6.2.2.2 La communauté des espèces de la
thermocline
Principalement composées de crustacées, les
espèces de cette communauté (surtout la crevette blanche, les
langoustes...) se rencontrent entre la côte et la profondeur de 75m
(THIAM, 78). Pour la crevette, le cycle vital passe par une phase lagunaire des
juvéniles. Les
79
juvéniles et les subadultes se retrouvent ainsi dans
l'estuaire. Ce sont des espèces que l'on retrouve dans l'AMP notamment
au voisinage de l'embouchure.
6.2.2.2.1 La communauté des Sparidae Elle
comprend :
· (es espèces des fonds meub(es comme (a
seiche que ('on rencontre jusqu'à 150 à 250m.
? (es espèces à faciès de fond
dur ((e mérou, (es daurades...) qui sont inféodés au fonds
rocheux continus ou discontinus et à (eur voisinage. Le
phénomène de reproduction du mérou est permanent, mais on
distingue une ponte principa(e en mai-juin et une ponte secondaire en
jui((et-septembre, J.J. (événez17.
Les trois princip a(es zones rocheuses caractérisées par (es
pêcheurs sont : « Diattara » (moins de 10 km au
nord-nord ouest de Saint-Louis sur (a frontière
sénéga(o-maurit anienne, e((e est partagée entre (e
Sénéga( et ( a Mauritanie), « Praia » (environ
14 km à ('ouest de Saint-Louis) et « kher wu reywi »
terme wo(of qui signifie ( a grande roche (environ 6 km au sud-ouest de
Saint-Louis, banc rocheux qui v a de Guet-Ndar à (a moitié nord
de ('AMP).
? (es espèces du faciès mixte te( que
(e pageot. Le pageot a deux pics de reproduction. La ponte a (ieu sur (es fonds
de 50 m. L a princip a(e nurserie se situe sur (a petite côte du
Sénéga(.
La figure ci -dessus montre une dominance des espèces
des faciès d'estuaire et mixte sur la petite côte (entre Dakar et
Ziguinchor). Cela est lié à la présence de nombreux cours
(fleuve Saloum, fleuve Gambie, fleuves Gambie etc.). Les espèces de la
pente continentale (à Kayar à cause de l'existence d'une fosse)
et des fonds meubles sont plus abondantes au niveau de la grande. On trouve
à Saint-Louis essentiellement des espèces de fonds meubles en
plus des espèces mixtes du fait respectivement de la nature
sédimentaire des fonds marins (sablo-vaseux) et de la présence de
l'embouchure. La distribution des AMP le long des côtes
sénégalaises s'inscrit donc dans une logique de protection de
toutes les communautés d'espèces. Autrement dit, sur le plan de
la conservation, le Sénégal désire couvrir toute la
diversité biogéographique et écologique des habitats
marins et a ainsi placé les AMP en de nombreux endroits
différents. Les AMP du littoral sud visent essentiellement à
protéger les espèces de la communauté des Scianidae, alors
que celles du littoral nord sont complémentaires et présente
chacune une particularité : Kayar est la seule à protéger
des espèces du faciès de la pente continental alors que
Saint-Louis est la seule AMP à protéger des espèces de
fonds meubles.
17 Barry M et AL (1994):Evaluation des ressources exploitables
par la pêche artisanale sénégalaise. pp 132
80
Tableau 9. Principales espèces de poissons
démersaux pêchés dans l'AMP de St-Louis
NOM WOLOF
|
NON FRANÇAIS
|
NOM SCIENTIFIQUE
|
PÉRIODE
|
Thiof
|
Mérou blanc
|
Epinephlus aeneus
|
Toute l'année avec
une forte intensité entre Avril et Juin
|
Kocc
|
Mérou de méditerranée
|
Epinephlus gigas
|
Tiki ou youfouf
|
Pageot
|
Pagellus copei
|
Diarégne
|
Dentex
|
Dentex filosus
|
Banda
|
Dorade grise
|
Plectorhichis méditerranneis
|
Magne magnére
|
Dentex à gros yeux
|
Dentex macrophtalmus
|
Beur ou Sakhabi
|
Courbine
|
Argirosomus regius
|
Doye
|
Mérou de Gorée
|
Epinephlus goreens
|
Mori
|
Loche
|
Merluccius sénégalensis
|
Rascasse
|
Rascasse
|
Scorpaena stephanica
|
Khassaw
|
Fiatol
|
Stromateus fiatola
|
Rour
|
Mérou noir
|
Epinephelus canunis
|
Soum
|
Langouste verte
|
Penaeus régius
|
Sipax
|
Crevette blanche
|
Penaeus notialis
|
khedd
|
Brochet
|
Sphyraena phyreana
|
Badéche
|
Badéche
|
Mycteroperca rubra
|
Kibaro
|
Dorade
|
Sparus ehrenbergii
|
Khal
|
Othelite Bobo
|
Pseudotolithus elongatus
|
Sole
|
Sole langue
|
Cynoglossus sénégalensis
|
Ndiané
|
Capitaine
|
Polydactylus quadrifilus......
|
Kibaro nar
|
Pagre
|
Pagrus erhenbergi
|
Feutt
|
Othelite du sénégal
|
Pseudotolithus senegalensis
|
Toute l'année avec
une forte intensité
entre Juillet et Octobre
|
Tonone
|
Othelite nain
|
Pseudotolithus typus
|
Yaranka
|
Poulpe
|
Octopus vulgaris
|
Kong
|
Machoiron
|
Arius sp
|
Yeureundeu
|
Seiche
|
Sepia officinalis
|
Khedd
|
Barracuda
|
Sphyraena piscatoreum
|
Source : nos enquêtes
A Saint-Louis, la pêche des espèces
démersales (Mérou, Dorade, Dentée, Corbine...) se fait
toute l'année au niveau des différents lieux de pêche
cités. Elle est intense les mois d'avril, mai et juin (saison
communément appelée Thiorone à Guet-Ndar) et
modérée le reste de l'année. Or comme nous l'avons
cité, la ponte principale du Thiof (l'une des espéces les plus
prisées) a lieu fin du Thiorone. Cette période
correspondrait selon les pêcheurs, à celle où les
espèces à faciès mixtes viennent frayer dans l'estuaire.
Toutes choses qui font que la
81
ressource est menacée, d'autant plus que la
période d'abondance (où l'effort de pêche est accru)
équivaut souvent des stades biologiques de grande
vulnérabilité (ponte, alevinage...)
Entre juin et juillet, de faibles quantités
d'espèces démersales (carpe blanche, sole...) à forte
valeur commerciale liée à la rareté du poisson pendant
cette période, sont débarquées par les pêcheurs
à la ligne.
Au-delà du mois de Juillet, les pêcheurs
détenteurs de pirogues glacières, effectuent des sorties de 2
à 4 jours sur des distances de + de 100 km et le plus souvent, de
manière clandestine dans les eaux mauritaniennes, d'où
proviennent l'essentiel des prises pendant cette période. Pour les
autres, cette saison peut être considérée comme morte,
compte tenu de la faiblesse des volumes débarqués.
> Une mer poissonneuse en Mauritanie
La richesse de la mer mauritanienne comparée à
celle du Sénégal est le résultat de la combinaison de
plusieurs facteurs. Entre autres facteurs, on peut citer le fait que la
Mauritanie protège son océan depuis les années 70 avec la
création en 1976 du Parc National du Banc d'Arguin (PNBA) où les
poissons trouvent des conditions privilégiées de reproduction et
de développement. En terme de configuration morphologique, la partie
mauritanienne abrite plus d'habitats naturels (roches sous marines) que la
côte nord sénégalaise. Qui plus est, l'upwelling est plus
long et accentué sur les côtes mauritaniennes grâce à
l'activité permanente de l'upwelling du Cap Blanc. Enfin, la Mauritanie
n'a pas par tradition une vocation particulière à la pêche.
Bien qu'elle jouisse d'un potentiel considérable de ressources
halieutiques, la Mauritanie a une population à la fois très
réduite (un peu plus de 3 millions d'habitants) et peu encline à
la pêche exceptée un petit noyau ethnique (Imraguen)
traditionnellement tourné vers cette activité, F DIOURY(1986).
> Point sur les accords de pêche
sénégalo mauritanienne.
Déjà, en début des années 80, la
rareté du poisson se fait sentir à Saint-Louis. De plus en plus,
les pêcheurs Guet-Ndar s'orientent vers les eaux mauritaniennes où
l'accès jusque là est libre. C'est l'intensification de
l'activité dans des eaux mauritaniennes excepté le PNBA. En
l'espace de quelques années, la Mauritanie est devenue le principal lieu
de pêche. Certains pêcheurs disent même que leurs zones de
pêche traditionnelle se situent au large de Ndiago en Mauritanie.
Toujours est -il que, en 1989 survient un différend entre les deux
États qui aboutit à la fermeture des frontières. Jamais
dans l'histoire les Guet-Ndariens ne se sont vus interdire un espace maritime
avant cette date. En 2001 une convention devant régir les relations de
pêche (art. 1) ente les deux États est signée. Le
Gouvernement de chaque État s'engage à favoriser dans la limite
des ressources disponibles et en conformité avec les lois et
règlements, l'activité des pêcheurs artisans de l'autre
État dans les eaux sous sa juridiction (art. 3a). Pour se faire une
autorisation préalable (licence de pêche) est
délivrée par l'État dans les eaux duquel, la pêche
est pratiquée (art. 3b). Les conditions d'applications des dispositions
de la Convention (notamment le nombre de licences à accorder) sont
fixées dans un protocole d'accord négocié et
renouvelé tous les ans.
De façon générale, c'est le
Sénégal qui, de l'étroitesse de ses pêcheries et de
la surcapacité de pêche par rapport à une ressource devenue
rare, propose à son voisin des accords d'accès basés sur
le principe de la réciprocité. Il se trouve qu'en matière
de pêche artisanale, la Mauritanie n'a pas besoin d'accéder
à la ZEE sénégalaise. En 2001, 250 licences libres de
pêche artisanale ciblant uniquement les pélagiques pour une
durée de 4 mois sont annuellement accordées par la partie
mauritanienne, moyennant une redevance 75 000 Fcfa par pirogue de moins de 13 m
et par an et 150 000 Fcfa pour les pirogues de plus de 13 m. Le
82
protocole de 2007 prévoit selon l'Inspecteur
Régional des pêches de Saint-Louis, un octroi de 270 licences pour
une durée de 6 mois contre une redevance de 80 000 pour les pirogues de
moins de 13 m et 180 000 pour celles supérieures à 13 m. Les
pêcheurs de Guet-Ndar prétendent par contre que, depuis le conflit
de 1989, la Mauritanie ne fait guère preuve de volonté de
conciliation avec le Sénégal en matière de pêche
maritime. Ils déplorent la lenteur des procédures relatives
à la demande et à la délivrance des licences qui fait
qu'en réalité peu de pêcheurs en bénéficient
à Saint-Louis. Quand bien même s'ils arrivent à l'obtenir
c'est souvent pour une durée d'activité plus courte que
prévue par le protocole (par exemple, ils reçoivent en septembre
des licences qui expirent en octobre).
Très souvent des revendications sont formulées
au cours des entretiens avec les pêcheurs, relatives à leurs soit
disant anciens territoires de pêche (sans frontière entre le
Sénégal et la Mauritanie). Pendant longtemps, les
sénégalais ont constitué le fer de lance de la pêche
mauritanienne. DIAGNE (1998)18 affirme que, ce sont les
pêcheurs de Guet-Ndar qui à travers des générations,
ont inventé tous les sites de pêche connus le long du littoral
sénégalo-mauritanien ; que toute la toponymie maritime
halieutique du littoral des deux États porte les marques de leurs
empreintes.
Il n'est pas surprenant dans ce contexte, de constater une
obstination des pêcheurs de Guet- Ndar à mener l'activité
dans les eaux mauritaniennes par des incursions clandestines malgré les
risques d'arraisonnement et de confiscation de leur matériel. Entre 1999
et 2000 (avant l'entrée en vigueur de la Convention), 4000 marins
pêcheurs guet-ndariens se sont rendus en Mauritanie, SRPSM/SL (2007). Ce
sont principalement les pêcheurs qui font la pêche du jour
où des marées de coute durée (moins de 48 heures) dans la
zones mauritanienne avant de venir débarquer leurs captures à
Saint-Louis.
Il arrive aussi que les pêcheurs, surtout les «
ligneurs de fonds» négocient avec les gardes côte
mauritaniens des permis tacites de pêcher dans les eaux sous juridiction
mauritaniennes valables une seule marée, à renouveler moyennant
une somme d'argent avant chaque sortie. Cela se fait par le biais de relais
servant d'intermédiaires entre les gardes côtes et les
pêcheurs. C'est une pratique de plus en plus courante selon les
pêcheurs. Il faut souligner qu'elle est favorisée par
l'intérêt que cela présente pour les deux parties : d'une
part, elle enrichit les gardes côtes et d'autre part, elle permet aux
pêcheurs ne pouvant pas bénéficier de permis, d'avoir la
possibilité de pêcher en fraude dans les eaux mauritaniennes sans
risque de se faire prendre.
Certain pêcheurs ont simplement
préféré s'installer à demeure dans la capitale
mauritanienne, Nouakchott. Cette présence, saisonnière de longue
durée, liée prioritairement à la pêche, offre en
outre aux guet-ndariens l'occasion d'autres activités lucratives : ils
achètent à Nouakchott, en vue de la revente à Guet Ndar ou
dans d'autres centres côtiers sénégalais, des pièces
détachées pour les moteurs marins et des nappes de filets, dont
le prix en Mauritanie est nettement inférieur à celui
pratiqué dans les dépôts sénégalais. De plus,
les ruptures de stock sont assez fréquentes au Sénégal,
surtout s'agissant des pièces pour moteurs japonais.
Cette situation montre que l'adhésion des
pêcheurs de Saint-Louis à la mise en oeuvre d'une AMP dans leur
espace de pêche ne peut se faire que si on intègre la
problématique de la libre pêche en zone mauritanienne dans les
mesures de gestion et d'accompagnement qui
18 Migration et conflits de pêche le long du Littoral
sénégalo-mauritanien : cas des pêcheurs de Guet-Ndar. In
Recherches Africaines. No 03, décembre 2006
seront envisagées pour atténuer les
conséquences négatives des restrictions qui seront
appliquées, à défaut des les compenser. L'AMP est proche
de la frontière, et en raison des migrations de poissons, ce qui se
passe à l'intérieur est très en relation avec les
pratiques à l'extérieur. Le débat dépasse alors le
cadre restreint d'une AMP et se pose en terme d'orientations et
d'évolution des relations entre les deux États. A ce niveau, la
balle est dans le camp des autorités administratives qui gèrent
les AMP (DPN, DPMSC). De leur capacité à sensibiliser
l'État sur la nécessité de rendre plus accessible la zone
mauritanienne si on veut asseoir une AMP qui fonctionne bien à
Saint-Louis, dépendra le respect du plan de gestion qui sera
élaboré. Autrement, il sera difficile pour les pêcheurs de
s'approprier l'AMP, comme ils le répètent souvent « on ne
peut pas à la fois nous interdire le nord et le sud de Saint-Louis. Si
vous voulez protéger le sud, faites au moins que le nord nous soit
autorisé ». A cet effet, O DIOP (2006) rapporte que de plus en plus
les Guet-Ndariens sont habités de sentiment d'abandon,
d'incompréhension, très souvent de révolte contre les
autorités des deux pays : pour le cas de la Mauritanie à raison
des conditions jugées difficiles pour pratiquer la pêche ; pour le
cas du Sénégal, pour son « manque de courage » et pour
avoir accepté des dispositions « contraires à leurs
intérêts »

Epinephelus aeneus (Thiof) Pagellus
bellottii(Tiki) Plectorhynchus méditerranneus Sparus
ehrenbergii (kibaro)
(Banda)
(Sphyraena piscatoreum) Penaeus notialis (Sipax)
Palinurus mauritanicus Pagrus erhenbergi
(Khedd) (Langouste) Kibaro nar)
Epinephelus goreens (Doye)
Polydactylus_quadrifilis Epinephelus gigas (Kocc)
Helicolenus-dactylopterus
(Capitaine) (Rascasse)
Mycteroperca rubra Dentex macrophthalmus Dentex
filosus Argyrosomus_regius
(Badèche) (Magn magnére)
(Diarégne) (Sakhabi)
Esox licius ( khedd)
pseudotolithus_senegalensis pseudotolithus_typus Cynoglossus
sénégalensis
(feutt) (Tonone) (Sole langua)
83
Figure 28. Clichés photographiques des principales
espèces démersales pêchées à
St-Louis
84
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