulais faire comme tout le
monde. Les garçons faisaient la plonge et nous les filles, on faisait le
ménage. Celles qui avaient plus de chance étaient serveuses.
(Extrait d'entretien avec ND. C, étudiante sénégalaise)
Dés lors, le désir de s'autofinancer
dépasse largement le clivage des classes sociales. On voit que
l'exercice d'une activité professionnelle s'observe également
chez les jeunes d'origine favorisée. En réalité, le sens
de l'honneur, qui implique chez les Sénégalais les notions de
jom (fierté) et de nawlé (égaux sociaux)
assigne à l'individu de relever le défi social en se hissant
à la hauteur des performances de gens de sa classe d'âge (Mboup,
2000, p.91). Il constitue sans doute des éléments qui favorisent
la recherche d'une activité rémunéré pour ne pas
dépendre des autres. Ce désir d'autonomie pouvant ici être
compris comme des dispositions, ces étudiants, étant
déjà préparer et socialisé à apprendre
à être autonome. Le travail étant alors un important
intégrateur pour reprendre les termes d'Yves barrel. Ce dernier,
qualifié le travail de "Grand Intégrateur". Selon l'auteur, ce
modèle remplirait trois fonctions essentielles qui sont l'organisation
sociale, le maintien de l'ordre et la création du sens. Le travail, qui
est lui-même une norme, permet l'intégration sociale et constitue
l'une des formes majeures du lien. Le travail, outre qu'il permet le gain
financier qui autorise la consommation, définit les identités
sociales, les appartenances et organise les rapports sociaux.25(*)Le travail constitue donc une
méthode d'affirmation personnelle, un gage de réussite et, pour
reprendre les termes de Bourdieu, un élément de positionnement
social.
Sur un plan analytique, l'on peut tout de suite affirmer que
le travail salarié en marge des études semble agir comme un
révélateur des rapports familiaux et sous certaines conditions,
comme le producteur de dynamiques singulières qui articulent les
nouvelles tensions entre les différents ancrages de la vie quotidienne.
On approche ici du « travail des individus » qui, en combinant des
logiques d'action contradictoires, met les individus en mouvement par la
tension qu'il crée entre des principes qui s'opposent.
(Froment, 2012)
Toutefois, il est important de souligner que même si le
désir d'une autonomie financière vis-à-vis de la famille
est bien un motif de la recherche d'une activité
rémunérée, force est de reconnaitre, cette autonomie
financière s'accompagne quelques fois de nouvelles obligations pour
l'étudiant vis a vis du groupe familial. A partir du moment ou
l'étudiant parvient à vivre et à s'entretenir seul sans
l'aide de la famille, la relation de dépendance avec la famille ou le
groupe social d'origine change de nature. Une sorte de pression morale l'oblige
à aider et à soutenir sa famille.
6.2. Le travail comme une
contrainte.
6.2.1. La pression famille.
Même étant séparé
géographiquement avec leur pays d'origine, ces étudiants
maintiennent toujours des relations avec leurs familles. Cependant ces
relations sont pour la plupart du temps pour des raisons économiques,
leurs contributions au fonctionnement de la maison et des dépenses
quotidiennes. Comme mentionner dans les paragraphes qui
précédent, la décision d'émigrer est fonction des
perspectives d'emploi et de l'espérance de revenu plus
élevé dans le pays de destination. Donc, l'espoir de
remédier à cette situation demeure au coeur du voyage. Plus il y
a des opportunités de travail ou de revenu dans le pays d'accueil, plus
la propension de partir est forte. Toutefois, il faut tout de même
souligner l'influence de la famille dans le départ. Beaucoup de jeunes
partent vers d'autres cieux dans le but de répondre aux attentes de la
famille qui devient de plus en plus un fardeau pour eux. La forte injonction
de réussite pousse ces personnes à voyager vers d'autres cieux
dans l'espoir de trouver les moyens nécessaires pour servir. D'ailleurs,
pour diversifier les sources de revenus et ainsi échapper aux risques
liés à des chocs pouvant affecter l'activité
économique dans le pays d'origine (Azam et Gubert, 2002), certaines
familles sont prêtes à envoyer un membre vers l'étranger.
En effet, dans beaucoup de sociétés africaines, la migration est
le plus souvent posée dans un contexte familial. La migration reposerait
sur une stratégie familiale au sein de laquelle l'individu se trouve
confiné. Du fait qu'en Afrique la famille (ou le ménage)
fonctionne comme une unité de production, de consommation et de
socialisation, elle jouit d'une rationalité économique et
constitue en même temps un centre de décisions stratégiques
(Stark, 1980; Harbison, 1981 ; Gregory et Piché, 1986; Root et De Jong,
1991). Dans ce cadre, le groupe familial exerce une forte pression sur la
personne, pouvant entrainer ainsi la décision de migrer d'un ou de
plusieurs de ses membres. Cette pression sociale ou familiale est encore
beaucoup plus accentuée lorsque la personne arrive à
réaliser son voyage. A cet effet, même les étudiants n'y
échappent pas. Ils sont eux aussi considérés comme tous
les autres migrants donc ayant la capacité d'aider. Dans l'imaginaire de
la plupart de familles d'origine, le voyage est synonyme de réussite,
d'accession à la fortune.
« Il faut étudier et travailler à
coté pour s'en sortir. Non seulement pour financer les études
mais aussi pour se nourrir et avoir quelque chose. Sans oublier aussi ceux qui
nous attendent au pays. Déjà, quand ils savent que tu es
à l'étranger, ils ont une autre vision sur toi. Ils se disent
qu'il doit avoir de l'argent puisqu'il est en France. Du coup, on ne
peut pas rester là les bras croisés en ne faisant que les
études. Parce qu'il espère qu'on pourra les aider. De ce fait
avec le travail à coté on finance les études mais aussi on
aide la famille. » (Extrait d'entretien M.D, Etudiant
Sénégalais)
Ces étudiants se voient dans l'obligation de satisfaire
les demandes et les attentes qui ne peuvent se réaliser que par
l'exercice d'une activité rémunérée. Ainsi, le
travail étudiant étant ici directement lié à la
situation sociale et économique de la famille du pays de départ.
Si l'on part de notre idée de départ qui postule que la migration
relève d'une stratégie familiale et d'une forte pression sociale
qui répond à la précarité économique du
ménage, on peut tout de suite s'attendre à ce que la personne
tente à tout pris de redistribuer les profits de la migration avec la
famille d'origine. Ce qui se traduit par les nombreux transferts d'argent des
étudiants. En principe, c'est la famille qui devait aider
l'étudiant en finançant ces études mais la
réalité montre le contraire. Les flux de transferts partent
plutôt du pays d'accueil au pays de départ. De nombreux
étudiants s'adonnent à ces transferts d'argent. Certains prennent
même en charge les besoins de base du ménage d'origine
(alimentation, cérémonies, santé, logement).
L'obsession de travailler peut être aussi le fruit d'un
comportement altruiste de ses étudiants. En d'autres termes, ils
travaillent pour envoyer de l'argent parce qu'ils souhaitent par eux même
soutenir leur famille qui sont parfois aussi dans le besoin. En
réalité, quelques uns de nos répondants expliquent leurs
activités rémunérées par le fait de vouloir aider
leurs familles. Ces derniers évoquent toujours un sentiment de redevance
vis-à-vis de leurs parents. Ils estiment que ces derniers ont tout fait
pour eux et que c'est à leur tour de rendre la monnaie de la
pièce. Il s'agit d'une sorte d'exécution d'un contrat moral par
lequel l'étudiant cherche tant bien que mal à satisfaire en
aidant à son tour ses parents. On peut même parler d'une sorte de
contre don dans le sens de M. Mauss26(*), l'étudiant étant obligé de
rendre à ses parents l'investissement faits sur lui.
« Aujourd'hui, les temps ont changé, nous ne
sommes plus des enfants, on a grandi. Avec tout ce que les parents fait pour
nous ont fait pour nous...ils se sont occupés de nos études, ils
ont tout fait pour nous. Maintenant qu'on a grandi jusqu'à
atteindre certain niveau, en un instant, il faut vraiment les aider et les
prendre en charge comme ils l'ont fait pour nous. Parce qu'ils n'ont
plus la même force et les mêmes moyens. Ils sont agés
maintenant. Certes, il y a en qui ont des parents qui ont toujours les moyens.
Et même si c'est le cas, ce n'est pas une raison de ne pas le faire pour
eux. Mais il y a des gens qui ont des parents qui ne font plus rien comme moi.
Ma mère est une femme au foyer, elle ne fait plus rien et elle a presque
60 ans. C'est nous qui l'avons pris en charge. C'est nous qui l'envoyons de
l'argent, c'est nous qui faisons tout pour elle. Si elle a besoin de quoi que
ce soit, elle nous demande. C'est pourquoi je me débrouille et je
travaille pour l'aider. » (Extrait d'entretien avec A.D, Etudiante
Sénégalaise)
La souffrance de la plupart de ses jeunes est autant de ne pas
avoir que de ne pas pouvoir rendre souligne Mahamet Timera. Selon ce dernier,
cette logique du don et du contre-don, du remboursement de la « dette
sociale », structure les relations interpersonnelles dans l'espace
familial, mais aussi dans l'espace public communautaire ou local, voire
national. Les jeunes adultes sont, en tant que cadets, fortement tributaires de
cette logique. Et, alors qu'arrive le moment de la restitution, leur tour de
donner, ils vivent une crise de mobilité qui les confine dans une
impossibilité d'être socialement. C'est particulièrement le
cas des jeunes citadins qui, à la différence de leurs homologues
ruraux ne peuvent, par une mobilisation dans les travaux agricoles, rendre ou
commencer à rendre ce qu'ils ont reçu. Pour les jeunes citadins,
la seule vraie reconnaissance passe par l'accès à l'emploi
rémunérateur. C'est la condition de leur entrée dans
l'espace public comme individus majeurs ayant un statut social.27(*)
Ainsi, à l'image du jeune citadin évoqué
par Timera, l'emploi rémunéré constitue pour
l'étudiant une moyen pour assurer non seulement son autonomie
financière mais aussi de pour pouvoir s'acquitter de cette dette sociale
en soutenant la famille ou le groupe social d'origine. En
réalité, le soutien apporté à la famille constitue
une sorte d'assurance pour ses étudiants qui pensent avoir accomplir
leur mission. Cette étudiante continuera pour expliquer son attitude
envers ses parents par la culture. En effet, dans la plupart des
sociétés africaines, la réussite et la réalisation
de la personne est en étroite relation avec ses parents. L'individu qui
arrive à rendre heureux ses parents en les aidant et en les entretenant
est perçu comme le bon fils qui a toutes les chances pour s'enrichir.
C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre A.D qui considère que
le fait d'envoyer de l'argent à ses parents ne fait que
l'enrichir :
« C'est juste que comme je l'ai dis tout à
leur, ça fait partie de notre culture. Quand tu partages ce que
tu gagnes avec ta maman, ça ne fait que t'enrichir. Pour moi,
le fait que j'envois de l'argent à ma mère, c'est quelque chose
qui m'aide beaucoup ici. A chaque fois que je le fais, je vois que ça
m'enrichi. Aujourd'hui, si je gage 50 euros par exemple, si j'envois les
25euros à ma mère, avant la fin de la semaine je vois que je
gagnerai encore plus. Ça va se multiplier d'avantage. Et ça ne
diminuera en rien l'argent que je gagne. Au contraire ça
m'enrichira. C'est comme si je gagne des intérêts
quoi. » (Extrait d'entretien avec A.D, Etudiante
Sénégalaise)
Ces transferts d'argents remplissent un rôle très
important dans l'économie de ces familles. Nombreuses sont les
études qui défendent l'idée selon laquelle la migration et
les transferts d'argents des migrants peuvent représenter pour les pays
en développement, en particulier ceux de l'Afrique subsaharienne, un
moyen efficace pour participer à l'économie mondiale, de financer
leur développement et de réduire la pauvreté.28(*) Dans un rapport
intitulé Global Development Finance 2005: Mobilizing Finance and
Managing Vulnerability, la Banque mondiale précise clairement que les
transferts de fonds des migrants constituent une source de plus en plus
importante de financement du développement, qui, dans certains pays,
dépasse même l'aide publique au développement.
« Les fonds envoyés dans les pays en développement par
des émigrés travaillant à l'étranger,
résidents ou non résidents ont augmenté, d'après
les estimations, de 10 milliards de dollars (8 %) en 2004, pour atteindre 126
milliards de dollars », indique la Banque.29(*)Toutefois, il est important de
souligner que si l'on y ajoute les flux non-officiels (le convoyage par des
parents, des amis ou par le migrants lui même et le versement à
des intermédiaires pour les transferts informels) qui n'ont pas
été pris en compte par la banque mondiale, le montant total
pourrait être encore beaucoup plus élevé.
Au fil des ans, la région de Kayes, au Mali, a
bénéficié de tels transferts de fonds. D'après la
Banque mondiale, l'argent envoyé par des Maliens vivant en France a
contribué à la construction de 60 % des infrastructures. Environ
40 associations de Maliens émigrés en France ont apporté
leur appui financier à près de 150 projets, dont la valeur totale
sur 10 ans a été évaluée à 3 millions
d'euros. Quant au Sénégal, la BAD estime dans une enquête
en 2007 à 822milliards de francs CFA le montant total des envois
d'argent reçus par le Sénégal en 2005, Soit 19% du PIB.
L'ampleur des transferts d'argents des émigrés
témoigne donc de leur poids sur l'économie nationale mais aussi
dans le budget de consommation des ménages bénéficiaires.
Ils constituent une forme d'assurance contre la précarité des
conditions de vie des familles qui en bénéficient. Leur
progression nous renseigne sur le fait que, de simples revenus d'appoint, ils
sont devenus une source de revenu permanente pour ces derniers. Ce qui entraine
quelques fois une sorte de dépendance entre le migrant et les
bénéficiaires. Une fois en place, l'étudiant est parfois
obligé de subvenir régulièrement aux besoins de
consommations courantes de la famille. Certaines familles n'hésitent pas
à solliciter l'étudiant pour des besoins secondaires comme par
exemple des mariages ou encore les fêtes religieuses qui sont
fréquents au pays. En raison de la fréquence de ces demandes, ces
étudiants ne profitent presque pas de ce qu'ils gagnent ici. Ce sont
généralement les parents qui restent au pays qui en profitent.
« On est obligé. Déjà les
parents se glorifient du fait qu'on soit en France. Ils crient partout que leur
fils est en France. C'est une joie pour eux quoi ! Ils pensent tous qu'on a
réussis. Surtout quand tu leur dis que tu travailles à
coté. Ah là ils pensent que tu as assez d'argent. Donc on est
obligé de travailler. A la fin du mois, on partage ce qu'on gagne avec
eux. Et je pense que c'est parfois très difficile de notre coté.
Parce qu'on ne peut pas le faire parfois. Si par exemple On gagne 400 euros par
mois, on paie le loyer à 200 euros, 100 euros pour la nourriture et le
reste on l'envoie à la famille et tu n'as plus rien. »
(Extrait d'entretien M.D, Etudiant Sénégalais)
Ces transferts d'argent constituent un véritable risque
pour l'étudiant. L'observation nous montre d'anciens étudiants
qui ont finit par abandonner les études à cause du travail et des
transferts d'argent. En effet, qu'ils soient étudiants ou travailleurs,
celui qui est à l'étranger est toujours perçu comme
quelqu'un qui a réussi et qui a donc des obligations vis-à-vis de
sa famille. Dans cette perspective, dés qu'ils obtiennent un travail,
certains étudiants tentent à tout prix d'honorer ses obligations
qui finissent par faire d'eux des sortes de prisonniers. Une fois
effectué, le transfert d'argent devient une sorte de tache à
répéter. Ainsi, le travail qui, en principe devait être un
accessoire, devient de plus en plus une priorité au détriment des
études. Lors d'une réunion organisée par le dahiras chez
est un des plus agés de la communauté Sénégalaise
à Poitiers, celui-ci a invité les étudiants à ne
pas tomber sur le même piège que lui :
« A mes débuts en France, j'étais
étudiants comme vous. Je travaillais souvent à coté pour
soutenir ma famille. Mais c'était trop dur pour allier les deux. Causes
pour laquelle j'ai choisi d'arrêter les études pour continuer
à travailler. Aujourd'hui je regrette beaucoup parce que mes
promotionnaires qui sont restés au Sénégal ont plus fait
des réalisations que moi. Je vous conseille de ne pas faire comme moi.
Concentrez-vous sur vos études. »30(*)
La multiplication des demandes d'aides financières
émanant de la famille est très souvent abordée par les
étudiants. A ce propos, un étudiant malien nous a confié
lors d'une discussion que nous avons eu avec lui à la cité marie
curie qu'il déplore fermement le fait que, alors même qu'il est
obligé de se priver de beaucoup de loisirs et de bien matériel,
à travers la pratique de métiers peu valorisant comme la plonge
afin d'accroitre ses revenus, certaines personnes avec qui il a des liens de
parenté envoient des messages pour solliciter de l'argent souvent
destinés à des dépenses de nécessité
secondaire. Il nous a aussi fait savoir que souvent, les parents surestiment
leur capacité financière. Ce qui se traduit par une tendance
à élever encore le niveau des attentes. Dans cette même
perspective, un autre étudiant Sénégal nous confie
à son tour qu'un jour, il a reçu le coup de fil d'un de ses
oncles qui le sollicitait financièrement. A ce propos, cet
étudiant raconte que quand il était au Sénégal, il
ne connaissait même pas cet homme mais aujourd'hui, parce qu'il est
à l'étranger, il est sollicité très souvent.
De nombreuses anecdotes circulent également dans le
milieu des étudiants concernant par exemple des personnes qui sont
sollicitées à travers les réseaux sociaux ( Facebook,
Viber etc.) par des frères, amis ou même de leur petite amie
qu'ils laissent au pays. Jusqu'ici, il faut reconnaitre qu'il existe rarement
des cas de refus. Par contre, certains développent d'autres
stratégies pour s'en sortir par exemple dire qu'ils ne travaillent pas,
d'autres soulignent qu'ils ne répondent plus à des appels
téléphoniques provenant de leurs pays d'origine. Cependant, il
y'en a qui quand même admettent la part de gratification qu'il y a
à se sentir ainsi « quelqu'un d'important »
parce qu'ils sont sollicités. Ce qui en soi contrebalance les
difficultés qu'ils rencontrent au sein de la société
d'émigration et même si cela doit s'inscrire dans un faux jeu.
6.2.2. Travailler pour étudier
Quoi qu'on puisse dire, les études restent quand
même un motif du voyage. D'ailleurs, il est clairement mentionné
sur le titre de séjour de ses étudiants qu'ils ont un visa pour
étude. Après la séparation géographique avec leur
pays d'origine, ces étudiants doivent maintenant s'établir dans
leur nouvel environnement et souvent dans des conditions acrobatiques. Leur
situation économique les oblige à vivre dans des conditions
très difficiles. Et pourtant, ils doivent s'acquitter de leur logement,
des inscriptions etc. En effet, presque toutes les personnes que nous avons
interrogées dans cette enquête (10 sur 11) proviennent de familles
défavorisées socio économiquement. Ils ne reçoivent
aucune aide financière de la part du gouvernement de leurs pays
d'origine. Pour faire face à l'ensemble des dépenses de
subsistance et d'études, ces étudiants sont dans l'obligation de
travailler régulièrement pour pouvoir s'en sortir.
En effet, depuis quelques années, la France a connu une
massification sans précédent du nombre d'étudiants
étrangers. Toutefois, il existe une diversification du profil social de
ces étudiants. Dans ce lot important, une grande partie d'entre eux,
surtout ceux provenant des pays du sud, on note une part importante
d'étudiants issus de familles défavorisées pour lesquelles
le financement des études de leurs enfants est une vraie question.
L'étudiant, après avoir été appuyé
financièrement pour qu'il effectue son voyage, il est laissé
à lui-même une fois dans le pays d'accueil. Il lui revient alors
de se prendre en charge. Dans ces conditions, beaucoup d'étudiants de
notre échantillon éprouvent des difficultés à la
fois économiques et psychologiques. Déjà, ils doivent
s'intégrer dans leur nouvel environnement social et scolaire mais aussi,
ils doivent s'acquitter de leurs besoins quotidiens.
Pour le premier point, la plupart arrive à s'en sortir
grâce aux réseaux de solidarité avec les associations des
différents pays d'origine qui jouent un rôle très
important. Ces dernières accueillent souvent les étudiants, les
hébergent pour les premiers jours et les accompagnent pour certaines
démarches administratives. Ainsi, l'étudiant parvient à se
faire un réseau d'interconnaissance puis s'adapte progressivement dans
le pays d'accueil.
Toutefois un deuxième problème survient lorsque
l'étudiant arrive à se trouver un logement et à s'occuper
tout seul pour vivre. A cet effet, en ce qui concerne le coût des
études, faudrait il prendre en compte plusieurs paramètres.
D'abord, selon les filières, les coûts directs des études
peuvent être très variables, en suite, il ne faut pas oublier les
coûts indirects que constituent le logement et les frais de transports.
Ces deux paramètres pèsent un poids non négligeable dans
la vie de ces étudiants. Aujourd'hui, étant dans des situations
économiques assez critiques, certains étudiants ont de
sérieux problèmes pour se payer le transport (avoir une carte bus
annuelle ou mensuelle). L'observation nous montre parfois des étudiants
qui marchent pour rejoindre leur faculté le matin et parfois même
sous le froid pendant l'hiver au risque de tomber malade. D'autres encore ont
des mois de retard par rapport à leurs logements ou encore n'arrivent
pas à satisfaire leurs besoins vitaux. Pour comprendre les
difficultés que traversent certains étudiants étrangers,
il suffit de faire un tour chez les assistantes sociales. Chaque jour, de
nombreux étudiants les sollicitent pour se payer leur loyer ou encore
avoir de quoi se nourrir. D'autres font recours à des structures comme
les épiceries solidaires à la maison des étudiants ou
encore au restaurant du coeur pour s'approvisionner. Toutefois, il est clair
que certains en abusent parfois pour profiter des oeuvres offertes par ces
services.
Dans toutes ses situations, travailler devient une obligation
pour pouvoir s'en sortir. Exercer une activité
rémunérée s'impose pour certains pour pouvoir payer leur
inscription chaque année mais aussi payer le loyer et leurs besoins
vitaux. Évidemment, cela ne veut pas dire que le rapport au travail se
résume à cette dimension; certains éléments mis en
évidence précédemment reviennent. Cependant, la situation
socio économique des uns et des autres oblige souvent à
travailler:
« Ah, je suis obligé de travailler
pour financer les études. Pour une inscription à 500
euros, et un logement à 1500 euros dans une chambre traditionnelle par
ans ; si tu as la caf bien sure. Donc à peu prêt 2000 euros
par ans, ce n'est pas facile que la famille t'envoie ça vu les
conjonctures économiques au pays. Et surtout il faut tenir compte du
franc CFA qui est très faible par rapport à l'euro. Donc pour
avoir 2000euros, il faut que tes parents t'envoient 2 millions de franc CFA
à peu prêt. Et cette somme là au mali c'est pratiquement le
salaire de beaucoup de Maliens en 5 ou 6 mois. Donc c'est une somme
énorme. Donc je ne peux pas m'attendre à ce que la famille me
fournisse ça, je ne peux pas dépendre d'elle. Donc voilà,
pour pouvoir étudier, ce qui m'a amené ici, je suis
obligé de trouver un job étudiant à coté pour
pouvoir financer mes études et pouvoir
m'entretenir. » (Entretien avec K.B, étudiant Malien,
26ans)
Les mots de cet enquêté abondent dans le
même sens que nos paragraphes précédentes et mettent en
exergue la situation économique des parents qui ne peuvent souvent pas
les accompagner financièrement. La différence du taux de change
entre le FCFA et l'Euro est très souvent soulevée pour expliquer
l'incapacité des familles d'origine à aider. Comme l'affirment
Ronan Vourc'h et Saeed Paivandi, « les étudiants étrangers,
plus particulièrement les étudiants non européens, doivent
donc faire face à des dépenses personnelles plus
élevées et se retrouvent plus souvent en situation de
difficulté financière. Pour y faire face, ils doivent plus
fréquemment se restreindre. » Ainsi, ces étudiants sont
contraints de se débrouiller pour pouvoir s'en sortir. L'activité
rémunéré devient plus que jamais une
nécessité voire même une obligation pour certains. La
poursuite des études est strictement subordonnée à
l'exercice d'activités rémunérées
régulières. Leurs salaires, oscillant entre 350 et 700 euros par
mois, sont juste suffisants pour vivre et laissent peu de place aux
dépenses de loisirs.
En tout cas ce qui est sûr c'est que, réussir ses
études nécessite d'être dans de bonnes conditions
économiques mais aussi d'avoir une tranquillité psychologique. Il
est avéré que dans une large mesure, la sommation de
difficultés économiques affecte les conditions d'études de
ses étudiants. Beaucoup parmi eux affirment qu'avec des
difficultés pour payer leur logement ou encore de se nourrir comme il
faut, ils n'arrivent pas à se concentrer comme il faut pour les
études.
« Si j'avais laissé mon travail, ça allait
être un problème parce que vous savez, quand tu étudies et
que tu as un problème financier, c'est déjà difficile
hein. Parce que les études, c'est des trucs qui donnent à
réfléchir, et si tu as un problème financier, tu vas mal
réfléchir. Vous imaginez ? Moi je me rappelle,
c'était en 2012 avant de commencer mon premier travail au restaurant
universitaire, j'avais à peu prêt six mois de loyer impayé.
Il y avait la secrétaire de la cité Rabelais qui m'envoyait des
messages dans ma boite à lettre pour me dire qu'il faut que j'aille
régler mes loyers impayés. Tout ça me perturbait.
Ça me stressait. Vous savez, quand tu es nouveau dans un pays et qu'on
appelle souvent sur ton numéro personnel pour te demander d'aller payer
le loyer, ça te stresse quoi. Vraiment ça a failli avoir un
problème sérieux dans mes études. Mais j'avais un ami qui
m'a suggérer d'aller voir l'assistance social. Je suis allé la
voir et je les expliqué ma situation. Donc ils ont été
très gentils, ils m'ont écouté et m'ont dit de ne pas me
soucier de la cité et que c'est normal qu'ils font ça. Ils m'ont
aussi aidé financièrement en me donnant 140 euros et un mois de
loyer. Et ça m'a beaucoup aidé. Même le fait de parler avec
eux, ça m'a beaucoup fait de bien. Donc si je ne travaillais
pas, je pense que je n'allais jamais réussir mes études. Donc il
fallait vraiment que je travaille pour poursuivre mes
études.» (Entretien avec S.B, étudiant Malien)
Cet extrait d'entretien met en exergue le caractère
impératif et contraignant de travailler. Cet étudiant explique
son recours au travail par le fait de vouloir avoir de la concentration. Pour
lui, le travail lui permettrait de sortir des difficultés
économiques et de pouvoir ainsi se concentrer aux études. Le
travail étant ici perçu comme la condition sine qua non pour
pouvoir réussir leurs études. En effet, les études
à l'université demandent beaucoup de réflexions mais aussi
des recherches. De ce fait, cet étudiant estime qu'il est impossible de
se concentrer lorsqu'on a des problèmes pour payer son logement ou
encore se nourrir. Souvent, dans les résidences universitaires, on ne
prend pas en compte la situation économique des étudiants qui y
logent. Voilà pourquoi, en conformité avec le règlement,
ils envoient des courriers à ces étudiants qui ont du mal
à s'acquitter de leurs logements. Des courriers qui dictent
l'étudiant à payer son loyer au risque de se faire sortir de la
résidence ou même parfois de se faire traduire en justice. Ce qui
ne manque pas d'affecter psychologiquement ses étudiants qui jouent
souvent au cache-cache avec la direction des résidences. Cette situation
est encore beaucoup plus critique lorsque l'étudiant réside dans
un privé. Avant même la fin du mois, quelques uns de nos
interlocuteurs nous ont fait savoir que le propriétaire se
présente pour le paiement. Une situation qu'il les stresse tout le
temps. Cependant, il arrive parfois qu'il tombe sur des propriétaires
qui sont compréhensibles comme le souligne cette étudiante:
« En ce moment, si je reste toujours là (en
parlant de sa chambre), c'est grâce à Dieu. J'arrive à m'en
sortir !alhamdoulilah. Parce que bien vrai que je n'arrive pas payer mon
logement toutes les fins du mois. Si je vous dis que je le fais, alors je vous
mens. Je fais une avance au propriétaire parce que je ne peux pas tout
payer en entier. Heureusement que je suis tombé sur quelqu'un qui me
comprend et qui est tolèrent. Je lui fais des avances quand mon
père m'envoie une somme parce que ce n'est pas suffisant. Au cours du
mois, si je gagne quelque chose, je complète. C'est comme ça que
je fais. » (Extrait d'entretien avec F.A, étudiante
Sénégalaise.)
Tant de situations qui au final amènent à
penser que l'étudiant étranger est en quelque sorte obligé
de travailler , non pas parce qu'il est étranger mais parce que le
statut de l'étudiant est un statut précaire en soi et
étant issu de familles défavorisées.
6.3. Etudier ou travailler ? le
conflit !
Même si travailler pendant les études peut
être bénéfique comme le souligne certaines études,
force est de constater que ce n'est pas toujours le cas. L'activité
rémunérée, parce qu'elle peut empiéter sur le temps
des études, présente de nombreux risques en ce qu'elle peut venir
perturber la réussite des études. Si certaines conditions ne sont
pas respectées par l'étudiant, le cumul des études et du
travail peut avoir des retombées négatives non
négligeables, incluant une diminution du rendement scolaire, un
désengagement à l'égard des études, voire le
décrochage scolaire. Toutefois il est urgent de pousser encore plus la
réflexion en s'interrogeant sur la manière dont l'activité
rémunérée peut affecter le bon déroulement des
études mais aussi et surtout d'analyser les facteurs susceptibles de
concourir à la réussite des études. Tout d'abord, il faut
préciser que deux éléments permettent de mieux saisir
l'influence négative du travail rémunéré sur les
études. Il s'agit de la nature même du travail exercé mais
aussi du temps que l'étudiant lui accorde.
En effet, le type d'emploi occupé et les conditions de
travail qui y sont rattachées sont des éléments qui
influent sur les études. En d'autres termes, plus l'activité
rémunérée est intense et éloignée des
études, plus le temps consacré aux études se
réduit. La plupart des jobs exercés par les étudiants sont
très peu qualifiés. Les enquêtes effectuées sur le
monde étudiant étranger donnent une image des emplois
principalement occupés par les étudiants. Lorsqu'ils travaillent,
les étudiants sont le plus souvent dans le domaine de la restauration
(plonge, agent polyvalent etc.) caissiers dans les grandes surface, agent de
sécurité, veilleurs de nuit dans les hôtels ou les centres
d'accueil, livreur de pizza, femme de ménages, baby-sitter etc. Des Mc
jobs pour reprendre l'expression de Roy (2008). Le domaine de la restauration
est le plus partagé par nos enquêtés. Sur 11 personnes
interrogées, 09 parmi eux ont déclaré qu'ils font de la
plonge ou sont des serveurs ou serveuses dans un restaurant de la place. Il
s'agit d'emplois n'ayant pas de lien avec leurs études et qui
présentent une charge horaire lourde : ils sont exercés au moins
trois jours par semaine et nécessitent aussi beaucoup de temps mais
aussi de la force physique. En effet, l'intensité du travail
étudiant est sans doute un facteur pouvant empiéter la
performance des étudiants. La concurrence entre ces types
d'activités rémunérées et les études est
réelle pour ces étudiants. En réalité
l'enchaînement parfois rapide des périodes en emploi et en
étude dans une même journée ou au cours de la semaine n'est
pas toujours « conciliable » et s'effectue le plus souvent au
détriment du travail universitaire. Ces derniers rentrent souvent chez
eux épuiser ou le temps de révisons des cours ou de faire des
exercices se substitue à un sommeil ou un temps de repos. Parfois,
certains d'entre eux arrivent en retard à la classe à cause du
travail et n'ont pas forcément la concentration nécessaire qu'il
faut pour suivre le cours.
« Les jobs étudiants sont très durs.
Que tu bosses 5h ou 10h par semaine, ce n'est pas du tout facile. Vous savez,
les études, la recherche en générale, ça demande
beaucoup d'efforts. Il faut dédier à la recherche
énormément de temps. Souvent le travail peut être un
handicap. Moi j'ai eu l'expérience. Je travaillais aux restaurants du
Crous, 10h par semaine. Je ne travaillais que 2h par jour mais ces 2h ça
me paraissaient être 4h ou 5h vue la rigueur du travail, la fatigue et
tout. Donc c'est vraiment difficile de combiner à la fois les
études et le travail. Parfois quand je rentrais chez moi, je ne
faisais que dormir, je ne pouvais pas réviser parce que je suis
tellement épuisé.» (Extrait d'entretien avec K.B,
étudiant Malien)
Dans cette perspective, il est clair que la nature du travail
exercé par l'étudiant demeure un facteur essentiel pour
comprendre l'impact négatif sur les performances de ces
étudiants. Ainsi, on peut se permettre de poser l'hypothèse comme
quoi plus l'activité exercée est intense, plus il y a des chances
pour qu'il ait un impact négatif sur les études.
Au-delà de la nature du travail et de l'effort physique
et psychologique que l'étudiant fournit, faudrait il aussi s'interroger
sur le temps de travail qui est aussi fondamental pour comprendre les effets du
travail rémunéré sur les études. En effet, il
existe un seuil au-delà duquel le travail en cours d'études
augmente considérablement les risques d'échec. Ce seuil est en
général évalué à 15 heures ou
20 heures par semaine. Ceci relève d'un consensus international
validé par de nombreuses enquêtes dans plusieurs pays de l'Ocde.
En France, les enquêtes montrent que le dépassement de ce seuil,
tout au long de l'année, dans l'exercice d'un travail peu
qualifié et sans lien avec la formation suivie, a toutes les chances de
perturber le bon déroulement des études, de conduire à
l'échec et à l'abandon des études plus tôt que
prévu.31(*)
Tout d'abord, notons que les étudiants qui exercent une
activité très concurrente des études sont bien les plus
nombreux à s'exposer au risque d'abandon ou encore de produire de
mauvais résultats. En effet, à force de d'accorder plus de temps
au travail, l'étudiant court le risque de considérer cette
activité comme plus importante. Ce que Vanessa Pinto, analysant le
rapport à l'activité rémunérée des
étudiants, décrit comme le « pôle de
l'éternisation », dans lequel l'emploi étudiant «
devient durable, au point de prendre progressivement la place des
études, aussi bien dans les occupations que dans les
préoccupations quotidiennes » (Pinto, 2010.) En d'autres termes,
exercer une activité rémunérée pendant les
études peut conduire progressivement à une négligence des
études. L'étudiant accordant plus de temps et d'énergie au
travail d'où une sorte de d'inversion par laquelle l'étudiant
salarié devient peu à peu un salarié étudiant, son
activité rémunérée prenant le pas sur ses
études.
En effet, il est avéré que la présence,
le suivi des enseignements et le travail personnel constitue des
éléments indispensables pour penser à une réussite
par rapport aux études effectuées. Cependant, l'expérience
montre que l'exercice d'une activité rémunérée
influence assez nettement les temps studieux des étudiants. En principe,
les étudiants qui ne travaillent pas sont ceux qui consacrent le plus de
temps et de concentration aux études. Dans tous les cas, des
écarts s'observent entre les étudiants qui n'ont pas
d'activité rémunéré et ceux qui ont des heures de
travail élevées. Ces derniers consacrent moins de temps aux cours
et aux heures de travail personnel. Le travail sur l'enquête de 2006 de
l'OVE en rapport avec les étudiants inscrits en sciences de
l'éducation révèle l'existence d'un lien statistique entre
le fait d'exercer une activité rémunérée et les
phénomènes « négatifs » des études ou la
« contre-performance » des étudiants. Par exemple, le fait
d'exercer une activité augmente 35% la chance d'être
absent.32(*) En
réalité beaucoup d'étudiants s'autorisent à
s'absenter aux cours à cause du travail.
« Au début, comme tout travail, c'est
difficile. Chaque jour j'avais cours à la fac de 08H à 18H. Du
coup, j'ai négocié avec eux pour ne travailler que les soirs.
Comme j'avais un contrat de travail de 15h par semaine, je travaillais
là bas à partir de 19h jusqu' la fermeture à 23h. Mais si
on avait beaucoup de clients, on pouvait aller jusqu'à une heure ou deux
heures du matin. Comme moi j'habite à Rabelais et que le KFC c'est
à Chasseneuil, il fallait prendre le bus pour y aller. Moi je n'avais
pas de voiture. Parfois il fallait que j'attende le manager pour qu'il me
ramène ou bien j'appelais un ami pour qu'il vienne me cherché au
KFC. Donc le temps d'arriver chez moi, supposons que je termine à
minuit, j'arrive chez moi à 2h du matin. J'arrive chez moi, je prends ma
douche ; étant donné que j'avais des rapports à rendre
aussi parce qu'on faisait des TP de 4h et on est obligé de rendre des
rapports de quelques pages. Du coup j'arrivais chez moi à 2h du matin et
le temps de prendre ma douche, il est presque 2h 30, je me couche pour me
réveiller à 6H. Et ça continue encore, c'est comme une
boucle. Chaque jour je faisais ça et j'étais vraiment
épuisé. En un moment donné, j'avais envi de tout
plaqué parce que j'étais fatigué et je n'arrivais pas
à suivre le rythme. (...) Mais c'est vrai qu'il y a eu vraiment
des moments ou je ne partais pas au cours. Surtout les cours du matin, les 8h,
c'était difficile de coucher à 2H ou 3h pour me réveiller
à 6h et prendre le bus à 7h 24 et puis voilà commencer les
cours à 8h 15. C'était vraiment difficile et j'étais
vraiment fatigué. J'étais fatigué physiquement
puis psychologiquement. J'avais des rapports à rendre et ce
n'était franchement pas facile.» (Extrait d'entretien avec S.B,
étudiant Malien)
Ces propos de S.B qui réside à la cité
Rabelais et qui partait jusqu'à Chasseneuil pour travailler comme
plongeur nous apprennent en quelque sorte que c'est lorsque l'étudiant
exerce une activité très concurrente des études que
l'impact sur le travail studieux est le plus important. En
réalité, gérer deux emplois du temps en même temps
semble être une obligation pour ses derniers. Toutefois, admettons quand
même que la conciliation est très difficile. Comme le souligne les
propos de cet étudiant cité ci haut, une des conséquences
de l'exercice d'une activité rémunérée,
particulièrement lorsqu'elle est physique ou encore nocturne, est sans
doute la réduction du temps de présence aux cours, ou encore
à la bibliothèque pour mener des recherches ou réviser.
Ainsi, pour les étudiants qui sont inscrits dans des filières
scientifiques par exemple, ou l'emploi du temps est très chargé,
cumuler les deux est très difficile. Ne pouvant être aussi
présents en cours que leurs camarades, ces étudiants sont donc
dans l'obligation de compenser en étudiant de manière plus
autonome et en allant chercher ailleurs une partie de l'information que les
autres étudiants reçoivent par le biais de cette
présence.
« Je n'avais pas le temps pour réviser
suffisamment. Je me rappelle bien, je révisais souvent à
la pause. Entre midi et 14h, quand les gens partaient manger, c'est en
ce moment que je révisais. Si je n'avais pas fait ça, je ne
pouvais pas être au même niveau que mes camarades de classe. Eux,
ils étaient en avance puisqu'ils n'avaient pas ce problème
d'argent. Du coup, ils étaient bien. Mais moi, il fallait vraiment que
je m'arrange pour suivre le rythme. Et pour ça, je travaillais tous les
jours de midi à 14h à la BU. A chaque fois que j'avais une pause,
parfois je pouvais même passer une journée sans manger pour aller
travailler. J'essaie de finir mon rapport. Parfois je faisais les choses
à la dernière minute. Il y a même certains profs qui m'on
fait des remarques là-dessus. » (Extrait d'entretien avec S.B,
Etudiant Malien)
Ce qui ressort des entretiens est qu'il est difficile d'aller
en cours tout en travaillant. Pour certains étudiants, le travail a eu
un impact plus négatif allant jusqu'à leur faire redoubler une
année. En effet, le salariat induit nécessairement à un
aménagement de l'emploi du temps car l'étudiant devant alors
gérer à la fois les études et le travail. Selon les
travaux du sociologue Claude Grignon, dans un rapport en décembre
200333(*), basé sur
les chiffres de 2000, l'exercice régulier d'une activité
rétribuée sans rapport avec les études diminue les chances
de réussite et va de pair avec le retard dans les études.
Horaires lourds et incompatibles, désorganisation, fatigue...dans
certains cas, le job étudiant devient un handicap pour les
études.
« C'est très difficile de travailler et de
vouloir étudier. Sérieusement ! Parce que c'est à
cause de ça que je n'ai pas pu terminer mon master de l'année
dernière. Parce que sinon, je pouvais faire le master en une
année, une bonne fois. Parce que j'avais validé toutes mes
unités d'enseignement. Mais j'étais tellement pris par le
travail. Il fallait que je gagne de l'argent pour pouvoir euh ... voilà
quoi ! C'est pourquoi je me suis dit que je vais faire le master en deux
années pour pouvoir gagner un peu de temps. Mais c'est vraiment quelque
chose de difficile. » (Extrait d'entretien avec A.D, Etudiante
Sénégalaise)
Selon Grignon et Gruel, quelles que soient la filière
et l'année d'étude, exercer un travail
rémunéré régulier diminue de 42% la
probabilité de valider complètement l'année. Les auteurs
montrent lorsque les activités rémunérées ne sont
pas intégrées aux études, sont statistiquement
associées à des parcours chaotiques, à de moindres chances
de réussite totale chances de réussite aux examens de premier et
deuxième cycle. (Grignon et Gruel, 2000, p.186) D'après notre
enquête, même ceux qui ont pourtant réussi à
être admis à l'examen de fin d'année avouent qu'ils ont
cependant régressé de leur niveau. Ils passent de justesse avec
une moyenne comprise en 10 et 12.
Cependant, il faut souligner que chaque étudiant ne vit
pas cette expérience de la même façon, le travail n'a pas
la même influence pour chaque étudiant. Si pour certains le
travail constitue un handicap pour leurs études, admettons quand
même que d'autres parviennent à s'en sortir. En tout cas, beaucoup
d'étudiants acquièrent au fil du temps des techniques, des
méthodes qui leur permettent de pouvoir au moins valider leurs
années d'études. Certains étudiants salariés ont
choisis un rythme « ralenti » pour pouvoir étudier à
l'université tout en travaillant à mi temps ou à plein
temps. Afin d'échapper aux risques encourus dans la conciliation
études/travail, les étudiants mettent en place plus d'une
stratégie comme par exemple réduire le nombre d'heures de travail
en négociant avec son employeur pour libérer un peu la charge de
travail. D'autres par contre réaménage leurs habitudes de vie par
exemple en se couchant tôt le soir pour pouvoir se lever plus tôt
et étudier. D'autres vont faire une gestion très serrée de
leur horaire de vie, auquel ils seront fidèles, malgré les
imprévus.
CONCLUSION
Devant l'évolution sans précédent du
phénomène de la conciliation entre le travail et les
études chez les étudiants africains en particulier
Sénégalais et Maliens, nous avons cru nécessaire de faire
le point sur cette question. De ce fait, puisqu'il existe de rares travaux sur
ce phénomène chez les étudiants étrangers, il
apparaissait pertinent de s'investir sur cette problématique pour mieux
rendre compte de l'ampleur et des mobiles de la dualité
étude-travail.
Ainsi, bien que notre échantillon ne soit pas
représentatif sur le plan statistique, nous pensons que les
récits recueillis témoignent, à n'en point douter que la
situation économique du pays d'accueil ou le financement des
études ne suffisent pas pour comprendre le recours au travail chez les
étudiants Maliens et Sénégalais. L'exercice d'une
activité rémunérée inclut une dimension sociale qui
précède même la venue en France de ses étudiants.
Par conséquent, il est indispensable de toujours prendre compte des
conditions sociales et économiques de départ de ses
étudiants vers la France ainsi que leurs motivations. En
réalité, même s'il est mentionner dans le titre de
séjour que les études constituent le motif du voyage, notre
enquête montre tout de même qu'il y a des motifs sous jacents qui
conduisent les étudiants à partir à l'étranger.
Pour ces étudiants, la situation économique de leur pays ne leur
offre pas des lendemains meilleurs. Le fait de rester sans perspective sous la
tutelle des parents ou d'un membre la famille, constitue une dimension qui
favorise le départ. Beaucoup de jeunes se lancent dans cette aventure
car, à un certain âge, à force d'être vu par la
société comme paresseux parce que n'ayant pas un travail, ne
pouvant pas participer aux dépenses quotidiennes et surtout vivant au
dépend des autres, ils voient dans la migration, un moyen efficace pour
sortir de cette situation. Même étant étudiant, les
migrants qui sont de retour constituent sans doute des éléments
de référence pour eux. Ces derniers étant perçus
comme des modèles de réussite. A ce propos, rappelons que
réussir dans ces pays, n'est rien d'autres qu'avoir la capacité
de se prendre en charge ainsi que sa famille. C'est dans cette optique qu'ils
partent, certes par la voix des études qui restent aux coeurs du voyage
mais aussi dans l'optique de pouvoir bénéficier des avantages
offertes par la France. Ainsi, les études constituent même aux
yeux de certains comme un moyen pour pouvoir partir à l'étranger.
Sachant que les conditions à remplir pour obtenir un visa sont de plus
en plus difficiles, les études seraient le moyen le plus sûr et le
plus rapide pour réaliser le voyage vers la France, symbole du travail
et de la réussite. Voilà ce qui explique leur forte obsession
à se trouver du travail, dés leur arrivée dans le pays
d'accueil.
Cependant, le fait de travailler semble être un choix
uniquement de la part des étudiants mais ça ne l'est pas vraiment
puisque la famille ou le groupe social d'origine y joue un rôle
prépondérant. L'étudiant travail pour s'acquitter de son
loyers, son inscription, sa nourriture etc. mais aussi pour satisfaire les
attentes de la famille à son égard. C'est-à-dire de ne
plus demander mais plutôt participer aux charges familiales. Ainsi, les
hypothèses posées au début de la recherche semblent
être confirmé. Le désir d'une autonomie financière
vis-à-vis de la famille constitue le sens et l'essence du recours au
travail. Toutefois, notre enquête nous a aussi montré que certains
étudiants sont contraints de travailler. Une contrainte liée aux
difficultés sociales et économiques dans le pays d'accueil qui
conditionnent quelque fois les études mais aussi à la forte
injonction sociale. La famille qui reste encore au coeur de la recherche d'un
travail. dés lors, il est toujours nécessaire de tenir compte
d'un ensemble de facteurs et d'acteurs pour pouvoir comprendre l'exercice
d'une activité rémunérée de la part des
étudiants étrangers. Il faut tenir compte à la fois des
variables d'origine et des variables d'aboutissement. (Sayad, 1999)
Cependant, cette expérience ne reste pas sans
conséquences. Si certains réussissent à cumuler les deux,
il faut admettre que les risques de cette dualité étude-travail
sont très nombreux. En réalité le travail
rémunéré a surtout des conséquences sur la
performance scolaire des étudiants et entraine parfois un virement des
objectifs en devenant prioritaire plutôt que facultatif. Ce qui ouvre
encore les débats sur une probable modification de la mobilité
étudiante en une migration de travail. En effet, les enquêtes sur
l'activité rémunérée des étudiants
étrangers tendent à soulever un ensemble d'enjeux aussi bien
théoriques que pragmatiques dans le champ concernant la sociologie de
l'étudiant. Ces enquêtes ouvrent les débats sur la figure
de l'étudiant d'aujourd'hui et ceux étrangers en particuliers.
Ces derniers étant dans un double statut étudiant/salarié.
Ce double statut peu sans doute avoir des influences sur la manière de
se positionner par rapport aux études (Wolbers, 2001). Pour certains,
les études peuvent être« secondaires » par rapport
à l'activité professionnelle exercée. D'autres
conçoivent leur job étudiant comme une activité
professionnelle comme toutes les autres car leurs permettant d'avoir une source
de revenue sûre. Ainsi, l'exercice d'une activité
rémunérée parallèle aux études, ne risque
t-il pas de transformer la mobilité étudiante en une migration de
travail en éloignant les étudiants étrangers de leurs
études ? Le travail des étudiants étrangers ne
favorise t'il pas l'installation des étudiants dans le pays d'accueil et
hypothèque la question du retour au pays de départ »
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TABLE DES MATIERES.
Sommaire...............................................................................................................................1
INTRODUCTION................................................................................................................2
PREMIERE PARTIE : CADRE T///ORIQUE ET
METHODOLOGIQUE.......................5
Chapitre 1 : L'état de
l'art.....................................................................................................6
1.1. Construction de l'objet
d'étude......................................................................................6
1.2. Etat des
lieux.................................................................................................................10
1.3. Les contours du
problème..............................................................................................14
1.4.
Hypothèses.....................................................................................................................17
1.5.
Objectifs.........................................................................................................................17
Chapitre 2 : Quelques notions à préciser.
............................................................................18
2.1. L'étudiant étranger?
.....................................................................................................18
2.2. Projet
migratoire............................................................................................................20
Chapitre 3 : Démarche
méthodologique...............................................................................23
3.1. Choix du
terrain.............................................................................................................24
3.2. La population
d'étude....................................................................................................24
3.2.1. Critère de
sélection..........................................................................................24
3.2.2. Présentation des personnes
enquêtées.
...........................................................26
3.3. Outils de collecte des
données.......................................................................................28
3.3.1. L'entretien semi directif.
................................................................................28
3.3.2. Les récits de
vie...............................................................................................30
3.4. L'analyse thématique comme méthode
d'analyse..........................................................31
3.5. Négocier notre
terrain.....................................................................................................32
3.6. Approche réflexive de notre terrain.
..............................................................................35
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES
DONNEES.......................................................39
Chapitre 4 : Les motivations et les raisons de
partir.............................................................40
4.1. Les raisons
pédagogiques...............................................................................................40
4.2. La situation socio économique du pays de
départ.........................................................44
4.3. Partir à l'étranger, une condition de la
réalisation de soi................................................50
Chapitre 5: Les conditions de vie des étudiants
étrangers en France....................................53
5.1. Vivre une expérience
étrangère..................................................................................53
5.2. La question du logement et du financement des
études............................................56
Chapitre 6: A la recherche d'une activité
numéraire..............................................................60
6.1. Le travail, une quête d'autonomie
financière?.................................................................62
6.2. Le travail comme une
contrainte.....................................................................................70
6.2.1. La pression
familiale...................................................................................................70
6.2.2. Travailler pour
étudier................................................................................................76
6.3. Etudier ou travailler? le
conflit!........................................................................................80
CONCLUSION......................................................................................................................85
Références
bibliographiques....................................................................................................87
Table des
matières............................................................................................................93
* 1 Observatoire national de
la vie étudiante, l'activité rémunérée des
étudiants. une diversité de situations aux effets
contrastés, par feres belghith, chargé d'études à
l'OVE.
* 2 Étude principale
Septembre 2012 du Réseau européen des migrations (REM):
L'immigration des étudiants étrangers en France.
* 3 Communiqué du
Ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de
l'Identité Nationale et du Développement
Solidaire titré Régularisation des
étudiants étrangers - Eric Besson répond à l'UNEF,
Paris le 30 Novembre 2009
* 4 Elimbi Y., Le parcours
des étudiants étrangers africains en France, Mémoire de
master 2 recherche Sociologie et institutions du politique, Université
Paris 1 - Panthéon-Sorbonne UFR 11 - Science Politique, p.25, 2012.
* 5 Sur la question du
travail étudiant salarié, des premiers éléments de
cadrage sont contenus dans les études de Gruel et Thiphaine (2004) et
Coudin et Tavan (2008) ainsi que dans le rapport du Conseil économique
et social consacré au travail des étudiants (2007)
* 6 Source: UNEF,
enquête sur le coût de la vie étudiante rentrée
2012
* 7 Les étudiants
salariés des sciences de l'éducation. Cumul des études et
d'un travail salarié : quelles conséquences sur la
réussite au diplôme ? Sur l'efficacité de la formation ?,
Coordination Patrick Berteaux, Université de la Réunion, CIRCI
Françoise F. Laot, Université Paris Descartes, CERLIS, p.2
* 8 Cette étude a
été publiée en 2006 par la Fondation canadienne des
bourses d'études du millénaire. Elle portait sur la situation
financière des étudiants du postsecondaire au Canada.
* 9 http://aseaf.free.fr/
ASEAF (Association des Stagiaires et Etudiants Africains en
France), fondée en 2000 par un groupe d'étudiants
* 10Coulon. A, Paivandi S.,
Les étudiants étrangers en France: l'état des savoirs,
Rapport pour L'Observatoire de la Vie Étudiante, mars 2003
* 11 Printemps de la
géographie 2002 Journées géographiques Université
de Poitiers/ Département de Géographie
* 12 Lilian Negura,
« L'analyse de contenu dans l'étude des représentations
sociales », SociologieS [En ligne],
Théories et recherches, mis en ligne le 22 octobre 2006.
* 13 Olivier de Sardan, J.P.
(1995). La politique du terrain. Sur la production des données en
anthropologie. Enquête. Archives de la revue Enquête,
(1), 71-109.
* 14 Op.cit, Elimbi Y.,
p.25.
* 15 La théorie des
« pull et push factor » a été
développé par Lee en 1966. Dans cette approche, la migration est
causée à la fois par des facteurs positifs (pull factors) qui
caractérisent les lieux de destination et des facteurs négatifs
(push factors) qui caractérisent les zones de départ. Plus la
différence entre ces deux types de facteurs dans les lieux de
destination et de départ est grande, plus la probabilité de
migrer augmente.
*
16 Rapport effectué par le
groupe ad hoc sur la réforme de l'Université
Cheikh Anta Diop de Dakar, Mai 2013.
* 17 En Aout 2014,
l'étudiant Bassirou Faye été tué par balle, lors
affrontements entre ses camarades et les policiers à l'Université
Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar.
* 18 Fall P.D., Faire des
migrations un facteur de développement : une étude sur l'Afrique
du nord et l'Afrique de l'ouest, 2010
* 19 91
http://www.campusfrance.org/fr/page/pour-la-qualite-de-son-enseignement-superieur.
* 20 L'Agence nationale de
la statistique et de la démographie (ANSD) est le service officiel des
statistiques du Sénégal et a été créé
en 2005. Ses activités s'organisent dans le cadre plus
général du système statistique du Sénégal.
Il est l'équivalent de l'Insee en France. Leurs résultats sont
le produit d'enquêtes menées tout au long du territoire
sénégalais.
* 21 Situation Economique et
Sociale du Sénégal Ed. 2011 | EMPLOI.
* 22 Mbodji M., Imaginaire
et migration, le cas du Sénégal, in Momar Coumba Diop (2008),
Le Sénégal des migrations, mobilités, identités
et sociétés, Karthala, p.310.
* 23 Op.cit. Mbodji M.,
p.313.
* 24 Antoine Philippe,
Razafindrakoto Mireille, Roubaud François, « Contraints de rester
jeunes? Évolution de l'insertion dans trois capitales africaines: Dakar,
Yaoundé, Antananarivo. », Autrepart 2/2001 (n° 18),
p. 17-36
URL: www.cairn.info/revue-autrepart-2001-2-page-17.htm.
* 25 Y. Barel, "Le Grand
Intégrateur", Connexions, n° 56, 1990, pp. 85-100.
* 26 Mauss M., (1923-1924),
Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les
sociétés archaïques.
À l'aide d'exemples empruntés à des
sociétés diverses, l'auteur montre que le don est obligatoirement
suivi d'un contre-don selon des codes préétablis. Dons et
contre-dons, articulés autour de la triple obligation de «
donner-recevoir-rendre », créent un état de
dépendance qui autorise la recréation permanente du lien
social.
* 27 Tîmera Mahamet,
« Les migrations des jeunes Sahéliens : affirmation de soi et
émancipation. », Autrepart 2/2001 (n° 18) , p. 37-49
URL : www.cairn.info/revue-autrepart-2001-2-page-37.htm.
* 28 Gaye Daffé, les
transferts d'argent des migrants sénégalais, entre espoir et
risques de dépendance, in M.C.Diop, Le Sénégal des
migrations, (2008), Karthala, p.105.
* 29 Transferts de fonds :
une aubaine pour le développement : Les sommes rapatriées
par les émigrés concurrencent l'aide au développement, par
Gumisai Mutume, Afrique Renouveau, Octobre 2005, page 10.
* 30 Paroles d'un des plus
agés des Sénégalais de Poitiers. C'était lors d'une
visites que les membres du dahira l'on accordé.
* 31 Catherine
Béduwé, Jean-François Giret, « Le travail en
cours d'études a-t-il une valeur
professionnelle? », Économie et
Statistique n° 378-379, 2004, pp.55-83.
* 32 Les étudiants
salariés des sciences de l'éducation. Cumul des études et
d'un travail salarié : quelles conséquences sur la
réussite au diplôme ? Sur l'efficacité de la formation ?
Coordination Patrick Berteaux, Université de la Réunion, CIRCI
Françoise F. Laot, Université Paris Descartes, CERLIS
* 33 Claude Grignon, (2003)
« Les étudiants en difficulté - précarité,
pauvreté », Rapport au ministre de la Jeunesse, de l'Education
Nationale et de la Recherche, Paris : OVE.