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La communauté libanaise et le développement économique de la Côte d'Ivoire 1960- 2001

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par Kouadio Adolphe N'GORAN
Université Alassane Ouattara de Bouaké ( Côte d'Ivoire ) - Maà®trise 2012
  

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B/ Un apport important dans la distribution à partir de 1980

Le rôle des Libanais dans le commerce en Côte d'Ivoire est remarquable. Ils ont commencé d'abord dans le commerce de traite. Ensuite, ils ont intégré le commerce moderne à travers la création des magasins et des entreprises d'import export. A partir de 1980, ils se consacrent à la grande distribution.

1-Le repli des compagnies commerciales européennes

La Côte d'Ivoire a connu une croissance économique remarquable. Cependant, la période 1980 est dominée par une grande crise économique en Côte d'Ivoire. Il s'ensuit l'asphyxie généralisée de l'économie ivoirienne. Les opérateurs économiques de tous les secteurs d'activités ferment leurs entreprises. D'autres, par ailleurs abandonnent définitivement l'Afrique Subsaharienne surtout la Côte d'Ivoire. Cette attitude s'explique par le faible rendement de leurs activités. Comme l'atteste ici Antoine Sery243(*) , en prenant l'exemple de la Cfao et de la Scoa. « La Cfao ne réalise plus en Afrique, surtout au Sud du Sahara et particulièrement en Côte d'Ivoire que 30% de son chiffre d'affaires et toutes les activités ont été filialisées pour fermer ou de vendre ou les branches les moins rentables ». La Cfao selon Jean Suret-Canale244(*), a échappé aux bouleversements et aux super concentrations de la fin des années soixante. En effet, certes il y a eu au sein du groupe de contrôle des changements respectifs d'influence, ces derniers ne sont pas perceptibles pour l'observateur. La Cfao demeure toujours une entreprise commerciale de renommée internationale. Cependant, elle procède à la diversification de ces produits et ses zones de d'activités. Elle s'implante par ailleurs en Amérique et en Asie. Au niveau de son commerce, l'on observe que son implication dans le commerce des automobiles prend de l'ampleur.

Quant à la  Scoa, elle s'est très engagée en Côte d'Ivoire et très proche des populations rurales. Elle a développé en Côte d'Ivoire des métiers de commerçants avec la mise en place de la Chaîne Avion depuis 1956245(*). Cette politique a consisté à la création de boutiques clés en main. Cette oeuvre s'est poursuivie jusqu'en 1980. Cela a aidé l'Etat dans sa politique « d'ivoirisation » du commerce et de sa volonté de résoudre le problème du chômage urbain. Cependant «la Scoa a été sévèrement touchée par l'effondrement tout azimut de l'économie du pays où le revenu par tête d'habitant a connu une baisse de 17% en 1987. Du coup la Scoa s'est développée en Asie par sa filiale. Au Canada, elle s'est spécialisée dans la distribution des produits pharmaceutiques. En Europe, elle se confine désormais dans la distribution et la vente des automobiles des micro-informatiques professionnelles«. 246(*)

Ce retrait des Européens est une opportunité que les Libanais saisissent pour se repositionner. Leur repositionnement se matérialise comme suit : Ils procèdent premièrement par l'occupation des anciens locaux des magasins des compagnies commerciales européennes. Ils investissent alors dans les entreprises supposées  « condamnées », les restructurent et créent de nouvelles entités. Selon Jean Pierre Ayé, ils ont un goût du risque très prononcé que les théories économiques ne suffisent toujours pas à l'expliquer247(*).

Ensuite, ils rachètent ces factoreries abandonnées. C'est le cas du groupe Fakhry qui a acheté le supermarché Rallye appartenant à un groupe européen en 1987. Ils mettent en place des circuits de vente ou de distribution qui sont souvent contraire aux normes du commerce légal. C'est le cas des vendeurs de rue ou commerce de la rue appelés communément les Bana-Banas248(*). Pour contourner la fiscalité, ils livrent les marchandises à ces commerçants ambulants. La plupart de ces vendeurs dont l'âge varie entre 16 et 35 ans sont les ressortissants ouest africains. Ils sont généralement déscolarisés ou parfois analphabètes. Ces jeunes gens vendent les articles à bas prix. Ces marchandises sont des objets importés dont le citoyen à revenu modeste ne peut se l'offrir s'il est vendu à son prix normal. Ces articles sont de tous ordres. Il s'agit des biens d'ameublement : les maquettes, les tapis, les coussins et les statues. Il y a aussi les articles d'habillement : les draps de lits, les glasses. Enfin, nous avons d'autres objets de luxe : les montres, les bijoux, les cannes à pêche et bien d'autres articles249(*).

Dans leur entreprise, les Libanais améliorent les propriétés déjà existantes. Non seulement, ils augmentent l'étendue de la gamme de leurs produits, mais également ils agrandissent la surface des locaux. L'exemple du supermarché «Al Nour Hayat « est assez édifiant. Ce supermarché créé en 1966, était au départ un magasin de vente des articles de première nécessité. Il s'est agrandi, transformé, modernisé au fil des années. Ce magasin traite en 1986 d'un assortiment de 650 références ou articles sur une aire de 2340m² dont 840m de surface de vente et 1500 m² de réserves. Au niveau du personnel, alors qu'en 1966, les employés n'étaient que 41, l'effectif est 102 personnes.250(*)

En plus de Nour Al Hayat, il en existe d'autres. Il s'agit de la Société ivoirienne de distribution de marchandises d'entretien (Sidime Bittar-Happy Baby). Localisée au Plateau à l'avenue Noguès, la société du Libanais Bittar Hassan fut créée en 1981. Son capital est de 30 millions de Francs CFA. Elle emploie une quinzaine de personnes dont la charge est de commercialiser les produits pour le confort des bébés. Il s'agit entre autres de « Absorba, chicco, Remond, Bébé confort ».251(*) En dehors de la Sidime Bittar-Happy, nous avons le Supermarché Trader Center créé en août 1982. Il est situé également à Abidjan-Plateau. Ce supermarché de Sakhr Fakhry dispose d'un capital de 250 millions de Francs CFA. Il réalise un chiffre d'affaires hors taxe de 3,5 milliards CFA avec des investissements annuels estimés à 800 millions de Francs CFA.252(*)

Au niveau de la promotion et du marketing, les Libanais ne lésinent pas sur les moyens. En effet, ils saisissent toutes les opportunités qui s'offrent à eux pour connaitre leur commerce aux populations. Les Libanais participent à l'organisation des foires et carnavals aux côtés des autorités communales. A ce sujet lors de ces semaines commerciales, le mérite de certains commerçants est reconnu. Ainsi, lors de la semaine commerciale et industrielle d'Attiécoubé de 1987, la « médaille d'or et la coupe du meilleur exposant sont revenues à la Société de confection textile Haidar Frères. »253(*) De même, les Libanais s'impliquent dans l'organisation des foires et des semaines commerciales dans le pays. Ce fut le cas de la 13ème édition de la semaine commerciale de Treichville du 26 juin au 5 juillet 1980 où les commerçants libanais faisaient partie du comité d'organisation dirigé par Ablé Frédéric254(*).

Ces rénovations rendent ces magasins très compétitifs et efficaces. Elles permettent à ces entreprises commerciales d'être fiables et capables de rivaliser les firmes internationales. Par ailleurs, les Libanais pour combler le vide laissé par les compagnies européennes créent de nouveaux supermarchés. Le Groupe Fakhry est très dynamique dans grande la distribution. Il dispose de nombreux supermarchés créés au cours la décennie 1980 essentiellement localisés à Cocody, au Plateau et à Marcory. Il s'agit des supermarchés dénommés Cash Center, Trade Center a été mis en oeuvre en 1987. On observe une situation de monopole de ce groupe dans la grande distribution.

Cette position libanaise s'accentue également avec l'échec du Programme d'Action Commerciale. En effet, l'Etat a développé tous les secteurs d'activités économiques en délaissant celui du commerce.

* 243Antoine SERY; opc.cit. , p153

* 244Jean SURET-CANALE; op.cit. , p180

* 245Tanoh Raphael BEKOIN ; op.cit; pp 520-523

* 246Jean SURET-CANALE; op.cit. , p180-183

* 247Jean Pierre AYE ; «  Rôle économique des Libanais : frein ou moteur du développement » ;IN Le Démocrate n°46 du13 Mai 1992, pp7-10

* 248 Ousmane CRUYO «  Les Bana-Banas ou commerçants ambulants », In Fraternité matin du 10 Avril 1984

* 249 Fraternité Matin du 10 avril 1984

* 250 Raphael N'GUESSAN « Le Supermarché Nour al Hayat a fêté ses 20 ans », In Fraternité Matin, 10 décembre 1986, p10

* 251Chambre de commerce et d'Industrie de Côte d'Ivoire, 2000, Répertoire des Entreprises commerciales, industrielles et de services, p69

* 252 Bureau de développement (1984-1985), p266

* 253Daouda DOSSO «  La semaine commerciale d'Attiécoubé, succès inattendu », In Fraternité Matin du 11 Août 1987, p5

* 254Raphael LAKPE & Salif DIABY « 13èmè édition de la semaine commerciale de Treichville », In Fraternité matin du 23 juin 1980

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard