4.1.2 De 1950 à nos jours
La principale alternative qui s'est offerte à
l'époque aux pêcheurs est l'émigration vers les centres de
pêches aux conditions naturelles moins hostiles avec des
débouchés commerciaux plus importants. Les migrants s'installent
d'abord à Kayar, ensuite vers le sud avant de sillonner toute l'Afrique
Occidentale Française. A la fin des années 50, 3000 des 5000
pêcheurs que compte le faubourg partent en migration loin de Saint-Louis
pendant plusieurs mois chaque année, Bernadel (1985) cité par
Athe (1985)
Depuis presqu'un demi siècle, Saint-Louis connaît
un déclin très sensible, résultant du transfert de la
capitale et du manque d'infrastructures modernes. La plupart des jeunes qui
arrivent sur le marché du travail sont contraints à
l'émigration vers Dakar. Seuls les quartiers de pêcheurs de la
Langue de Barbarie sont épargnés par ce déclin de
l'ancienne métropole. Très tôt les jeunes sont
initiés à la pêche qui va plus tard leur procurer
l'essentiel de leurs revenus. Les migrations qu'on y enregistre donc sont alors
de toute autre nature. Elles résultent de l'organisation de la
pêche. Elles sont saisonnières, pas définitives.
Au plan national, la pêche artisanale a connu bien des
évolutions depuis les années 50. Au début des
années 50, quelques industriels privés de transformation des
produits de la mer ont essayé avec beaucoup de difficultés de
s'implanter au Sénégal, fondant leurs espoirs sur la seule
production artisanale, KANE, M.L (1985). A cette époque, les
pêcheurs artisanaux pêchaient peu au regard de la demande
(capacité de traitement) des industries privées de
transformation. Ils pêchaient surtout avec modération pour
l'autoconsommation, l'approvisionnement en frais du marché local et ne
raisonnaient pas leurs pratiques pour livrer de grosses quantités
à l'industrie à une période où celle-ci a besoin
d'une production en quantité et d'une régularité des
apports pour atteindre sa capacité optimale de production. Il fallait
donc inciter les pêcheurs à intensifier leurs efforts de
pêche et à accroître les captures au risque de modifier les
équilibres des populations halieutiques, sans se soucier du fait que
cela pouvait déboucher sur la baisse de productivité du milieu
marin.
Un projet de « modernisation de la pêche » est
engagé par les services des pêches en 1951 (Service Technique des
Pêches créé en 1951 au sein du service de
l'élevage). Son premier objectif est la motorisation des pirogues. Il
faut augmenter les captures, produire davantage afin d'augmenter le rendement
des industries de la pêche dont l'approvisionnement est en
deçà des capacités. C'est ainsi que des moteurs sont
proposés aux pêcheurs des points traditionnels de grande
pêche (Guet Ndar, Cayar, Mbour, Joal) à crédit voire
subventionnés. Il faut souligner qu'à cette époque, le
Sénégal est encore une colonie et que la métropole, la
France est en reconstruction au sortir de la 2ème guerre
mondiale. C'est la période de l'intensification et de l'augmentation de
la production sans se préoccuper des conséquences
bioécologiques à long terme (les ressources de la mer
paraissaient alors inépuisables). En effet cet élan de
motorisation a connu son apogée dans les années 70 avec la mise
en oeuvre d'une politique nationale de diffusion du moteur hors bord dans le
secteur de la pêche artisanale sénégalaise. C'est ainsi
qu'en 1972, fut créé un service dénommé «
Centre d'Assistance à la Motorisation des Pirogues » (CAMP) dont
une des missions était de promouvoir à l'échelle nationale
la motorisation de la pêche artisanale. Cette mission a elle-même
été facilitée au niveau national par la diffusion et
l'adoption très large en 1973 et 1974 de la pêche à la
senne tournante et coulissante dont la pratique nécessite l'usage de
pirogues motorisées de grande taille Chauveau et Samba(1989) Laloë
et Samba (1990) cités par O. SARR (1985).
A Saint-Louis, l'introduction de moteur hors-bord à
date de 1952. C'est un moteur de 7 cv qu'un Français du nom de Jacques
ARNOUX, directeur de l'océanographie à l'époque a
40
voulu tester. Par la suite, une compagnie française
(Nosoco (nouvelle société de commercialisation)) s'est
chargée de la commercialisation.
Des coopératives vont prendre le relais de Nosoco dans
la distribution, alors que les pêcheurs ont commencé à
montrer un intérêt manifeste pour les moteurs. C'est le cas de la
Coopmer (Coopérative d'apport et de distribution des produits de la mer)
formée en 1952 par un groupe de pêcheurs constitué par des
anciens combattants de la guerre de 39- 45.
En somme, les travailleurs de la mer sont dans un processus de
modernisation de l'armement en dépit du poids des traditions qui
s'effritent d'ailleurs au contact des lois de l'économie marchande dans
laquelle se sont insérés les pêcheurs de Guet Ndar.
Aujourd'hui on est en présence d'un parc piroguier presque
entièrement motorisé.
La disparition de la plupart des coopératives
(actuellement, une seule coopérative active a été
recensée au niveau de Guet Ndar), suite à une mauvaise gestion
traduit le manque d'organisation des pêcheurs et rend l'accès au
crédit équipement de plus en plus difficile. Ce manque
d'organisation touche également le secteur de la commercialisation des
produits de la pêche, ce qui laisse les pêcheurs tributaires des
lois du marché.
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