La place de l'agriculture dans la croissance économique du territoire de Gemena( Télécharger le fichier original )par Joseph Olai Monga Modeke Université Protestante de l'Ubangi (UPU) - Licence en économie rurale 2015 |
SECTION 2 : CONSIDERATIONS THEORIQUES SURL'AGRICULTURE ET LA CROISSANCE ECONOMIQUE
L'agriculture, principale activité du monde rural, doit continuer à jouer son rôle historique qui se résume comme suit : Fournir des matières premières à l'industrie généralement localisée dans les centres urbains, dans la première phase du développement ; Transférer de la main d'oeuvre rurale à diverses activités des secteurs secondaires et tertiaires ; Générer des ressources nécessaires au financement du développement du pays, grâce à divers mécanismes de mobilisation des recettes en devise et en monnaie locale ; Constituer l'exécutoire naturel des produits manufacturés mis au point par le secteur industriel.
Il existe deux types d'agriculture ; traditionnelle et moderne. a) L'agriculture traditionnelle Une agriculture est dite traditionnelle lorsqu'elle est basée sur une technologie archaïque à très faible productivité, héritée de plusieurs générations10(*). Cette agriculture appelée aussi d'autosubsistance s'occupe principalement de cultures vivrières telles que : Le manioc, le maïs, le riz, les légumes, etc. Le paysan cultive pour son alimentation et pratique également quelques cultures industrielles(le café, le palmier à huile, le tabac, le thé, etc.). On constate souvent qu'un clan se spécialise dans la production d'une denrée compatible avec les exigences et les conditions climatiques du sol qu'il habite. La production est assez faible à cause des étendues réduites et du travail surtout manuel fourni par une main d'oeuvre familiale. Les taches sont divisées entre hommes et femmes. b) L'agriculture moderne C'est une agriculture qui par essence et par objectif, est liée à l'économie du marché. Elle fait appel à un important apport des capitaux étrangers et nationaux. Elle recourt systématiquement à l'emploi de trois facteurs de toute activité agricole à savoir : L'homme, La terre, le capital financier. Cette forme d'agriculture suit les innovations agronomiques, recourt aux engrains chimiques, biologiques et pesticides, utilise des variétés de culture améliorées et emploi les machines. Tous ces facteurs conjugués permettent de meilleurs rendements. Il faut noter qu'il existe aussi l'agriculture du type intermédiaire, rencontré chez les pays qui bénéficient d'un encadrement agricole de la part des structures spécialisées, étatiques et privées.
Le terme «durabilité » est aujourd'hui largement utilisé dans les milieux de développement. Selon le dictionnaire, la durabilité se dit de «la continuité d'un effort, la capacité de pouvoir durer et ne pas chuter ». Dans le contexte de l'agriculture, la durabilité se réfère principalement à la capacité de rester productif tout en maintenant la base des ressources11(*). Toutefois, beaucoup se réfèrent à une définition plus large selon laquelle l'agriculture est durable si elle est d'après GIPS12(*) cité par REIJNTS et allii : 0. Economiquement saine, c'est-à-dire qu'elle préserve la qualité des ressources naturelles et qu'elle améliore la dynamique de l'ensemble de l'agroécosystème de l'homme aux micro-organismes du sol, en passant par les cultures des animaux. Le meilleur moyen d'assurer cette dynamique reste une gestion du sol, et de la santé des cultures, des animaux et des êtres humains, grâces à des procédés biologiques (autorégulation). Quant aux ressources locales, elles sont utilisées de manière à minimiser les pertes d'éléments minéraux, de biomasse et d'énergie et à éviter toute pollution, l'accentétant placé sur l'utilisation de ressources renouvelable ; 1. Economiquement viable, c'est-à-dire qu'elle permet aux agriculteurs de produire suffisamment pour assurer leur autonomie et/ou un revenu, et de fournir un profit suffisant pour garantir le travail et les frais engagés. La viabilité économique se mesure non seulement en termes de production agricole directe (rendement), mais également en fonction des critères tels que la préservation des ressources et la minimisation des risques ; 2. Socialement équitable, c'est-à-dire la répartition des ressources et du pouvoir est telle que les besoins essentiels de chaque membre de la société sont satisfaits, et que leurs droits concernant l'usage des terres, l'accès à un capital approprié, l'assistance technique, et les possibilités de marché, sont assurés. 3. humaine, c'est-à-dire que toute forme de vie (végétale, animale et humaine) est respecté, que la dignité fondamentale de tout homme est reconnue, que les différents rapports humains et institutionnels utilisent des valeurs essentielles telles que la confiance, l'honnêteté, l'amour-propre, la coopération et la compassion, et que l'intégrité culturelle et spirituelle de la société est préservée et entretenue ; 4. Adaptable, c`est-à-dire que les communautés rurales sont capables de s'adapter aux changements incessants des conditions dans lesquelles évolue l'agriculture (croissance démographique, politiques, demande de marché, etc.). Cela n'implique pas seulement le développement des nouvelles techniques mieux appropriées, mais aussi des innovations sur le plan social et culturel. Ces critères définissant la durabilité peuvent être contradictoires, et abordés selon des points de vue différents : celui de l'agriculture, de la communauté, de la nation et du monde. Des conflits peuvent donc surgir entre les besoins actuels et futurs, entre la satisfaction des besoins immédiats et la préservation des ressources de base. En bref, nous retenons que l'agriculture durable consiste à gérer de manière efficace les ressources utilisables par l'agriculture dans le but de satisfaire des besoins changeants de l'être humain, tout en veillant au maintien, voire à l'amélioration de la qualité de l'environnement ainsi qu'à la préservation des ressources naturelles.
L'élément central des modèles de développement expliquant le rôle de l'agriculture sur la croissance est la notion de surplus, généré dans le secteur agricole. A cet effet, les physiocrates reconnaissaient que l'importance d'un surplus agricole était essentielle pour la bonne santé des finances publiques et le niveau de l'activité économique. Trois préoccupations majeures ressortent de la littérature sur le rôle de l'agriculture dans la croissance et le développement économique12(*) : · Les déterminants de la génération d'un surplus dans le secteur agricole à travers des gains de productivité dus à l'investissement et aux innovations ; · Les différents mécanismes de transfert de ce surplus ; · L'utilisation de ce surplus pour réaliser le développement industriel via les investissements publics, lorsque ce surplus est transféré par les taxes. Avant 1950, de nombreux auteurs affirmaient que la croissance du secteur agricole a précédé ou peut être causé la révolution industrielle. En 1767, à l'aube de la révolution industrielle, J. S. MILL affirmait que la productivité de l'agriculture limite la taille du secteur industriel. Les historiens de la révolution industrielle ont noté la récurrence d'une certaine logique par laquelle la révolution agricole a précédé la révolution industrielle par un décalage de cinquante à soixante années. Mais à partir de 1950, les économistes considéraient de plus en plus le secteur agricole comme un secteur retardé dans l'économie, générateur d'un surplus de main d'oeuvre tel que l'a formalisé LEWIS (1955). L'intérêt était porté sur la croissance résultant dans le secteur non agricole. Le secteur agricole devait fournir à ce dernier les éléments nécessaires à son expansion. En s'inscrivant dans cette logique, l'économiste KURZNETS (1964) distingue quatre voies par lesquelles l'agriculture concourt au développement économique : Ø Les produits Le secteur agricole fournit la nourriture permettant d'alimenter les travailleurs des autres secteurs. Il fournit également à l'industrie les matières premières. Un secteur agricole productif fournira des produits bon marché, d'où une amélioration du niveau de rémunération réel et donc une possibilité d'accumulation pour les autres secteurs. De plus, l'augmentation de la production agricole a un effet sur la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB). Ø Le marché Le secteur agricole peut constituer une demande des biens industriels et de services. Une amélioration de la productivité dans ce secteur devrait permettre l'amélioration des revenus du monde paysan et par conséquent l'accroissement de leur consommation. Le secteur agricole peut ainsi faciliter l'émergence de nouvelles débouchées pour les industries. Ø Les devises L'exportation de produits agricoles est une source de devises pour l'économie. Dans un contexte où l'activité agricole est importante, ces devises peuvent servir à l'importation des machines et matières premières dont a besoin l'industrie pour se développer. D'un autre côté, l'agriculture peut permettre l'économie de devises en produisant des denrées qui étaient autrefois importées. Ø Facteurs de production L'agriculture fournit aux autres secteurs le surplus de main d'oeuvre dont elle dispose. Ces analyses de KUZNETS se retrouvent dans différents travaux des économistes du développement d'alors. L'accent était mis sur le développement industriel, car lui seul était à même de fournir des conditions d'un véritable développement économique. Cette fascination pour la modernisation leur a fait avoir une « doctrine de primauté de l'industrialisation sur le développement agricole, qui a sapé du même coup les possibilités de contribution de l'agriculture au développement agricole ». A. KRUEGER13(*) a résumé ces premières théories du développement comme composées de plus de plusieurs fils directeurs : Nous présentons ci-dessous en détail les implications d'un développement du secteur agricole sur des plans particuliers de la réalité économique selon les économistes du développement de la première génération.
L'agriculture subvient au besoin le plus important de l'homme : l'alimentation. En effet, bien que tous les produits alimentaires ne soient pas agricoles, il existe tout de même un lien très étroit entre produits alimentaires et produits agricoles. La ration alimentaire d'un individu est un indicateur direct de son bien-être, et elle peut expliquer de façon indirecte ses aptitudes et capacités au travail. La théorie du capital humain développée entre autres par SCHULTZ et BECKER présente la composante santé de l'individu comme un élément contribuant à augmenter sa productivité. Cet état de santé est largement tributaire de nombreux éléments dont la qualité des aliments consommés par l'individu. MELLOR (1970) note l'effet que peut avoir une situation de malnutrition sur la productivité des travailleurs. La malnutrition qu'il faut distinguer de la faim entraine des déficiences, ce qui élève le taux de morbidité et diminue la résistance aux parasites. Une offre de produits alimentaires en qualité et en quantité en provenance du secteur agricole, couplé de politiques de redistribution, augmente les chances d'avoir des travailleurs en bon état de santé et donc plus productifs. Certes, l'offre de produits alimentaires peut provenir des importations, sans que le secteur agricole n'y contribue énormément. Mais dans les premières phases du développement, les économies manquent d'assez de ressources financières ; le secteur agricole doit ainsi produire abondamment pour permettre l'économie de devises qui pourraient être affectées à d'autres investissements. De plus, GILLIS M. et autres14(*) soulignent que pourrait recouvrir la notion d'autosuffisance alimentaire pour une économie. Ils attirent l'attention sur le danger pour la santé économique, que représente la dépendance à l'égard des importations alimentaires. L'alimentation tend de plus en plus à devenir un bien stratégique, quasiment du même ordre que l'armement. Ainsi, un pays dépendant des autres pour sa nourriture pourrait subir des pressions de différents ordres par ces derniers. De plus, la croissance démographique faisant fondre les excédents alimentaires mondiaux, Les pays fortement importateurs des produits alimentaires feraient par conséquent face à des prix élevés pour satisfaire leur demande. Une augmentation de l'offre de produits alimentaires est aussi nécessaire pour faire face à la croissance démographique. L'accroissement de la population est sans aucun doute le mieux connu de tous les problèmes du développement économique. Il constitue l'argument le plus souvent avancé en faveur de l'augmentation de la production agricole. En plus de l'accroissement de la population en terme quantitatif, un accroissement des besoins de la population est souvent observé au fur et à mesure que s'installe le développement économique. Les besoins alimentaires vont croissants, la production se doit d'évoluer à un rythme au moins égal. A défaut, des risques de survenance d'une crise alimentaire se font plus grands. L'offre de produits alimentaires émanant du secteur agricole a ainsi un rôle pour contribuer à assurer la sécurité alimentaire.
Tout comme KUZNETS ou encore MELLOR, de nombreux économistes du développement s'accordent sur l'effet positif que peut avoir le secteur agricole sur la détention de devises étrangères. Si l'on considère les cinq étapes du développement présentées par ROSTOW, à savoir : La société traditionnelle ; Mise en place des conditions préalables au décollage ; Décollage ; Marche vers la maturité ; Ere de la consommation de masse. Lorsque les premières étapes du développement sont franchies, il devient opportun de disposer des biens de capital nécessaires à une industrialisation en rapide expansion. De même, la demande en biens de consommation importés, de meilleure qualité se fait plus importante. Comme le souligne MELLOR (1970), l'effet conjoint de ces types de besoins exerce une pression sur la demande de devises étrangères. L'agriculture peut contribuer de façon importante aux recettes nettes en devises étrangères. D'une part en se substituant aux importations présentes et potentielles, et d'autre part en produisant plus pour l'exportation. MELLOR(1970) en offre un exposé plus détaillé de cette contribution. D'après lui, la réduction des importations peut prendre deux formes : Substitution des produits agricoles importés par des produits nationaux. Cela nécessite tout de même que cette production agricole soit plus rentable que les importations ; Réduire des importations non agricoles, ceci consécutivement à une modification des structures de consommation au profit des produits alimentaires nationaux. Concernant les exportations agricoles, sauf dans le cas des pays riches en ressources naturelles (pétrole, minerais, etc.), elles constituent l'essentiel des exportations lors des premières phases de développement. Il est donc bénéfique de se spécialiser dans la production des produits spécifiques destinés à l'exportation. Les ressources doivent être affectées au produit qui assurera aux investissements les rendements les plus élevés comparativement à d'autres utilisations possibles des ressources. Cette spécialisation en un produit agricole peut avoir des avantages tels que présentés par MELLOR (1970). Notamment l'évolution de la maîtrise technique qui accompagne généralement toute spécialisation. Toutefois, une telle spécialisation peut avoir des conséquences à long terme particulièrement la détérioration des termes de l'échange. Malgré cet inconvénient, l'histoire présente des exemples des pays qui ont su bénéficier des mouvements à la hausse de certains produits de base pour réaliser des investissements dans l'industrie.
Dans les premières phases du développement économique, les besoins en capital sont immenses pour le pays. Il y a nécessité de capitaux pour la création directe d'emplois non agricoles par la construction d'usines et par l'acquisition de machines. Le capital nécessaire au développement économique provient généralement de trois sources : l'aide étrangère, les investissements étrangers et l'épargne nationale. Les deux premières sources ont l'avantage d'apporter des capitaux importants sans peser sur la consommation intérieure. Mais dans le cas particulier de l'aide, elle peut être assortie de restrictions politiques et économiques désavantageuses mettant en mal l'indépendance du pays. L'investissement étranger quant à lui nécessite, Pour une grande efficacité, le développement au préalable des infrastructures (routes, communication, énergie). Un pays à faible revenu décidant de ne pas recevoir ou de moins solliciter l'aide étrangère devra ainsi faire appel à ses ressources propres notamment son secteur agricole qui est prépondérant. CHENERY et SYRQUIN (1975) ont souligné que l'agriculture devrait être source de transferts de capital et de main d'oeuvre vers les zones urbains pour encourager le développement général de l'économie. De nombreux mécanismes existent pour faire passer les ressources créées dans le secteur agricole vers le secteur industriel. MELLOR (1970) distingue quatre formes par lesquelles l'agriculture peut contribuer à la formation du capital : taxation des bénéfices agricoles, modification des termes de l'échange, compression des investissements dans l'agriculture, marché rural des biens industriels. a) Taxation des bénéfices agricoles La taxation du secteur agricole est par exemple un moyen de transférer le surplus financier du secteur agricole vers l'industrie. L'exemple du Japon est souvent présenté à cet effet. Pays à faible revenu et à population très dense au 19e siècle, le Japon a su axer son développement sur le secteur agricole. Le gouvernement a joué un rôle actif dans l'investissement consacré à l'infrastructure et aux industries. A la fin du 19e et au début du 20e siècle, c'est le gouvernement qui a fourni le tiers ou la moitié environ des investissements totaux dans le pays. Pendant ce temps, les recettes fiscales provenaient de 50 à 80% du secteur agricole. La part de l'agriculture dans les revenus fiscaux de l'Etat entre 1888-1892 était de 80% et elle était encore de 40% en 1918-1922. Ces ressources ont été très importantes pour financer les investissements publics et les services de base comme l'éducation et la recherche. La mise en place de cette structure fiscale a été centrale. Elle a permis d'extraire une part du surplus de l'agriculture pour financer l'industrialisation. b) Modification des termes de l'échange Une augmentation de la production agricole peut entrainer une baisse des prix. Cette baisse des prix a pour effet une amélioration du salaire réel dans le secteur non agricole de telle sorte que le salaire nominal peut y diminuer sans pour autant affecter le niveau de vie. Les termes de l'échange s'en trouvent modifiés au détriment de l'agriculture et en faveur des autres secteurs. L'industrie percevra des profits plus élevés. Ces profits pourraient être utilisés pour la formation du capital ou pour la consommation dans les secteurs public ou privé. Dans les années1920 en URSSS, PREOBRAJENSKI était pour un transfert forcé du surplus agricole par des termes de l'échange défavorables à l'agriculture. Il est question d'effectuer un contrôle de prix pour arriver à une augmentation rapide du prix relatif des produits industriels par rapport aux produits agricoles. Un transfert de valeur de l'agriculture vers le secteur industriel peut ainsi être observé. c) Compression des investissements dans l'agriculture Même si l'agriculture utilise parfois les produits issus des autres secteurs, elle a une contribution nette à la formation du capital dans ces secteurs. d) Marché rural des biens industriels La véritable croissance et le développement économique dépendent plus de l'expansion du secteur non agricole. Mais les obstacles à l'expansion de ce secteur proviennent aussi de la faiblesse des bénéfices sur investissement due à l'étroitesse des marchés. Un accroissement des revenus des agricultures offre ainsi des débouchés supplémentaires au secteur industriel.
La notion de surplus de la main d'oeuvre a été au centre des développements sur l'impact de l'agriculture sur le reste de l'économie. En se basant sur l'observation empirique, les économistes du développement de la première génération ont essayé de formaliser les différents mécanismes à travers lesquels l'excédent de la main d'oeuvre du secteur agricole est transféré vers le reste de l'économie. Le cadre de l'analyse se fait généralement à travers un modèle bi- sectoriel. Ils mettent en évidence deux secteurs dans l'économie : un secteur traditionnel, de subsistance ou encore agricole et un secteur moderne ou non agricole. Les premiers éléments de ces analyses se retrouvaient déjà au 18e siècle. RICARDO (1817) dans The principes of political economy and taxation, a présenté le plus connu des premiers modèles. Il part de deux hypothèses : présence d'un secteur agricole à rendements décroissants et existence d'une main d'oeuvre sous-employée dans ce secteur. RICARDO affirme que le secteur industriel peut recruter dans le secteur agricole sans qu'il y ait une hausse de salaire dans le secteur urbain ou le secteur rural. La version moderne des modèles bi sectoriels a été initiée par l'économiste LEWIS (1955). Il considère ainsi deux secteurs dans l'économie. D'une part le secteur moderne, développé, capitaliste dans lequel il existe un marché bien structuré. Et d'autre part le secteur traditionnel qui comprend principalement l'agriculture. Dans son modèle classique d'économie duale, LEWIS établit, à travers le marché du travail un lien entre la main d'oeuvre sous-employée et bon marché du secteur agricole et le niveau de salaire dans le secteur industriel. Le secteur industriel ou encore secteur avancé utilise du capital qui peut être accumulé tandis que le secteur agricole utilise un facteur de production qui ne peut être accumulé, la Terre. Les travailleurs du secteur agricole ont une productivité faible voire nulle, plusieurs employés exercent une activité qui aurait pu l'être par un seul. L'économie dispose ainsi d'un excédent de main d'oeuvre. L'expression « offre illimitée de main d'oeuvre » employée par LEWIS se justifie ainsi par cette abondance de main d'oeuvre non qualifiée. Pour LEWIS (1955), le développement consiste dans la « réduction progressive du secteur archaïque et le renforcement du secteur moderne ». Bien que le surplus de main d'oeuvre soit observé aussi bien dans le secteur traditionnel que dans le secteur moderne, dans le secteur traditionnel, il est déguisé. En ce sens qu'une partie de la main d'oeuvre peut y être extraite sans que la production agricole n'en pâtisse, les travailleurs n'auront qu'à augmenter leur volume du travail. Le secteur moderne va embaucher dans le secteur de subsistance grâce à un salaire un peu plus élevé mais qui reste tout de même faible. Il continuera à embaucher tant que la productivité marginale des travailleurs est supérieure au salaire. Un profit sera ainsi dégagé. Ce profit sera réinvesti par les capitalistes, ce qui accroitra la productivité marginale et permettra d'entamer une nouvelle embauche. Ce cycle se poursuivra jusqu'à l'égalisation du salaire et de la productivité marginale des travailleurs. Il en résultera enfin de compte que tout le surplus de main d'oeuvre du secteur de subsistance sera absorbé par le secteur moderne. Cette baisse conséquente de la main d'oeuvre dans le secteur de subsistance y entrainera une hausse de salaire. De même, dans le secteur moderne, les salaires vont s'élever. Ce modèle de LEWIS, met l'accent sur la part croissante des profits dans le revenu national, lié à la progression du secteur capitaliste. L'élévation du taux d'investissement permet une croissance rapide. A la suite de LEWIS, FEI et RANIS (1964) vont montrer qu'en transférant le surplus de main d'oeuvre de l'agriculture vers l'industrie, l'économie peut complètement se développer. Ils vont modifier ou améliorer certaines hypothèses du modèle de LEWIS. L'absorption du surplus de main d'oeuvre est due à la modification de la répartition des facteurs de production et ils n'admettent pas que les travailleurs du secteur agricole aient une productivité marginale quasi nulle. Pour Fei et RANIS, le transfert de main d'oeuvre doit être précédé d'une augmentation de la production agricole. Le taux auquel cette main d'oeuvre est transférée dépend du taux de croissance de la population, de la qualité des progrès techniques dans le secteur agricole et la croissance du stock de capital dans le secteur industriel. Ces différentes approches du rôle de l'agriculture limitent cette dernière au rôle d'un secteur uniquement au service des autres pour l'atteinte du développement. Le secteur agricole doit fournir aux autres secteurs les ressources nécessaires à leur développement. Ainsi, le secteur agricole n'est pas en soi un moteur de croissance et de développement économique, mais il permet de réaliser ce développement via les autres secteurs de l'économie. Avec ses conceptions, la croissance et le développement renvoient à une « modernisation» de l'économie, le secteur agricole s'y intègre difficilement. Son rôle est d'amorcer le développement global de l'économie et ensuite de s'? éclipser?. Mais de plus en plus des arguments plus récents plaident en faveur d'un développement du secteur agricole entant que secteur d'activité propre. L'agriculture pourrait ainsi contribuer directement à la croissance et au développement.
Il est certes que dans une économie en pleine croissance, la part du secteur agricole dans l'économie est vouée à la décroissance. La Banque Mondiale dans son rapport sur le Développement dans le Monde (RDM) distingue trois catégories de pays : les pays à vocation agricole, les en transition et les pays urbanisés. Dans ces groupes de pays, la contribution de l'agriculture au PIB est, en moyenne, respectivement de plus de 40%, 20% et 8%. Tandis que la part moyenne d'actifs occupés dans le secteur agricole est respectivement de 34 à 64%, 43% et 22%. La raison vient des caractéristiques propres de l'agriculture qui est une activité dotée d'une productivité relativement faible. La BM résume mieux cela lorsqu'elle énonce une des hypothèses formulées par les économistes : « la croissance de la productivité agricole est intrinsèquement lente ». Il pourrait ainsi paraitre difficile de se baser sur l'agriculture pour réaliser des objectifs de croissance et de développement soutenus. Mais dans un contexte de décollage économique, l'agriculture peut s'avérer un secteur en tête de l'économie. Il existe des exemples où l'agriculture a crû plus rapidement que l'industrie. « Au Chili et au Brésil, l'agriculture s'est développée plus rapidement que l'industrie pendant la décennie 1990 ». Le rapport sur le développement dans le Monde fait état d'une forte population rurale vivant en dessous du minimum acceptable. L'activité majeure de ces ruraux demeure l'agriculture. Ainsi, « Du simple fait de sa taille, le secteur agricole est capital pour le développement au moins à moyen terme». La BM note également que dans les pays où la croissance non agricole s'est accélérée, l'écart entre revenus urbains et ruraux s'est accentué. En effet, les mécanismes de redistribution du fruit de cette croissance ne sont pas toujours favorables au monde rural. Le développement du secteur agricole pour lui-même permettrait ainsi d'élever le niveau de vie des personnes vivant en milieu rural. En plus, les politiques qui consisteraient à taxer le secteur agricole ont eu un effet positif pour la croissance de nombreux pays industrialisés d'aujourd'hui. Mais ces politiques peuvent être désastreuses si elles sont mises en application immédiatement après la réalisation des investissements. Le risque est élevé que la poule soit tuée avant d'avoir pondu les oeufs d'or. D'ailleurs comme le montre une étude menée par KRUEGER, SCHIFF, VALDES (1998) et d'autres, il existe une réalisation négative entre les politiques de taxation et la croissance globale de l'économie. Une croissance plurisectorielle s'impose ainsi pour assurer un développement harmonieux de l'économie. Le secteur agricole doit ainsi être développé pour son plein épanouissement.
Plusieurs études montre que l'agriculture est confrontée ` certaines difficultés ces dernières années. Cette situation est liée à l' « accroissement démographique, à la dégradation des termes des in qui n'ont toujours pas pu trouver l'équilibre souhaitable entre cultures des rentes et cultures vivrière, ni protéger la petite exploitation qui assure les 90% des productions céréalières ». Le secteur agricole souffre également du manque des capitaux. D'autres obstacles à l'agriculture concernent l'absence ou le mauvais état des infrastructures routières et de moyens d'entreposage. Les efforts des agriculteurs pour accroitre la production se heurtent à la pénurie d'infrastructures dans la plupart des régions de la RDC. L'état des nombreuses routes de dessertes agricoles s'est sensiblement détérioré en raison d'une utilisation excessive et d'un entretien insuffisant ou carrément d'un manque d'entretien. Toute cette situation ne favorise pas les agriculteurs de commercialiser leurs productions.
Des nombreux auteurs ont consacré la plupart de leurs temps et le plus gros de leurs recherches à la croissance économique. Elle est l'objectif final de toutes les économies mûres quelque soient leurs natures. Il vaut mieux distinguer la croissance économique au développement économique. La croissance est à court terme tandis que le développement est à long terme. La croissance est ainsi une notion quantitative qui se distingue du développement à résonnance plus qualitative. La question de la croissance économique est une préoccupation pour tous les gouvernements du monde moderne. Elle est nécessaire pour faire face à la croissance de la population ainsi qu'à la croissance des besoins de cette population. Pour les pays en voie de développement, la croissance économique suffisante et durable constitue un tremplin indispensable pour atteindre leurs développements.
SALL, P .fait remarqué que dansla secondemoitié du 20è siècle, la croissance économique avait des caractères nouveaux (elle était plus rapide, générale, consciente)15(*). Plus rapide qu'elle n'a été au 19è siècle où l'expansion économique a été en moyenne relativement lente et souvent interrompue par des nombreuses crises avec le cortège de chômage et souffrance. Aujourd'hui, depuis la crise en 1930 et la guerre mondiale de 1940, il n'y a plus eu de recule important et profond de la production mais au contraire, on a assisté à des montées extraordinaires à l'aube du troisième millénaire des économies de l'Extrême-Orient. A cet effet, les pays considérés hier comme sous-développés sont appelés aujourd'hui les pays en développement. Ce qui prouve en suffisance que la croissance économique est un phénomène réel. SALL, P. et WULLF proposent quatre (4) caractéristiques qui doivent être réunies pour qu'une nation soit dite en état de croissance économique. C'est notamment : 1erAugmentation de la Dimension : Il faut donc qu'on constate un changement détaillé d'un ou plusieurs indicateurs suffisamment précis et disponibles pendant une période longue pour mesurer la modification de la dimension. Ainsi, les Grandeurs comme le Produit National Brut ou nette, le revenu national sont les plus significatifs. 2ième Changements Structurels : Ce qui augmente ne s'accroit pas de manière uniforme c'est-à-dire les différentes activités d'une nation ne se développent pas au même rythme. Certains s'accroissent à un taux élevé, d'autres à un taux faible, d'autres mêmes stagnent ou déclinent. Des modifications structurelles permanentes se placent tant du côté de la population que de celui de la demande et de prix. Ces modifications peuvent se modifier des manières régulières ou irrégulières. 3ième Changements dans le type d'organisation : Dans tout système économique et politique, il existe certaines règles d'utilisation dans toutes les nations et ces règles poussent ces nations à réaliser l'accroissement des produits nationaux. Les modifications enregistrées dans les caractères différents se réalisent tant dans le secteur public que privé : Dans le secteur privé, ces modifications se rapportent à la forme du marché alors que dans le secteur public, il peut être apprécié à des nombreux critères tels que : l'importance de la population active employée par le pouvoir public, la part de la production assurée dans chaque branche et le volume de dépenses publiques par rapport au revenu national. 4ième Des Progrès Economiques : La mesure de la croissance n'est qu'une mesure globale de l'augmentation des biens et services produits au cours d'une période donnée à la production antérieure de durée identique. Elle est donc suffisante pour assurer le progrès économique. Les progrès économiques sont un accroissement d'une période à une autre du produit réel moyen, du revenu national réel moyen et de la consommation réelle par tête d'habitat. Le progrès économique est donc la croissance des ressources disponibles plus que proportionnelle à la croissance de la population. * 10 NKWEMBE, Economie rurale, notes de cours, Graduat/ Unikin, 2008-2009, p. 16 (inédites). * 11 REIJNTS, HAVERKORT et WATERS Bayer, une agriculture pour demain, Karthala, Paris, 1995, p. 21 * 12REIJNTS, HAVERKORT et WATERS Bayer, id, op. cit , p. 28 * 12 MELLOR (1970), p. 37 * 13 * 14 GILLIS.M., PERKINS.D.H, ROEMER M., SNODGRASS D.R. Economie du Développement, 2e éd., nouveaux horizons, Bruxelles, 1998, P.553 * 15 SALL,P. (cité par NKONGO), op. cit |
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