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I - 4 Modèle d'analyse
Par définition le modèle d'analyse est le lieu
d'opérationnalisation des concepts clés de la recherche. Cette
logique de recherche permet de faire la jonction entre la théorie et la
pratique. Il s'agira dans cette partie de présenter notre
hypothèse de recherche et de définir les concepts clés de
notre étude.
I-4-1 Hypothèse de la recherche
L'hypothèse est une présomption non gratuite
portant sur le comportement des objets réels étudiés. Elle
procure à la recherche un fil conducteur particulièrement
efficace qui, à partir du moment où elle est formulée
remplace la question de recherche dans cette fonction, même si celle-ci
doit rester présente à l'esprit. Il s'agit dans cette logique de
la recherche de donner à titre provisoire la réponse à
notre question principale de recherche.
Avant de dévoiler l'hypothèse de recherche,
rappelons la question centrale que soulève notre étude. Celle-ci
se présente ainsi : « quels sont les déterminants
sociaux de l'épargne dans la structuration des dépenses de
consommation des ménages du village d'Adjamé-Bingerville ?
».
Notre hypothèse14 provisoire à cette
question est celle-ci : « les logiques sociales d'épargne
dans la structuration des dépenses des ménages du village
d'Adjamé-Bingerville sont influencées par des
représentations sociales ».
14 L'hypothèse de cette étude ne cherche pas
nécessairement à être vérifier. L'orientation
à la fois quantitative et qualitative de cette recherche ne l'exige pas.
Toutefois, elle conduit et oriente la collecte des données.
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I-4-2 Définition des concepts
Selon Durkheim (1968 : p35), « tout discours
scientifique doit utiliser des concepts clairs et précis afin de se
démarquer de la confusion qui caractérise le sens de chacun
». Ainsi, une clarification des concepts s'avère
nécessaire à la compréhension de notre étude.
Elle est également utile pour mieux organiser et
orienter notre recherche. Il s'agit pour nous de définir ici les termes
qui sont essentiels à la compréhension de notre étude. Ces
concepts sont ceux: de l'épargne et de la représentation
sociale.
· L'épargne des ménages
Selon le dictionnaire Larousse l'épargne, c'est
l'action d'épargner, d'économiser, de mettre en réserve.
Pour le dictionnaire général des sciences humaines,
l'épargne est définit comme étant la part non consommer du
revenu disponible d'un ménage. Ainsi, supposons:
E L'épargne
R Le revenu
C La consommation
E = R - C.
On en déduit alors que les variations de la
consommation induisent celle de l'épargne, et que c'est lorsque le
revenu excède les dépenses de consommation qu'il existe une
épargne.
L'épargne est aussi définit comme un fait
social (Carrol, 1998). Elle reproduit à la fois des comportements
d'appartenances sociales, d'imitations, de démonstrations et de
solidarités sociales au sein d'un groupe ayant des intérêts
communs.
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Dans le cadre de cette étude, cette seconde
définition de l'épargne des ménage est celle qui ce
rapporte le plus à notre perspective de recherche à savoir
comprendre les facteurs sociaux qui influencent l'épargne des
ménages dans le contexte rural.
Tableau 1 : Opérationnalisation de la variable
dépendante
CONCEPTS DIMENSIONS COMPOSANTE INDICATEURS
L'épargne des ménages
|
- financière
- sociale
|
- Compte d'épargne
- Thésaurisation - Solidarité
- Prestation de
service, Entraide
|
- Revenu - Le sexe -
L'âge
- La situation matrimoniale -
La profession - L'ethnie
|
|
· La représentation sociale
Représenter vient du latin « repraesentare »,
rendre présent. Le dictionnaire Larousse précise qu'en
philosophie, la représentation est ce par quoi un objet est
présent à l'esprit et qu'en psychologie, c'est une perception,
une image mentale dont le contenu se rapporte à un objet, à une
situation, à une scène (etc.) du monde dans lequel vit le
sujet.
C'est au sociologue Français (E. Durkheim, 1898), que
l'on doit l'invention du concept de représentation. Il abandonne la
représentation collective pour s'intéresser aux
représentations sociales. Il essaye de voir en quoi la production
intellectuelle des groupes sociaux, joue un rôle dans la pratique
sociale
Mais c'est à (Moscovici, 1961), que l'on doit la
reprise et le renouveau des acquis Durkheimiens. Selon lui « les
représentations sont des formes de savoirs naïfs, destinées
à organiser les conduites et orienter les communications.
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La représentation sociale est donc un mode de
connaissance spécifique. Dans un groupe social donné la
représentation d'un objet correspond à un ensemble
d'informations, d'opinions et de croyances relatives à cet objet. «
Ainsi, comprendre une représentation revient à observer comment
cet ensemble de valeurs, de normes sociales et de modèles culturels, est
pensé et vécu par des individus de notre
société» (Herzlich,1969).
D'après (Jodelet, 1989), la représentation est
une forme de connaissance socialement élaborée et partagée
ayant une visée pratique et concourante à la construction d'une
réalité commune à un ensemble social.
Placées à la frontière du psychologique
et du social, les représentations sociales permettent aux personnes et
aux groupes de maîtriser leur environnement et d'agir sur celui-ci.
(Abric, 1987), définit la représentation sociale comme le produit
et le processus d'une activité mentale par laquelle un individu
où un groupe, reconstitue le réel auquel il est confronté
et lui attribue une signification spécifique. C'est savoirs naturels
constituent les spécificités des groupes sociaux qui les ont
produits. Ainsi, une représentation sociale est
caractérisée par plusieurs éléments
corrélés.
§ Les constituants de la représentation
sociale
Dans la plupart des définitions psycho-sociales des
représentations, on retrouve trois aspects caractéristiques et
interdépendants.
- La reconstruction du réel
Elle a un caractère constructif. La
représentation construit la réalité sociale. Pour Abric,
toute réalité est représentée, c'est-à-dire
appropriée par l'individu ou le groupe, reconstruite dans son
système cognitif, intégrée dans son système de
valeurs dépendant de son histoire et du contexte social et
idéologique qui l'environne. L'étude des représentations
permet de mettre
50
en évidence que la pensée sociale élabore
la réalité selon différents modèles. Pour reprendre
le domaine de la maladie, François Laplantine estime qu'elle peut
être considérée d'après plusieurs modèles :
maladie exogène / maladie endogène ; modèle
épistémologique (biomédical, psychologique ou relationnel)
; modèle des systèmes thérapeutiques.
- La communication
Elle a un caractère symbolique et signifiant puisque
les représentations sociales offrent aux individus « un code pour
leurs échanges et un code pour nommer et classer de manière
univoque les parties de leur monde et leur histoire individuelle ou collective.
La représentation sociale a deux faces, l'une figurative, l'autre
symbolique. Dans la figure, le sujet symbolise l'objet qu'il interprète
en lui donnant un sens. Pour Rouquette et Rateau, c'est le sens qui est la
qualité la plus évidente des représentations sociales.
- L'autonomie créative
Elle a un caractère autonome et créatif. Elle a
une influence sur les attitudes et les comportements. C. Herzlich a bien
montré comment les représentations de la maladie (destructrice ou
libératrice) induisent des comportements : refus des soins et de recours
au médecin dans le cas de la maladie destructrice ; rupture avec les
contraintes sociales, enrichissement sur le plan personnel, lorsque la maladie
est vécue sur le mode d'une libération.
§ Les fonctions des représentations sociales
- La fonction cognitive
Les représentations dotent les acteurs sociaux, d'un
savoir qui est commun, donc partagés, ce qui facilite la communication.
Cette fonction de
51
communication permet aux individus d'intégrer des
données nouvelles à leurs cadres de pensée.
- La fonction d'orientation des conduites
Les représentations sociales guident les comportements
et les pratiques. Elles sont porteuses de sens, elles créent du lien ;
en cela elles ont une fonction sociale. Elles aident les gens à
communiquer, à se diriger dans leur environnement et à agir.
Elles engendrent donc des attitudes, des opinions et des comportements.
- Une fonction identitaire
Les représentations ont aussi pour fonction de situer
les individus et les groupes dans le champ social... (Elles permettent)
l'élaboration d'une identité sociale et personnelle gratifiante,
c'est-à-dire compatible avec des systèmes de normes et de valeurs
socialement et historiquement déterminés. Jodelet parle
d'affiliation sociale. Partager une idée, un langage, c'est aussi
affirmer un lien social et une identité.
- Des fonctions de justification des
pratiques
Elles nous semblent très liées aux fonctions
précédentes. Elles concernent particulièrement les
relations entre groupes et les représentations que chaque groupe va se
faire de l'autre groupe, justifiant a posteriori des prises de position et des
comportements. Selon Abric, il s'agit d'un nouveau rôle des
représentations : celui du maintien ou du renforcement de la position
sociale du groupe concerné.
Dans le contexte de notre étude, l'objet de la
représentation sociale s'identifie à l'épargne des
ménages du village d'Adjamé-Bingerville. Quant au sujet, il
renvoie à deux entités sociales c'est-à-dire les
institutions sociales et
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les acteurs véhiculant les normes, les codes et les
valeurs influençant l'épargne de ces ménages.
Tableau 2 : Opérationnalisation de la variable
indépendante
CONCEPT
|
DIMENSIONS
|
COMPOSANTES
|
INDICATEURS
|
|
|
|
- Opinions sur l'épargne
|
|
- Cognitive
|
- Croyances et idéologies
|
- Groupe social
|
Représentation sociale de l'épargne
des ménages
|
|
|
- Valeurs culturelles et religieuses sur
l'épargne
|
|
- Normative
|
- Institutions et acteurs
|
- Lien social
|
|
|
|
- Pratiques sociales
|
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|