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Le veuvage de l'épouse d'un maà®tre- initié, mère de jumeaux dans la société Akélé du Moyen- Ogooué

( Télécharger le fichier original )
par Janny DIVAGOU IBRAHIM KUMBA
Université Omar Bongo - Maà®trise en sociologie de la connaissance 2009
  

Disponible en mode multipage

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Libreville, Octobre 2009

UNIVERSITÉ OMAR BONGO

FACULTÉ DE LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

DÉPARTEMENT DE SOCIOLOGIE

Le veuvage de l'épouse d'un maître-initié,

mère de jumeaux dans la société Akélé

du Moyen-Ogooué

Sociologie de la Connaissance

Présenté et soutenu par : Sous la direction de :

Janny DIVAGOU IBRAHIM KUMBA Claudine-Augée ANGOUE

Maître-assistant

2

Sommaire

Dédicace

Remerciements

Liste des illustrations

Liste des tableaux

Sommaire

Introduction générale . 1

Les préalables épistémologiques 3

Section 1 : Objet et Champ de l'étude ...3

Section 2 : Construction du modèle d'analyse 8

Section 3 : Démarche méthodologique 25

Première partie : L'idéologie des jumeaux chez Akélé du Moyen-

Ogooué 31

Introduction de la première partie .32

Chapitre I : L'origine mythologique sur les jumeaux 34

Section 1 : La naissance des jumeaux 34

Section 2 : L'attribution des noms chez les jumeaux 37

Chapitre II : Les représentations sociales des jumeaux dans la société Akélé

45

Section 1 : Les représentations sociales des jumeaux et leur statut dans la société

Akélé, particulièrement au niveau des rites initiatiques 46
Section 2 : Le monde social des Akélé pour mieux situer le rapport entre les hommes

et les femmes .59

Conclusion de la première partie ...68

3

Deuxième partie : Le rituel du veuvage comme transfert de biens symboliques avec

ses corollaires sur les femmes.

..70

Introduction de la deuxième partie

.71

Chapitre III : Le veuvage dans la société Akélé du Moyen-Ogooué

73

Section 1 :L'annonce du décès comme moment de rupture de l'ordre social

.73

Section 2 : Fin du veuvage et nouveau départ pour la veuve

..77

Chapitre IV : L'appropriation du statut d'homme initié par la veuve mère des

jumeaux 83

Section 1 : La présence de la mère des jumeaux au corps de garde . ..83

Section 2 : La symbolique des objets hérités par la veuve 87

Conclusion de la deuxième partie .97

Conclusion générale 99

Références Bibliographiques 101

Table des matières 107

Annexes

4

Dédicace

Nous voulons dédier ce travail à toute notre famille. Nous savons désormais combien les performances scolaires sont fonctions de l'environnement familial. Il serait donc, d'un côté fastidieux de vouloir tous les nommer et de l'autre, sûrement inapproprié de n'en citer que quelques-uns.

Toutefois, nous voudrions faire une mention spéciale à notre mère Marie Agathe MAMOMGUE et notre père IBRAHIM KUMBA, pour l'amour sans réserve et le soutien sans faille.

Aux morts et surtout aux vivants. Puissent-ils trouver ici l'expression de notre

attachement filial.

5

Remerciements

Il nous plaît de nous acquitter d'un devoir, celui de remercier toutes les personnes qui ont concouru, de près ou de loin, à sa réalisation. Nos remerciements vont en premier lieu à l'endroit d'un homme de caractère et de principes, à madame Claudine-Augée ANGOUE, notre directeur, qui nous a fait l'honneur d'assurer la direction de ce Mémoire de Maîtrise, la rigueur scientifique et l'esprit critique sont

les valeurs que nous gardons d'elle.

Profonde gratitude et grand respect !

Nous adressons également nos remerciements à tous les enseignants du Département de Sociologie dont les enseignements nous ont permis de mieux appréhender les problèmes théoriques et méthodologiques de la recherche en sciences sociales, singulièrement en sociologie. Nous pensons particulièrement à messieurs Jean-Ferdinand MBAH, Joseph TONDA et Mesmin-Noël SOUMAHO, ainsi qu'à Placide ONDO. Qu'ils veuillent bien trouver ici la marque de notre sincère reconnaissance.

Ces remerciements s'adressent aussi à nos frères, soeurs, oncles et tantes notamment Simon Pierre BEHINT, Sylvie SOLIANE, Colette BEDIOBE, Honorine MADINGA, Annie Flore MALANGA, Raïssa MADJINOU MASSIEBE IBRAHIM KUMBA, Sandra BADJINA BEHINT, Natacha MAWOUHE, Fabrice BOUCKA, Annie Michelle MAMBOUNDOU, Pénolla MINKOUE ABANG, Christelle MAPENZA KOPP, Constant MACKOUYA, Francisca IBRAHIM KUMBA, Mohamed TETY IBRAHIM KUMBA ,Emile André BOUKA MOUANDA sans oublier ma soeur Susannah MOUSSONGOU IBRAHIM KUMBA, pour leur soutient tant matériel que moral et leurs précieux conseils.

A nos amis Pascale MPIRA, Christian MVE NGOMO, Sonia MASSIMA, Audrey MABEHAN, Hermine BOUANGA, Gladice DIMANGA MAYOMBO, Lionel Cédrick IKOGOU-RENAMY, Floriane Melinda KAYIBA, Joe Francis

DEMBA, Isabelle MENGUE, Perrin Hermann IKHOUBANGOYE, Davis Willis KOUMBI OVENGA, Brice DIMBOMBI, Serge BOUSSOUGOU, Patrick MIKOLO MIKOLO, Virginie NKOGHE ; Hassana YADIKO, Housseina ABOUBACKAR, Sadatou GAMBO, Aymard MOULOUNGUI, Elsie AGOSSOU MOUSSINGUILI, Eymel NZAMBA, Nikita AZINGO, Lauriane NDJANENE NGOWET, Steeve Laurent DENGUE, Sandra MAKAYA, Félicité NDJABA, David BOULINGUI, Danny OBANGA et à tous mes camarades et condisciples.

Le présent rapport porte la marque de votre inestimable amitié !

6

Liste des illustrations

? Carte n°1 : Localisation géographique du village Bellevue

25

? Carte n°2 : Localisation géographique de la province du Moyen-Ogooué

26

La photo n°1 : «la corbeille ou Guiapa »

90

La photo n°2 : «Les plumes de perroquet ou Nguiana-kouss » .

..91

La photo n°3 : «La poudre de padouk ou Mboulé »

92

La photo n°4 : « Le kaolin blanc ou Pembè»

..93

La photo n°5 : « Legun ou grelot»

94

7

Liste des tableaux

? Tableau n°1 : Construction du concept principal de « la veuve d'un maître-initié,

mère des jumeaux » . 24
? Tableau n°2 : La comparaison entre le Mungala et l'Ondoukoué chez les Akélé du

Moyen-Ogooué .58
? Tableau n°3 : La correspondance des objets matériels du pouvoir à la naissance

des jumeaux et lors du veuvage . 89

8

Introduction générale

Notre étude porte sur la société Akélé du Moyen-Ogooué, du village Bellevue. Ce groupe ethnolinguistique se retrouve à peu près dans sept provinces du Gabon, sous des appellations toutes différentes selon les régions qu'ils occupent. Notons par exemple qu'on les appelle Akélé, dans le Haut-Ogooué, on parle de Mbahouin, dans le Moyen-Ogooué, Akélé, dans la Ngounié, les Kélé ou Bakélé à Fougamou, comme à Mouilla, Mimongo, puis ils sont Toumbidi à Mbigou et à Malinga. Dans l'Ogooué-Ivindo, on les appelle les Ongom ; dans, l'Ogooué-Lolo, ils sont aussi Bakélé. Enfin, dans l'Ogooué-Maritime, ils sont appelés Akélé. N'oublions pas que leur appellation d'origine est « Ongom ».

La présente étude consistera à montrer comment ce groupe ethnolinguistique Akélé du village Bellevue est gouverné par des considérations sociopolitiques et religieuses. Justement, nous voulons comprendre comment à travers un pan de cette société c'est-à-dire le veuvage, l'épouse d'un maître-initié mère des jumeaux, nous permet de lire la mise en évidence des structures politiques de cette pratique sociale. La naissance gémellaire, le décès d'un maître-initié, le veuvage, les rites et l'implication des sociétés initiatiques masculines et secrètes sont autant d'éléments sociologiques et anthropologiques qui nous permettent de déchiffrer cette organisation politique et religieuse Akélé.

Ainsi, nous nous proposons de décrypter la place qu'occupe le rituel du veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère des jumeaux, qui hérite du statut de son défunt mari à travers ce que nous appelons les rites d'intronisation de cette femme dans la communauté des Maîtres-initiés.

De manière générale, le veuvage est définit comme « une situation de totale retenue da la veuve à l'écart de tout ce qui relève de la vie quotidienne. Cette retenue s'accompagne également d'une restriction des contacts avec l'entourage immédiat;

lointain et d'une série d'interdits »1 ; est un ensemble constitué de purification psychique et physique afin de libérer la veuve des possibles persécutions de l'esprit de son défunt époux. Mais, pour le groupe Akélé du Moyen-Ogooué, du village Bellevue, le veuvage est surtout une initiation pour la femme d'un maître-initié, mère des jumeaux. Car la veuve change de statut et acquiert le statut de son défunt époux à travers les rites d'intronisation.

Pour résumer ; « le travail de la sociologie consiste à aller au-delà de l'apparence, des mouvements des catégories de la pratique, du bon sens, pour retrouver non pas des principes ou des valeurs et pas davantage des réalités matérielles, [...] mais l'action de la société sur elle-même et les relations sociales définies par les différents types d'action ».2 Jl est à souligner que la veuve d'un maître-initié, mère des jumeaux est un chef politique dans la société Akélé, car elle détient une connaissance "absolue" des secrets du monde visible et invisible.

Enfin, le rapport existant entre le pouvoir religieux et le politique dans la société Akélé du Moyen-Ogooué, du village Bellevue à travers le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère des jumeaux, permet de dire que la veuve d'un maître-initié, mère de jumeaux devient un chef politique et religieux parce qu'elle hérite les biens symboliques de son défunt époux.

9

1 Louis-Vincent THOMAS, Mort et pouvoir, Paris, Payot, 1999, pp.9-10.

2 Alain TOURAINE, Pour la sociologie, Paris, Editions du Seuil, (coll. « Points »), 1974, p.238.

10

Section 1 : Objet et champ de l'étude

1. Le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux comme objet d'étude

En sciences sociales, le processus de recherche repose sur un problème particulier. A cet effet, le chercheur doit avoir un objet d'étude. C'est-à-dire, ce sur quoi il entend travailler. Dans cette perspective, « le chercheur doit d'abord définir les choses dont il traite afin que l'on sache de quoi il est question ».3 Autrement dit, « l'objet de recherche c'est ce sur quoi porte l'étude »4 et il n'est jamais donné. C'est pourquoi « la construction de l'objet est l'un des points essentiels et les plus difficiles de la recherche, le fondement sur lequel tout repose ».5 Cet objet est perçu comme étant un problème posé, formulé rigoureusement, un fait scientifique qui rend compte de la réalité sociale. Ainsi, notre objet d'étude ; « le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux », s'articule autour du rapport existant entre l'épouse d'un maître-initié mère des jumeaux et l'institution du veuvage, en vigueur dans la société Akélé du Moyen-Ogooué, au centre ouest du Gabon.

En effet, le veuvage est une conséquence de la mort. « La mort est une donnée socioculturelle par les croyances ou les représentations qu'elle suscite et par les attitudes et rites qu'elle provoque ».6

Notre étude est adossée à l'idée que « la pratique du veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux, chez les Akélé du Moyen-Ogooué, du village Bellevue, ne se vit pas de la même manière que celui d'une femme mère ordinaire ».7

3Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, 11ème édition, Paris, PUF/Quadrige, 2002, p.34.

4 Mesmin-Noël SOUMAHO, Eléments de méthodologie pour une lecture critique, T. 1, Paris, l'harmattan et Cergep Editions, Coll. « Recherches Gabonaise », 22, p. 123.

5 Gaston BACHELARD cité par Madeleine GRAWITZ, Méthodes en sciences sociales, Paris, Dalloz, 1993, p. 422.

6 Louis Vincent THOMAS, Les rites funéraires, bulletin n°60 et 61, 18ème année, société de thanatologie, Décembre 1984, p. 33.

7 L'étude descriptive du phénomène du veuvage a montré que le traitement réservé à la mère des jumeaux lors du veuvage diffère de celui de la femme mère ordinaire car la veuve mère des jumeaux a un rituel approprié du fait qu'elle ait mis au monde deux enfants considérés, chez les Akélé, comme des êtres extraordinaires voir des princes.

11

Ainsi, pour avoir une meilleure compréhension de notre objet d'étude, nous tenterons de faire une analyse du rituel du veuvage depuis le jour du décès jusqu'au levé de terre ; comme rite de contrainte qui marque la séparation du défunt avec les vivants et l'organisation de la gestion des affaires courantes.

La pratique du veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux, apparaît comme un alibi pour (re)visiter la problématique des catégories sociales en formation dans nos sociétés lignagères. Si tant est que nous partons de l'hypothèse que le veuvage de la femme d'un maître-initié conduit à un changement de statut parce qu'elle hérite du statut de son mari, ces considérations nous amènent, alors, à avancer que notre objet d'étude se focalise sur l'épouse d'un maître-initié mère de jumeaux, qui se trouve dans une situation particulière : le veuvage.

Il ya dans ce sujet une combinaison de deux statuts ; celui de mère de jumeaux qui appelle un traitement particulier et celui de veuve d'un maître-initié qui, pour sa part, a des exigences politique et religieuse liées au statut du défunt. C'est ce rapport, sous-entendu dans notre travail, que nous voulons rendre intelligible par le souci de son mode d'articulation.

2. La sociologie politique comme cadre de référence

Si l'on considère que « les champs de l'étude renvoient au cadre théorique général dans lequel s'intègre la problématique de l'étude »8, il va sans dire que notre étude se retrouve dans l'un des champs théorique généraux que compte la sociologie : la sociologie politique. De plus, « toute science cherche à définir son domaine, à mettre en évidence des faits en vue d'établir des lois ».9

8 Mesmin-Noël SOUMAHO, Eléments de méthodologie pour une lecture critique, T. 1, Paris, l'harmattan et Cergep Editions, (Coll. « Recherches Gabonaise »), p. 123.

9 Gaston MIALARET, Introduction aux sciences de l'éducation, Paris/Genès, Unesco, Delachaux et Niestlé, 1985, p. 25, cité par Alexandre NGOUA in, La sorcellerie du kong à Bitam : une manifestation symbolique de l'économie de l'Etat capitaliste, Rapport de Licence, Libreville, UOB/FLSH, Sept. 2003, p.5.

12

Par ailleurs, il est important de dire que le pouvoir n'étant pas dissocié du religieux puisque « le fait religieux entretient un rapport étroit avec la politique; le pouvoir »10, affirmer que le religieux et la politique sont intimement liés, c'est se référer à l'histoire des rois de France qui, pour être légitimés par le peuple français, furent intronisés et sacrés rois par l'Eglise. Par analogie, nous considérons que le religieux c'est le veuvage et que la politique soit le fait que la veuve prenne la place de son défunt mari dans la gestion de la communauté, il n'en demeure pas moins qu'elle doit se soumettre à des rites d'expiation et d'intronisation. Parce qu'il s'agit de la ritualisation du pouvoir politique, et qu'on ne peut exercer légitimement ces fonctions politiques qu'après s'être prêter au veuvage et à l'intronisation qui s'y accompagne.

Puisqu'il convient d'étudier le veuvage de l'épouse d'un maître-initié mère de jumeaux et toutes ses implications, si non ses incidences, d'une telle situation aux plans politiques et religieux de la communauté Akélé du Moyen-Ogooué, nous nous inscrivons pour la circonstance, dans la sociologie politique pour nous édifier sur la question.

La sociologie politique se définit comme la science du pouvoir. En effet, elle est « la science du pouvoir (de l'autorité du commandement, du gouvernement) dans quelque société humaine que se soit, et pas seulement dans la société étatique ».11 De plus, « le phénomène de l'autorité et du pouvoir n'est pas propre à l'Etat ; il se trouve dans toute `'organisation sociale», même la plus réduite (entreprise, université, section de parti, de syndicat, etc.) »12 La société Akélé est régie comme un Etat, puisqu'elle a à sa tête un chef et autour de ce chef, gravite toutes les institutions politiques qui permettent de réguler l'ordre dans cette société lignagère.

10 Lionel Cédrick IKOGOU-RENAMY, Le marché des restes humains. Etude sur le fétichisme politique à Libreville, Mémoire de Maîtrise en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, Oct. 2008, p.9.

11 Roger Gérard SCHWARTZENBERG, Sociologie politique, Paris, Edition Montchretien, 5ème édition, (Coll. « Domat politique »), 1998, p. 30.

12 Ibid., p. 31.

13

Nous pouvons préciser que la politique est un produit de la société. La sociologie politique met en évidence le pouvoir ; où nous présentons deux de ces caractéristiques :« d'abord sa fonction de régulation sociale, le pouvoir est indispensable et se renforce grâce aux inégalités qu'il a pour but de combattre et qui le justifient, d'où son ambiguïté. Dans une société sans conflit, le pouvoir serait inutile. Georges BALANDIER ajoute une seconde caractéristique importante : la sacralité. Toujours présente, bien que plus ou moins manifeste suivant les sociétés ».13 On retient que l'exercice du pouvoir obéit à une ritualisation, dont l'intronisation et le gouvernement en sont les clés.

L'étude du pouvoir implique l'observation des mécanismes politiques (autorité, gouvernement, etc.) par lesquels le pouvoir se conquière et s'exerce. La sphère d'action ou d'interactions des gouvernants, telle qu'elle peut-être déterminée par l'organisation sociale existante et par les positions ou réactions du corps social, c'est-à-dire, les formes, l'étendue, et les limites du pouvoir, ainsi, que les techniques de gouvernement au moyen d'exercer le pouvoir. Or, il est indéniable que le pouvoir soit intimement lié au sacré. Partant de ce postulat, nous affirmons que le rite du veuvage, en tant qu'initiation de l'épouse du maître-initié et mère de jumeaux, apparaît comme un des mécanismes politiques qui permettent d'accéder au pouvoir.

Du point de vue anthropologique, il faut dire que l'objet de l'anthropologie politique tient compte des « croyances, les symboles, les rites, les mythes »14 pour être mieux élaborée. En effet, cette étude nous conduit de quelque façon que se soit à visiter l'univers du symbolique, du sacré et des représentations voire des croyances des Akélé du village de Bellevue sur Lambaréné (Moyen-Ogooué) ; dans l'optique de rendre compte sinon d'analyser le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux, et ses effets; au sein d'une société lignagère a priori androcentrique.

13 Georges BALANDIER cité par Madeleine GRAWITZ, Méthodes en sciences sociales, Paris, Dalloz, 1996, p. 288.

14 Lionel OBADIA, L'Anthropologie des religions, Paris, Editions La Découverte, (Coll. « Repères »), 2007, p.64.

14

Enfin, en convoquant la sociologie politique, Marta HARNECKER définit le pouvoir politique comme « la capacité d'utiliser l'appareil d'Etat pour réaliser les objectifs politiques de la classe dominante [...] la classe ou les classes qui ont conquis ce pouvoir mettent l'appareil d'Etat au service de leur intérêt ».15 Mieux, la sociologie politique « est la science du pouvoir (de l'autorité, du commandement, du gouvernement) dans quelques sociétés humaines que ce soit, et pas seulement dans les sociétés étatiques ».16 Il nous paraît important de renchérir cette esquisse définitionnelle de la sociologie politique, par la convocation des auteurs comme Jean-Pierre COT et Jean-Pierre MOUNIER17. En effet, pour eux, « toute classe dominante produit une idéologie dominante qui contribue au maintien de sa position dominante en légitimant son pouvoir ».18

Par analogie, la classe dominante dont il est question dans notre travail est celle des maîtres-initiés qui, par leurs connaissances et leurs statut de chefs politiques, entendent conserver aussi longtemps que possible leur pouvoir et sa légitimité sur l'ensemble des membres de la communauté (des autres Maîtres-initiés, les mères des jumeaux, etc.)

15 Marta HARNECKER, Les concepts élémentaires du matérialisme historique, Bruxelles, Edition. Contradictions, 1974, p. 105.

16 Roger Gérard SCHWARTZENBERG, Sociologie politique, Paris, Edition Montchretien, 5ème édition, (Coll. « Domat politique »), 1998, p. 30.

17 Jean-Pierre COT et Jean-Pierre MOUNIER, Pour une sociologie politique. Tome 2, Paris, Editions du Seuil, 1974, (coll. « Points »), 183 p.

18 Ibid., pp.57-58.

15

Section 2 : Construction du modèle d'analyse

Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT affirment dans leur ouvrage Manuel de recherche en sciences sociales que l'élaboration de la problématique est une opération qui se déroule souvent en deux étapes ; la problématique « est l'approche ou la perspective théorique qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par la question de départ ».19 Ce qui revient, dans un premier temps, à « exploiter les lectures et les entretiens et de faire le point sur les différents aspects du problème qui y sont mis en évidence »20 afin que, dans une deuxième intension, l'on parvienne à « construire sa propre problématique ».21

Dans le cadre de notre étude, nous explorerons les acquis scientifiques qui portent sur les phénomènes politiques et le veuvage. La représentation sociale du veuvage de l'épouse d'un maître-initié mère de jumeaux, à la suite de la mort de son mari maître-initié étant au centre de notre étude, nous nous focalisons aussi bien, sur les travaux de la mort comme un rite de passage obligatoire, dont l'interprétation est immédiatement religieuse qu'aux travaux portant sur la pratique du phénomène du veuvage, comme un rite de passage, qui devient un phénomène politique.

1. La question politique à travers le veuvage dans la littérature sociologique occidentale

Nous voulons rappeler qu'en ce qui concerne la pratique du veuvage, en tant que fait social total et comme rite de passage et d'intronisation, il est un alibi pour interroger la question politique. Néanmoins, l'examen que nous faisons du phénomène de la mort, montre que le veuvage est une conséquence directe de celle-ci ; au même titre que le levé de terre et le retrait de deuil. D'autant plus que, c'est

19 Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, Manuel de recherche en sciences sociales, 2ème éd., Paris, Dunod, 1995, p.85.

20 Ibid., p.86.

21 Ibid., p.86.

16

l'occasion d'exposer ici le fait selon lequel la mort, bien qu'étant un phénomène qui s'inscrit dans le religieux et le social ; peut avoir une dimension politique. En ce sens, le rituel du veuvage apparaît, comme un mécanisme politique qui permet, non seulement, un changement de statut, l'accession au pouvoir, mais également un processus de réinsertion sociale (il s'agit de revaloriser la femme dans un nouveau statut).

« Concevoir la sociologie politique comme une sociologie, le système politique comme un système social, c'est construire l'ensemble des relations qui lient la politique et le social ».22 Ceci, pour dire que la question politique demeure une des préoccupations fondamentales des chercheurs parce qu'elle est un phénomène social total au sens de MAUSS. C'est la politique qui nous renseigne sur la façon dont les hommes en société organisent et planifient leur quotidien.

D'abord, plusieurs anthropologues se sont intéressés à la mort comme phénomène social. Dans « Cinq essais sur la mort africaine », Louis-Vincent THOMAS affirme que « le simple fait que l'humanité est constituée de plus de mort que de vivant, montre bien que les hommes aient conçu et élaboré des systèmes de croyances, parfois d'une prodigieuse complexité, pour se préserver des effets dissolvants de la mort. Trois buts semblent plus spécialement visés : rassurer l'homme, revitaliser le groupe que le décès perturbe et amoindrit, normaliser les rapports entre les vivants (monde visible) et les morts (monde invisible) ».23 Pour notre part, c'est plutôt la deuxième raison évoquée par l'auteur qui nous intéresse. En effet, comme évoqué plus haut, c'est la politique qui vient revitaliser le groupe en instituant et en gérant des mécanismes tel que le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux, pour restaurer l'ordre social déstructuré par la mort.

22 Jean-Pierre COT et Jean-Pierre MOUNIER, Pour une sociologie politique. Tome 2, Paris, Editions du Seuil, 1974, (coll. « Points »), p.148.

23 Louis Vincent THOMAS, Cinq essais sur la mort africaine, Dakar, Université de Dakar, 1968, p.494.

17

Le veuvage de la mère de jumeaux chez les Akélé du Moyen-Ogooué révèle une particularité : celle de la mort symbolique de cette épouse du maître-initié. Et par le veuvage, elle doit être réinsérée dans sa communauté. Louis-Vincent THOMAS, poursuit en disant que « l'incertitude des frontières entre la vie et la mort soit un élément d'interrogation du social ».24 C'est dans ce sens qu'Emile DURKHEIM parle de rites piaculaires, il affirme que « régulièrement, il faut pleurer, s'attrister, manifester sa colère et que ces grandes manifestations collectives restituent au groupe l'énergie » qui menaçait de lui soustraire ».25

C'est dans cette même perspective que Arnold VAN GENNEP montre que « tous s'organisent selon une séquence constante en trois temps, qui distingue à l'intérieur d'un même rituel : une phase de séparation vis-à-vis du groupe ; une phase de mise en marge (ou « liminale ») ; une des réintégration (ou « agrégation ») au sein du groupe, dans une nouvelle situation sociale ».26 Cette perspective décrit déjà la situation que nous étudions ici, à savoir ; le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux, comme processus de réinsertion sociale et d'agrégation par le statut acquis dans la communauté des maîtres-initiés. C'est la restauration du groupe qui a enregistré une perte, un déséquilibre et celle de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux, dans sa position originaire par rapport au pouvoir politique qu'exercent les hommes.

La présentation de la littérature sociologique sur le veuvage, que nous avons prise comme conséquence principale de la mort nous permettra d'appréhender les répercussions socio-politiques de celle-ci, surtout les rapports de pouvoir entre la société initiatique (religieuse) masculine, voulant faire du veuvage, un mécanisme de légitimation du pouvoir androcentrique. Toutefois, on se rend compte que c'est par le veuvage que la veuve va s'intégrer dans la communauté des maîtres-initiés, en lieu et place de son défunt mari.

24 Louis Vincent THOMAS, Anthropologie de la mort, Paris, Payot, 1975, p.101.

25 Emile DURKHEIM, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, (coll. « Le livre de Poche »), classiques de la philosophie, 1991, p.687.

26 Arnold VAN GENNEP, Rites de passage, Paris, Mouton, 1909, p.66.

18

Cette démarche nous conduit à visiter les travaux des chercheurs africains, africanistes et gabonais sur la question de la mort dans ses rapports de pouvoir religieux et politiques.

2. Les universitaires africanistes et gabonais face à la question de la mort (donc du veuvage), à travers le fait politique

En ce qui concerne les travaux des universitaires africains et gabonais, nous avons retenu pour l'essentiel deux catégories. D'une part, les travaux de recherches des enseignants-chercheurs en rapport avec la religion et surtout la mort ; d'autre part, les travaux des étudiants des Départements d'Anthropologie et de Sociologie de l'Université Omar Bongo de Libreville.

La question de « la religion et de la mort » reste une question peu enthousiasmante pour les chercheurs gabonais, à la vue des travaux existants sur cette double question. Toutefois, la rareté des travaux n'ayant jamais ébranlé la valeur, nous avons retenu les travaux de Jean-Ferdinand MBA'H et ceux de la Fédération des associations féminines (FAF) de l'église évangélique presbytérienne du Togo (EEPT).

La mort, vue par Jean-Ferdinand MBAH, rend compte des différentes situations auxquelles font face la veuve et la famille du défunt. Dans un chapitre intitulé la redynamisation de la société; il affirme que « pour mettre un terme à la perturbation causée par la mort d'un initié et conjurer les effets de celle-ci, il faut purifier non seulement les femmes mais aussi le village afin de reprendre les activités classiques de production, notamment la chasse et la pêche ».27

Ici la purification concerne non seulement la femme de l'initié défunt, mais également le village. Le village qui doit être débarrassé des esprits agressifs qui

27 Jean-Ferdinand MBAH, « veuvage et rupture de la relation d'alliance », in Rites et dépossession, Rupture, n°5, mars 2004, p.132.

19

errent, surtout la nuit, à proximité des parents et des amis pour qui ils sont sources de dangers, de maladies et de mort. Jean-Ferdinand MBAH, avec la notion de purification, introduit une autre notion en rapport avec les religions dites « primitives », c'est la notion de « souillure ».28 Cette notion présente un double intérêt pour notre étude. Dans un premier temps, elle confirme le veuvage comme rite de purification et de séparation, dans un second temps, elle rejoint la réinsertion sociale et le changement par acquisition du statut politique.

En résumé, dans « veuvage et rupture de la relation d'alliance » Jean-Ferdinand MBAH met en exergue les problèmes auxquels les veuves, après la mort de leurs époux, sont confrontées dans la société gabonaise depuis les années 1990. Ce qui nous interpelle ici, ce n'est pas tant la dépossession des biens du défunt par les familles des défunts, mais plutôt le rite que ces veuves subissent pour la circonstance : c'est-à-dire « une purification précédée d'une période de pénitence ».29

Ces trois contextes de « mort-jumeaux, initié au Mungala et initié au Nzé » conduisent le veuvage à une situation valorisante de la femme dans la mesure où les transferts des statuts des défunts aux veuves, restreignent la portée des attitudes piaculaires que la ségrégation masculine adopte pendant les rituels post-mortèmes.

Jean-Ferdinand MBAH, par les pleurs de la veuve, montre combien de fois ce transfert se fait surtout lorsque la veuve est double, c'est-à-dire, à la fois jumelle et initiée au Mungala, mais ce qui nous intéresse dans le contexte de la mort, c'est celui qui était initié au Nzé, la veuve doit occuper la place de son mari dans le clan et la communauté des initiés de ce dernier. Quant au transfert du statut, MBAH nous informe que dans ce cas précis, il s`agit d'un héritage des biens symboliques du mari et qui confèrent à la veuve un statut d'initié à part entière. Aussi, la mort de son mari apparaît comme un rite de passage pour la veuve.

28 Dans son essai sur les notions de pollution et de tabou intitulé « De la souillure », publié à Paris aux éditions La Découverte en 1992, Mary DOUGLAS affirme qu'on distinguait les religions primitives des grandes religions de la planète sous deux aspects : en premier lieu les religions primitives seraient inspirées par la peur, en second lieu, elles seraient inextricablement mêlées à des notions de souillures et d'hygiène.

29 Jean-Ferdinand MBAH, « veuvage et rupture de la relation d'alliance », p.123, in Rites et dépossession, Rupture, n°5, mars 2004.

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Ainsi, nous pouvons retenir deux choses : c'est la situation de la veuve d'un maître-initié, mère de jumeaux qui subit un changement de statut. D'autre part, nous nous appuyons sur la perspective de recherche de Jean-Ferdinand MBAH à partir de son article « Veuvage et rupture de la relation d'alliance » pour affirmer que le rite du veuvage est un mécanisme d'insertion sociale des veuves et que le « (...) contexte de mort (initiés au nzé) oblige également la veuve à se hisser au niveau du statut initiatique de son époux ; elle doit occuper la place laissée vacante et jouer le même rôle que celui du défunt ».30 C'est ce que Jean-Ferdinand MBAH nomme l'insertion de la veuve dans le groupe des initiés. Il se trouve que notre veuve, par le fait qu'elle soit mère de jumeaux, avait déjà intégré le groupe des hommes par son initiation au Mungala.

Enfin, le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère des jumeaux, apparaît comme une occasion pour questionner les véritables logiques qui sous-tendent et structurent le pouvoir des hommes. La femme d'un maître-initié, mère des jumeaux se présenterait alors comme un fétiche politique et pourquoi pas, comme un contre pouvoir. Par « fétiche politique », il s'agit de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux qui est à la fois initiée au Mungala et à l'Ondoukoué. Par « contre-pouvoir », l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux apparaît comme une adversaire politique vis-à-vis des hommes.

Nous voulons aussi inscrire notre travail dans la construction de l'identité Akélé à travers le veuvage comme rite initiatique et d'intronisation de la veuve mère de jumeaux. Ce qui nous permet de dire que la pratique du veuvage chez les Akélé du Moyen-Ogooué, du village de Bellevue, permet une sorte d'actualisation et de redynamisation de leur identité en tant que telle dans la société gabonaise.

Le veuvage, pour la fédération des associations féminines (FAF) de l'Eglise Evangélique Presbytérienne du Togo (EEPT), varie également d'une région à une autre. A certains endroits, la veuve ne peut retrouver sa liberté que lorsqu'il y a un

30 Jean-Ferdinand MBAH, « veuvage et rupture de la relation d'alliance », p.119, in Rites et dépossession, Rupture, n°5, mars 2004.

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nouveau décès dans le village ou ces environs : on l'amène alors toucher le mort à qui elle doit dire : « si tu t'en vas, salue mon mari ».31 Mais le pire est que la personne défunte doit remplir certaines conditions : Par exemple, si la veuve a eu des jumeaux, le défunt libérateur doit être celui ou celle qui a eu des jumeaux. En attendant de le retrouver, c'est le calvaire qui se poursuit. Pour que la veuve arrête son veuvage, il faut que dans le village ou dans le village voisin, on déclare la mort d'un père des jumeaux. Dans le cas contraire, elle poursuit le veuvage.

La durée du veuvage a une incidence négative sur le plan économique, tant pour la femme que pour la belle-famille, la veuve doit arrêter toutes ses activités, elle doit donner de l'argent à d'autres personnes qui vont préparer pour elle et durant tous le temps du veuvage. A la fin du rituel, elle doit organiser une cérémonie pour remercier ceux qui l'ont aidé dans ce moment.

Par contre BALANDIER32 nous invite à cerner les différentes logiques politiques qui sont en dynamique ; en mettant l'accent sur l'héritage où l'acteur politique gouverne le réel par l'imaginaire33. En témoigne l'exemple de MOBUTU, qui arborait un habit en peau de léopard pour mettre en évidence son statut de chef, aussi bien de village, que chef d'Etat. Ceci pour dire que la politique est une course au pouvoir.

Le rôle que joue l'acteur n'est pas un jeu à proprement dit, plutôt une fonction politique car il gère son peuple et assure l'harmonie, l'ordre établi par l'entremise d'une scène, d'un héritage laissé par le prédécesseur du pouvoir. Le rite du veuvage est une scène pour la négociation politique. Et le successeur de cet héritage n'a de choix que de gouverner. C'est une obligation de conduire la politique à l'intelligence de l'ordre de son temps et de la replacer sur la scène d'une histoire gouvernée par la succession de l'acteur.

31 La fédération des associations féminines (FAF) de l'Eglise Evangélique Presbytérienne du Togo (EEPT), Evangile et culte : La FAF lutte conte le veuvage. Hongrie du 8 au 20 Août 1997. pp. 1-12.

32 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1980, 188 pages.

33 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1992, p.26.

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A la lumière de cette présentation, notre travail de recherche s'inscrit dans ce continuum ; en tentant de saisir les mécanismes de la succession du pouvoir (politique et symbolique) à travers le veuvage de la mère des jumeaux, épouse d'un maître-initié, il s'agit de voir comment cette veuve peut jouer son nouveau rôle de « maître-initié » au sein de la nouvelle catégorie sociale qu'elle intègre (à cause de son veuvage) : celle des maîtres-initiés. Sachant que part la naissance des jumeaux, elle avait déjà intégré une partie de cette catégorie.

Nous retiendrons que « Le pouvoir sur scène » de BALANDIER nous montre comment le pouvoir politique s'exerce de façon symbolique et quels en sont ces effets. Par ailleurs, ce même pouvoir politique, à travers un héritage, vise à maintenir ou à consolider l'ordre établi dans une société. Par « maintenir », il faut dire que la structure de la catégorie sociale des maîtres-initiés est soutenue, tandis que par « consolider », les maillons de cette catégorie sociale en tant que système, c'est-à-dire les maîtres-initiés, ont connu une introduction de la femme dans la vie des hommes: l'entrée de la veuve, mère de jumeaux, en lieu et place de son mari. Nous profitons de l'apport de BALANDIER pour faire une analogie entre le roi et le maître-initié, qui a les pleins pouvoirs dans la gestion de la communauté. Le pouvoir du maître-initié, dans la société Akélé du Moyen-Ogooué, s'exprime à travers les institutions sociales telles que le Mungala et l'Ondoukoué.

BALANDIER pense que « Le pouvoir sépare, isole, enferme ; c'est bien connu. Surtout, il change celui qui y accède »34 A travers cette pensée, nous retiendrons d'abord que le pouvoir n'est pas seulement l'exercice de sa volonté sur un individu. Mieux, nous pensons que le pouvoir, tel que définit par BALANDIER, se présente comme un outil, un instrument de domination qui conforte la légitimité de son détenteur. D'ailleurs, une des caractéristiques du pouvoir, c'est qu'il transforme l'individu, le faisant passer du statut d'exécutant à celui d'acteur.

34 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scènes, ibid., pp.30-31.

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Nous tentons de faire nôtre, cette définition que nous propose BALANDIER pour lire les rapports de force et pourquoi pas de domination qui articulent la société Akélé d'une part, les femmes qui animent cette société d'autre part.

Restons toujours avec BALANDIER35, cette fois dans une autre analyse axée sur la problématique des catégories sociales en formation dans les sociétés dites « traditionnelles ». En effet, en étudiant le veuvage de l'épouse d'un maître-initié mère de jumeaux chez les Akélé du Moyen-Ogooué, nous voulons mettre en évidence le fait que cette dernière, par le veuvage, connaîtra un changement de statut, parce qu'elle aurait hérité du statut de son mari. Pour BALANDIER, les différenciations sociales s'expliquent par les rapports sociaux entre les catégories sociales, à travers une hiérarchie des sexes qui peut se dissoudre ou justement se renverser par le pouvoir des acteurs sociaux. C'est le cas de notre objet qui tente de voir comment dans la société Akélé du Moyen-Ogooué, les épouses des maîtres-initiés, mères de jumeaux, deviennent des « femmes-hommes » mieux, des chefs politiques, par le veuvage.

La convocation des travaux des étudiants africains et gabonais sur la question de « la religion et de la mort » nous a fait retenir les rapports de Licence et les Mémoires de Maîtrise de Geneviève BATCHEMA36, Fulbert TOKA37 , Daniel MVE ENGONGA38 et Eddy Blaise MABADI MAHEBA39.

35 Georges BALANDIER, Sens et puissance. Les dynamiques sociales, Paris, Quadrige/PUF, 1971, 334 pages.

36 Geneviève BATCHEMA, Les modalités du veuvage chez les Mahongwe, Rapport de Licence en Anthropologie comparée, UOB/FLSH, Libreville, 1997, p.28.

37 Fulbert TOKA, le veuvage et la valorisation de la femme dans la société Akélé, Rapport de Licence en Sociologie, UOB/FLSH, 1997, 27 p.

38 Daniel MVE ENGONGA, La gestion de la mort dans la société fang à travers les discours, rites et conflits, Mémoire de Maîtrise en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, 1995,108p.

39 Eddy Blaise MABADI MAHEBA, Ambivalence et pouvoir : Mongala et le culte des jumeaux chez les Mahongwé, Mémoire de Maîtrise en Anthropologie, Libreville, UOB/FLSH, 2005, 97 p.

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Dans son étude « Les modalités du veuvage chez les Mahongwe», Geneviève BATCHEMA évoque les problèmes de discrimination du veuvage entre l'homme et la femme. La femme fait l'objet de brimades, considérées par l'auteur, comme ayant commis des actes susceptibles de compromettre la santé ou la renommée de son époux, elle subira des dures épreuves, elle va alors faire face aux nièces, neveux et soeurs du mari défunt, qui lui feront subir des supplices dits « mayoba».40

Geneviève BATCHEMA donne les étapes ordinaires d'un rituel funéraire. Elle affirme que « ces étapes débutent par l'annonce du décès, la veillée mortuaire, l'inhumation. La réclusion mortuaire, la levée de terre, le port du deuil, le retrait de deuil et enfin l'étape de la succession et le partage de l'héritage ».41 Nous sommes dans le déroulement du rituel du veuvage de l'homme et de la femme chez les Mahongwe. Par rapport à notre objet, ce travail est un fil conducteur qui nous permet de circonscrire en général notre étude en présentant les différences de traitements lors du veuvage. C'est-à-dire qu'il existe un traitement pour les hommes et un autre pour les femmes ; aussi parle t-on de traitements discriminatoires. Cette discrimination ne tiendrait pas compte du statut de ces dernières car si c'était le cas, on ne parlerait pas de « traitements discriminatoires ». On parlerait de traitements équitables.

Chez Fulbert TOKA, le travail porte sur « le veuvage et la valorisation de la femme dans la société Akélé ». Dans son rapport de Licence, Fulbert TOKA déclare que « le veuvage est une instance spéciale de prise de pouvoir ; c'est une initiation ».42 Il affirme ensuite que « dans la société Akélé, la femme est à la fois mère, épouse, nourricière, etc. »43 Aussi, lors des cérémonies funéraires, ces différents statuts émergent en même temps que le groupe transfert en elle, les statuts de son défunt mari. En effet, le deuil détient une signification : il affirme par exemple que « la

40 Ce terme désigne les brimades en langue Mahongwé.

41Geneviève BATCHEMA, Les modalités du veuvage chez les Mahongwe, ibid., p. 14.

42 Fulbert TOKA, le veuvage et la valorisation de la femme dans la société Akélé, Rapport de Licence en

Sociologie, UOB/FLSH, Libreville, 1997,27 p.

43Ibid., p.5.

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veuve aura en permanence, les mains sur la tête, le geste qui signifie le désespoir, il y a aussi les paroles et les conversations qui sont généralement ponctuées de proverbes, sont généralement significatives ».44 On retient que les travaux de TOKA nous confortent dans la revalorisation de la femme, à travers le transfert de statut.

C'est un travail qui montre que le veuvage, perçu généralement comme un temps d'expiation, est un moment de renouvellement de statuts des défunts mais surtout, de la réaffirmation de celui de l'épouse. Son hypothèse axée sur la mort d'un jumeau ou d'un initié au Mungala nous révélant que « le veuvage est une instance d'émergence des statuts de la femme »45, nous situe bien dans notre démarche. Elle est un pan de notre étude. Enfin, « c'est donc la révélation de la revalorisation de la femme et la redynamisation de la société qui sont contenues dans les complaintes à travers le rituel du deuil. Ces situations ne sont pas le fait d'une volonté individuelle, elles ne répondent qu'à un comportement collectif guidé par les normes coutumières et sociétales ».46

Eddy Blaise MABADI MAHEBA47 quant à lui, évoque le problème du statut de la mère des jumeaux dans la société traditionnelle, celui des jumeaux et le mythe même du Mungala. Mais le point qui nous préoccupe le plus est celui du statut de la mère des jumeaux dans cette société traditionnelle Mahongwè. Pour lui, la mère de jumeaux est considérée comme le Nganga-Mongala, c'est-à-dire « maître-initié » ; elle accède à la connaissance des vertus et des secrets des plantes médicinales et médico-magiques et peut, désormais, exercer un pouvoir de guérison. Il faut souligner qu'à travers la naissance des jumeaux, le statut de la femme change d'un genre à l'autre. Et ce statut permet à la mère des jumeaux d'accéder aux rites initiatiques masculins.

Ce statut de la mère des jumeaux lui donne la possibilité de jouer le rôle d'interface entre les hommes et les femmes, les vivants et les morts. Cette femme est

44 Fulbert TOKA, le veuvage et la valorisation de la femme dans la société Akélé, ibid., p.9.

45 Ibid., p.8.

46 Ibid., p.20.

47 Eddy Blaise MABADI MAHEBA, Ambivalence et pouvoir : Mongala et le culte des jumeaux chez les Mahongwe, Mémoire de Maîtrise en Anthropologie, Libreville, UOB/FLSH, sept.2005, 97p.

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crainte dans sa société traditionnelle et détient un pouvoir qui lui donne le dessus sur les mères ordinaires et sur certains initiés au Mungala puisqu'elle est considérée comme un maître-initié ou Nganga-Mungala. Le parallèle « Mungala et Ondoukoué » avec la société Akélé réside dans le fait que l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux peut accéder au statut de son mari si et seulement si elle a subi le veuvage, en tant que moment d'intronisation de cette dernière dans la catégorie sociale des maîtres-initiés. Bien sur, en lieu et place de son mari. C'est donc à cette condition qu'elle peut être « un maître-initié ».

La mort se voit présentée sous une forme particulière à travers le veuvage et toutes les autres manifestations qui accompagnent le rite et les coutumes qui suivent un décès dans la gestion du deuil. Elle nous permet de voir comment le système politique se met en place pour organiser les rites post-mortems.

On se rend compte que, dans cette société lignagère, le pouvoir charismatique (ici il s'agit de leur influence) des maîtres-initiés est le plus important dans l'organisation sociale. En ce sens, il porte sur des symboles chargés de sens. Aussi, ces symboles nous renseignent sur la façon dont les hommes mènent et conduisent leur vie. Il ressort des conclusions auxquelles sont parvenus les différents auteurs précités que la problématique du veuvage trouve ses fondements dans la fonction politique et symbolique des rites funéraires.

3. Perspective de notre problématique du veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux

« Initialement circonscrit avec une certaine précision, un objet de recherche se reconnaît toujours d'une problématique, c'est-à-dire, en première approximation, un ensemble de problème qui, ouvrant la recherche, sont susceptible d'être soulevés par l'objet étudié. La construction d'une problématique ne se limite cependant pas à l'énoncé immédiat de quelques questions ; elle lie plutôt à une posture d'interrogation générale de l'objet, proche du sens que prend l'objectif dans

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l'expression de « jugement problématique » : il s'agit d'une proposition qui énonce une simple possibilité, la vérité n'étant pas encore établie à ce sujet ».48

Les entretiens et les différentes lectures nous ont permis de mettre en exergue un certain nombre de perspectives qui nous ont rendus « sensibles », par rapport à notre objet d'étude. Ainsi, on peut envisager de l'orienter selon la perspective théorique de Jean-Ferdinand MBAH adossée à l'idée que « la redynamisation de la société devient possible après l'initiation de la veuve, obtenue par transfert. Il reste maintenant au groupe d'initiés à régler le problème du vide créé par le décès et celui de l'arrivée d'une nouvelle initiée ».49

Il en va de même avec TOKA qui axe sa problématique sur le fait que « c'est donc la révélation de la revalorisation de la femme et la redynamisation de la société qui sont contenues dans les complaintes à travers le rituel du deuil. Ces situations ne sont pas le fait d'une volonté individuelle, elles ne répondent qu'à un comportement collectif guidé par les normes coutumières et sociétales ».50

Reste donc à justifier les choix de notre perspective. Toutes les études sur la mort et les rites qui l'accompagnent, sont marquées du matérialisme historique. Toutes ces études viennent assener les rapports aussi bien de domination, de luttes de groupes et de génération, que des rapports d'exploitation d'un groupe par un autre groupe. Toutefois, rares sont les études qui portent sur le veuvage de la l'épouse d'un maître-initié, mère des jumeaux. Le veuvage de l'épouse d'un maître-initié mère de jumeaux chez les Akélé est une réalité qui est, a priori, logique dans la société gabonaise. Car la mère des jumeaux est un être exceptionnel, la maternité qui conduit à la naissance de ces deux « êtres » transforme son statut qui passe d'un genre à l'autre, donc d'une femme à « une femme-homme ».

48 André D. ROBERT et Annick BOULLAGUET, Analyse de contenu, Paris, (coll. « QSJ ? »), 1997, p.25.

49 Jean-Ferdinand MBAH, « Veuvage et rupture de la relation d'alliance. Illusion sur une pratique sociale récurrente en milieu urbain » p.120 in Rupture-solidarité n°5-2004, pp115-131.

50Fulbert TOKA, le veuvage et la valorisation de la femme dans la société Akélé, Rapport de Licence en Sociologie, UOB/FLSH, Libreville, 1997, ibid., p.20.

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Pour ce travail nous nous situerons dans une perspective particulière qui consiste à poser le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux, comme une réaffirmation, un processus politique d'exercice du pouvoir par une femme particulière.

On pourrait retrouver par exemple dans « un corps de garde » la mère des jumeaux qui prend la parole devant les hommes pour résoudre les problèmes du village, grâce à son statut. Car dans la société Akélé, lorsqu'une femme met au monde des jumeaux, elle accède au groupe des « hommes », elle est initiée au Mungala, un rite qui est réservé uniquement aux hommes, donc cesse d'appartenir au groupe des femmes mais fait partie intégrante de celui des hommes ; sans perdre ses qualités de femmes puisqu'elle reste mère de jumeaux. Cette initiation serait plutôt une légitimation de son nouveau système politique.

L'intérêt sociologique du veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux, qui s'actualise dans la société Akélé, est très important car depuis des décennies, la mère de jumeaux est considérée comme un être spécial; mettre au monde des jumeaux n'est pas donné à toutes les femmes, c'est la raison pour laquelle la mère des jumeaux est considérée comme un homme, a priori, seul genre à pouvoir réaliser toute chose extraordinaire.

4. Enonciation de l'hypothèse de recherche

Généralement, toute recherche portant sur un objet en sciences sociales et singulièrement en sociologie, implique la prise en compte d'un fil conducteur. Celui-ci renvoie à la formulation d'hypothèses pertinentes en rapport avec des concepts bien définis. De ce fait, la description d'un phénomène étudier ne peut se passer d'un cadre théorique qui ordonne les données recueillies et leur donne une signification. Cela implique, que les hypothèses sont nécessaires pour la logique et l'efficacité de la description.

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Pour Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, « l'organisation d'une recherche s'articule autour d'hypothèse de travail ».51 En d'autres termes, « un travail ne peut être considéré comme véritable recherche s'il ne se structure autour d'une ou plusieurs hypothèses ».52 Nous pouvons donc postuler qu'une hypothèse est « une proposition de réponse anticipée aux questions que l'on se pose à propos de l'objet de la recherche formulée en des termes tels que l'observation et l'analyse puissent former une réponse ».53

La notion d'hypothèse est liée, comme nous le savons, à la méthode expérimentale. Dans ce sens, elle est à la fois une question que l'on se pose et une proposition de réponse à cette question. La question spécifique de notre problème est la suivante: Pourquoi le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux conduit-il à un changement de statut social ?

Notre esquisse de réponse, est la suivante: le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux conduit à un changement de statut social parce qu'elle hérite du statut social de son mari auquel elle est déjà prédisposée ; lors de l'initiation qui a suivi la naissance de ses enfants.

5. Définition et construction du concept principal

Dans cette partie intitulé définition et construction du concept, il s'agit pour le chercheur de « lutter contre l'emploi des concepts flous, ambigus »54 et surtout de clarifier les concepts clés de notre étude. Car, « il faut apprendre à les construire de façon rigoureuse. »55 Cela est important dans la mesure où « il nous faut définir les choses dont nous traitons, afin que l'on sache et que nous sachions, bien de quoi il est

51 Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, Manuel de recherche en sciences sociales, 2ème éd., Paris, Dunod, 1995, p.117.

52 Ibidem.

53 Pierrette RONGERE, Les méthodes en sciences sociales, 3ème Ed. Paris, Dalloz (Coll. « Mémentos »), 1979, p.22.

54 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, 10ème éd. Paris, Dalloz, 1996, p. 350.

55 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, 11ème Ed, Paris, PUF (« Quadrige »), 1999, p.34.

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question. »56 La recherche en sciences sociales impose donc au chercheur de prendre soin de construire ses concepts en rapport avec le phénomène social étudié.

A cet effet, pour la rendre plus intelligible, donc sociologique, la recherche demande une certaine précision théorique ; « le cadre conceptuel représente l'arrangement des concepts et des sous concepts construis au moment de la formulation du problème pour asseoir théoriquement l'analyse ultérieure de l'objet

».57

Cependant, pour qu'un concept soit validé, il faut lui ajouter « (...) des variables et des indicateurs que l'on doit construire pour isoler des équivalents empiriques aux concepts opératoires de l'hypothèse ».58 Le concept n'est pas seulement une aide pour percevoir, mais une façon de concevoir: « il organise la réalité en retenant les caractères distinctifs et significatifs des phénomènes ».59

C'est au regard de ces impératifs méthodologiques que nous avons retenu le concept: le changement de statut.

Ainsi, afin de mieux cerner notre objet d'étude, il convient ici de définir quelques concepts fondamentaux qui articulent le modèle d'analyse de notre recherche.

5.1. Définition du concept principal ? Le changement de statut

En général, Le statut se définit comme l' « ensemble des attributs qui permettent à l'acteur de jouer un rôle social. Position occupée dans la division du travail au sein d'un système donné ».60 Partant de cette définition générale du statut, il ressort que « le changement de statut » se définit pour sa part comme le processus qui permet de passer du statut (position) de femme à celui de « femme-homme » ;

56 Gordon MACE, Guide d'élaboration d'un projet de recherche. Méthode en sciences humaines, 2ème Ed. Paris/ Bruxelles, De Boeck, 1997, p.45.

57 Ibid., p.45.

58 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, 11ème éd. Paris, Dalloz, 2001, p.387. 59Ibid., p.385.

60 Gilles FERREOL et al. Dictionnaire de Sociologie, 3ème , Armand Colin, 2004, p.201.

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sans perdre ses qualités de femme, de mère de jumeaux. Ce changement est donc rendu possible d'abord à naissance des jumeaux puis à la suite du veuvage ; en tant que rite d'initiation et d'intronisation de la veuve dans la catégorie des hommes ; des maîtres-initiés.

5.2. Tableau n°1 : Construction du concept principal de « changement de statut »

Concept

Dimensions

Indicateurs

 
 

> Le Mungala : 1ère initiation

 
 

> L'Ondoukoué : 2ème initiation

 
 

> Les différentes appellations61

 
 

> Annonce de la cérémonie pendant la saison sèche

 
 

> Les rites Ugioke, Ussolo et Ntalanioule62appliqués à la femme

 

Religieuse

> Emancipation

 

et sociale

> Cheveux rasés

 
 

> la mort symbolique

Le changement

 

> la natte

de statut

 

> Abstinence sexuelle

 
 

> Interdits alimentaires

 
 

> Panier reliquaire

 
 

> Interdiction de se laver pendant la réclusion

 
 

> Interdiction de recevoir les visites excepté celles d'Angô-Mungala et Angô-Ondoukoué

 
 

> Période de réclusion et période de sortie

 
 

> De femme à « femme-homme »

 

Politique

> Exercice politique du pouvoir

 
 

> Participation aux réunions masculines

61 Ici, nous précisons qu'il est question des différents grades à l'initiation. On cite pour la circonstance Amboundou, Lebamâm, Ango, Ango-wa-Ondoukoué.

62 Les rites Ugioke, Ussolo et Ntalanioule sont très important pendant cette cérémonie, d'où Ugioke signifie se laver et se purifier ; Ussolo signifie cacher et Ntalanioule, bloquer ou protéger.

32

Section 3 : Démarche méthodologique

1. Cadre empirique de la recherche

? Carte n°1 : Localisation géographique du village de Bellevue dans le Moyen-Ogooué

1.1. Les veuves mères des jumeaux du village Bellevue dans le Moyen-Ogooué comme univers d'enquête principalement

Le terrain, selon Jean COPANS, se « décline sous quatre figures : un lieu, un type de pratiques et de comportements (à la fois social et scientifique), un objet et plus largement un domaine thématisé, enfin une tradition scientifique voire un rite d'entrée dans une nouvelle vie ».63 C'est la raison pour laquelle nous parlons des veuves mères des jumeaux du Moyen-Ogooué principalement, précisément du village Bellevue comme univers d'enquête.

63 Jean COPANS, L'enquête ethnologique de terrain, Paris, Nathan, Université, (coll. « Sciences sociales ») n°128, p.12.

33

Dans la mesure où « le sociologue n'observe pas la réalité sociale, mais des pratiques »64 et que le sociologue « doit arracher les faits sociologiques des faits sociaux où ils sont renfermés »65, nous nous consacrons, dans un premier temps, à des entretiens avec les veuves mères des jumeaux à propos des traditions Akélé par leur fonction religieuse et sociale. Il est difficile dans le cadre du présent travail de cerner tous les contours théoriques de la mort, partant, du veuvage dans les milieux Akélé.

? Carte n°2 : Localisation géographique de la province du Moyen-Ogooué

64 Alain TOURAINE, Pour la Sociologie, Paris, éd. du Seuil, (coll. « Points »), 1974, p.25.

65 Ibid., p.25.

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Pour répondre aux exigences du terrain, nous nous sommes proposée d'effectuer les entretiens Ba Omialé Wamaleila66, c'est-à-dire les « veuves mères des jumeaux », afin de dégager un certain nombre de réalités qui président à la construction des représentations symboliques des veuves mères des jumeaux. L'échantillon présent ici se veut être le plus représentatif du fait de son identification et de son rang dans la hiérarchie du veuvage.

2. Caractéristique de notre échantillon

Notre étude, compte tenu de la difficulté de disposer de moyens importants, repose pour l'essentiel sur un échantillon de vingt-deux (21) personnes qui ont bien voulu se prêter à nos entretiens. Les entretiens concernaient dans leur grande majorité les veuves mères des jumeaux. Et nous avons associé aussi, les personnes qui participent au veuvage. Et des personnes détenant une connaissance sur ce rituel, certes profanes mais que nous avons jugé plein d'intérêt pour la circonstance. Cet échantillon se compose de la manière suivante :

> Sept (07) veuves mères de jumeaux ; > Deux (02) Ngangas ;

> Six (06) pères spirituels (maîtres-initiés); > Trois (03) veuves ordinaires ;

> Deux (02) hommes initiés au Mungala ; > Un (1) initié à l'Ondoukoué ;

66 En Akélé il s'agit du nom attribué aux veuves.

35

3. Technique de collecte et de traitement de données

3.1. L'entretien comme technique de collecte de données

Pour rester fidèle à Emile DURKHEIM, qui exige que « les faits sociaux doivent être traités comme des choses »67, les sociologues disposent de diverses méthodes et techniques de travail. Nous savons également que le choix des méthodes de travail dépend étroitement de l'objet de l'étude. Par conséquent, nous pouvons faire le choix de la méthode que nous allons utiliser.

Dans notre étude de la représentation de la mort dans la religion « archaïque » veuvage, nous allons avoir recours aux entretiens et à l'analyse de contenu, pour comprendre notre choix, nous nous devons d'expliquer, dans les lignes qui suivent, les avantages qui résultent de l'utilisation des entretiens comme technique de collecte de données et l'analyse de contenu comme moyen d'exploitation de ces données.

La collecte des données sur les veuves mères des jumeaux dans un univers d'enquête où ceux qui détiennent les informations sont pour la grande majorité soumis à la censure mystique, nous a conduit à choisir l'entretien et l'analyse de contenu comme technique de collecte des données.

Selon Madeleine GRAWITZ, l'entretien se définit comme « un procédé d'investigation scientifique, utilisant un processus de communication verbale, pour recueillir des informations en relation avec un but fixé. »68 C'est exactement par parce que la culture veuvage reste orale, que cette nous paraît adapter à notre étude. Pour cela nous avons eu besoin d'un guide d'entretien afin de garder nos interlocuteurs proche de notre objet de recherche.

67 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, 11ème éd., Paris, Puf, (coll. «Quadrige »), 2002, p.34.

68 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, 11ème éd. Paris, Dalloz, 2001, p.644.

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? L'entretien semi directif comme technique de collecte des données

L'entretien est dit « semi-directif » (ou semi guidé) lorsqu'il n'est ni entièrement ouvert, ni canalisé par un nombre de questions précises. Nous disposons d'une série de questions-guides, relativement ouvertes, à propos desquelles il était impératif que nous recevions des informations de la part de nos enquêté. L'entretien semi-directif nous a permis parler nos enquêtés sans craintes et de manière ouverte, dans les mots qui les convenaient. Nous nous sommes efforcés simplement de les empêcher de s'attarder sur des aspects qui s'écartaient de nos objectifs.

3.2. L'analyse de contenu comme variable d'analyse des données

Selon Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, « l'analyse de contenu porte sur des messages aussi variés que des oeuvres littéraires, des articles de journaux, des documents officiels, des programmes audio-visuels, des déclarations politiques, des rapports de réunions ou des comptes rendus d'entretiens semi directifs. Le choix des termes utilisés par le locuteur, leur fréquence et leur mode d'agencement, la construction du « discours » et son développement constituent des sommes d'informations à partir desquelles le chercheur tente de construire une connaissance ».69

L'analyse de contenu est l'outil d'analyse, par excellence, des données qualitatives recueillies par l'entretien. C'est grâce à l'analyse de contenu que nous avons compris que la femme enceinte cédait la place à un homme, une fois les jumeaux nés de son sein. Elle recevait les mêmes attributs symboliques que les jeunes initiés au Mungala, les jeunes hommes. Donc c'est un homme qui hérite du mort et non une femme.

69 Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, op.cit., p.85.

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4. Limites de l'étude

A l'instar de toute étude en sciences sociales, et qui plus est en Sociologie, notre travail de recherche comporte à cet égard quelques lacunes ou limites que nous ne manquerons pas de faire observer ici. Comme nous l'avions déjà signalé en année de licence, nous nous sommes pour l'essentiel confronté au problème, récurent du transport et surtout celui de la langue. Il y a aussi, le problème de l'information par nos enquêtés, ces derniers ont été très retissent pour donner les informations sur le rituel et sur les rites initiatiques.

Toutes ces remarques, nous font dire que la réalisation de ce mémoire est le résultat d'un travail laborieux et minutieux, un travail qui ne saurait se pendant, revendiquer la perfection.

L'un des grands obstacles est celui de la documentation. Jean Ferdinand MBAH écrit à ce sujet que : « le problème de la documentation au Gabon constitue un réel handicap autant qu'une difficulté pour la recherche ».70 Ni le journal officiel, ni les travaux de recherche des universitaires Gabonais n'ont encore traité ce thème.

Nous osons tout de même croire que cette étude suscitera des réactions afin de permettre d'en compenser les insuffisances.

70 Jean Ferdinand MBAH, La recherche en sciences sociales au Gabon, Paris, L'harmattan, (coll. « Logiques du social ») 1987, p. 190.

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Introduction de la première partie

Nous nous proposons ici, dans cette première partie de porter un regard sur les questions relatives aux représentations sociales du maître-initié et de sa femme, mère des jumeaux dans la société lignagère Akélé du Moyen-Ogooué ; principalement du village Bellevue. En effet, le rapport que nous voulons établir entre cet homme et cette femme dans la vie politique de ce groupe découle de la naissance de leurs enfants, c'est-à-dire les jumeaux ; et du statut ou position sociale de la femme dans les sociétés secrètes masculines que sont par exemple Mungala et Ondoukoué. L'idéal qui nous guide est de mettre en évidence, d'abord, les aspects sociaux fondamentaux, c'est-à-dire la vie politique du groupe ethnolinguistique, la naissance gémellaire, les rites initiatiques ou sociétés secrètes masculines, puis leurs incidences dans la réalité sociale Akélé.

Nous voulons également mettre en exergue le fait qu'au sein de ce peuple, il existe une société structurée et bien organisée ; en un mot, hiérarchisée surtout. Un accent est mis aussi, pour le cadre de cette étude, sur l'imaginaire des jumeaux dans l'optique de mieux comprendre le statut et la position sociale de l'épouse d'un maître-initié mère de jumeaux ; et qui se retrouve dans une situation particulière : le veuvage. Pour Nicole SINDZINGRE, « la gémellité a donné lieu à des élaborations symboliques qui, malgré leur diversité, présentent certaines constances. Son importance dans les conceptions de nombreuses sociétés africaines surtout, a attiré l'attention des chercheurs, à la fois en tant que phénomène spécifique et comme indicateur de certains autres aspects de l'organisation sociale ».71

Partant du fait que « les jumeaux sont nés d'un même accouchement, ils sont considérés comme des êtres exceptionnels dans de nombreuses sociétés d'Afrique noire »72 voire à l'origine de certains rites initiatiques et interviennent dans plusieurs

71 Nicole SINDZINGRE, « Jumeaux : approche anthropologique » in Encyclopédie Universalis, corpus 13, Paris, 2002, p.2.

72 Eddy Blaise MABADI MAHEBA, Ambivalence et pouvoir : Mongala et le culte des jumeaux chez les Mahongwé, Mémoire de Maîtrise en Anthropologie, Libreville, UOB/FLSH, sept. 2005, 97p.

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cosmogonies et cosmologies. Par ailleurs, notons qu'en ce qui concerne le statut de leur mère, Claudine-Augée ANGOUE place cette femme au dessus de toutes les femmes. Elle « est élevée au dessus des femmes qui n'ont pas donné naissance à des jumeaux ; elle acquiert un statut équivalent à celui de l'homme, car elle a donné vie à des " génies", des êtres supérieurs ».73 Et c'est fort de cette considération que c'est cette naissance qui accorde à cette femme, mère des jumeaux, un statut privilégié dans la société à laquelle elle appartient. De ce fait, le travail de l'anthropologue et du sociologue consiste donc à s'intéresse de facto aux faits religieux, politiques et familiaux dans les sociétés africaines, dans l'optique de mieux déchiffrer et rendre compte de la structuration et du fonctionnement de toute l'organisation sociale de ces sociétés lignagères.

Enfin, pour la présente étude, nous verrons de manière chronologique, dans le premier chapitre, la vie politique des Akélé et la naissance des jumeaux, pour aborder dans le deuxième chapitre, les représentations sociales des jumeaux dans la société Akélé.

73 Claudine Augée ANGOUE, Les changements sociaux dans la réserve de Faune de la Lopé (Gabon), Thèse de Doctorat, Bruxelles, Université Libre de Bruxelles, 1999, p.140, citée par Eddy Blaise MABADI MAHEBA, Ambivalence et pouvoir : Mongala et le culte des jumeaux chez les Mahongwé, Mémoire de Maîtrise en Anthropologie, Libreville, UOB/FLSH, sept. 2005, p.46.

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Chapitre I : La vie politique des Akélé et la naissance des jumeaux

Pour mieux comprendre l'imaginaire des jumeaux chez les Akélé du Moyen-Ogooué, il importe d'abord de partir de la définition de l'idéologie, qui serait la capacité pour tout individu, collectivité, communauté de se penser et de se représenter les choses, le monde et pourquoi pas certains individus, de produire des images. Mieux encore, il peut être considéré comme une invention, une représentation d'un univers irréel, mais perçu comme une réalité. C'est un processus mental traduisant un ensemble de représentations inconscientes qui se substituent à la réalité. En ce sens, les Akélé se représentent les jumeaux comme des êtres surnaturels voir des génies. Ce sont des génies parce qu'ils ont une origine mythologique, imaginaire et sacrée.

Section 1 : L'organisation politique des Akélé

1. Le pouvoir politique chez les Akélé

La société Akélé est une société suffisamment organisée qui s'appuie sur un pouvoir politique assez solide puisqu'elle est centrée sur une chefferie ; gravitant autour d'une hiérarchisation. Dans cette société, la chefferie est d'une importance capitale car elle permet de réguler toutes les instances de la société. De même, c'est cette chefferie qui organise la société grâce à ses structures hiérarchiques.

Par ailleurs, les structures hiérarchiques, dans ce groupe, occupent une place importante dans la régulation de la vie politique, et partant, des Akélé. Elles, ces structures hiérarchiques, sont composées de la classe dirigeante du village que sont les chefs de lignage, le conseil des sages74 et appartiennent également à la classe des privilégiés. En d'autres termes, ces acteurs participent aux différentes prises de décisions concernant le fonctionnement de la communauté Akélé dans son ensemble.

74 Ce conseil de sages est constitué des Maîtres-initiés, qui sont à la fois les chefs de lignage, des ngangas y compris des mères de jumeaux, etc.

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De plus, le chef de lignage rassemble un ensemble de famille en ligne masculine. Son autorité sur les membres de lignages va jusqu'au droit de vie ou de mort. Celui-ci tranche les problèmes éventuels entre les différents membres de son lignage. Ainsi, le sage du lignage est traité avec honneur.

Par conséquent, le chef du village a sous son autorité, l'ensemble des différents responsables de lignages qui constituent la population du village. Ce dernier possède un pouvoir si large qui le conduit à être le rassembleur lors des litiges entre les différents lignages. En outre, en ce qui concerne le conseil des sages, celui-ci est composé des vieux sages des différents lignages voire des mères de jumeaux. Ces acteurs, constituent la catégorie dominante: en matière de justice ou de maintient de l'ordre. Ce conseil des sages doit aussi jouer un rôle de régulateur dans la société Akélé puisqu'il fait montre d'une certaine vertu. Pour rendre publique une décision, le chef du village, du clan ou du lignage et des maîtres-initiés, doivent être en accord avec les autres.

En effet, ils sont parmi les garants des décisions qui doivent être entérinées par le reste de la société. Le conseil des sages se révèle être une importante instance hiérarchique du pouvoir pour assurer et maintenir l'ordre social. Car tout pouvoir politique émane de l'exercice de la volonté d'un groupe minoritaire (c'est-à-dire la catégorie des maîtres-initiés, chefs de lignages, de clans, qui font le conseil des sages) sur la majorité (la communauté). Enfin, retenons que la société Akélé a des structures hiérarchiques qui permettent de réguler la vie de la société Akélé sur le plan politique et social. Elles ont une place importante dans la dynamique de la société des Akélé.

2. La chefferie chez les Akélé

Le pouvoir du chef se fonde particulièrement sur la base religieuse. En effet, il est le détenteur des rites masculins que sont le Mungala et l'Ondoukoué y compris des attributs du pouvoir. Chaque membre de la communauté des clans et chaque

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mère de jumeaux ont pour obligation, à leur mort, de contribuer à la survie du groupe en y déposant un os humain ; qui servira de relique75.

Le rituel de l'obligation76 du dépôt d'un os apparaît comme un moyen pour les ancêtres de demeurer omniprésents au sein du clan, de la communauté du village. Ainsi, la force et la légitimité du pouvoir de la chefferie Akélé repose sur le fait qu'il soit généralement le médiateur entre les vivants et l'au-delà. Cela se manifeste par la capacité qu'il a de pouvoir apaiser la colère des ancêtres, de pouvoir entrer en contact avec eux et implorer leur secours en cas de besoin.

Cette sacralité du pouvoir nous conduit à affirmer que « le sacré est une des dimension du champ politique ; (...), une garantie de sa légitimité (...) »77, juste pour dire qu'à son origine, l'accession à la chefferie repose sur un acte sacré, donc une série de rituels, qui viennent entériner le pouvoir du chef. Car, le politique n'est pas séparé du sacré, donc du religieux, puisqu'il s'agit des deux faces d'une même pièce de monnaie appelée le pouvoir ; où, quand on voit la politique en pile, en face, c'est le sacré ou le religieux. D'ailleurs, le pouvoir du chef est sacré parce qu'il est protégé et isolé par des interdits78.

Tous les membres du clan n'ont pas accès aux puissances invisibles qui contrôlent la vie des Akélé. La chefferie des Akélé est à la fois politique et religieuse. Ainsi, on peut constater une continuité du politique et du religieux. Il n'ya presque plus de distinction entre ces deux domaines. La base religieuse constitue la substance même de la société Akélé ; cette substance est, par conséquent, représentée et soutenue par les différentes sociétés initiatiques masculines et féminines. Enfin, « le sacré et le politique contribuent conjointement à l'entretien de l'ordre établi »79 par la catégorie dominante des maîtres-initiés.

75 Etant dans leur cercle de maîtres-initiés, chacun parle aux membres de la famille et aux autres maîtres-initiés de la décision de laisser en héritage, une partie de leur corps pour la survie du groupe.

76 Nos informateurs ont catégoriquement refusé de nous donner le nom du rituel en Akélé et par la suite en Français.

77 Georges BALANDIER, Anthropologie politique, Paris, Puf/Quadrige, 1999, p.137.

78 Selon monsieur Zacharie, un chef de clan ou de lignage ne peut pas avoir des rapports sexuels dans la forêt. Et par rapport à la distribution du gibier, il est hors de question qu'il mange n'importe quelle partie.

79 Georges BALANDIER, Anthropologie politique, ibid., p.129.

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Section 2 : L'origine mythologique des jumeaux chez les Akélé du Moyen-Ogooué

1. La naissance des jumeaux chez les Akélé

En ce qui concerne l'origine mythologique des jumeaux, il est bien de savoir que chez les AKELE, ces derniers sont intimement liées à l'eau, d'où l'origine des jumeaux remonte à l'eau, celle-ci se serait séparée en deux N'lobe80 : l'un, Muhube81 et l'autre Malembiamang82 .Ces deux cours d'eaux sont appelés : « les jumeaux »83. Ainsi, les jumeaux sont des génies auxquels les frères sont « NGOUMBU ; KUBE ; MBILIT ».84

Cette origine aquatique des jumeaux est rappelée dans le rituel qui les concerne par une cuvette d'eau. L'eau du fleuve et de la rivière qui coule est sensée être pure, elle est l'habitat des jumeaux. Les Akélé disent que les jumeaux se déplacent mystérieusement avec leur mère ou leur père et peuvent avoir un logement n'importe où; notamment dans les eaux et la forêt. Pour les Akélé, un jumeau ne meurt jamais dans l'eau. Selon cette même tradition, les jumeaux peuvent être porteurs de bénédictions et de richesses car on bénit avec l'eau. Ils sont considérés comme des :

- « enfants spéciaux qui communiquent avec les ancêtres et parfois décident de mourir s'ils sont mécontents. Ils sont capables de maudire leur père et leur mère voir les autres membres de la famille, si et seulement si on ne leur accorde pas une considération particulière. Ils méritent dans ce cas une attention particulière en vertu de leur naissance mystérieuse .Ils

80 En langue Akélé, terme qui désigne le cours d'eau.

81 L'Ogooué en langue Akélé. C'est le plus grand fleuve du Gabon. Il prend sa source dans les plateaux Batéké au sud-est du pays. Il est long de 1200Km et a son embouchure à Port-Gentil.

82 La Ngounié, en langue Akélé, c'est l'un des affluents de l'Ogooué. Il prend sa source dans la région de Mouilla.

83 Selon une explication mythologique avancée par monsieur Zacharie, ces deux cours d'eaux découleraient de la mer, qui aurait donné naissance à l'Ogooué et la Ngounié ; considérés comme des jumeaux.

84 Désignations respectives de l'hippopotame, le crocodile et la sirène en Akélé. Ceux-ci sont les totems des jumeaux en rapport avec les génies des eaux murmurantes tout en symbolisant l'éloquence.

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sont médiateurs entre l'humain et le sacré. La naissance des jumeaux constitue une irruption de l'autre monde et tranche sur la continuité habituelle ».85

Pour illustrer l'idée que les jumeaux ne meurent pas dans l'eau, monsieur Ghislain MONDJO86 nous a appris que :

il a assisté, il ya quelques années déjà à la disparition d'un enfant Akélé dans les eaux de l'Ogooué, au cours d'une de ses parties de pêche (sic) sur l'Ogooué. Cet évènement s'est produit dans la matinée, conduisant les forces de gendarmerie dépêchées ainsi que la communauté Akélé à laquelle appartenait le jeune enfant à entreprendre des recherches sur l'Ogooué. Ces recherches aboutiront sur un échec étant donné que l'enfant ne sera pas retrouvé. Les recherches vont être abandonnées par la famille, la communauté et de même que les forces de gendarmerie engagées. Cet enfant passera donc toute la journée dans l'eau, car à son grand étonnement, c'est dans la soirée que l'enfant sera retrouvé par la famille en parfaite santé. D'autant plus qu'aucune anomalie n'est apparue sur l'enfant sur le plan physique, ou psychique après les vérifications faites par la famille ».

On fête leur naissance et leurs parents sont « choyés » puisqu'ils sont considérés comme des êtres sacrés, selon les représentations socioculturelles de la société Akélé. Par ailleurs, on attribue aux jumeaux des pouvoirs « bénéfiques ou maléfiques » dans la mesure où ils seraient porteurs de « bonheur » et capables de « maudire ». Chez les Akélé, les jumeaux ont une certaine puissance, ils peuvent se communiquer à distance, surtout lorsqu'ils sont enfants, c'est-à-dire moins de 15 ans.

« Lebungwe le mawache ma nza mpê lessu makemba, lessu makemba okabilia kan muhube na malebiamang, messu mebameti : mawacha. Mawacha mpê bakele ma yi ma ntumu mabiliti nta nga onte banosse bô mpê nkita. Nta nga bawula mpê ssu ; melembiameng na mahube. Lebung le diesse lê mawacha mpê bakele lê vula mpê ssu. Nta ngaonte bâ ssa ûkube mawacha nti bena tsegue. Ngumbu, mabiliti na kube mpê atsung gyabe ba guile mpê mabiliti

85 Propos de madame Colette, veuve âgée de 69 ans domiciliée à Bellevue à Lambaréné dans le Moyen-Ogooué.

86 Ghislain MONDJO, informateur Akélé-Sango, 34 ans, pêcheur que nous avons rencontré le 21 mai 2009 dans la ville de Lambaréné ; précisément au marché d'Isaac vendant son poisson. Ce dernier est de mère Akélé et de père Sango et il est initié à l'Ondoukoué, rite dont seuls les Akélé détiennent le secret. L'implication qui a été donné à cet évènement est celui de l'attestation du fait selon lequel un Akélé ne meurt pas dans l'eau, surtout s'il est jumeau.

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na nkita madiba mê lapâ, madiba mayinde nti madimalekoye. Madibama ma muhube na malebiamang ma ssilia, madiba ma nti mayi bû me bang mê mawacha. Bakele ba cônâ mawacha ma wulekâ lukuâ awa wube na kê u wube wakuâ bute nté bâ ssâ guia bonê u wube wesse ba wulkakê, na bassu, na ube mpezze. Mpê bakele le wacha lessa be gwa mpê ssu ».87

Les propos de notre informatrice YAYE en Akélé signifient :

- « l'origine des jumeaux (sic) essentiellement axée sur la mer. La mer qui s'est séparé en deux ; dont l'un : Muhube88 et l'autre Malembiamang89, ces deux cours d'eaux sont appelés « jumeaux. » Or, les jumeaux sont, les envoyés des génies c'est pourquoi ils sont considérés comme des génies. Des sortes de fées qui vivent dans l'eau. C'est dans ce sens que les Akélé disent que les jumeaux viennent de l'eau : d'un fleuve et d'une rivière. Toute la légende des jumeaux chez les Akélé est liée à l'eau. C'est la raison pour laquelle, lorsqu'on organise le rituel des jumeaux, la cuvette d'eau ne manque jamais. « Ngoumbu ; Kube ; Mbilit »90, leurs totems, sont en rapport avec les génies des eaux murmurantes tout en symbolisant l'éloquence. L'eau du fleuve et de la rivière qui coule est pure, elle est comme l'habitat des jumeaux. Les Akélé, disent que les jumeaux se déplacent mystérieusement avec leur mère ou leur père et peuvent avoir un logement n'importe où, notamment dans les eaux et la forêt. Pour les Akélé un jumeau ne meurt jamais dans l'eau »91.

Pour renchérir notre argumentaire sur l'origine mythologique des jumeaux et surtout en ce qui concerne leur nature, nous avons retenu la contribution de Luc de HEUSCH92. En effet, les jumeaux sont des créatures appartenant à la surnature, au même titre que les albinos et les enfants anormaux de toute espèce. Ils sont une manifestation des esprits de la terre. Dans le monde bantou, la royauté est associée aux jumeaux parce qu'elle est un corps gémellaire, expression de deux divinités qui

87 Propos de notre enquêtée Hélène YAYE ; mère des jumeaux, âgée de cinquante et huit ans (58 ans) domiciliée à Alibandengue à Libreville, qui nous a relaté l'origine des jumeaux en langue Akélé.

88 Muhube : L'Ogooué en langue Akélé.

89 Malembiamang : La Ngounié en langue Akélé.

90 Désignent respectivement l'hippopotame, le crocodile et la sirène en langue Akélé. Ceux-ci sont les totems des jumeaux en rapport avec les génies des eaux murmurantes tout en symbolisant l'éloquence.

91 Il s'agit de la traduction des propos de YAYE en langue Akélé de la note infrapaginale 87.

92 Luc de HEUSCH, Le roi du Kongo et des monstres sacrés. Mythes et rites bantous III, éditions Gallimard, 2000, 420 p.

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se sont séparées : le Mboom, maître du ciel et Ngaan, maître des eaux terrestres. Ce sont donc les jumeaux qui dominent la scène symbolique royale chez les Kuba et donc, considérés à juste titre comme des rois. Comme l'atteste l'origine mythique des premiers souverains, un couple jumeaux incestueux, soleil et lune. Et l'éclatement de ce corps gémellaire mythique est au fondement de la royauté Swazi93.

Au Tchad, les jumeaux sont également considérés comme des rois et le roi est un jumeau car leur naissance est ambivalente : à la fois symbole de fidélité et une menace de mort. L'auteur poursuit sa réflexion en prenant le cas d'un autre peuple : les Moundang, où les naissances gémellaires relèvent du règne animal puisqu'on insulte la mère en lui disant « est ce qu'une femme est une souris pour accoucher de 2 enfants en même temps » ? Cette surabondance de vie est « monstrueuse », pour reprendre l'expression de l'auteur, dans le règne humain car constituant une menace de vie brève pour les jumeaux et pour leurs parents.

Retenons que les jumeaux appartiennent, de par leur naissance, à cet ordre naturel contrôlé par le roi au prix d'une vie abrégée. Dire que le roi94 est un jumeau signifie qu'il est un être ambivalent, une bénédiction et une malédiction, puisque responsable de la pluie et de la fertilité et qu'il possède aussi le pouvoir de faire la sécheresse. D'où des rites et des cultes qui leur sont adressés.

Toutefois, nous nous rendons compte que la naissance des jumeaux chez les Myéné et un autre groupe ethnique comme les Nzébi par exemple, tel que nous le montre Florence BIKOMA95 dans ses travaux, présente une tout autre configuration. En effet, si chez les Akélé du village Bellevue dans le Moyen-Ogooué les jumeaux viennent en songes révéler leurs noms ; pour les Myéné, c'est plutôt la société qui a préétabli les noms.

93 Luc de HEUSCH, Le roi du Kongo et des monstres sacrés. Mythes et rites bantous III, éditions Gallimard, 2000, 420 p.

94 Ibid., p. 137.

95 Florence BIKOMA, Socialisation de la femme accomplie Mukaas wadya makoma bya chez les Nzébi du Gabon, Thèse de Doctorat en Ethnologie-Anthropologie, Université Montpellier III Paul VALERY, 2004, 457 pages.

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Florence BIKOMA96 parle de certaines obtentions sociales dues à la naissance des jumeaux. En effet, chez les Nzébi, les jumeaux sont un symbole de bonheur familial. Ils ont, au même titre que les divinités, le pouvoir de fructifier les activités économiques familiales et l'accroissement de la production matérielle. Ceci est conditionné par un rêve qui doit être fait durant lequel les jumeaux nous envoient à l'aube chercher quelque chose d'insignifiant à un endroit précis. Il est de rigueur d'y aller au risque de tomber malade. Cette épreuve est marquée pas la peur d'où l'exigence de faire un petit rituel pour solliciter la bienveillance pour conjurer la peur.

2. L'attribution des noms chez les jumeaux

Chez les Akélé, quand la femme est enceinte, Ondoukoué signale aux hommes que la femme qui est enceinte attend des jumeaux. Ces hommes font un rituel que l'on appelle « Bik-Mwire »97 pour préparer l'avenue des enfants. Celui-ci se fait pendant une semaine. Par ailleurs, il faut faire remarquer que le père et la mère des enfants ne rêvent jamais des noms des enfants mais ce sont plutôt les frères, les soeurs, les tantes, les oncles ou ceux qui sont voisins des parents qui rêvent des noms.

Lorsque les jumeaux viennent au monde il faut accomplir certains rites à la naissance pour ne pas les mécontenter : danser à tout moment de la journée lorsque les gens viennent leur rendre visite pour les honorer puisqu'ils sont considérés comme des êtres « sacrés. » Il faut leur faire des offrandes lorsqu'on leur rend visite, les habiller de la même façon afin d'éviter la jalousie entre eux. Les jumeaux ont un certain pouvoir c'est-à-dire qu'ils peuvent sentir des choses, ils ont un pouvoir qui peut s'avérer être « bénéfique »98 ou « maléfique »99, étant donné qu'ils sont des

96 Florence BIKOMA, Socialisation de la femme accomplie Mukaas wadya makoma bya chez les Nzébi du Gabon, Thèse de Doctorat en Ethnologie-Anthropologie, Université Montpellier III Paul VALERY, 2004, 457 pages.

97 Il s'agit ici d'un rituel qui permet de préparer l'avenue des enfants et il renseigne sur la bonne santé de ces derniers et permet entre autre de savoir si ceux-ci seront dotés d'un charisme.

98 Dans cette société, le jumeau peut bénir et être une source de richesse pour la famille.

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enfants paranormaux. Ils donnent leurs noms avant leur naissance à travers les rêves.

C'est pour cela qu'on leurs donne des noms spécifiques tels que :

> MBULE : La vérité ;

> NGIOBE : Le doute ;

> NGALE : Le tonnerre ;

> NDUMA : Celui qui annonce la pluie ;

> ANJUNE : Une journée ensoleillée ;

> BEDIUBE : Une journée non ensoleillée ;

> LEDEMBA : Arbre sans branches qui brille et qui donne la chance ;

> BIENE : Arbre sans branches qui soigne ; propriété des jumeaux.

> NZE : La panthère ;

> MBILE : L'aigle.

L'appellation des jumeaux dans la société Akélé obéit à des règles tout à fait particulières de même que les noms qu'ils portent. On parle de « règles particulières » ici pour signifier que lorsque les jumeaux viennent au monde avec leurs noms, les parents ne doivent pas changer ces noms pour quelques motifs que se soient, au risque de amoindrir leur puissance. Par ailleurs, dire que les noms des jumeaux sont « particuliers », c'est affirmer que leurs noms et ceux des enfants qui les suivent font l'objet d'un recueil prescrit par la communauté, (on retrouve cette similitude dans l'imposition des noms des jumeaux chez les Myènè) et ne sont pas les mêmes pour les jumeaux et les jumelles.

Ainsi, les jumelles sont appelées chez les Akélé MBULE (la vérité) pour la 1ère née et la 2nde NGIOBE (le doute). C'est la même chose pour ANJUNE (une journée ensoleillée) et l'autre, BEDIUBE (une journée non ensoleillée). Quant aux jumeaux, le 1er s'appellera NZE (la panthère) et le 2nd, MBILE (l'aigle) ou encore NGALE (le tonnerre)

99 Ici il s'agit de la malédiction et du malheur qu'ils peuvent engendrer. Surtout lorsqu'ils constatent qu'ils sont opprimés.

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pour le 1er et NDUMA (celui qui annonce la pluie) pour le 2nd. A cela s'ajoutent les noms mixtes des jumeaux et des jumelles tels que LEDEMBA (arbre sans branches qui brille et qui donne la chance) pour le 1er né et BIENE (arbre sans branches qui soigne ; propriété des jumeaux) pour le 2nd. Ce qu'il faut retenir c'est que chez les Akélé, les noms des jumeaux sont toujours opposés ou alors, peuvent être l'annonce d'un autre comme ils peuvent aller dans le même sens. Venons-en à présent aux noms des enfants qui les suivent. Pour les garçons, ils sont appelés BÊNHA (celui qui vient après les jumeaux) et pour les filles ABÔMBÊ (celle qui vient après les jumeaux).

Il faut dire que ces noms de jumeaux sont opposés et renvoient parfois aux éléments de la nature (panthère, d'aigle, le tonnerre, etc.) ou aux éléments liés à l'existence humaine (le doute, la vérité, etc.)

Les travaux du Pasteur OGOULA-M'BEYE100 nous permettent de nous rendre compte que chez les Myènè, « le premier jumeau se nomme WORA, le second YENO, leur précédent se désignera OGOVE W'AMPAZA et la maman se nommera alors NGOMPAZA qui signifie : ngwè y'ampaza ou mère des jumeaux ».101

Les Myènè en général, les Galoa en particulier se doivent de respecter cette nomination laissée par les ancêtres. Tout contrevenant à cette prescription expose ce dernier à la foudre des jumeaux qui, pour la circonstance, peuvent tomber malade ou « frapper les parents en rêve » et jeter les mauvais sorts aux parents.

La même idée a été développée par Florence BIKOMA pour qui, « les noms des jumeaux et même ceux des enfants nés après eux sont l'objet d'un répertoire imposé par la société. Ainsi, sont appelés chez les Myènè, WORA et YENO les jumeaux. WORA le premier né et YENO le second. A la suite, on aura MBOUROU, AKENDENGUE et OGANDAGA ».102

100 Pasteur OGOULA-M'BEYE, Galwa ou Edôngô d'Antan. Traduit du Galwa et annoté par Paul-Vincent POUNAH, Fontenay-le-Comte, Imprimerie Loriou, 1978, 214 p.

101 Ibid., p.107.

102 Florence BIKOMA, Socialisation de la femme accomplie Mukaas wadya makoma bya chez les Nzébi du Gabon, Thèse de Doctorat en Ethnologie-Anthropologie, Université Montpellier III Paul VALERY, 2004, p.282.

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Si la société Galoa a imposé des noms aux membres de sa communauté pour les jumeaux, chez les Nzébi c'est plutôt les jumeaux eux-mêmes qui viennent en rêve donner leurs noms aux parents. En effet, « les informations relatives à la nomination des jumeaux chez les Nzébi laissent entendre que le choix des noms est le fait des jumeaux eux-mêmes, étant entendu que le procédé de divination guide toute la vie des jumeaux de la grossesse à l'accouchement, au choix des noms et pour tous les actes qu'ils auront à poser toute leur vie. Le rêve apparaît comme leur principale voie de communication avec les membres de la communauté. Ainsi, les jumeaux restent sans nom "tant qu'ils ne sont pas venus donner leurs noms en rêve" auprès d'un parent ou d'un ami de la famille. C'est ce dernier qui, un matin au réveil vient l'annoncer. Cette situation vaut encore aujourd'hui et n'influent pas sur leurs noms officiels, c'est-à-dire ceux figurant sur les actes de naissance ».103

Nous pouvons retenir que Florence BIKOMA nous montre, à travers ces deux sociétés (les Myènè et les Nzébi), que l'attribution des noms des jumeaux est perçue différemment. Ce qui nous intéresse ici, c'est donc le fait que chez les Nzébi par exemple, ce sont les jumeaux eux-mêmes qui viennent dans des songes donner leurs propres noms. Tandis que chez les Myènè, les noms des jumeaux sont préétablis d'avance par la communauté, voire imposés. Cela sous-entend que la société Myènè, Galoa en particulier, est mieux structurée que les sociétés Nzébi et Akélé, ne serait ce que du point de vue de l'attribution des noms aux jumeaux.

Chez les Akélé, on retient simplement que ce sont les jumeaux eux-mêmes qui, lors de songes, viennent annoncer leurs noms, hormis ceux qui les suivent.

103Florence BIKOMA, ibid., p.282.

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Chapitre II : Les représentations sociales des jumeaux dans la société Akélé

L'activité sociale de la société Akélé repose sur une importance accordée aux génies des eaux à savoir le Mwish104 et Nyamalè105. Ils ont pour mission de protéger les individus de la communauté, en visant son bien. Il est aussi très difficile aux Akélé, singulièrement aux jumeaux de mourir dans l'eau, ceux-ci peuvent être repoussés ou repêchés au bord. Par ailleurs, pour rester en bons termes avec les génies, les Akélé leur offrent des sacrifices (des fruits, des chants, des objets symboliques...) pour éviter des inondations, des noyades, des évènements malheureux, des mauvaises pêches.

En outre, ces génies des eaux sont aussi des éléments importants du tissu économique dans la société Akélé ; en ce sens qu'ils permettent une bonne navigation, les échanges commerciaux et à cela, s'ajoute la pêche, l'extraction de l'argile en période de basse marée, pour la construction des cases. Il y a même des bancs de sable qui émergent en cette période de basse marée et de saison sèche. Eu égard ce qui précède, nous nous rendons compte que le rapport de l'eau et les génies suscite un lien vital106, spirituel voire sacré.

Après un bref aperçu sur le rapport de l'eau et les génies pour comprendre les activités des Akélé, ce second chapitre s'attellera à faire ressortir les représentations sociales qui gravitent autour des jumeaux, c'est-à-dire, voire comment les Akélé du village de Bellevue dans la province du Moyen-Ogooué perçoivent les jumeaux et surtout, quel statut ces derniers (les jumeaux) occupent dans cette société. Quoiqu'il convienne de définir sommairement ce qu'on entend par "représentation sociale". Dans

104 Le génie mâle des eaux.

105 Le génie femelle des eaux.

106 Le lien vital dont il est question ici c'est que les Akélé vivent en majeur partie des richesses de l'Ogooué et de la Ngounié. Ces deux fleuves leurs fournissent le poisson, les crevettes, les huîtres. Comme il peut arriver qu'ils récupèrent l'argile et le sable pour la construction des maisons.

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cette perspective, « la première démarche du sociologue doit donc être de définir les choses dont il traite, afin que l'on sache et qu'il sache bien de quoi il est question ».107

Section 1 : Les représentations sociales des jumeaux et leur statut dans la société Akélé, particulièrement au niveau des rites initiatiques

1.1. Les représentations sociales des jumeaux

Avant donc d'aborder la question relative au statut des jumeaux dans la société Akélé, particulièrement au niveau des rites initiatiques, il importe de préciser ce que sont "les représentations sociales". A cet effet, pour Serge MOSCOVICI108, les représentations sociales sont conçues comme « [des] ensembles dynamiques [...], des théories ou des sciences collectives sui generis109, destinées à l'interprétation et au façonnement du réel. [Elles renvoient à][...] un corpus de thèmes, de principes, ayant une unité et s'appliquant à des zones, d'existence et d'activité, particulières [...] Elles déterminent le champ des communications possibles, des valeurs ou des idées présentes dans les visions partagées par les groupes, et règlent, par la suite, les conduites désirables ou admises ».110

Les représentations sociales sont des images (conceptuelles) ou encore une pensée d'un type particulier, générée par les acteurs sociaux, imprégnée partiellement d'idéologie et centrée sur l'action dans la vie en société.

Eu égard cette ébauche définitionnelle, nous disons que chez les Akélé de Bellevue du Moyen-Ogooué, les jumeaux sont considérés comme des êtres sacrés, mieux, des génies dotés d'un pouvoir bénéfique ou maléfique selon les situations.

107 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, 11ème éd., Paris, PUF (coll. « Quadrige »), 2002 p.34.

108 Serge MOSCOVICI, Psychologie sociale, Paris, PUF, 1984, cité par Jean-Marie SECA in Les représentations sociales, Paris, Armand Colin, (coll. « Cursus Sociologie »), 2002, 186 p.

109 Terme qui désigne « particulier ».

110 Serge MOSCOVICI, ibid., p.36.

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Cela veut dire que les jumeaux sont des fétiches politiques au sens de Pierre BOURDIEU111. En effet pour lui, « les fétiches politiques sont des gens, des choses, des êtres, qui semblent ne devoir qu'à eux-mêmes une existence que les agents sociaux leur ont donnée ; les mandants adorent leur propre créature. L'idolâtrie politique réside précisément dans le fait que la valeur qui est dans le personnage politique, ce produit de la tête de l'homme, apparaît comme une mystérieuse propriété objective de la personne, un charme, un charisme ; le ministerium apparaît comme mysterium ».112 C'est la raison pour laquelle chez les Akélé, les parents ou les jumeaux eux-mêmes ne disent jamais leur statut à des inconnus au risque d'être pris en otage ou d'être exploités.

D'autre part, chez les Nzébi aussi les jumeaux sont vus comme des génies113, singulièrement comme des génies des eaux. Ce point de vue est partagé par le groupe ethnolinguistique Gisir pour qui, les jumeaux sont liés aux génies des eaux. Il y a une allusion faite entre le sexe de la femme considéré comme le port de débarquement et les jumeaux sont des navires qui viennent pour y accoster. Pour les Nzébi, l'annonce des jumeaux se fait par un rêve prémonitoire ; simplement parce qu'ils sont la réincarnation du numineux. On ne doit pas les contrarier, de peur d'en subir les conséquences.

Ce qui fait que chez les Nzébi, cette gémellité est célébrée avec faste, par des cérémonies rituelles organisées autour de la société sécrète Muudi. En définitive, les jumeaux représenteraient des portes-bonheurs pour leurs familles, mais aussi un facteur de grandeur sociale, prestige pour leurs parents.

111 Pierre BOURDIEU, Choses dites, Paris, Editions de Minuit, (coll. « Le sens Commun »), 1987, 228 p.

112 Ibid., p.187.

113 Confère les travaux de madame Florence BIKOMA, Socialisation de la femme accomplie Mukaas wadya makoma bya chez les Nzébi du Gabon, Thèse de Doctorat en Ethnologie-Anthropologie, Université Montpellier III Paul VALERY, 2004, 457 pages.

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1.2. Le statut des jumeaux dans la société Akélé : dans le Mungala et l'Ondoukoué

Nous venons de voir que les jumeaux, chez les Akélé du Moyen-Ogooué précisément du village Bellevue, sont des fétiches politiques au sens de BOURDIEU. Ce qui leur confèrent donc le statut d'initiés au Mungala. Il convient de rappeler que les jumeaux et le Mungala sont intimement liés c'est-à-dire qu'ils ont un même ancêtre qui n'est autre que le génie des eaux ; à l'origine de la fondation du village de Bellevue114.

? Le Mungala

C'est un rite initiatique réservé exclusivement aux hommes. C'est aussi un rite de réjouissance, de circoncision et de deuil. Il se manifeste lors des naissances des jumeaux et est présent chez les peuples du Sud-est du Gabon ; aussi bien chez les Akélé, les Nzébi, les Kota, les Aduma, les Massango, pour ne citer que ces peuples. Le Mungala se présente comme un appareil de contrôle social, mieux, un appareil idéologique et répressif d'Etat au sens de Louis ALTHUSSER115. Répressif parce que le Mungala fonctionne à la violence ; il permet de maintenir l'ordre, et de régler les conflits sociaux qui peuvent surgir dans la communauté. Il est idéologique parce qu'il est une réalité qui se présente à l'observateur immédiat sous la forme d'institutions distinctes et spécialisées.

De plus, il est une organisation politique pour la défense de la communauté vis-à-vis des actes de sorcellerie et de souillure et touche aussi la communauté dans ses relations avec l'environnement. En définitive, le Mungala produit des systèmes d'interdits et de prescriptions auxquelles la communauté est sensée se conformer.

Toutefois, madame Ginette116 nous dit que :

114 Il s'agit des mythes fondateurs dudit village de Bellevue selon nos informateurs que sont les maîtres-intiés.

115 Louis ALTHUSSER, La pensée. La revue du rationalisme moderne. Arts-Sciences-Philosophie, n°151, juin 1970, 38 p.

116 Il s'agit de l'une de nos enquêtées du village Bellevue du Moyen-Ogooué, âgée de 76 ans, Akélé, que nous avons rencontré lors de notre enquête de terrain le 17 mai 2008.

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des femmes auraient capturé un monstre lors d'une partie de pêche. Prises de panique, elles seraient allées appeler les hommes, ceux-ci réussirent à traîner le monstre jusqu'au village et en firent leur propriété ; d'où la masculinité de ce rite. Celui-ci serait un animal fantastique et redoutable, habitant les eaux desquelles il sort à l'appel du Nga wa mwel (l'officiant chargé du culte).Par ailleurs, les femmes, les enfants et les profanes étaient tenus à l'écart du Mungala. En effet, lorsqu'ils entendaient les rugissements de la voix rauque de celui-ci, les femmes, les enfants et les profanes étaient glacés d'effroi. Les initiés annonçaient son arrivée en agitant des clochettes (Legun) et en même temps, un autre initié jouait de la corne (Atshika), pour demander aux non-initiés de se cacher à l'approche du Mungala. Il faut tout de même dire que parmi les femmes, seules les mères des jumeaux et les jumeaux y étaient admis car ils sont considérés comme des êtres sacrés ».117

Nous retenons donc que le Mungala, qui est une société initiatique, secrète et masculine, a été découvert à l'origine par les femmes lors d'une partie de pêche. Et les hommes se le sont appropriés. Cette appropriation masculine nous renvoie à la domination masculine de Pierre BOURDIEU. Cet auteur met en évidence toute une construction centrée et organisée autour de l'homme. Il conclut également que la pensée relative à la différence des sexes y est profondément enracinée, permettant ainsi de dégager les structures symboliques qui peuvent perpétuer la domination de l'homme sur la femme.

Par ailleurs, comme nous l'avons souligné plus haut, le Mungala apparaît comme un appareil idéologique d'Etat, fonctionnant à l'idéologie de la catégorie dominante, c'est-à-dire celle « des vieux initiés ». Jumeaux font partie de la catégorie dominante étant donné leur statut de « fétiches politiques » et initiés aux Mungala.

Toutefois, lors de ses manifestations, on peut remarquer que seuls la mère des jumeaux et les jumeaux ont le droit d'y participer puisqu'ils sont considérés comme des initiés.

117 Propos de maman Ginette.

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1.3. Le sacre d'un initié au Mungala

Les candidats, généralement des adolescents, doivent subir une initiation particulière au moment de la circoncision. L'initiation comporte des chants et des danses. Cela implique tout d'abord l'obligation d'être circoncis. De ce fait, cette pratique est très ancienne, car elle remonte à l'origine des Akélé. A travers le Mungala, s'est greffé tout un enseignement moral, social et politique au point de devenir une philosophie. Celle-ci règle la vie de l'individu de la naissance à la mort, avant et après la célébration de ce rite de puberté et de passage.

Ainsi, c'est toute une éducation qui consiste, pour le candidat, à supporter toutes les épreuves de l'ablation du prépuce. La capacité du candidat à surmonter toutes ces épreuves fait l'honneur d'une famille, voire de tout le clan. Ce qui lui permet d'accéder au rang d'initié. Si un candidat ne supporte pas une des épreuves, surtout celle de l'ablation du prépuce, il est considéré comme « un faible » ; c'est le déshonneur total de la famille à laquelle il appartient puisque pour être initié il faut être « fort d'esprit. » Cet acte manqué empêche de facto l'entrée du candidat dans la grande famille des initiés, c'est-à-dire celle des futurs dirigeants du village.

Le membre qui déshonneur la famille et le clan peut être banni du village. La circoncision a ainsi un caractère irréversible, produisant dans la profondeur de l'individu un déséquilibre qui peut s'avéré définitif. La circoncision, à travers le Mungala, est le pont qu'il faut absolument traverser pour atteindre le statut d'aîné. Elle constitue le cheminement par lequel l'homme est écrasé sous le poids des traditions qui se présentent comme le seul chemin de la vie.

Enfin les femmes, les enfants et les profanes sont tenus à l'écart lors de la manifestation du Mungala ; dans la mesure où lorsqu'ils entendent les rugissements de la voix rauque de celui-ci, les femmes, les enfants et les profanes sont glacés d'effroi. Des initiés annoncent sont arrivée en agitant des clochettes118 et en même

118 En langue Akélé, les clochettes sont appelées Legun.

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temps un autre initié joue de la corne119 pour demander aux non- initiés de se cacher à l'approche du Mungala. Il faut tout de même dire que parmi les femmes, seules les mères des jumeaux y sont admises, parce qu'elles sont considérées comme des êtres sacrés, mieux, des initiées au Mungala. Ce qui nous conduit à visiter le monde social des Akélé et les autres représentations qui structurent cette société.

Louis PERROIS indique à cet effet que « l'initiation est une introduction ; d'ailleurs, le mot même d'initiation suggère l'idée de commencement. Mort à l'imperfection et à l'ignorance des profanes, à l'incapacité et à l'impuissance des enfants pour renaître à la vie réelle et accéder enfin aux véritables fonctions de l'homme : procréer, communiquer (...) ».120 Soulignons que dans la société Akélé du Moyen-Ogooué du village de Bellevue, la circoncision est la première initiation du futur homme comprise dans le Mungala qui vient renforcer l'initiation du jeune néophyte. Nul ne peut s'initier au Mungala s'il n'est circoncis, car le Mungala se fait par le biais de la circoncision. Un petit garçon qui n'est pas circoncis chez les Akélé est considéré comme « une femme ».121

Nous voulons aussi corroborer les propos de notre informateur MBOCHAWIN qui affirme que :

selon nos mythes l'homme dans les temps immémoriaux était né bisexué c'est-à-dire le phallus en lui-même représente l'homme et le prépuce la femme d'où pour rendre le petit garçon "homme", il faut que la communauté des initiés le débarrasse de la partie de la femme représentée ici par le prépuce. La circoncision permet au jeune garçon le passage de femme à homme donc un changement de statut, après c'est l'initiation au Mungala ».122

119 En langue Akélé, les cornes sont appelées Atshika.

120 Louis PERROIS, La circoncision Bakota (Gabon), Paris, ORSTOM, 1968, p.34.

121 Par « femme », cela veut dire qu'il n'est pas scruté comme un homme, il n'a pas encore subi l'étape de l'ablation du prépuce ; qui doit l'intégrer dans la confrérie ou la société masculine des initiés. Il s'agit d'une interprétation/considération symbolique.

122 Propos de monsieur MBOCHAWIN lors de l'entretien du 28 avril 2009 à Lambaréné, village de Bellevue.

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Précisons ici que les propos de notre informateur monsieur MBOCHAWIN, dans son explication mythologique de l'androgynie primitive de PLATON123 où l'homme à l'origine avait 4 pieds, 4 mains, 2 têtes et était hermaphrodite. Il fut l'être le plus beau sur terre. Les dieux, voyant cela, et par jalousie, envoyèrent la foudre qui séparait l'homme en deux parties d'où l'homme et la femme. Et pour PLATON, « aimer » c'est rechercher cette seconde moitié perdue. Cette métaphore nous permet juste de voir une similitude dans une explication de type mythologique de la bisexualité chez l'homme.

2.1. L'Ondoukoué

? Une origine aquatique et terrestre

Précisons ici que Ondoukoué a une origine qui repose sur deux mythes que nous présentons. Le premier de ces deux mythes sur l'origine de l'Ondoukoué, montre que ce dernier est le descend du Mungala. Le jour où ce dernier a été entre les mains des hommes, l'animal (le Mungala) parla aux hommes en leur disant : « laissez-moi car j'ai laissé mon fils à l'endroit où les femmes m'ont capturé. Il doit se sentir seul maintenant »124 Hélas, les hommes n'avaient pas pris conscience de ce que l'animal leur avait dit.

En effet,

des jours, des semaines, des mois, des années passèrent. Les femmes en avaient mare de la situation qui perdurait au cours des pêches. Un jour, elles décidèrent de rencontrer le chef du village. Ce dernier décidait de rencontrer les femmes, qui lui relatèrent ce qui se passait au cours des pêches. Chaque fois que l'on va pêcher, il ya quelque chose qui nous griffe aux pieds et nous laisse des cicatrices. Nous sommes dépassées par cette situation. Le chef du village décida de rencontrer les hommes pour soumettre le problème. Les hommes trouvèrent

123 PLATON, le Banquet ou de l'Amour, Paris, Pocket, (coll. « Agora »), 1992, 213 p.

124 Propos de monsieur Benoît, notre informateur de 68 ans du village de Bellevue à Lambaréné. Propos recueillis in extenso lors de notre enquête de terrain réalisée le 18 avril 2009. Monsieur Benoît est un Maître-initié au Mungala, Ondoukoué et les autres rites initiatiques des Akélé.

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une solution ; aussitôt, demandèrent aux femmes de vider toute l'eau qui avait à l'endroit où ces dernières recevaient ces griffes. Puis les hommes demandèrent aux femmes de repartir au village pour s'occuper des cases. Par conséquent, les hommes, en fuyant les coins où se cachaient les poissons, les crevettes, tombèrent sur un animal étrange. Et celui-ci parla aux hommes : ? merci de m'avoir retiré de là car ma mère avait été capturé par les femmes et pour vous remercier, je vais vous remettre mon oeil que les femmes m'avaient percé depuis plusieurs années et cet oeil sera votre miroir chaque fois qu'il y aura une maladie, guerre, mort d'homme, conflits entre les habitants du village. Cet oeil jouera un rôle préventif dans la vie de la communauté. Cet oeil inculquera à l'homme adulte la connaissance des choses, le sens des valeurs morales, des mythes sur tel ou tel aspect de la tradition». Ondoukoué fonctionne comme une école où il ya un enseignant et un enseigné. C'est aussi un chemin qui conduit à la sagesse, à l'honneur et au pouvoir. Mais c'est aussi une entreprise où l'on forme des hommes courageux ».125

Notre informateur poursuit ses propos en disant que :

en outre, l'oeil de l'Ondoukoué protège et résolve les problèmes de la société. Il contient un pouvoir de grande envergure qui dévaste les esprits nuisibles. Les hommes cachèrent Ondoukoué dans la forêt, chaque fois qu'il y avait problème, ils faisaient recours à ce dernier ».126 Grosso modo, ce premier récit mythique nous permet de comprendre que le Mungala et l'Ondoukoué sont intimement liés du fait qu'Ondoukoué soit le fils du Mungala. Et ce dernier est supérieur à sa mère. Venons-en à présent au deuxième récit mythique, toujours rapporté par monsieur Benoît notre informateur.

A ce sujet, Benoît nous apprend que :

L'origine de l'Ondoukoué (sic) permet de comprendre qu'à travers une récolte, les femmes étaient mises dans une situation d'héroïnes. Un jour en allant à leur récolte, elles constatèrent que les champs étaient saccagés. En effet les femmes se posèrent plusieurs questions sur cette situation qui se répétait chaque fois que c'était la saison de la récolte. Les

125 Propos de monsieur Benoît.

126 Ibidem.

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femmes prirent la décision d'invoquer les ancêtres afin de remédier à ce problème qui persistait. Ces derniers, occupant une place importante dans la société Akélé, sont en quelque sorte pour eux, l'intermédiaire pour assurer la survie de la société. Nous pouvons comprendre le souci des femmes pour résoudre ce problème et non l'aide de la communauté. Les femmes invoquent les ancêtres pour remédier à la situation dans laquelle elles se trouvèrent en faisant des offrandes (aleïleï) de tout genre. Car dans cette société, quand la communauté ou quelqu'un d'autre a un problème, ces derniers doivent faire des offrandes pour faire de bonnes pêches, chasses, récoltes et bien d'autre chose encore. L'offrande est un rite que l'on fait dans un but bien précis pour solliciter l'aide des ancêtres pour sortir d'une situation délicate, la protection du groupe, de la communauté, la bénédiction, détecter un danger et le bien être du clan et du lignage ».127

Il ajoute :

l'offrande est marquée par les naissances, les mariages, les décès. C'est un rite de guérison aussi lorsqu'un membre du groupe a été frappé par un mauvais sort. Il faut aussi savoir qu'avant la récolte, la pêche, la chasse, il faut offrir des offrandes pour obtenir la bénédiction dans les activités. Les femmes avaient reçu une bonne leçon de cet acte. Elles faisaient des offrandes avant chaque récolte ou chaque pêche car elles avaient pris conscience qu'il fallait faire ces offrandes au moment de la semence. A près avoir fait ce rituel, les femmes avaient vu un animal dont la tête ressemblait à un masque inconnu et celui-ci parla aux femmes d'une voix forte : ?pourquoi cherchez-vous l'auteur de ce dévastement. C'est moi qui suis à l'origine du problème mais à l'avenir, tachez de donner aux génies des offrandes avant chaque activité». Et l'animal fit sortir un os de sa gueule et dit aux femmes de bien garder cet os car il avait une force, un pouvoir de bien protéger la communauté des esprits maléfiques. Mais les femmes en arrivant au village, commencèrent à trembler et ont raconté l'histoire aux hommes. Et ces derniers ont arraché cet os aux mains des femmes et sont détenteur de cet héritage de l'animal ».128

127 Propos de monsieur Benoît.

128 Ibidem.

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Les propos de notre informateur sur l'origine mythologique de l'Ondoukoué mettent en avant le fait que ce sont toujours les femmes qui ont été les premières à être confrontées aux situations de rencontre et de découverte avec un animal, qui paraît mystérieux à leurs yeux. Il s'agit d'un animal qui semble toujours demander que des offrandes lui soient présentées avant qu'il leur laisse en retour, quelque chose en héritage, ayant la capacité de procurer bénédiction, sagesse, connaissance, richesse, protection, réussite, puissance aux membres de la communauté. Par ailleurs, ce qui attire notre attention, c'est le fait que la rencontre ou la découverte avec cet animal se fait toujours dans un moment de vie sociale (la pêche et la récolte).

Le premier mythe nous relate qu'au départ, il s'agit de femmes qui vont à la pêche et qui se font griffées par cet animal ; sous prétexte qu'elles auraient capturé le Mungala. Par suite, elles auraient alerté les hommes qui se sont emparés de cette découverte. Le second mythe présente à peu près le même scénario : où les hommes viennent toujours en dernière position et s'accaparent des objets reliquaires. L'Ondoukoué, dans les deux cas, a deux existences : aquatique ou terrestre. Ce qui, nous le pensons, expliquera en dernier ressort que la veuve d'un maître initié et mère des jumeaux hérite du fameux panier reliquaire de son mari, contenant les objets symboliques.

Le mythe sur l'origine de l'Ondoukoué montre que ce dernier descend du Mungala.

Le jour où Mungala a été entre les mains des hommes, l'animal leur parla au corps de garde en leur disant laissez-moi, car j'ai mon fils à l'endroit om les femmes m'ont capturé. Il doit se sentir seul. Mais hélas, les hommes n'ont pas pris conscience de ce que l'animal leur avait dit. Les jours, les semaines, les mois, les années passèrent, les femmes en avaient mare de la situation qui perdurait. Au cours des pêches, un jour elles décidèrent de rencontrer le chef du village. Celui-ci décida de rencontrer les femmes ; elles lui relatèrent ce qui se passe lors des partis des pêches : chaque fois que l'on va pêcher il ya quelque chose qui nous griffe aux pieds et nous laissent des cicatrices. Nous sommes dépassées par cette situation. Le chef du village décida de rencontre les hommes pour soumettre le problème ; ils trouvèrent une

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solution qui demandait aux femmes de vider toute l'eau qu'il y avait à l'endroit même où les femmes recevaient les griffes. Celles-ci vidèrent toute l'eau et les hommes dirent aux femmes de repartir au village pour s'occuper des cases. Par conséquent, les hommes en fouillant les coins où se réfugiaient les poissons et crevettes, tombèrent sur un animal étrange et celui-ci parla aux hommes : merci de m'avoir retiré de là car ma mère avait été capturé par les femmes et pour vous remercier je vais vous remettre mon oeil que les femmes m'ont percé depuis plusieurs années. Et cet oeil sera votre miroir chaque fois qu'il y aura une maladie, guerre, mort d'homme. Cet oeil jouera un rôle préventif dans la vie de la communauté. Il inculquait à l'homme adulte la connaissance des choses, le sens des valeurs morales, des mythes sur tel ou tel aspect du clan, rites, etc. Ondoukoué fonctionne comme une école où il ya un dominant et un dominé ou un enseignant et un enseigné ; c'est aussi un chemin qui mène à la connaissance, à la sagesse. Mais aussi une entreprise où l'on forme des hommes courageux. En outre, l'oeil d'Ondoukoué protège et résolue les problèmes de la communauté, cet oeil contient un pouvoir de grande envergure qui dévaste les esprits nuisibles. Les hommes emmenèrent Ondoukoué dans la forêt et le cachèrent. Chaque fois qu'il ya un problème dans le village on allait le voir ; il intervenait ».129

Dans ce récit, nous voyons que le Mungala et Ondoukoué sont intimement liés, le Mungala est la mère d'Ondoukoué. Mais Ondoukoué est un mâle, il est supérieur à sa mère.

2.2. Le sacre d'un initié à l'Ondoukoué

Le rite initiatique Ondoukoué est un rite strictement réservé aux hommes, mais pas tous les hommes, et donc apparaît comme sélectif. Il est sélectif parce qu'avant ; pour y être admis, il fallait répondre à certains critères tels la robustesse et appartenir au clan fondateur de ce rite et ce rite formait les guerriers. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, car on s'initie à l'Ondoukoué pour la recherche de la guérison, la

129 Propos de monsieur Benoît, informateur du village Bellevue, maître-initié.

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découverte du décès d'un membre de la famille ; on s'initie par curiosité ou parfois, pour connaître si on n'a pas été victime d'adultère.

Néanmoins, l'Ondoukoué permet encore de nos jours, selon les dires de nos informateurs, à l'individu de devenir invulnérable face à toutes les situations auxquelles il peut être confronté durant toute sa vie. Par ailleurs, il est bon de savoir que le nombre d'initiés à ce rite est très limité et se passe généralement quelques années après l'initiation du Mungala. Comme nous venons de le signaler, l'initiation à l'Ondoukoué se faisait autrefois pour les guerriers. Aujourd'hui il assure des fonctions beaucoup plus sociales et juridiques, dans la mesure où il intervient contre les adultères, les voleurs ou même la sorcellerie.

L'Ondoukoué joue un rôle préventif car il avertit les habitants du village d'une situation de malheur ou un cas de maladie. Ce dernier confère à l'homme initié une sagesse, un pouvoir, une connaissance voire la notoriété et la respectabilité. Il faut retenir que l'Ondoukoué est une étape de l'apprentissage des individus. Il repose sur une initiation rude ; apparaissant comme une école de haut niveau, une entreprise, une porte qui mène à la sagesse, au pouvoir, à la connaissance et ipso facto ; à la maîtrise de soi et à la responsabilité.

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> Tableau n°2 : La comparaison entre le Mungala et l'Ondoukoué chez les

Akélé du Moyen-Ogooué

Rite

Points de convergence

Points de divergence

 

> Rite initiatique masculin tolérant

la présence de la mère de jumeaux et

> Il est obligatoire

 

les jumeaux eux-mêmes.

> Il est un appareil de contrôle social

Le Mungala

> Il a une origine aquatique et

terrestre.

fonctionnant à la violence et

maintient l'ordre.

 

> Il défend contre la sorcellerie et

 
 

la souillure.

> Il prescrit des interdits auxquels la

 

> Il a été découvert par les femmes

lors d'une partie de pêche.

communauté s'y soumet.

 

> Rite initiatique masculin tolérant

> Il est sélectif et est d'ordre

 

la présence de la mère de jumeaux et

thérapeutique.

 

les jumeaux eux-mêmes.

> Il est un chemin de la

L'Ondoukoué

> Il a une origine aquatique et

terrestre.

connaissance qui conduit à la sagesse, à l'honneur et au pouvoir.

 

> Il été découvert par les femmes

> Il se présente comme une

 

lors d'une partie de pêche où elles lui

entreprise de formation des hommes

 

percèrent un oeil.

courageux

 

> L'oeil d'Ondoukoué contient un

> Remise de son oeil, symbole du

 

pouvoir de grande envergure qui détruit

miroir, de la vision, une sorte de

 

les esprits nuisibles.

« caméra mystique » aux hommes.

 

> Il protège et résout les problèmes

de la société.

 

Conclusion : Il ressort de ce tableau comparatif que dans les deux récits mythologiques, c'est toujours les femmes qui ont été à la découverte de ces deux rites initiatiques. Cependant, les hommes s'en sont appropriés, ce qui fait que les hommes sont aujourd'hui à la tête de ces rites et associent certaines femmes dont les mères de jumeaux. Cela nous laisse entendre que la mère des jumeaux est la mère du Mungala et des jumeaux.

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Section 2 : Les hommes et les femmes dans société Akélé

Il faut d'abord rappeler que les Akélé dont il s'agit ici sont ceux du Moyen-Ogooué, précisément du village Bellevue130, situé à environ 70 km par voie fluviale soit 1h30min de navigation de Lambaréné. 38 Km en passant par voix terrestre par le carrefour Palmier-véa (Makouké) soit environ 45 min de route. Ce qui fait que les activités socio-économiques qui prédominent dans ce village sont : La pêche et la chasse. A cela, notons que les Akélé accordent une grande importance à leurs traditions ; particulièrement les rites initiatiques que sont : La circoncision, Le Mungula, L'Ondoukoué pour ce qui est des hommes. Le Lessibu, Menionze pour les femmes, et très spécialement, comme c'est le cas pour ce Mémoire de Maîtrise pour les mères de jumeaux.

1. Le rapport entre les hommes et les femmes

Pour ce qui est de l'organisation sociopolitique, précisons que cette société Akélé est structurée ainsi qu'il suit : les hommes initiés uniquement à tous les cultes (rites Akélé) siègent au corps de garde. C'est dans ce même corps de garde que la vie sociale, politique, économique et culturelle est débattue. Outre les hommes initiés qui siègent dans ce corps de garde, il y a les femmes mais pas n'importe laquelle, il y a d'abord la mère des jumeaux et la femme d'un ancien haut dignitaire du village et enfin, les ngangas des deux sexes.

Ce sont donc ces femmes qui rapporteront ce qui a été dit au cours d'une réunion avec les hommes. Mais dans ce sens, ce qui nous intéresse ici c'est particulièrement la mère des jumeaux qui accède au corps de garde avant et après la mort de son mari, si et seulement si elle est passée par cette pratique religieuse qui n'est autre que le veuvage. C'est donc elle qui a la charge ou la lourde responsabilité de jouer le rôle de médiateur entre les initiés et les profanes (non-initiés) des deux sexes, en rapportant ce qui a été dit ou décidé dans le corps de garde par « les

130 Cf. les cartes qui présentent les localisations géographiques dudit village.

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anciens ». Le monde social des Akélé est fortement rythmé par les rites de passages qui font en sorte que les néophytes grandissent en statut et en connaissance ; c'est le cas par exemple de la naissance, de la mort, de la circoncision et le mariage. De cette description du monde social des Akélé, il ressort finalement que les hommes exercent une domination sur les femmes.

Les rapports sociaux chez les Akélé que nous décrivons sont des rapports sociaux remplis d'idéologie et de symbolique. Et ce sont ces rapports sociaux qui vont expliquer la manière dont les Akélé se comportent avec les ngangas, les initiés, les jumeaux, maîtres-initiés et les veuves de ces maîtres-initiés, mères de jumeaux. C'est du moins ce que pense Maurice GODELIER131, à propos des rapports sociaux lorsqu'il affirme que « tous les rapports sociaux, y compris les plus matériels, contiennent des noyaux imaginaires qui en sont des composantes internes, constitutives (...) Ces noyaux d'imaginaires sont mis en oeuvre (et en scène) par des pratiques symboliques ».132 Pour GODELIER, l'importance de l'imaginaire et des pratiques symboliques dans les rapports sociaux permet aux hommes de gouverner le politique, le religieux, le social et l'économique.

C'est ici l'occasion de rappeler que pour GODELIER, « l'imaginaire c'est de la pensée. C'est l'ensemble des représentations que les humains se sont faites et se font de la nature et de l'origine de l'univers qui les entoure, des êtres qui le peuplent ou sont supposés le peupler, et des humains eux-mêmes pensés dans leurs différences et/ou leurs représentations (...) L'Imaginaire c'est l'ensemble des interprétations (religieuses, scientifiques, littéraires) que l'Humanité a inventées pour s'expliquer l'ordre ou le désordre qui règne dans l'univers ou dans la société, et pour en tirer des leçons quant à la manière dont les humains doivent se comporter entre eux et vis-à-vis du monde qui les entoure ».133

131 Maurice GODELIER, Au fondement des sociétés humaines. Ce que nous apprend l'anthropologie, Paris, Albin Michel, (coll. «Bibliothèque Albin Michel Idées »), 2007, 287 p.

132Ibid., p.35.

133Maurice GODELIER, Au fondement des sociétés humaines. Ce que nous apprend l'anthropologie, ibid., p.38.

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Le symbolique se définit enfin comme « l'ensemble des moyens et des processus par lesquels des réalités idéelles s'incarnent à la fois dans des réalités matérielles et des pratiques qui leur confèrent un mode d'existence concrète, visible, sociale. C'est en s'incarnant dans des pratiques et des objets qui le symbolisent que l'Imaginaire peut agir non seulement sur les rapports sociaux déjà existants entre les individus et les groupes, mais être aussi à l'origine de nouveaux rapports entre eux qui modifient ou remplacent ceux qui existaient auparavant ».134

GODELIER conclut sa clarification des concepts en disant que finalement « l'Imaginaire n'est pas le symbolique, mais il ne peut acquérir d'existence manifeste et d'efficacité sociale sans s'incarner dans des signes et des pratiques symboliques de toutes sortes qui donnent naissance à des institutions qui les organisent, mais aussi à des espaces, à des édifices, où elles s'exercent. »135 On peut aussi ajouter que tout rapport social, quel qu'il soit ; est constitué de symbolique et d'imaginaire parce qu'étant d'abord des produits humains et sont tout de même complémentaires.

Ce qui fait dire à BALANDIER, pour le cas du phénomène politique par exemple, que « l'imaginaire éclaire (...) phénomène politique ; sans doute parce qu'il en est constitutif... »136

2. La domination masculine dans la société Akélé

La mise en évidence de la domination des hommes sur les femmes dans la société Akélé se traduit au sein de l'organisation politique et religieuse. En effet, au plan politique, les femmes sont quasiment exclues de la prise de décision et de la gestion du village ; même si la mère des jumeaux, les ngangas (mères spirituelles) et les femmes des feus hauts dignitaires siègent au corps de garde. Cela ne veut pas dire qu'elles ne prennent pas de décisions ; toutefois, leurs points de vue peuvent être pris en compte dans le corps de garde.

134Maurice GODELIER, Au fondement des sociétés humaines. Ce que nous apprend l'anthropologie, ibid., pp.38-39.

135 Ibid., p.38.

136 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scène, Paris, Balland, 1992, p.14.

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Si les femmes sont dominées au plan politique, c'est parce que la gestion du village est aux mains des hommes. Il en est de même pour le plan religieux où le culte lié aux ancêtres137 par exemple, est régi par les hommes, tout comme la circoncision, le Mungula, Ondoukoué etc., même si les femmes dans ces rites ont une place importante et apparaissent comme nourricières, gardiennes voire conseillères.

En d'autres termes, dans cette société traditionnelle Akélé, la domination masculine sur les femmes est l'expression de la mystification du pouvoir en général, le pouvoir politique et religieux en particulier. Nonobstant cette situation de domination des hommes, il y a certaines femmes qui peuvent avoir un statut dominant sur les hommes.

Ce point de vue est partagé par Pierre BOURDIEU138, quand il estime que la domination masculine est tellement ancrée dans nos inconscients que nous l'apercevons plus, tellement accordée à nos attentes que nous avons du mal à la remettre en question. Mieux, BOURDIEU nous invite à explorer, à travers « cette domination masculine », les structures symboliques de l'inconscient androcentrique qui survit chez les hommes et les femmes. On pourrait ajouter à la suite de l'auteur que cette domination nous paraît même naturelle souvent d'où notre étonnement quand on voudrait la remettre en cause.

2.1. La mère des jumeaux, symbole de la domination des femmes sur les hommes

La mère des jumeaux a un statut particulier que lui confère la naissance des ses enfants. En effet, elle est la mère de deux génies et représente un médiateur chez les Akélé entre les hommes et les génies. C'est elle qui a la charge de relayer les faveurs des génies pour des prières de la communauté, par l'intermédiaire de ses enfants dans l'espoir d'obtenir des réponses favorables. A cela s'ajoute qu'il est formellement interdit aux hommes de la fixer dans les yeux. Par ailleurs, elle a à sa

137 Mayonze na nkeyi

138 Pierre BOURDIEU, La domination masculine, Paris, Seuil, (Coll. « Liber »), 1997, 134 p.

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disposition d'autres femmes mères de jumeaux et des enfants qui l'aident pour sa cuisine, sa toilette, sa beauté. De même, les hommes de retour de la chasse peuvent lui réserver, pour la circonstance, les meilleures parts de gibier, pour rendre plus fructueuse la chasse ; comme il en est de même pour la pêche et la cueillette. De plus, certains hommes sont à sa disposition qui l'aide pour ces travaux champêtres.

Claudine-Augée ANGOUE139 souligne à ce propos que la mère des jumeaux a une place au dessus de toutes les femmes. Elle acquiert un statut égal à celui de l'homme par la naissance des jumeaux. Claudine-Augée ANGOUE, dans ses propos s'intéresse particulièrement à la nature du statut de la femme qui met au monde les jumeaux, considérés comme des êtres supérieurs dotés de pouvoir. Cette naissance lui permet l'accès au milieu des initiés et d'être « un nganga-Mongala ». Soulignons également que chez les Akélé du Moyen-Ogooué du village de Bellevue, la mère des jumeaux, qui s'appelle aussi « nganga Mungala », occupe une place importante dans la société Akélé. Par ailleurs, c'est ce statut de nganga Mungala qui lui donne l'accès au corps de garde. De même, certains de nos informateurs ont affirmé que « les mères des jumeaux sont des ngangas puisqu'elles ont la possibilité de soigner, bénir, maudire les habitants du village ».140

Ces deux illustrations nous permettent d'affirmer que la mère des jumeaux est un « homme » dans cette société symbolique et lignagère, en ce sens qu'elle détient le pouvoir que lui confèrent ces enfants, ces êtres sacrés.

En partant du fait que nous sommes dans la société lignagère où c'est le groupe qui est valorisé; il est évident que la conscience individuelle est phagocytée. C'est dans cette même société lignagère que la mère des jumeaux est considérée comme détentrice d'un pouvoir que lui confère la naissance de ses enfants, que

139 Claudine-Augée ANGOUE citée par Eddy Blaise MABADI MAHEBA in Ambivalence et pouvoir : Mongala et le culte des jumeaux chez les Mahongwè, Mémoire de Maîtrise en Anthropologie, Libreville, UOB/FLSH, sept.2006, p.46.

140Propos de nos maîtres-initiés que nous avons rencontrés pendant notre période de terrain à Bellevue à Lambaréné.

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somme toute elle est, au même titre que ses enfants, perçue comme un fétiche politique, dans le sens où elle dotée de pouvoir, comme l'entend BOURDIEU141.

En un mot, « les fétiches politiques sont des gens, des choses, des êtres, qui semblent ne devoir qu'à eux-mêmes une existence que les agents sociaux leur ont donnée ; les mandants adorent leur propre créature. »142 Comme nous l'avons vu plus haut pour ses enfants, cette définition du fétiche politique attribuée à la mère des jumeaux lui convient parfaitement en ce sens qu'elle est aussi « objet » d'attentions toutes particulières de la part de la communauté et pourquoi pas « idolâtrée ». Aussi, nous ne pouvons qu'aller que dans le même sens que BOURDIEU.

L'auteur va plus loin en présentant le fétiche politique qu'il range sous l'angle de la délégation du pouvoir où intervient le mandant (c'est-à-dire la collectivité) qui « donne le pouvoir, comme on dit à une autre personne »143, c'est-à-dire le mandataire (la mère des jumeaux qui reçoit la sacralisation des Akélé). De ce fait, la mère des jumeaux se voit affectée d'un pouvoir charismatique. Tant qu'elle est mère des jumeaux, donc fétiche politique pour les Akélé, elle a le privilège de siéger au corps de garde avec les hommes initiés puisqu'elle est vue comme un « homme initié ». Par ailleurs, la communauté lui voue un culte, un rituel144 dans lequel elle est maquillée avec du kaolin rouge, (Mboulé) et du kaolin blanc, (Pembe).

Elle frotte malê ma magniang145, l'huile d'amande et malê ma mambila146, l'huile de palme sur son corps, sur sa poitrine elle porte une corde croisée fait à base d'une tige de plante que l'on appelle : `'Ledenka''147. Elle ne se tresse pas comme les autres femmes, elle fait juste deux tresses dites civiles148. Et sur ces tresses elle porte deux

141 Pierre BOURDIEU, Choses dites, Paris, Editions de Minuit, (coll. « Le sens Commun »), 1987, 228 p.

142 Ibid., p.187.

143 Ibid., p.187.

144 Ce rituel s'appelle en Akélé Niamawassa.

145L'huile d'amande sert à purifier la mère des jumeaux, mais surtout, lui rendre hommage d'avoir mise au monde des « génies ».

146 L'huile de palme est utilisée dans le cadre de bénédiction car elle vient de mettre au monde des « êtres sacrés», mais aussi lors du rituel des hommes qui s'initient au Mungala et à l'Ondoukoué, pour les préparer à être des hommes et à recevoir les connaissances du monde mystique.

147 Ledenka, symbolise la maternité des jumeaux.

148 Appellation des deux tresses qui divisent la tête en deux ou trois zones bien isolées les unes des autres par des allées.

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plumes rouges149 de perroquet au niveau du front. Elle doit avoir un grelot (legun) obligatoirement pour être en contact avec les esprits. Et tout cela se fait jusqu'à la maîtrise des forces invisibles pour permettre à la mère et aux jumeaux de mieux se porter mais aussi d'éviter à la mère des naissances rapprochées et pour attendre que les enfants marchent et atteignent un an.

C'est à peut près le même rituel que les Myènè font dans le cadre des cérémonies vouées à la mère des jumeaux et à ses enfants. Dans ce rituel, la mère des jumeaux s'appelle « Ngompaza qui signifie : ngwè y'ampaza »150 ou « Obata y'ampaza »151 Autrement dit, à travers la lecture du statut de la mère des jumeaux considérée comme fétiche politique avons dit, nous nous inscrivons dans un univers typiquement symbolique et surtout imaginaire. Symbolique parce qu'intervient toute une panoplie d'objets dotés de sens liés à des rituels. Imaginaire parce que nous sommes dans l'ordre des croyances, en tant que faculté de la communauté à se représenter la mère des jumeaux comme « objet » de culte.

Mieux encore, la mère des jumeaux exercerait une sorte de violence de l'imaginaire au sens où l'écrit Joseph TONDA : « Elle est violence de l'imaginaire parce qu'il s'agit d'une violence administrée par, ou organisée autour de l'imaginaire constitué par des entités invisibles au moyen de symboles ou de fétiches. »152 Nous parlons de violence de l'imaginaire parce qu'il est question d'une imposition de symboles qui a pour effet de causer un impact sur la conscience collective en ce sens qu'elle choque, qu'elle traumatise les membres de la communauté susceptible de la rencontrer dans ses divers maquillages.

149 Ces 2 plumes rouges du perroquet symbolisent l'autorité et la royauté. Cf. la page 89 du Mémoire.

150 Pasteur OGOULA M'BEYE, Galwa ou Edôngô d'antan, op.cit., p.107.

151 Propos de monsieur Laurent IGAMBONTSYNA, 68 ans, médecin, enquêté que nous avons interrogé sur les questions de jumeaux et leur place dans la société symbolique Galoa.

152 Joseph TONDA, Le Souverain moderne. Le corps du pouvoir en Afrique centrale (Congo, Gabon), Paris, Karthala, 2005, p.32.

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2.2. Le sexe de la femme comme pouvoir de domination

En partant du postulat selon lequel la femme donne la vie, on se rend compte qu'elle est ipso facto dotée du pouvoir d'enfanter, mais aussi de maudire ou d'ôter cette vie. On pourra, à la limite, dire que la femme apparaît comme un être sacré ou un dieu. A priori, c'est ce qui pose problème entre l'homme et la femme. Ce problème est perçu par Françoise HERETIER-AUGE qui dit que : « l'appropriation de la fécondité dans le corps masculin est voué à l'échec : il ne peut jamais avoir de simulacre. Elle passera donc par le contrôle : appropriation des femmes elles-mêmes ou le produit de leur fécondité, (...) »153 La maternité est un phénomène qui n'est réservé qu'à la femme et c'est un phénomène qui est le véritable lieu de domination.

A cet effet, MAMBOUBE affirme que :

- « lors du rituel de purification de la veuve après sa réclusion, la personne qui doit lui enlever la défense lors du premier rapport sexuel après la mort du défunt est l'Angô Mungala parce qu'il est détenteur de pouvoir. Puis vient l'Angô Ondoukoué qui termine l'acte sexuel avec elle ».154 Le rapport sexuel que la veuve partage avec ces deux détenteurs de pouvoirs n'est pas un rapport sexuel de plaisir, mais repose sur une égalité de pouvoirs pour les trois acteurs. La veuve ne peut pas rompre cette défense avec un non Angô-Mungala ou Ondoukoué au risque de perdre toute sa valeur auprès de ces Angô-Mungala ; où une partie de son pouvoir y réside. Car le sexe de la mère des jumeaux a un pouvoir mystique qui ne peut s'expliquer. Le rapport sexuel des mères des jumeaux avec les Angô wa Mungala et wa Ondoukoué est une pratique plutôt symbolique.

Comme l'affirme Eddy Blaise MABADI MAHEBA, « en imposant des rapports sexuels aux mères des jumeaux, les Nganga Mongala traduisent un acte symbolique en rapport physique. Ces relations intimes sont faites au nom des entités imaginaires qui considèrent la mère des jumeaux comme source de pouvoir et de

153 Françoise HERETIER-AUGE, Masculin/féminin. La pensée de la différence, Paris, Odile Jacob, 1995, p.230.

154 Madame MAMBOUBE, informatrice rencontrée le 23 avril 2009 à Lambaréné au village Bellevue.

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puissance ».155 C'est en ce sens que le sexe de la femme est un véritable lieu de domination de la femme sur les hommes. Dans une autre mesure, pour mettre en relief l'idée selon laquelle le sexe de la femme apparaît comme un pouvoir de domination ; nous allons nous appesantir sur une perspective de Florence BIKOMA qui tourne autour de la sacralité des jumeaux et du sexe de la femme.

En effet, il ya une allusion faite entre le sexe de la femme considéré comme le port de débarquement et les jumeaux, des navires qui viennent pour y accoster156. On pourrait partir de l'idée selon laquelle « les hommes initiés au mwiri, portaient sur leurs bras gauches un tatouage qui serait la représentation du vagin de la femme. Ceux qui leur permettaient de maudire ».157

Eu égard ces considérations, on se rend compte que le sexe de la femme a une portée symbolique, il possède un pouvoir de domination et autour duquel gravite une mythologie.

155 Eddy Blaise MABADI MAHEBA, Ambivalence et pouvoir : Mongala et le culte des jumeaux chez les Mahongwè, Mémoire de Maîtrise en Anthropologie, Libreville, UOB/FLSH, sept.2005, p.75.

156 Florence BIKOMA, op.cit., p.276.

157 Propos recueillis auprès d'un informateur Akélé-Sango, vendeur de vin de palme au village Bellevue le 25 avril 2009.

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Conclusion de la première partie

Au sortir de cette première partie consacrée à l'étude sur l'imaginaire des jumeaux chez les Akélé du Moyen-Ogooué, il est important de dire que ce travail ne repose pas essentiellement sur les représentations sociales des jumeaux, mais se propose de voir comment le statut social d'une mère des jumeaux s'acquiert après la naissance de ces enfants qualifiés d'« exceptionnels » ; tout en mettant en évidence le champ politique et religieux dans lequel ils vont évolués. Cette étude nous permet de voir comment la plupart des sociétés symboliques lignagères (précisément la société Akélé) abordent les questions axées sur les représentations sociales du maître-initié et de sa femme, mère de jumeaux, dans les rites initiatiques masculins.

Aussi, nous nous sommes efforcés, dans le premier chapitre de déchiffrer la vie politique des Akélé et la naissance des jumeaux car ils sont considérés comme des "génies" sont intimement liés à l'eau. Ils seraient même aussi puissants que les divinités et auraient le pouvoir de rendre fructueuses toutes les activités de la famille en augmentant la production matérielle. Aussi, il convient de dire ici que pour les Akélé du Moyen-Ogooué, les jumeaux sont des êtres surnaturels, ce sont des génies dont l'origine serait mythologique, imaginaire et sacralisée. En un mot, ce sont des fétiches politiques au sens de BOURDIEU.

Dans le second chapitre, nous avons voulu faire ressortir les représentations sociales qui gravitent autour des jumeaux, c'est-à-dire la position sociale de ces enfants. Et que les rites initiatiques sont primordiaux puisqu'ils permettent à la femme d'occuper un statut social supérieur dans les rites initiatiques masculins. Nous constatons, par ailleurs, que la mère des jumeaux, à travers la naissance de ses enfants, pourrait avoir le pouvoir d'un homme et même de dominer les hommes à un moment donné. Ce qui nous permet d'analyser la manière dont cette femme vie cette situation de domination sur les hommes, parce qu'elle est perçue comme fétiche politique elle aussi.

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Pour résumer notre première partie, soulignons que le chapitre premier nous a permis de dire que les jumeaux du groupe ethnolinguistique Akélé du Moyen-Ogooué du village Bellevue seraient, sans aucun doute, des fétiches politiques. En dernière analyse, notre second chapitre nous permet de voir la position sociale des jumeaux sans oublier le statut social de leur mère, veuve d'un maître-initié.

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Introduction de la deuxième partie

La vie et toutes les complexités qui sont les siennes, préoccupent les chercheurs en sciences sociales. Mais tout le monde sait qu'il n'y a pas de vie sans mort. La mort est donc également un moment important dans la vie sociale. Autant il naît des individus, autant il en meurt tous les jours. La mort et les morts sont donc également, en sciences sociales, des objets pouvant rendre compte de la société globale ; de la réalité sociale. En revanche, la tâche du sociologue consiste à étudier les pratiques sociales, sans omettre l'idée selon laquelle « L'imaginaire (...) éclaire le phénomène politique ; sans doute du dedans parce qu'il en est constitutif... »158

Cela laisse supposer que les phénomènes politique et religieux sont en grande partie constitués d'imaginaire. On pourrait déduire que tout phénomène l'est également dans la mesure où ce sont les individus, en tant qu'agents sociaux, qui concourent à leur réalisation. Mais surtout que l'homme ne peut pas vivre dans un milieu sans qu'il ne se le représente, se l'imagine. Le choix de notre sujet nous permet de déchiffrer comment les mutations politiques se vivent dans la société lignagère Akélé, à travers le fait social total qu'est la mort qui suscite le veuvage. De plus, le veuvage met en évidence le fait que la femme d'un maître-initié, mère des jumeaux change de statut social ; elle passe ainsi du statut social « de femme » à celui « d'homme »159 ; c'est-à-dire d'homme initié et comment cette mère de jumeaux hérite des biens symboliques de son défunt mari.

En effet, Fulbert TOKA définit le veuvage comme « une situation de totale retenue de la veuve à l'écart de tout ce qui relève de la vie quotidienne ; cette retenue s'accompagne également d'une restriction des contacts avec l'entourage immédiat, lointain et d'une série d'interdits ».160

158 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1992, p.14.

159 Lorsqu'on traite un garçon dans le village Bellevue de femme, c'est une manière de le distinguer de la classe des initiés, en fait, c'est le traiter de peureux, de mauviette, de dégonfler. Il en est de même pour une fille que l'on traiterait d'homme.

160 Fulbert TOKA, Le veuvage et la valorisation de la femme dans la société Akélé, Rapport de Licence en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, 1997, p.15.

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Dans la société lignagère Akélé du Moyen-Ogooué du village Bellevue, le veuvage que nous avons décrit et observé se définit comme est un moyen de purification psychique, spirituelle et physique, afin de libérer la veuve des possibles persécutions de l'esprit de son défunt époux. Mais nous pensons que ce veuvage se présente aussi comme une étape d'initiation, une étape d'intronisation pour la veuve, un rite de passage pour parler comme VAN GENNEP161 ; afin d'intégrer la catégorie sociale des maîtres-initiés et donc, de rentrer dans les rites masculins pour ensuite occuper une place importante dans la vie politique du village.

Il convient de dire que dans cette société lignagère Akélé, la veuve d'un maître-initié mère des jumeaux joue un rôle prépondérant dans le corps de garde, même si pour certains hommes, la gestion des affaires publiques du village ne concerne pas les femmes, plutôt les hommes initiés ; contraints d'accepter et de supporter sa présence parmi eux. Le refus d'acceptation de sa présence au corps de garde d'après les hommes trouverait sa justification en référence à la persistance de l'évocation de la tradition. BALANDIER, pour sa part, précise que « la référence à la tradition éloigne d'une réalité qui ne se réduit pas à la répétition, qui se constitue par un continuel travail d'ajustement et de réponse aux conjonctures ».162

A la suite de BALANDIER, nous voulons dire que la tradition est toujours utilisée par nos informateurs comme alibi, une échappatoire, une sorte de parade pour justifier un acte que l'on pose ou que l'on entend poser afin de se déresponsabiliser par la suite. La tradition est, nous le pensons, un appareil idéologique d'Etat au sens d'ALTHUSSER, qui sert ici les intérêts de la catégorie des maîtres-initiés et à légitimer leur domination. Face à cette situation, la veuve d'un maître-initié mère des jumeaux ne semblerait être pas un fétiche politique, un obstacle pour les maîtres-initiés dans cette société dans la mesure où elle est détentrice de multiples pouvoirs ?

161 Arnold VAN GENNEP, Rites de passage, Paris, Mouton, 1909, pp.66-71.

162 Georges BALANDIER, Civilisés dit-on, Paris, 2003, p.154.

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Chapitre III : La question du veuvage dans la société Akélé du Moyen-Ogooué

Dans ce chapitre, il est question d'une analyse descriptive du rituel du veuvage dans la société Akélé du Moyen-Ogooué, du village de Bellevue. Il s'agit de montrer comment la communauté des maîtres-initiés et les habitants du village participent au rituel du veuvage et tous les mécanismes qui se mettent en place pour la circonstance. Cette étude vise à démontrer que le rituel du veuvage n'est pas l'affaire de toute la société Akélé, mais celle de la femme d'un maître-initié mère des jumeaux et des maîtres-initiés et les autres veuves mères des jumeaux. Nous faisons allusion à ces deux acteurs parce que le défunt était un maître-initié et la veuve est mère des jumeaux, une situation très délicate dans le village. En ce sens, cette étude consistera à affirmer que le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux n'est qu'un moyen de légitimer le double statut de la veuve au sein de la communauté des initiés.

Section 1 : L'annonce du décès comme moment de rupture de

l'ordre social

1. Les conduites pré-mortems dans la description du décès

Chez les Akélé lorsqu'il arrive qu'un maître-initié ou un chef est près de la mort, il parle a priori à tous les maîtres-initiés, puis à sa femme et enfin aux enfants et aux autres membres de la famille. Tous savent ce qui doit se passer lors du décès du chef, et commence à prendre des dispositions possibles, car lorsqu'il ya mort au village, le village vit dans ce que DURKHEIM appelle l'anomie.

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Jonas OSSEMBEY163 nous apprend que « quand le chef était proche de la mort, il prenait les mains du successeur désigné entre les siennes (paumes levées) et en disant maintiens l'ordre comme je l'ai fais (...) »164 De ce fait, avant la mort d'un chef ou d'un maître-initié les habitants du village savent qu'il ya une conduite à tenir, tous respectent les consignes laissées pour ce dernier. Et lorsque le chef ou un maître-initié décède, son décès est annoncé avec un grand bruit dans tout le village et les contrées voisines.

Pour revenir sur la notion d'anomie chez DURKHEIM, en général l'annonce d'un décès au sein d'une communauté donnée créée une situation de désordre social que les membres de la communauté concernée, particulièrement ceux qui sont responsables de la bonne marche du groupe, doivent gérer à tout prix pour éviter que cette situation de déséquilibre social ne perdure. Pour la circonstance, les maîtres-initiés, rassemblés autour des Angô-Mungala, se réunissent tout le temps et tentent d'apaiser le climat social déstructuré par le décès en organisant une sorte de couvre-feu.

Il faut entendre ici par la notion de couvre-feu que les maîtres-initiés dans la nuit décrètent l'interdiction de circuler après que les derniers usages domestiques soient faits. Par exemple, les femmes se sont déjà lavées, les vaisselles sont propres, les enfants lavés et habillés, les calebasses d'eau sont remplies, la cuisine a été faite etc. Plus personne n'est dehors car on a peur de croiser le Mungala ou l'Ondoukoué. La voix du grand maître-initié se fait entendre suivie du Legun165 en pleine conversation avec le Mungala (qui répond par une voix rauque) et invoque les ancêtres par la même occasion pour qu'ils lui donnent la conduite à tenir devant la situation. Précisons ici que la conversion entre le grand maître-initié et le Mungala

163 Jonas OSSOMBEY, Société Kélè du Gabon précolonial : Milieu de vie, sociétés initiatiques et pouvoir politique. Des origines à 1910, Mémoire de Maîtrise en Histoire et Archéologie, Libreville, UOB/FLSH, sept.2005, 100 p.

164 Jonas OSSOMBEY, Société Kélè du Gabon précolonial : Milieu de vie, sociétés initiatiques et pouvoir politique, ibid., pp.88-89.

165 Le Legun est cet instrument traditionnel utilisé dans le cadre des cérémonies rituelles de la naissance des jumeaux, de l'Ondoukoué, du Mungala, la sortie des jumeaux, le deuil, la circoncision, et toute autre initiation. C'est donc un instrument incontournable et omniprésent dans la vie initiatique des Akélé.

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que seuls les initiés peuvent comprendre peut durer toute la nuit et le matin, un compte rendu est fait très tôt le matin à la population avec détail.

2. Les conduites post-mortem dans la description du décès

Premièrement Lorsque le mari décède, la mère des jumeaux est prise en charge par d'autres veuves mères des jumeaux qui sont dépositaires des pouvoirs supranaturels. Mais il n'ya pas que les veuves mères des jumeaux qui s'occupent d'elle, notons également que les hommes initiés au Mungala et à l'Ondoukoué, les pères spirituels et les ngangas. Le veuvage se fait par des personnes qui occupent une position dominante te le pouvoir dominant est un pouvoir symbolique. Personne d'autre ne s'occupe de cette veuve. La veuve a une manière très spéciale de pleurer son mari car elle ne le pleure pas sur une natte comme le font les autres veuves en général.

Elle pleure son mari sur un tabouret qui est le signe d'élévation et le signe du pouvoir, en ce sens qu'elle se distingue toujours des autres femmes non mères des jumeaux. La veuve change d'accoutrement pour la circonstance puisqu'elle porte désormais un pagne blanc au niveau de ses seins, le pagne blanc signifie le deuil. Elle se distingue toujours des autres veuves.

Deuxièmement, la veuve reste torse nu parce qu'on lui fait porter les instruments symboliques sur son corps qui servent de protection. Elle porte une ceinture de porte panier sous sa poitrine jusqu'au jour du levé de terre. Ce porte panier sert à atténuer la douleur de la disparition de son mari. Cette situation symbolise son passage de la classe des femmes à celle des « femmes-hommes ». Par ailleurs, la veuve est maquillée avec du Kaolin rouge'66 et du Kaolin blanc'67. Elle porte aussi sur le dos la peau de la civette'68. Notons aussi qu'on retrouve sur sa poitrine des cordes (Lendanka) croisés fait à base d'une plante de tige représentant les

166 Le Kaolin rouge est un des signes de la naissance des jumeaux ; aussi les menstrues

167 Le Kaolin blanc représente la pureté et le sperme.

168 C'est un signe d'autorité

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jumeaux. Elle doit nécessairement porter dans sa main un grelot (Legun) qui est une cloche traditionnelle, elle doit faire retentir cette cloche chaque fois qu'elle se déplace.

Pendant le veuvage, la veuve dort sur cette natte et un tronc de bananier qui lui sert d'oreille, elle se couvre avec un raphia, quant elle dort le visage est tourné contre le mur, la nuit une de ses belles-soeurs dort avec elle y compris les autres veuves mères des jumeaux. La veuve est isolée pour quelques jours voire des semaines cela dépend de l'avis des anciens. Mais le plus souvent ce rituel dure quinze (15) jours, après cette période, le levée de terre se fait. Cette cérémonie est constituée de plusieurs étapes très importantes qui consistent à la purification de la veuve parce que l'esprit du mari est en contact direct avec elle. Celle-ci est caractérisée par trois (3) étapes :

? Première étape : Il s'agit du bain de purification qui est la base d'une séparation indirecte entre la veuve avec son défunt mari. Ce bain est préparé par des veuves mères des jumeaux, les ngangas et les prêtres spirituels.

? Deuxième étape : Il est question ici de la prise du bain après chaque heure à partir de trois (3) heures du matin pour couper les liens avec le défunt.

? Troisième étape : Enfin, au levé du jour, la veuve porte ses vêtements habituels. Cette dernière étape constitue le retour à la vie quotidienne.

Dans cette même perspective, le point de vue de Claudine-Augée ANGOUE169 nous offre une description du deuil d'un chef de famille dans le nord du Gabon et où elle met en évidence l'implication des femmes, oncles et neveux utérins dans l'organisation de ce deuil. Le deuil est d'abord affaire de la famille du défunt, la communauté interviendrait en dernière position.

Ce qui n'est pas le cas du deuil d'un maître-initié dans la société Akélé du Moyen-Ogooué du village de Bellevue. En effet, dans ce groupe ethnolinguistique le deuil d'un maître-initié est d'abord assuré en 1er lieu par la communauté des maîtres-

169 Claudine-Augée ANGOUE, De la duolinéarité à l'illusion de l'unilinéarité dans les systèmes de descendance au Gabon ; pp.103-138, in Revue Gabonaise de sociologie, n°1, Paris, CRES/L'Harmattan, 2009, 186 p.

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initiés, comme l'affirme Zacharie170. En deuxième position les membres de la famille, amis, voisins et les femmes initiées (mères des jumeaux et veuves), participent aussi au rituel du défunt. Ces deux exemples pris parmi tant d'autres nous permettent de nous rendre compte que les systèmes de gestions du deuil et partant de la mort, diffèrent d'une région à l'autre, d'un groupe social à un autre. Nous pensons que le deuil est un phénomène social total qui nous permet de lire les rapports de pouvoir en relation étroite avec le symbolique.

Enfin, nous adoptons le point de vue de Claudine-Augée ANGOUE comme quoi « le deuil est une occasion de revitaliser les statuts des différents acteurs »171, c'est-à-dire qu'il nous permet de voir qui fait quoi, qui a les droits et les devoirs et qui occupe quelle place dans la société.

Section 2 : Fin du veuvage et nouveau départ pour la veuve

1. Le retrait de deuil ou les préparatifs de la cérémonie pendant la

saison sèche

Ces préparatifs du retrait de deuil se font toujours pendant la saison sèche parce qu'il ne pleut plus et se déroule de la manière suivante :

? Annonce de la cérémonie : Ici, l'annonce se fait pendant la tombé de la nuit, le matin c'est la construction du masque du Mungala dans l'enceinte du Mungala implanté en forêt, appelé : Ussobeliane wê-mungala ou Nzadiake wê-mungala.

Ussobeliane, vient du verbe Ussobe : se réunir, se rassembler ; Nzadiake est composé de deux mots dont « Nza » et « Diake. » Nza signifie venir et Diake signifie le verbe manger, donc cela signifie venir manger. Et ceux qui mangent s'appellent bandzi.

? Cérémonie du Mungala : Elle débute la nuit et qui prend fin le matin à six (06) heures.

170 Informateur que nous avons rencontré dans le cadre de notre terrain en avril 2009. Cet informateur est lui-même maître-initié et assiste souvent aux décès des autres maîtres-initiés.

171Claudine-Augée ANGOUE, De la duolinéarité à l'illusion de l'unilinéarité dans les systèmes de descendance au Gabon ; ibid., p.105.

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? Les rites Ugioke, Ussolo et Ntalanioule sont très important pendant cette cérémonie, d'où Ugioke signifie se laver et se purifier ; Ussolo signifie cacher et Ntalanioule, bloquer ou protéger.

Ugioke, représente un bain purificateur qui se fait à six heures du matin dans une rivière. Ussolo, Ntalanioule représente la protection de la veuve, on fait le paquet de tout ce qu'elle utilisait pendant le veuvage. C'est-à-dire ; la natte, le tabouret, etc.

Un membre de sa famille va dans la rivière et cache toute ses qu'elles utilisaient pendant le veuvage. Il faut ajouter aussi, qu'on prend tous les sous-vêtements qu'elle utilisait du vivant de son mari avec les ongles que l'on attache dans un paquet, on creuse l'arbre et l'on cache ce paquet dans cet arbre dans la forêt. Puis, au retour du village les personnes qui étaient en brousse reviennent avec une liane sauvage qui symbolise une puissante femme.

La veuve a les pieds posés sur la natte et est assise sur un tabouret sculpté dont la partie centrale est en forme de femme pour montrer que la veuve n'est pas seule mais elle est accompagnée. Devant le corps de garde, on place la liane sauvage. On fend la liane sauvage en deux en forme de losange pour permettre à la veuve de traverser cet endroit pour accéder au corps de garde. Le trou de la liane représente le sexe de la mère des jumeaux.

C'est l'épreuve d'Upugâ172 : le creux. La veuve quitte de l'état de la misère pour retrouver sa vie normale. Et lorsque la veuve sort du trou de la liane on prend cette liane et on l'a jette dans la rivière. Après cela, la veuve fait le tour du village avec le Mungala pour montrer qu'elle a terminé le veuvage. La nuit, la veuve quitte la chambre du veuvage pour réintégrer sa chambre, elle est rayonnante, elle est comme « une vierge »173, c'est la fin du veuvage.

172 Ce mot fait parti des dernières purifications de la veuve avant la dernière cérémonie de la fin du veuvage.

173 C'est l'appellation d'une femme dont le vagin s'est refermé par les rites de purifications qui permet au défunt de s'éloigner de la femme.

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2. Le rite d'intronisation de la veuve au milieu des maîtres-initiés ou veuvage comme initiation

Pour Louis-Vincent THOMAS, « le rite ici est pris dans une perspective anthropologique, c'est-à-dire, au sens large, en dehors de toute préoccupation liturgique ou théologique. Nous l'envisageons comme un type de cérémonie par lequel les manières d'agir, le geste ou les postures, les paroles ou les chants proférés sont censés posséder des vertus ou des pouvoirs qui leur sont attachés ou produire des effets déterminés ».174 Nous partageons ce point de vue de l'auteur puisque pour nous, le rite d'intronisation de la veuve au milieu des hommes dans le groupe ethnolinguistique Akélé du Moyen-Ogooué, du village de Bellevue, débute lors du décès du défunt époux.

Lorsqu'il ya constatation du décès du maître-initié, seuls les maîtres-initiés, les veuves mères des jumeaux et les ngangas s'occupent du rite. Les profanes, les femmes, les hommes initiés, les parents, amis (es) et connaissances sont mis à l'écart. L'information sur le décès du maître-initié reste secrète pour les acteurs cités plus haut. L'enterrement se fait aux alentours de 18heures dans un endroit très secret. Dès cet instant, les maîtres-initiés et les ngangas invoquent Ondoukoué et les esprits afin de présenter la future détentrice et héritière du défunt au milieu des hommes, puisque le défunt avait déjà choisi sa femme comme son successeur.

La communauté des maîtres-initiés ne fait que respecter et entériner les consignes laissées par le défunt. Par ailleurs, le rituel du veuvage découle de la situation du décès. Il se présente comme le « cérémonial des funérailles, dans la mesure même où la mort est envisagée sous le signe du désordre et du scandale, est aussi un procédé de remise en état ; il révèle, par ses acteurs, des rapports sociaux fondamentaux ; il établi une relation intense avec le sacré, il débouche à la fin du

174 Louis Vincent THOMAS, « les rites funéraires », bulletin n°60 et 61, 18ème année, Société de thanatologie, décembre 1984, p.33.

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deuil, sur une purification et sur une nouvelle alliance avec la collectivité des ancêtres ».175

De plus, comme nous l'avons signifié plus haut, le veuvage apparaît comme un rite d'intronisation, une initiation de la veuve dans une nouvelle strate sociale. La veuve est préparée dans le plus grand secret, aux pouvoirs mystiques et à la " bonne gouvernance". Une date est fixée pour officialiser cette intronisation. En outre, le jour de l'intronisation, on assiste à de nombreuses cérémonies. Notons que ce rite d'intronisation est très délicat (toute l'attention est accordée au nouveau maître-initié) quand le nouveau maître-initié (veuve) est mis symboliquement en relation sur le siège consacré au maître-initié après le rituel du veuvage de cette veuve. Enfin disons le, ce rituel n'est pas l'affaire de tous. Ceci pour dire que les problèmes ne sont résolus que dans la société et avec les individus de celles-ci, où ils apparaissent.

Tout comme l'enterrement du « maître-initié », l'intronisation de la veuve du maître-initié, en tant que rite sacré, se fait dans le secret par les acteurs concernés puisque le secret renvoie au sacré, « le sacré est une des dimensions du champ politique, la religion peut être un instrument du pouvoir (...) dans le cadre des compétitions politiques. »176 Nous pouvons convenir avec BALANDIER que le pouvoir est source de compétition. Il faut souligner que le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère des jumeaux se présente comme un rite de passage, d'initiation et d'intronisation de cette dernière, dans la légitimé et la reconnaissance de l'exercice de son pouvoir, de son autorité en tant que maître-initié.

Par conséquent, l'intronisation débute après le veuvage de la veuve un vendredi dans la nuit et s'achève le dimanche matin. Dans la nuit du vendredi, on présente la veuve à la communauté des maîtres-initiés, les ngangas, les initiés y compris les autres veuves mères des jumeaux. Après cette étape, la communauté choisis certains initiés voire les ngangas vêtus d'un habillement spécial et les visages maquillés de la poudre de padouk et du Kaolin blanc qui font la sécurité de ce

175 Georges BALANDIER, Anthropologie politique, Paris, Puf/Quadrige, 1999, p.131.

176 Ibid., p.137.

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nouveau statut de la veuve au sein de la société secrète masculine pendant ces trois jours.

La seconde étape du rite d'intronisation est celle des épreuves, elle se fait toujours dans un grand secret. On introduit la veuve dans la maison du siège sacré, où seuls les maîtres-initiés ont le droit d'y accéder. Une fois dans la maison du siège sacré, la veuve est soumise au rite d'intronisation traditionnel. On la fait asseoir trois fois sur le siège suivie des paroles telles que : (première fois) les maîtres-initiés disent : « nous restons tous soumis à tes ordres car c'est la volonté de ton défunt époux et nous nous soumettons à ses paroles. » (deuxième fois) ils disent encore : « personne ne peut prendre ta place sans ta bénédiction ». (La dernière fois) tous déclarent : « à partir d'aujourd'hui tu es le chef des maîtres-initiés et nous te serviront comme il se doit ».

En outre, la veuve reste dans cet endroit en compagnie des maîtres-initiés, les ngangas, y compris des veuves mères des jumeaux pour invoquer les esprits et l'Ondoukoué, le maître des maîtres des rites. Ensuite le dimanche la veuve est présentée officiellement à la population du village. La tradition exige que le nouveau maître-initié soit transporté en tipoï pendant cette dernière étape par des acteurs bien précis, dans son nouveau statut. Mais avant de débuter la procession, la veuve va se purifier avec le sang d'un animal féroce177. Elle va poser son premier pas de maître-initié dans ce sang pour sa purification et avec elle, tous les autres maîtres-initiés.

C'est fort de toutes ces étapes que nous affirmons que le veuvage se présente comme une initiation qui intronise la veuve dans la confrérie des maîtres-initiés en tant que nouveau maître-initié et qui lui fait « abandonner la condition humaine normale pour accéder à la possession de pouvoirs surnaturels (initiations magiques) ».178

177 Il s'agit en général de la panthère. Toutefois, en l'absence de cet animal, on peut utiliser le sang de l'éléphant.

178 Florence BIKOMA, op.cit., p.128 citant Ph. RAUSIS in L'initiation, Paris, Fidès, 1993, p.8.

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Cependant, nous ne voulons pas occulter le fait qu'un éventuel conflit puisse subsister à propos de l'irruption, de l'arrivée, de l'intronisation de ce nouveau maître-initié au sein de la communauté des initiés. Ce conflit "phallique" naît donc le jour où la veuve fait subséquemment son entrée au sein de ladite communauté. En effet, lors de son intronisation, plusieurs questionnements sont suscités de la part de certains maîtres-initiés qui n'approuvent pas la présence de la veuve au sein des hommes. Pour ces hommes, il est inadmissible de voir une femme occuper la place d'un maître-initié, même si c'est la volonté de son défunt époux ; cette femme n'a pas de phallus mais aura les mêmes privilèges qu'un homme qui a fait sa première initiation c'est-à-dire le jour de sa circoncision.

Car dans la société Akélé, la circoncision est la première initiation de l'homme, mais la veuve n'est pas passée par cette étape. Or elle accède au plus grand grade des hommes initiés, un grade qui n'est pas accessible à tous les hommes. C'est un grade, un stade qui apparaît comme très sélectif en ce sens que ce n'est pas n'importe quel homme qui y accède. Par conséquence, la veuve y accède parce qu'elle est la mère des jumeaux, épouse d'un défunt maître-initié et hérite du statut de celui-ci. Ce qui est mal perçu par les hommes. On se rend compte qu'il s'agit d'une question de phallus ici pris comme prétexte pour exclure la femme du champ politique parce que la politique serait a priori l'affaire des hommes.

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Chapitre IV : L'appropriation du statut de « femme-homme » par la veuve, mère de jumeaux

« L'histoire de toute société n'est que l'histoire de la lutte des classes » disait MARX. Comme quoi, à travers la question relative à l'appropriation de son nouveau statut de « maître-initié », l'épouse du maître-initié, mère de jumeaux devenue veuve, doit s'inscrire dans une lutte politique où elle doit s'affirmer au sein de la communauté des maîtres-initiés. En tant qu'acteur social mais surtout politique, elle se doit d'écrire son histoire étant donné sa conscience et sa position de classe. Cela est davantage illustré par sa présence au corps de garde comme le sens des objets qu'elle héritera.

Section 1 : La présence de la mère des jumeaux au corps de garde

1. La symbolique de sa présence parmi les hommes

« Aucun groupement, aucune organisation sociale ne peut se donner à voir si ce n'est à travers des symboles qui manifestent son existence. »179 Philip BRAUD, à travers cette phrase, met en évidence les différentes représentations que chaque individu pourrait identifier dans l'univers dans lequel il vit et auquel il appartient. Tel est le cas par exemple des drapeaux de différents pays ou le cas des logos des différents partis politiques qui représentent notre appartenance. Notre auteur va même plus loin en disant que « les symbolisants, c'est-à-dire les " supports" du symbolique, peuvent être de nature extrêmement variée. »180 Certaines circonstances montrent que chaque individu agit selon son pays, son groupe ethnolinguistique, sa position sociale ou son appartenance politique.

179Philip BRAUD, Sociologie politique, 8ème édition, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence/Montchrestien, 2006, p.103.

180 Ibid., p.106.

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Si l'on prend le cas du Gabon, on se rend compte que tous les groupes ethnolinguistiques réservent des traitements particuliers à la naissance des jumeaux et aux jumeaux. En effet, il ya toujours des objets symboliques qui ont une grande signification comme les plumes de perroquet, la clochette, la corbeille, etc. et qui témoignent de l'estime mais surtout qu'ils sont considérés comme des êtres sacrés. Pour revenir à notre sujet, disons que la symbolique de la présence de la veuve d'un maître-initié dans la société Akélé traduit une grande portée symbolique, car nous sommes en présence d'un lien entre le symbolisant (la tradition, la communauté) et le symbolisé (la personne qui subit par contrainte).

Cette veuve d'un maître-initié, par des rites, a un temps où elle n'exerce plus rien puisqu'elle est mise dans un endroit où elle ne voit presque plus personne. Après cet isolement, elle apparaît comme si elle venait de ressusciter. Cet acte a une portée symbolique chez les hommes ; la veuve était considérée pendant cet isolement comme morte, mais elle apparaît maintenant avec un statut supérieur.

La présence de la veuve d'un maître-initié mère de jumeaux au corps de garde chez les Akélé du Moyen-Ogooué traduit symboliquement le passage d'un statut à un autre ; de la classe sociale de femme à celle de « femme-homme » ; « un homme particulier » : « un maître-initié. » Plus important encore, c'est de se rendre compte que dans cette société symbolique lignagère, on est dans une société où les rapports sociaux de sexe sont inégalitaires. Et qu'effectivement, la « propriété caractéristique de l'être humain, l'activité symbolique apparaît étroitement liée à la communication entre les individus, donc à l'échange de signes. »181 Ce nouveau « maître-initié » qu'est la veuve mère des jumeaux transmet le message selon lequel l'émancipation de la femme n'est pas impossible ; à condition que cette émancipation féminine se fasse dans le strict respect des us et coutumes de la société.

Enfin, la présence de la mère des jumeaux veuve d'un maître-initié qui est chargée symboliquement de sens, marque le début d'une restructuration de la

181 Philip BRAUD, Sociologie politique, ibid., p.104.

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hiérarchie ; de la starification sociale de la société symbolique lignagère Akélé du Moyen Ogooué de Bellevue. Il ne s'agira plus de lire cette dernière uniquement sous l'angle androcentrique ; plutôt sous l'angle des rapports sociaux de sexe qui tendent à être égaux entre l'homme te la femme.

En somme, pour parler de l'efficacité politique du symbolique, BALANDIER nous rappelle à ce sujet que « le pouvoir ne peut s'exercer sur les personnes et sur les choses que s'il recourt, autant qu'à la contrainte légitimée, à des outils symboliques et à l'imaginaire ».182 Autrement dit, le pouvoir repose sur des objets symboliques et sur les fétiches, car ces objets symboliques et les fétiches représentent un intérêt dans les us et coutumes dans la plupart des sociétés gabonaises construites autour de leurs imaginaires et représentations sociales.

2. Le panier reliquaire comme bien symbolique

Le pouvoir du maître-initié est basé sur des considérations religieuses. En effet, il est détenteur du rite Ondoukoué et du panier de reliques, qui a une portée symbolique. Ainsi, « chaque membre du clan et chaque mère des jumeaux sont conviés à leur mort de contribuer à la survie du groupe en offrant un os. »183 Partant de ce point de vue général, notre travail s'inscrit sur la symbolique du panier de reliques de la veuve mère des jumeaux dans le groupe ethnolinguistique Akélé du Moyen-Ogooué du village de Bellevue.

Selon nos mêmes informateurs, dans la société Akélé, le panier de reliques joue un rôle prépondérant car il sert de désenvoûtement, de protection, voire d'outil qui permet la bonne marche des activités, la paix dans le village et le maintien de l'ordre dans le village et la continuité de la tradition. Puis, il convient d'ajouter qu'il contient des ossements des ancêtres et autres objets symboliques qui font asseoir et légitime le pouvoir du détenteur de ce panier de reliques.

182 Georges BALANDIER, Le Détour. Pouvoir et modernité, Paris, Fayard, 1985, p.88.

183 Propos donnés par nos informateurs en avril 2009.

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Soulignons que ce panier de reliques fait l'objet de marque d'attention de la part de la communauté des initiés. En effet, il contient les restes de l'ancêtre fondateur du clan. Ce qui fait que sa sortie fait office pour la circonstance d'un culte des ancêtres. Considérons par exemple le cas du culte byéri chez les fang. « Le byéri est simplement une pratique rituelle tout comme la flamme du souvenir consistant en un culte privé, familial, rendu aux mânes des ancêtres, afin, à la fois d'attirer leur bienveillance et leur protection et d'honorer leur mémoire ».184

Ici donc, le culte des ancêtres se perpétue dans notre société parce qu'il demeure omniprésent au sein du clan et du village, mais c'est aussi un moyen de communication entre les vivants et les morts. A travers ce culte des ancêtres, des voeux sont émis avant le dépôt des offrandes, si les offrandes disparaissent, cela veut dire que les ancêtres ont accepté de réaliser les voeux. Le culte des ancêtres constitue ainsi un des rapports du pouvoir politique de la veuve mère des jumeaux dans l'exercice de son statut de maître-initié.

En outre, le panier des reliques comme « le culte du byéri qui n'est qu'une des formes du culte des ancêtres et qui au Gabon notamment, est à la base de diverses sociétés initiatiques et pratiques rituelles ».185 Enfin, le panier de reliques a une partie symbolique car il est au centre de toutes les cérémonies initiatiques et religieuses du groupe Akélé.

184 André RAPONDA-WALKER et Roger SILLANS, Rites et croyances des peuples du Gabon. Essai sur les pratiques religieuses d'autrefois et d'aujourd'hui, Libreville, éd. Raponda-Walker, (coll. « Hommes et société »), 2005, p.147.

185 Ibid., p.146.

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Section 2 : La symbolique des objets hérités par la veuve

1. La signification des objets hérités

Pour Philipe BRAUD, « il convient de souligner que la dimension symbolique n'est pas intrinsèque aux objets qui en constituent le support. Elle est construite par un travail continu de régulation et d'enrichissement du sens, mené au sein du groupe par des autorités perçues comme légitimes ».186 Autrement dit, l'importance d'une symbolique n'est pas propre aux objets qui sont une base. Cette dimension symbolique se perpétue c'est-à-dire elle va de génération en génération, c'est une tradition que l'on applique, puisqu'elle est administrée par les législateurs (ici les maîtres-initiés). Considérons par exemple le cas des églises catholiques, nous nous rendons compte que devant chaque devantures de ces lieux de cultes et de prières, il ya toujours un clochet.

Toutes ces images ou représentations montrent l'intérêt symbolique des objets. La citation de Philipe BRAUD nous indique entre autre que c'est l'homme qui donne de l'importance aux choses et non le contraire. Ce n'est pas tant les choses qui donnent de l'importance à l'homme. Par exemple, l'or en lui-même ne représente rien, c'est l'homme qui lui confère une importance. Ce qui justifie a priori les guerres fratricides à cause de ce métal qu'il considère comme précieux. Il faut ajouter que l'objet en lui-même n'a rien de spécial, mais comme il est utilisé dans un cadre socioculturel et rituel qui rendrait compte à cet objet sa dimension symbolique et sacrée. A cela, l'objet n'a de sens que parce qu'il est utilisé dans un contexte précis.

S'agissant du veuvage de la femme d'un maître-initié mère des jumeaux, il ya une panoplie d'objets qu'elle hérite pour la circonstance à savoir le panier des reliques, la poudre de padouk, le Kaolin blanc, le raphia et la statuette gardienne des reliques. En ce qui concerne le panier des reliques, cet objet représente le ventre du maître-initié ; la poudre de padouk est le symbole de la vie. Quant au Kaolin blanc, il

186 Philipe BRAUD, Sociologie politique, op.cit., p.104.

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est le symbole de pureté ; le raphia est une couverture. Enfin, la statuette gardienne des reliques symbolise une femme assise qui surveille sas enfants.

Ces objets hérités servent à consacrer, à introniser la veuve mère des jumeaux dans son nouveau statut : celui de nganga et de maître-initié voire de fétiche politique. Une allusion est ici faite au nouveau président de la République, Chef de l'Etat S.E madame Rose Francine ROGOMBE qui a prêté serment sur la Constitution gabonaise en présence des membres du Gouvernement, du Sénat, de l'Assemblée Nationale, etc., pour que son pouvoir soit reconnu, légitimé dans l'exercice de ses fonctions de président de la République, Chef de l'Etat.

Mieux encore, « on peut traduire l'efficacité du rituel par la transmutation de la femme qui acquiert le statut d'initié du défunt (...) comme une femme capable de gérer sa vie de manière autonome ».187 Jl s'agit là bien d'un héritage des biens symboliques du mari et qui confèrent à la veuve un statut d'initié à part entière...la mort de son mari comme rite de passage. Par ailleurs, « la confiance en son époux et le transfert de ses forces en elle la rassurent et brisent le sentiment de solitude encore manifeste ».188 Ceci est toujours question des biens d'héritage.

Objets à la naissance

Langue

Objets au veuvage

187 Jean-Ferdinand MBAH, « Veuvage et rupture de la relation d'alliance, illusion sur une pratique sociale récurrente en milieu urbain », Rupture-Solidarité, n°5-2004, p.118.

188Ibid., p.119.

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La poudre de padouk

· Le Kaolin blanc

· Le jonc que l'on attache croisés à la poitrine de la mère des jumeaux

· 2 plumes rouges de perroquet

· 1 Grelot

· 1 Corbeille

· 1 tabouret

Mboulè189
Pembè190
Lendanka191

Nguiania kouss192
Legun193
Guiapa194
Lechiwa195

· La poudre de padouk

· Le Kaolin blanc

· Le jonc que l'on attache à la poitrine

· 2 plumes rouges de perroquet

· 1 Grelot

· 1 Corbeille

· 1 tabouret

Tableau n°3 : La correspondance des objets matériels du pouvoir à la naissance des jumeaux et lors du veuvage

Pour ZAMBEGUIENE196 tous ces objets enrichissent le caractère puissant de la mère des jumeaux à la naissance des jumeaux et lors de son veuvage. A travers ce tableau des objets symboliques communs par la naissance et lors du veuvage de la mère des jumeaux ; il nous permet de voir l'importance de ces objets matériels communs dans la société Akélé de Bellevue dans le Moyen-Ogooué ; importance symbolique.

Prenons le cas du Grelot, nous voyons qu'il occupe une place primordiale, de part et d'autre, dans l'invocation des génies. Le Grelot que porte la mère des jumeaux à la naissance et lors du veuvage est aussi utilisé par les maîtres-initiés. Il symbolise la force, le pouvoir et le lien avec les génies.

Dans certains traitements et l'initiation, les Ngangas utilisent la poudre de padouk et le Kaolin blanc pour soigner mais les maîtres-initiés les utilisent pour initier. C'est le cas de la mère des jumeaux que l'on maquille à la naissance des jumeaux et lors des rituels avec ces produits symboliques.

189 Il symbolise le sang, la création c'est-à-dire la maternité des jumeaux.

190 Il symbolise la clarté dans toute activité tout comme il représente le sperme.

191 Il représente la maternité.

192 Il représente la force du caractère, la prévoyance, l'intelligence, le pouvoir et la prudence.

193 Il représente la force du Mungala et le lien avec les génies.

194 Il symbolise le ventre qui garde tout ce que les jumeaux possèdent durant leur existence, ainsi que la mère.

195 Il symbolise l'élévation de la femme dans le village.

196 Un de nos informateurs rencontrés lors de notre terrain à Bellevue le 23 avril 2009 sur Lambaréné.

Enfin, il n'ya pas que le grelot, la poudre de padouk te le Kaolin Blanc que l'on utilise pour les circonstances d'ordre commun. Nous avons d'autres attributs cités dans le tableau ci-dessus à savoir : Lendanka, Lechiwa, Nguania kouss et guipa qui ont un rapport avec le pouvoir et symbole le pouvoir d'un chef. Aussi, pour une meilleure appréciation de ces objets, nous nous proposons une série de photos de ces objets cités ci-dessus :

Photo n°1 : la corbeille ou Guiapa

Source : Janny DIVAGOU-IBRAHIM-KUMBA, avril 2009

Cette photo illustre la corbeille, objet sacré indispensable au même titre que le panier des reliques. Il sert de réserve auxiliaire dans lequel on peut mettre certains éléments de la veuve tels que la poudre de padouk, le Kaolin blanc, etc.

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Photo n°2 : Les plumes de perroquet ou Nguiana-kouss

Source : Janny DIVAGOU-IBRAHIM-KUMBA, avril 2009

Ces plumes rouges sont posés sur la tête de la mère des jumeaux pendant la naissance et pendant le veuvage voire pendant son intronisation dans la classe des maîtres-initiés.

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Photo n°3 : La poudre de padouk ou Mboulé

99

Source : Janny DIVAGOU-IBRAHIM-KUMBA, avril 2009

On aperçoit ici les noix de padouk que l'on écrase et que l'on applique par la suite sur le front. S'agissant de la veuve, la poudre obtenue sert à la maquiller. C'est un élément essentiel dans les rites initiatiques Akélé, disons-le, voire incontournable. Par ailleurs, les taches blanches du kaolin blanc sur ces noix de padouk symbolisent la pureté ; ces noix de padouk ont été photographiées lors d'une naissance des jumeaux au village Bellevue, alors qu'elles étaient emballées dans un sac contenant le kaolin blanc et les autres artifices pour la sortie de la période de réclusion de la veuve.

Photo n°4 : Le kaolin blanc ou Lapembè

Source : Janny DIVAGOU-IBRAHIM-KUMBA, avril 2009

Différentes boules de kaolin blanc sont ici exposées, il s'agit de boules de kaolin qui ont servi lors de la période de réclusion de la veuve, photographiées lors de notre période de terrain au mois d'avril 2009.

100

Photo n°5 : Legun ou grelot

Source : Janny DIVAGOU-IBRAHIM-KUMBA, avril 2009

Legun sert, comme nous l'avons déjà dit, à entrer en contact avec le monde des esprits afin de les supplier d'intervenir dans le monde des vivants pour répondre à leurs nombreuses sollicitudes. Lui aussi est un élément indispensable dans les rituels Akélé.

101

2. Le rôle des objets hérités

102

L'exercice et la légitimité du pouvoir passe non seulement par le(s) rite(s) d'intronisation mais aussi et surtout par l'héritage de biens ou objets symboliques pour la circonstance qui sont tout aussi chargés de sens. Quels sont ces objets ?

Il s'agit du panier des reliques, de la poudre de padouk, du Kaolin blanc, la statuette gardienne des reliques qui, comme nous l'avons dit plus haut, vont permettre l'assise du pouvoir de la veuve mère des jumeaux dans la légalité et la légitimité. Car nous sommes en face d'une société structurée et stratifiée. A ce propos, les objets ou « les outils symboliques servent aussi à asseoir des hiérarchies, à souligner des différentes d'autorité et de rang, à dire qui est au centre de l'ordre social (...) »197 ; comme ils apparaissent en tant que marqueur social de la mise en évidence de la stratification sociale. Nous pouvons dire que le panier des reliques, la poudre de padouk, le kaolin blanc( pour ne citer que ces objets) sont à la veuve mère des jumeaux ce que le sceptre et la couronne sont à la veuve au roi ou à la reine ; c'est-à-dire des objets de commandement dans l'exercice du pouvoir suprême ; d'autant plus que ces objets hérités, mieux ces « symboles servent donc également à instruire (...) et ont pour objet de revivifier la mémoire (...) »198 du disparu.

Par ailleurs, ces objets symboliques hérités ont cette particularité de présenter un caractère politique ; de mieux lire le phénomène politique. En définitive, ces « ... symboles politiques ont enfin pour finalité d'exhiber un ordre idéal du monde (ou des choses) qui correspond plus ou moins à celui qui règne concrètement ».199 Et qu'ils sont des attributs du pouvoir que possèdent les chefs de lignages ou de cultes dans les sociétés symboliques lignagères.

Nous retiendrons que les objets hérités par la veuve mère des jumeaux véhiculent un message à celui ou celle qui les reçoivent. Pour la société su=symbolique lignagère Akélé du Moyen-Ogooué, ces objets hérités jouent un rôle politique dans l'acquisition, la gestion, la légitimité ; en un mot dans l'exercice du

197 Philipe BRAUD, Sociologie politique, 8ème édition, Paris, L.G.D.J, 2006, p.113.

198 Ibid., p.113.

199 Ibid., p.116.

pouvoir. De plus, et selon nos informateurs200, il ya lieu de préciser que « ces objets incarnent les génies, ils sont utilisés pour éloigner les sorciers, pour les deuils, les initiations ».201 Il faut souligner que « ces objets hérités ici sont des symboles de puissance et de force ».202

Le panier de reliques, la poudre de padouk, le kaolin blanc, le raphia et la statuette gardienne des reliques confirment à cette veuve, désormais détentrice officielle, le statut de « maître-initié » dans le village. Le panier de reliques par exemple apparaît ici comme une protection pour son propriétaire, lorsqu'il ya une situation délicate ; le propriétaire en fait usage en invoquant les ancêtres afin de ramener l'ordre dans le village par des danses, sacrifices, les initiations et autres commémorations.

103

200 Nos 5 informateurs sont tous du même avis quant à cette question liée au rôle joué par les objets hérités.

201 Propos des informateurs, c'est-à-dire des maîtres-initiés.

202 Ibidem.

104

Conclusion de la deuxième partie

Dans cette étude, nous nous sommes proposés d'examiner une question sensible centrée sur la mort, en interrogeant le veuvage de la femme d'un maître-initié, mère des jumeaux dans le milieu Akélé de la province du Moyen-Ogooué ; précisément du village Bellevue. En effet, dans cette société symbolique et lignagère, la naissance, la circoncision, le mariage et la mort, sont des phénomènes aussi bien biologiques et sociaux ; et qui marquent la société dans son ensemble. Autrement dit, l'arrivée de l'homme dans le monde, son passage d'un état civil à un autre et son départ pour un autre monde est traduit par la mort.

Ainsi, l'état de la mort, qui s'accompagne du veuvage et qui, au lieu d'être un moment au cours duquel la veuve doit abandonner toutes ses activités, considérant qu'elle n'a plus de soutien de son défunt mari, est plutôt une instance spéciale de prise de pouvoir. La veuve devra désormais se « prendre en charge seule », c'est une sorte d'initiation qui lui permettra de s'approprier le statut social de son mari défunt. Chez les Akélé, la pratique du veuvage est révélatrice de l'intronisation de cette épouse d'un maître-initié mère des jumeaux dans les rites masculins pour occuper une place intéressante dans la vie publique et politique du village.

Par ailleurs, la société Akélé appréhende le pouvoir de la veuve d'un maître-initié mère des jumeaux à travers son intronisation dans le cercle des maîtres-initiés, c'est-à-dire que finalement, le veuvage est une initiation. Et les objets qu'elle hérite pour la circonstance ont une portée très symbolique. Comme le dit BALANDIER, «le pouvoir ne peut s'exercer sur les personnes et sur les choses que s'il recourt, autant qu'à la contrainte légitimée, à des outils symboliques et à l'imaginaire ».203 D'où, « aucun groupement, aucune organisation sociale ne peut se donner à voir si ce n'est à travers des symboles qui manifestent son existence ».204

203 Georges BALANDIER, Le Détour. Pouvoir et modernité, Paris, Fayard, 1985, p.88.

204 Philip BRAUD, Sociologie politique, 8ème édition, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence/Montchrestien, 2006, p.103.

105

Par conséquent, chez les Akélé, le veuvage de la femme d'un maître-initié, mère des jumeaux conduirait à jouer un rôle important dans la vie politique du village par plusieurs étapes dans les rites initiatiques masculins ; avec le concours des autres maîtres-initiés qui ne font qu'appliquer les dernières paroles ou volontés du défunt maître-initié. En définitive, ce Mémoire de Maîtrise nous permet de lire la pratique sociale qu'est le veuvage.

106

Conclusion générale

A la lumière de ce qui précède, la présente étude que nous soumettons à l'appréciation de nos lecteurs est le fruit d'un chercheur en formation. Puisque lorsqu'un apprenti chercheur mène une investigation dans un domaine précis, il est loin de se douter des controverses que son travail peut susciter. Toutefois, notre travail qui se propose d'étudier la femme d'un maître-initié mère des jumeaux en situation de veuvage, nous a permis autant que possible d'arriver à certaines conclusions telles que le veuvage, est un rite initiatique et d'intronisation de cette femme mère des jumeaux et veuve d'un maître-initié. En outre, ce veuvage est un rite de passage qui la conduit à quitter du statut de femme à celui de maître-initié, Nganga, ou alors tout simplement un chef politique et religieux en héritant des biens symboliques de son défunt mari.

Ce qui atteste que le veuvage dans la société Akélé est une instance spéciale de prise de pouvoir. Notre problématique s'est focalisée sur la veuve d'un maître-initié mère des jumeaux en situation de veuvage qui conduit à un changement de statut social. Ce qui veut dire que c'est la perte de l'époux qui permet à cette dernière de changer de statut social au sein de cette communauté. Mieux encore, en portant notre regard sur la pratique sociale du veuvage, notre hypothèse selon laquelle on constate que le veuvage de la femme d'un maître-initié mère des jumeaux conduit donc à un changement de statut social parce qu'elle hérite du statut de son mari et de ses biens symboliques. Dans la même perspective, BALANDIER affirme que « le pouvoir ne peut s'exercer sur des personnes et sur les choses que s'il recourt autant qu'à la contrainte légitimée, à des outils symboliques et à l'imaginaire ».205

205 Georges BALANDIER, Le détour. Pouvoir et modernité, Paris, fayard, 1985, p.88.

Plus loin, BRAUD nous dit qu' « aucun groupement, aucune organisation sociale ne peut se donner à voir si ce n'est à travers des symboles qui manifestent son existence ».206 Enfin, la veuve d'un maître-initié mère des jumeaux est considérée comme un fétiche politique du moment où elle devient un chef politique par la pratique sociale du veuvage à laquelle elle a traversé. Etant donné que dans la société Akélé, un chef politique est la personne qui détient aussi le pouvoir religieux. Nous affirmons donc que le veuvage dans la société Akélé permet à la veuve d'être un maître-initié au même titre que son défunt époux par des rites de passage.

107

206 Philippe BRAUD, Sociologie politique, 8ème édition, Paris, L.G.D.J, 2006, p.103.

108

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III. Ouvrages spécialisés

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20. BALANDIER G., Anthropologie politique, Paris, Puf /Quadrige, 1999, 240 p.

21. BALANDIER G., Le pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1992, 172 p.

22. BALANDIER G., Le détour. Pouvoir et modernité. Paris, Fayard, 1985,

23. BALANDIER G., Le pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1980, 188 p.

24. BALANDIER G., Sens et puissance, Paris, Quadrige/PUF, 1971, 334p.

25. BOURDIEU P., La domination masculine, Seuil, (coll. « Liber »), 1998, 134 p.

26.

110

BOURDIEU P., Choses dites, Paris, Editions de Minuit, (coll. « Le sens Commun »), 1987, 228 p.

27. COT J-P et MOUNIER J-P., Pour une sociologie politique, tome 2, Paris, éditions du Seuil, (coll. « Points »), 1974, 183 p.

28. DURKHEIM E., les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, (coll. « Le livre de Poche », classiques de la philosophie, 1991, 758 p.

29. GODELIER M., Au fondement des sociétés humaines. Ce que nous apprend l'anthropologie, Paris, Albin Michel, (coll. «Bibliothèque Albin Michel Idées »), 2007, 287 p

30. HEUSCH L. (de), Le roi du Kongo et des monstres sacrés. Mythes et rites bantous III, éditions Gallimard, 2000, 420 p.

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V. Thèse(s) de Doctorat, Mémoire(s) de Maîtrise et Rapport(s) de Licence

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113

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VI. Document(s) officiel(s)

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VII. Moteurs de recherche

61. www.google.com

62. http://www.marxistes.org/français/marx/work/1847/00/km fe 184700

63. www.google.fr

114

Table des matières

Dédicace

Remerciements

Liste des illustrations

Liste des tableaux

Sommaire

Introduction générale .

1

Les préalables épistémologiques

..3

Section 1 : Objet et Champ de l'étude

.3

1- Le veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de jumeaux

. .3

2-La sociologie politique comme cadre de référence

4

Section 2 : Construction du modèle d'analyse

8

1- La question politique à travers le veuvage dans la littérature sociologique

occidentale ...8

2- Les universitaires africanistes et gabonais face à la question de la mort ( donc du

veuvage) à travers le fait politique .11

3- Perspective de notre problématique du veuvage de l'épouse d'un maître-initié,

mère de jumeaux

.19

4- Enonciation de notre hypothèse de recherche

..21

5- Définition et construction du concept fondamental

22

 

5-1. Définition du concept du «changement de statut» comme concept fondamental de

notre étude

.23

5-.2. Tableau n°1 : Construction du concept de «changement de statut»

.24

Section 3 : Démarche méthodologique

25

1-Cadre empirique de la recherche

25

? Carte n°1 : Localisation géographique du village Bellevue

25

1.1. Les veuves mères des jumeaux du village Bellevue dans le Moyen-Ogooué

comme univers d'enquête principalement

25

? Carte n°2 : Localisation géographique de la province du Moyen-Ogooué

26

2- Caractéristique de notre échantillon

. 27

3-Technique de collecte et de traitement des données

28

3.1. L'entretien comme technique de collecte des données

28

? L'entretien semi-directif comme technique de collecte des données

29

3.2. L'analyse de contenu comme variable d'analyse des données

29

4. Limites de l'étude

.....30

Première partie : L'idéologie des jumeaux chez les Akélé du Moyen-

Ogooué 31

Introduction de la première partie 32

Chapitre I : La vie politique des Akélé et la naissance des

jumeaux.................................................................................................. .34

Section 1 : L'organisation politique des Akélé 34

1- Le pouvoir politique des Akélé 34

2- La chefferie des Akélé ..35

Section 2 : L'origine mythologique sur les jumeaux ...37

1- La naissance des jumeaux .37

2- L'attribution des noms des jumeaux 41

Chapitre II : Les représentations sociales des jumeaux dans la société

Akélé ..45

Section 1 : Les représentations sociales des jumeaux et leur statut dans la société

Akélé, particulièrement au niveau des rites initiatiques .46

1.1-Les représentations sociales des jumeaux ..46

1.2- Le statut des jumeaux dans la société Akélé : dans le Mungala et

l'Ondoukoué 48

? Le Mungala ..48

1.2.2- Le sacre d'un initié au Mungala 50

2.1-L'Ondoukoué 52

? Une origine aquatique et terrestre 52

2.2- Le sacre d'un initié à l'Ondoukoué .56

? Tableau n°2 : La comparaison entre le Mungala et l'Ondoukoué 58

Section 2 : Les hommes et les femmes dans la société Akélé .59

1- Le rapport entre les hommes et les femmes 59

2- La domination masculine dans la société Akélé ..61
2.1- La mère des jumeaux, symbole de la domination des femmes sur les hommes..62

2.2- Le sexe de la femme comme pouvoir de domination 66

115

Conclusion de la première partie 68

116

Deuxième partie : Le rituel du veuvage comme transfert des biens

symboliques avec ses corollaires sur les femmes ..70

Introduction de la deuxième partie . 71

Chapitre III : Le question du veuvage dans la société Akélé du

Moyen-Ogooué ..73

Section 1 : L'annonce du décès comme moment de rupture de l'ordre social 73

1- Les conduites pré-mortèms dans la description du décès 73

2- Les conduites post-mortèms dans la description du décès .75

Section 2 : Fin du veuvage et nouveau départ pour la veuve 77

1-Le retrait de deuil ou les préparatifs de la cérémonie pendant la saison sèche 77

2- Le rite d'intronisation de la veuve au milieu des maîtres-initiés ou veuvage comme

initiation 79

Chapitre IV : L'appropriation du statut de « femme-homme » initié

par la veuve mère de jumeaux

83

Section 1 : La présence de la mère des jumeaux au corps de garde

83

1-La symbolique de sa présence parmi les hommes

83

2- Le panier reliquaire comme bien symbolique

..85

Section 2 : La symbolique des objets hérités par la veuve

.87

1-La signification des objets hérités

87

? Tableau n°3 : La correspondance des objets matériels du pouvoir à la naissance

des jumeaux et lors du veuvage

89

La photo n°1 : «la corbeille ou Guiapa »

.90

La photo n°2 : «Les plumes de perroquet ou Nguiana-kouss »

. ..91

La photo n°3 : «La poudre de padouk ou Mboulé »

92

La photo n°4 : « Le kaolin blanc ou Pembè»

..93

La photo n°5 : « Legun ou grelot»

94

2- Le rôle des objets hérités

....95

Conclusion de la deuxième partie

97

Conclusion générale

...99

Références Bibliographiques

101

Table des matières

107

Annexe

 





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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984