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La communauté libanaise et le développement économique de la Côte d'Ivoire 1960- 2001

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par Kouadio Adolphe N'GORAN
Université Alassane Ouattara de Bouaké ( Côte d'Ivoire ) - Maà®trise 2012
  

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Introduction

1-Intérêt et justification du sujet

La Côte d'Ivoire a subi pendant plus d'un demi-siècle la colonisation française. L'administration coloniale a provoqué de nombreux bouleversements qui sont d'ordre politique, social, économique et démographique dans le cadre de la mise en valeur de la colonie de Côte d'Ivoire. Ces bouleversements ont affecté durablement les peuples ivoiriens. Au niveau politique, les peuples qui vivaient autrefois en petites tribus et séparés les uns des autres par les différences religieuses, ethniques sont désormais administrés par une seule entité politique.

Au niveau économique, les Africains en général, les Ivoiriens en particulier, abandonnent l'économie de subsistance au bénéfice de l'économie commerciale avec l'avènement des cultures agricoles telles que le caoutchouc, le café, le cacao, le palmier à huile et bien d'autres cultures. Au niveau démographique, dans l'optique de mettre en place de grands espaces cultivables et d'exploiter la colonie de Côte d'Ivoire, le colonisateur a favorisé l'immigration des populations des colonies françaises de l'Afrique l'Ouest. Selon Pierre Kipré, pour la seule année 1932, les travailleurs voltaïques envoyés de force en Côte d'Ivoire pour la réalisation du chemin de fer et d'autres travaux, étaient estimés à 5000 personnes.1(*) A côté de ces ressortissants ouest africains, il y a la colonie venue du Moyen-Orient. Ce sont les ressortissants du Liban et de la Syrie. Leur migration en Afrique en général, en Côte d'Ivoire en particulier se confond avec le début de l'entreprise coloniale européenne.

Entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, les Syriens et les Libanais subissaient l'oppression économique et politique de l'empire ottoman2(*). C'est ainsi que ces derniers ont migré en France précisément à Marseille et en Amérique Latine et quelques uns sont aperçus en Afrique surtout au Sénégal. Cette soumission prend fin en 1920 lorsque ces deux territoires furent placés sous mandat français au lendemain du premier conflit armé mondial. Les Syriens et les Libanais devinrent comme à partir de cet instant, citoyens français  et immigrent en direction de l'Afrique grâce à ce mandat français. Leur colonie prend ainsi une proportion assez importante au cours de cette décennie. Plusieurs expressions permettent de désigner cette communauté asiatique d'Afrique. Il s'agit entre autres les Libanais, Asiatiques, Levantins. Souvent pour salir leur image, certains Européens pendant la colonisation leur attribuent ce lexique péjoratif tel que «hordes de parasites«, «d'envahisseurs«, «accapareurs« afin de leur nuire3(*). Selon le dictionnaire universel4(*), les noms composés « Libano-Syriens «et« Syro-Libanais« permettent de désigner à la fois les Libanais et Syriens d'Afrique. Le terme syro-libanais est utilisé pour désigner les citoyens libanais et syriens sur lesquels la France exerce un mandat de protectorat à la fin de la première guerre mondiale selon le pacte de la Société des Nations5(*). Même si sur le plan géographique, culturel et historique, les territoires libanais et syriens sont distincts, nombreux sont ceux qui attribuent le substantif libanais à tous les ressortissants de l'Asie et même de l'Afrique du Nord. Notre étude porte essentiellement sur les Libanais de Côte d'Ivoire. Les Libanais que nous étudions sont aussi ceux qui ont gardé leur nationalité d'origine que ceux ont adopté la nationalité ivoirienne et celle d'autres pays.

Alors que l'on pensait que cette communauté libanaise allait partir de l'Afrique en général, en particulier de la Côte d'Ivoire à la fin de la colonisation, son établissement se poursuit pendant la période de l'après-indépendance. Et mieux la colonie libanaise continue de s'accentuer dans certains pays africains comme le Sénégal et la Côte d'Ivoire.

A la faveur du conflit armé de 1975, de nouvelles vagues d'immigrations libanaises sont arrivés dans le monde entier. Ainsi l'on retrouve une forte communauté libanaise au Brésil, au Canada, au Sénégal, au Congo Zaïre et bien sûr en Côte d'Ivoire. En 1986, le président de l'Union libanaise culturelle mondiale alors en visite en Côte d'Ivoire estimait la communauté libanaise de l'étranger à plus de 16 millions de personnes alors que les Libanais restés au pays ne dépassaient guère 4 millions6(*). L e Brésil abrite lui seul plus de 10 millions de Libanais. Au Brésil, les ressortissants libanais sont entièrement intégrés, car non seulement ils ont réussi dans l'économie, mais également occupent des fonctions politiques soutient, Ramis Saad, le vice-président du conseil mondial et président du conseil brésilien. Il évalue la part des Libanais politiques au Brésil est de 12%. A cette période, l'on notait 2 ministres et deux gouverneurs qui sont d'origine libanaise.7(*) Au Sénégal et au Congo Zaïre, la population étrangère d'origine libanaise est plus de 30 mille personnes. Ces ressortissants libanais sont plus présents le commerce de gros et de détail et dans l'industrie agroalimentaire.8(*) En Côte d'Ivoire, la population d'origine libanaise oscille entre 60 et 100 mille personnes. Sur le plan économique, Pme magasine s'appuyant sur les statistiques internes des Libanais, publie que l'apport fiscal au budget de l'Etat est de 350 milliards Francs CFA par année. La masse salariale avoisine 180 milliards de Francs CFA.9(*) Florence Douat confirme cette forte présence dans l'économie ivoirienne. Mieux elle relève la proportion dans les différents secteurs d'activités économique10(*). Ainsi cette communauté est présente en Côte d'Ivoire au niveau du paysage économique et est même impliquée dans la vie sociale et culturelle, si bien qu'il serait difficile d'effectuer une étude économique en Côte d'Ivoire sans parler des Libanais dans la mesure où leur influence dans l'économie de la Côte d'Ivoire est visible.

Malheureusement, si les expressions Syro-Libanais, Libanais, sont familières aux Ivoiriens, force est de constater que les mérites de cette communauté sont méconnus d'une frange de la société ivoirienne. Parfois pour les Ivoiriens, la présence des Libanais relève d'un mythe, car nombreux sont ceux qui leur attribuent des stéréotypes. Cette communauté serait fermée. Au niveau religieux, les Libanais de Côte d'Ivoire ont leur propres lieux de cultes qu'ils soient musulmans ou chrétiens. Au niveau de l'éducation, leurs enfants fréquentent les quelques écoles de mission libanaise et les établissements français. Enfin, les mariages mixtes sont presqu'inexistants. Mais au-delà, l'on les confond parfois à tort à la fraude ou à l'escroquerie, vu leur présence dans les affaires.

Une telle ignorance sur le rôle de la communauté libanaise dans l'économie de la Côte d'Ivoire mérite que l'on mène un travail sur ces Libanais. En effet, même si la place de ces derniers n'est pas connue du grand public, cependant cette présence suscite de multiples questions. Que se cache derrière la présence des Libanais en Côte d'Ivoire ? Si la présence économique libanaise s'est avérée, comment se présente t-elle alors? A quel moment les investissements libanais deviennent-ils importants dans l'économie ivoirienne ? Quel est l'apport des Libanais dans la vie économique de la Côte d'Ivoire ? Comment les Libanais se sont-ils pris pour connaître un tel niveau de réussite en Côte d'Ivoire ?

Toutes ces questions sans réponse du chercheur en science sociale montrent que la communauté libanaise mérite d'être étudiée. Les Libanais ont été l'objet de beaucoup d'écrits, cependant ces travaux portent sur l'histoire de l'immigration de cette communauté et aborde de façon sommaire la question économique. Une telle insuffisance a motivé en partie notre choix sur cette communauté en Côte d'Ivoire.

Sur le plan scientifique, l'intérêt d'un sujet est important si l'on veut mieux connaître l'histoire des acteurs de l'économie de la Côte d'Ivoire moderne. En effet, on ne peut pas aborder l'histoire économique de la Côte d'Ivoire sans citer au passage cette communauté libanaise. Outre cela, on ne peut comprendre l'économie coloniale sans faire mention des Libanais.

En somme, cette communauté mérite que l'on l'étudie. Pour mieux conduire notre étude, nous nous sommes proposé de l'étudier de 1960 à 2001. La date 1960 marque l'accession de la Côte d'Ivoire à la souveraineté suprême. De même, elle atteste le début effectif de la mise en oeuvre des reformes politiques et économiques des nouvelles autorités ivoiriennes. Quant à l'année 2001, elle représente l'inauguration du forum des marchés d'Adjamé, La réalisation de ce marché a été concédée à un promoteur franco-libanais Saïdi Mohamed, directeur général de la Société ivoirienne de Concept et gestion immobilière (Sicg) après un appel d'offres. La réalisation de ce projet a coûté plus de 16 milliards de Francs CFA.11(*)L'année 2001 marque également au plan politique l'entrée pour la première fois de deux personnalités d'origine libanaise au Conseil Economique et Social. Il s'agit de Fouad Omais et de Roland Dagher12(*) qui sont tous deux des hommes d'affaires ivoiro-libanais. La nomination de ces Ivoiriens d'origine libanaise atteste à la fois le souci des autorités ivoiriennes de témoigner leur reconnaissance à l'endroit de la communauté libanaise et leur volonté d'intégrer la vie politique de la Côte d'Ivoire.

2-État de la question

Des études ont été faites sur la communauté libanaise de Côte d'Ivoire. Cependant elles sont souvent limitées non seulement dans le temps mais aussi dans la méthodologie adoptée. Dans cette documentation, nous avons eu recours au mémoire de Kojok Salma13(*). Cet ouvrage de 154 pages est intéressant parce que dans la mesure où elle retrace toute l'histoire de la migration libanaise en Côte d'Ivoire avant 1945. Kojok présente son étude en trois parties. Elle aborde premièrement l'origine de l'émigration libanaise en Côte d'Ivoire. Dans le premier axe de son travail, elle montre les causes de l'émigration du Liban. Selon elle, les raisons qui ont préparé cette émigration relève à la fois de la conjoncture historique et politique du Liban. Ces causes qui sont liées à la vie politique de l'histoire du Liban sont l'occupation de l'empire ottoman en 1860 et joint le Liban à la Syrie. Cet empire s'est accaparé de toutes les richesses économiques du Liban. La liberté des citoyens libanais était confisquée. Face toutes ces difficultés, ces Libanais et Syriens émigrent du Liban et de la Syrie à la recherche du bien être.

En dehors de la situation politique, elle montre également les facteurs qui ont facilité et entretenu cette émigration. Parmi ces facteurs, il y a entre autres les raisons personnelles, c'est-à-dire le désir de certains d'aller voir ailleurs. Il y a aussi les facilités liées à l'appel du gouverneur général de l'AOF, Roume14(*)aux Libanais à se rendre au Sénégal en 1920 pour y travailler dans la collecte des arachides et au progrès économique de la Côte d'Ivoire à partir des années 1930. Dans la deuxième partie, elle aborde l'évolution numérique et les caractères généraux des immigrants libanais en Côte d'Ivoire avant 1945. Elle démontre la croissance de la population libanaise dans la colonie de Côte d'Ivoire. Cette immigration selon elle devient croissante dans les années 1930, période de développement économique et de la mise en place effective des infrastructures économiques. Elle estime la colonie libanaise à 1000 âmes. Dans la troisième et dernière partie, Salma étudie l'action économique de cette communauté. Au niveau économique, elle affirme que les Libanais ont pour activité principale le commerce surtout celui des matières agricoles. Cet ouvrage est important dans l'écriture de l'histoire coloniale de la Côte d'Ivoire surtout qu'il aborde la vie économique et sociale d'une communauté étrangère. Cependant, elle est limitée dans le temps. Le travail ne prend en compte qu'une partie de la période coloniale.

En plus de ce mémoire, il y a l'ouvrage de Khodr Hekmat15(*)qui est également important. En effet, ce livre de 256 pages comprenant quatre parties pages est une biographie de la communauté libanaise en Côte d'Ivoire. Dans la première partie, il situe les relations ivoiro-libanaises. Dans le second axe, il présente la communauté libanaise dans toute sa diversité. C'est-à-dire au niveau religieux, économique et culturel. Dans la troisième et quatrième partie, il montre les liens qui renforcent cette amitié ivoiro-libanaise et ensuite accorde une place de choix à la communauté libanaise en faisant présentant toutes les grandes familles de ses compatriotes. Ce livre est capital dans l'écriture de cette communauté. Cependant cet ouvrage présente des limites car il fait l'apologie des autorités ivoiriennes et des membres de la communauté libanaise. Il n'aborde point les stratégies de développement de cette communauté libanaise.

Pour cette étude l'article de Jean Binet a été intérêt particulier. L'intérêt de cet article d'une quinzaine de pages réside dans le fait qu'il est l'un des premiers écrits spécialisés abordant la question libanaise dans l'économie des pays africains francophones surtout de la Côte d'Ivoire. Cet article se structure en trois parties : Dans la première partie, Jean Binet16(*) montre les premières activités des premières colonies syro-libanaises en Afrique. Ces activités étaient essentiellement commerciales. Selon lui, les premiers habitants libanais d'Afrique faisaient le colportage17(*). Ils participaient au commerce des matières premières agricoles notamment le caoutchouc, la kola. Dans la deuxième partie de cet article, il montre comment les Libanais sont passés de colporteurs au rôle d'intermédiaires entre les Africains et les maisons commerciales européennes et de propriétaires de commerces. Abordant la présence des Libanais en Côte d'Ivoire au temps colonial, il soutient que le poids économique s'est réellement senti à partir des années 1950, marquée par une prospérité économique importante avec la construction du port d'Abidjan et le prolongement du chemin de fer. Enfin, dans la troisième et dernière partie, il fait une comparaison des différentes communautés syro-libanaises dans les pays africains. Il conclut que les Syro-Libanais étaient plus nombreux au Sénégal, en Guinée et dans bien d'autres pays que la Côte d'Ivoire dans la colonisation.

Cependant, au lendemain de l'indépendance, cette communauté s'accroît en Côte d'Ivoire non seulement grâce à la prospérité économique relative, mais également à la politique d'ouverture du gouvernement ivoirien. Celle-ci est une opportunité que s'offrent les Libanais pour s'installer à Abidjan ainsi que dans les centres économiques de l'intérieur. La ville de Bouaké est un exemple édifiant. Les Libanais détiennent presque le monopole de l'activité commerciale.

Au total, cet article de Jean Binet est instructive dans la mesure où elle nous permet de comprendre l'histoire économique des premières communautés syro-libanaises d'Afrique en général, et de la Côte d'Ivoire en particulier. Cependant cet article présente des insuffisances. En effet, en limitant son étude en 1975, elle ne prend pas en compte toute l'histoire économique de cette communauté quand bien même qu'elle retrace tout le passé colonial et l'après-indépendance. Cette insuffisance se découvre également dans le fait que l'étude soit portée essentiellement sur la seule activité commerciale de ce peuple.

En plus de cet article de Jean Binet, notre choix s'est porté également sur le mémoire de maîtrise géographie de Catherine Mezaad18(*). Cet ouvrage de plus 356 pages est d'un intérêt particulier pour la connaissance de cette communauté. En effet, Mezaad retrace toute l'histoire économique et sociale des Libanais de la Colonisation jusqu' à nos jours en Côte d'Ivoire. Cet ouvrage tout comme l'article de Jean Binet comporte trois parties. Dans la première partie, elle démontre comment la réussite économique de cette communauté est un sujet à controverse. Elle présente premièrement la presse qui dépeint l'image des Libanais. Ensuite, elle aborde les différentes activités économiques de ces derniers en Côte d'Ivoire. Dans le deuxième axe, elle a fait une large présentation des acteurs du développement industriel. Dans cette partie, elle fait d'abord le récit de l'immigration des ancêtres des familles industrielles libanaises. Ensuite, elle montre les étapes de la mise en place de ces différentes familles industrielles. Enfin, dans la troisième partie, elle aborde la question de l'avenir dans un contexte de crises et les stratégies des actions envisagées pour pouvoir surmonter ces différentes crises.

Cet ouvrage présente cependant des limites même si elle fournit des informations de qualités. D'abord, l'étude manque de dimension chronologique. Elle n'est pas circonscrite dans le temps. Cela perd la qualité d'une étude sociale, surtout que le travail porte sur une communauté qui évolue dans le temps et dans une zone géographique bien définie subissant les influences politiques, physiques et sociales. Par ailleurs cette absence de chronologie ne permet pas de percevoir l'évolution économique de cette communauté. Il y a également le fait que dans la méthodologie de recherche, Mezaad affirme avoir effectué une étude de terrain, les enquêtés ne figurent nullement ni au niveau des notes de bas de page, ni dans la bibliographie. Au niveau de la bibliographie justement, il semble que son étude s'est basée sur les articles de presse ou des périodiques qui ne portent pas des signatures d'auteurs.

Toutes ces insuffisances constatées à travers ces différents écrits, nous ont conduits à orienter notre analyse sur des aspects non encore éclairés pour ressortir dans le temps, la vie économique de cette communauté. Il s'agit de ressortir de façon dynamique le processus et l'évolution de la présence économique de ces derniers de 1960 à 2001. Ce travail part des périodes de l'implantation des premières industries et s'achève aux périodes de l'accentuation des crises économiques.

3-Problématique

Beaucoup de communautés étrangères n'ont pas connu de telles réussites économiques en Côte d'Ivoire telles que celles des Libanais. La communauté libanaise a pu s'adapter à toutes les situations. Mieux, les hommes d'affaires libanais ont amélioré leur condition de vie économique et ont même tenu tête aux opérateurs économiques européens surtout français. Il paraît pour nous important de pénétrer dans le milieu de cette communauté afin de mieux cerner les origines de la réussite en affaires des Libanais en Côte d'Ivoire.

-objectif général

L'objectif principal de ce travail est de montrer le poids de la contribution de la communauté libanaise dans le développement économique de la Côte d'Ivoire. En d'autres termes, comment les Libanais ont-ils pu occuper une telle place dans l'économie ivoirienne? En somme, quelle est la place de la communauté libanaise dans le développement économique de la Côte d'Ivoire ? Quelle est la cause de leur succès et de leur expansion économique en Côte d'Ivoire ?

-objectifs spécifiques

De cet objectif principal dégagent plusieurs objectifs spécifiques. Il s'agit d'étudier le contexte de l'immigration libanaise, les actions socioculturelles et les relations avec les autres communautés. A cela il faut ajouter l'étude de la phase d'expansion, le dynamisme de leurs activités et enfin, le processus de diversification de leurs activités économiques.

-Hypothèses

Pour atteindre ces différents objectifs, nous partirons de ces hypothèses suivantes :

- l'installation des Libanais en Côte d'Ivoire répond en premier lieu à un souci humanitaire, mais au-delà économique ;

-à partir des années 1960, cette immigration prend un tournant économique du fait de la prospérité économique relative que connaît la Côte d'Ivoire par rapport aux autres pays de l'Afrique de l'Ouest. Cela est à mettre à l'actif des reformes et changements sur le plan politique qui sont intervenus au lendemain de l'indépendance et ont facilité les Libanais à s'approprier certaines activités économiques du pays. La décennie 1980 est une période faste pour les Libanais suite à l'effondrement des prix des matières premières sur le marché international.

4-Méthodologie

Pour mieux aborder cette étude, nous avons utilisé une approche méthodologique propre aux sciences sociales. Dans le cadre de ce travail, nous avons privilégié diverses sources en particulier les sources écrites et les sources orales.

Au niveau des sources orales, nous avons répertorié deux catégories d'enquêtés. Il y a d'abord c'est-à-dire les Libanais eux-mêmes. Ces derniers disposent des organismes qui peuvent fournir d'importantes informations sur leur communauté. Ce sont des organismes à caractère économique, social, religieux et culturel. Nous avons eu un entretien avec Monseigneur Menhem Morkos19(*) à la mission libanaise sacrée coeur d'Adjamé. Il est âgé de 68 ans. Il totalise plus de 30 ans en Afrique. Il a passé plus de 20 ans au Sénégal. Il est à 8ème années en Côte d'Ivoire. Ce prêtre nous a fourni des informations assez riches à travers l'entretien. Ces informations soulèvent à la fois des questions culturelles, religieuses et économiques. Cependant du fait de son statut de prêtre, il ne se sentait pas à l'aise quand il aborde des sujets d'ordre économique. Cependant, il soutient que la force des Libanais est liée à leur capacité d'adaptation à toute circonstance d'ordre culturel, social et économique.

Quant à Mademoiselle Rana Jaber, elle est l'assistante de direction à la chambre de commerce et d'industrie située à Marcory dans le supermarché Orca Deco. L'entretien réalisé avec cette dernière, soulève non seulement les questions d'immigration, de culture, traite également de façon profonde le volet économique d'autant que Rana s'occupe de l'enregistrement des entreprises depuis leur création. Plus, elle participe beaucoup aux séminaires portant sur le secteur privé. Elle est titulaire d'une maitrise en chimie. Les 2 personnes enquêtées sont unanimes que la force des Libanais à l'étranger est l'attachement à leurs us et coutumes essentiellement sur la religion musulmane et chrétienne.

L'autre groupe de personnes interviewées concerne essentiellement les personnes ayant en charge la gestion des structures ou institutions à caractère économique et politique. Au cours d'un entretien non directif, nous avons pu échanger avec Monsieur Yao Germain20(*) qui a livré des informations portant sur la stratégie des investissements économiques de cette communauté. Selon ce dernier, la question libanaise en Côte d'Ivoire revêt de l'engagement au travail et le gout du risque des Libanais. Cette réussite est liée également aux réformes économiques et la stabilité politique.

Nous avons interrogé Monsieur Ouattara Basile, âgé plus de 50 ans21(*). L'entretien relève que dans le cadre de l'attribution de la construction du marché aux opérateurs économiques, c'est la capacité de financement et le savoir-faire ont planché au côté la Société ivoirienne de concept et de gestion immobilière (Sicg). Toutes ces sources orales présentent des limites. Elles sont dépourvues de données chiffrées et souvent informations sont trop générales et moins approfondies.

Pour la recherche et la collecte des informations, nous avons été confrontés à toute sorte de difficultés. En effet, la première difficulté réside dans la réticence et le refus de ces membres de la communauté libanaise de nous de livrer les informations nécessaires pour la réalisation de cette étude. Quant aux Ivoiriens abordés, ils ont marqué une attitude désintéressée à la question libanaise.

  Concernant les sources, nous avons parcouru plusieurs centres de documentation et bibliothèques à Abidjan afin de disposer d'une documentation assez fournie et étoffée. Ces sources évoquent la question des ressources quand il s'agit des employés, les capitaux et des matières premières utilisées. De plus, elles abordent la notion de rendements lorsqu'il s'agit du chiffre d'affaires et de productions.

Il existe cependant de nombreuses difficultés de la recherche de ces sources écrites. Ces difficultés se rencontrent au niveau des institutions de développement. Ces structures en effet ne disposent pas d'études économiques qui classent les entreprises selon leurs différentes nationalités. Dans ce cas, il est difficile de distinguer la propriété d'une entreprise. Dans la forme, on aperçoit que telle entreprise est libanaise, or dans la pratique est ivoirienne. Cette difficulté est réelle car la plupart des opérateurs libanais ont déclaré leur entreprise en tant qu'Ivoirien.

Ce sujet sur l'histoire de la présence des Libanais dans l'économie de la Côte d'Ivoire s'inscrit dans le domaine de l'histoire économique. Cette histoire peut être considérée comme l'étude de faits de production et d'échanges dans le temps c'est-à-dire leur évolution. Elle est aussi une histoire des forces productives comprenant la main d'oeuvre, l'outillage, les matières premières agricoles et industrielles. Elle s'intéresse au commerce, aux prix des denrées ou marchandises, aux entreprises. Pour cette étude, on ne pouvait aborder la présence économique des Libanais en Côte d'Ivoire sans s'intéresser au commerce, et des activités qui riment avec le mode de ces derniers. La présence économique des Libanais porte essentiellement sur ces différentes activités. Mais s'en tenir à l'aspect économique seulement pourrait constituer un désavantage de notre travail. Car si la communauté libanaise est une force de production économique, son établissement en Côte d'Ivoire n'est point fortuite ou ex-nilo. C'est pourquoi il nous est apparu important dans notre démarche, au regard des sources exploitées, d'analyser aussi cette étude sur d'autres perspectives.

Ainsi, cette étude sur les Libanais de Côte d'Ivoire embrasse de nombreux domaines. En dehors de son caractère économique on note également la politique mise en place des plans et des différentes lois, l'éducation quand il s'agit du niveau de l'instruction des opérateurs libanais et leur formation, les problèmes sociaux liés à l'immigration et les rapports sociaux.

A travers cette étude, nous avons tenté de faire une étude chronologique de la présence économique de cette communauté par la mise en commun et le croisement des différentes approches. Partant de tous ces éléments, nous avons le plan suivant.

5-Plan de l'étude

Nous avons orienté ce travail sur trois parties. Dans la première partie, nous abordons la question de la position économique de cette communauté en Côte d'Ivoire au cours de la première décennie de l'indépendance. Mais pour mieux appréhender cet aspect, nous avons essayé de retracer l'histoire de l'immigration de cette communauté en direction de la Côte d'Ivoire. Ensuite, nous avons mis en relief les différentes activités économiques coloniales. Enfin, pendant la période de l'indépendance, les Libanais procèdent par la diversification en mettant en place des premières industries tout en consolidant leur position dans le commerce.

Dans la deuxième partie, nous abordons l'engagement total des Libanais dans l'industrie ivoirienne durant la période 1970-1980. Nous avons montré d'abord les raisons qui poussent cette communauté à abandonner le commerce de détail au profit de la grande distribution et des services. Cette phase marque la période de la consécration définitive des Libanais au développement des industries en Côte d'Ivoire.

Dans la troisième partie, nous montrons la question de l'investissement total de cette communauté libanaise dans la vie économique de la Côte d'Ivoire au cours de la période 1980. Les Libanais sont présents dans la plupart des secteurs d'activités économiques de la Côte d'Ivoire.

PREMIERE PARTIE

LA POSITION ECONOMIQUE DES LIBANAIS DANS LA PREMIERE DECENNIE DE L'INDEPENDANCE

Le rôle des Libanais dans l'économie ivoirienne se situe à deux niveaux. Nous avons d'abord la présence essentiellement commerciale. Ensuite, les Libanais s'intéressent à l'industrie qui est dominée par l'import substitution. Mais avant d'analyser cette position économique de ces derniers, nous nous intéresserons d'abord à la présence coloniale de cette communauté.

CHAPITRE I : LA SITUATION DES LIBANAIS EN CÔTE D'IVOIRE DE 1960 A 1970

La présence des Libanais en Côte d'Ivoire résulte de nombreuses circonstances sociales liées à l'histoire politique interne du Liban et de la Syrie. Dès leur arrivée en Côte d'Ivoire, les Libanais s'impliquent dans le tissu économique par le biais du commerce d'abord, avant de s'insérer dans le secteur industriel plus tard.

I-La présence des Libanais en Côte d'Ivoire pendant la colonisation

La présence coloniale libanaise est à première vue humanitaire. Mais, cela prend un tournant économique décisif à partir des années 1930. Elle devient très importante au début des années 1940.

A/ Les migrations libanaises en Côte d'Ivoire

L'installation de la communauté syro-libanaise en Côte d'Ivoire n'est guère fortuite. Elle est consécutive à plusieurs facteurs de nature tant politique que socio-économique. L'occupation des Libanais de la colonie de Côte d'Ivoire est à l'évolution de leurs activités économiques.

1-Le contexte de leur installation pendant la période coloniale

La présence libanaise en Côte d'Ivoire remonte à la colonisation française. Les migrations libanaises en Côte d'Ivoire se sont effectuées par vagues successives selon des circonstances qui ont plus ou moins marquée la vie politique, économique et sociale de cette communauté. Nous retenons deux courants migratoires. L'établissement des premières colonies libano-syriennes en Afrique essentiellement en Côte d'Ivoire remonte à la fin du XIXème et le début du XIXème siècle. Cette immigration libanaise provient de plusieurs facteurs. Il y a des causes politiques. En effet, depuis 4 siècles, le Liban est occupé par l'empire ottoman. Le Liban est divisé en 2 territoires sur la base religieuse en 1842 : le sud est le domaine des Maronites qui sont des chrétiens ; quant à la partie septentrionale, elle devient le pays des Druzes, essentiellement des musulmans de confession22(*). Cette partition du Liban conduit à un affrontement entre ces communautés confessionnelles en 1860. Les Druzes bénéficiant du soutien du sultan turc vainquirent les Maronites. Il s'ensuit alors le début de l'émigration en direction de l'Amérique. En plus, il y a l'oppression exercée par le Sultanat ottoman sur le Liban. Le sultan s'accapare des biens et richesses du pays. Cela constitue une source d'humiliation et l'instauration du service militaire forcé.23(*)

Au niveau social, les populations sont confrontées à d'énormes difficultés. Ces difficultés sont perceptibles au niveau du paysannat. En effet, les paysans sont exclus de la propriété du sol et sont exploités par les émirs et cheikhs qui composent la classe des seigneurs.24(*) En dehors de ces raisons politiques et sociales, il existe l'action des courtiers des compagnies de navigation européennes. Ces derniers employaient des méthodes peu subtiles afin de pouvoir convoyer les Libanais dans les pays de l'Amérique du Sud. Ils accordaient des facilités aux Libanais qui aspiraient aller à l'aventure pour un mieux être. Ces conditions alléchantes offertes par les courtiers européens étaient caractérisées par la prise totale en charge25(*). Selon l'Archevêque Morkos, ces avantages sont en réalité des farces, car le coût des voyages revenant plus cher que celui d'un voyage ordinaire.26(*) Pis les courtiers leur promettaient de les emmener en Amérique Latine. Cependant, après une escale dans les Ports de Marseille, les voyageurs Libanais se retrouvent dans les Antilles et en Afrique Occidentale27(*). C'est ainsi que apparurent les premières colonies libano-syrienne dans les années 1880. Ces premiers Libanais d'Afrique de l'Ouest étaient localisés au Sénégal et en Guinée. On enregistrait en 1897, 10 Libanais au Sénégal28(*). Ces Libanais qui arrivaient pour la première fois sur les côtes africaines pratiquaient le troc avec les peuples africains. Ils commerçaient avec les Africains les pacotilles, les spiritueux et bien d'autres produits contre les produits de traite notamment l'arachide et le caoutchouc.

En Côte d'Ivoire, les Libano-Syriens font leur apparition au début des années 1900. Cette présence libano-syrienne est disparate et négligeable. Les auteurs ne sont pas unanimes sur la date des premières immigrations libanaises en Côte d'Ivoire. Mais déjà, en 1900, on signale le séjour journalier de 19 Syriens en Côte d'Ivoire29(*). Pour certains auteurs comme Kipré Pierre, leur installation peut se situer avant 1900. Kipré note déjà en 1903 la présence d'un commerçant syrien du nom de Joseph Chaoul à l'intérieur de la Côte d'Ivoire précisément à Tiassalé. Ce dernier meurt quelques années après30(*). Par contre d'autres auteurs comme Salma Kojok, affirme que  les premiers Libanais de Côte d'Ivoire sont Saïd et Assaad Mansour. Originaires de Beyrouth, ils arrivèrent au Sénégal en 1907. Ils atteignent la Côte d'Ivoire en 1909 et mettent une maison de commerce à Aboisso.31(*) Henriette Dagri Diabaté et Léonard Kodjo sont catégoriques. Ils chiffrent la communauté libano-syrienne à seulement 2 représentants en 190832(*). Pour nous, l'arrivée des Libano-Syriens en Côte d'Ivoire peut remonter avant les années 1900.

En dehors de cette première colonie d'immigrés libanais, il existe un autre courant migratoire des Libanais qui arrivent en Côte d'Ivoire à partir de 1920. En 1920, nous sommes à la fin de la première guerre mondiale. La guerre de 1914-1918 entraine le déclin de l'empire ottoman et ses colonies laissées pour compte. C'est ainsi que la Société Des Nations à travers son pacte confie la tutelle des anciennes colonies de la Turquie et de l'Allemagne incapables de s'administrer elles-mêmes aux puissances coloniales européennes. La France présente au Moyen-Orient depuis la deuxième moitié du XIXème siècle devient la tutelle de la Syrie et du Liban.33(*) Elle unifie ces Etats afin d'asseoir efficacement sa politique d'administration. Ainsi, à partir de cette période, les Syriens et Libanais sont considérés comme citoyens français.

Cette vague migratoire est plus importante que la première. Plusieurs raisons expliquent cela. Il y a d'abord les facteurs économiques. En effet, la période 1920-1940 marque la phase des mises en exploitation du territoire et du développement des cultures d'exportation du café et du cacao dans la basse côte d'Ivoire. Le développement de ces cultures est l'une des raisons fondamentales de l'installation des Libanais en Côte d'Ivoire34(*). L'autre facteur est la réussite économique des Libanais. Ces derniers passent souvent des vacances dans leur pays et même expédient de l'argent à leurs parents restés au pays35(*). Cela est une raison de plus qui pousse les Libanais à immigrer en Côte d'Ivoire. Cela s'aperçoit en 1937 où après un séjour des Libanais au pays sont revenus au Sénégal avec 886 compatriotes36(*) dont 300 se sont installés en Côte d'Ivoire.37(*) Pis encore d'autres immigrants venaient en Afrique Occidentale pour soit rejoindre un parent, soit l'aider dans ses activités. Ainsi, La communauté libanaise de Côte d'Ivoire s'accroît au fur et à mesure que les activités économiques se développent. Alors comment les Libanais occupent-ils le territoire ivoirien?

2-L'évolution et la répartition de la communauté libanaise

L'établissement des Libanais en Côte d'Ivoire s'est effectué de manière progressive. La population libano-syrienne s'accroit à partir des années 1920. La communauté Libanaise de Côte d'Ivoire augmente chaque année. Forte de 56 membres en 1921, elle passe à plus de 835 personnes entre 1921 et 1940, soit une augmentation de 41 personnes par année. La croissance de la population s'accentue entre 1930 et 1940. La croissance se fait presqu'au double. Cela s'aperçoit nettement au cours de la période 1935-1940 où la communauté a triplé. Au niveau de sa composition, la population libanaise est dominée par les hommes. Ce nombre croissant d'hommes s'explique par le fait que les hommes sont plus tentés par l'aventure que les femmes. La proposition de femmes et d'enfants est pratiquement égale. Cela est perceptible entre 1929 et 1930. En effet, en 1929, les femmes et enfants étaient respectivement 17 et 19. Alors qu'en 1930, les femmes étaient 27 et les enfants sont au nombre de 26 (Tableau1).

Par ailleurs, pendant la colonisation, la Côte d'Ivoire abritait des communautés étrangères non françaises. Les Libanais sont plus nombreux que les autres communautés étrangères vivant en Côte d'Ivoire. Il s'agit entre autres des Anglais, des suisses, des Américains et Italiens. Cette importance démographique de la communauté s'aperçoit à travers le tableau 2. Les Libanais représentaient 73,7% de la population totale des communautés étrangères en 1937-38. En 1940, la communauté libano-syrienne occupe 22,5%38(*) de la population totale française en colonie de Côte d'Ivoire. Ainsi la communauté libanaise s'est considérablement accrue au cours entre 1920 et 1940. Elle s'est poursuivie jusqu'en 1960. Selon Elie Safa, cette croissance exponentielle de la communauté libanaise a atteint à la veille des indépendances plus de 2000 personnes.39(*)

Cependant, les Libanais de Côte d'Ivoire sont également inégalement répartis sur l'étendue du territoire. Les premiers immigrants Libanais en Côte d'Ivoire se concentraient sur les côtes comme leurs tuteurs français. Les premiers foyers libanais se localisaient ainsi dans les cercles de Grand-Bassam, Agneby, Lahou et lagunes. En 1926, sur une population de 71 membres, les cercles côtiers abritaient 70 Libanais, soit 98,59%. Alors que l'intérieur de la colonie ne comptait qu'un seul ressortissant syro-libanais qui résidait dans le cercle Baoulé. Le cercle de Bassam regorgeait la plus forte colonie libanaise, soit 83,09%.40(*) Les Libanais pénètrent l'intérieur de la Côte d'Ivoire à la faveur de la mise en place des infrastructures routières et du développement des cultures d'exportation.41(*)Ils s'installaient dans les villes de la basse côte à la recherche de produits de traite. A l'intérieur, les colonies libanaises sont perceptibles dans les centres commerciaux. Cependant les zones de fortes concentrations de populations libanaises restent toujours les villes côtières. La communauté libanaise s'accroit au rythme du développement des activités économiques en Côte d'Ivoire. L'installation des Libanais en Côte d'Ivoire obéit à une volonté économique.

Tableau n°1 de l'évolution de la population libanaise entre 1920 et 1940

Date

Population totale libanaise

Hommes

Femmes

Enfants

1921

2 et +

 
 
 

1923

56

 
 
 

1926

71

53

14

4

1929

183

147

17

19

1930

243

190

27

26

1931

148

 
 
 

1932

174

 
 
 

1933

250

181

32

37

1934

196

127

32

37

1935

322

 
 
 

1936

254

187

33

36

1937

588

 
 
 

1938

513

 
 
 

1939

678

 
 
 

1940

835

 
 
 

Conception N'GORAN Adolphe, informations tirée de Alain TIREFORT, op.cit., p64

Tableau n°2 de la population des communautés étrangères en Côte d'Ivoire en 1937-38

Nationalités

Effectif de la population

Libanais

513

Suisses

81

Anglais

35

Américains

32

Italiens

31

Total

692

Source : Salma KOJOK, op.cit., p73

B/ Une forte présence des Libanais dans l'économie coloniale de la Côte d'Ivoire

L'implication des Libanais dans l'économie ivoirienne commence depuis la colonisation. La principale activité économique de ces derniers est le commerce. Leur réussite dans ce secteur d'activité leur a permis de s'investir dans d'autres domaines économiques. Il s'agit entre autres du transport et des activités immobilières. Ils s'intéressent par la suite aux activités industrielles.

1-Le commerce, principale activité économique

Les Français sont les principaux artisans de l'économie ivoirienne pendant la période coloniale. Ce rôle prépondérant des Français révèle à travers la définition des programmes de développement et des maisons de commerce. A côté des Français, il y a également les Libanais dont la place dans l'économie ivoirienne n'est point moins importante. Ils sont d'abord commerçants. C'est au fil des années qu'ils diversifient leurs activités.

Pendant la période coloniale les maisons de commerce européennes, surtout françaises assuraient le contrôle du commerce en Côte d'Ivoire. En effet, elles sont présentes dans tous les échelons du commerce colonial. Ces maisons de commerce premièrement fixaient le prix des marchandises de toute origine. Elles assurent également l'approvisionnement des marchés en produits manufacturiers européens, l'achat des produits de traite des campagnes et une forte implication dans le fonctionnement des chambres consulaires. Ces maisons de commerce sont autrement la Compagnie Française de l'Afrique de l'Ouest (Cfao), dominée par des intérêts marseillais ; la Société Commerciale de l'Afrique de l'Ouest (Scoa) ; le groupe Unilever représenté par la CFCI. Chaque maison de commerce européenne dispose d'un comptoir central dans le chef-lieu de la colonie, ainsi que de comptoirs et de factoreries secondaires dans les villes et postes de l'intérieur.

A côté du circuit commercial des maisons commerciales, il existe le réseau commercial libanais. Ce réseau évolue selon est en rapport avec les courants migratoires libano-syriens et de l'importance des activités économiques. Les premiers Libano-Syriens en Afrique Occidentale étaient des colporteurs. Ces derniers pratiquaient le commerce de troc avec les Africains. « En 1897, les premiers Libanais aperçus sur les plages en Guinée et au Sénégal, échangeaient les pacotilles, les produits manufacturiers contre l'arachide et la kola »42(*). En Côte d'Ivoire, de même, les Libanais ont participé à ce commerce de troc avant l'apparition de la monnaie argent. On peut citer l'exemple de Chaoul établi à Tiassalé qui exerce le commerce de traite. En 1909, les deux Libanais installés à Aboisso, nommés Saïd et Assaad Mansoum créent une maison de commerce y participer au commerce de traite.43(*)

A partir de 1920, la présence libanaise dans le commerce prend une dimension importante. Les Libanais créent leurs boutiques souvent installées dans les périphéries des grands centres commerciaux. Ils pénètrent à l'intérieur de la Côte d'Ivoire à la recherche des produits de traite notamment le café, le cacao et la Kola. Ainsi, les commerçants libanais s'installent dans le cercle de Daloa bravent les obstacles climatiques et atteignent la « brousse »44(*), c'est-à-dire dans les villages et hameaux de produits de traite. Certains d'autres eux possèdent des épiceries dans ces localités reculées.45(*) Selon le prêtre Menhem Morkos, les Libanais « disposaient toutes les conditions nécessaires de survie dans les habitations»46(*). Il s'agit entre autres de jardins potagers, de boîte à pharmacie. De ces campagnes, les Libano-Syriens se livraient à un commerce à «double face«. Ils acheminaient les produits manufacturés vers les indigènes et les colons de brousse et assuraient l'achat des produits locaux bruts vers les villes. Ce commerce à double face occupe à 95,1% des Libano-Syriens de Côte d'Ivoire avant 194047(*). Cette forte implication de ces derniers dans le commerce de traite et leur grande mobilité est l'un des facteurs fondamentaux qui poussent les maisons de commerce européennes à s'attacher de leurs services. Bien avant la sollicitation des Libanais, les maisons de commerce employaient la main d'oeuvre locale composée essentiellement de Sénégalais, d'Apolloniens et de Dioula. Cependant, cette dernière était jugée moins rentable.

Ces compagnies commerciales européennes bénéficiaient de la main d'oeuvre des Européens. Elles estimaient que cette main d'oeuvre européenne était onéreuse et moins rentable. Elles ont recours aux Libanais pour servir de sous-traitants ou intermédiaires dans l'acheminement facile des produits manufacturés vers les centres commerciaux de l'intérieur et l'achat des produits de traite destinés à l'exportation.48(*) Les Libano-Syriens disposaient d'un circuit commercial relativement performant à celui des traitants européens et africains. Les Libanais contrôlaient dans les contrées et hameaux situés hors des mailles du réseau des comptoirs européens. Premièrement, les Libanais n'hésitaient pas à entrer directement en contact avec les villages pour y acheter tous les produits d'exportation y compris la kola ou le beurre de karité. Ils manifestent un intérêt particulier au quotidien des africains. Ils payaient souvent l'impôt de capitation des Africains bien avant même les périodes de traite. Par ailleurs, ils accordaient des avances sur achats ou prêts aux paysans. Il existe un réseau de solidarité entre les marchands libano-syriens qui permettait d'aider ceux d'entre eux qui pouvaient défaillants vis-à-vis des grandes compagnies.49(*)

Ainsi, le goût du risque, l'attention particulière à l'endroit des paysans africains et l'entraide des membres de la communauté permettent aux Libanais de réaliser de bonnes affaires dans le commerce. A partir des années 1930, Ils deviennent incontournables dans ce secteur d'activité. Désormais, ces derniers sont propriétaires d'importantes factoreries que celles de commerçants individuels européens et souvent concurrentes directes des grandes compagnies commerciales. De ce fait, les maisons de commerce ont organisé la ruine de nombreux libano-syriens en les empêchant d'obtenir des crédits. « Le Libanais qui s'adresse directement au fabricant, qui obtient de lui un crédit souvent considérable, la mise à bord de la marchandise

Cette réussite brise la grande confiance qui existait entre la communauté libanaise et les Européens surtout les Français. En effet, les Européens avec à leur tête les chambres consulaires en particulier la chambre manifestent une haine contre les Libano-Syriens50(*). D'ailleurs les Libanais ne sont guère admis sur les différentes listes des élections de la Chambre malgré la force économique dont ils représentent. Les colons justifient cette situation par le fait que les Libanais sont « simplement des protégés français et non des sujets» et donc ne peuvent jouir des mêmes droits qu'eux et les sujets français.51(*) Alors que toutes les composantes du commerce y étaient représentées à savoir les compagnies de commerce, les grossistes individuels, les demi-grossistes et même les détaillants.

Les Libanais sont objets de toute sorte d'accusation. Au niveau de l'hygiène, ils sont accusés d'hommes sans aucune règle d'hygiène. C'est pourquoi «les mêmes règles d'hygiène en pays tropicaux » imposées aux Français leur ont été également soumises. Plus grave encore les commerces libanais ont été interdits d'ouverture les jours de fête et les nuits52(*). Pis, ils sont accusés de fraudeurs à cause de leur subtilité. Ils contournaient le circuit légal en commerçant avec les colonies voisines surtout la Gold Coast c'est-à-dire le Ghana actuel, et le Libéria. Selon Pierre Kipré, ils tirent partie de contrebande des produits avec les pays frontaliers pendant la Seconde Guerre Mondiale. Cela accentue le climat de méfiance qui existait entre les citoyens français et leurs« sujets« syriens et libanais qui n'était pas au beau fixe dans les années 193053(*).

A la veille de la Seconde Guerre Mondiale, la métropole fit appel aux colonies pour l'effort de guerre. Cela suscite la mobilisation générale aussi bien des colons que des indigènes. Si la mobilisation des seconds ne pose pas de graves problèmes, il n'en est pas de même intérêt pour les Européens en particulier les Français dans la colonie. En effet, ils sont à la tête de grandes et petites maisons de commerce, des exploitations agricoles et forestières. En somme, l'économie du territoire est entre leurs maisons. Avec de tels avantages dont on ne veut se séparer, une question se pose de façon angoissante à chacun d'eux.54(*) Ce départ potentiel de ces derniers au front en métropole profiterait aux étrangers en l'occurrence les Libanais. Ceci suscite une fois de plus la crainte de la Chambre de commerce qui s'associe aux présidents des Assemblées consulaires de l'AOF afin de faire d'appliquer dans les colonies les mesures prises à l'égard des étrangers dans la métropole. En France, le décret du 12 novembre 1938 stipule tout étranger pour bénéficier de la carte de commerçant doit justifier l'acquisition ou l'établissement d'un commerce ou d'une industrie sur le territoire français après une enquête de moralité. Pour la Chambre de commerce, ces étrangers ne pouvaient être que les Libanais. Son ambition est de briser l'ascension de ces derniers afin de sauvegarder les intérêts nationaux.55(*) Elle fomente plusieurs motions contre cette communauté auprès de l'Administration coloniale. Parmi ces motions, nous pouvons prendre celle de 1939 qui invite le gouverneur général de la colonie de l'éliminer du commerce de la Côte d'Ivoire56(*).

En dehors de la Chambre de commerce comme moyen de briser l'émergence des Libanais, existait une certaine presse européenne qui menait également une mauvaise campagne médiatique des Européens contre ces derniers. En effet, Bernard Dadié ne montre pas seulement que le monopole syro-libanais du commerce intérieur dans ses écrits, mais aussi invite les Africains à prendre conscience de la vente de leurs articles  à bas prix : « le Français, maître politique du pays, partageait son économie avec le Levantin. Après avoir monopolisé tout le commerce intérieur et extérieur, il avait fait du Levantin son associé. Le Blanc vendait au Levantin grossiste ; le Levantin demi-grossiste cédait à crédit aux Levantins demi-grossistes ; le Levantin demi-grossiste débitait au Levantin détaillant chez lequel s'approvisionnait plus fréquemment le nègre consommateur qui mettait en gages des bijoux de famille »57(*).

La place de la communauté libanaise dans le commerce était moins importante avant les années 1930. La proportion syro-libanaise s'est accrue à la veille des indépendances. Elle est évaluée à environ 650 factoreries58(*). Les investissements libanais à la fin de la colonisation ont nettement augmenté à cet effet. Cela donne un aperçu de l'essor de cette communauté.

Outre le commerce, Libanais sont aussi producteurs des cultures agricoles commerciales. Ces derniers initialement acheteurs de ces produits disposent des plantations dans les différentes zones productrices. Parmi ces producteurs syro-libanais, nous pouvons prendre l'exemple de Khalil Sabeh. Ce Syrien est à la fois commerçant et planteur installé à Oumé. Selon Raymond Gauthereau, il possédait deux plantations de café et kola.59(*)

En dehors de ces activités, les Libanais ont également investi dans le transport et le logement. Le transport en commun dans la colonie de Côte d'Ivoire a été développé par les Libanais. En effet, ce moyen de déplacement est entré dans les habitudes des populations ivoiriennes dans les années 1920. Ceci à la faveur du développement des infrastructures routières60(*). Les automobiles sont utilisées pour le convoyage des marchandises  et le transport des personnes à longue distance. Ils permettaient les liaisons des centres urbains et les campagnes. Le contact entre les peuples devient très facile grâce aux automobiles. Les Libanais recevaient des camions essentiellement de marque Ford de la CFAO principale entreprise importatrice de véhicules en Afrique Occidentale Française61(*).

Les Libanais ont contribué à l'abandon progressif du système du portage et du colportage. Ils concourraient ainsi à alléger le fardeau de la population locale qui chargeait des produits sur la tête et portaient les Administrateurs dans les hamacs. Ils sillonnaient toute la colonie à la recherche de produits de traite et à la distribution des marchandises européennes à l'intérieur. Le secteur était presqu'entièrement levantin jusqu'en 1930. Ce sont les grandes familles syriennes et libanaises installées à Grand-Bassam qui dominaient cette activité en progrès.

Aussi, les Libanais s'impliquent-ils dans la construction immobilière. Leur introduction dans ce domaine est non seulement tardive, mais également modeste. Elle s'est réellement matérialisée qu'à partir de 1937 où apparaissent les maisons en durs après le décret du Gouverneur Général de l'AOF62(*). La majorité des constructions appartiennent aux maisons de commerce européennes avant 1940. Les propriétés des commerçants particuliers Européens et Libanais sont moins importantes. Cependant, avec la reprise des activités économiques à la veille de l'indépendance, on observe un nombre croissant des ressortissants libanais ayant acquis un logement. Ces propriétés sont mises pour la plupart en bail. Ainsi, les propriétaires immobiliers libanais sont estimés à environ 300. Ces derniers bénéficient d'un revenu annuel global de 0,9 milliard de francs CFA62(*). Ils représentaient un tiers des devises de cette activité.

Enfin, les Libanais disposent des ateliers de l'artisanat et de petites industries. Ce secteur est à l'état embryonnaire. Elles sont essentiellement dominées par la panification artisanale. La panification est par définition l'ensemble des activités qui rentrent dans la fabrication du pain. Les boulangeries selon Samir Amin, représentaient entre 1958 et 1960 la moitié de la production des grains et de la farine. Le poids européens est très important car les productions sont presque toutes européennes. Toutefois la part des Libanais dans ce secteur ne demeure pas moins significative. Les Libanais ont par ailleurs des ateliers de menuiseries, mécaniques et de carrosserie. Cet engagement des Libanais dans l'économie ivoirienne leur permet de contribuer au développement des relations commerciales entre leurs pays et la Côte d' Ivoire.

2-Une place de choix parmi les partenaires commerciaux de la Côte d'Ivoire

La Côte d'Ivoire a participé au commerce international pendant la colonisation. Elle offrait les produits de traite dont les plus importants sont le café, le cacao, les billes de bois, le caoutchouc et bien d'autres marchandises. Elle importait à son tour les produits de la manufacture tels que les tissus, les objets d'imprimerie, métalliques et plastiques, les médicaments pharmaceutiques et bien d'autres produits. Ce commerce extérieur est également dominé par les compagnies commerciales européennes surtout françaises. Cependant, l'omniprésence de l'Europe va s'effriter vers la fin du système colonial. On observe la percée fulgurante de certains pays non membres de l'Organisation de Coopération et de Développement Économique  à la faveur de la mise en exploitation du Port d'Abidjan et à la veille de l'indépendance. Il s'agit de l'ex URSS, de la Yougoslavie, du Brésil, du Liban et bien d'autres pays. Le Liban occupe la neuvième place. Les exportations de la Côte d'Ivoire en direction du Liban sont évaluées à dix millions Francs CFA quant aux importations, elles se chiffrent à onze millions en 195963(*) (tableau n°3). Les exportations sont supérieures par rapport aux importations. Les exportations ivoiriennes en direction du Liban concernent notamment les billes de bois, le caoutchouc  et bien d'autres produits.

Quant aux importations, elles concernent généralement les besoins vestimentaires et alimentaires des ressortissants présents en Afrique de l'Ouest. Il s'agit le tissus, les soies, les mousselines et les aliments de mets du Moyen-Orient64(*). Ces produits importés des Libanais soutient Pascal Konan, non seulement étaient de bonne qualité, les Libanais pratiquaient des prix abordables. Cette stratégie portait un coup sur le rendement des sociétés de commerce européennes.65(*)

Leur ouverture sur l'extérieur est purement mercantile. Pour faciliter davantage les échanges entre l'Afrique et le monde, les Libanais ont créé en 1947 une entreprise d'import-export d'envergure internationale, le Groupe 3H66(*). Cette entreprise de Georges Haddad est implantée en Afrique ainsi qu'en Europe. Non seulement, elle concourt à la facilitation des échanges entre l'Afrique et l'extérieur, mais encore permet la diversification des clients commerciaux de l'Afrique. Georges Haddad entendait garantir à l'Afrique généralement et en particulier la Côte d'Ivoire une place privilégiée. Les transactions du groupe portent beaucoup sur des denrées alimentaires, vêtements, chaussures et bien d'autres articles fabriqués dans les pays du Nord de l'Europe à destination de l'Afrique, en particulier de la Côte Ouest, zone de prédilection de 3H.67(*)

Dans l'ensemble, les Libanais ont joué un rôle important dans l'économie coloniale de la Côte d'Ivoire. Ils ont été dans tous les compartiments de cette économie. Grâce à eux, les populations ivoiriennes se sont départies en partie de certaines pratiques économiques basées sur les liens de tribus et d'ethnies pour s'engager dans la modernité.

L'intégration économique de la communauté libanaise n'a pu se réaliser sans des bons rapports sociaux entre les autres communautés établies en colonie de Côte d'Ivoire. La nature des relations se différencie selon les races et les intérêts. En effet, entre la communauté libanaise et européenne, il existe un rapport d'opposition. Les Européens surtout les Français considèrent la réussite en affaires des Libanais comme une menace pour leurs intérêts économiques.

Par contre, les rapports entre les Libanais et les Africains étaient des relations d'amitié et d'entraides. Ces relations se perçoivent par la construction de la première école primaire catholique en 1954 à Adjamé. Cette école est composée d'un dispensaire dont les soins étaient quasiment gratuits67(*). Ces rapports facilitaient les échanges commerciaux. L'intégration des Libanais a été facile grâce à la capacité d'adaptation aux coutumes et us des Africains. Les Libanais apprennent les langues africaines, vivent avec les Africains dans les centres de production et les villages. Par ailleurs, ils servent de truchement entre les compagnies commerciales et les Ivoiriens.

Les Libanais ont été un acteur essentiel dans l'économie coloniale de la Côte d'Ivoire. Ils ont contribué en partie à l'intégration des peuples au commerce de traite. Cette présence se poursuit pendant la première décennie de l'indépendance dans le commerce et l'industrie.

II-Le début de la diversification des activités économiques de la communauté libanaise entre 1960 et 1970

L'année 1960 marque l'accession de la Côte d'Ivoire à l'indépendance et la mise en place des différentes réformes économiques. Les Libanais présents dans l'économie coloniale de la Côte d'Ivoire prennent part à cette construction économique. Ils procèdent à la modernisation, la mise en oeuvre de nouveaux de commerces et à la construction de quelques industries dans la première décennie de l'indépendance.

A / La situation du commerce en 1960

En 1960, le commerce ivoirien est toujours caractérisé par la prédominance des européens. Cette domination européenne s'exerce par les compagnies commerciales. Cependant, l'on observe une certaine percée de la communauté libanaise qui tente de bouleverser cette hégémonie européenne. Quant aux Ivoiriens, ils marquent un désintéressement à l'égard de cette activité.

1-La position dominante des Européens

Le colonisateur a introduit des nouvelles pratiques dans l'activité commerciale telle que les banques et les produits manufacturiers. L'Administration coloniale dans sa politique d'exploitation du territoire ivoirien a favorisé les intérêts français.

C'est ainsi qu'on a assisté à l'afflux des compagnies commerciales européennes vers la colonie ivoirienne. Celles-ci disposant des grands comptoirs dans les grands pôles économiques du pays. Ces comptoirs acheminaient les marchandises vers les campagnes. Ainsi, les échanges des produits africains contre ceux de l'Europe étaient facilités par l'intermédiaire surtout des Libanais. Les Européens continuent s'impliquer dans les branches de ce domaine. Les entreprises commerciales ont assuré le monopôle de ce secteur. Cette domination européenne se poursuit jusqu'en 1960. En effet, les Européens disposent toujours de leur mainmise sur la Chambre de commerce pendant la période de l'après indépendance. La Chambre de commerce créée en 1908 garde encore ses dispositions jusqu'en 1960. C'est seulement en 1964 que l'État ivoirien a entamé la première reforme de cette institution économique. Bien avant cette réforme, le gouvernement ivoirien a mis en place le conseil économique et social en 196168(*). Cette institution constitue auprès des pouvoirs publics une assemblée consultative comme la chambre de commerce. Cependant, elle est un organe qui intervient dans tous les domaines de l'activité économique et sociale et même dans celui de la chambre de commerce. Cependant, Les élections de 1965 confirment l'omniprésence des Européens dans cette institution. En effet, elle est toujours dirigée par un coopérant français, Masseye Lambert69(*).

De plus, les compagnies commerciales européennes disposent encore des comptoirs dans le pays. C'est le cas de la Cfao et de la Scoa qui sont maîtres du commerce. Les Européens assurent toujours le contrôle des exportations des matières premières du pays. La Cfao est toujours présente dans ce commerce postcolonial. La Cfao a apparemment échappé aux bouleversements et aux super concentrations de la fin des années soixante. Bien qu'elle ait entrepris dès 1960 de créer en France un secteur de repli dans les activités liées à celles qu'elle exerce en Afrique : elle a développé un commerce de distribution comprenant 181 succursales dont les supérettes et 16 supermarchés de plus 1700 m² de superficie ; la Cfao continue à développer ses affaires africaines notamment en Côte d'Ivoire. Son implantation africaine représentait 72,5% de ses activités mais, tend à prendre une part relative de plus en plus grande dans le chiffre d'affaires de la société (36% du chiffre d'affaires) entre 1973 et 1974.70(*)

En dehors des maisons commerciales, les Européens mettent en place des grandes entreprises d'import-export qui bénéficient des financements des banques européennes surtout françaises basées en Côte d'ivoire. On peut citer entre autres. Alors que le 14 octobre 1954, furent créées des caisses de stabilisation71(*) dans les États francophones d'Afrique. Ce décret fut applicable à la Côte d'Ivoire en septembre 1955, avec la création de deux séparées pour l'une pour le café et pour le cacao. L'Administration du Territoire en mettant en place ces deux structures de l'économie de traite envisageait ravir la filière aux privés. Cependant cela ne fut pas le cas, même si ces deux seront fusionnées quelques années pour naissance à la Caisse de stabilisation. Le poids de l'Europe se fait toujours sentir dans le commerce ivoirien. Si les Européens sont très dynamiques dans le commerce, ce n'est pas le cas des Ivoiriens qui n'ont pas encore embrassé ce métier.

2-Le désintéressement des ivoiriens du commerce

La population ivoirienne a une origine diverse. Malgré sa diversité, elle se partage un seul véritable trait commun qui est le travail de la terre. En effet, la terre est une propriété communautaire. C'est de la terre que les populations tirent leurs ressources de subsistance. Les fruits tirés du sol appartiennent à toute la communauté et non à la commercialisation. Ainsi, en dehors des Malinké appelés communément Dioula qui étaient dans le commerce transsaharien, toute la population ivoirienne est essentiellement attachée à l'agriculture. Ces Dioula vont s'insérer dans le commerce de traite et de la manufacture. Ils étaient moins lotis car les Libanais intervenaient entre eux et les Européens. La maison française de commerce de Kong (NCFK) qui était la seule entreprise commerciale dans laquelle les Ivoiriens étaient beaucoup impliqués.72(*) Cette structure commerciale s'est fortement engagée dans ces échanges coloniaux dans la partie nord de la Côte d'Ivoire.

Les Ivoiriens ne sont toujours pas impliqués dans cette activité au lendemain de l'indépendance. Cela est justifié lors des élections de la Chambre de Commerce. En effet, « en 1964, il y a un seul ivoirien sur 68 représentants d'entreprises réalisant plus de 500 millions Francs CFA de chiffres d'affaire, 11 Ivoiriens sur 179 représentants celles de 100 à 500 millions Francs CFA73(*) ». Le poids très infirme des Ivoiriens prouve largement leur désintéressement à l'endroit de cette activité. Ce manque d'égard à cette entreprise peut également s'expliquer par l'absence de politique de promotion de la part de l'État et l'insuffisance de ressources financières des Ivoiriens désireux d'exercer cette activité. Cette attitude s'observe également dans l'activité industrielle.

B/Les caractéristiques de la diversification des activités commerciales des Libanais

Présents dans le commerce colonial aux côtés des Européens, les propriétés commerciales des Libanais prennent une ascendance entre 1960 et 1970. Ils innovent leurs commerces. Ils modernisent leurs boutiques. Les Libanais mettent en place des magasins et supermarchés et des entreprises commerciales d'import-export.

1-La création des magasins et supermarchés dans le pays

Les Français ont été au coeur de l'économie coloniale de la Côte d'Ivoire. A côté d'eux, l'on note la présence non moins importante des Libanais. Cette présence s'est fortement renforcée dans la première décennie de l'indépendance. Ils diversifient leurs activités. A partir de 1960, les Libanais vont mettre en place des supermarchés et magasins à Abidjan et même à l'intérieur du pays. Ils envisagent contrôler le commerce moderne. C'est ainsi que l'on observe la mise en place de commerce de haut standing dont le supermarché Nour al Hayat en 1966 au Plateau. Ce commerce de moyenne surface est le premier supermarché du groupe Prosuma (Société ivoirienne de promotion des supermarchés). Il emploie 41 personnes74(*). A l'intérieur du pays, de nombreux négociants libanais ont établis de vastes circuits commerciaux. A Bouaké, les Levantins ont presque le contrôle du commerce de cette localité. En effet, ils interviennent dans toutes les étapes de la commercialisation des denrées quelques soit leur nature. Au début des années 1960, les entreprises libanaises selon Jean Binet75(*), interviennent dans les demi-gros et le détail. On en dénombre 16 dans le demi-gros et 23 dans le détail. Si les entreprises européennes continuent d'être dans les circuits des échanges, cependant au niveau du demi-gros et du détail, la proportion européenne est moins importante que celles des Libanais. Entre 1960 et 1970, la proportion des Libanais dans cette activité s'accroit. L'on enregistrait plus de 2000 points de vente dans le demi-gros pendant cette période sur toute l'étendue du territoire national76(*). Par ailleurs, les Africains prolifèrent dans des petites boutiques des marchés et des villages. Ces négociants africains sont essentiellement d'ethnies Malinkés en nombre inférieur et des ressortissants de l'Afrique de l'Ouest. Ce sont entre autres les Maliens, Guinéens77(*). Les boutiques sont très nombreuses. En plus, les Levantins créent de nombreuses entreprises d'import-export en vue de participer activement dans le commerce extérieur de la Côte d'Ivoire.

2-la création d'importantes entreprises d'import-export

Les Libanais disposent de nombreuses entreprises qui interviennent dans les échanges de la Côte d'Ivoire. Les Libanais sont fortement dans les exportations des matières premières agricoles. Les entreprises exportatrices libanaises commercialisent certains produits de base du pays dont les plus dominants sont le cacao et le café. Parmi ces entreprises, on peut citer l'Etablissement Borro Frères créé en 1969. Cette entreprise familiale a un capital estimé à plus de 20 millions de francs CFA. Elle emploie 14 personnes dont 9 Ivoiriens. 80% de ses activités sont consacrées à l'exportation de 1200 tonnes du café et du cacao d'origine ivoirienne et 20 à l'importation de matériel de bureaux, moquettes, revêtement mural d'origine européenne et américaine. Cette entreprise des Frères Borro Issam et Faouzi réalise un chiffre d'affaire annuel 7, 42 milliards de francs CFA dont 7, 2 milliards CFA pour l'exportation du café et café, et 220 millions de CFA pour la commercialisation de moquettes78(*) Mais bien avant, il existe en 1958 Eburnéa dont le promoteur est le Libanais Balloul Jaïs. 99% des activités sont consacrées à l'exportation du cacao en fèves et du café79(*). Ces exportateurs disposent des circuits très fluides non seulement dans la collecte du bord champ par le biais des magasiniers et des pisteurs, mais aussi des partenaires commerciaux de l'extérieur, c'est-à-dire les pays membres de la Communauté Européenne et bien d'autres pays d'Europe et d'Asie. Mieux le Liban fait partie des partenaires commerciaux de la Côte d'Ivoire. En effet, il est un pays importateur de café et cacao. Au cours de la période 1967-1969, les importations libanaises s'estimaient à 283 millions de Francs CFA, soit 0,26% de la totalité des exportations ivoiriennes de café et de cacao.80(*) En outre, les Libanais participent aux importations des véhicules et de pièces de rechange des pays membres de la Communauté européenne particulièrement de la France, du Royaume-Uni. On peut citer par exemple l'entreprise Farhat Frères. Cette entreprise importatrice fut créée en 1967 par la famille Farhat. Elle dispose d'un capital de 400 millions Francs CFA. Elle emploie plus 235 personnes. Elle assure l'importation de camions Ebro, voitures, motos, de génératrices Honda et des produits et électroménagers. Elle représente les marques telles que Honda, Ebro, Fedders, Pioner, Best Corporation, Casio et bien d'autres marques. 81(*)Ces produits sont entre autres les tissus, les pagnes, les appareils électroménagers. Ainsi, les Libanais sont entreprenants dans le commerce moderne. Les Européens quant à eux abandonnent progressivement leurs magasins de l'intérieur du pays et s'investissent leurs capitaux dans l'industrie

3-Le retrait progressif des maisons de commerces européennes de l'intérieur du pays

La prospérité des affaires suscite la migration croissante des populations ouest africaines et des Libanais en Côte d'Ivoire. Ces dernières s'insèrent dans le commerce. Par ailleurs, les Européens qui ont fait fortune dans le négoce colonial investissent dans les différents secteurs de l'industrie ivoirienne. De ce fait, ils abandonnent progressivement le commerce au profit des investissements lourds jugés plus promoteurs. Ces investissements étrangers ont été possibles grâce à l'adoption dès 1959 du code d'investissement. Le gouvernement a accordé des faveurs aux investisseurs privés surtout étrangers.

La Côte d'Ivoire a opté pour ce choix économique afin de prendre une avance de développement sur les autres pays du tiers monde. En effet, cet appel aux capitaux étrangers permet de créer des richesses à travers la mise en place des industries et de disposer d'importantes aides publiques financières pour la réalisation des infrastructures.82(*) A cette période, Abidjan et ses banlieues connaissent un boom économique à contrario de l'intérieur du pays. Les maisons de commerce se retirent de l'intérieur en se concentrant ainsi à Abidjan et d'autres se créent encore au lendemain de l'indépendance.

A partir de 1980, il n'existe presque plus de maisons de commerce en Côte d'Ivoire à l'intérieur du pays. Les compagnies européennes telles que la CFAO ne réalise plus en Afrique au sud du Sahara et particulièrement en Côte d'Ivoire que 30 % de son chiffre d'affaire et toutes les activités ont été filialisées pour permettre de fermer ou de vendre les branches les moins intéressantes. Elles abandonnent ainsi en Côte d'Ivoire le commerce de traite et des produits manufacturiers pour investir dans la distribution de l'automobile, des produits pharmaceutiques et micro-informatique83(*). Les Européens laissent ce secteur aux Libanais et aux ressortissants de l'Afrique de l'Ouest.

Les Libanais ont joué un rôle important aussi bien dans le commerce colonial que celui de la première décennie de l'indépendance. Pendant la colonisation, ils ont été actifs dans le commerce des matières premières agricoles, et ont oeuvré également à l'instauration du transport terrestre. Quant au poids économique de ces derniers dans le commerce post colonial, il se détermine par la mise en place des magasins, des supermarchés et des entreprises commerciales. Les Libanais participent également au développement industriel de la Côte d'Ivoire.

CHAPITRE II : UNE FORTE IMPLICATION DES LIBANAIS DANS L'INDUSTRIE DE LA COTE D'IVOIRE ENTRE 1960 ET 1970

Les Libanais ne sont pas seulement commerçants. Ils sont également industriels. Les Libanais s'impliquent dans la mise en place de l'industrie ivoirienne. Ils s'intéressent d'abord aux industries agroalimentaires. Ensuite, les Libanais créent des industries de bonneterie et des industries de la foresterie. Enfin, ces derniers construisent des entreprises de la transformation des métaux et des produits chimiques.

I/ Une place importante des Libanais dans le développement des industries d'import-substitution

La présence libanaise dans les industries de la Côte d'Ivoire est caractérisée par un intérêt capital accordé aux industries d'import-substitution. Les Libanais importent des produits semi-finis avant de les transformer. Ces industries sont dominées par celles de l'agroalimentaire, de la bonneterie et du bois.

A/ La Prédominance des industries agroalimentaires

La présence des Libanais dans l'industrie ivoirienne est connue de tous. Cette présence se perçoit efficacement au niveau des industries agroalimentaires. Les industriels investissent d'abord dans les industries de la transformation des grains et de la farine. Ensuite, les Libanais s'intéressent aux industries laitières.

1-L'émergence des industries de grains et de la farine

Au lendemain de l'indépendance, la Côte d'Ivoire ne dispose pas d'une industrie moderne. Tous les ateliers de fabrication sont en grande partie artisanaux. Face à cette situation, l'État met en oeuvre la politique de développement des industries de substitution. Ne disposant pas encore d'industries lourdes, elle s'offre les services des unités européennes singulièrement françaises pour approvisionner ses entreprises nouvellement créées en produits semi-finis. Ces entreprises à capital sont dominées par les industries agroalimentaires.

Les Libanais établis en Côte d'ivoire depuis un demi-siècle ne sont pas en reste. Ils accompagnent l'État dans ce dynamisme de développement industriel. Ils investissent dans la quasi-totalité des branches industrielles à l'exception des secteurs de l'eau et de l'électricité qui sont dévolus à l'État. Les Libanais s'engagent d'abord dans le développement de l'industrie agroalimentaire notamment dans la transformation des grains en farine. Le poids des Libanais est assez important. Selon, le bilan de la Chambre d'Industrie de Côte d'Ivoire en 1970, les Libanais possèdent 29 entreprises de boulangeries sur 7384(*). En plus Ces boulangeries sont installées sur l'entièreté du territoire et emploient environ 8 personnes. Elles disposent d'au moins 3 Fours. Elles produisent non seulement le pain et ses dérivés, mais également se chargent de sa commercialisation. Généralement, elles disposent d'un réseau de distribution du pain depuis la zone de production jusqu'au consommateur des hameaux les plus reculés. Le pain est transporté sur les longues distances par les guimbardes appelées communément « bâchées » ou à l'aide de mobylettes, de vélo et de charrettes pour les petites distances. En ville, le pain se livre dans les boutiques et les dépôts situés au bord du marché et des rues. Par ailleurs, ils développent le travail de grain. A cet effet, fut créée en 1966, la Société Ivoirienne de Développement Industriel de Mahomedali Sidi Mahatali qui produit la farine de maïs85(*). Ainsi, les Libanais contribuent à l'émergence des industries de grains et de farine en Côte d'Ivoire. Ils interviennent également dans l'industrie laitière et de confiserie.

2-Une place de choix dans l'industrie laitière et de confiserie

L'introduction des unités de la fabrication des produits laitiers et de confiserie en Côte d'Ivoire est purement libanaise. En effet, avant les indépendances, cette branche industrielle était fortement dominée par les importations. Il existe 6 principales entreprises qui sont «Mont Blanc«, «Oria«, «Saprolait«,«Yaourt Baoulé« et enfin Ivoirlait. Ivoirlait créée en 1969, appartient au groupe Abinader & Fils. Ivoirlait tout comme les autres entreprises dispose d'une taille assez petite, car elles ont chacune un capital social de 25 millions de francs CFA et 20 employés.86(*) En dehors de Ivoirlait, les Libanais créent d'autres entreprises laitières et de confiserie. Il s'agit de la création en 1963 avec la création de Bestlait. Bestlait conditionnait des laits en poudre en provenance de l'Europe singulièrement du Danemark. Cependant ses rendements demeurent toujours faibles87(*). L'on note l'apparition plus tard d'Afrilait plus tard en 1966 accroît les productions. Ces entreprises sont généralement de taille réduite, mais ont une gamme de produits de qualité.

Quant au secteur de la confiserie qui est le domaine non seulement de la fabrication, mais également de la commercialisation des fruits, des sucreries, des friandises, des bonbons des chewing-gums, est dominée par le groupe industriel Abinader.S.A. Elle fut mise en place en 1963 se localise dans la zone industrielle de Vridi. La présidence du conseil d'Administration de cette entreprise est assurée par Abinader Antoine, quant à la direction générale est confiée à son fils Roger Abinader. Cet établissement de la famille Abinader dispose d'un capital de 100 millions de Francs CFA. Abinader.S.A emploie plus de 120 personnes88(*).

Les opérateurs économiques libanais participent également à l'essor des brasseries en Côte d'Ivoire. A ce titre, il y a l'Industrie Réunie de l'Afrique Noire (Iran) créée en 1966. Elle dispose d'un capital de 120 millions de Francs CFA et emploie 116 salariés dont 91 sont Ivoiriens. Elle réalise un chiffre d'affaires de 501, 621 millions de Francs CFA dont 80% en Côte d'Ivoire et 20% en Afrique. Elle produit annuellement 589 233casiers de 24 bouteilles de 36 centilitres dont 577233 vendues en Côte d'Ivoire et 12 mille destinées à l'exportation. En plus de la boisson gazeuse, Iran des frères Farhat fabrique des bougies. Pour ce produit, ces capacités annuelles sont évaluées à 47075 bougies dont 34 619 destinées au marché ivoirien et 12456 affectées à l'exportation89(*). Or les brasseries étaient dévolues à l'État et des grands industriels. Les établissements méritent d'être qualifiés industriels car le chiffre d'affaires des confiseries étaient encore faible90(*). Les Libanais ont joué un rôle important dans la mise en place des industries de transformation agroalimentaire.

B/ Une position importante dans l'industrie textile et du bois

La présence libanaise dans l'industrie ivoirienne ne se limite pas seulement aux industries agroalimentaires. Cette présence levantine dans l'industrie est plurielle. On les retrouve en effet dans les industries textiles et de la foresterie. Ils ont jouent un rôle important dans ces deux branches industrielles. Ils ont créé d'importantes entreprises qui permettent de percevoir leur position dans ces différentes branches.

1-La création de la Société Africaine de bonneterie (Sab)

Les Libanais sont très présents dans le secteur de l'habillement. Ils importent les tissus, les soies, les mousselines et bien d'autres marchandises d'Europe et d'Asie qu'ils travaillent par l'intermédiaire de leurs entreprises avant de les remettre sur le marché local et sous-régional. Parmi ces entreprises, il y a la Société Africaine de Bonneterie (Sab) du groupe Fakhry créée en 196391(*)et basée à Abidjan. La Sab a comme capital la somme de 200 millions de Francs CFA. C'est une entreprise ivoiro-libanaise. La part libanaise du capital est de 96,68% et la quotepart ivoirienne est seulement 3,32%. La Sab réalise 400 millions de Francs CFA.92(*) Elle emploie plus de 24 personnes dont 160 Ivoiriens. Elle fabrique et commercialise des articles en tissu à mailles comprenant la lingerie, les sous-vêtements et les chaussettes. Elle confectionne également les pagnes et les pulls. Les productions ne sont pas assez importantes, cependant les produits sont de bonne qualité et ils dépassent les frontières ivoiriennes93(*). Les Libanais sont très actifs dans l'industrie de transformation du bois.

2-Installation croissante de scieries entre 1960 et 1970

Les Libanais sont des principaux acteurs de la filière bois entre 1960 et 1970. Bien avant cette période, les Européens et singulièrement les Français détenaient encore le monopole des exploitations forestières. En effet, les entreprises d'exploitation forestière et des scieries coloniales sont des propriétés européennes. On peut citer par exemple la Compagnies des Scieries Africaines créée en 1918. Le siège et l'usine se localisent respectivement à l'immeuble Cacomiaf à Treichville et Grand-Bassam. Son capital est de 57 millions de Francs CFA. Elle produit les bois grumes, débités, contreplaqués, les portes iso planes, les bois déroulés et biens produits dérivés du bois.94(*) La présence ivoirienne dans la filière bois est moins perceptible. Néanmoins, il existe des capitaux ivoiriens importants. L'une de ces entreprises est la Scierie kacou Joseph (Skj) créée en 1964 et a pour capital 175 millions de Francs CFA. Cette entreprise est constituée d'une partie ivoirienne qui détient 66% du capital et l'autre part est allemande et italienne. La Skj a son siège social à Abidjan et dispose des scieries à Abengourou précisément à Kouassibéniékro et à San Pédro. Elle emploie 265 personnes dont 128 Ivoiriens et le reste sont étrangers essentiellement des Africains. C'est entreprise réalise un chiffre d'affaires de près de 4,5 milliards de Francs CFA dont 95% proviennent des exportations.95(*) Quant aux Libanais, autrefois employés des compagnies industrielles, ils vont se transformer à partir 1960 en propriétaires de scieries. Ils installent plus d'une quarantaine de scieries dans toutes les zones de production du bois. Nous avons entre autres la scierie Wahab Nouhad Rachid créée en 1963 à Agniblékrou, la Grande Scierie Abidjanaise créée en 196496(*). Ces scieries reçoivent les billes de bois des chantiers. Ces billes de bois sont acheminées par des camions-remorques vers les scieries. Elles ont pour rôle les premières transformations du bois. Ces activités concernent la confection des contreplaqués, des chevrons. Les produits atteignent soit les menuiseries d'une part, pour la confection de meubles, soit les vendeurs qui les revendent aux consommateurs d'autre part.

Outre les scieries, les Libanais disposent des menuiseries. Ces menuiseries sont très modernes. Elles fabriquent des meubles de très bonne qualité. Parmi celles-ci, il y a la Menuiserie Ivoirienne d'Ali Bilal créée en 1969 et la Société Ivoirienne de Menuiserie de Chaobi Jamal créée également en 196997(*). Ainsi, les Libanais ont joué un rôle dans le développement de l'industrie du bois en Côte d'Ivoire. Ils sont également engagés dans la mise en place des industries de la première transformation des métaux et des mobiliers métalliques.

II-Une place de choix des Libanais dans la transformation des métaux et des mobiliers métalliques

Les Libanais participent au développement des industries métalliques. Ils sont également présents dans les industries de mécaniques électriques. Ils disposent de multiples entreprises. Ces dernières leur permettent d'être l'un des pionniers de cette branche d'industries en Côte d'Ivoire.

A/ Une présence remarquable des Libanais dans l'industrie métallurgique

La communauté libanaise joue un rôle capital dans le développement de l'industrie de la Côte d'Ivoire. L'implication libanaise dans cette branche d'industrie s'est traduite par la création de plusieurs entreprises. Il s'agit entre autres de la Société Commerciale Africaine Métalliques créée en 1967 et bien d'autres entreprises.

En 1960, la Côte d'Ivoire ne disposait pas d'industrie métallique. L'industrie métallurgique est dominée par les fortes importations. La plupart des industries de Côte d'Ivoire sont les industries agroalimentaires. Les industries de transformation des métaux sont moins importantes. Les Libanais prennent part à la mise en place des premières entreprises métalliques entre 1960 et 1970. Ces industries sont essentiellement des entreprises de la secondaire transformation des métaux. Ces entreprises sont notamment la Société Commerciale Africaine (Sacom) créée en 1967 du groupe Rahel Abib98(*). Elle est la plus importante de toutes ses unités industrielles du secteur. Elle s'occupe de la fabrication des éponges métalliques destinées aux ponçages des objets en fer et du travail des ménages. De plus, elle fabrique les éponges plastiques.

En outre, la Socam est spécialisée dans la commercialisation de ces produits sur le marché national et sous régional. Ce bulletin de la chambre d'industrie ne nous livre aucune donnée statistique pour quantifier la production de cette unité industrielle. Cependant nous pouvons affirmer que les productions de la Socam étaient importantes. En effet, elle exporte ses produits dans la sous région. Par ailleurs, la conquête du marché local et sous régional par la Socam permet de dire que celle-ci dispose des articles de très bonne qualité.

B/Une position incontournable dans la fabrication des mobiliers métalliques

Les Libanais interviennent dans la fabrication des mobiliers métalliques. Ces derniers disposent de nombreuses entreprises qui leur permettent d'asseoir une certaine place dans l'économie ivoirienne. En dehors de la fabrication des mobiliers métalliques, ils sont aussi présents dans les industries chimiques et d'autres secteurs industriels.

1-La création de multiples entreprises de mobiliers métalliques

Comme les autres industries, l'industrie électrique est à l'état embryonnaire. Les Libanais sont également présents dans cette branche d'industrie. Ils créent alors des entreprises capables de satisfaire le marché national et des pays de l'Afrique de l'Ouest. Ces entreprises sont généralement situées dans les grandes villes du pays. Nous avons les Mobiliers Métalliques de Bouaké (Mmb) créée en 196599(*). Elle est spécialisée dans la fabrication des mobiliers métalliques, des produits de ferronnerie. Elle est la propriété du Libanais Ashkar. Elle concourt à la satisfaction des besoins de la population de Bouaké et de ses environs.

Il y a également l'entreprise Franquet du Groupe Atef mis en oeuvre en 1955. Son capital est de 15 millions de Francs CFA. Elle emploie plus de 35 personnes et réalise un chiffre d'affaires de plus 20 millions. Elle fabrique des lits et des sommiers métalliques, les tissus en toiles, l'acier pour ressort et bâtiments100(*). Le même Groupe Atef mettra plus tard en place en 1966 la Société Ivoirienne de Lits (Sil) en zone 3 à Marcory. Elle fait un chiffre d'affaires de 23 millions de Francs CFA dont 98% sont réalisés en Côte d'Ivoire et le reste dans les pays voisins notamment le Burkina Faso et le Mali. Elle produit également des matelas à ressorts et des lits métalliques. En plus des lits métalliques, la Sil fabrique des chaises et tables en bois, les buffets, les armoires et les tapisseries d'ameublement101(*). La plus importante de ces entreprises est la Manufacture Ivoirienne d'Ameublement qui est la fusion de l'ancienne Société Africaine de fabrication métallique et de literie et de matelas abidjanaise en 1965102(*). Elle est dirigée par Hyjazi, ressortissant libanais et fabrique également les lits métalliques. Le même Groupe met par ailleurs en service les Etablissements Yassine Atef à Marcory sur le boulevard de Marseille. Ils emploient 30 personnes103(*). Les Libanais ont contribué au développement des industries mécaniques électriques.

2-Une place capitale dans l'industrie chimique

L'industrie chimique en Côte d'Ivoire est une industrie naissante au lendemain de l'indépendance. Elle a trait les industries de transformation du cuir, du plastique et les articles ménagers. Ce secteur est en plein essor. Il se crée de nombreuses entreprises chimiques en Côte d'Ivoire. Ce secteur est en plein développement. La communauté libanaise ne demeure pas en reste. Elle participe à la construction de l'industrie chimique. Les industries sont peu nombreuses. Elles fabriquent en effet les matelas et coussins en mousses et en Polyester. L'entreprise Yassine Atef était localisée à Koumassi.

Il y a également la Société Ivoirienne de Maroquinerie (Simarc), elle fut créée en avril 1970104(*). Elle fabrique les articles de maroquinerie tels que les sacs, les valises, les portes documents. Il y a par ailleurs, la Sitrap qui est la Société Ivoirienne de Transformation des Plastiques créés en 1969105(*). Elle appartient au Groupe Fahrat. Elle fabrique les mêmes articles que la Simarc. En dehors de ces industries, 3 entreprises assurent environ 70 % de la fabrication. Il s'agit de la Société Côte d'Ivoire plastique et la Manufacture Ivoirienne des plastiques Africains dont la capacité journalière est de l'ordre de 6 mille articles chaussants, 35mille articles de ménage et 15OO articles divers106(*). La Polysplast vient en troisième position. Elle plus importante libanaise dans ce domaine Polyplast fut créée en 1962 et localisée à Vridi.107(*)Elle produit 12 mille tonnes par année.108(*)

Les Libanais ont été d'un atout important pour l'économie ivoirienne de la colonisation jusqu'en 1970. Par la suite, ils deviennent professionnels du transport interurbain voire sous régional. Ils s'impliquent dans l'immobilier. Enfin, au lendemain de l'indépendance, ils s'introduisent dans l'industrie par la mise en place des unités industrielles, mais produisant des objets de très bonne qualité. Si au cours de cette période, les Libanais avaient pour stratégies : premièrement évoluer économiquement au côté de l'Europe et ensuite voler de ses propres ailes. Les Libanais poursuivent leur présence économique en Côte d'ivoire entre 1970 et 1980. Cette phase de l'histoire de la Côte d'Ivoire est caractérisée par une prospérité économique importante. Dans ce contexte de développement économique, les Libanais s'engagent dans la diversification industrielle de la Côte d'Ivoire.

DEUXIEME PARTIE

L'ABANDON PROGRESSIF DU PETIT COMMERCE AU PROFIT DU COMMERCE DE GROS, DES SERVICES ET DE L'INDUSTRIE DE 1970 A 1980

Entre 1970 et 1980, la Côte d'Ivoire connaît la prospérité économique la plus remarquable en Afrique de l'Ouest francophone. L'année 1970 marque la définition d'une politique de développement économique : Cette politique est axée sur l'industrialisation à travers la transformation des matières premières agricoles. Il y a également la nouvelle politique du commerce à travers le programme d'action commerciale. Face à cela, les Libanais vont s'engager énormément dans la distribution des marchandises et des services, et dans l'industrie.

CHAPITRE I : D'IMPORTANTS INVESTISSEMENTS LIBANAIS DANS LE SECTEUR DE DISTRIBUTION

Les Libanais ont joué un rôle important dans le développement du commerce en Côte d'Ivoire pendant la première décennie de l'indépendance. Si entre 1960 et 1970, la présence libanaise dans ce secteur était caractérisée par une forte intervention dans le détail et le demi-gros, les Libanais s'engagent davantage dans la grande distribution. Cela est dû en grande partie aux raisons internes du commerce et à d'autres facteurs extérieurs.

I/ Les facteurs de l'abandon progressif du petit commerce

Les Libanais entament un abandon progressif du petit commerce. Cet abandon résulte de nombreux facteurs. Ces facteurs sont entre autres la saturation du secteur, la désorganisation de ce dernier, le désir des Libanais d'occuper leurs exilés de guerre à travers le commerce et enfin la volonté de l'État d'assainir ce secteur.

A/ Les difficultés grandissantes du commerce en 1970

Au début des années 1970, la distribution des produits manufacturés et le commerce de détail de la Côte d'Ivoire reposait essentiellement sur des structures archaïques et informelles. Ceci qui est sans impact sur la rentabilité du commerce. L'on observe la prolifération de détaillants non intégrés et la contrainte du système commercial local et l'intégration de nouveaux immigrants dans le commerce de détail moderne urbain.

1-La prolifération de détaillants non intégrés

Les années 60 sont dominées par les fortes migrations des populations étrangères en particulier celles de l'Afrique de l'Ouest en Côte d'Ivoire du fait de la croissante économique qu'a connu le pays durant cette période. Ces populations sont originaires du Mali, de la Haute Volta, de la Guinée, du Sénégal, les Haussa du Niger. Ils sont majoritairement des commerçants. Ils exercent leur négoce dans un réseau très différent de celui des Européens et Asiatiques.

Ils sont présents à Abidjan ainsi qu'à l'intérieur du pays. A Abidjan, ils sont des tabliers, des ambulants et des boutiquiers. Ils sont spécialisés dans la vente des produits de grande consommation telle que le sucre, la cigarette, des stylos109(*). Ils vendent à tout point de rues et devant des grands magasins, des boutiques et des établissements publics. Ce commerce est détenu par des Peuhls de Guinée appelés communément « Diallo »110(*).

A l'intérieur du pays, pullulent des négociants ambulants Haoussa qui vendent des pagnes, des habits et des bijoux de toute nature importés frauduleusement en Côte d'Ivoire dans les villages et les campagnes. Ces marchandises étaient beaucoup prisées des populations locales. Il existe aussi des boutiquiers qui prolifèrent dans les villes de l'intérieur et campements. Ils vendent des marchandises de grande consommation telle que le riz, le sucre, de l'huile, le pétrole, le savon et biens d'autres produits de la manufacture. Ces boutiquiers pratiquaient des prix au-dessus de ceux exigés par la Caisse de Péréquation111(*). Ils règnent ainsi en maître dans ces localités où leur commerce se développe. Tous ces négoces échappaient au contrôle de l'Etat.

Si les communautés africaines précitées exercent dans l'illégalité, les Mauritaniens, quant à eux évoluent dans une structure fluide et bien organisée. Ils n'étaient pas en grand nombre. Au départ, présents dans le bassin du fleuve Sénégal, ils ne sont pas novices dans le commerce. Ils étaient dans le commerce de traite, échangeaient de la gomme, du sel, du mil et des esclaves contre les armes à feu et les produits manufacturiers avec les Européens. Ils devinrent par la suite les intermédiaires et transportèrent la gomme, de l'arachide tout en conservant la pratique de la caravane112(*). En dehors de l'omniprésence des communautés dans les tissus commerciaux, il y a le développement du commerce tenu par les communautés rurales.

2-La contrainte du système commercial local

La période 1960-1980 est une période faste de l'économie ivoirienne. La Côte d'Ivoire connait une prospérité économique. Cependant, le commerce intérieur ne s'inscrit pas dans ce canevas. En plus de son inorganisation, le commerce est confronté à de sérieux problèmes. Cette situation est due en partie à la prolifération des circuits commerciaux parallèles à Abidjan et à l'intérieur du pays. Il se caractérise par la commercialisation des vivriers113(*)qui sont la banane, le manioc, le maïs, le riz, l'igname et bien d'autres produits vivriers.

En plus du développement du commerce informel des ressortissants de l'Afrique de l'Ouest, il y a la situation préoccupante des immigrants de la guerre du Liban de 1975. La prise en charge de ces derniers nécessite assez de moyens. Ainsi, les Libanais des vagues antérieures soutiennent ces derniers au moyen du commerce. Ce fait est l'un des facteurs de l'abandon progressif du petit commerce.

3-Le désir des Libanais de céder le petit commerce à leurs compatriotes victimes de guerre

La deuxième moitié des années 70 marque le début de l'embrasement du Liban. Face à cette insécurité accrue, une partie des Libanais rejoignent leurs parents établis déjà en Côte d'Ivoire. Selon Henriette Dagri Diabaté, l'association de la communauté libanaise et française à Abidjan était estimée à plus de 50000 âmes114(*) Si certains parmi eux arrivent en Côte d'Ivoire avec d'énormes fortunes, d'autres par contre, immigrent sur la pointe des pieds. Leurs prises en charges nécessitent beaucoup de moyens tant matériels que sociaux. Ils sont à cet effet nourris, logés et soignés. Pour réduire, ces dépenses, les premiers immigrants libanais entreprennent certaines actions. Ils créent des magasins et boutiques dont ils confient la gestion libre aux nouveaux venus.115(*) Ces derniers remboursent au fur et à mesure selon bénéfices. Ces anciens immigrants cèdent alors ce secteur aux nouveaux venus et investissent leurs capitaux dans des secteurs jugés plus porteurs notamment la distribution et l'industrie116(*)

Après avoir amorti les coûts des magasins, le gestionnaire devient alors le nouveau propriétaire du local. Dans d'autres cas quand un compatriote arrive du Liban, il est engagé comme employé. Ce dernier travaille et fait des économies ce qui lui permet de se constituer un fond de commerce et de s'installer à son propre compte. Ils sont détaillants et vendent des articles manufacturés de toute nature. Leurs magasins sur les grandes artères ou encore se situent dans les marchés de la capitale et dans les villes de l'intérieur du pays117(*). Ce sont les objets de mercerie, de quincaillerie, de pièces détachées d'automobile. Dans la gestion de leurs entrepôts, ils bénéficient de la collaboration ou du soutien de leurs parents. Ces aides parentaux proviennent généralement des épouses, des enfants et même des neveux ou cousins118(*).

Il y a par ailleurs, la volonté du gouvernement ivoirien d'organiser ce secteur et d'y Intéresser les jeunes Ivoiriens. Il entreprend le programme d'action commerciale qui connut un succès important dans ses débuts. Le gouvernement bénéficie du soutien de la Scoa à travers la mise en place des Chaines-avions. Tous ces faits expliquent en partie le retrait progressif des Libanais du petit commerce au profit de la grande distribution.

II- Les actions libanaises au service de la distribution

Les Libanais investissent dans le commerce de gros. Cette action obéit à un objectif qui est de diversifier leur présence économique en Côte d'Ivoire. Pour ce faire, ils créent de multiples entreprises et des magasins spécialisés dans la vente de produits importés.

A/ La création des entreprises commerciales

Jusqu'en 1970, le secteur de la distribution est caractérisé par son archaïsme et la forte présence des entreprises européennes. Quant aux Libanais, ils sont beaucoup actifs dans le commerce du demi-gros. Cependant, ils entament pendant cette période leur processus d'insertion dans la distribution. Ainsi, ils entreprennent la construction des entreprises destinées à la distribution des denrées de toute nature.

Le secteur de la grande distribution en Côte d'Ivoire repose essentiellement sur les produits alimentaires. On distingue deux grands circuits : il y a d'abord un circuit moderne reposant sur les grandes et moyennes surfaces qui sont notamment les supermarchés, le gros, le demi-gros et le discount119(*) ; il existe également le circuit traditionnel mais tout aussi performant, qui s'approvisionne auprès des importateurs et industriels locaux. Il s'agit des grossistes indépendants, les sociétés de distribution de gros, les demi-grossistes et les détaillants. C'est face à cette situation complexe que les Libanais décident de s'investir dans le commerce de gros et des services. Parmi ces entreprises, il y a les entreprises d'import-export notamment la Société Abidjanaise d'Importation et d'exportation (Sabimex) qui fut créée en 1972. Elle importe les marchandises générales et les denrées alimentaires.120(*) Sabimex est situé à la rue 12 dans la commune de Treichville. Son capital est de 3 millions de Francs CFA. La Sabimex emploie 10 personnes dont 4 Ivoiriens et réalise un chiffre d'affaires plus de 3 milliards de Francs CFA dont 90% effectués en Côte d'Ivoire. Le reste de la rentabilité est destinés aux exportations en direction des pays de l'Afrique de l'Ouest.121(*)

Il y a également la Société ivoirienne des établissements Chartouny Chignara et compagnie créée en 1972. Son capital est 30 millions de Francs CFA. Cette entreprise emploie 35 personnes dont 35 sont Ivoiriens. Tout comme la Sabimex, cette entreprise importe et exporte des marchandises de nature diverses. Mieux, elle assure la distribution de boissons et des cigarettes de marques « Reynolds ».122(*)

Leur engagement dans cette branche commerciale se manifeste par plusieurs actions notables. Leur engagement des Libanais dans la distribution se manifeste par la création de nombreuses entreprises. Celles-ci sont spécialisées dans les importations et les exportations de toute nature. Elle importe les marchandises générales et les denrées alimentaires.123(*) Il s'agit notamment des produits de conserves, produits céréaliers et des pattes alimentaires. Elle assure l'approvisionnement des magasins de grande surfaces et même des boutiques124(*)

En plus de la Sabimex, Il existe d'autres entreprises libanaises notamment la Société d'Importations des Produits de Mer (Impromer). Cette entreprise est spécialisée dans l'importation des produits de la mer et la commercialisation des produits congelés.125(*) Il s'agit entre poisson de la viande, les saucisses, les jambons et bien d'autres d'aliments. Créée en 1972, Impromer dispose d'un capital de 45 millions de Francs CFA et emploie 40 personnes.126(*) Cette entreprise du Libanais Moukarzel Sami réalise un chiffre d'affaires de plus de 1,2 milliard de Francs CFA.127(*) La présence des Libanais au port de pêche d'Abidjan est remarquable. Ils importent et transforment le poisson dans les conserveries. Le poids des Libanais dans l'industrie de la conservation et de la préparation alimentaire est assez important. Dans les années 1970, la consommation de poisson comme pour la viande s'est accrue compte tenu de l'augmentation du niveau de vie et l'expansion démographique. En effet, la demande en poisson est passée pendant cette période de 13 Kilos par personnes à 18 Kilos par personnes. Le gouvernement ivoirien prend d'importantes mesures pour faire face à ces difficultés. L'on note par exemple la signature d'accord de pêche avec les pays comme la Mauritanie, le Sénégal et le Libéria128(*). Cependant, ces mesures n'ont pas pu résoudre le problème. C'est pour réduire les besoins en ressources halieutiques que les Libanais créent ces entreprises pour l'importation d'aliments congelés dans les années 1970. Selon le Ministère de l'économie de 1978 à 1979, la part des Libanais était estimée à plus de 230 millions de Francs CFA dans l'activité industrielle.

Les Libanais développent également le transport terrestre. Pendant la colonisation, ils ont été les précurseurs de ce secteur. Ils avaient le monopole du transport des produits de traite et des marchandises. Au lendemain de l'indépendance peu sont les Ivoiriens qui s'intéressent à cette activité. Ainsi, les Libanais vont accroître leurs activités dan le transport. En effet, ils mettent d'abord en place des compagnies de transport urbain. Elles sont pour la plupart des entreprises familiales. C'est le cas de taxis communaux ou taxis «compteurs«. En 1978, 80% de ces taxis étaient des propriétés libanaises129(*). Ils sont aussi présents dans le transport inter urbain. Ils assurent le trafic entre les villes de l'intérieur et Abidjan130(*). Ces entreprises de transport sont pour la plupart gérées par les Ivoiriens surtout par les ressortissants du nord. L'un des grands opérateurs libanais dans cette activité est Nasser Eddine Abbas Ahmed. Il a commencé avec une camionnette pour le transport des récoltes telles que le cacao et café dans la région de Bouaflé. Il dispose des centaines de camions pour le transport spécial de Benzène et des marchandises de toute nature. Il possède également une société une entreprise de transport Sivotrans qui relie Abidjan et l'intérieur du pays. Fut créée en 1970, Sivotrans dispose d'un capital de 140 millions de Francs CFA. Elle emploie une soixantaine de personnes. Elle assure le transport des produits pétroliers.131(*)

Les Libanais disposent également des agences de transport aérien. Ce sont entre autres Afric voyage132(*). En 1980, selon la centrale des bilans, ils représenteraient 60% dans ce secteur. Ce qui montre que les Libanais sont vraiment actifs dans le transport ivoirien. Les Libanais disposent de véritables magasins qui sont spécialisés dans la vente des articles bien déterminés.

B/ La création de magasins spécialisés dans la vente des articles importés

La présence des Libanais dans certains secteurs de la grande distribution est très connue de tous. Ils ont mis en oeuvre des magasins et circuits pour commercialiser certains produits. Dans des secteurs comme la commercialisation de pagnes et bien d'autres produits. Ils assurent quasiment le contrôle de la distribution de certaines denrées.

1/Le contrôle de la distribution de pagnes

Le secteur des textiles et de l'habillement en Côte d'Ivoire est assez développé en 1974. En effet, le capital social était estimé à 11.421 milliards de Francs CFA.133(*) Ces investissements réalisés concernent principalement «les Sociétés Gonfreville, Filcotex, Sab, Cidt, Socitas, Solinci, Sotexi, Uniwax et Cotoa)134(*). La part des Libanais est de 145 millions de Francs de CFA. Les investissements libanais sont représentés par la SAB, la Société industrielle ivoirienne de textiles (Sivoitex) créée en 1975 et de la Société industrielle de filature, confection de textiles (Filcotex) créée en 1974. En de plus, les Libanais sont de véritables artisans de commerce. Ils investissent dans la commercialisation du pagne. La confection du pagne est détenue par 4 grandes entreprises. Ce sont entre autres Icodi, Sotexi, Uniwax et surtout Gonfreville (tableau4). Ces entreprises couvrent 75,5% du marché ivoirien, alors que les importations représentent 24,5%. Les importations concernent les pagnes d'origines européennes particulièrement françaises et hollandaises. La distribution de cette denrée beaucoup consommée par les femmes est assurée par les grandes compagnies commerciales européennes dont la plus importante est La Cfci-textile. Spécialiste de Wax hollandais et actionnaire d'Uniwax, elle détient la gestion exclusive des importations de pagnes et les tissus wax en direction de la Côte d'Ivoire135(*). C'est pourquoi, elle assure à elle seule 47% de la vente en gros de ce produit136(*).

Les Libanais, quant à eux, interviennent dans le demi-gros. Ils contrôlent cette étape de la commercialisation du pagne. Ils représentent 65% alors que les ivoiriens ne contrôlent seulement que le ¼ de la distribution137(*). Les Libanais disposent à cet effet des magasins qui sont installé dans les grands centres commerciaux d'Abidjan et des villes de l'intérieur. Les clients des Libanais sont pour la plupart des Africains non ivoiriens. Ces commerçants de détail africains sont en majorité les ressortissants de la Cedeao. Ils sont estimés à plus de 65%. Quand les Ivoiriennes ne représentent que seulement 20%. Ce signifie que les Ivoiriens s'intéressent moins à cette activité commerciale.

Les Libanais ont une stratégie commerciale particulière. Ils accordent à leurs clients des faveurs en livrant des marchandises à crédit aux clients fidèles. En outre, ils réduisent le coût de la pièce de pagnes. Cette manière de faire attire de nombreux clients.

De plus, les Libanais interviennent dans la commercialisation du tissu. Ils occupent 39% de la vente des produits de confection. Les produits de confection sont des articles d'habillement qui sont importés. Ce sont les prêts à porter tels que les habits faits de jeans, les vestes, les chemises, les jupes et les robes et de produits vestimentaires. Il faut noter que dans les années 1970, le secteur de la couture était encore à l'état embryonnaire. Ils représentent 20% de la vente du tissu. Ces tissus sont en grande quantité importés.

2-le commerce de gros en général

Les Libanais sont dynamiques dans la distribution. Dans leurs magasins, on matériel et les équipements sanitaires. En 1975, les investissements au niveau de ce secteur en Côte d'Ivoire se tournaient autour de 3, 290 milliards de Francs de Francs CFA138(*). Les capitaux libanais sont évalués à seulement 9 millions de Francs CFA. Cependant, ce chiffre peut connaître une hausse car les privés Ivoiriens ont investi plus de 839 millions de Francs CFA. Ces capitaux appartiennent non seulement aux opérateurs économiques Ivoiriens, mais également aux étrangers ayant fusionné avec des Ivoiriens.  Les Libanais vendent les carreaux, les tuyaux pvc, les WC et le matériel de plomberie139(*). Il y a aussi les autres matériaux de construction et de bâtiments. Ce sont les serrures, les tôles, le ciment, les articles de quincaillerie. Pour la commercialisation du ciment, les Libanais tout comme les autres commerçants disposent des camions. Ces camions acheminent les stocks de ce matériel d'équipements vers les lieux de vente.

En outre, les Libanais sont fortement présents dans le commerce des produits alimentaires manufacturiers locaux et importés de grande consommation. Ils détiennent une part significative dans la vente de ces denrées alimentaires. Ce sont le riz, la farine, les huiles de table, les conserveries140(*). Ils prédominent également dans la vente des brasseries. Ils disposent des dépôts qui fournissent les boissons de toute nature. Ce sont les boissons gazeuses, les liqueurs et les vins. Ces dépôts approvisionnent les restaurants, les bars, les bistrots qu'on appelle communément « maquis« en Côte d'Ivoire, les boutiques et autres points de vente. Ces commerçants libanais disposent des magasins et supermarchés aussi à Abidjan qu'à l'intérieur.

A l'intérieur, notamment à San Pédro, Assaad Ali est arrivé en Côte d'Ivoire en 1969. Dès son arrivée, il s'installa à Grand Bassam. Par la suite, il s'établit à San Pédro pour le commerce du café-cacao. Son installation à San Pédro est liée à la mise en place du programme d'aménagement du territoire national qui entraine les migrations massives vers le sud-ouest 141(*)Plus tard, Il mit au jour en 1975142(*) le tout premier supermarché moderne de la ville avec un centre commercial de 24 boutiques afin de rapprocher davantage de la clientèle.

En dehors de ces secteurs, les Libanais sont également présents dans le secteur des stations services. Les stations services sont les points de vente du fuel. Ces compagnies sont ESSO, MOBIL, ELF, TOTAL qui assurent la distribution du carburant aux stations services qui portent leurs effigies. Les opérateurs libanais assurent la gestion des stations-services installées dans le pays. Certains opérateurs économiques libanais en sont parfois propriétaires. C'est d'ailleurs le cas de Chaitou Ali qui dispose deux stations de benzène Esso respectivement à San Pédro et Soubré143(*). En Côte d'Ivoire, il existe dans toutes les sous préfectures ou communes et les grands centres commerciaux au moins une station service. 64% de ces stations appartiennent aux groupes industriels Libanais selon la Centrale de Bilans de 1980144(*)

Les Libanais sont présents dans le commerce de chaussures et des produits de beautés leur part dans la commercialisation de ces produits représente respectivement 34 et 37%. Le secteur de la parfumerie et surtout des chaussures en cuir est dominé par les importations. Les produits locaux ne sont pas encore importants. Enfin, ils participent au négoce de la vente des pièces détachées pour les véhicules et les produits électroménagers, les télévisions et radios. Ils évoluent dans le sillage des Européens qui prédominent largement dans cette branche commerciale145(*).

3-Une forte présence dans l'immobilier

Les investissements libanais dans le commerce du gros sont très importants. Mais, les Libanais sont également présents dans le secteur de la construction. Si leur implication dans le logement pendant la colonisation est assez faible, elle devient importante au lendemain de l'indépendance surtout dans les années 70. Pour cette période, les investissements libanais ne se limitent pas seulement aux résidences, les magasins et les comptoirs, mais prennent en compte les gros oeuvres. L'une des grandes actions dans ce domaine est la construction de l'hôtel Tiama et de l'immeuble Nabil. L'hôtel Tiama est la propriété des Omais. C'est à juste titre qu'Atef Omais assure la présidence du conseil d'Administration. Les travaux de cet hôtel de haut standing ont commencé en 1969 et ont pris fin en 1972. Il dispose d'un capital de 160 millions de Francs CFA. L'hôtel Tiama est emploie plus de 90 personnes. Il réalise un chiffre d'affaires de plus 700 millions de Francs CFA. Il est un hôtel grand standing car il est un hôtel de 4 étoiles et offre des services tels que la restauration et l'hôtellerie de qualité avec une capacité d'accueil de 142 chambres dont «2 appartements entièrement climatisés «.

En outre, l'Hôtel Tiama dispose d'une salle de conférence et séminaire de plus de 70 places.146(*) Il existe également l'immeuble qui abrite le Grand Hôtel de 5 étages. Propriété du Libanais Nassar, le Grand Hôtel a un capital de 180 millions de Francs CFA. Mis au point en 1972, les activités de Grand Hôtel sont : il y a l'hébergement avec une capacité d'accueil de 100 chambres ; il existe des services de divertissements offrant des salles de bain salles d'eau et un bar ; enfin il y a la restauration d'une capacité de 100 places au 5ème étage147(*). Ensuite, ils ont racheté les immeubles appartenant aux européens à la fin de la colonisation.

Les Libanais disposent également des entreprises immobilières qui leur permettent de construire de multiples édifices aussi bien à Abidjan qu'à l'intérieur du pays. Ces entreprises sont entre autres la Société de Construction immobilière du Plateau148(*). Elle est la propriété du Groupe Omais. En 1980, les Libanais détenaient 60% des immeubles et 80% des villas149(*). Enfin, ils sont présents dans le secteur de l'hôtellerie. Il existe à cet effet des sociétés appartenant essentiellement au Groupe Omais-Khalil et de la Société Afric Hôtel et Saïda Beach150(*).

Au niveau des cités ou habitations économiques, les Libanais ont des entreprises qui participent de ces habitats modernes. Ces participations libanaises se déterminent dans les professions de constructions. A Yamoussoukro, Pierre Fakhoury a été l'un des grands entrepreneurs à bâtir la ville de Yamoussoukro. Or, l'État ivoirien avait fait de ce secteur un leitmotiv. Car il voulait doter de chaque Ivoirien d'un toit moderne. C'est dans ce cadre que furent créées dans les années 1960, les sociétés de constructions et de gestion immobilière notamment la Sicogi, la Sogefia en 1963151(*). Ainsi plusieurs cités modernes ont été bâties à Abidjan et dans quelques villes de l'intérieur. Cependant, nombreuses sont les villas qui appartiennent aux Libanais à Abidjan et dans les grandes villes. A Abidjan, des quartiers comme « Marcory résidentiel » sont dénommés « little Beyrouth »152(*). Car il abrite non seulement une forte communauté libanaise, mais également la plupart des maisons sont la propriété de ces derniers. « Marcory Résidentiel » est un quartier de haut standing. Le regroupement des ressortissants libanais dans ce quartier trouve son origine dans le refus de Félix Houphouët Boigny de leur accorder un terrain sur la route de Dabou. En effet, l'ambition des Libanais est de bâtir un quartier libanais comme le quartier « Biafra » à Treichville. Le voeu du président Houphouët est d'intégrer toutes les communautés étrangères dans la société ivoirienne en «  respectant les lois de la République »153(*). Le quartier Biafra pour les refugiés de guerre de Nigéria est une mauvaise expérience.

En outre les Libanais mettent en valeur des terrains qui sont la propriété des Ivoiriens. Il existe une sorte de contrat qui régit ce type de relation. En effet, l'opérateur libanais construit le domaine et l'exploite pour une période bien définie contenue dans les clauses du contrat. Après, il cède le local au propriétaire. Souvent l'affaire tourne mal car le libanais exproprie le propriétaire terrien de son bien. D'où survient l'intervention de la justice 154(*)

Les Libanais ont joué un rôle important dans le commerce en Côte d'Ivoire entre 1970 et 1980. Cette importance s'observe dans leur engagement au service de la grande de distribution. Les investissements libanais ne se limitent pas aux activités commerciales. Au cours cette période, les Libanais accompagnent le gouvernement dans sa politique d'industrialisation du pays.

CHAPITRE II : L'ENGAGEMENT TOTAL DES LIBANAIS DANS LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES INDUSTRIES D'EXPORTATION A PARTIR DE 1970

Les Libanais ne se limitent pas à la seule présence dans la grande distribution entre 1970 et 1980. Ils s'engagent également dans le développement industriel de la Côte d'Ivoire. Ces derniers investissent quasiment dans toutes les branches industrielles du pays. Avant d'y arriver, les Libanais disposent de nombreux fondements qui sont aussi bien humains qu'économiques.

I-Les fondements des investissements libanais dans l'industrie ivoirienne

La position forte des Libanais dans l'industrie ivoirienne n'est pas du hasard. Elle est liée aux facteurs politiques, sociaux et surtout économiques. Ces différents atouts leur ont permis de mettre en place de nombreuses unités industrielles. Ces atouts sont essentiellement le fait d'acteurs industriels.

A/Les principaux acteurs industriels libanais

Les investissements industriels libanais des années 1970 bénéficient d'importants atouts notamment les atouts humains. Il s'agit d'abord les premiers industriels libanais. Il y a également une nouvelle génération d'immigrants libanais disposant soit d'une expérience en matière industrielle, soit bénéficiant d'une formation de qualité. Ces industries bénéficient d'importantes ressources financières.

1-Les groupes industriels des années 1960

La période 1970-1980 est un tournant important dans l'histoire économique de la Côte d'Ivoire. Cette période est caractérisée par la volonté de l'État de développer les industries d'exportation et la diversification des matières premières agricoles. Dans cette perspective, l'État a créé plusieurs Sociétés d'État pour le développement de tous les domaines économiques. Il s'agit de la Soderiz, la Sodesucre, la Sicogi et d'autres Sociétés de développement. L'État a entamé une politique de diversification des cultures commerciales sur l'ensemble de l'étendue du territoire. On a les cultures de coton et canne à sucre dans le centre et le nord. Dans les zones forestières, furent également développées les cultures de palmier à huile, de bananes plantain, de l'hévéa et surtout du cacao et du café.

C'est dans cette dynamique que les Libanais procèdent à la diversification de leur présence dans l'industrie ivoirienne. Cet engagement industriel des Libanais résulte de multiples facteurs. Au niveau de ces acteurs industriels, il y a premièrement les groupes industriels nés au lendemain de l'indépendance. Ce sont entre autres du groupe Abinader & Fils, le Groupe Fakhry, du groupe Farhat et bien d'autres groupes industriels. Les Libanais ont développé des unités industrielles modestes et surtout artisanales. Au début de l'indépendance, Ces initiatives connaissent un certain développement pour connaître une réelle expansion dans la deuxième décennie de l'indépendance. Si au départ l'idée de retourner au pays hantait les Libanais, à partir de 1970, ils nourrissent l'ambition de rester en Côte d'Ivoire. Désormais, ils se consacrent activement à moderniser leurs activités économiques. Les fondateurs de l'industrie libanaise sont essentiellement dominés par plusieurs grandes familles. Nous en retenons trois. Ces familles sont présentes en Afrique depuis le début du XXème siècle.

On a d'abord la famille Fakhry. Cette famille a pour ancêtre Mahmoud Fakhry. Ce dernier arrive en Afrique dans les années 1930. Il s'établit d'abord au Sénégal155(*). Il exerce comme activité, le commerce de traite notamment de l'arachide et du caoutchouc. Il eut pour fils Fakhry Fakhry et Fakhry Sakhr. Ces derniers immigrent en Côte d'Ivoire à la fin de la colonisation. Ils créent en 1963 la Société Africaine de bonneterie (Sab). La Sab, la première entreprise du groupe avait son siège en zone IV à Marcory. Son siège est aujourd'hui occupé par l'actuel supermarché Cash Center du Plateau. Elle démarra ses activités avec seulement deux machines à tricoter et dix machines à coudre156(*). Elle connaît un franc succès sur le marché local ainsi que sous régional. Elle parvient à dominer le secteur de la confection. Le montant de son investissement dépassait en 1983 1,8 milliard de Francs CFA. Son chiffre d'affaires approche les 3 milliards de francs CFA et elle réalise 30,5% de la valeur ajouté d'articles d'habillements157(*). Elle fut transférée à Yopougon. Il crée par la suite avec la compagnie américaine Blue Bell spécialisée dans la confection de jeans en 1974 à Yopougon la société Blue Bell ci.158(*) Ce groupe est également actif dans le commerce de gros. A cet effet, ce groupe dispose de nombreux magasins et supermarchés installés pour la plupart à Abidjan.

En dehors des Fakhry, nous avons la famille Fahrat. La famille Fahrat est implantée en Afrique depuis 1924 Fahrat Salim débarque d'abord au Sénégal, transite par le Mali avant d'immigrer en Côte d'Ivoire en 1954. Au départ, Salim Fahrat avait pour activité principale la commercialisation des matières premières agricoles notamment le caoutchouc, la kola, arachides. Au début des années 60, il monte sa première entreprise «Fahrat & Frères« qui fut dépositaire de la marque Honda159(*).

C'est plus tard, qu'il investit dans la production agroalimentaire avec la création en 1966 de l'Industrie Réunie de l'Afrique Noire (Iran). Cette oeuvre industrielle se poursuit dans les années 1970 et 80 avec la création respective de la Société nouvelle de Confiseries de Vridi (Sncv)160(*) en 1973 et celle de la Fabrication d'Aliments en Côte d'Ivoire (Faci) en 1983. La Sncv En 1972, l'on assiste à la création de la Société Ivoirienne de Transformation du Bois et d'Agro-industrie (Sitbai) pour la transformation du bois.161(*)

Il y a également la famille Abinader qui fait partie intégrante des premières familles industrielles libanaise. Antoine Abinader tout comme les autres patriarches des groupes industriels arrive d'abord au Sénégal. Il y fait du commerce. Il immigre en Côte d'Ivoire dans les années 50 au moment où l'activité économique devenait prospère. Il met en place en 1962 la société Abinader Et Fils. Elle est spécialisée dans l'agro-alimentaire162(*). Ce groupe continua cette oeuvre avec la création de différentes branches d'Abinader et Fils. Il s'agit notamment de la Sapral en 1977, SopaL en 1979163(*). La Société africaine des produits alimentaires (Sopal) dont le capital est 100 millions de Francs CFA produit des chewing-gums de marque Hollywood164(*). Ce groupe industriel est un modèle d'intégration à Bouaké. En effet, Roger Abinader fils d'Antoine Abinader crée par la suite l'équipe féminine de Handball, et assure même le parrainage de la fédération de cyclisme de Côte d'Ivoire ce qui lui vaut le prix de meilleur dirigeant du sport ivoirien en 1985 « Abinader, un dirigeant qui gagne »165(*). Il existe enfin la famille Omais dont le chef de file est Fouad Omais. Ce groupe constitue un des grands opérateurs économiques industriels de cette communauté libanaise établie en Côte d'Ivoire. Elle dispose d'une multitude d'entreprises en Côte d'Ivoire (tableau n°5). Le groupe Omais-Khalil dispose d'une multitude d'entreprises dans tous les secteurs d'activités. Il s'agit entre autres de l'immobilier, du tourisme, du commerce et des industries. L'on remarque le capital social des entreprises varie de 50 à 450 millions de Francs CFA. Les entreprises industrielles ont nécessité plus de nombreux capitaux dans leur constitution. Il s'agit notamment de la Sotaci, Sotici, Embaci, Scci et Mici dont le capital est respectivement 490, 360, 250 et 200 millions de Francs de CFA. Toutes ces entreprises sont localisées d'Abidjan et surtout dans les différentes zones industrielles.

Dans l'ensemble, ces groupes industriels libanais investissent leurs capitaux dans le développement industriel de la Côte d'Ivoire. A ces derniers, s'ajoutent les nouveaux immigrants libanais. Ceux-ci apportent un coup d'accélérateur aux industries libanaises en Côte d'Ivoire.

2-L'arrivée d'une nouvelle génération d'industriels très qualifiés

La majorité des Libanais présents en Afrique et particulièrement en Côte d'Ivoire pendant la colonisation sont moins instruis. Ils savaient à écrire, lire et calculer simplement. Ainsi, dans leurs différents commerces, on trouvait le comptoir un style à bile et un cahier et les éléments qui servaient à tenir la comptabilité (tableau n°6). On y enregistrait les dépenses, les entrées et sorties d'argent. En 1938, la population libano-syrienne en Côte d'Ivoire était estimée à 513 personnes dans la colonie de Côte d'Ivoire.166(*) En Afrique Occidentale, la population avoisine 1500 personnes. Ce recensement concerne tous les Syriens et Libanais vivant en Afrique Occidentale. Les diplômes renseignés les diplômes de l'enseignement général et ceux de l'enseignement professionnel et technique. L'on observe que la proportion de Libanais et Syriens n'ayant pas de diplômes est très forte (79,9%). Néanmoins la proportion des Libanais ayant acquis au moins un diplôme est de 20,1%. Alors que le pourcentage de Français et étrangers pour le seul certificat d'étude primaire est plus de 30%. On retient que le taux d'instruction de la population est assez faible.

Mais les fils de ces Libanais nés après l'indépendance sont inscrits dan chef de services ou de la direction générale. Cette présence à côté de leurs parents apporte un certain dynamisme dans la production des unités industrielles167(*). En effet, les entreprises sortent de leur état de gestion artisanale et archaïque pour adopter les traits d'un management plus moderne conforme aux véritables entreprises industrielles.

Par ailleurs, le soutien de nouveaux immigrants venus en Côte d'Ivoire a favorisé la diversification des activités de leurs entreprises. Au départ, celles-ci étaient spécialisées dans l'import-substitution caractérisées généralement par la transformation agroalimentaire. Elles sont désormais tournées vers une véritable entreprise industrielle dotées de matériels modernes et performants. Parmi ces progénitures des fondateurs de l'industrie syro-libanaise, l'exemple de Jaber Bassim168(*) fait légion. Après de brillantes études, il s'est mis au développement des entreprises familiales et au service de la Côte d'Ivoire.169(*)

L'autre fait marquant dans cet exode massif des Libanais en direction de la Côte d'Ivoire en 1975 du fait du conflit armé est l'arrivée d'un type nouveau de Libanais en particulier des industriels en 1975. Ces derniers selon Albert Bourgi sont de véritables hommes d'affaires. Cependant, lorsqu'ils arrivent pour la première fois, ils aident d'abord leurs compatriotes afin de s'imprégner de l'environnement de l'économie ivoirienne. Ainsi, ils s'associent avec leurs compatriotes anciennement établis en Côte d'Ivoire ou avec les Ivoiriens ou bien avec les Européens170(*). Ces derniers qui sont les réfugiés de guerre refusent toute volonté de retourner au pays. Ils envisagent de vivre et de s'établir définitivement en Côte d'Ivoire. Cependant la cohabitation entre ces derniers et les hôtes est très difficile. En effet, aux yeux des anciens, ces nouveaux venus sont animés de sentiments de guerre.

Tableau n°6 de proportion des Syro-Libanais diplômés en

Afrique occidentale francophone en 1938 (%)

Diplômes

Libanais et Syriens

Français et étrangers

CEP

13,6

30,1

BEP

3,2

15,9

BAC

2,2

13,7

DES

0,4

6,5

CAP

0,3

6,2

AUTRES

0,4

3,0

SANS DIPLOMES

79,9

24,0

Source Jean BINET, « Les Libanais en Afrique de l'Ouest » 1975, In Kroniek van Afrika ; p263

En plus des groupes industriels et de l'apparition d'une nouvelle génération, on a aussi le rôle très capital de L'État ivoirien.

3-L'exonération des entreprises étrangères de taxes fiscales

La Côte d'Ivoire est un pays à économie libérale. Cette volonté politique s'est manifestée à la veille de l'indépendance précisément en 1959 avec la mise en place du code d'investissement. L'État accorde des faveurs aux investisseurs étrangers171(*). Cela se résume en trois substances : premièrement, l'État dispense les entreprises étrangères d'impôt d'installation pour une durée d'au moins 3 ans. En plus, il garantit aux investisseurs de ne nationaliser leurs entreprises. Enfin, il accorde aux étrangers la liberté de rapatriement des bénéfices générés par leurs entreprises. Cette ouverture de la Côte d'Ivoire sur l'étranger répondait à un objectif capital.

Le voeu du gouvernement est de faire de la Côte d'Ivoire, un pays émergent. Or à cette période, les populations ivoiriennes non seulement étaient rurales, mais également étaient économiquement très faibles. Car l'État a un rôle multiple, l'État entrepreneur, et planificateur de développement entend confier certaines de ses tâches aux privés. Les Libanais saisissent cette opportunité et mettent en place des sociétés industrielles. Au moment où toute l'Afrique de l'Ouest est marquée par un vent de nationalisme exacerbé à l'endroit de l'occident et des Libanais172(*).

Par ailleurs, l'État voulait faire de la Côte d'Ivoire, un pays où tout le monde trouve pour son propre compte, c'est-à-dire une porte d'ouverture à toute personne qui souhaite y investir. C'est pourquoi, dans ce code de 1959, la loi accordait des faveurs à certaines entreprises dans plusieurs domaines d'activités. Cette disposition de la loi concerne six secteurs industriels.173(*) Il s'agit de l'exonération temporaire d'impôt à la création de ces différentes entreprises.174(*) Dans ce cas, le pays n'est la chasse gardée de personne. En plus des acteurs industriels dont bénéficient l'industrie libanaise, il y a également les financements

B/ La disponibilité de ressources financières et techniques au service des investissements industriels libanais

Les entreprises libanaises bénéficient des soutiens assez appréciables de financements. Ces financements proviennent des aides de l'extérieur et également des capitaux libanais. Ces soutiens essentiellement européens sont financiers et techniques. Les entreprises libanaises disposent également des capitaux provenant de l'épargne issue de fonds et de capitaux de commerce.

1-L'épargne personnelle issue de fond et de capitaux de commerce

L'introduction des Libanais dans l'industrie ivoirienne s'est faite de façon progressive. Les Libanais ont suivi une consécration lente et harmonieuse. Longtemps présents dans le commerce de traite et des vivres, les opérateurs économiques établis en Côte d'Ivoire pendant la colonisation s'intéressent à partir de 1960 à l'industrie. Il s'agit des familles Borro, Abinader, Fakhry et bien d'autres familles. Cependant, leur engagement ne fut pas spectaculaire car ils n'abandonnent pas totalement leur commerce de détail.

Ils s'investissent dans la distribution et surtout dans l'industrie. Cette nouvelle ambition s'accompagne des soutiens financiers importants. En effet, les Libanais se sont constitués d'énormes fortunes de leurs commerces. Ces économies issues du commerce permettent aux Libanais de s'engager résolument dans les industries. Ces épargnes servent à financer l'achat du matériel d'installation, de terrain, de construction ou la location du magasin et les investissements.

Il faut noter qu'au début des années 1970, l'Afrique de l'Ouest connaît une régression importante. Au niveau économique, alors qu'en Côte d'Ivoire, on assistait à une croissance économique assez appréciable. Les pays comme le Sénégal n'offraient aucune opportunité aux investisseurs industriels libanais175(*). La plupart des riches commerçants libanais affluent en Côte d'Ivoire. Dans ce lot, nombreux sont ceux qui nourrissent l'idée de devenir futurs industriels. Ils arrivent en Côte d'Ivoire avec toutes leurs fortunes issues du commerce. Ils créent des industries à partir des années 1970. Car à cette époque, le marché ivoirien offrait de multiples possibilités. Ainsi les Libanais profitent de cette aubaine et investissent dans les secteurs industriels du pays.

2-Le soutien technique français

Les Libanais bénéficient aussi de l'apport important des Européens en particulier des Français. Cette assistance française s'explique par le soutien technique et financier. Les Français participent à l'éclosion industrielle des Libanais. Cette implication des Français dans l'activité industrielle est d'abord technique. Les techniciens apportent leurs expertises aux industriels libanais. Ce concours redynamise les activités industrielles libanaises. Les entreprises qui étaient autrefois artisanales par cet apport technique se modernisent davantage. Elles prennent l'ossature de véritables sociétés industrielles. L'exemple du groupe Fakhry est assez exemplaire. Il a sollicité l'assistance d'une cinquantaine d'administrateurs et de techniciens européens176(*) notamment français dont ils louèrent les services. Cet apport technique a permis à la Société Africaine de Bonneterie du groupe Fakhry de connaître un essor effroyable dans les années 1970.

Le soutien des Français ne se limite pas seulement à ce niveau. Les Libanais reçoivent des Français un soutien financier important. Ces apports financiers proviennent de plusieurs sources. On a d'abord la participation des Français à la constitution du capital des sociétés libanaises177(*). En effet, les français ont confiance aux Libanais grâce à leur capacité de réussite et à leur savoir faire. Pour cela, ils accordent facilement des crédits aux Libanais car ils ont la ferme certitude que ces derniers peuvent en faire un bon usage.

En dehors de cet aspect, les Français s'associent aux capitaux des Libanais. C'est ainsi que naissent des entreprises mixtes dont la gestion est confiée aux Libanais. Enfin, ils bénéficient aussi de l'assistance financière des banques françaises. Les banques financent les projets d'activités industrielles des Libanais178(*).

La consécration des Libanais dans l'industrie repose sur des socles financiers et humains solides. Ainsi, ces socles permettent aux Libanais d'être présents dans l'industrie. Ils investissent leurs capitaux dans de nombreuses branches industrielles en Côte d'Ivoire.

II-Les principales branches d'industries des Libanais de 1970 à 1980 : le développement de l'industrie plastique et métallique

L'engagement libanais dans les industries ivoiriennes entre 1970 et 1980 prend une tournure importante. Il est caractérisé par la présence des capitaux libanais dans tous les secteurs industriels. Ces capitaux libanais sont investis dans les industries des objets chaussants et des plastiques.

A/ La période de gloire de l'industrie plastique à partir de 1970

Ce secteur est en plein développement. Il a trait à la fabrication d'articles ménagers en plastique Les capitaux libanais sont importants dans l'industrie ivoirienne en général et en particulier dans les industries plastiques. Au début des années 1960, trois entreprises assurent la fabrication de ces produits. Entre 1970 et 1980, les Libanais créent de nouvelles entreprises plastiques. Cela leur donne de disposer d'une position dominante dans cette branche industrielle. Parmi ces entreprises, la plus importante et dynamique est la Société de Transformation Industrielle du caoutchouc ivoirien (Sotici)

Les investissements libanais dans l'industrie ivoirienne sont importants entre 1970 et 1980. Ils sont concentrés dans certaines branches. En effet, il existe des branches qui sont dévolues à l'État Ivoirien. Ils concernent généralement des secteurs qui nécessitent des investissements très lourds. Il y a aussi des secteurs qui sont très stratégiques. Ce sont les secteurs de l'eau, de l'électricité et les mines. Au niveau de l'extraction des minerais et des minéraux, selon le bilan de l'activité industrielle par secteurs en 1978-1979, la valeur des investissements cumulés, était 525 millions de francs CFA. Ces investissements proviennent de l'État et de la Multinationale qui avait en charge l'exploitation de la mine de Tortya179(*).

Les Libanais quant eux, ils investissent dans les branches qui n'exigent pas des financements moins lourds. Les branches industrielles de prédilection sont multiples. L'une de leurs branches industrielles est l'industrie des plastiques et des objets chaussants. L'industrie plastique concerne toutes les unités industrielles qui entrent dans la transformation du latex pour en faire un produit fini destiné à la sous-traitance.

Les industries plastiques connaissent un essor à partir de 1970. C'est dans ce cadre que Le Groupe Omais-Khalil mit en place en 1973 à la zone industrielle de Koumassi la Société de Transformation Industrielle du Caoutchouc Ivoirien (Sotici). Son capital est de 360 millions de Francs CFA.180(*) Elle emploie plus de 140 personnes dont 113 Ivoiriens. Elle réalise un chiffre d'affaires de 2,4 milliards de Francs CFA dont 95% en Côte d'Ivoire et le reste dans les pays de la Sous région. 181(*)La Sotici produit toute sorte de produits d'origine plastique. Il y a d'abord les récipients en caoutchouc. Elle fabrique également, «les tubes en PVC rapides de diamètre 12 cm, 500 mm «qui sont destinés à l'assainissement et à l'adduction d'eau. En outre, la Sotici produit «les gains pour les câbles téléphoniques et les raccords moulés en polyéthylène.182(*) La Sotici a joué un grand rôle dans l'industrie plastique et son mérite dépasse les frontières de la Côte d'Ivoire. Elle dessert non seulement le marché ivoirien mais également toute l'Afrique de l'Ouest183(*).

Il faut noter que le groupe Omais-Khalil bénéficie de l'assistance technique des grandes sociétés européennes avec lesquelles il s'est associé : ce sont particulièrement le groupe Alphacan du groupe ELF-Aquitaine et Valorance184(*). Ce soutien a permis à ce groupe de faire de cette entreprise des Omais une véritable entreprise industrielle. Car au départ elle importait des matières premières et fabrique du compound185(*) destiné à la fabrication des chaussures et des objets plastique tels que les flacons, les tubes et les câbles. La Sotici produit également les matériels d'emballages plastiques destinés aux industries et les sachets et les bâches en plastique.

En dehors de la Sotici, le groupe Omais crée par la suite les entreprises telles que la Société de Compoundage de Côte d'Ivoire (Scci)186(*) et la STPBMCI. La Scci est la plus importante structure qui compte parmi les grosses sociétés mondiales de Compoundage. Son capital est 200 millions de Francs CFA. Elle est implantée à Vridi en zone industrielle187(*). Elle réalise un chiffre d'affaires de plus de 8 milliards de Francs emploie une soixantaine de personnes.188(*) Au départ elle était une société qui est née de l'association des actions de plusieurs actionnaires. Depuis 1974, elle appartient entièrement au groupe Khalil-Omais. 80% de sa production est utilisé pour la fabrication de chaussures et 20% à la fabrication du tube Pvc et de câbles189(*). En 1980, la Scci a produit plus de 1200 tonnes de compound par mois. Cependant la crise économique de 1980 a fait chuter les productions car les demandes étaient essentiellement faibles. C'est de la Scci que furent créées en 1974, les entreprises de fabrication de chaussures telles que Sosplast qui est le leader ivoirien de fabrication de chaussures en plastique. C'est cette présence des Libanais qui a fait de l'industrie ivoirienne de la chaussure la plus dynamique de l'Afrique de l'ouest.

Selon le Ministère de l'économie de 1978 à 1979, le Liban occupait la deuxième place des investissements dans ce secteur derrière la France. Les investissements libanais étaient cumulés à 298 millions de Francs CFA (tableau n°7). Alors que ceux de la France étaient évalués à 318 millions de Francs CFA. On note une présence non moins importante des pays tels que Hong-Kong dont l'investissement est évalué à 27 millions de CFA190(*). Cette implication dans cette industrie concerne les industries du cuir.

Dans l'ensemble, les Libanais ont fortement investi dans le secteur du plastique ce qui leur vaut ce deuxième rang. Les Libanais sont également présents dans l'industrie métallique et dans l'industrie agroalimentaire

Tableau N°7 Répartition des investissements par nationalité dans les industries duCuir et articles chaussants en million de CFA

Pays

Part en milliers de FCFA

France

318

Liban*

298

Canada

177

Grande Bretagne

48

Privés Ivoiriens

35

Hong-Kong

27

Ghana

20

Maroc

1

Total

924

Source : Ministère de l'Economie des Finances et du Plan, Côte d'Ivoire en Côte d'Ivoire ; 80-81, p199

B/ Une place dominante dans l'industrie métallique et alimentaire à partir de 1970

Les investissements libanais ne se limitent pas aux industries plastiques et au commerce. Les Libanais continuent d'investir dans les secteurs industriels tels que l'industrie agroalimentaire et les industries métalliques entre 1970 et 1980. Cette présence libanaise dans ces branches industrielles prend un tournant important pendant cette période.

1-La croissance des investissements libanais dans les industries métalliques.

Dans la première décennie de l'indépendance l'industrie de transformation du métal était moins développée. Les quelques unités de production était essentiellement des industries d'imports substitution. De plus, elles n'étaient pas de véritables entreprises même si elles approvisionnaient le marché local ainsi que celui de la sous région. Cependant la période 1970-80 sonne un déclic. On assiste à l'apparition de véritables entreprises. C'est dans cette perspective que les Libanais mettent en place de véritables industries de transformation de métaux. Il s'agit notamment de la Sotaci191(*). Elle fut créée en 1974. Elle est la propriété du groupe Omais-Khalil. Elle est spécialisée dans la fabrication des matériaux de construction. Elle produit des tôles en aluminium, des pointes en acier, des fers à béton. En outre, les Libanais disposent d'autres entreprise qui fabrique des objets simples en métaux que sont, Ivoiral, Miam, Mecanembal192(*). Elles fabriquent des ustensiles de cuisine tels que les marmites, les assiettes, et autres. Cet engagement libanais se vérifie par une position très honorable dans la branche des métaux (tableau N°8).

Tableau N°8 de répartition des investissements par nationalité dans les industries des métaux 1979

Pays

Part en millions de FCFA

France

4925

Privés ivoiriens

1133

USA

849

Etat ivoirien

738

Liban*

235

Japon

169

Hong-Kong

168

Italie

40

Belgique

28

Luxemburg

25

Divers

241

Total

8551

Source : Ministère de l'Economie des Finances et du Plan, Côte d'Ivoire en chiffres, 80-81, pp199

En dehors de cette présence libanaise dans les industries métalliques, cette communauté dispose d'une part importante de ses capitaux au service des industries agroalimentaires de la Côte d'Ivoire. Les Libanais constituent un apport important pour cette branche de l'industrie ivoirienne.

Ainsi, on les retrouve dans tous les secteurs des industries alimentaires. A cet effet, au niveau de ce secteur, les investissements libanais s'évaluent à environ 72 millions francs CFA sur un investissement global de 5,571 milliards de CFA.193(*)

En outre, au niveau des industries de conservation et de préparations alimentaires, le poids libanais est important. Cette branche des industries alimentaires concerne toutes les activités industrielles qui entrent dans la transformation des matières premières agricoles en produits finis prêts à la consommation. La part libanaise dans ce secteur industriel est estimée à environ 230 millions de francs CFA sur des investissements globaux annuels de 11,564 milliards de CFA.194(*)

Enfin, les Libanais sont présents dans la fabrication des boissons et glace alimentaire. A cet effet, les capitaux libanais représentent 120 millions de francs CFA195(*). Au niveau des boissons, selon Alain Dubresson, les capitaux libanais sont estimés à 6,5%196(*). Ainsi, donc les Libanais sont dynamiques dans les industries alimentaires.

2-Le poids global des investissements libanais en 1979

Les Libanais font partie prenante dans l'industrie ivoirienne. Ils occupent le 4 ème rang dans l'industrie ivoirienne. Les investissements globaux sont estimés à 3,092 milliard de Francs CFA (tableau n°9), soit une proportion de 2,46%.197(*) L'ensemble des investissements libanais dans l'économie ivoirienne au cours cette période semble être plus important vu la part croissante des capitaux des privés ivoiriens. 1,4988 milliards de Francs de CFA ne représentent pas seulement des capitaux d'origine ivoirienne. En effet, il existe des entreprises qui pour une raison ou une autre sont enregistrées en tant qu'entreprises ivoiriennes.198(*) Cette participation libanaise concerne plus de 1241 entreprises industrielles199(*). Ces entreprises libanaises selon Aly Coulibaly emploient au total 6538 personnes en 1978. Plus de la moitié de ces entreprises, c'est à dire 61% ont un effectif inférieur ou égal à deux employés. 30% ont leurs effectifs compris entre 3 et 10 employés ; 6.6% ont quant à elles un effectif entre 11 et 50 employés et 1,6% ont un effectif supérieur à 50 employés. Parmi ces employés, cette repartions fait apparaître une prédominance des ivoirien soit 60% et les africains non ivoiriens représentent 28% du personnel200(*).

.

Tableau N°9 Répartition du capital social des entreprises par pays d'origine en millions de CFA

 

Part en millions

Part en %

Etat ivoirien

36975

32,38%

Privés ivoiriens

14988

13,19%

France

36299

31,94%

Suisse

6239

5,49%

Etats Unis

3276

2,88%

Liban*

3092

2,46%

Source : Ministère de l'Economie, des Finances et du Plan, Côte d'Ivoire en chiffres 80-81, p198

Au total, entre 1970 et 1980, les Libanais procèdent à la diversification totale de leur présence économique en Côte d'Ivoire. Au niveau du commerce, pour être compétitifs et productifs, les Libanais investissent dans la grande distribution et des services. Ensuite, ils s'engagent de manière totale dans l'industrie ivoirienne. A la fin des années 1970, les capitaux libanais étaient l'un des plus importants dans l'économie ivoirienne. De 1970 à 1980, les Libanais sont fortement présents dans l'industrie ivoirienne. Ils poursuivent cette participation active au service de l'économie de la Côte d'Ivoire dans la période 1980-2001.

TROISIEME PARTIE

LA PART CROISSANTE DES INVESTISSEMENTS LIBANAIS DANS LA VIE ECONOMIQUE DE LA COTE D'IVOIRE A PARTIR DE 1980

La présence libanaise dans l'économie ivoirienne est progressive. La décennie 1970 est la phase de la reconversion totale de cette communauté dans l'économie ivoirienne. Quant à la période 1980-2001, elle est caractérisée à la fois par une situation de crise socio économique sans précédent avec son corollaire de fermeture des entreprises et de la mévente des matières premières agricoles sur le marché international. Cette situation n'ébranle point l'ardeur des Libanais. Au contraire, elle suscite en eux un orgueil qui permet non seulement de conforter leur position, mais également d'étendre leur présence économique en Côte d'Ivoire.

CHAPITRE I : LE DEVELOPPEMENT DES INDUSTRIES COSMETIQUES, IMPRIMERIES ET DE LA DISTRIBUTION

Si la décennie 1970 est une période faste de l'économie ivoirienne, cette situation ne se poursuit pas dans les années 1980. Les Libanais qui ont amorcé un engagement total dans le développement industriel de la Côte d'Ivoire continuent d'étendre leur présence dans cette dernière. C'est dans cette perspective que les Libanais s'intéressent aux industries cosmétiques et aux imprimeries. A cela s'ajoute leur mainmise sur la distribution.

I-D'importants investissements au service des industries cosmétiques

La période 1980-1990 est caractérisée par l'abandon progressif des grands centres commerciaux au profit de la ville d'Abidjan et de ses banlieues des opérateurs économiques notamment les Libanais. C'est le cas par exemple de la ville de Bouaké qui comptait en 1975 334 ressortissants Libanais n'abritait que seulement 186201(*). Ces derniers se concentrent à Treichville et surtout à Adjamé. En effet Adjamé accueille à lui seul 38 % des populations libanaises à Abidjan.202(*) Les Libanais sont à la fois de véritables commerçants et industriels. A ce titre, ils ont joué un rôle important dans le développement industriel de la Côte d'Ivoire.

L'industrie des cosmétiques et d'autres produits de beauté fait partie des secteurs industriels qui ont connu un développement tardif en Côte d'Ivoire. En effet, jusqu'à la fin des années 1970, la Côte d'Ivoire ne disposait pas encore de véritables entreprises industrielles dans ce secteur. Ainsi, ce secteur des produits de beauté étaient dominés par les importations. Cependant, au début des années 1980, on assiste aux fortes productions des fabriques nationales.

A/ La situation du secteur cosmétique avant 1980

Le secteur des produits de beauté est l'une des branches industrielles peu développées jusqu'à la fin des 1970. Les activités des industries cosmétiques étaient tournées plus vers les importations des produits européens. Cependant, ces articles de la cosmétique et de beauté connaissent une consommation importante des ménages ivoiriens.

Ainsi donc, ce secteur est loin d'attirer les Ivoiriens. Or, les Ivoiriens en particulier les femmes sont très friandes de ces produits. Elles fréquentent à longueur de journée les magasins tenus pour la plupart par les Libanais. Peu sont les Ivoiriennes qui détiennent des points de vente des produits de beauté. Il faut aussi noter que les parfums, les pommades sont utilisés pour le soin des nouveau-nés. Ces produits proviennent de l'extérieur en l'occurrence de l'Europe.

Jusqu'en 1980, les industries cosmétiques ne sont pas encore développées ou sont quasiment inexistantes. Le marché national est totalement dépendant des industries européennes. Les entreprises disposent à cet effet des filiales en Afrique et en particulier en Côte d'Ivoire. Ces succursales sont la propriété de groupes européens et libanais qui se chargent de faire la distribution. Parmi ces groupes libanais, la famille Gandour est l'une des figures emblématiques qui se livrent au commerce des produits cosmétiques. Le groupe Gandour a fait de ce secteur une activité de prédilection. Cette structure commerciale est purement une entreprise d'import-export.

A cet effet, elle importe les produits auprès des entreprises européennes notamment françaises. C'est à juste titre que ce groupe assure l'approvisionnement du marché local et aussi du marché régional en particulier les pays de l'hinterland203(*). Cette dépendance de l'extérieur s'étend en 1980. C'est au cours des années 1980, que ces filiales européennes deviennent de véritables entreprises dont la plus importante est la Parfumerie Gandour de Côte d'Ivoire (Pgci).

B/L'émergence du groupe industriel Gandour à partir de 1980

Les industries cosmétiques ivoiriennes et des parfumeries connaissent leur véritable essor dans les années 1980. Elles réduisent ainsi les dépendances à l'égard de l'extérieur.

Les industries ivoiriennes des cosmétiques sont pour la plupart des industries de substitution. En effet, elles importent les produits semi-finis soit sous la forme solide, soit sous la forme liquide. Ils proviennent essentiellement de la France et d'Asie. Ce sont des colorants, de la glycérine, des huiles, des crèmes et bien d'autres produits de beauté. Ils subissent des transformations prêtes à la consommation des populations. Cependant, souvent, les produits arrivent en Côte d'Ivoire prêts à la consommation et les entreprises ivoiriennes ne procèdent qu'à leur mise en boite ou à leur emballage. Ces fabriques nationales sont en majorité libanaises. Elles sont dominées par 4 principales entreprises. Il s'agit de la Parfumerie Gandour de Côte d'Ivoire (Pgci) de la Société Ivoirienne des Parfums et des Cosmétiques (Siparco), de la G.D.K.CI  et de la Société Ivoirienne des Parfums (Sivop).

En 1989, le secteur des produits de beauté regroupe une vingtaine de sociétés productrices. L'émancipation des entreprises cosmétiques commence réellement en 1980. Gandour est originaire du Liban du Sud. Il arrive comme tous les autres ressortissants libanais au Sénégal à la fin des années 1920. Il s'installe à Dakar où il s'adonne au commerce. En 1964, il rachète à Dakar une petite parfumerie alors en faillite. C'est en 1977 que son fils, El Gandour Nahmoud crée la Parfumerie Gandour de Côte d'Ivoire (Pgci) à Yopougon. En ses débuts, la Pgci disposait d'un capital de 10millions de Francs CFA. En 1979, elle a réalisé un chiffre d'affaires hors taxe de plus 89,200 millions de Francs CFA. Cette unité de production débute ses activités avec seulement 60 employés dont 54 sont Ivoiriens. Elle fabrique et commercialise des « parfums, talcs, crèmes, pommades, vernis à ongles » et d'autres produits de beauté. 204(*) Il s'agit essentiellement de produits de bas et moyen de gamme, plus adaptés aux besoins de la population .205(*). Cette entreprise connait un son essor à partir de 1985. En effet, entre 1985 et 1990, d'abord, son chiffre d'affaires a connu une forte hausse, soit 350 millions de Francs de CFA. Elle représente par ailleurs les marques européennes notamment « Eau de Vendôme, Gentilys, Horizon, Caresse, Harlem, Joanna, Seyfu » et bien d'autres marques.206(*)

Cette croissance des affaires permet de disposer des succursales un peu partout en Afrique et même en France. La succursale implantée en France depuis 1990 est destinée à l'alimentation du marché local français et aussi l'approvisionnement des pays du Moyen-Orient et les pays de l'Afrique de l'Est. Le groupe Gandour a conquis le marché de l'Afrique subsaharienne. D'abord, il a installé des filiales en Afrique. C'est dans cette optique que furent créés respectivement en 1982, Gandour Cameroun précisément à Douala et en 1982 Gandour Kinshasa. Ensuite, il exporte entre 65 et 70% de sa production vers les pays de la sous-région notamment le Mali, la Guinée, le Benin, le Nigéria et dans bien d'autres pays africains207(*). Dans ces pays, ce groupe dispose des magasins et des supérettes qui assurent la commercialisation de ces produits. Aussi, la production du Groupe couvre t-elle 60% du marché local208(*).

En dehors de la Pgci, le groupe Gandour a mis en place deux véritables entreprises dans le même secteur. Nous avons d'abord, la (Société Ivoirienne de Parfumerie de Côte d'Ivoire (Sivop). Elle a également son siège à la zone industrielle de Yopougon. Elle est spécialisée dans la fabrication des produits de beauté destinés essentiellement aux femmes. Ce sont les mèches, les crèmes, les huiles. Elle est très dynamique. En effet, selon les données de la Banque des Données Financières, la Sivop disposait en 1991 d'un capital de 80 millions de francs CFA avec un chiffre d'affaires de 1,356 milliard de francs CFA. Elle employait 158 personnes.209(*)

En plus de ces deux entreprises, il y a également la G.D.K-CI. Elle est très performante. En ce sens qu'elle a réalisé un chiffre d'affaires de 1,690 milliard210(*)de francs CFA. Alors qu'elle n'emploie que 100 personnes. Ce dynamisme du Groupe Gandour dans ce secteur fait de lui le plus grand opérateur industriel libanais en Côte d'Ivoire.

En dehors des entreprises du groupe Gandour, nous avons d'autres entreprises libanaises. Il s'agit la Siparco,-ci. La Siparco-ci est très importante dans le secteur des cosmétiques. Elle était le grand opérateur du milieu. En effet, en 1980, elle disposait d'un capital de 60 millions de francs de CFA alors que le groupe Gandour n'en avait que 10 millions de francs CFA.211(*) Le capital de la Siparco-ci n'a pourtant pas subi une hausse. Ce qui signifie qu'aucun investissement n'a été effectué. Néanmoins, le chiffre d'affaires a connu une hausse élogieuse au fil des années comme l'atteste ces données statistiques des chambres consulaires de Côte d'Ivoire : de 865 millions de francs CFA en 1985, on est passé à 1,132 milliards en 1990, soit une augmentation de 267 millions de francs en cinq ans212(*). Quant aux employés de cette entreprise, l'effectif n'a pas varié soit 99 personnes.213(*)

L'industrie des cosmétiques dominée autrefois par les importations connait un développement remarquable dans la première décennie des années et ce malgré la persistance de la crise économique. Les Libanais sont maîtres de cette branche économique soit une part de 24% en 1990.214(*) Une part qui semble toutefois faible dans la mesure où elle ne prend pas en compte toute la communauté libanaise. Elle se base sur le critère de nationalité en ignorant les libanais touts courts.

En définitive, on retient que le poids des investissements libanais nous paraît très important par rapport au dynamisme du seul Groupe Gandour.

II- Le développement des industries de papeteries et des imprimeries

Tout comme le secteur des produits de beauté, les industries de papeteries et des imprimeries n'ont pas connu un essor en Côte d'Ivoire durant les deux premières décennies de l'indépendance. Elles étaient quasiment inexistantes au début des années 1980. La couverture du marché national était essentiellement réservée aux produits étrangers .Cependant, la décennie 1980 marque le déclic de ce secteur.

A/ La situation du secteur de l'emballage et de l'imprimerie

Le secteur de l'emballage et de l'imprimerie présente un caractère extraverti et une faible production avant 1980. La Côte d'Ivoire ne disposait pas d'entreprises capables de satisfaire le marché local et sous-régional. Au niveau de la presse, il existe un seul organe de presse. C'était le quotidien «Fraternité matin« créé en 1961. Lequel quotidien est non seulement la propriété de l'Etat de Côte d'Ivoire, mais aussi du Pdci-rda. Ce groupe dispose d'une entreprise d'édition et de distribution dénommée Société de Presse et d'Edition de la Côte d'Ivoire (Speci)215(*). C'est la Speci qui avait la responsabilité d'imprimer les 20 mille exemplaires de ce quotidien et de les distribuer sur le marché. Quant au journal officiel de la République, son impression et son édition étaient l'affaire de l'Imprimerie Nationale. Il paraît tous les jeudis et publies les décisions importantes de l'Etat de Côte d'Ivoire. Outre, le journal officiel qu'édite l'imprimerie Nationale, il y a également les documents administratifs tels que les bordereaux, les documents électoraux et bien d'autres documents administratifs.

L'impression des livres et cahiers216(*) ne s'effectuait point en Côte d'Ivoire217(*). En effet, il n'existait pas d'imprimerie capable d'assurer cette tâche en dépit de la fusion par la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Togo de les Nouvelles Editions Africaines (Nea). Les impressions de ces produits de cet éditeur sont réalisées à l'extérieur. Les Nouvelles Editions Africaines convoient les maquettes des fournitures scolaires en France pour qu'elles puissent être imprimées. L'Etat sollicitait de l'expertise des entreprises françaises pour la confection de ces fournitures.

Bien que leurs productions fussent infimes et singularisées par les imprimés et les brochures publicitaires, les imprimeries installées en Côte d'Ivoire ont réalisé un chiffre d'affaires impressionnant en 1971 de 1,25 milliard de francs CFA.218(*) Leurs ventes sont essentiellement réalisées sur le marché national.

Selon le Ministère de l'économie, des Finances et du plan, les investissements cumulés au niveau des imprimeries s'évaluaient à 1,933 milliard de francs CFA219(*). La part de la France était estimée à 802 millions de francs CFA, soit 41,49 %220(*). Les entreprises françaises sont au nombre de 26. 221(*)

Quant à la part de l'Etat ivoirien dans ce secteur, elle n'est que 448 millions de francs CFA. A cela s'ajoute la présence très modeste du Liban. Elle est évaluée à 155 millions de francs CFA. En effet, cette implication syro-libanaise se manifeste par les importations des matériels de conditionnement, de la cartonnerie et de l'emballage plastique des productions industrielles.

En définitive, on retient que tout comme les autres branches économiques, l'industrie des imprimeries ivoiriennes est nettement dominées par la France que ce soient les importations et la présence des entreprises en Côte d'Ivoire. Cependant, la décennie 1980 marque l'éclosion de la communauté syro-libanaise dans ce secteur industriel.

B/ L'essor des Libanais dans l'industrie des imprimeries

Pendant les deux premières décennies de l'indépendance, le secteur des imprimeries était moins développé et confiné dans les mains des entreprises européennes. Cependant, la période 1980 marque le développement des imprimeries en dépit de la situation catastrophique de l'économie ivoirienne. Elle est caractérisée par la prédominance des Libanais dans ce secteur avec pour chef de file des entreprises libanaises l'Embaci.

1-La position dominante de l'Embaci dans l'industrie de l'emballage

Le secteur de l'emballage représente un des plus gros marchés de l'industrie du papier en Côte d'Ivoire. Il est dominé par trois principales entreprises dans ce domaine. Il s'agit de la Société Nouvelle Abidjanaise de Carton Ondulé (Sonaco), la Manufacture de l'emballage de Côte d'Ivoire (Embaci) et la Société ivoirienne de l'emballage (Sivem). L'Embaci est la propriété du groupe industriel libanais Omais. Elle est la plus importante entreprise libanaise du secteur.

Au plan national, elle vient en deuxième position après la Sonaco. Créée en 1981, l'Embaci produit des cartons ondulés. Elle est essentiellement tournée vers les conditionnements. Ces conditionnements sont destinés aux entreprises locales. En 1990, elle employait 85 personnes et réalisait un chiffre d'affaires de 2,45 milliards de francs CFA. La remarquable percée de «Embaci« est notifiée par Marchés Tropicaux222(*) dans l'un de ses suppléments : « en Côte d'Ivoire, Embaci qui est dirigée par la famille libanaise des Omais produit environ 6 mille tonnes de carton ondulés ».

En plus d'Embaci, il existe des entreprises dont les capitaux sont franco-ivoiriens. Il y a entre autres la Société Ivoirienne de l'Emballage (Sivem) créée en 1976 appartenant à Anet Bilé et des industriels français. Le capital de la Sivem est 160 millions de Francs CFA. Elle est spécialisée dans la fabrication de sacs en papier pour l'ensachage du ciment, de la farine, du cacao ou du sucre à partir de 6 mille tonnes de papier kraft223(*) importé en rouleaux. Elle est d'ailleurs la seule unité à traiter ce papier destiné à la fabrication de sacs en papier. Son chiffre d'affaires s'élevait à environ 1, 8 milliard de Francs CFA.224(*) La Sivem exporte ses produits vers les pays de la sous- région.

Il y a également la Sonaco qui est la propriété d'un groupe franco-ivoirien. La Sonaco est la plus grande entreprise du milieu. Bien qu'elle soit créée en 1988, elle domine ce secteur de l'emballage. Sa production de l'année 1990 est dans l'ordre de 40 mille tonnes de cartons ondulés. Elle employait 425 salariés et réalisait un chiffre d'affaires estimé à 11 milliards de francs CFA.225(*) Elle détient le monopole du conditionnement des bananes.226(*)

2-L'imprimerie et la fabrication d'articles de papeterie

Le secteur de l'imprimerie et de la papeterie jusqu'en 1990 n'était pas encore développée. Néanmoins, dans ce domaine, la Côte d'Ivoire est l'un des pays les mieux équipés de la Sous région. L'imprimerie industrielle représente un marché estimé à environ 9 milliards Francs CFA. La Côte d'Ivoire importe environ 20 mille tonnes de papiers par année. On dénombre une douzaine d'imprimeries de grande capacité.227(*) Toutes ces entreprises appartiennent aux Français et surtout aux Libanais. La seule entreprise ivoirienne du secteur est Unipaci228(*). Il faut noter aussi que l'imprimerie s'occupe de la presse. En effet de 1961 jusqu'au retour du multipartisme en Côte d'Ivoire en 1990, la presse ivoirienne écrite locale était représentée par le seul groupe Fraternité matin. Il éditait à ce effet le seul périodique l'hebdomadaire «Ivoire Hebdo«.

Au niveau de la papeterie, on note la mainmise encore des Libanais. Il s'agit des entreprises comme la Safica, Imprisud, Abidjan continu. On y trouve d'autres entreprises telles que la Pagena, la Presse Impression continu Abidjanaise et Imprimerie du Plateau et Ray-O-Print.

Quant au «packaging«,229(*) en dépit de l'omniprésence de les 3I ou Imprimerie Industrielle Ivoirienne du groupe Bolloré et Unipaci, l'on observe une implication remarquable de deux sociétés libanaises du groupe Omais230(*). Il s'agit de la Manufacture d'Imprimerie et de Cartonnage de Côte d'Ivoire (Mici) et de la CPI. En effet, la crise économique qui affecte les entreprises n'est pas faite pour aider ce secteur. On note la surproduction des entreprises. Elles n'arrivent pas à écouler leurs marchandises. En outre, il y a la concurrence déloyale. L'on note également les importations sauvages et surtout l'entrée frauduleuse des produits étrangers d'imprimerie sur le territoire national231(*). Ces pratiques constituent un manque à gagner pour les entreprises du secteur.

En dehors de ces grandes entreprises, nous avons également d'autres petites et moyennes entreprises syro-libanaises dans ce secteur industriel qui ont pris une part active dans cette industrie. Il s'agit entre autres de Papigraph-ci232(*). Cette Petite et Moyenne Entreprise a été créée en 1984 à Daloa. Elle est la propriété du Franco-libanais Nasrallah Chahine. La Société des Papiers et des Graphiques de Côte d'Ivoire (Papigraph-ci) est spécialisée dans la fourniture du papier, du carton, des encres, des machines et autres matériels d'imprimeries. Elle représente en Côte d'Ivoire de prestigieuses marques et dispose d'un département Papèteries et fournitures scolaires d'une gamme extrêmement variée. Sa position et l'étendue de son domaine d'intervention lui confèrent un leadership incontestable. En effet, Papigraph-CI a des ramifications qui s'étendent aux pays limitrophes à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Cette société fait face à la crise en déployant des efforts louables et participe à sa manière de développement l'économie du pays. Cette entreprise fait de la politique de l'emploi une priorité. C'est à juste titre qu'elle emploie une trentaine de personnes qui sont soit des employés à temps complet, soit des contractuels

Au total, on observe que les Libanais sont très dynamiques dans les imprimeries. Ils ont usé de tous les moyens pour rendre ce secteur moderne et l`un des plus performants en Afrique de l'Ouest francophone. En plus des industries de l'imprimerie et des papeteries dans lesquelles les Libanais sont fortement présents, ils détiennent une place importante dans la filière textile.

III- La prédominance libanaise dans le textile et l'habillement entre 1980 et 1990

Au lendemain de l'indépendance, la présence des Libanais dans l'industrie textile était purement caractérisée par des petites et moyennes industries tournées essentiellement vers les importations, mais dynamiques. Entre 1970 et 1980, ces entreprises font appel à l'expertise des Européens. Cela entraine la redynamisation totale de cette industrie à partir de 1980. Ce qui lui vaut une position remarquable dans la distribution.

A/ Le secteur textile : un domaine de prédilection des Libanais

La branche textile fait partie du tissu industriel parmi lequel foisonnent les Libanais. La période 1980-1990 marque l'essor de la Société Africaine de Bonneterie dans le textile. L'on note également l'apparition du Challenger qui est aussi une entreprise importante de cette industrie. La position dominante de cette communauté libanaise se trouve aussi dans la création d'une multiplicité de petites et moyennes entreprises.

1-L'omniprésence de la Sab dans le secteur

Le secteur textile constitue un domaine de prédilection pour les entrepreneurs libanais. Ils sont représentés par le Groupe industriel Fakhry et des unités de petites tailles dont les activités sont les importations, et le tricotage et la teinture.

Le groupe Fakhry est très dynamique dans le secteur du textile et de l'habillement. En effet, l'entreprise de Fakhry dans ce domaine remonte depuis la première décennie de l'indépendance avec la création de la Société Africaine de Bonneterie233(*) Cette industrie connait un succès remarquable depuis la deuxième moitié des années 1970 avec le soutien du groupe Blue Bell. Ce progrès de la Sab ne s'arrête pas en 1980, il se poursuit. Son capital s'est énormément accru. Alors qu'en 1975, il n'était seulement que 50 millions de francs CFA.234(*) En 1990, il est évalué à 200 millions de francs CFA soit une augmentation des investissements de 1,06 milliard de francs de CFA en 16 ans, soit 6,87millions par an.235(*) Cela montre que ce groupe ne rapatrie pas tous ces bénéfices, il consacre une partie aux financements de ses activités. Ce groupe a fait de l'investissement son crédo. Entre 1977 et 1985, l'y consacre 200 millions de francs CFA bien que la situation était difficile pour l'économie de la Côte d'Ivoire. L'accroissement des investissements est la conséquence significative de l'augmentation du chiffre d'affaires. De 903 millions de Francs en 1975, on est passé à 3,720 milliards en 1987.236(*) Mais, l'on note une baisse à partir de 1987. Cette situation peut s'expliquer par l'effondrement du prix du binôme café-cacao. Cet effondrement entraine la baisse du pouvoir d'achat des Ivoiriens. La Sab joue un rôle important dans la lutte contre le chômage. En 1989, elle employait 551 salariés dont 504 Ivoiriens.237(*)

En plus de la Sab, le Groupe Fakhry dispose aussi d'une autre entreprise à savoir Challenger.S.A. Elle a été créée en 1986.238(*) La Challenger dispose en ses débuts moins de 100 millions de francs CFA comme capital. Il est passé à 200 millions depuis 1988.239(*) Elle est spécialisée dans la vente des vêtements et autres articles d'habillement de toute marque dont la plus connue est «Wrangler «. Son chiffre d'affaires s'est accru. De 909 millions en 1986, la Challenger a connu une hausse de son chiffre d'affaires et passe à 1,405 milliard de francs CFA.240(*) Au niveau des employés, elle employait plus de 199 personnes dont 196 Ivoiriens. La grande partie de la production de ces deux entreprises est destinée à l'exportation : soit 91,4% pour la Sab et 41,8% pour la Challenger.241(*)

En dehors de la Société Africaine de Bonneterie et de la Challenger, la communauté libanaise dispose de plusieurs entreprises de petites tailles dans cette branche industrielle. Celles-ci emploient en moyenne 5 à 10 personnes. Il s'agit notamment de la Prometex, la Midelco.242(*)

Les Libanais ont joué un rôle indispensable dans le textile en Côte d'Ivoire. Ils ont rendu cette branche de l'économie la plus compétitive de la sous-région en dépit de la dominance des importations des tissus des pays étrangers. Les Libanais sont également omniprésents dans la distribution.

B/ Un apport important dans la distribution à partir de 1980

Le rôle des Libanais dans le commerce en Côte d'Ivoire est remarquable. Ils ont commencé d'abord dans le commerce de traite. Ensuite, ils ont intégré le commerce moderne à travers la création des magasins et des entreprises d'import export. A partir de 1980, ils se consacrent à la grande distribution.

1-Le repli des compagnies commerciales européennes

La Côte d'Ivoire a connu une croissance économique remarquable. Cependant, la période 1980 est dominée par une grande crise économique en Côte d'Ivoire. Il s'ensuit l'asphyxie généralisée de l'économie ivoirienne. Les opérateurs économiques de tous les secteurs d'activités ferment leurs entreprises. D'autres, par ailleurs abandonnent définitivement l'Afrique Subsaharienne surtout la Côte d'Ivoire. Cette attitude s'explique par le faible rendement de leurs activités. Comme l'atteste ici Antoine Sery243(*) , en prenant l'exemple de la Cfao et de la Scoa. « La Cfao ne réalise plus en Afrique, surtout au Sud du Sahara et particulièrement en Côte d'Ivoire que 30% de son chiffre d'affaires et toutes les activités ont été filialisées pour fermer ou de vendre ou les branches les moins rentables ». La Cfao selon Jean Suret-Canale244(*), a échappé aux bouleversements et aux super concentrations de la fin des années soixante. En effet, certes il y a eu au sein du groupe de contrôle des changements respectifs d'influence, ces derniers ne sont pas perceptibles pour l'observateur. La Cfao demeure toujours une entreprise commerciale de renommée internationale. Cependant, elle procède à la diversification de ces produits et ses zones de d'activités. Elle s'implante par ailleurs en Amérique et en Asie. Au niveau de son commerce, l'on observe que son implication dans le commerce des automobiles prend de l'ampleur.

Quant à la  Scoa, elle s'est très engagée en Côte d'Ivoire et très proche des populations rurales. Elle a développé en Côte d'Ivoire des métiers de commerçants avec la mise en place de la Chaîne Avion depuis 1956245(*). Cette politique a consisté à la création de boutiques clés en main. Cette oeuvre s'est poursuivie jusqu'en 1980. Cela a aidé l'Etat dans sa politique « d'ivoirisation » du commerce et de sa volonté de résoudre le problème du chômage urbain. Cependant «la Scoa a été sévèrement touchée par l'effondrement tout azimut de l'économie du pays où le revenu par tête d'habitant a connu une baisse de 17% en 1987. Du coup la Scoa s'est développée en Asie par sa filiale. Au Canada, elle s'est spécialisée dans la distribution des produits pharmaceutiques. En Europe, elle se confine désormais dans la distribution et la vente des automobiles des micro-informatiques professionnelles«. 246(*)

Ce retrait des Européens est une opportunité que les Libanais saisissent pour se repositionner. Leur repositionnement se matérialise comme suit : Ils procèdent premièrement par l'occupation des anciens locaux des magasins des compagnies commerciales européennes. Ils investissent alors dans les entreprises supposées  « condamnées », les restructurent et créent de nouvelles entités. Selon Jean Pierre Ayé, ils ont un goût du risque très prononcé que les théories économiques ne suffisent toujours pas à l'expliquer247(*).

Ensuite, ils rachètent ces factoreries abandonnées. C'est le cas du groupe Fakhry qui a acheté le supermarché Rallye appartenant à un groupe européen en 1987. Ils mettent en place des circuits de vente ou de distribution qui sont souvent contraire aux normes du commerce légal. C'est le cas des vendeurs de rue ou commerce de la rue appelés communément les Bana-Banas248(*). Pour contourner la fiscalité, ils livrent les marchandises à ces commerçants ambulants. La plupart de ces vendeurs dont l'âge varie entre 16 et 35 ans sont les ressortissants ouest africains. Ils sont généralement déscolarisés ou parfois analphabètes. Ces jeunes gens vendent les articles à bas prix. Ces marchandises sont des objets importés dont le citoyen à revenu modeste ne peut se l'offrir s'il est vendu à son prix normal. Ces articles sont de tous ordres. Il s'agit des biens d'ameublement : les maquettes, les tapis, les coussins et les statues. Il y a aussi les articles d'habillement : les draps de lits, les glasses. Enfin, nous avons d'autres objets de luxe : les montres, les bijoux, les cannes à pêche et bien d'autres articles249(*).

Dans leur entreprise, les Libanais améliorent les propriétés déjà existantes. Non seulement, ils augmentent l'étendue de la gamme de leurs produits, mais également ils agrandissent la surface des locaux. L'exemple du supermarché «Al Nour Hayat « est assez édifiant. Ce supermarché créé en 1966, était au départ un magasin de vente des articles de première nécessité. Il s'est agrandi, transformé, modernisé au fil des années. Ce magasin traite en 1986 d'un assortiment de 650 références ou articles sur une aire de 2340m² dont 840m de surface de vente et 1500 m² de réserves. Au niveau du personnel, alors qu'en 1966, les employés n'étaient que 41, l'effectif est 102 personnes.250(*)

En plus de Nour Al Hayat, il en existe d'autres. Il s'agit de la Société ivoirienne de distribution de marchandises d'entretien (Sidime Bittar-Happy Baby). Localisée au Plateau à l'avenue Noguès, la société du Libanais Bittar Hassan fut créée en 1981. Son capital est de 30 millions de Francs CFA. Elle emploie une quinzaine de personnes dont la charge est de commercialiser les produits pour le confort des bébés. Il s'agit entre autres de « Absorba, chicco, Remond, Bébé confort ».251(*) En dehors de la Sidime Bittar-Happy, nous avons le Supermarché Trader Center créé en août 1982. Il est situé également à Abidjan-Plateau. Ce supermarché de Sakhr Fakhry dispose d'un capital de 250 millions de Francs CFA. Il réalise un chiffre d'affaires hors taxe de 3,5 milliards CFA avec des investissements annuels estimés à 800 millions de Francs CFA.252(*)

Au niveau de la promotion et du marketing, les Libanais ne lésinent pas sur les moyens. En effet, ils saisissent toutes les opportunités qui s'offrent à eux pour connaitre leur commerce aux populations. Les Libanais participent à l'organisation des foires et carnavals aux côtés des autorités communales. A ce sujet lors de ces semaines commerciales, le mérite de certains commerçants est reconnu. Ainsi, lors de la semaine commerciale et industrielle d'Attiécoubé de 1987, la « médaille d'or et la coupe du meilleur exposant sont revenues à la Société de confection textile Haidar Frères. »253(*) De même, les Libanais s'impliquent dans l'organisation des foires et des semaines commerciales dans le pays. Ce fut le cas de la 13ème édition de la semaine commerciale de Treichville du 26 juin au 5 juillet 1980 où les commerçants libanais faisaient partie du comité d'organisation dirigé par Ablé Frédéric254(*).

Ces rénovations rendent ces magasins très compétitifs et efficaces. Elles permettent à ces entreprises commerciales d'être fiables et capables de rivaliser les firmes internationales. Par ailleurs, les Libanais pour combler le vide laissé par les compagnies européennes créent de nouveaux supermarchés. Le Groupe Fakhry est très dynamique dans grande la distribution. Il dispose de nombreux supermarchés créés au cours la décennie 1980 essentiellement localisés à Cocody, au Plateau et à Marcory. Il s'agit des supermarchés dénommés Cash Center, Trade Center a été mis en oeuvre en 1987. On observe une situation de monopole de ce groupe dans la grande distribution.

Cette position libanaise s'accentue également avec l'échec du Programme d'Action Commerciale. En effet, l'Etat a développé tous les secteurs d'activités économiques en délaissant celui du commerce.

2-La création de grandes entreprises commerciales entre 1980 et 1990

Les Libanais ont contribué au développement de la grande distribution de produits de toute nature. Ce dynamisme de cette communauté  se manifeste par la création d'importantes entreprises commerciales. Ces entreprises ont l'ossature de véritables entreprises nationales. L'exemple de la Sidipaci (Société d'Importation et Distribution de Papier en Côte d'Ivoire) créée en 1986 est légion. Cette entreprise d'Abdul Talal avait comme capital 150 millions francs de CFA255(*). Les Libanais pour matérialiser leur forte présence dans la grande distribution ont implanté des entreprises au Port d' Abidjan. Il s'agit de la Prici créée en 1987 qui importe des produits chimiques et du matériel d'équipement industriel. Ces importateurs et transitaires sont souvent des hommes de la troisième génération, qui ont une formation plus solide que celle de leurs parents. Ce qui signifie que la mainmise sur le commerce en général et la distribution en particulier n'est pas un hasard.

Les Libanais ont contribué au dynamisme de certains secteurs d'activités à un moment très délicat de l'histoire économique de la Côte d'Ivoire tant au niveau du textile, des imprimeries qu'au niveau de la distribution. En dehors de leur apport au développement de ces différentes industries, les Libanais participent également à l'essor de l'exploitation forestière et de la commercialisation du café-cacao.

CHAPITRE II : L'ESSOR DES LIBANAIS DANS L'INDUSTRIE FORESTIERE ET LA COMMERCIALISATION DU CAFE-CACAO ENTRE 1980 ET 1990

Dans les premières décennies de l'indépendance, la présence libanaise dans la filière bois était essentiellement dominée par les scieries et les menuiseries. Les Libanais disposent désormais non seulement des unités industrielles, mais également des agréments forestiers. Au niveau de la filière café-cacao, les Libanais ne se limitent plus aux seuls achats, mais participent à tout le processus de commercialisation de ces produits.

I-La percée des Libanais dans la filière bois

Dans les années 1960, la présence libanaise se limitait aux scieries et menuiseries. Cependant à partir de 1980, les Libanais multiplient leurs activités dans ce domaine pour plusieurs raisons. Ces raisons sont aussi bien politiques qu'économiques. Les Libanais mettent en place de véritables entreprises.

A/ Les raisons de leur ascension dans la filière bois

L'influence libanaise dans l'industrie du bois s'explique par de nombreuses raisons. Les Libanais disposent de multiples potentialités telles que les ressources financières et le soutien de leur communauté qui leur permettent d'étendre leur position dominante dans l'économie du bois.

La législation ivoirienne restreint l'octroi de licences de l'exploitation du bois. En effet, les attributions de permis temporaires d'exploitation sont accordées en priorité aux seules coopératives de producteurs et citoyens ivoiriens désirant exercer la profession d'exploitant forestier256(*). Ainsi, un opérateur économique qui ne bénéficie pas de la nationalité ivoirienne ne peut avoir facilement un agrément d'exploitation. Cette restriction traduit la volonté de l'Etat de Côte d'Ivoire de faire des Ivoiriens les seuls maîtres de cette activité. On observe qu'au lendemain de l'indépendance, les Ivoiriens ne disposaient pas de ressources financières capables pour libéraliser totalement la foresterie serait préjudiciable aux nationaux.

L'autre raison se trouve également dans le fait que la foresterie est un secteur économique stratégique, dont l'Etat envisage d'assurer le contrôle. La présence libanaise était limitée. Leur implication était bornée aux scieries et menuiseries. Cependant, cet engagement prend un tournant au début des années 1970.

La première raison de la forte implication des Libanais est l'obtention des opérateurs économiques libanais de la nationalité ivoirienne. Selon, François Verdeaux «  de nombreux Français et Libanais ont pris la double nationalité et choisissent la nationalité ivoirienne dans la déclaration fiscale dans l'espoir d'échapper à la politique d'ivoirisation »257(*). Ce fut le cas de plusieurs ressortissants libanais désireux d'opérer sur l'ensemble du territoire ivoirien. A titre d'exemple, on peut prendre deux entreprises. Il s'agit premièrement la Scierie Merhy Frères. Elle est implantée à Divo. Elle dispose d'un atelier de sciage. Le capital de cette entreprise est la propriété entière des Ivoiriens d'origine libanaise. En effet, entre 1986 et 1987, ses investissements étaient évalués à 129 millions de francs CFA. Elle emploie 33 personnes dont 19 sont Ivoiriens et 13 Africains non Ivoiriens et 1 étranger non Africain qui est le responsable. La production annuelle de grumes s'élève 30 mille mètres cube. Son point d'approvisionnement n'est point extérieur. Elle possède un agrément d'exploitation qui lui donne droit à un crédit de 20 chantiers en fonction en 1989. 258(*)

En second, il y a la Compagnie du Centre Ouest (Colbico). Elle est implantée à Daloa. Elle dispose d'un atelier de sciage. Elle est une société à responsabilité limitée appartenant à des privés Ivoiriens d'origine libanaise. Son capital est estimé à 1 million de francs CFA. Pour son approvisionnement, elle possède également un agrément qui lui donne droit à 15 chantiers. Entre 1985 et 1986, ses investissements étaient évalués à 149 millions de francs CFA259(*) dont 85 millions sont conférés aux équipements industriels. En 1985, Cette compagnie emploie 53 personnes dont 21 sont Ivoiriens et les 21 autres des africains non Ivoiriens. La Colbico arrête ses activités en 1990.260(*)

En plus de l'obtention de la nationalité Ivoirienne pour bénéficier des avantages au niveau de la filière bois, les Libanais rachètent des agréments d'exploitation forestière afin d'étendre leur influence dans ce secteur. Ils rachètent aux nationaux détenteurs des licences d'exploitation forestière souvent à des prix doubles. Le système de fermage est prévu dans le code forestier. En effet, selon la loi, les attributions de permis temporaires d'exploitation dont les moyens en personnels et en matériel sont reconnus insuffisants pour entreprendre l'exploitation pourront affermer leurs permis à un autre exploitant.261(*) Les Ivoiriens qui sont propriétaires d'agrément ne possèdent pour la majorité de ressources financières et matérielles suffisantes, soit pour démarrer, soit pour faire fonctionner normalement leurs activités. Ainsi, nombreux sont les Ivoiriens qui vendent leur code forestier aux opérateurs libanais.

Enfin, on observe une collaboration des opérateurs industriels libanais et des hommes d'affaires ivoiriens afin de bâtir de véritables entreprises. Cela trouve sa justification dans le fait que selon François Verdeaux : «  au milieu des années 1970) d'anciens chefs d'exploitation des grandes entreprises ou des ressortissants libanais s'installent à leur compte en association avec des bénéficiaires nationaux d'attribution de permis et écoulent leur production soit via les anciens groupes encore présents, soit en ayant recours à des exploitations dont l'activité reprend de l'importance à partir de ce moment »262(*). Ce type d'association a entrainé la prépondérance des Libanais dans ce domaine, car ces fusions permettent l'approvisionnement très régulier des scieries. Ensuite, l'on assiste à l'amélioration et la croissance des productions de bois à l'orée des années 1980 dans le contexte de départ en cascade des opérateurs économiques européens.

B/Les entreprises libanaises impliquées dans la foresterie

Pour s'imposer dans ce secteur les industriels libanais mettent en place des stratégies adéquates. Ces actions sont entre autres la création des entreprises, le rachat d'un certain nombre entreprises. Cette période marque l'émergence de groupes industriels forestiers surtout celui de la famille des Fadoul.

1-L'émergence des groupes industriels libanais du bois

La prédominance libanaise dans la foresterie est connue de tous. Ce domaine relève en fait du secteur primaire. Mais l'exploitation forestière dans laquelle se sont enrichis bon nombre de Libanais était au départ dominé par les Européens. Quelques uns de ces industriels libanais sont devenus fondateurs et propriétaires d'usines de transformation du bois. Les activités de ces entreprises sont en majorité industrielles. Cependant, le nombre d'opérateurs libanais dans ce secteur est très faible. Les Libanais ne sont qu'une vingtaine d'individus sur un total de 800 exploitants, mais ils font d'importantes affaires. Il s'agit de ce fait du Groupe Farhat, propriétaire de la plus scierie d'Agniblékrou qui est la plus grande scierie de la région de l'Est de la Côte d'Ivoire. Il y a également le Groupe Gandour qui dispose de la fabrication de meubles avec la création de Multimeuble. A cela il faut ajouter d'autres entreprises comme E.b.e pour l'exportation du bois. Il y a aussi le Groupe Omais-Khalil qui a racheté la Grande industrie de Bois (Gib)263(*)

Enfin, on a le Groupe Fadoul qui assure le contrôle depuis l'année 1987 de la Société des Scieries en Afrique Francophone (Scaf). La Scaf est la plus grande scierie de fabrication de contreplaqués en Afrique de l'Ouest. Elle emploie environ 400 personnes. Elle est destinée à la fabrication et la production de contreplaqués. En effet, c'est en 1918 que la SCOA a introduit la SCAF en Côte d'Ivoire. Au niveau de ses productions, elles sont élogieuses. Car la Scaf produit annuellement plus de 10 mille sur45 mille mètres cube de sa capacité théorique. Elle dispose des intérêts dans les pays de l'Afrique de l'Ouest notamment le Benin, le Burkina et le Togo et aussi en Afrique Centrale. Par ailleurs, elle exporte 90 % de ses productions.264(*) Le Groupe Fadoul a insufflé un dynamisme à la Scaf dans le capital de cette entreprise.

En définitive, on observe la position dominante des libanais dans l'industrie du bois à partir de 1980. En effet, les données de la Banque des données Financières rapportées par Mezaad évaluent cette présence à 24,13%.265(*) Elle ne tient pas compte de toute la communauté libanaise. Cette étude contient uniquement des nationalités. A l'instar de la filière bois, les Libanais sont devenus très présents dans la commercialisation du café et du cacao.

II-La florescence des Libanais dans la commercialisation du cacao

Au début des années, l'on assiste à la crise économique avec l'effondrement des prix des matières premières agricoles notamment le cacao et le café sur le marché international. Le gouvernement se trouve alors dans l'incapacité de financer l'achat de ces matières. Cela entraine l'apparition des opérateurs économiques privés tels que les Libanais.

A/ L'émergence des Libanais dans le négoce du cacaoyer

Les Libanais assurent presque le contrôle de la commercialisation du cacao et du café. Ils sont omniprésents dans tout le processus de commercialisation. Il y a d'abord l'étape de la collecte des produits à la campagne. Ils disposent également des camions pour le transport de la marchandise. En outre, ils sont propriétaires des usines de magasinages, de conditionnement des produits. Enfin, ils participent à l'exportation de ces produits.

1-L'achat du cacao en dessous du prix incitatif bord champ de la Caistab

Entre 1987 et 1990, les matières premières agricoles commerciales connaissent une baisse drastique de leur prix sur le marché international. Les mécanismes ou structures gouvernementaux ont du mal à fonctionner correctement.. Les producteurs sont également affectés par cette situation et ont perdu tout espoir. Il s'ensuit alors la réapparition des Libanais qui ont été pendant la colonisation les intermédiaires entre les producteurs africains les Européens dans la commercialisation ces produits agricoles.

Cette intervention se fait premièrement à travers la fixation des prix par les Libanais eux-mêmes. Cela s'explique par deux raisons capitales. Il y a les difficultés de la Caistab à financer les campagnes et le retrait de la Côte d'Ivoire au marché international. En effet, entre 1988 et 1990, on assiste à la faillite des mécanismes de régularisation des transactions des matières premières agricoles (Caistab) et l'effondrement du pouvoir d'achat de l'Etat. La filière cacaoyère se trouve dans une situation d'abandon. La Caistab est la seule structure gouvernementale qui détient le monopole de la filière. La CAISTAB se trouve incapable de rembourser ses créanciers. Elle réalise un déficit de cinq milliards de francs CFA en 1988 au cours des cinq dernières années. Elle se trouve dans l'impossibilité de financer et de régulariser le négoce des matières agricoles.

Il y a également le refus du gouvernement ivoirien de participer au commerce international du cacao. «  Depuis 1975, le cacao n'avait été aussi malmené sur les marchés mondiaux. Avant l'éclatement de l'accord international en février 1988, les cours se maintenaient autour de 1100 livres par tonne de fèves»266(*). A partir de ce moment, l'engagement libanais devient capital. En effet, les Libanais qui sont le négoce du café et du cacao résident dans toutes les régions productrices de ces matières premières. On a par exemple Chaitou Ali qui assure l'achat du café et du cacao à Soubré et à Issia. Il possède des camions remorques de transport de ces produits267(*). En plus, de Chaitou, il y a également Assaad qui quant à lui, exerce ses activités commerciales à Soubré et à San Pédro268(*). Ils achètent les fèves de cacao bord champ par l'intermédiaire des collecteurs appelés «pisteurs«. Les relations entre Libanais négociants et pisteurs sont les suivantes. Le pisteur est pour la plupart fils de producteurs et ressortissants des pays de l'hinterland, généralement déscolarisés résidant en ville. Il fait la navette entre les campements et la ville. Ce dernier nourrit l'idée d'être acheteur de produits. Cependant, il ne dispose pas de ressources nécessaires pour réaliser son projet. Il monnaie son talent auprès du magasinier libanais.

Ce dernier lui fixe le prix du kg du produit en lui proposant une commission. Le pisteur collectionne les produits et les acheminent en ville à crédit. C'est à la livraison que le pisteur procède au paiement des produits. Compte tenu de l'absence des institutions étatiques, les mandataires libanais payaient le cacao à vil prix. En 1988, les Libanais achètent le kilogramme du cacao à 200 francs CFA, alors que le prix minimal au planteur était fixé à 400 francs269(*). Ainsi, ils leur ont acheté la moitié souvent en prétendant que c'était les nouveaux tarifs du gouvernement270(*). Ils usent souvent de tous les moyens pour s'approprier le cacao. Ces attitudes sont la malice, le chantage et les menaces. Au delà, les Libanais interviennent dans l'exportation du cacao.

2-la forte implication des Libanais dans l'exportation du cacao

Les Libanais participent aux exportations des matières premières. Pour ce faire, ils disposent des magasins de stockage. Aussi, interviennent-ils dans le conditionnement et le traitement des produits. Cela se traduit par la mise en place des entreprises telles que la CICIV/CCA271(*). Elle fut créée en 1987. Elle a joué un grand rôle dans ce dynamisme libanais dans la commercialisation du cacao. Elle traite, conditionne et exporte le café et le cacao. On les rencontre également dans le secteur de la sacherie. La sacherie consiste à la mise des produits dans les sacs. A ce sujet, les industriels libanais disposent des entreprises capables d'accomplir cette tâche. Il s'agit notamment de Filtisac dont la gestion est assurée par Nizar Hassan272(*) depuis 1984. Filtisac est spécialisée dans la confection de sacs en fute pour le transport du café et du cacao. Cette entreprise malgré la conjoncture économique a réalisé pendant la première décennie 1980 un bon chiffre d'affaires. Alors qu'elle était donnée pour morte avant la prise de fonction de cet opérateur libanais.

En 1990, l'ensemble des investissements libanais est évalué à plus de 9 milliards de Francs CFA (Tableau n°10). La part des Libanais est de 4, 58%. Elle est nettement supérieure à celle des années 1979-80.qui était de 3 milliards de Francs CFA. Les Libanais poursuivent l'investissement de leurs capitaux au service de l'économie à partir de 1990, malgré l'apogée de la crise politique, sociale et économique.

CHAPITRE III : UNE POSITION ECONOMIQUE DES LIBANAIS DANS UN CONTEXTE DE PRIVATISATION

La période 1990-2001 est un tournant important dans l'histoire de la Côte d'Ivoire. L'an 1990 est caractérisé d'abord au niveau politique et social par le retour au multipartisme, ensuite par les manifestations de groupes sociaux notamment les étudiants ; enfin l'entame de la politique des sociétés de développement face à l'essoufflement très avancé de l'économie. Quant à l'année 2001, elle marque l'inauguration du forum des marchés d'Adjamé. Au cours de cette décennie, les Libanais ont développé de nombreuses activités économiques notamment les industries, la presse et la grande distribution.

I-D'importants investissements libanais à partir de 1994

La crise politique et économique amorcée depuis 1980 se poursuit jusqu'en 1994 où l'on assiste à la dévaluation du Francs CFA. A partir de cette période, la Côte d'Ivoire entame une nouvelle ère de croissance économique. Les Libanais ne sont pas en marge de cette période de croissance. Ils construisent des entreprises de grande distribution et presse et des industries.

A-Une place incontournable des Libanais dans la presse et la grande distribution

L'année 1990 constitue un tournant important de l'histoire de la Côte d'Ivoire. Elle incarne les reformes notamment politiques, économiques et sociales. La presse est libéralisée. On note la floraison de nombreux groupes de presse dont le groupe Olympe du Libano-Ivoirien Nady Rayess.

1- Une position de choix du groupe olympe dans la presse écrite

Les années 1990 constituent une ère de développement de la presse en Côte d'Ivoire. De 1960 à 1990, la presse était représentée par les organes publics. Au niveau de l'audiovisuel, l'on observe l'existence la Radiodiffusion et Télévision Ivoirienne qui comprend la radio Côte d'Ivoire et la télévision. Ces organes couvrent toute l'étendue du territoire. La Rti dispose à l'intérieur des stations régionales notamment Rti Bouaké  et des correspondants de l'Agence ivoirienne de Presse (Aip) dans chaque Chef-lieu de départements.

Au niveau de la presse écrite, il existe le groupe Fraternité matin qui est composé du quotidien fraternité matin et de deux hebdomadaires notamment « Ivoire hebdo« et« Ivoire dimanche«. Cependant, la presse écrite à la faveur du retour au multipartisme connait sa libéralisation. L'on assiste alors à la floraison de plusieurs organes indépendants et de partis politiques appartenant à de groupes de presse. Parmi ceux-ci, nous avons le Groupe Olympe.

Le promoteur de ce dernier est l'Ivoiro-Libanais Nady Reyess, alors âgé de 29 ans. Il a été mis au point le 16 décembre 1992 sous le n° du registre de commerce 167670-c.c933020140B. Son siège se trouve à Marcory, zone 4c. Le premier organe de ce groupe de presse est Bonsoir. Le premier numéro de ce quotidien est apparu le 16 juin 1993. Bonsoir comprend 12 pages et bénéficie d'un tirage de 20 mille exemplaires. Il se vendait à 100 Francs CFA.273(*) Le groupe Olympe disposait en ses débuts d'un capital de 1 million de Francs de Francs CFA. Ce journal disparait quelque mois après.

Avec la création de nouveaux organes, ce capital est passé à 5 millions de Francs CFA. De 1992 à 2004, le groupe Olympe disposait de 5 organes dont 4 quotidiens. Il est spécialisé dans le traitement de l'actualité politique nationale et internationale et des faits divers et sportifs.

Le 31 octobre de la même année voit le jour le quotidien sportif «Douze «. Il se vendait des débuts à 150 Francs CFA. En 2000, il est vendu à 200 Francs CFA.274(*) Il traite des informations de toutes les disciplines sportives. Cependant un intérêt est accordé au traitement aux informations de football. Il est tiré en 20 mille exemplaires. En 1995, apparaît un autre quotidien «Femme Moderne« qui est un photo-roman qui traite des intrigues sentimentales. Ce journal disparaît quelques mois plus tard.

Enfin, nous avons la création du quotidien «L'Inter« le 16 avril 1998 qui consacre un intérêt important dans le traitement de l'actualité nationale. Cependant deux pages entières sont réservées aux informations internationales traitées par les journaux français. Le groupe réalise d'importants résultats. En effet, selon le registre de la régie publicitaire, les quotidiens Soir et L'Inter réalisaient en 2000 respectivement un chiffre d'affaires de 495 mille et 300 mille Francs CFA.275(*)

Son chiffre d'affaires annuel est estimé à 18 milliards de francs de CFA. Ce meilleur rendement est à mettre à l'actif de 3 compartiments importants de l'entreprise. Il s'agit de l'imprimerie, de l'édition et de la publicité. Le Groupe Olympe dispose d'une imprimerie qui comprend 4 rotatives qui représentent pour l'entreprise une grande potentialité, car elle constitue 35% du chiffre d'affaires de l'entreprise. L'on note par ailleurs que c'est l'imprimerie du Groupe Olympe qui assure l'impression des journaux tels que le Nouveau Réveil, 24 heures. Quant à l'édition, elle concerne 40% du chiffre d'affaires de l'entreprise. L'entreprise en plus de ses organes, édite les ouvrages, les calendriers et l'emballage des produits. Enfin, il y a la publicité qui constitue plus de 5% du chiffre d'affaires de l'entreprise.

La grandeur de cette entreprise est visible au niveau de ses employés. En effet, Cette entreprise de presse employait en 2001, 110 personnes dont 75 sont embauchées et les autres sont sous contrat à durée déterminée.276(*) Les employés peuvent être répartis selon le niveau d'étude et de sexe. Au niveau du niveau d'étude, 46 employés ont fait des études universités et 25 ont fait des études secondaires.277(*) Cette forte proportion du taux d'instruction est plus qu'un atout pour l'entreprise. Au niveau de la répartition des employés par sexe, l'on note une forte présence des hommes et un faible taux de femmes. L'on enregistre 83 hommes contre 8 femmes.278(*) Cet écart peut s'expliquer par le manque d'intérêt au métier de la presse écrite. Les rares femmes employées au groupe olympe occupent des postes de direction. On retient que le groupe olympe l'une des plus grandes entreprises de la presse privée en Côte d'Ivoire.

En dehors du secteur de la presse dans lequel les Libanais sont dynamiques, il y a la grande distribution qui connait un développement certain au cours cette période.

2-L'émergence du Groupe Prosuma dans la grande distribution

La Côte d'Ivoire est réputée pour ses habitudes de consommations occidentales. La floraison des centres commerciaux au milieu des années 1990 en témoigne. Considérées comme l'apanage des personnes riches, les grandes surfaces sont rapprochées des populations de toute classe. Le développement des grandes et moyennes surfaces en Côte d'Ivoire est un phénomène relativement récent. Les premières entreprises de distribution qui sont calquées sur le modèle occidental apparaissent à la fin des années 1960. Parmi ces premières entreprises de distribution, nous pouvons citer le Groupe Scoa avec ses boutiques Monoprix et Printania, Froid industriel et la Chaîne-avion avec ses 160 boutiques installées sur l'ensemble du territoire national.279(*) Cependant, ces entreprises n'ont pas pu résister à la crise économique et ont fermé boutique. Les Libanais ont été assez présents dans l'instauration de la grande distribution en Côte d'Ivoire. A titre illustratif, nous avons le supermarché Nour al Hayat du Plateau.

Au début des années 1990, l'on note la présence de 3 principaux acteurs de la grande distribution alimentaire en grandes et moyennes surfaces et des galeries marchandes. Il s'agit du groupe belgo-ivoirien score lié au Groupe Scoa, les Supermarchés Trader center (Smtc) et le groupe Prosuma qui détient 4 enseignes notamment Champion, Super Hayat, Centrale et Nour al Hayat.280(*) Les promoteurs de ces entreprises de la grande distribution sont d'origine libanaise. La famille Fakhry est détentrice exclusive du capital du Groupe Smtc. Quant à la Société ivoirienne de promotion des supermarchés, elle est la propriété des Adjabali.

La crise économique entraine le retrait des acteurs européens impliqués dans la grande distribution au profit d'opérateurs d'origine libanaise281(*). En plus du retrait des Européens, une action majeure qui corrobore l'émergence des Libanais dans ce secteur est la fusion de la Prosuma et de Smtc le 1er Juin 1993. Cet accord consacre une part de 50% de chacune des deux entités des actions de la nouvelle Prosuma. Le groupe s'agrandit en octobre 1996 avec le rachat de tout le réseau des magasins Score en Côte-d'Ivoire, ainsi que la chaîne de supérettes et un entrepôt situé au port d'une superficie d'environ 12 mille m²282(*) Prosuma poursuit sa politique d'implantation en Côte d'Ivoire avec rachat d'un centre commercial et un hypermarché de 3 mille m² de la Société Commerciale du centre ouest (Sococe), à travers lequel une nouvelle société est créée  la Société des Deux Plateau (S2P) dont le capital est détenu à 75 % par Prosuma et ses actionnaires, les 25 % restants appartenant au propriétaire des magasins Sococé. S2P rachète l'ensemble du réseau Sococé, ventes détail.

La Société Commerciale du centre ouest est spécialisée dans la distribution de gros et l'import-export appartient à la famille Ezzedine. Cette famille libanaise vit à Gagnoa et se livre au commerce du cacao-café. C'est de ce commerce que les Ezzedine ont bâti leur fortune283(*). La Société commerciale du centre ouest a été créée en 1969. Elle réalise un chiffre d'affaires TTC de plus de 70 milliards de Francs CFA et disposait de 1000 salariés. Son siège local est à Treichville.284(*) C'est plus tard en mars 1996 que Nasser Ezzedine a créé la Société anonyme dénommée Sococe avec un capital de 700 millions de Francs CFA. Le Club Sococe a mobilisé des investissements à hauteur de 3,474 milliards de Francs CFA. Elle emploie plus de 518 personnes sur le boulevard Latrille. L'espace Latrille passe difficilement inaperçu avec ses 8900m² dont 4 mille m² réservés au centre commercial, une galerie marchande de 30 boutiques et bien d'autres services.285(*) En plus de la Sococe, les Ezzedine disposent également des sociétés de distribution qui sont spécialisées dans le commerce de marchandises spéciales. C'est le cas de la Société de commerce des produits agricoles (Socopag) qui est implantée à Marcory zone 3. Elle a été mise au point en 1993. Elle dispose de 20 employés. Elle commercialise des produits agricoles bruts et d'aliments pour animaux.286(*)

Dans ses débuts, le Groupe Prosuma disposait d'un capital de 20 millions de francs CFA. Le capital social de Prosuma a subi des augmentations successives et a atteint plus de 2, 20 mil liards de Francs CFA. Les capitaux propres du Groupe Prosuma représentent 9,213 milliards de Francs CFA.

Le groupe Prosuma est la grande entreprise de la grande distribution en Afrique francophone. Il a une présence active en Côte-d'Ivoire. En effet, il a 12 enseignes, 81 magasins (avec franchisés et filiales), une centrale d'achats, un réseau de franchisés et plus de 1 500 collaborateurs. Il réalise un chiffre d'affaires hors franchises et filiales : 123,59 milliards de FCFA hors taxe des filiales diversifiées.

En dehors du Groupe Prosuma, il existe d'autres entreprises d'origine libanaise opérant dans la grande distribution en Côte d'Ivoire. Nous pouvons citer par exemple de la Société de Distribution de toutes marchandises (Sdtm) de l'Ivoiro-Libanais Ibrahim Ezzedine. Cette entreprise spécialisée dans la commercialisation du riz fut créée en1998. Elle est spécialisée dans le commerce détail en magasin non spécialisé et le commerce de gros de produits alimentaires. Ainsi elle assure le commerce des boissons, des tabacs manufacturés et le commerce de gros de machines d'équipements et de fournitures mécaniques. Elle compte plus de 100 employés.287(*) La Sdtm importe le riz et détient depuis le coup d'Etat de décembre 1999 60% de l'approvisionnement du marché ivoirien288(*).

Il faut noter aussi que la communauté libanaise n'est pas la seule présente dans la grande  distribution. Avant 2001, plusieurs entreprises d'origine africaine, européenne et même asiatiques ont été créées. On retient finalement les Libanais assurent le contrôle du secteur de la grande distribution en Côte d'Ivoire par le truchement du Groupe Prosuma. Cette percée s'aperçoit également au niveau des investissements industriels.

B-La croissance des investissements industriels libanais à partir de 1994

A partir de 1994, l'on assiste à des investissements privés importants au service de l'industrie ivoirienne. Les opérateurs économiques prennent également part à cette reprise de l'économie. Ils consacrent d'importants capitaux pour la compétitivité de leurs entreprises. Les Libanais ne sont pas en marge de cette dynamique économique.

1- La hausse des capitaux libanais dans l'économie

La Côte d'Ivoire connait depuis les débuts des années 1980 une crise économique la plus importante de son histoire. Cependant pendant la seconde moitié des années 1990, elle amorce une nouvelle ère de croissance économique. Cette croissance est liée à plusieurs facteurs. Il y a entre autres les devises générées par la privatisation entamée depuis 1990. Cette politique de privatisation a permis les sociétés d'Etat qui déjà essoufflées d'être compétitives. On a comme exemple la Cie, Citelcom et la Sodepalm. Autre facteur non moins important est la mise en place d'un nouveau code d'investissement en 1996 qui accorde de nombreux avantages aux investisseurs privés.

De gros investissements ont été réalisés en Côte d'Ivoire de 1994 à 1997. Ces investissements se chiffrent à plus de 141,199 milliards Francs CFA.289(*)La part libanaise s'élève à plus de 14,995 milliards de Francs CFA, soit une proportion de 10,62%. Le Liban vient en 3ème position derrière la Côte d'Ivoire et la France. Les investissements de la France et de la Côte d'Ivoire sont évalués respectivement à 54,234 et 43,15 milliards de Francs CFA. Les entreprises à capitaux libanais sont nombreuses. Cependant deux ont retenu notre attention. Il s'agit de l'industrie agroalimentaire Unifood et la Société Commerciale du centre ouest. Ces deux entreprises ont nécessité des investissements respectifs de 3,72 et 3,47 milliards de Francs CFA.290(*) Unifood emploie 123 personnes. Quant à la Sococe supporte plus de 518 employés. On observe que la communauté libanaise constitue un partenaire économique indéniable au service de l'économie ivoirienne (Tableau 11).

2-La réalisation du forum des marchés d'Adjamé

Les Libanais ont investi d'importants capitaux dans le secteur de l'immobilier. Ils ont contribué à la construction de certains édifices publics. Nous pouvons citer comme exemple, l'architecte Franco-libanais Pierre Fakhoury, bâtisseurs de plusieurs bâtiments à utilité publique. Diplômé en 1971 de l'institut supérieur d'Architecture de Saint-Luc de Tournai de Belgique, Pierre Fakhoury a construit l'église moderne de Korhogo et d'autres bâtiments publics notamment des banques, des hôtels, des hôpitaux et des universités. La grande oeuvre architecturale de Pierre Fakhoury est la Basilique Notre Dame de la Paix de Yamoussoukro.291(*)Cette entreprise de bâtisseurs se poursuit jusqu'aux années 1990. Elle ne se limite pas seulement à l'aspect technique.

Mais les Libanais contribuent également à travers leurs capitaux aux financements des projets d'intérêt public. L'on observe la construction de nombreux édifices publics auxquels l'appui financier libanais a été important. C'est d'ailleurs le cas du forum des marchés d'Adjamé dont le promoteur est le Franco-Libanais Saïdi Mohamed.

L'institution du forum des marchés d'Adjamé est née du Conseil municipal dirigé par le Maire Djédji Amondji Pierre en 1996. Ce conseil municipal est l'union du Front populaire (FPI) et du Rassemblement Des Républicains dans le cadre du Front Républicain. En effet, brûlé, depuis les années 1980, le marché d'Adjamé reste n'est plus adapté aux conditions d'hygiène et de sécurité. En conséquence, les rendements du marché sont moins importants.

Pour la construction du forum des marchés d'Adjamé, la mairie ne disposant pas de moyens financiers conséquents pour la réalisation du projet. C'est alors qu'un appel d'offres fut lancé la même année. Ont répondu à cet appel trois entreprises dont la Fédération Nationale des Commerçants de Côte d'Ivoire (Fenacci) et la Société ivoirienne de Concept et Gestion immobilière (Sicg). La Sicg, entreprise du Franco-Libanais Saïdi Mohamed, a été retenue pour la réalisation du Forum des marchés d'Adjamé. Elle a la charge de la construction et la gestion de cette oeuvre. Le contrat qui lie la mairie et la Sicg est un contrat à bail. En effet, la Sicg a investi des capitaux à hauteur de 18 milliards de Francs CFA.

Elle a la charge de la gestion de ces marchés pendant 25 ans afin d'amortir les capitaux investis avec des dividendes. Les taxes mensuelles sont estimées à 115 millions de Francs de CFA réparties comme suite 100 millions de Francs CFA pour la mairie d'Adjamé et les 15 millions de Francs CFA reviennent à l'Etat de Côte d'Ivoire.292(*) Ce forum est la fusion de 4 marchés à 3 niveaux. Le forum a une capacité de 12 mille places dont 4 mille magasins. Le pas de porte c'est-à-dire la location d'un magasin varie de 400 mille à 4 millions de Francs CFA.293(*) Ouvert en mars 2001, Le marché a été inauguré le 15 juin 2001 par le Président de la République de Côte d'Ivoire Laurent Gbagbo. La mise en place du forum des marchés a rehaussée l'image de la Société Ivoirienne de Construction et de Gestion immobilière, car elle exporte son expertise dans la sous région. C'est le cas par exemple de la construction du hall des marchés de Bamako294(*).

On note que les Libanais ont joué un rôle indispensable dans l'économie ivoirienne au cours de ces dix dernières années. Cet apport important ne peut pas demeurer sans conséquence sur la vie politique, économique et sociale de la Côte d'Ivoire.

II-L'impact des investissements libanais sur la Côte d'Ivoire

La présence de la communauté libanaise en Côte d'Ivoire a atteint plus d'un siècle. Cette communauté est l'un des acteurs incontournables dans le développement économique du pays. L'ancienneté de leur présence et leurs investissements importants consacrent cette communauté libanaise une force capitale en Côte d'Ivoire. Ainsi, les investissements libanais ont un impact dans la vie politique et socioculturelle.

A-L'impact des capitaux libanais sur les activités socioculturelles

Les opérateurs économiques libanais en Côte d'Ivoire contribuent à la mise en place des infrastructures socio-économiques notamment les écoles et les dispensaires. Les Libanais participent également au développement du sport en Côte d'Ivoire.

1-Une communauté au service des oeuvres sociales

Les Libanais posent des actions d'intérêt social en Côte d'Ivoire. Il s'agit entre de la construction d'écoles et d'hôpitaux. La contribution des Libanais dans l'éducation scolaire remonte de la colonisation. En effet, en 1954, les Maronites dans le cadre de la création de la mission catholique sacrée coeur mettent en place la première école libanaise en colonie de Côte d'Ivoire. Cette école primaire a été mise au point dans le but de faciliter l'éducation des enfants libanais. Cette école comprend en son sein un dispensaire. Cette école bâtie sur une superficie de 3 ha comprend 4 bâtiments à deux niveaux regroupant 36 salles dont 3 pour les maternelles, 18 pour l'enseignement primaire et 15 pour l'enseignement secondaire295(*). Elle comprend également une aire de jeu. L'école devient une école confessionnelle en 1965. Ainsi les enseignants de l'école sont affectés par la mission catholique de Côte d'Ivoire.

En dehors de l'école de la mission sacrée Coeur, l'on note l'existence d'autres écoles libanaises en Côte d'Ivoire. L'on peut citer l'exemple du groupe scolaire de la mission de Soubré. A Abidjan, à Marcory en zone 4c, il existe l'école libanaise dont fréquentent l'ensemble des enfants d'origine libanaise avec quelques enfants africains issus des familles aisées. En outre, les Libanais ont contribué à la construction de certaines écoles primaires en Côte d'Ivoire. Cette politique libanaise a commencé en 1969 à Aboisso. La communauté libanaise a fait don d'une école aux habitants de Kouakoukro, village situé à 70 Km d'Abidjan sur la route d'Aboisso. Cette école baptisée « Ecole de la Fraternité libano-ivoirienne » comprend deux classes et un bureau pour le directeur296(*). Elle s'est poursuivie dans les années 1980. Les investissements libanais dans la réalisation des écoles et autres équipements sociaux s'évaluent à plus de 1,5 milliards de Francs CFA entre 1976 et 1981297(*). La communauté libanaise par le biais de l'Union culturelle Libanaise Mondiale Section Côte d'Ivoire a construit 6 classes à Tafiré, 12 classes à Gagnoa, 18 classes à Odienné, 6 classes à Lakota, 6 classes à Issia et des écoles à Toumodi et Yamoussoukro.298(*) Il faut y ajouter également l'école de 20 classes affectées à la commune de Yopougon.299(*)

On remarque la communauté libanaise accorde un intérêt particulier à l'éducation en Côte d'Ivoire. Les Libanais contribuent également à l'équipement des populations en infrastructures culturelles. Ainsi, ils ont participé à la construction d'un centre culturel à Adzopé et un jardin d'enfants à Tiassalé.300(*)

Les Libanais aident à l'équipement des populations en infrastructures sanitaires. Il existe en Côte d'Ivoire surtout à Abidjan des cliniques et hôpitaux dont les promoteurs sont d'origine libanaise. Nous pouvons citer entre autres l'hôtel Dieu de Docteur Assaad Bassit, la polyclinique internationale de l'indénié du Plateau et de la polyclinique Avicenne.301(*)La polyclinique Internationale de l'Indénié du Plateau a été créée en 1999. Elle emploie 140 personnes. Le responsable de cette entreprise est Safi Ahmed302(*). Cette polyclinique réalise un chiffre d'affaires de 3,306066966 milliards de Francs CFA303(*). Quant à la polyclinique Avicenne, elle fut créée en 1987. Son siège se trouve au Plateau. Elle dispose d'un effectif de 150 salariés. Le gérant est Fakhry Khaled.304(*) La polyclinique Avicenne réalise un chiffre d'affaires de 2, 402437262 milliards Francs CFA.305(*)

Les opérateurs économiques libanais soutiennent le gouvernement ivoirien à la mise place des infrastructures sanitaires. Ces actions sont perceptibles dans certaines villes de l'intérieur et certains quartiers d'Abidjan. Les Libanais aident à l'équipement des hôpitaux à travers l'offre d'un bloc opératoire de Sinfra. Il y a également la construction de maternités dans les villes suivantes : Treichville, N'douci et Korafla.306(*)

On observe que la communauté libanaise « fait du partage et des oeuvres sociales son crédo et sa raison d'être »307(*) en apportant un soutien important dans l'amélioration des conditions sociales des Ivoiriens. Les Libanais contribuent également au développement du sport ivoirien.

2-Une communauté dévouée au développement du sport ivoirien

La présence libanaise dans le sport en Côte d'Ivoire est connue de tous. On les retrouve dans toutes les disciplines sportives. Cet amour pour le sport remonte depuis la colonisation. En effet, en 1933, les Libanais et Syriens résidants à Agboville ont créé la première association sportive légalement constituée de ladite ville dénommée « club sportif libano-syrien ».308(*)Cette initiative se poursuit après l'indépendance. La majorité des ressortissants libanais qui s'engagent dans le sport sont des opérateurs économiques. Ces Libanais du sport ivoirien sont nombreux. Parmi ceux-ci, nous en retenons une.

Il s'agit de la famille Abinader. L'histoire de cette famille en Côte d'Ivoire est liée au Sport. Cet amour pour le sport ivoirien commence dans les années 1960 avec le père Antoine Abinader. En effet, la première action de ce dernier en faveur du sport est le parrainage dans le football ivoirien avec la création du trophée du meilleur buteur du championnat national au cours de la saison 1969-1970. L'initiation de ce trophée a créé une émulation de la part des attaquants pour leur affirmation sur le plan national et international.

Ses enfants Guy et Roger Abinader ont poursuivi l'oeuvre de leur père. Puisque ces derniers ont pratiqué d'abord le basketball de haut niveau dans des équipes ivoiriennes avant d'être dirigeant de clubs ou de fédération.309(*) Roger Abinader a été indispensable pour le développement du sport ivoirien en particulier celui de la ville de Bouaké. En effet, il a été président fondateur de l'Association sportive des Clubs de Bouaké Abinader. D'ailleurs la section handball de cette association sportive a fait les beaux jours du handball ivoirien dans les années 1980. Cela s'aperçoit par l'une des victoires de la coupe d'Afrique des Clubs champion obtenues à Brazzaville en janvier 1984.310(*) Roger Abinader et ses joueuses ont reçu les honneurs des autorités ivoiriennes avec la présence du Grand chancelier Germain Gadeau et les ministres Fologo et Jean Jacques Béchio. Les filles d'Abinader ont reçu chacune 7 millions de Francs CFA de la part des autorités ivoiriennes311(*). Roger Abinader joue également un rôle de parrainage de certaines fédérations telles que le cyclisme et la boxe.312(*)

En dehors des équipes des Abinader, l'on note également la création dans les années 1990 du Lazer football de Club dont le fondateur est Mohamed Lakiss. Ce dernier fut le médecin sportif de l'Asec Mimosas d'Abidjan. Ce club a participé au championnat national de première division de 1995 à 1998.313(*)

Par ailleurs, d'autres ressortissants libanais ont participé activement au sport ivoirien à d'autres niveaux. A Abidjan et à l'intérieur du pays, nombreux sont des Libanais qui sont à la tête des clubs et supporteurs des clubs. A Abidjan, les clubs comme l'Asec Mimosas, l'Africa Sport National, le Stade et le Stella ont chacun ont ses Libanais. A l'Asec Mimosas, par exemple, l'on peut citer d'abord le cas d'Ibrahim Baroud qui est depuis 1976 président d'honneur de l'Asec d'Abidjan. Son engagement pour le sport ivoirien lui a valu la médaille du chevalier du sport ivoirien.314(*) Il y a même un comité des supporters libanais créé en novembre 1989 dirigé par Ali Khafal. Ce comité a offert respectivement 750 mille et 100 mille Francs CFA en 1991 au comité directeur de l'Asec et à Amani Yao César alors blessé315(*). A l'intérieur du pays, des investissements libanais ont permis à certains clubs de connaitre des moments de gloire. C'est le cas par exemple de Robert Haddad, opérateur économique dans le commerce du café-cacao et d'autres articles, qui a fait de l'Association sportive d'Oumé d'être dans le concert du football ivoirien dans les années 1985.316(*) Certains mécènes libanais ont des fortunes diverses. Certains comme Ibrahim Baroud, Bassim Jaber ont connu de la gloire.

D'autres par contre ont été anéantis. Il s'agit entre autres de Kachtaban, commerçant libanais installé à Divo. Les autorités municipales lui avaient confié la gestion de l'Association sportive de Divo alors mal en point en 1983. Ce dernier ne connaissant rien dans le milieu du sport, les autorités ont abandonné l'équipe de la ville dans ses mains. Ayant dépensé toute sa fortune ce dernier mourut quelques années plus tard.317(*) Les Libanais ont associé leur image au sport ivoirien par générosité ou publicité. Tout compte fait les Libanais ont contribué au développement du sport en Côte d'Ivoire. Cependant, il est impérieux de s'intéresser à la nature des relations entre la communauté libanaise avec les autorités et les autres communautés vivants en Côte d'Ivoire.

B- La nature des relations avec les autorités politiques

La position économique des Libanais en Côte d'Ivoire ne peut pas être sans réaction ni de la part des autorités ivoirienne, ni des Ivoiriens et même des autres communautés étrangères vivant en Côte d'Ivoire.

Les rapports entre les Libanais et les autorités ivoiriennes sont en général amicales et économiques. Le gouvernement accorde un grand intérêt à l'endroit de la communauté libanaise. Cela se traduit par l'autorité d'accorder la création d'un centre islamique Al-Zahraa318(*) de Marcory qui comprend une mosquée et un centre médical. Mieux, en 2001, deux opérateurs économiques d'origine libanaise ont été nommés membres du conseil économique et social. Il s'agit de Roland Dagher et Fouad Omais.319(*)Nombreux sont les Libanais qui bénéficient de la nationalité ivoirienne cependant, ils ne bénéficient pas de l'onction pour briquer des postes électoraux.320(*) Néanmoins, il existe une relation de suspicion de la part des autorités à l'égard des Libanais. Les Libanais sont parfois accusés de pratiquer la fraude et de corruption. Ils ne déclarent pas leurs employés et contournent la loi. Toutes ces accusations ne sont souvent pas vérifiées. Ces fraudes sont la plupart du fait des agents de l'Etat. Cette assertion trouve sa justification dans les propos de GNAMIEN Konan321(*), lors d'une conférence organisée dans le cadre de la 11ème journée carrière des étudiants du groupe l'Ecole nouvelle d'ingénieur et de technologie (Ensit) au Deux Plateaux « des agents de douane manoeuvrent au profit des opérateurs économiques libanais et effaçaient les créances de ceux-ci dans le système à l'ordinateur »322(*).

En plus des relations avec les autorités, il y a les rapports avec communautés vivant en Côte d'Ivoire. Les relations entre les Ivoiriens et les Libanais sont de type économique. En effet, les Libanais sont un pourvoyeur d'emplois des Ivoiriens. Cependant, les conditions de travail ne sont pas reluisantes. D'abord, les salaires qui dépassent à peine le salaire minime interprofessionnel garanti (Smig). Ensuite, ils n'ont presque pas de congés. Enfin, ils ne sont ni assurés, ni embauchés. Toutes ces choses suscitent un sentiment de haine des Ivoiriens contre les Libanais. Face à cette impuissance, ils accusent les autorités. Selon eux le gouvernement est à la base de toutes leurs difficultés car l'on assiste au mutisme de l'Etat.

Il y a un autre fait majeur qui constitue une discorde entre Libanais est les mariages mixtes. En effet, Les Ivoiriens accusent les Libanais de les empêcher. Les Libanais affirment que ce fait tire son origine dans la tradition et la religion libanaise. Selon Jaber Bassim, le mariage est sacré, il obéit à plusieurs rituels qui paraissent assez complexes pour les potentiels prétendants. Il poursuit son argumentation en terme «chez au Liban, la coutume veut que l'on marie la fille dans la famille, le quartier, la ville, la commune, le pays de gagner l'extérieur. Toute relation en dehors du cadre familial est proscrite. Ainsi la fille qui entretient des rapports avant le mariage ternit l'image de sa famille, dans la société».323(*) Alors que ces derniers entretiennent des relations conjugales avec les Ivoiriennes. Les enfants issus de l'union entre les Libanais et les Ivoiriennes sont souvent confrontés à des difficultés d'intégration. D'un côté, les Ivoiriens les considèrent comme Libanais, alors que ces derniers sont rejetés par leurs parents paternels.

Cependant, les relations ivoiro-libanaises s'améliorent de mieux en mieux. En effet, l'on note la naissance en 1992 de l'Amicale ivoirienne ivoiro-libanaise dont le premier président est Me Niagadou Aliou. Le but principal de cette amicale est de parvenir une réelle intégration de la communauté libanaise. Cette dernière travaille de concert avec l'Union culturelle libanaise mondiale324(*).

Quant aux rapports des Libanais avec les autres communautés étrangères, ils sont de type économique. Les ressortissants de l'Afrique de l'Ouest sont pour la plupart commerçants. Ils exercent dans le demi-gros et le détail. Ils s'approvisionnent auprès des grossistes libanais. Les Libanais constituent également un pourvoyeur d'emplois pour ces ressortissants libanais. Ils sont employés comme des domestiques. On retient finalement que les relations entre la communauté libanaise avec la société ivoirienne sont courtoises et souvent méfiantes.

Conclusion générale

Les Libanais font partie intégrante dans l'histoire économique de la Côte d'Ivoire. Cette communauté demeure une population indispensable et incontournable au service de l'économie de ce pays. Les Libanais font du progrès économique de la Côte d'Ivoire leur leitmotiv et leur priorité. Malgré des situations souvent défavorables, ils ont développé des stratégies qui leur ont permis d'asseoir une position de choix au plan économique.

Cette présence libanaise au service de l'économie ivoirienne est multidimensionnelle ou plurielle. En effet, les Libanais ont commencé ce processus économique sur la pointe des pieds par leur insertion dans le commerce colonial. Cette insertion ne s'est pas faite sans difficulté, les Levantins ont essuyé les affronts de toute nature de la part du colonisateur. Cela ne les a pas empêché d'être un acteur important dans l'économie coloniale de la Côte d'Ivoire. Ils ont été un acteur important du commerce colonial et de bien d'autres secteurs d'activités.

Cet engagement libanais s'est poursuivi au lendemain de l'indépendance de la Côte d'Ivoire. Durant les années 1960 ; conscients de nombreux changements qui s'opèrent au niveau politique et économique, les Libanais s'adaptent à cette nouvelle donne et développent des méthodes afin de non seulement consolider leur position, mais également étendre leurs activités.

En outre, ils occupent les secteurs laissés vacants par les Européens à la faveur de la crise économique de 1980-2001. En effet, quoique cette période soit difficile, les Libanais ont su oeuvrer, s'imposer et imprimer leur marque à l'économie. Ils ont su saisir les opportunités offertes par le départ ou la fermeture de certaines entreprises appartenant aux coopérants européens et de l'Etat. Il y a également le fait que les difficultés liées au fonctionnement et aux financements de certaines entreprises d'Etat occasionnent leur fermeture. Ainsi, on observe que les Libanais investissent progressivement dans les domaines secteurs d'activités qui jadis le monopole était essentiellement réservé à l'Etat ivoirien. Il s'agit particulièrement de la filière café cacao.

Au niveau de la distribution, les Libanais en assurent désormais, avec le recul des compagnies françaises un contrôle total. En effet, dans les années 1980, les compagnies françaises du fait de la crise et de certains nombres d'aléas qui sont physiques et humains décident d'investir dans les activités modernes jugées plus porteuses. Il y a aussi que les Libanais bénéficient de l'apport des autorités françaises. A cela s'ajoutent leur association avec les Ivoiriens et avec certains opérateurs européens.

A partir de 1990 avec le redécollage économique, certains opérateurs économiques investissent d'importants capitaux dans la grande distribution détenue par les Européens et deviennent les véritables hommes de ce secteur.

Il faut que si les Libanais ont pu atteint un tel degré de réussite dans les affaires en Côte, cela provient de plusieurs facteurs hautement importants. Il s'agit en premier au plan politique des réformes économiques et de la stabilité qu'a connue le pays pendant 40 ans. A cela, il faut ajouter les valeurs tells que la solidarité et l'amour qui caractérisent les membres de la communauté libanaise. Il y a par ailleurs le génie propre du peuple qui demeure des points de référence qu'est sa capacité à relever les défis majeurs, à transcender les écueils et à vivre les réalités avec laquelle il vit.

Au terme de cette étude, force est de reconnaître qu'elle n'est pas exhaustive. Plusieurs aspects du sujet nous ont permis d'éclairer et d'approfondir le rôle des Libanais dans l'économie. Nous avons conduit nos recherches vers différentes orientations. Nous avons d'abord orienté notre étude entre la politique économique mise en place par l'Etat de Côte d'Ivoire. Car cette politique appelée capitaliste vise à permettre la richesse économique des individus et de l'Etat ; enfin, une étude comparative entre des Libanais de Côte d'Ivoire et ceux des autres pays de l'Afrique de l'Ouest.

En dehors de cet aspect économique, il existe un rapport d'harmonie entre les autres membres de la communauté. Ce rapport se résume à la notion de solidarité, des liens de communauté de très fort basé sur les us et coutumes. L'étude sur les Libanais nous a permis de comprendre que cette communauté a été un acteur incontournable dans le développement économique de la Côte d'Ivoire. Ces derniers ont accompagné la Côte d'Ivoire dans son processus de développement économique. Ils ont été au côté de la Côte d'Ivoire dans les moments de prospérité et même dans les situations difficiles. C'est pourquoi, nous affirmons que cette communauté asiatique est une chance pour la Côte d'Ivoire. Ses initiatives sont à encourager même si certaines de leurs pratiques paraissent obscures.

Cependant, nous pensons que la question libanaise est riche en enseignement. Il serait prétentieux pour nous d'affirmer que nous avons épuisé tout le sujet. Il existe beaucoup d'aspects que nous n'avons pas abordé qui peuvent élargir le champ de la recherche scientifique dans biens de domaines.

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIES

SOURCES ORALES

Rana Jaber, assistante de direction à la chambre de commerce et d'industrie libanaise en Côte d'Ivoire

Thème : la présence libanaise de Côte d'Ivoire

Entretiens multiples

Yao Germain, directeur de l'information économique et des études à la chambre de commerce d'industrie de Côte d'Ivoire, poste 735, contact 05094707

Thème de l'enquête : Les facteurs de la réussite économique des Libanais en Côte d'Ivoire

Date de l'entretien : décembre 2011

Lieu de l'entretien : Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire.

Durée de l'entretien : 1heure 30 min

Monsieur MENHEM Morkos (Jean Marcos), Prêtre de l'église catholique Sacré coeur d'Adjamé Abidjan depuis 2007. Monseigneur Jean Marcos est présent en Afrique de l'Ouest depuis plus d'une trentaine d'année. Avant d'exercer en Côte d'Ivoire, il a séjourné d'abord au Sénégal et en Guinée Bissau pendant une vingtaine d'années.

Thème des entretiens :Le processus d'immigration des libanais en Côte d'Ivoire

Date des entretiens : janvier et février 2012

Lieu des entretiens : Mission libanaise Sacré Coeur au bureau de l'évêque

Durée des entretiens : environ 4 heures

Cet entretien privé a lieu en présence du directeur de l'école sacré coeur, Monsieur Julien

Mr Ouattara Basile, chef de cabinet du maire Sylla Youssouf. Il occupe ce poste depuis 1996, date à laquelle le projet de construction du forum a été institué. Il a été même technique de la répartition des places

Thème de l'entretien : la construction du forum des marchés d'Adjamé

Date de l'entretien le 24 avril 2012

Durée de l'entretien 54mn

SOURCES ECRITES

Journal Officiel de la République de Côte d'Ivoire

Archives nationales de Côte d'Ivoire

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Rapport des stagiaires

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Table des tableaux

Tableau n°1 de l'évolution de la population libanaise entre 1920 et 1940, p32

Tableau n°2 de la population des communautés étrangères en Côte d'Ivoire en 1937-38, p 33

Tableau n°3 : Répartition par des partenaires commerciaux non OECDE de la Côte d'Ivoire en 1961, p43

Tableau n°4 : Schéma du réseau de distribution de pagnes en Côte d'Ivoire en 1975, p78

Tableau n°5 : Entreprises de la fusion des groupes Khalil et Omais, p90

Tableau n°6 : Proportion des diplômés syro-libanais en Afrique occidentale Francophone en 1938, p93

Tableau n°7 : Répartition des investissements par nationalité dans les industries du cuir et articles chaussants en million de CFA, p101

Tableau n°8: Répartition des investissements par nationalité dans les industries des métaux 1979, p104

Tableau n°9 : Répartition du capital social des entreprises par pays d'origine en millions de CFA, p107

Tableau n°10 de la répartition des investissements étrangers au 30-09 1990, p140

Tableau n°11 Les gros investisseurs industriels de 1994 à 1997, p150

* 1Pierre KIPRE ; Migrations en Afrique noire : la construction des identités nationales et la question des étrangers, Abidjan, juin 2010, Cerap, p72

* 2Salma, KOJOK ; L'immigration libanaise en Côte d'Ivoire avant 1945, Abidjan, 1993, Mémoire de maîtrise d'histoire, Unci, p 10

* 3Tanoh Raphaël BEKOIN, La chambre de commerce de Côte d'Ivoire, de la colonisation à l'après-indépendance, naissance, apogée et d'une institution1908-1992 ; 2006, p196

* 4 Dictionnaire universel, Hachette, 2000, p 694

* 5 Pacte de la Société des Nations, article 22, p12

* 6Jean Baptiste KOUAME, Geoffroy BAILLE et Yaya SOW, « Union libanaise culturelle mondiale », Fraternité Matin n°6526, du 14 juillet 1986, p23-25

* 7Jean Baptiste KOUAME, Geoffroy BAILLE et Yaya SOW, op, cit, pp22- 25

* 8 Marianne MEUNIER, «  La longue marche des Libanais », In Jeune Afrique, n°2544, du 11 au 17 octobre 2009, p24

* 9Frédéric CAKPO, « La communauté libanaise, un poids économique certain », «50 ans d'économie, « In Pme Magasine, pp39-42, édition spéciale 2010

* 10Florence DOUAT, « Mieux connaître l'Afrique, le mythe des Libanais », In Marchés tropicaux et méditerranéens, n°3038, 30 janvier 2004, p196

* 11Gouly DOUA, « Le forum des marchés inauguré par le Président de la République », In Fraternité Matin, n°10907, p10

* 12Ministère chargé des relations avec le parlement et autres institutions, « la liste des 120 conseillers économiques et sociaux » In Fraternité matin n°11098 du 31 octobre, 1er novembre 2001, p5

* 13Salma KOJOK; op.cit. ; p154

* 14 Idem,p154

* 15 Khodr HEKMAT ; Le Liban en Côte d'Ivoire Abidjan, Hekmat, 1988, 256p

* 16Jean BINET ; «Les Libanais de l'Afrique francophone 1975 », In Kroniek van Afrika, pp258-265

* 17Le métier de vendre, le transport des marchandises pour les vendre.

* 18Catherine MEZAAD, Les investissements industriels libanais en Côte d'Ivoire, mémoire de maîtrise de géographie, Paris VII, Nanterre 1994, P256

* 19Entretien réalisé en janvier 2012

* 20Directeur de l'information économique et des études à la chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire

* 21 Chef de cabinet à la mairie d'Adjamé depuis 1996, directeur technique de l'attribution des places du marché

* 22Monseigneur Menhem Morkos, entretien réalisé février 2012 dans sa résidence située dans l'enceinte de la Mission libanaise catholique sacré coeur

* 23Idem

* 24 Salma KOJOK, op.cit, p18

* 25Salma KOJOK, Op.cit, p24

* 26 Entretien réalisé en février 2012

* 27 Alain TIREFORT, «  Le baudet libanais ou le mal-aimé, approche de la communauté libano-syrienne en basse Côte d'Ivoire pendant l'entre- deux-guerres », In Godo Godo n°7, 1981, Bulletin de l'Institut d'Histoire d'Art et d'Archéologie, pp59-78

* 28Jean et René CHARBONNEAU, Marchés et marchands d'Afrique Noire, édition La Colombe 1961, Paris, p93

* 29Journal Officiel de l'Afrique Occidentale Française, 1900, p191

* 30Pierre KIPRE : Villes coloniales en Côte d'Ivoire 1893 à 1940, Tome II, Paris VII, p496

* 31Salma KOJOK, op.cit.p44

* 32 Henriette Dagri DIABATE et Léonard KODJO, Notre Abidjan, Ivoire Média /Mairie Abidjan, 1991,

* 33Pacte de la Société Des Nations, article 21, p12

* 34Alain TIREFORT, op, cit, p65

* 35Idem, p67

* 36Salma KOJOK, op.cit., p74

* 37Idem, p74

* 38Alain TIREFORT, op,cit, p64

* 39Elie SAFA, L'émigration libanaise en Côte d'Ivoire,

* 40Salma KOJOK, op,cit,p70

* 41Semi-Bi-ZAN, La politique coloniale des travaux publics en Côte d'Ivoire (1900-1940), 1973, PP256-257

* 42Jean & René CHARBONNEAU, Marchés et marchands d'Afrique Noire, édition La Colombe 1961, Paris, p 94

* 43 JOAF, 30 avril 1909, p195

* 44 AlainTIREFORT, op,cit,p66

* 45 Henriette DAGRI (D), « Notre Abidjan », Mairie d'Abidjan /Ivoire Média, 1991, p93

* 46 Entretien réalisé en février 2012

* 47 Alain TIREFORT, op,cit, p66

* 48Pascal Konan YAO ; Le commerce colonial en Côte d'Ivoire de 1945 à 1960, mémoire de maîtrise histoire, UNCI, 1995, PP20-21

* 49Pierre KIPRE, Villes de Côte d'Ivoire 1893-1940, Tome II, NEA, 1985, p90

* 50Tanoh Raphaél, BEKOIN, op,cit , p196

* 51ANCI, 4-DD26 n°18, circulaire à messieurs les cercles au sujet des cartes d'identité des étrangers, n°340A 1266 du1 avril 1917

* 52Tanoh Raphaél, BEKOIN, op,cit, p201

* 53Pierre KIPRE, op, cit, p89

* 54Tanoh Raphaél BEKOIN, opcit, op, cit, p311

* 55Tanoh Raphael BEKOIN, opcit, op, cit, pp310-315

* 56Pierre KIPRE ; Mémorial de la Côte d'Ivoire, Belgique 1988, Ami, tome2, p264

* 57Idem, p264

* 58Samir AMIN ; Le développement du capitalisme en Côte d'Ivoire, Minuit 1967, p161

* 59Raymond GAUTHEREAU ; Khalil Sabeh, commerçant et planteur à Oumé, In Mémorial de la Côte d'Ivoire ; op.cit. ; p234,

* 60Semi BI- ZAN : La politique coloniale des travaux publics en Côte d 'Ivoire (1900-1940), 1973, pp256-257,

* 61Hubert BONIN ; Cent ans de compétition, Paris 1987, Economica, p32

*

* 62Samir AMIN ; op.cit. , p177

* 63Ministère des Affaires Économiques et du Plan, Situation économique de la Côte d'Ivoire 1961, 3.31/27, p 9

* 64Pascal Konan YAO; op.cit. , p20-21

* 65Idem ; p20-21

* 66Anonyme, « Les 3H et l'Afrique«, In Jeune Afrique n°1720, du 23 Décembre 1993 au 05 janvier 1994

* 67 Hekmat KODR, op,cit, p234

* 68Tanoh Raphael BEKOIN ; op.cit., p 465

* 69Tanoh Raphael BEKOIN, op.cit., p475

* 70Jean SURET-CANALE : Afrique et capitaux, tome 1, Harmattan 1987, p180

* 71Adama BALLA : 30 ans de sous développement ça suffit, Nouvelles du Sud, 1993, p11

* 72Semi BI-ZAN, op.cit., pp256-257

* 73Philippe ASSALE : op.cit. , p24

* 74Raphael N'GUESSAN «Le supermarché Nour Al Hayat a fêté ses 20 ans le 3 Décembre 1986 en présence du Président de l'Assemblée Nationale«, In Fraternité Matin du 10 décembre 1986, p10

* 75 Jean BINET, op.cit., P262

* 76Ministère de l'Industrie : Schéma Directeur du Développement Industriel de la Côte d'Ivoire, Annexe I Le contexte de l'industrie, mars 1988, p130

* 77Idem ; p127

* 78Bureau de Développement Industriel, Répertoire des industries et activités de Côte d'Ivoire, édition1981, p290

* 79Annuaire des chambres consulaires de Côte d'Ivoire, p11, 1991

* 80Ministère de l'information, Service de la Documentation Générale et de la Presse : Côte d'Ivoire, faits et chiffres, Abidjan, 1972, p36

* 81Chambres consulaires de Côte d'Ivoire, op.cit, p106

* 82Henry BOURGOIN ; Philippe, (G) : Côte d'Ivoire : Économie et société, p333

* 83Antoine SERY ; Côte d'Ivoire, Après la faillite, l'espoir ?, Harmattan 1990, pp153

* 84Chambre d'Industrie de Côte d'Ivoire : Les principales industries ivoiriennes, juin 1970, p19

* 85Chambre d'industrie, (édition 1970), p2

* 86Ministère de l'Industrie, Schéma Directeur du Développement Industriel de la Côte d'Ivoire, Annexe II ; Présentation sectorielle, mars 1988,

* 87Alain DUBRESSON ; Villes et industries en Côte d'Ivoire, Paris 1989, Orstom, p71-74

* 88Chambres consulaires des de Côte d'Ivoire, 1991-1992, op.cit., p46

* 89 Bureau de développement Industriel, Répertoire des industries et activités de Côte d'Ivoire, SEEE, 1981, p50

* 90 Samir AMIN, op.cit, p113

* 91Chambre d'Industrie de Côte d'Ivoire, (1970), op.cit., p1

* 92Bureau de Développement Industriel, (1974), op.cit., p78

* 93Ministère de l'Economie et des Finances, op.cit. , p64-72

* 94Bureau de Développement Industriel, (1991), op.cit, p342

* 95 Bureau de Développement industriel, (1988), op, cit, p94

* 96Chambre d'Industrie de Côte d'Ivoire (1970), op.cit. , p1

* 97Idem,p1

* 98Chambre d'Industrie de Côte d'Ivoire (1970), op.cit. , p9

* 99Chambre d'industrie de Côte d'Ivoire (1970), op.cit. p6

* 100Bureau de développement industriel, (1974), op,cit, p35

* 101Idem, p35

* 102Chambre d'industrie de Côte d'Ivoire, (1970),op,cit, P8

* 103Bureau de Développement Industriel (1974), op.cit. p35

* 104Chambre d'industrie de Côte d'Ivoire, (1970), op.cit. , P1

* 105Idem ; P1

* 106Ministère de l'information, Service de la Documentation Générale et de la Presse : Côte d'Ivoire, Faits et Chiffres, Abidjan, 1972, p36

* 107Chambre d'industrie de Côte d'Ivoire, (1970), op,cit, P1

* 108Ministère de l'information, Service de la Documentation Générale et de la Presse, op.cit, p36

* 109Ministère de l'industrie, Schéma Directeur du Développement Industriel de la Côte d'Ivoire, Annexe I, Op.cit., p64

* 110Henry BOURGOIN ; Philippe GUILLAUME, op.cit. , p133

* 111Jorci, Décret n°71-169 du mars 1971, p1570

* 112Dominique, HARRE op.cit. , p 128

* 113Idem, p126

* 114Henriette (D.D), op,cit, p94

* 115Catherine, MEZAAD, Op.cit, p92

* 116Jean Pierre AYE, «Le rôle économique des Libanais, frein ou moteur du développement«, In le Démocrate du 13 mai 1992, pp7-10

* 117Dominique MOBIOH, « Les Ivoiriens sont-ils commerçants ? », In Ivoir Soir n°1765 du 7 juin 1994, pp4-5

* 118Idem, pp4-5

* 119Magasin de libre service à dominante alimentaire qui se caractérise par des prix en dessous de la moyenne, une petite surface de vente et un assortiment de produits restreints, in fr.wikipedia.org/wiki/discount ; le dico du marketing

* 120Office Ivoirien des Chargeurs; op.cit., p61

* 121Bureau de Développement Industriel, (1979-80), op.cit, p266

* 122Idem, p247

* 123Bureau de Développement Industriel, Edition 1974, op ;cit, P266

* 124Chambres consulaires de Côte d'Ivoire1991-1992 Op,cit, p161

* 125Bureau de Développement Industriel, Edition 1983-1984, p46

* 126Bureau de Développement Industriel, (1983-1984), op, cit, p46

* 127Idem, p46

* 128Ministère de l'industrie, Schéma Directeur du Développement Industriel, (1988) ; annexe II, op,cit, p13

* 129Catherine MEZAAD; op.cit. , p29

* 130Idem, p29

* 131Chambres consulaires de Côte d'Ivoire (1991-1992), op,cit, 201p

* 132Alain DUBRESSON; op.cit., p71-74

* 133Chambre d'industrie : Principales industries installées en Côte d'Ivoire au 1er janvier 1975, mai 1975, p22

* 134Idem, p22

* 135Ministère de l'industrie, Schéma Directeur de Développement Industriel, Annexe I, (1988), op, cit, p147

* 136Alain DUBRESSON, op, cit, pp71-74

* 137Idem, pp71-74

* 138Chambre d'Industrie, Principales industries installées en Côte d'Ivoire, Edition mai 1975, op,cit ; 98

* 139Catherine MEZAAD, op.cit. , p29

* 140Catherine MEZAAD, op.cit., p29

* 141Ministère d'Etat, ministère du plan et du développement ; Direction Générale du Développement du Développement de l'Economie régionale, Atlas des villes, décembre 2007, p137

* 142Khodr HEKMAT, op.cit., p123

* 143Khodr HEKMAT,op,cit, p150

* 144Centrale des bilans, 1980, In Catherine, MEZAAD, p29

* 145Catherine MEZAAD, op.cit. , p36

* 146Bureau de Développement Industriel, Répertoire des industries et activités de Côte d'Ivoire, éditions 1979-80, op,cit, p429

* 147Bureau de développement Industriel, op,cit p431

* 148Alain DUBRESSON ; op.cit, pp71-74

* 149Idem, pp71-74

* 150Alain DUBRESSON, op,cit, p71-74

* 151Jacqueline DUTHEIL de la ROCHERE ; L'Etat et le développement économique de la Côte d'Ivoire, Paris 1976, Pédon, p52

* 152Venance, KONAN «  Côte d'Ivoire voyage, la communauté libanaise », In Afrique magasine octobre 2008 n°277, p80

* 153Service de presse de la Présidence de la Republique, VIIème Congrès du Pdci-Rda, 9 au 12 octobre 1985, pp21-22

* 154Venance KONAN, op,cit; p80

* 155Catherine (M), op.cit. , p115

* 156Idem, p115

* 157Alain DUBRESSON; op.cit. , p71

* 158Catherine MEZAAD,op.cit ; p121

* 159Catherine MEZAAD, op,cit, p11

* 160Albert BOURGI et Pierre WEISS, , op,cit,, In Jeune Afrique, n°1588, 1991, pp33-47

* 161République de Côte d'Ivoire, op.cit. , p35

* 162Albert BOURGI et Pierre WEISS ; op.cit ; p40

* 163Idem ; p40

* 164Office Ivoirien des Chargeurs, op,cit, p75

* 165Fraternité Matin, «un dirigeant qui gagne« ; in Ivoire hebdo 6 janvier 1985, Le magasine de la Côte d'Ivoire

* 166Alain TIREFORT,Op,cit, p3

* 167Jean BINET ; op.cit, p263

* 168Il est titulaire d'un doctorat de 3ème cycle de sciences économiques à l'Université d'Abidjan, option finances-comptabilité. Il fut membre du bureau exécutif de l'Association pour le développement du Marketing en Côte d'Ivoire (ADMCI).

* 169Bassim JABER« Nécessaire redéploiement de l'industrie ivoirienne », In Fraternité matin du 2, 3 Mars 1985, p28

* 170Albert BOURGI ; op.cit ; pp33-47

* 171Kobénan DASSIE ; Contribution du code des investissements de 1959 à l'industrialisation de la Côte d'Ivoire. Les entreprises prioritaires, Abidjan juin 1987, thèse de 3ème cycle, p6

* 172Jean BINET, op.cit ; pp258-265

* 173Les entreprises qui bénéficient de cet agrément doivent faire partie de ces domaines suivants : l'immobilier, les cultures industrielles, les entreprises de préparation et de transformation mécanique ou chimiques des productions végétales et animales ;, les entreprises de fabrication et de montage d'articles et d'objets de grande consommation (le textile, matériaux de construction, fabrication métalliques ); les industries minières d'extraction , d'enrichissement, de transformation des substances minérales et les entreprises d'armature, de manutention et de transport ainsi que la recherche pétrolière ; et enfin les entreprises de production d'énergies ;

* 174Kobénan DASSIE, op.cit ; p6

* 175Jean BINET, op.cit ; p258-265

* 176Catherine MEZAAD, op.cit. , p122

* 177Idem; p128

* 178Ibid, p128

* 179Ministère de l'Economie des Finances et du Plan, Côte d'Ivoire, en chiffres 80-81, p 198

* 180 Office Ivoirien des Chargeurs, op,cit, p76

* 181 Bureau de Développement Industririel, Edition 1988, op,cit, p140

* 182 Idem,p140

* 183Catherine MEZAAD; op.cit ; p118

* 184Idem ; p118

* 185Le compound est la matière qui résulte de la transformation de la résine de pvc et de plastifiants.

* 186Annuaire des chambres consulaires de Côte d'Ivoire, op.cit. , p342

* 187Office Ivoirien des Chargeurs, op, cit, p64

* 188Annuaire des chambres consulaires de Côte d'Ivoire, op,cit, p342

* 189Catherine MEZAAD, op.cit ; p118

* 190Ministère du Plan, de l'Economie et des Finances, Côte d'Ivoire en chiffres, 80-81, p199

* 191Alain DUBRESSON, op.cit. , pp71-74

* 192Catherine MEZAAD, op.cit. , p

* 193Ministère de l'économie et des finances, op.cit. , p 198

* 194Idem ; p 198

* 195Ibid., p198

* 196Alain DUBRESSON ; op.cit. , p71-74

* 197Ministère de l'Economie et des Finances et du Plan ; op.cit, p19,

* 198 Entretien avec Yao Germain, janvier 2012

* 199Aly COULIBALY ; L'emploi dans les entreprises libano-syriennes de Côte d'Ivoire, 1978, ONFP ; pp 3-9

* 200 Idem, p8

* 201 BOUAZO cité par MEZAAD p 24

* 202MEZAAD, op, cit, p24

* 203 Chambres consulaires de Côte d'Ivoire (1991), op.cit ; p44

* 204Bureau de Développement Industriel, Edition 1979-1980,op.cit; p132

* 205Catherine MEZAAD,op,cit, p47

* 206 Chambres consulaires de Côte d'Ivoire (non daté), op,cit p155

* 207Idem, p154

* 208Catherine MEZAAD; op.cit; p47

* 209Chambres consulaires de Côte d'Ivoire, (non daté), op, cit, p298

* 210Idem, p 298

* 211Catherine MEZAAD, op.cit; p47

* 212Chambres consulaires de Côte d'Ivoire (non date). ;op,cit, p337

* 213Idem ; p 337

* 214Catherine MEZAAD,op,cit, p47

* 215Marchés Tropicaux, n°2268 du 28 avril

* 216Ministère des Finances, de l'Economie et du Plan ; Industries de l'imprimerie et de la reliure : Etude d'implantation en Côte d'Ivoire, juillet 1972, pp35-40

* 217Idem ; pp35-40

* 218Ministère des Finances, de l'Economie et du Plan ; Industries de l'imprimerie...op.cit ; pp35-40

* 219Ministère de l'Economie et des Finances, bilan 1978-1979, op.cit ; p198

* 220 Idem ; p198

* 221Ibid ; p198

* 222Marchés tropicaux n° 2268, avril 1989

* 223Le kraft est un papier fort servant essentiellement à l'emballage

* 224Bureau de Développement Industriel 1986-1987, opcit, p216

* 225Bureau de Développement Industriel 1986-1987, opcit,; p216

* 226Ibid; p216

* 227Chambres consulaires de Côte d'Ivoire, op,cit, p354

* 228Roger KOUASSI ; Imprimeries industrielle : Un marché trop réduit, in Fraternité matin, N°8659 du jeudi 19 Août 1993, pp2-3

* 229Ce terme est d'origine anglaise est une technique d'emballa qui soigne la présentation dans une perspective publicitaire.

* 230Chambres consulaires de Côte d'Ivoire ; op.cit ; p144

* 231Catherine MEZAAD ; op.cit ; p50

* 232Denis KAH ZION ; « PAPIGRAPH-CI, une autre dimension de la papèterie et du matériel d'imprimerie », In Le Démocrate n°73 du 11 novembre 1992

* 233Bureau de Développement industriel, (1988), op,cit, p83

* 234Bureau de développement industriel (1979-80) ; op.cit ; p79

* 235Bureau de Développement industriel (1991) , op, cit, p124

* 236Bureau de Développement industriel, (1988), op,cit, p81

* 237Bureau de développement industriel,(1988), op.cit., p245

* 238Idem, p245

* 239Bureau de développement industriel (1991), op.cit., p187

* 240Idem; p187

* 241Chambres consulaires de Côte d'Ivoire (non daté) , op,cit, p 345

* 242 Idem, p345

* 243Antoine SERY; opc.cit. , p153

* 244Jean SURET-CANALE; op.cit. , p180

* 245Tanoh Raphael BEKOIN ; op.cit; pp 520-523

* 246Jean SURET-CANALE; op.cit. , p180-183

* 247Jean Pierre AYE ; «  Rôle économique des Libanais : frein ou moteur du développement » ;IN Le Démocrate n°46 du13 Mai 1992, pp7-10

* 248 Ousmane CRUYO «  Les Bana-Banas ou commerçants ambulants », In Fraternité matin du 10 Avril 1984

* 249 Fraternité Matin du 10 avril 1984

* 250 Raphael N'GUESSAN « Le Supermarché Nour al Hayat a fêté ses 20 ans », In Fraternité Matin, 10 décembre 1986, p10

* 251Chambre de commerce et d'Industrie de Côte d'Ivoire, 2000, Répertoire des Entreprises commerciales, industrielles et de services, p69

* 252 Bureau de développement (1984-1985), p266

* 253Daouda DOSSO «  La semaine commerciale d'Attiécoubé, succès inattendu », In Fraternité Matin du 11 Août 1987, p5

* 254Raphael LAKPE & Salif DIABY « 13èmè édition de la semaine commerciale de Treichville », In Fraternité matin du 23 juin 1980

* 255 Ministre de l'Economie et des Finances ; Annuaire des entreprises de Côte d'Ivoire, 1991, 64p

* 256Jorci, n° 27 du 17 Mars 1966, p 360

* 257François VERDEAUX «  La filière bois à travers ses âges : une coupe longitudinale dans la politique de la zone forestière ivoirienne », In Le modèle ivoirien en questions : crises-ajustements, recompositions, Sous la direction de Bernard, CONTAMIN et Harris, MEMEL-FOTÊ,Orstom, 1997, pp274-278

* 258 Institut de Recherche et de Documentation, Les industries de la première transformation du bois en Côte d'Ivoire, p57

* 259Idem, p63

* 260Ibid, p63

* 261Jorci n°28 du 8 juin 1972, p137

* 262François VERDEAUX ; op.cit. , p278

* 263Institut de Recherche et de Documentation, op.cit. , p63

* 264Fraternité matin du 26 septembre 1990, « Industrie du bois : secteur à redynamiser »

* 265Catherine MEZAAD ; op.cit ; p40

* 266Eric FOTTORINO, Afrique : « la chimère des matières premières », In le Monde du Mardi 20 Mars 1990, p29

* 267 Khodr HEKMAT, op.cit, p150

* 268 Idem, p123

* 269Stéphane DUPONT ; « Côte d'Ivoire : Cacao : Brûler pour Renaître » ; In Jeune Afrique économique n° 164 ; février 1993 ; pp125-133

* 270Jean-Louis G ; op.cit. p98

* 271Catherine MEZAAD ; op.cit ; p121

* 272Stéphane DUPONT ; « Filtisac, Diversification réussie » ; In Jeune Afrique n°164, février 1993 ; pp21-23

* 273 ANCI, Lot de compilation des journaux de la presse privée, 1992-1994

* 274 ANCI : Dépôt des journaux non classés

* 275Registre de la régie publicitaire du groupe olympe 2004

* 276Kouassi Julien KOFFI, La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans une entreprise(Gpec) groupe olympe, Abidjan Côte d'Ivoire, 2003-2004, p17

* 277Régistre du groupe olympe, 2000-2005

* 278Idem

* 279Gilles DURUFLE, L'ajustement structurel en Afrique (Sénégal, Côte d'Ivoire, Madagascar), Karthala, Paris, 1988, p115

* 280 Ernestine KONAN, « Du gros au détail », In News&co, n°3 décembre 2011, pp10-17

* 281Gilles DURUFLE, op, cit, p115

* 282Site.Web : www. groupeprosuma.com, consulté le 30 avril 2012 à 16 heures 30 mn

* 283Eugène KADET, « Grande distribution : la vraie guerre des prix » In Fraternité Matin du 8 juillet 1997, pp2-3

* 284Chambre de commerce et d'industrie édition 2000, op.cit., p79

* 285Frédéric DORCE, « Côte d'Ivoire : l'investissement au secours de l'emploi », In Jeune Afrique économique, n°247, du 1er au 14 septembre 1997, pp48-52

* 286Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire, annuaire 2010-2011, op.cit, p40

* 287Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire, annuaire 2010-2012, op,cit, p40

* 288Charles KOUASSI,  « Le richissime ivoiro-libanais est décédé, hier ; ce qui a tué Ezzedine Ibrahim », In l'Intelligent d'Abidjan n°2472, du 22 février 2012, p6

* 289 Frédéric DORCE, op.cit., pp48-52

* 290Frédéric DORCE, op cit, p52

* 291 François MATHEY, la Basilique Notre Dame de la Paix de Yamoussoukro, 1990, p3

* 292Basile OUATTARA, entretien réalisé le mercredi, 02 mai 2012

* 293Basile OUATTARA, op,cit

* 294Gouly DOUA, « Le marché d'Adjamé inauguré hier », In Fraternité Matin, 16 mars 2001, p10

* 295Conseiller spécial du Président de la pour les affaires religieuses, associations et organisations non gouvernementales

* 296Ben Mohamed LAMINE, « Aboisso : la communauté libanaise fait don d'une école aux habitants de Kouakoukro », In fraternité matin n°1505, du 26 novembre 1969, p4

* 297Jean Baptiste KOUAME, Geoffroy BAILLE & Yaya SOW, « Union libanaise Culturelle Mondiale, In Fraternité Matin  n° 6526, du 14 juillet 1986, P23

* 298 Idem, p23

* 299Nady RAYESS, op,cit, p9

* 300Jean Baptiste KOUAME, op,cit, p23

* 301Marianne MEUNIER, « La longue marche des Libanais », In jeune Afrique n°2544, du 11 au 17 octobre 2009, p24

* 302Chambre de commerce et d'industrie annuaire 2010-2011, op.cit., p77

* 303Pme magasine, 2010, Atlas spécial 50 ans des 3000 premières entreprises ivoiriennes, op.cit., p166

* 304Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire, annuaire 2010-2011, op.cit., p150

* 305Pme magasine, 2010, Atlas spécial 50 ans des 3000 premières entreprises ivoiriennes, op,cit, p166

* 306Jean Baptiste KOUAME, Geoffroy BAILLE & Yaya SOW, op, cit, p23

* 307Nady RAYESS, op,cit, p9

* 308Joci , n°1887 , A ,G , 1933, p602

* 309Balafonte THIAM, « M. Antoine Abinader a été le précurseur du sponsoring», Sous la direction de Siaka BAMBA & Hégaud OUATTARA, In Fraternité Matin du 14 février 1991, p15

* 310Geoffroy Baillet, « Sport handball, Coupe d'Afrique des Clubs champions à Brazzaville », n°5766, du 4 Janvier 1984, p12

* 311Jean Baptiste AKROU, « Les championnes d'Afrique honorées, », In Fraternité matin, n°5778 du 18 janvier 1984, p12

* 312Siaka BAMBA, « Grand prix gauloise, cyclisme », In Fraternité Matin, n°5789, du 31 janvier 1984, p13

* 313 Vénance KONAN, op,cit, p83

* 314Siaka BAMBA, « Les Libanais du sport ivoirien », Fraternité Matin 15 février 1991, p14

* 315 Norbert Konan TANO « Ali KHafal, pour l'amour du sport »,In Fraternité Matin du 15 février 1991, p14

* 316Hegaud OUATTARA & Siaka BAMBA, Fraternité Matin du 14 février 1991, Op.cit., p14,

* 317 Hégaud OUATTARA, op,cit, p14

* 318 Venance KONAN, op.cit., p80

* 319 Idem, p81

* 320 Ibid,p81

* 321Ministre de la fonction publique et de la reforme administrative, directeur général des douanes 2001-2007

* 322Konan GNAMIEN, « lutte contre la corruption et les lourdeurs administratives », In le Nouveau Réveil, n°3122 23 juin 2014

* 323Eugène KADET, op,cit, Fraternité matin du 15 décembre 1993,p8

* 324Eugène KADET, « Les Libanais de Côte d'Ivoire, une intégration partielle ou totale ? », In Fraternité Matin, 15 décembre 1993, n°8755, p6-7






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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo