Introduction
1-Intérêt et justification du sujet
La Côte d'Ivoire a subi pendant plus d'un
demi-siècle la colonisation française. L'administration coloniale
a provoqué de nombreux bouleversements qui sont d'ordre politique,
social, économique et démographique dans le cadre de la mise en
valeur de la colonie de Côte d'Ivoire. Ces bouleversements ont
affecté durablement les peuples ivoiriens. Au niveau politique, les
peuples qui vivaient autrefois en petites tribus et séparés les
uns des autres par les différences religieuses, ethniques sont
désormais administrés par une seule entité politique.
Au niveau économique, les Africains en
général, les Ivoiriens en particulier, abandonnent
l'économie de subsistance au bénéfice de l'économie
commerciale avec l'avènement des cultures agricoles telles que le
caoutchouc, le café, le cacao, le palmier à huile et bien
d'autres cultures. Au niveau démographique, dans l'optique de mettre en
place de grands espaces cultivables et d'exploiter la colonie de Côte
d'Ivoire, le colonisateur a favorisé l'immigration des populations des
colonies françaises de l'Afrique l'Ouest. Selon Pierre Kipré,
pour la seule année 1932, les travailleurs voltaïques
envoyés de force en Côte d'Ivoire pour la réalisation du
chemin de fer et d'autres travaux, étaient estimés à 5000
personnes.1(*) A
côté de ces ressortissants ouest africains, il y a la colonie
venue du Moyen-Orient. Ce sont les ressortissants du Liban et de la Syrie.
Leur migration en Afrique en général, en Côte d'Ivoire en
particulier se confond avec le début de l'entreprise coloniale
européenne.
Entre la fin du XIXème et le début du
XXème siècle, les Syriens et les Libanais subissaient
l'oppression économique et politique de l'empire ottoman2(*). C'est ainsi que ces derniers
ont migré en France précisément à Marseille et en
Amérique Latine et quelques uns sont aperçus en Afrique surtout
au Sénégal. Cette soumission prend fin en 1920 lorsque ces deux
territoires furent placés sous mandat français au lendemain du
premier conflit armé mondial. Les Syriens et les Libanais devinrent
comme à partir de cet instant, citoyens français et
immigrent en direction de l'Afrique grâce à ce mandat
français. Leur colonie prend ainsi une proportion assez importante au
cours de cette décennie. Plusieurs expressions permettent de
désigner cette communauté asiatique d'Afrique. Il s'agit entre
autres les Libanais, Asiatiques, Levantins. Souvent pour salir leur image,
certains Européens pendant la colonisation leur attribuent ce lexique
péjoratif tel que «hordes de parasites«,
«d'envahisseurs«, «accapareurs« afin de leur nuire3(*). Selon le dictionnaire
universel4(*), les noms
composés « Libano-Syriens «et« Syro-Libanais«
permettent de désigner à la fois les Libanais et Syriens
d'Afrique. Le terme syro-libanais est utilisé pour désigner les
citoyens libanais et syriens sur lesquels la France exerce un mandat de
protectorat à la fin de la première guerre mondiale selon le
pacte de la Société des Nations5(*). Même si sur le plan géographique,
culturel et historique, les territoires libanais et syriens sont
distincts, nombreux sont ceux qui attribuent le substantif libanais à
tous les ressortissants de l'Asie et même de l'Afrique du Nord. Notre
étude porte essentiellement sur les Libanais de Côte d'Ivoire. Les
Libanais que nous étudions sont aussi ceux qui ont gardé leur
nationalité d'origine que ceux ont adopté la nationalité
ivoirienne et celle d'autres pays.
Alors que l'on pensait que cette communauté
libanaise allait partir de l'Afrique en général, en particulier
de la Côte d'Ivoire à la fin de la colonisation, son
établissement se poursuit pendant la période de
l'après-indépendance. Et mieux la colonie libanaise continue de
s'accentuer dans certains pays africains comme le Sénégal et la
Côte d'Ivoire.
A la faveur du conflit armé de 1975, de
nouvelles vagues d'immigrations libanaises sont arrivés dans le monde
entier. Ainsi l'on retrouve une forte communauté libanaise au
Brésil, au Canada, au Sénégal, au Congo Zaïre et bien
sûr en Côte d'Ivoire. En 1986, le président de l'Union
libanaise culturelle mondiale alors en visite en Côte d'Ivoire estimait
la communauté libanaise de l'étranger à plus de 16
millions de personnes alors que les Libanais restés au pays ne
dépassaient guère 4 millions6(*). L e Brésil abrite lui seul plus de 10
millions de Libanais. Au Brésil, les ressortissants libanais sont
entièrement intégrés, car non seulement ils ont
réussi dans l'économie, mais également occupent des
fonctions politiques soutient, Ramis Saad, le vice-président du conseil
mondial et président du conseil brésilien. Il évalue la
part des Libanais politiques au Brésil est de 12%. A cette
période, l'on notait 2 ministres et deux gouverneurs qui sont d'origine
libanaise.7(*) Au
Sénégal et au Congo Zaïre, la population
étrangère d'origine libanaise est plus de 30 mille personnes.
Ces ressortissants libanais sont plus présents le commerce de gros et de
détail et dans l'industrie agroalimentaire.8(*) En Côte d'Ivoire, la
population d'origine libanaise oscille entre 60 et 100 mille personnes. Sur le
plan économique, Pme magasine s'appuyant sur les statistiques internes
des Libanais, publie que l'apport fiscal au budget de l'Etat est de 350
milliards Francs CFA par année. La masse salariale avoisine 180
milliards de Francs CFA.9(*)
Florence Douat confirme cette forte présence dans l'économie
ivoirienne. Mieux elle relève la proportion dans les différents
secteurs d'activités économique10(*). Ainsi cette communauté est présente
en Côte d'Ivoire au niveau du paysage économique et est
même impliquée dans la vie sociale et culturelle, si bien qu'il
serait difficile d'effectuer une étude économique en Côte
d'Ivoire sans parler des Libanais dans la mesure où leur influence dans
l'économie de la Côte d'Ivoire est visible.
Malheureusement, si les expressions Syro-Libanais,
Libanais, sont familières aux Ivoiriens, force est de constater que les
mérites de cette communauté sont méconnus d'une frange de
la société ivoirienne. Parfois pour les Ivoiriens, la
présence des Libanais relève d'un mythe, car nombreux sont ceux
qui leur attribuent des stéréotypes. Cette communauté
serait fermée. Au niveau religieux, les Libanais de Côte d'Ivoire
ont leur propres lieux de cultes qu'ils soient musulmans ou chrétiens.
Au niveau de l'éducation, leurs enfants fréquentent les quelques
écoles de mission libanaise et les établissements
français. Enfin, les mariages mixtes sont presqu'inexistants. Mais
au-delà, l'on les confond parfois à tort à la fraude ou
à l'escroquerie, vu leur présence dans les affaires.
Une telle ignorance sur le rôle de la
communauté libanaise dans l'économie de la Côte d'Ivoire
mérite que l'on mène un travail sur ces Libanais. En effet,
même si la place de ces derniers n'est pas connue du grand public,
cependant cette présence suscite de multiples questions. Que se cache
derrière la présence des Libanais en Côte d'Ivoire ?
Si la présence économique libanaise s'est avérée,
comment se présente t-elle alors? A quel moment les
investissements libanais deviennent-ils importants dans l'économie
ivoirienne ? Quel est l'apport des Libanais dans la vie économique
de la Côte d'Ivoire ? Comment les Libanais se sont-ils pris pour
connaître un tel niveau de réussite en Côte
d'Ivoire ?
Toutes ces questions sans réponse du
chercheur en science sociale montrent que la communauté libanaise
mérite d'être étudiée. Les Libanais ont
été l'objet de beaucoup d'écrits, cependant ces travaux
portent sur l'histoire de l'immigration de cette communauté et aborde de
façon sommaire la question économique. Une telle insuffisance a
motivé en partie notre choix sur cette communauté en Côte
d'Ivoire.
Sur le plan scientifique, l'intérêt d'un
sujet est important si l'on veut mieux connaître l'histoire des acteurs
de l'économie de la Côte d'Ivoire moderne. En effet, on ne peut
pas aborder l'histoire économique de la Côte d'Ivoire sans citer
au passage cette communauté libanaise. Outre cela, on ne peut
comprendre l'économie coloniale sans faire mention des Libanais.
En somme, cette communauté mérite que
l'on l'étudie. Pour mieux conduire notre étude, nous nous sommes
proposé de l'étudier de 1960 à 2001. La date 1960 marque
l'accession de la Côte d'Ivoire à la souveraineté
suprême. De même, elle atteste le début effectif de la mise
en oeuvre des reformes politiques et économiques des nouvelles
autorités ivoiriennes. Quant à l'année 2001, elle
représente l'inauguration du forum des marchés d'Adjamé,
La réalisation de ce marché a été
concédée à un promoteur franco-libanais Saïdi
Mohamed, directeur général de la Société ivoirienne
de Concept et gestion immobilière (Sicg) après un appel
d'offres. La réalisation de ce projet a coûté plus de 16
milliards de Francs CFA.11(*)L'année 2001 marque également au plan
politique l'entrée pour la première fois de deux
personnalités d'origine libanaise au Conseil Economique et Social. Il
s'agit de Fouad Omais et de Roland Dagher12(*) qui sont tous deux des hommes d'affaires
ivoiro-libanais. La nomination de ces Ivoiriens d'origine libanaise atteste
à la fois le souci des autorités ivoiriennes de témoigner
leur reconnaissance à l'endroit de la communauté libanaise et
leur volonté d'intégrer la vie politique de la Côte
d'Ivoire.
2-État de la
question
Des études ont été faites sur la
communauté libanaise de Côte d'Ivoire. Cependant elles sont
souvent limitées non seulement dans le temps mais aussi dans la
méthodologie adoptée. Dans cette documentation, nous avons eu
recours au mémoire de Kojok Salma13(*). Cet ouvrage de 154 pages est intéressant
parce que dans la mesure où elle retrace toute l'histoire de la
migration libanaise en Côte d'Ivoire avant 1945. Kojok présente
son étude en trois parties. Elle aborde premièrement l'origine de
l'émigration libanaise en Côte d'Ivoire. Dans le premier axe de
son travail, elle montre les causes de l'émigration du Liban. Selon
elle, les raisons qui ont préparé cette émigration
relève à la fois de la conjoncture historique et politique du
Liban. Ces causes qui sont liées à la vie politique de
l'histoire du Liban sont l'occupation de l'empire ottoman en 1860 et joint
le Liban à la Syrie. Cet empire s'est accaparé de toutes les
richesses économiques du Liban. La liberté des citoyens libanais
était confisquée. Face toutes ces difficultés, ces
Libanais et Syriens émigrent du Liban et de la Syrie à la
recherche du bien être.
En dehors de la situation politique, elle montre
également les facteurs qui ont facilité et entretenu cette
émigration. Parmi ces facteurs, il y a entre autres les raisons
personnelles, c'est-à-dire le désir de certains d'aller voir
ailleurs. Il y a aussi les facilités liées à l'appel du
gouverneur général de l'AOF, Roume14(*)aux Libanais à se rendre
au Sénégal en 1920 pour y travailler dans la collecte des
arachides et au progrès économique de la Côte d'Ivoire
à partir des années 1930. Dans la deuxième partie, elle
aborde l'évolution numérique et les caractères
généraux des immigrants libanais en Côte d'Ivoire avant
1945. Elle démontre la croissance de la population libanaise dans la
colonie de Côte d'Ivoire. Cette immigration selon elle devient croissante
dans les années 1930, période de développement
économique et de la mise en place effective des infrastructures
économiques. Elle estime la colonie libanaise à 1000 âmes.
Dans la troisième et dernière partie, Salma étudie
l'action économique de cette communauté. Au niveau
économique, elle affirme que les Libanais ont pour activité
principale le commerce surtout celui des matières agricoles. Cet ouvrage
est important dans l'écriture de l'histoire coloniale de la Côte
d'Ivoire surtout qu'il aborde la vie économique et sociale d'une
communauté étrangère. Cependant, elle est limitée
dans le temps. Le travail ne prend en compte qu'une partie de la période
coloniale.
En plus de ce mémoire, il y a l'ouvrage de
Khodr Hekmat15(*)qui est
également important. En effet, ce livre de 256 pages comprenant quatre
parties pages est une biographie de la communauté libanaise en
Côte d'Ivoire. Dans la première partie, il situe les relations
ivoiro-libanaises. Dans le second axe, il présente la communauté
libanaise dans toute sa diversité. C'est-à-dire au niveau
religieux, économique et culturel. Dans la troisième et
quatrième partie, il montre les liens qui renforcent cette amitié
ivoiro-libanaise et ensuite accorde une place de choix à la
communauté libanaise en faisant présentant toutes les grandes
familles de ses compatriotes. Ce livre est capital dans l'écriture de
cette communauté. Cependant cet ouvrage présente des limites car
il fait l'apologie des autorités ivoiriennes et des membres de la
communauté libanaise. Il n'aborde point les stratégies de
développement de cette communauté libanaise.
Pour cette étude l'article de Jean Binet a
été intérêt particulier. L'intérêt de
cet article d'une quinzaine de pages réside dans le fait qu'il est l'un
des premiers écrits spécialisés abordant la question
libanaise dans l'économie des pays africains francophones surtout de la
Côte d'Ivoire. Cet article se structure en trois parties : Dans la
première partie, Jean Binet16(*) montre les premières activités des
premières colonies syro-libanaises en Afrique. Ces activités
étaient essentiellement commerciales. Selon lui, les premiers habitants
libanais d'Afrique faisaient le colportage17(*). Ils participaient au commerce des matières
premières agricoles notamment le caoutchouc, la kola. Dans la
deuxième partie de cet article, il montre comment les Libanais sont
passés de colporteurs au rôle d'intermédiaires entre les
Africains et les maisons commerciales européennes et de
propriétaires de commerces. Abordant la présence des Libanais en
Côte d'Ivoire au temps colonial, il soutient que le poids
économique s'est réellement senti à partir des
années 1950, marquée par une prospérité
économique importante avec la construction du port d'Abidjan et le
prolongement du chemin de fer. Enfin, dans la troisième et
dernière partie, il fait une comparaison des différentes
communautés syro-libanaises dans les pays africains. Il conclut que les
Syro-Libanais étaient plus nombreux au Sénégal, en
Guinée et dans bien d'autres pays que la Côte d'Ivoire dans la
colonisation.
Cependant, au lendemain de l'indépendance, cette
communauté s'accroît en Côte d'Ivoire non seulement
grâce à la prospérité économique relative,
mais également à la politique d'ouverture du gouvernement
ivoirien. Celle-ci est une opportunité que s'offrent les Libanais pour
s'installer à Abidjan ainsi que dans les centres économiques de
l'intérieur. La ville de Bouaké est un exemple édifiant.
Les Libanais détiennent presque le monopole de l'activité
commerciale.
Au total, cet article de Jean Binet est instructive
dans la mesure où elle nous permet de comprendre l'histoire
économique des premières communautés syro-libanaises
d'Afrique en général, et de la Côte d'Ivoire en
particulier. Cependant cet article présente des insuffisances. En
effet, en limitant son étude en 1975, elle ne prend pas en compte toute
l'histoire économique de cette communauté quand bien même
qu'elle retrace tout le passé colonial et
l'après-indépendance. Cette insuffisance se découvre
également dans le fait que l'étude soit portée
essentiellement sur la seule activité commerciale de ce peuple.
En plus de cet article de Jean Binet, notre choix
s'est porté également sur le mémoire de maîtrise
géographie de Catherine Mezaad18(*). Cet ouvrage de plus 356 pages est d'un
intérêt particulier pour la connaissance de cette
communauté. En effet, Mezaad retrace toute l'histoire économique
et sociale des Libanais de la Colonisation jusqu' à nos jours en
Côte d'Ivoire. Cet ouvrage tout comme l'article de Jean Binet comporte
trois parties. Dans la première partie, elle démontre comment la
réussite économique de cette communauté est un sujet
à controverse. Elle présente premièrement la presse qui
dépeint l'image des Libanais. Ensuite, elle aborde les
différentes activités économiques de ces derniers en
Côte d'Ivoire. Dans le deuxième axe, elle a fait une large
présentation des acteurs du développement industriel. Dans cette
partie, elle fait d'abord le récit de l'immigration des ancêtres
des familles industrielles libanaises. Ensuite, elle montre les étapes
de la mise en place de ces différentes familles industrielles. Enfin,
dans la troisième partie, elle aborde la question de l'avenir dans un
contexte de crises et les stratégies des actions envisagées pour
pouvoir surmonter ces différentes crises.
Cet ouvrage présente cependant des limites
même si elle fournit des informations de qualités. D'abord,
l'étude manque de dimension chronologique. Elle n'est pas circonscrite
dans le temps. Cela perd la qualité d'une étude sociale, surtout
que le travail porte sur une communauté qui évolue dans le temps
et dans une zone géographique bien définie subissant les
influences politiques, physiques et sociales. Par ailleurs cette absence de
chronologie ne permet pas de percevoir l'évolution économique de
cette communauté. Il y a également le fait que dans la
méthodologie de recherche, Mezaad affirme avoir effectué une
étude de terrain, les enquêtés ne figurent nullement ni au
niveau des notes de bas de page, ni dans la bibliographie. Au niveau de la
bibliographie justement, il semble que son étude s'est basée sur
les articles de presse ou des périodiques qui ne portent pas des
signatures d'auteurs.
Toutes ces insuffisances constatées
à travers ces différents écrits, nous ont conduits
à orienter notre analyse sur des aspects non encore
éclairés pour ressortir dans le temps, la vie économique
de cette communauté. Il s'agit de ressortir de façon dynamique le
processus et l'évolution de la présence économique de ces
derniers de 1960 à 2001. Ce travail part des périodes de
l'implantation des premières industries et s'achève aux
périodes de l'accentuation des crises économiques.
3-Problématique
Beaucoup de communautés étrangères n'ont
pas connu de telles réussites économiques en Côte d'Ivoire
telles que celles des Libanais. La communauté libanaise a pu s'adapter
à toutes les situations. Mieux, les hommes d'affaires libanais ont
amélioré leur condition de vie économique et ont
même tenu tête aux opérateurs économiques
européens surtout français. Il paraît pour nous important
de pénétrer dans le milieu de cette communauté afin de
mieux cerner les origines de la réussite en affaires des Libanais en
Côte d'Ivoire.
-objectif
général
L'objectif principal de ce travail est de montrer
le poids de la contribution de la communauté libanaise dans le
développement économique de la Côte d'Ivoire. En d'autres
termes, comment les Libanais ont-ils pu occuper une telle place dans
l'économie ivoirienne? En somme, quelle est la place de la
communauté libanaise dans le développement économique de
la Côte d'Ivoire ? Quelle est la cause de leur succès et de
leur expansion économique en Côte d'Ivoire ?
-objectifs
spécifiques
De cet objectif principal dégagent
plusieurs objectifs spécifiques. Il s'agit d'étudier le contexte
de l'immigration libanaise, les actions socioculturelles et les relations avec
les autres communautés. A cela il faut ajouter l'étude de la
phase d'expansion, le dynamisme de leurs activités et enfin, le
processus de diversification de leurs activités économiques.
-Hypothèses
Pour atteindre ces différents objectifs, nous
partirons de ces hypothèses suivantes :
- l'installation des Libanais en Côte d'Ivoire
répond en premier lieu à un souci humanitaire, mais
au-delà économique ;
-à partir des années 1960, cette immigration
prend un tournant économique du fait de la prospérité
économique relative que connaît la Côte d'Ivoire par rapport
aux autres pays de l'Afrique de l'Ouest. Cela est à mettre à
l'actif des reformes et changements sur le plan politique qui sont intervenus
au lendemain de l'indépendance et ont facilité les Libanais
à s'approprier certaines activités économiques du pays. La
décennie 1980 est une période faste pour les Libanais suite
à l'effondrement des prix des matières premières sur le
marché international.
4-Méthodologie
Pour mieux aborder cette étude, nous avons
utilisé une approche méthodologique propre aux sciences sociales.
Dans le cadre de ce travail, nous avons privilégié diverses
sources en particulier les sources écrites et les sources orales.
Au niveau des sources orales, nous avons
répertorié deux catégories d'enquêtés. Il y a
d'abord c'est-à-dire les Libanais eux-mêmes. Ces derniers
disposent des organismes qui peuvent fournir d'importantes informations sur
leur communauté. Ce sont des organismes à caractère
économique, social, religieux et culturel. Nous avons eu un entretien
avec Monseigneur Menhem Morkos19(*) à la mission libanaise sacrée coeur
d'Adjamé. Il est âgé de 68 ans. Il totalise plus de 30 ans
en Afrique. Il a passé plus de 20 ans au Sénégal. Il est
à 8ème années en Côte d'Ivoire. Ce
prêtre nous a fourni des informations assez riches à travers
l'entretien. Ces informations soulèvent à la fois des questions
culturelles, religieuses et économiques. Cependant du fait de son statut
de prêtre, il ne se sentait pas à l'aise quand il aborde des
sujets d'ordre économique. Cependant, il soutient que la force des
Libanais est liée à leur capacité d'adaptation à
toute circonstance d'ordre culturel, social et économique.
Quant à Mademoiselle Rana Jaber, elle est
l'assistante de direction à la chambre de commerce et d'industrie
située à Marcory dans le supermarché Orca Deco.
L'entretien réalisé avec cette dernière, soulève
non seulement les questions d'immigration, de culture, traite également
de façon profonde le volet économique d'autant que Rana s'occupe
de l'enregistrement des entreprises depuis leur création. Plus, elle
participe beaucoup aux séminaires portant sur le secteur privé.
Elle est titulaire d'une maitrise en chimie. Les 2 personnes
enquêtées sont unanimes que la force des Libanais à
l'étranger est l'attachement à leurs us et coutumes
essentiellement sur la religion musulmane et chrétienne.
L'autre groupe de personnes interviewées
concerne essentiellement les personnes ayant en charge la gestion des
structures ou institutions à caractère économique et
politique. Au cours d'un entretien non directif, nous avons pu échanger
avec Monsieur Yao Germain20(*) qui a livré des informations portant sur la
stratégie des investissements économiques de cette
communauté. Selon ce dernier, la question libanaise en Côte
d'Ivoire revêt de l'engagement au travail et le gout du risque des
Libanais. Cette réussite est liée également aux
réformes économiques et la stabilité politique.
Nous avons interrogé Monsieur Ouattara Basile,
âgé plus de 50 ans21(*). L'entretien relève que dans le cadre de
l'attribution de la construction du marché aux opérateurs
économiques, c'est la capacité de financement et le savoir-faire
ont planché au côté la Société ivoirienne de
concept et de gestion immobilière (Sicg). Toutes ces sources orales
présentent des limites. Elles sont dépourvues de données
chiffrées et souvent informations sont trop générales et
moins approfondies.
Pour la recherche et la collecte des informations,
nous avons été confrontés à toute sorte de
difficultés. En effet, la première difficulté
réside dans la réticence et le refus de ces membres de la
communauté libanaise de nous de livrer les informations
nécessaires pour la réalisation de cette étude. Quant aux
Ivoiriens abordés, ils ont marqué une attitude
désintéressée à la question libanaise.
Concernant les sources, nous avons parcouru
plusieurs centres de documentation et bibliothèques à Abidjan
afin de disposer d'une documentation assez fournie et étoffée.
Ces sources évoquent la question des ressources quand il s'agit des
employés, les capitaux et des matières premières
utilisées. De plus, elles abordent la notion de rendements lorsqu'il
s'agit du chiffre d'affaires et de productions.
Il existe cependant de nombreuses
difficultés de la recherche de ces sources écrites. Ces
difficultés se rencontrent au niveau des institutions de
développement. Ces structures en effet ne disposent pas d'études
économiques qui classent les entreprises selon leurs différentes
nationalités. Dans ce cas, il est difficile de distinguer la
propriété d'une entreprise. Dans la forme, on aperçoit que
telle entreprise est libanaise, or dans la pratique est ivoirienne. Cette
difficulté est réelle car la plupart des opérateurs
libanais ont déclaré leur entreprise en tant qu'Ivoirien.
Ce sujet sur l'histoire de la présence des
Libanais dans l'économie de la Côte d'Ivoire s'inscrit dans le
domaine de l'histoire économique. Cette histoire peut être
considérée comme l'étude de faits de production et
d'échanges dans le temps c'est-à-dire leur évolution. Elle
est aussi une histoire des forces productives comprenant la main d'oeuvre,
l'outillage, les matières premières agricoles et industrielles.
Elle s'intéresse au commerce, aux prix des denrées ou
marchandises, aux entreprises. Pour cette étude, on ne pouvait aborder
la présence économique des Libanais en Côte d'Ivoire sans
s'intéresser au commerce, et des activités qui riment avec le
mode de ces derniers. La présence économique des Libanais porte
essentiellement sur ces différentes activités. Mais s'en tenir
à l'aspect économique seulement pourrait constituer un
désavantage de notre travail. Car si la communauté libanaise est
une force de production économique, son établissement en
Côte d'Ivoire n'est point fortuite ou ex-nilo. C'est pourquoi il nous est
apparu important dans notre démarche, au regard des sources
exploitées, d'analyser aussi cette étude sur d'autres
perspectives.
Ainsi, cette étude sur les Libanais de
Côte d'Ivoire embrasse de nombreux domaines. En dehors de son
caractère économique on note également la politique mise
en place des plans et des différentes lois, l'éducation quand il
s'agit du niveau de l'instruction des opérateurs libanais et leur
formation, les problèmes sociaux liés à l'immigration et
les rapports sociaux.
A travers cette étude, nous avons tenté
de faire une étude chronologique de la présence économique
de cette communauté par la mise en commun et le croisement des
différentes approches. Partant de tous ces éléments, nous
avons le plan suivant.
5-Plan
de l'étude
Nous avons orienté ce travail sur trois parties.
Dans la première partie, nous abordons la question de la position
économique de cette communauté en Côte d'Ivoire au cours de
la première décennie de l'indépendance. Mais pour mieux
appréhender cet aspect, nous avons essayé de retracer l'histoire
de l'immigration de cette communauté en direction de la Côte
d'Ivoire. Ensuite, nous avons mis en relief les différentes
activités économiques coloniales. Enfin, pendant la
période de l'indépendance, les Libanais procèdent par la
diversification en mettant en place des premières industries tout en
consolidant leur position dans le commerce.
Dans la deuxième partie, nous abordons
l'engagement total des Libanais dans l'industrie ivoirienne durant la
période 1970-1980. Nous avons montré d'abord les raisons qui
poussent cette communauté à abandonner le commerce de
détail au profit de la grande distribution et des services. Cette phase
marque la période de la consécration définitive des
Libanais au développement des industries en Côte d'Ivoire.
Dans la troisième partie, nous montrons la question de
l'investissement total de cette communauté libanaise dans la vie
économique de la Côte d'Ivoire au cours de la période 1980.
Les Libanais sont présents dans la plupart des secteurs
d'activités économiques de la Côte d'Ivoire.
PREMIERE PARTIE
LA POSITION ECONOMIQUE DES LIBANAIS DANS LA PREMIERE
DECENNIE DE L'INDEPENDANCE
Le rôle des Libanais dans l'économie
ivoirienne se situe à deux niveaux. Nous avons d'abord la
présence essentiellement commerciale. Ensuite, les Libanais
s'intéressent à l'industrie qui est dominée par l'import
substitution. Mais avant d'analyser cette position économique de ces
derniers, nous nous intéresserons d'abord à la présence
coloniale de cette communauté.
CHAPITRE I : LA SITUATION DES LIBANAIS EN
CÔTE D'IVOIRE DE 1960 A 1970
La présence des Libanais en Côte d'Ivoire
résulte de nombreuses circonstances sociales liées à
l'histoire politique interne du Liban et de la Syrie. Dès leur
arrivée en Côte d'Ivoire, les Libanais s'impliquent dans le
tissu économique par le biais du commerce d'abord, avant de
s'insérer dans le secteur industriel plus tard.
I-La présence des Libanais en Côte d'Ivoire
pendant la colonisation
La présence coloniale libanaise est à
première vue humanitaire. Mais, cela prend un tournant économique
décisif à partir des années 1930. Elle devient
très importante au début des années 1940.
A/ Les migrations libanaises en Côte d'Ivoire
L'installation de la communauté
syro-libanaise en Côte d'Ivoire n'est guère fortuite. Elle est
consécutive à plusieurs facteurs de nature tant politique que
socio-économique. L'occupation des Libanais de la colonie de Côte
d'Ivoire est à l'évolution de leurs activités
économiques.
1-Le contexte de leur installation pendant la
période coloniale
La présence libanaise en Côte
d'Ivoire remonte à la colonisation française. Les migrations
libanaises en Côte d'Ivoire se sont effectuées par vagues
successives selon des circonstances qui ont plus ou moins marquée la
vie politique, économique et sociale de cette communauté. Nous
retenons deux courants migratoires. L'établissement des premières
colonies libano-syriennes en Afrique essentiellement en Côte d'Ivoire
remonte à la fin du XIXème et le début du XIXème
siècle. Cette immigration libanaise provient de plusieurs facteurs. Il
y a des causes politiques. En effet, depuis 4 siècles, le Liban est
occupé par l'empire ottoman. Le Liban est divisé en 2 territoires
sur la base religieuse en 1842 : le sud est le domaine des Maronites qui
sont des chrétiens ; quant à la partie septentrionale, elle
devient le pays des Druzes, essentiellement des musulmans de
confession22(*). Cette
partition du Liban conduit à un affrontement entre ces
communautés confessionnelles en 1860. Les Druzes
bénéficiant du soutien du sultan turc vainquirent les Maronites.
Il s'ensuit alors le début de l'émigration en direction de
l'Amérique. En plus, il y a l'oppression exercée par le Sultanat
ottoman sur le Liban. Le sultan s'accapare des biens et richesses du pays. Cela
constitue une source d'humiliation et l'instauration du service militaire
forcé.23(*)
Au niveau social, les populations sont
confrontées à d'énormes difficultés. Ces
difficultés sont perceptibles au niveau du paysannat. En effet, les
paysans sont exclus de la propriété du sol et sont
exploités par les émirs et cheikhs qui composent la classe des
seigneurs.24(*) En dehors
de ces raisons politiques et sociales, il existe l'action des courtiers des
compagnies de navigation européennes. Ces derniers employaient des
méthodes peu subtiles afin de pouvoir convoyer les Libanais dans les
pays de l'Amérique du Sud. Ils accordaient des facilités aux
Libanais qui aspiraient aller à l'aventure pour un mieux être. Ces
conditions alléchantes offertes par les courtiers européens
étaient caractérisées par la prise totale en
charge25(*). Selon
l'Archevêque Morkos, ces avantages sont en réalité des
farces, car le coût des voyages revenant plus cher que celui d'un voyage
ordinaire.26(*) Pis les
courtiers leur promettaient de les emmener en Amérique Latine.
Cependant, après une escale dans les Ports de Marseille, les voyageurs
Libanais se retrouvent dans les Antilles et en Afrique Occidentale27(*). C'est ainsi que apparurent
les premières colonies libano-syrienne dans les années 1880. Ces
premiers Libanais d'Afrique de l'Ouest étaient localisés au
Sénégal et en Guinée. On enregistrait en 1897, 10 Libanais
au Sénégal28(*). Ces Libanais qui arrivaient pour la première
fois sur les côtes africaines pratiquaient le troc avec les peuples
africains. Ils commerçaient avec les Africains les pacotilles, les
spiritueux et bien d'autres produits contre les produits de traite notamment
l'arachide et le caoutchouc.
En Côte d'Ivoire, les Libano-Syriens font leur
apparition au début des années 1900. Cette présence
libano-syrienne est disparate et négligeable. Les auteurs ne sont pas
unanimes sur la date des premières immigrations libanaises en Côte
d'Ivoire. Mais déjà, en 1900, on signale le séjour
journalier de 19 Syriens en Côte d'Ivoire29(*). Pour certains auteurs comme
Kipré Pierre, leur installation peut se situer avant 1900. Kipré
note déjà en 1903 la présence d'un commerçant
syrien du nom de Joseph Chaoul à l'intérieur de la Côte
d'Ivoire précisément à Tiassalé. Ce dernier meurt
quelques années après30(*). Par contre d'autres auteurs comme Salma Kojok,
affirme que les premiers Libanais de Côte d'Ivoire sont Saïd
et Assaad Mansour. Originaires de Beyrouth, ils arrivèrent au
Sénégal en 1907. Ils atteignent la Côte d'Ivoire en 1909 et
mettent une maison de commerce à Aboisso.31(*) Henriette Dagri
Diabaté et Léonard Kodjo sont catégoriques. Ils chiffrent
la communauté libano-syrienne à seulement 2 représentants
en 190832(*). Pour nous,
l'arrivée des Libano-Syriens en Côte d'Ivoire peut remonter avant
les années 1900.
En dehors de cette première colonie
d'immigrés libanais, il existe un autre courant migratoire des Libanais
qui arrivent en Côte d'Ivoire à partir de 1920. En 1920, nous
sommes à la fin de la première guerre mondiale. La guerre de
1914-1918 entraine le déclin de l'empire ottoman et ses colonies
laissées pour compte. C'est ainsi que la Société Des
Nations à travers son pacte confie la tutelle des anciennes colonies de
la Turquie et de l'Allemagne incapables de s'administrer elles-mêmes aux
puissances coloniales européennes. La France présente au
Moyen-Orient depuis la deuxième moitié du XIXème
siècle devient la tutelle de la Syrie et du Liban.33(*) Elle unifie ces Etats afin
d'asseoir efficacement sa politique d'administration. Ainsi, à partir de
cette période, les Syriens et Libanais sont considérés
comme citoyens français.
Cette vague migratoire est plus importante que la
première. Plusieurs raisons expliquent cela. Il y a d'abord les
facteurs économiques. En effet, la période 1920-1940 marque la
phase des mises en exploitation du territoire et du développement des
cultures d'exportation du café et du cacao dans la basse côte
d'Ivoire. Le développement de ces cultures est l'une des raisons
fondamentales de l'installation des Libanais en Côte d'Ivoire34(*). L'autre facteur est la
réussite économique des Libanais. Ces derniers passent souvent
des vacances dans leur pays et même expédient de l'argent à
leurs parents restés au pays35(*). Cela est une raison de plus qui pousse les Libanais
à immigrer en Côte d'Ivoire. Cela s'aperçoit en 1937
où après un séjour des Libanais au pays sont revenus au
Sénégal avec 886 compatriotes36(*) dont 300 se sont
installés en Côte d'Ivoire.37(*) Pis encore d'autres immigrants venaient en Afrique
Occidentale pour soit rejoindre un parent, soit l'aider dans ses
activités. Ainsi, La communauté libanaise de Côte d'Ivoire
s'accroît au fur et à mesure que les activités
économiques se développent. Alors comment les Libanais
occupent-ils le territoire ivoirien?
2-L'évolution et la
répartition de la communauté libanaise
L'établissement des Libanais en Côte
d'Ivoire s'est effectué de manière progressive. La population
libano-syrienne s'accroit à partir des années 1920.
La communauté Libanaise de Côte d'Ivoire augmente chaque
année. Forte de 56 membres en 1921, elle passe à plus de 835
personnes entre 1921 et 1940, soit une augmentation de 41 personnes par
année. La croissance de la population s'accentue entre 1930 et 1940.
La croissance se fait presqu'au double. Cela s'aperçoit nettement au
cours de la période 1935-1940 où la communauté a
triplé. Au niveau de sa composition, la population libanaise est
dominée par les hommes. Ce nombre croissant d'hommes s'explique par le
fait que les hommes sont plus tentés par l'aventure que les femmes. La
proposition de femmes et d'enfants est pratiquement égale. Cela est
perceptible entre 1929 et 1930. En effet, en 1929, les femmes et enfants
étaient respectivement 17 et 19. Alors qu'en 1930, les femmes
étaient 27 et les enfants sont au nombre de 26 (Tableau1).
Par ailleurs, pendant la
colonisation, la Côte d'Ivoire abritait des communautés
étrangères non françaises. Les Libanais sont plus nombreux
que les autres communautés étrangères vivant en Côte
d'Ivoire. Il s'agit entre autres des Anglais, des suisses, des
Américains et Italiens. Cette importance démographique de la
communauté s'aperçoit à travers le tableau 2. Les Libanais
représentaient 73,7% de la population totale des communautés
étrangères en 1937-38. En 1940, la communauté
libano-syrienne occupe 22,5%38(*) de la population totale française en colonie
de Côte d'Ivoire. Ainsi la communauté libanaise s'est
considérablement accrue au cours entre 1920 et 1940. Elle s'est
poursuivie jusqu'en 1960. Selon Elie Safa, cette croissance exponentielle de la
communauté libanaise a atteint à la veille des
indépendances plus de 2000 personnes.39(*)
Cependant, les Libanais de Côte d'Ivoire
sont également inégalement répartis sur l'étendue
du territoire. Les premiers immigrants Libanais en Côte d'Ivoire se
concentraient sur les côtes comme leurs tuteurs français. Les
premiers foyers libanais se localisaient ainsi dans les cercles de
Grand-Bassam, Agneby, Lahou et lagunes. En 1926, sur une population de 71
membres, les cercles côtiers abritaient 70 Libanais, soit 98,59%. Alors
que l'intérieur de la colonie ne comptait qu'un seul ressortissant
syro-libanais qui résidait dans le cercle Baoulé. Le cercle de
Bassam regorgeait la plus forte colonie libanaise, soit 83,09%.40(*) Les Libanais
pénètrent l'intérieur de la Côte d'Ivoire à
la faveur de la mise en place des infrastructures routières et du
développement des cultures d'exportation.41(*)Ils s'installaient dans les
villes de la basse côte à la recherche de produits de traite. A
l'intérieur, les colonies libanaises sont perceptibles dans les centres
commerciaux. Cependant les zones de fortes concentrations de populations
libanaises restent toujours les villes côtières. La
communauté libanaise s'accroit au rythme du développement des
activités économiques en Côte d'Ivoire. L'installation des
Libanais en Côte d'Ivoire obéit à une volonté
économique.
Tableau n°1 de l'évolution de la
population libanaise entre 1920 et 1940
Date
|
Population totale libanaise
|
Hommes
|
Femmes
|
Enfants
|
1921
|
2 et +
|
|
|
|
1923
|
56
|
|
|
|
1926
|
71
|
53
|
14
|
4
|
1929
|
183
|
147
|
17
|
19
|
1930
|
243
|
190
|
27
|
26
|
1931
|
148
|
|
|
|
1932
|
174
|
|
|
|
1933
|
250
|
181
|
32
|
37
|
1934
|
196
|
127
|
32
|
37
|
1935
|
322
|
|
|
|
1936
|
254
|
187
|
33
|
36
|
1937
|
588
|
|
|
|
1938
|
513
|
|
|
|
1939
|
678
|
|
|
|
1940
|
835
|
|
|
|
Conception N'GORAN Adolphe, informations
tirée de Alain TIREFORT, op.cit., p64
Tableau n°2 de la population des
communautés étrangères en Côte d'Ivoire en
1937-38
Nationalités
|
Effectif de la population
|
Libanais
|
513
|
Suisses
|
81
|
Anglais
|
35
|
Américains
|
32
|
Italiens
|
31
|
Total
|
692
|
Source : Salma KOJOK, op.cit., p73
B/ Une forte présence des Libanais dans
l'économie coloniale de la Côte d'Ivoire
L'implication des Libanais dans l'économie
ivoirienne commence depuis la colonisation. La principale activité
économique de ces derniers est le commerce. Leur réussite dans ce
secteur d'activité leur a permis de s'investir dans d'autres domaines
économiques. Il s'agit entre autres du transport et des activités
immobilières. Ils s'intéressent par la suite aux activités
industrielles.
1-Le commerce, principale
activité économique
Les Français sont les principaux artisans de
l'économie ivoirienne pendant la période coloniale. Ce
rôle prépondérant des Français révèle
à travers la définition des programmes de développement et
des maisons de commerce. A côté des Français, il y a
également les Libanais dont la place dans l'économie ivoirienne
n'est point moins importante. Ils sont d'abord commerçants. C'est au
fil des années qu'ils diversifient leurs activités.
Pendant la période coloniale les maisons de
commerce européennes, surtout françaises assuraient le
contrôle du commerce en Côte d'Ivoire. En effet, elles sont
présentes dans tous les échelons du commerce colonial. Ces
maisons de commerce premièrement fixaient le prix des marchandises de
toute origine. Elles assurent également l'approvisionnement des
marchés en produits manufacturiers européens, l'achat des
produits de traite des campagnes et une forte implication dans le
fonctionnement des chambres consulaires. Ces maisons de commerce sont
autrement la Compagnie Française de l'Afrique de l'Ouest (Cfao),
dominée par des intérêts marseillais ; la
Société Commerciale de l'Afrique de l'Ouest (Scoa) ; le
groupe Unilever représenté par la CFCI. Chaque maison de commerce
européenne dispose d'un comptoir central dans le chef-lieu de la
colonie, ainsi que de comptoirs et de factoreries secondaires dans les villes
et postes de l'intérieur.
A côté du circuit commercial des maisons
commerciales, il existe le réseau commercial libanais. Ce réseau
évolue selon est en rapport avec les courants migratoires libano-syriens
et de l'importance des activités économiques. Les premiers
Libano-Syriens en Afrique Occidentale étaient des colporteurs. Ces
derniers pratiquaient le commerce de troc avec les Africains.
« En 1897, les premiers Libanais aperçus sur les plages en
Guinée et au Sénégal, échangeaient les pacotilles,
les produits manufacturiers contre l'arachide et la
kola »42(*). En Côte d'Ivoire, de même, les Libanais
ont participé à ce commerce de troc avant l'apparition de la
monnaie argent. On peut citer l'exemple de Chaoul établi à
Tiassalé qui exerce le commerce de traite. En 1909, les deux Libanais
installés à Aboisso, nommés Saïd et Assaad Mansoum
créent une maison de commerce y participer au commerce de
traite.43(*)
A partir de 1920, la présence libanaise dans le
commerce prend une dimension importante. Les Libanais créent leurs
boutiques souvent installées dans les périphéries des
grands centres commerciaux. Ils pénètrent à
l'intérieur de la Côte d'Ivoire à la recherche des produits
de traite notamment le café, le cacao et la Kola. Ainsi, les
commerçants libanais s'installent dans le cercle de Daloa bravent les
obstacles climatiques et atteignent la
« brousse »44(*), c'est-à-dire dans les villages et hameaux de
produits de traite. Certains d'autres eux possèdent
des épiceries dans ces localités reculées.45(*) Selon le prêtre Menhem
Morkos, les Libanais « disposaient toutes les conditions
nécessaires de survie dans les habitations»46(*). Il s'agit entre autres
de jardins potagers, de boîte à pharmacie. De ces campagnes, les
Libano-Syriens se livraient à un commerce à «double
face«. Ils acheminaient les produits manufacturés vers les
indigènes et les colons de brousse et assuraient l'achat des produits
locaux bruts vers les villes. Ce commerce à double face occupe à
95,1% des Libano-Syriens de Côte d'Ivoire avant 194047(*). Cette forte implication de
ces derniers dans le commerce de traite et leur grande mobilité est l'un
des facteurs fondamentaux qui poussent les maisons de commerce
européennes à s'attacher de leurs services. Bien avant la
sollicitation des Libanais, les maisons de commerce employaient la main
d'oeuvre locale composée essentiellement de Sénégalais,
d'Apolloniens et de Dioula. Cependant, cette dernière était
jugée moins rentable.
Ces compagnies commerciales européennes
bénéficiaient de la main d'oeuvre des Européens. Elles
estimaient que cette main d'oeuvre européenne était
onéreuse et moins rentable. Elles ont recours aux Libanais pour servir
de sous-traitants ou intermédiaires dans l'acheminement facile des
produits manufacturés vers les centres commerciaux de l'intérieur
et l'achat des produits de traite destinés à
l'exportation.48(*) Les
Libano-Syriens disposaient d'un circuit commercial relativement performant
à celui des traitants européens et africains. Les Libanais
contrôlaient dans les contrées et hameaux situés hors des
mailles du réseau des comptoirs européens. Premièrement,
les Libanais n'hésitaient pas à entrer directement en contact
avec les villages pour y acheter tous les produits d'exportation y compris la
kola ou le beurre de karité. Ils manifestent un intérêt
particulier au quotidien des africains. Ils payaient souvent l'impôt de
capitation des Africains bien avant même les périodes de traite.
Par ailleurs, ils accordaient des avances sur achats ou prêts aux
paysans. Il existe un réseau de solidarité entre les marchands
libano-syriens qui permettait d'aider ceux d'entre eux qui pouvaient
défaillants vis-à-vis des grandes compagnies.49(*)
Ainsi, le goût du risque, l'attention
particulière à l'endroit des paysans africains et l'entraide des
membres de la communauté permettent aux Libanais de réaliser
de bonnes affaires dans le commerce. A partir des années 1930, Ils
deviennent incontournables dans ce secteur d'activité. Désormais,
ces derniers sont propriétaires d'importantes factoreries que celles de
commerçants individuels européens et souvent concurrentes
directes des grandes compagnies commerciales. De ce fait, les maisons de
commerce ont organisé la ruine de nombreux libano-syriens en les
empêchant d'obtenir des crédits. « Le Libanais qui
s'adresse directement au fabricant, qui obtient de lui un crédit souvent
considérable, la mise à bord de la marchandise
Cette réussite brise la grande confiance qui existait
entre la communauté libanaise et les Européens surtout les
Français. En effet, les Européens avec à leur tête
les chambres consulaires en particulier la chambre manifestent une haine contre
les Libano-Syriens50(*).
D'ailleurs les Libanais ne sont guère admis sur les différentes
listes des élections de la Chambre malgré la force
économique dont ils représentent. Les colons justifient cette
situation par le fait que les Libanais sont « simplement des
protégés français et non des sujets» et donc ne
peuvent jouir des mêmes droits qu'eux et les sujets
français.51(*)
Alors que toutes les composantes du commerce y étaient
représentées à savoir les compagnies de commerce, les
grossistes individuels, les demi-grossistes et même les
détaillants.
Les Libanais sont objets de toute sorte
d'accusation. Au niveau de l'hygiène, ils sont accusés d'hommes
sans aucune règle d'hygiène. C'est pourquoi
«les mêmes règles d'hygiène en pays
tropicaux » imposées aux Français leur ont
été également soumises. Plus grave encore les commerces
libanais ont été interdits d'ouverture les jours de fête
et les nuits52(*).
Pis, ils sont accusés de fraudeurs à cause de leur
subtilité. Ils contournaient le circuit légal en
commerçant avec les colonies voisines surtout la Gold Coast
c'est-à-dire le Ghana actuel, et le Libéria. Selon Pierre
Kipré, ils tirent partie de contrebande des produits avec les pays
frontaliers pendant la Seconde Guerre Mondiale. Cela accentue le climat de
méfiance qui existait entre les citoyens français et leurs«
sujets« syriens et libanais qui n'était pas au beau fixe dans les
années 193053(*).
A la veille de la Seconde Guerre Mondiale, la
métropole fit appel aux colonies pour l'effort de guerre. Cela suscite
la mobilisation générale aussi bien des colons que des
indigènes. Si la mobilisation des seconds ne pose pas de graves
problèmes, il n'en est pas de même intérêt pour les
Européens en particulier les Français dans la colonie. En
effet, ils sont à la tête de grandes et petites maisons de
commerce, des exploitations agricoles et forestières. En somme,
l'économie du territoire est entre leurs maisons. Avec de tels avantages
dont on ne veut se séparer, une question se pose de façon
angoissante à chacun d'eux.54(*) Ce départ potentiel de ces derniers au front
en métropole profiterait aux étrangers en l'occurrence les
Libanais. Ceci suscite une fois de plus la crainte de la Chambre de commerce
qui s'associe aux présidents des Assemblées consulaires de l'AOF
afin de faire d'appliquer dans les colonies les mesures prises à
l'égard des étrangers dans la métropole. En France, le
décret du 12 novembre 1938 stipule tout étranger pour
bénéficier de la carte de commerçant doit justifier
l'acquisition ou l'établissement d'un commerce ou d'une industrie sur le
territoire français après une enquête de moralité.
Pour la Chambre de commerce, ces étrangers ne pouvaient être que
les Libanais. Son ambition est de briser l'ascension de ces derniers afin de
sauvegarder les intérêts nationaux.55(*) Elle fomente plusieurs
motions contre cette communauté auprès de l'Administration
coloniale. Parmi ces motions, nous pouvons prendre celle de 1939 qui invite le
gouverneur général de la colonie de l'éliminer du commerce
de la Côte d'Ivoire56(*).
En dehors de la Chambre de commerce comme moyen de
briser l'émergence des Libanais, existait une certaine presse
européenne qui menait également une mauvaise campagne
médiatique des Européens contre ces derniers. En effet, Bernard
Dadié ne montre pas seulement que le monopole syro-libanais du commerce
intérieur dans ses écrits, mais aussi invite les Africains
à prendre conscience de la vente de leurs articles à bas
prix : « le Français, maître politique du pays,
partageait son économie avec le Levantin. Après avoir
monopolisé tout le commerce intérieur et extérieur, il
avait fait du Levantin son associé. Le Blanc vendait au Levantin
grossiste ; le Levantin demi-grossiste cédait à
crédit aux Levantins demi-grossistes ; le Levantin demi-grossiste
débitait au Levantin détaillant chez lequel s'approvisionnait
plus fréquemment le nègre consommateur qui mettait en gages des
bijoux de famille »57(*).
La place de la communauté libanaise dans le
commerce était moins importante avant les années 1930. La
proportion syro-libanaise s'est accrue à la veille des
indépendances. Elle est évaluée à environ 650
factoreries58(*). Les
investissements libanais à la fin de la colonisation ont nettement
augmenté à cet effet. Cela donne un aperçu de l'essor de
cette communauté.
Outre le commerce, Libanais sont aussi producteurs des
cultures agricoles commerciales. Ces derniers initialement acheteurs de ces
produits disposent des plantations dans les différentes zones
productrices. Parmi ces producteurs syro-libanais, nous pouvons prendre
l'exemple de Khalil Sabeh. Ce Syrien est à la fois commerçant et
planteur installé à Oumé. Selon Raymond Gauthereau, il
possédait deux plantations de café et kola.59(*)
En dehors de ces activités, les Libanais ont
également investi dans le transport et le logement. Le transport en
commun dans la colonie de Côte d'Ivoire a été
développé par les Libanais. En effet, ce moyen de
déplacement est entré dans les habitudes des populations
ivoiriennes dans les années 1920. Ceci à la faveur du
développement des infrastructures routières60(*). Les automobiles sont
utilisées pour le convoyage des marchandises et le transport des
personnes à longue distance. Ils permettaient les liaisons des centres
urbains et les campagnes. Le contact entre les peuples devient très
facile grâce aux automobiles. Les Libanais recevaient des camions
essentiellement de marque Ford de la CFAO principale entreprise importatrice
de véhicules en Afrique Occidentale Française61(*).
Les Libanais ont contribué à l'abandon
progressif du système du portage et du colportage. Ils concourraient
ainsi à alléger le fardeau de la population locale qui chargeait
des produits sur la tête et portaient les Administrateurs dans les
hamacs. Ils sillonnaient toute la colonie à la recherche de produits de
traite et à la distribution des marchandises européennes à
l'intérieur. Le secteur était presqu'entièrement levantin
jusqu'en 1930. Ce sont les grandes familles syriennes et libanaises
installées à Grand-Bassam qui dominaient cette activité
en progrès.
Aussi, les Libanais s'impliquent-ils dans la
construction immobilière. Leur introduction dans ce domaine est non
seulement tardive, mais également modeste. Elle s'est réellement
matérialisée qu'à partir de 1937 où apparaissent
les maisons en durs après le décret du Gouverneur
Général de l'AOF62(*). La majorité des constructions appartiennent
aux maisons de commerce européennes avant 1940. Les
propriétés des commerçants particuliers Européens
et Libanais sont moins importantes. Cependant, avec la reprise des
activités économiques à la veille de
l'indépendance, on observe un nombre croissant des ressortissants
libanais ayant acquis un logement. Ces propriétés sont mises pour
la plupart en bail. Ainsi, les propriétaires immobiliers libanais
sont estimés à environ 300. Ces derniers
bénéficient d'un revenu annuel global de 0,9 milliard de francs
CFA62(*). Ils
représentaient un tiers des devises de cette activité.
Enfin, les Libanais disposent des ateliers de
l'artisanat et de petites industries. Ce secteur est à l'état
embryonnaire. Elles sont essentiellement dominées par la panification
artisanale. La panification est par définition l'ensemble des
activités qui rentrent dans la fabrication du pain. Les boulangeries
selon Samir Amin, représentaient entre 1958 et 1960 la moitié de
la production des grains et de la farine. Le poids européens est
très important car les productions sont presque toutes
européennes. Toutefois la part des Libanais dans ce secteur ne demeure
pas moins significative. Les Libanais ont par ailleurs des ateliers de
menuiseries, mécaniques et de carrosserie. Cet engagement des Libanais
dans l'économie ivoirienne leur permet de contribuer au
développement des relations commerciales entre leurs pays et la
Côte d' Ivoire.
2-Une place de choix parmi les partenaires commerciaux
de la Côte d'Ivoire
La Côte d'Ivoire a participé au commerce
international pendant la colonisation. Elle offrait les produits de traite dont
les plus importants sont le café, le cacao, les billes de bois, le
caoutchouc et bien d'autres marchandises. Elle importait à son tour les
produits de la manufacture tels que les tissus, les objets d'imprimerie,
métalliques et plastiques, les médicaments pharmaceutiques et
bien d'autres produits. Ce commerce extérieur est également
dominé par les compagnies commerciales européennes surtout
françaises. Cependant, l'omniprésence de l'Europe va s'effriter
vers la fin du système colonial. On observe la percée fulgurante
de certains pays non membres de l'Organisation de Coopération et de
Développement Économique à la faveur de la mise en
exploitation du Port d'Abidjan et à la veille de l'indépendance.
Il s'agit de l'ex URSS, de la Yougoslavie, du Brésil, du Liban et bien
d'autres pays. Le Liban occupe la neuvième place. Les exportations de la
Côte d'Ivoire en direction du Liban sont évaluées à
dix millions Francs CFA quant aux importations, elles se chiffrent à
onze millions en 195963(*) (tableau n°3). Les exportations sont
supérieures par rapport aux importations. Les exportations ivoiriennes
en direction du Liban concernent notamment les billes de bois, le
caoutchouc et bien d'autres produits.
Quant aux importations, elles concernent
généralement les besoins vestimentaires et alimentaires des
ressortissants présents en Afrique de l'Ouest. Il s'agit le tissus,
les soies, les mousselines et les aliments de mets du Moyen-Orient64(*). Ces produits
importés des Libanais soutient Pascal Konan, non seulement
étaient de bonne qualité, les Libanais pratiquaient des prix
abordables. Cette stratégie portait un coup sur le rendement des
sociétés de commerce européennes.65(*)
Leur ouverture sur l'extérieur est purement
mercantile. Pour faciliter davantage les échanges entre l'Afrique et le
monde, les Libanais ont créé en 1947 une entreprise
d'import-export d'envergure internationale, le Groupe 3H66(*). Cette entreprise de Georges
Haddad est implantée en Afrique ainsi qu'en Europe. Non seulement, elle
concourt à la facilitation des échanges entre l'Afrique et
l'extérieur, mais encore permet la diversification des clients
commerciaux de l'Afrique. Georges Haddad entendait garantir à l'Afrique
généralement et en particulier la Côte d'Ivoire une place
privilégiée. Les transactions du groupe portent beaucoup sur des
denrées alimentaires, vêtements, chaussures et bien d'autres
articles fabriqués dans les pays du Nord de l'Europe à
destination de l'Afrique, en particulier de la Côte Ouest, zone de
prédilection de 3H.67(*)
Dans l'ensemble, les Libanais ont joué un
rôle important dans l'économie coloniale de la Côte
d'Ivoire. Ils ont été dans tous les compartiments de cette
économie. Grâce à eux, les populations ivoiriennes se sont
départies en partie de certaines pratiques économiques
basées sur les liens de tribus et d'ethnies pour s'engager dans la
modernité.
L'intégration économique de la
communauté libanaise n'a pu se réaliser sans des bons rapports
sociaux entre les autres communautés établies en colonie de
Côte d'Ivoire. La nature des relations se différencie selon les
races et les intérêts. En effet, entre la communauté
libanaise et européenne, il existe un rapport d'opposition. Les
Européens surtout les Français considèrent la
réussite en affaires des Libanais comme une menace pour leurs
intérêts économiques.
Par contre, les rapports entre les Libanais et
les Africains étaient des relations d'amitié et d'entraides. Ces
relations se perçoivent par la construction de la première
école primaire catholique en 1954 à Adjamé. Cette
école est composée d'un dispensaire dont les soins étaient
quasiment gratuits67(*).
Ces rapports facilitaient les échanges commerciaux. L'intégration
des Libanais a été facile grâce à la
capacité d'adaptation aux coutumes et us des Africains. Les Libanais
apprennent les langues africaines, vivent avec les Africains dans les centres
de production et les villages. Par ailleurs, ils servent de truchement entre
les compagnies commerciales et les Ivoiriens.
Les Libanais ont été un acteur essentiel
dans l'économie coloniale de la Côte d'Ivoire. Ils ont
contribué en partie à l'intégration des peuples au
commerce de traite. Cette présence se poursuit pendant la
première décennie de l'indépendance dans le commerce et
l'industrie.
II-Le début de la
diversification des activités économiques de la communauté
libanaise entre 1960 et 1970
L'année 1960 marque l'accession de la
Côte d'Ivoire à l'indépendance et la mise en place des
différentes réformes économiques. Les Libanais
présents dans l'économie coloniale de la Côte d'Ivoire
prennent part à cette construction économique. Ils
procèdent à la modernisation, la mise en oeuvre de nouveaux de
commerces et à la construction de quelques industries dans la
première décennie de l'indépendance.
A / La situation du commerce en
1960
En 1960, le commerce ivoirien est toujours
caractérisé par la prédominance des européens.
Cette domination européenne s'exerce par les compagnies commerciales.
Cependant, l'on observe une certaine percée de la communauté
libanaise qui tente de bouleverser cette hégémonie
européenne. Quant aux Ivoiriens, ils marquent un
désintéressement à l'égard de cette
activité.
1-La position dominante des
Européens
Le colonisateur a introduit des nouvelles pratiques
dans l'activité commerciale telle que les banques et les produits
manufacturiers. L'Administration coloniale dans sa politique d'exploitation du
territoire ivoirien a favorisé les intérêts
français.
C'est ainsi qu'on a assisté à l'afflux des
compagnies commerciales européennes vers la colonie ivoirienne.
Celles-ci disposant des grands comptoirs dans les grands pôles
économiques du pays. Ces comptoirs acheminaient les marchandises vers
les campagnes. Ainsi, les échanges des produits africains contre ceux de
l'Europe étaient facilités par l'intermédiaire surtout
des Libanais. Les Européens continuent s'impliquer dans les branches de
ce domaine. Les entreprises commerciales ont assuré le monopôle de
ce secteur. Cette domination européenne se poursuit jusqu'en 1960. En
effet, les Européens disposent toujours de leur mainmise sur la Chambre
de commerce pendant la période de l'après indépendance. La
Chambre de commerce créée en 1908 garde encore ses dispositions
jusqu'en 1960. C'est seulement en 1964 que l'État ivoirien a
entamé la première reforme de cette institution
économique. Bien avant cette réforme, le gouvernement ivoirien a
mis en place le conseil économique et social en 196168(*). Cette institution constitue
auprès des pouvoirs publics une assemblée consultative comme la
chambre de commerce. Cependant, elle est un organe qui intervient dans tous les
domaines de l'activité économique et sociale et même dans
celui de la chambre de commerce. Cependant, Les élections de 1965
confirment l'omniprésence des Européens dans cette institution.
En effet, elle est toujours dirigée par un coopérant
français, Masseye Lambert69(*).
De plus, les compagnies commerciales
européennes disposent encore des comptoirs dans le pays. C'est le cas de
la Cfao et de la Scoa qui sont maîtres du commerce. Les
Européens assurent toujours le contrôle des exportations des
matières premières du pays. La Cfao est toujours présente
dans ce commerce postcolonial. La Cfao a apparemment échappé aux
bouleversements et aux super concentrations de la fin des années
soixante. Bien qu'elle ait entrepris dès 1960 de créer en France
un secteur de repli dans les activités liées à celles
qu'elle exerce en Afrique : elle a développé un commerce de
distribution comprenant 181 succursales dont les supérettes et 16
supermarchés de plus 1700 m² de superficie ; la Cfao continue
à développer ses affaires africaines notamment en Côte
d'Ivoire. Son implantation africaine représentait 72,5% de ses
activités mais, tend à prendre une part relative de plus en plus
grande dans le chiffre d'affaires de la société (36% du chiffre
d'affaires) entre 1973 et 1974.70(*)
En dehors des maisons commerciales, les
Européens mettent en place des grandes entreprises d'import-export qui
bénéficient des financements des banques européennes
surtout françaises basées en Côte d'ivoire. On peut citer
entre autres. Alors que le 14 octobre 1954, furent créées des
caisses de stabilisation71(*) dans les États francophones d'Afrique. Ce
décret fut applicable à la Côte d'Ivoire en septembre 1955,
avec la création de deux séparées pour l'une pour le
café et pour le cacao. L'Administration du Territoire en mettant en
place ces deux structures de l'économie de traite envisageait ravir la
filière aux privés. Cependant cela ne fut pas le cas, même
si ces deux seront fusionnées quelques années pour naissance
à la Caisse de stabilisation. Le poids de l'Europe se fait toujours
sentir dans le commerce ivoirien. Si les Européens sont très
dynamiques dans le commerce, ce n'est pas le cas des Ivoiriens qui n'ont pas
encore embrassé ce métier.
2-Le
désintéressement des ivoiriens du commerce
La population ivoirienne a une origine diverse.
Malgré sa diversité, elle se partage un seul véritable
trait commun qui est le travail de la terre. En effet, la terre est une
propriété communautaire. C'est de la terre que les populations
tirent leurs ressources de subsistance. Les fruits tirés du sol
appartiennent à toute la communauté et non à la
commercialisation. Ainsi, en dehors des Malinké appelés
communément Dioula qui étaient dans le commerce transsaharien,
toute la population ivoirienne est essentiellement attachée à
l'agriculture. Ces Dioula vont s'insérer dans le commerce de traite et
de la manufacture. Ils étaient moins lotis car les Libanais
intervenaient entre eux et les Européens. La maison française de
commerce de Kong (NCFK) qui était la seule entreprise commerciale dans
laquelle les Ivoiriens étaient beaucoup impliqués.72(*) Cette structure commerciale
s'est fortement engagée dans ces échanges coloniaux dans la
partie nord de la Côte d'Ivoire.
Les Ivoiriens ne sont toujours pas impliqués
dans cette activité au lendemain de l'indépendance. Cela est
justifié lors des élections de la Chambre de Commerce. En effet,
« en 1964, il y a un seul ivoirien sur 68 représentants
d'entreprises réalisant plus de 500 millions Francs CFA de chiffres
d'affaire, 11 Ivoiriens sur 179 représentants celles de 100 à
500 millions Francs CFA73(*) ». Le poids très infirme des
Ivoiriens prouve largement leur désintéressement à
l'endroit de cette activité. Ce manque d'égard à cette
entreprise peut également s'expliquer par l'absence de politique de
promotion de la part de l'État et l'insuffisance de ressources
financières des Ivoiriens désireux d'exercer cette
activité. Cette attitude s'observe également dans
l'activité industrielle.
B/Les caractéristiques de la
diversification des activités commerciales des Libanais
Présents dans le commerce colonial aux
côtés des Européens, les propriétés
commerciales des Libanais prennent une ascendance entre 1960 et 1970. Ils
innovent leurs commerces. Ils modernisent leurs boutiques. Les Libanais mettent
en place des magasins et supermarchés et des entreprises commerciales
d'import-export.
1-La création des magasins et
supermarchés dans le pays
Les Français ont été au coeur de
l'économie coloniale de la Côte d'Ivoire. A côté
d'eux, l'on note la présence non moins importante des Libanais. Cette
présence s'est fortement renforcée dans la première
décennie de l'indépendance. Ils diversifient leurs
activités. A partir de 1960, les Libanais vont mettre en place des
supermarchés et magasins à Abidjan et même à
l'intérieur du pays. Ils envisagent contrôler le commerce
moderne. C'est ainsi que l'on observe la mise en place de commerce de haut
standing dont le supermarché Nour al Hayat en 1966 au Plateau. Ce
commerce de moyenne surface est le premier supermarché du groupe Prosuma
(Société ivoirienne de promotion des supermarchés). Il
emploie 41 personnes74(*).
A l'intérieur du pays, de nombreux négociants libanais ont
établis de vastes circuits commerciaux. A Bouaké, les Levantins
ont presque le contrôle du commerce de cette localité. En effet,
ils interviennent dans toutes les étapes de la commercialisation des
denrées quelques soit leur nature. Au début des années
1960, les entreprises libanaises selon Jean Binet75(*), interviennent dans les
demi-gros et le détail. On en dénombre 16 dans le demi-gros et
23 dans le détail. Si les entreprises européennes
continuent d'être dans les circuits des échanges,
cependant au niveau du demi-gros et du détail, la proportion
européenne est moins importante que celles des Libanais. Entre 1960 et
1970, la proportion des Libanais dans cette activité s'accroit. L'on
enregistrait plus de 2000 points de vente dans le demi-gros pendant cette
période sur toute l'étendue du territoire national76(*). Par ailleurs, les Africains
prolifèrent dans des petites boutiques des marchés et des
villages. Ces négociants africains sont essentiellement d'ethnies
Malinkés en nombre inférieur et des ressortissants de l'Afrique
de l'Ouest. Ce sont entre autres les Maliens, Guinéens77(*). Les boutiques sont
très nombreuses. En plus, les Levantins créent de nombreuses
entreprises d'import-export en vue de participer activement dans le commerce
extérieur de la Côte d'Ivoire.
2-la création
d'importantes entreprises d'import-export
Les Libanais disposent de nombreuses entreprises
qui interviennent dans les échanges de la Côte d'Ivoire. Les
Libanais sont fortement dans les exportations des matières
premières agricoles. Les entreprises exportatrices libanaises
commercialisent certains produits de base du pays dont les plus dominants sont
le cacao et le café. Parmi ces entreprises, on peut citer
l'Etablissement Borro Frères créé en 1969. Cette
entreprise familiale a un capital estimé à plus de 20 millions de
francs CFA. Elle emploie 14 personnes dont 9 Ivoiriens. 80% de ses
activités sont consacrées à l'exportation de 1200 tonnes
du café et du cacao d'origine ivoirienne et 20 à l'importation
de matériel de bureaux, moquettes, revêtement mural d'origine
européenne et américaine. Cette entreprise des Frères
Borro Issam et Faouzi réalise un chiffre d'affaire annuel 7, 42
milliards de francs CFA dont 7, 2 milliards CFA pour l'exportation du
café et café, et 220 millions de CFA pour la commercialisation de
moquettes78(*) Mais bien
avant, il existe en 1958 Eburnéa dont le promoteur est le Libanais
Balloul Jaïs. 99% des activités sont consacrées à
l'exportation du cacao en fèves et du café79(*). Ces exportateurs disposent
des circuits très fluides non seulement dans la collecte du bord champ
par le biais des magasiniers et des pisteurs, mais aussi des partenaires
commerciaux de l'extérieur, c'est-à-dire les pays membres de la
Communauté Européenne et bien d'autres pays d'Europe et d'Asie.
Mieux le Liban fait partie des partenaires commerciaux de la Côte
d'Ivoire. En effet, il est un pays importateur de café et cacao. Au
cours de la période 1967-1969, les importations libanaises
s'estimaient à 283 millions de Francs CFA, soit 0,26% de la
totalité des exportations ivoiriennes de café et de
cacao.80(*) En outre, les
Libanais participent aux importations des véhicules et de pièces
de rechange des pays membres de la Communauté européenne
particulièrement de la France, du Royaume-Uni. On peut citer par
exemple l'entreprise Farhat Frères. Cette entreprise importatrice fut
créée en 1967 par la famille Farhat. Elle dispose d'un capital
de 400 millions Francs CFA. Elle emploie plus 235 personnes. Elle assure
l'importation de camions Ebro, voitures, motos, de génératrices
Honda et des produits et électroménagers. Elle représente
les marques telles que Honda, Ebro, Fedders, Pioner, Best Corporation, Casio
et bien d'autres marques. 81(*)Ces produits sont entre autres les tissus, les pagnes,
les appareils électroménagers. Ainsi, les Libanais sont
entreprenants dans le commerce moderne. Les Européens quant à eux
abandonnent progressivement leurs magasins de l'intérieur du pays et
s'investissent leurs capitaux dans l'industrie
3-Le retrait progressif des maisons de commerces
européennes de l'intérieur du pays
La prospérité des affaires suscite la
migration croissante des populations ouest africaines et des Libanais en
Côte d'Ivoire. Ces dernières s'insèrent dans le commerce.
Par ailleurs, les Européens qui ont fait fortune dans le négoce
colonial investissent dans les différents secteurs de l'industrie
ivoirienne. De ce fait, ils abandonnent progressivement le commerce au profit
des investissements lourds jugés plus promoteurs. Ces investissements
étrangers ont été possibles grâce à
l'adoption dès 1959 du code d'investissement. Le gouvernement a
accordé des faveurs aux investisseurs privés surtout
étrangers.
La Côte d'Ivoire a opté pour ce choix
économique afin de prendre une avance de développement sur les
autres pays du tiers monde. En effet, cet appel aux capitaux étrangers
permet de créer des richesses à travers la mise en place des
industries et de disposer d'importantes aides publiques financières pour
la réalisation des infrastructures.82(*) A cette période, Abidjan et ses banlieues
connaissent un boom économique à contrario de l'intérieur
du pays. Les maisons de commerce se retirent de l'intérieur en se
concentrant ainsi à Abidjan et d'autres se créent encore au
lendemain de l'indépendance.
A partir de 1980, il n'existe presque plus de maisons
de commerce en Côte d'Ivoire à l'intérieur du pays. Les
compagnies européennes telles que la CFAO ne réalise plus en
Afrique au sud du Sahara et particulièrement en Côte d'Ivoire que
30 % de son chiffre d'affaire et toutes les activités ont
été filialisées pour permettre de fermer ou de vendre
les branches les moins intéressantes. Elles abandonnent ainsi en
Côte d'Ivoire le commerce de traite et des produits manufacturiers pour
investir dans la distribution de l'automobile, des produits pharmaceutiques et
micro-informatique83(*).
Les Européens laissent ce secteur aux Libanais et aux ressortissants de
l'Afrique de l'Ouest.
Les Libanais ont joué un rôle important
aussi bien dans le commerce colonial que celui de la première
décennie de l'indépendance. Pendant la colonisation, ils ont
été actifs dans le commerce des matières premières
agricoles, et ont oeuvré également à l'instauration du
transport terrestre. Quant au poids économique de ces derniers dans le
commerce post colonial, il se détermine par la mise en place des
magasins, des supermarchés et des entreprises commerciales. Les Libanais
participent également au développement industriel de la
Côte d'Ivoire.
CHAPITRE II : UNE FORTE IMPLICATION DES LIBANAIS
DANS L'INDUSTRIE DE LA COTE D'IVOIRE ENTRE 1960 ET 1970
Les Libanais ne sont pas seulement
commerçants. Ils sont également industriels. Les Libanais
s'impliquent dans la mise en place de l'industrie ivoirienne. Ils
s'intéressent d'abord aux industries agroalimentaires. Ensuite, les
Libanais créent des industries de bonneterie et des industries de la
foresterie. Enfin, ces derniers construisent des entreprises de la
transformation des métaux et des produits chimiques.
I/ Une place importante des Libanais dans le
développement des industries d'import-substitution
La présence libanaise dans les industries de
la Côte d'Ivoire est caractérisée par un
intérêt capital accordé aux industries
d'import-substitution. Les Libanais importent des produits semi-finis avant de
les transformer. Ces industries sont dominées par celles de
l'agroalimentaire, de la bonneterie et du bois.
A/ La Prédominance des industries
agroalimentaires
La présence des Libanais dans l'industrie
ivoirienne est connue de tous. Cette présence se perçoit
efficacement au niveau des industries agroalimentaires. Les industriels
investissent d'abord dans les industries de la transformation des grains et de
la farine. Ensuite, les Libanais s'intéressent aux industries
laitières.
1-L'émergence des industries de
grains et de la farine
Au lendemain de l'indépendance, la Côte
d'Ivoire ne dispose pas d'une industrie moderne. Tous les ateliers de
fabrication sont en grande partie artisanaux. Face à cette situation,
l'État met en oeuvre la politique de développement des industries
de substitution. Ne disposant pas encore d'industries lourdes, elle s'offre
les services des unités européennes singulièrement
françaises pour approvisionner ses entreprises nouvellement
créées en produits semi-finis. Ces entreprises à capital
sont dominées par les industries agroalimentaires.
Les Libanais établis en Côte d'ivoire
depuis un demi-siècle ne sont pas en reste. Ils accompagnent
l'État dans ce dynamisme de développement industriel. Ils
investissent dans la quasi-totalité des branches industrielles à
l'exception des secteurs de l'eau et de l'électricité qui sont
dévolus à l'État. Les Libanais s'engagent d'abord dans le
développement de l'industrie agroalimentaire notamment dans la
transformation des grains en farine. Le poids des Libanais est assez important.
Selon, le bilan de la Chambre d'Industrie de Côte d'Ivoire en 1970, les
Libanais possèdent 29 entreprises de boulangeries sur 7384(*). En plus Ces boulangeries sont
installées sur l'entièreté du territoire et emploient
environ 8 personnes. Elles disposent d'au moins 3 Fours. Elles produisent non
seulement le pain et ses dérivés, mais également se
chargent de sa commercialisation. Généralement, elles disposent
d'un réseau de distribution du pain depuis la zone de production
jusqu'au consommateur des hameaux les plus reculés. Le pain est
transporté sur les longues distances par les guimbardes appelées
communément « bâchées » ou à
l'aide de mobylettes, de vélo et de charrettes pour les petites
distances. En ville, le pain se livre dans les boutiques et les
dépôts situés au bord du marché et des rues. Par
ailleurs, ils développent le travail de grain. A cet effet, fut
créée en 1966, la Société Ivoirienne de
Développement Industriel de Mahomedali Sidi Mahatali qui produit la
farine de maïs85(*).
Ainsi, les Libanais contribuent à l'émergence des industries de
grains et de farine en Côte d'Ivoire. Ils interviennent également
dans l'industrie laitière et de confiserie.
2-Une place de choix dans l'industrie
laitière et de confiserie
L'introduction des unités de la
fabrication des produits laitiers et de confiserie en Côte d'Ivoire
est purement libanaise. En effet, avant les indépendances, cette branche
industrielle était fortement dominée par les importations. Il
existe 6 principales entreprises qui sont «Mont Blanc«,
«Oria«, «Saprolait«,«Yaourt Baoulé« et
enfin Ivoirlait. Ivoirlait créée en 1969, appartient au groupe
Abinader & Fils. Ivoirlait tout comme les autres entreprises dispose
d'une taille assez petite, car elles ont chacune un capital social de 25
millions de francs CFA et 20 employés.86(*) En dehors de Ivoirlait, les Libanais créent
d'autres entreprises laitières et de confiserie. Il s'agit de la
création en 1963 avec la création de Bestlait. Bestlait
conditionnait des laits en poudre en provenance de l'Europe
singulièrement du Danemark. Cependant ses rendements demeurent toujours
faibles87(*). L'on note
l'apparition plus tard d'Afrilait plus tard en 1966 accroît les
productions. Ces entreprises sont généralement de taille
réduite, mais ont une gamme de produits de qualité.
Quant au secteur de la confiserie qui est le domaine
non seulement de la fabrication, mais également de la commercialisation
des fruits, des sucreries, des friandises, des bonbons des chewing-gums, est
dominée par le groupe industriel Abinader.S.A. Elle fut mise en place en
1963 se localise dans la zone industrielle de Vridi. La présidence du
conseil d'Administration de cette entreprise est assurée par Abinader
Antoine, quant à la direction générale est confiée
à son fils Roger Abinader. Cet établissement de la famille
Abinader dispose d'un capital de 100 millions de Francs CFA. Abinader.S.A
emploie plus de 120 personnes88(*).
Les opérateurs économiques libanais
participent également à l'essor des brasseries en Côte
d'Ivoire. A ce titre, il y a l'Industrie Réunie de l'Afrique Noire
(Iran) créée en 1966. Elle dispose d'un capital de 120 millions
de Francs CFA et emploie 116 salariés dont 91 sont Ivoiriens. Elle
réalise un chiffre d'affaires de 501, 621 millions de Francs CFA dont
80% en Côte d'Ivoire et 20% en Afrique. Elle produit annuellement 589
233casiers de 24 bouteilles de 36 centilitres dont 577233 vendues en Côte
d'Ivoire et 12 mille destinées à l'exportation. En plus de la
boisson gazeuse, Iran des frères Farhat fabrique des bougies. Pour ce
produit, ces capacités annuelles sont évaluées à
47075 bougies dont 34 619 destinées au marché ivoirien et
12456 affectées à l'exportation89(*). Or les brasseries étaient dévolues
à l'État et des grands industriels. Les établissements
méritent d'être qualifiés industriels car le chiffre
d'affaires des confiseries étaient encore faible90(*). Les Libanais ont joué
un rôle important dans la mise en place des industries de transformation
agroalimentaire.
B/ Une position importante dans l'industrie
textile et du bois
La présence libanaise dans
l'industrie ivoirienne ne se limite pas seulement aux industries
agroalimentaires. Cette présence levantine dans l'industrie est
plurielle. On les retrouve en effet dans les industries textiles et de la
foresterie. Ils ont jouent un rôle important dans ces deux branches
industrielles. Ils ont créé d'importantes entreprises qui
permettent de percevoir leur position dans ces différentes branches.
1-La création de la
Société Africaine de bonneterie (Sab)
Les Libanais sont très
présents dans le secteur de l'habillement. Ils importent les tissus,
les soies, les mousselines et bien d'autres marchandises d'Europe et d'Asie
qu'ils travaillent par l'intermédiaire de leurs entreprises avant
de les remettre sur le marché local et sous-régional. Parmi ces
entreprises, il y a la Société Africaine de Bonneterie (Sab) du
groupe Fakhry créée en 196391(*)et basée à Abidjan. La Sab a comme
capital la somme de 200 millions de Francs CFA. C'est une entreprise
ivoiro-libanaise. La part libanaise du capital est de 96,68% et la quotepart
ivoirienne est seulement 3,32%. La Sab réalise 400 millions de Francs
CFA.92(*) Elle emploie
plus de 24 personnes dont 160 Ivoiriens. Elle fabrique et commercialise des
articles en tissu à mailles comprenant la lingerie, les
sous-vêtements et les chaussettes. Elle confectionne également les
pagnes et les pulls. Les productions ne sont pas assez importantes, cependant
les produits sont de bonne qualité et ils dépassent les
frontières ivoiriennes93(*). Les Libanais sont très actifs dans
l'industrie de transformation du bois.
2-Installation croissante de scieries
entre 1960 et 1970
Les Libanais sont des principaux acteurs de la
filière bois entre 1960 et 1970. Bien avant cette période, les
Européens et singulièrement les Français détenaient
encore le monopole des exploitations forestières. En effet, les
entreprises d'exploitation forestière et des scieries coloniales sont
des propriétés européennes. On peut citer par exemple la
Compagnies des Scieries Africaines créée en 1918. Le siège
et l'usine se localisent respectivement à l'immeuble Cacomiaf à
Treichville et Grand-Bassam. Son capital est de 57 millions de Francs CFA. Elle
produit les bois grumes, débités, contreplaqués, les
portes iso planes, les bois déroulés et biens produits
dérivés du bois.94(*) La présence ivoirienne dans la filière
bois est moins perceptible. Néanmoins, il existe des capitaux ivoiriens
importants. L'une de ces entreprises est la Scierie kacou Joseph (Skj)
créée en 1964 et a pour capital 175 millions de Francs CFA. Cette
entreprise est constituée d'une partie ivoirienne qui détient
66% du capital et l'autre part est allemande et italienne. La Skj a son
siège social à Abidjan et dispose des scieries à
Abengourou précisément à Kouassibéniékro et
à San Pédro. Elle emploie 265 personnes dont 128 Ivoiriens et le
reste sont étrangers essentiellement des Africains. C'est entreprise
réalise un chiffre d'affaires de près de 4,5 milliards de Francs
CFA dont 95% proviennent des exportations.95(*) Quant aux Libanais, autrefois employés des
compagnies industrielles, ils vont se transformer à partir 1960 en
propriétaires de scieries. Ils installent plus d'une quarantaine de
scieries dans toutes les zones de production du bois. Nous avons entre autres
la scierie Wahab Nouhad Rachid créée en 1963 à
Agniblékrou, la Grande Scierie Abidjanaise créée en
196496(*). Ces scieries
reçoivent les billes de bois des chantiers. Ces billes de bois sont
acheminées par des camions-remorques vers les scieries. Elles ont pour
rôle les premières transformations du bois. Ces activités
concernent la confection des contreplaqués, des chevrons. Les produits
atteignent soit les menuiseries d'une part, pour la confection de meubles, soit
les vendeurs qui les revendent aux consommateurs d'autre part.
Outre les scieries, les Libanais disposent des
menuiseries. Ces menuiseries sont très modernes. Elles fabriquent des
meubles de très bonne qualité. Parmi celles-ci, il y a la
Menuiserie Ivoirienne d'Ali Bilal créée en 1969 et la
Société Ivoirienne de Menuiserie de Chaobi Jamal
créée également en 196997(*). Ainsi, les Libanais ont joué un rôle
dans le développement de l'industrie du bois en Côte d'Ivoire. Ils
sont également engagés dans la mise en place des industries de la
première transformation des métaux et des mobiliers
métalliques.
II-Une place de choix des Libanais dans la
transformation des métaux et des mobiliers
métalliques
Les Libanais participent au développement des
industries métalliques. Ils sont également présents dans
les industries de mécaniques électriques. Ils disposent de
multiples entreprises. Ces dernières leur permettent d'être l'un
des pionniers de cette branche d'industries en Côte d'Ivoire.
A/ Une présence remarquable des Libanais dans
l'industrie métallurgique
La communauté libanaise joue un rôle
capital dans le développement de l'industrie de la Côte
d'Ivoire. L'implication libanaise dans cette branche
d'industrie s'est traduite par la création de plusieurs entreprises. Il
s'agit entre autres de la Société Commerciale Africaine
Métalliques créée en 1967 et bien d'autres entreprises.
En 1960, la Côte d'Ivoire ne
disposait pas d'industrie métallique. L'industrie métallurgique
est dominée par les fortes importations. La plupart des industries de
Côte d'Ivoire sont les industries agroalimentaires. Les industries de
transformation des métaux sont moins importantes. Les Libanais prennent
part à la mise en place des premières entreprises
métalliques entre 1960 et 1970. Ces industries sont essentiellement des
entreprises de la secondaire transformation des métaux. Ces
entreprises sont notamment la Société Commerciale Africaine
(Sacom) créée en 1967 du groupe Rahel Abib98(*). Elle est la plus importante
de toutes ses unités industrielles du secteur. Elle s'occupe de la
fabrication des éponges métalliques destinées aux
ponçages des objets en fer et du travail des ménages. De plus,
elle fabrique les éponges plastiques.
En outre, la Socam est spécialisée dans la
commercialisation de ces produits sur le marché national et sous
régional. Ce bulletin de la chambre d'industrie ne nous livre aucune
donnée statistique pour quantifier la production de cette unité
industrielle. Cependant nous pouvons affirmer que les productions de la Socam
étaient importantes. En effet, elle exporte ses produits dans la sous
région. Par ailleurs, la conquête du marché local et sous
régional par la Socam permet de dire que celle-ci dispose des articles
de très bonne qualité.
B/Une position incontournable dans la fabrication des
mobiliers métalliques
Les Libanais interviennent dans la fabrication des mobiliers
métalliques. Ces derniers disposent de nombreuses entreprises qui leur
permettent d'asseoir une certaine place dans l'économie ivoirienne. En
dehors de la fabrication des mobiliers métalliques, ils sont aussi
présents dans les industries chimiques et d'autres secteurs
industriels.
1-La création de multiples entreprises
de mobiliers métalliques
Comme les autres industries,
l'industrie électrique est à l'état embryonnaire. Les
Libanais sont également présents dans cette branche d'industrie.
Ils créent alors des entreprises capables de satisfaire le marché
national et des pays de l'Afrique de l'Ouest. Ces entreprises sont
généralement situées dans les grandes villes du pays. Nous
avons les Mobiliers Métalliques de Bouaké (Mmb)
créée en 196599(*). Elle est spécialisée dans la
fabrication des mobiliers métalliques, des produits de ferronnerie. Elle
est la propriété du Libanais Ashkar. Elle concourt à la
satisfaction des besoins de la population de Bouaké et de ses
environs.
Il y a également l'entreprise Franquet du
Groupe Atef mis en oeuvre en 1955. Son capital est de 15 millions de Francs
CFA. Elle emploie plus de 35 personnes et réalise un chiffre
d'affaires de plus 20 millions. Elle fabrique des lits et des sommiers
métalliques, les tissus en toiles, l'acier pour ressort et
bâtiments100(*).
Le même Groupe Atef mettra plus tard en place en 1966 la
Société Ivoirienne de Lits (Sil) en zone 3 à Marcory. Elle
fait un chiffre d'affaires de 23 millions de Francs CFA dont 98% sont
réalisés en Côte d'Ivoire et le reste dans les pays
voisins notamment le Burkina Faso et le Mali. Elle produit également
des matelas à ressorts et des lits métalliques. En plus des lits
métalliques, la Sil fabrique des chaises et tables en bois, les buffets,
les armoires et les tapisseries d'ameublement101(*). La plus importante de ces entreprises est la
Manufacture Ivoirienne d'Ameublement qui est la fusion de l'ancienne
Société Africaine de fabrication métallique et de literie
et de matelas abidjanaise en 1965102(*). Elle est dirigée par Hyjazi, ressortissant
libanais et fabrique également les lits métalliques. Le
même Groupe met par ailleurs en service les Etablissements Yassine Atef
à Marcory sur le boulevard de Marseille. Ils emploient 30
personnes103(*). Les
Libanais ont contribué au développement des industries
mécaniques électriques.
2-Une place capitale dans l'industrie chimique
L'industrie chimique en Côte d'Ivoire est une
industrie naissante au lendemain de l'indépendance. Elle a trait les
industries de transformation du cuir, du plastique et les articles
ménagers. Ce secteur est en plein essor. Il se crée de nombreuses
entreprises chimiques en Côte d'Ivoire. Ce secteur est en plein
développement. La communauté libanaise ne demeure pas en reste.
Elle participe à la construction de l'industrie chimique. Les industries
sont peu nombreuses. Elles fabriquent en effet les matelas et coussins en
mousses et en Polyester. L'entreprise Yassine Atef était
localisée à Koumassi.
Il y a également la Société
Ivoirienne de Maroquinerie (Simarc), elle fut créée en avril
1970104(*). Elle
fabrique les articles de maroquinerie tels que les sacs, les valises, les
portes documents. Il y a par ailleurs, la Sitrap qui est la
Société Ivoirienne de Transformation des Plastiques
créés en 1969105(*). Elle appartient au Groupe Fahrat. Elle fabrique les
mêmes articles que la Simarc. En dehors de ces industries, 3
entreprises assurent environ 70 % de la fabrication. Il s'agit de la
Société Côte d'Ivoire plastique et la Manufacture
Ivoirienne des plastiques Africains dont la capacité journalière
est de l'ordre de 6 mille articles chaussants, 35mille articles de
ménage et 15OO articles divers106(*). La Polysplast vient en troisième position.
Elle plus importante libanaise dans ce domaine Polyplast fut
créée en 1962 et localisée à Vridi.107(*)Elle produit 12 mille tonnes
par année.108(*)
Les Libanais ont été d'un atout important pour
l'économie ivoirienne de la colonisation jusqu'en 1970. Par la suite,
ils deviennent professionnels du transport interurbain voire sous
régional. Ils s'impliquent dans l'immobilier. Enfin, au lendemain de
l'indépendance, ils s'introduisent dans l'industrie par la mise en place
des unités industrielles, mais produisant des objets de très
bonne qualité. Si au cours de cette période, les Libanais avaient
pour stratégies : premièrement évoluer
économiquement au côté de l'Europe et ensuite voler de ses
propres ailes. Les Libanais poursuivent leur présence économique
en Côte d'ivoire entre 1970 et 1980. Cette phase de l'histoire de la
Côte d'Ivoire est caractérisée par une
prospérité économique importante. Dans ce contexte de
développement économique, les Libanais s'engagent dans la
diversification industrielle de la Côte d'Ivoire.
DEUXIEME PARTIE
L'ABANDON PROGRESSIF DU PETIT COMMERCE AU PROFIT DU
COMMERCE DE GROS, DES SERVICES ET DE L'INDUSTRIE DE 1970 A 1980
Entre 1970 et 1980, la Côte d'Ivoire
connaît la prospérité économique la plus remarquable
en Afrique de l'Ouest francophone. L'année 1970 marque la
définition d'une politique de développement
économique : Cette politique est axée sur
l'industrialisation à travers la transformation des matières
premières agricoles. Il y a également la nouvelle politique du
commerce à travers le programme d'action commerciale. Face à
cela, les Libanais vont s'engager énormément dans la distribution
des marchandises et des services, et dans l'industrie.
CHAPITRE I : D'IMPORTANTS INVESTISSEMENTS LIBANAIS
DANS LE SECTEUR DE DISTRIBUTION
Les Libanais ont joué un rôle important dans
le développement du commerce en Côte d'Ivoire pendant la
première décennie de l'indépendance. Si entre 1960 et
1970, la présence libanaise dans ce secteur était
caractérisée par une forte intervention dans le détail et
le demi-gros, les Libanais s'engagent davantage dans la grande distribution.
Cela est dû en grande partie aux raisons internes du commerce et
à d'autres facteurs extérieurs.
I/ Les facteurs de l'abandon progressif du
petit commerce
Les Libanais entament un abandon progressif du petit
commerce. Cet abandon résulte de nombreux facteurs. Ces facteurs sont
entre autres la saturation du secteur, la désorganisation de ce
dernier, le désir des Libanais d'occuper leurs exilés de guerre
à travers le commerce et enfin la volonté de l'État
d'assainir ce secteur.
A/ Les difficultés grandissantes du
commerce en 1970
Au début des années 1970, la distribution
des produits manufacturés et le commerce de détail de la
Côte d'Ivoire reposait essentiellement sur des structures archaïques
et informelles. Ceci qui est sans impact sur la rentabilité du
commerce. L'on observe la prolifération de détaillants non
intégrés et la contrainte du système commercial local et
l'intégration de nouveaux immigrants dans le commerce de détail
moderne urbain.
1-La prolifération de
détaillants non intégrés
Les années 60 sont dominées par les fortes
migrations des populations étrangères en particulier celles de
l'Afrique de l'Ouest en Côte d'Ivoire du fait de la croissante
économique qu'a connu le pays durant cette période. Ces
populations sont originaires du Mali, de la Haute Volta, de la Guinée,
du Sénégal, les Haussa du Niger. Ils sont majoritairement des
commerçants. Ils exercent leur négoce dans un réseau
très différent de celui des Européens et Asiatiques.
Ils sont présents à Abidjan ainsi
qu'à l'intérieur du pays. A Abidjan, ils sont des tabliers, des
ambulants et des boutiquiers. Ils sont spécialisés dans la vente
des produits de grande consommation telle que le sucre, la cigarette, des
stylos109(*). Ils
vendent à tout point de rues et devant des grands magasins, des
boutiques et des établissements publics. Ce commerce est détenu
par des Peuhls de Guinée appelés communément «
Diallo »110(*).
A l'intérieur du pays, pullulent des
négociants ambulants Haoussa qui vendent des pagnes, des habits et des
bijoux de toute nature importés frauduleusement en Côte d'Ivoire
dans les villages et les campagnes. Ces marchandises étaient beaucoup
prisées des populations locales. Il existe aussi des boutiquiers qui
prolifèrent dans les villes de l'intérieur et campements. Ils
vendent des marchandises de grande consommation telle que le riz, le sucre, de
l'huile, le pétrole, le savon et biens d'autres produits de la
manufacture. Ces boutiquiers pratiquaient des prix au-dessus de ceux
exigés par la Caisse de Péréquation111(*). Ils règnent ainsi en
maître dans ces localités où leur commerce se
développe. Tous ces négoces échappaient au contrôle
de l'Etat.
Si les communautés africaines
précitées exercent dans l'illégalité, les
Mauritaniens, quant à eux évoluent dans une structure fluide et
bien organisée. Ils n'étaient pas en grand nombre. Au
départ, présents dans le bassin du fleuve Sénégal,
ils ne sont pas novices dans le commerce. Ils étaient dans le commerce
de traite, échangeaient de la gomme, du sel, du mil et des esclaves
contre les armes à feu et les produits manufacturiers avec les
Européens. Ils devinrent par la suite les intermédiaires et
transportèrent la gomme, de l'arachide tout en conservant la pratique de
la caravane112(*). En
dehors de l'omniprésence des communautés dans les tissus
commerciaux, il y a le développement du commerce tenu par les
communautés rurales.
2-La contrainte du
système commercial local
La période 1960-1980 est une période
faste de l'économie ivoirienne. La Côte d'Ivoire connait une
prospérité économique. Cependant, le commerce
intérieur ne s'inscrit pas dans ce canevas. En plus de son
inorganisation, le commerce est confronté à de sérieux
problèmes. Cette situation est due en partie à la
prolifération des circuits commerciaux parallèles à
Abidjan et à l'intérieur du pays. Il se caractérise par la
commercialisation des vivriers113(*)qui sont la banane, le manioc, le maïs, le riz,
l'igname et bien d'autres produits vivriers.
En plus du développement du commerce informel des
ressortissants de l'Afrique de l'Ouest, il y a la situation préoccupante
des immigrants de la guerre du Liban de 1975. La prise en charge de ces
derniers nécessite assez de moyens. Ainsi, les Libanais des vagues
antérieures soutiennent ces derniers au moyen du commerce. Ce fait est
l'un des facteurs de l'abandon progressif du petit commerce.
3-Le désir des Libanais de céder
le petit commerce à leurs compatriotes victimes de guerre
La deuxième moitié des années 70
marque le début de l'embrasement du Liban. Face à cette
insécurité accrue, une partie des Libanais rejoignent leurs
parents établis déjà en Côte d'Ivoire. Selon
Henriette Dagri Diabaté, l'association de la communauté libanaise
et française à Abidjan était estimée à plus
de 50000 âmes114(*) Si certains parmi eux arrivent en Côte
d'Ivoire avec d'énormes fortunes, d'autres par contre, immigrent sur
la pointe des pieds. Leurs prises en charges nécessitent beaucoup de
moyens tant matériels que sociaux. Ils sont à cet effet nourris,
logés et soignés. Pour réduire, ces dépenses, les
premiers immigrants libanais entreprennent certaines actions. Ils créent
des magasins et boutiques dont ils confient la gestion libre aux nouveaux
venus.115(*) Ces
derniers remboursent au fur et à mesure selon bénéfices.
Ces anciens immigrants cèdent alors ce secteur aux nouveaux venus et
investissent leurs capitaux dans des secteurs jugés plus porteurs
notamment la distribution et l'industrie116(*)
Après avoir amorti les coûts des
magasins, le gestionnaire devient alors le nouveau propriétaire du
local. Dans d'autres cas quand un compatriote arrive du Liban, il est
engagé comme employé. Ce dernier travaille et fait des
économies ce qui lui permet de se constituer un fond de commerce et de
s'installer à son propre compte. Ils sont détaillants et
vendent des articles manufacturés de toute nature. Leurs magasins sur
les grandes artères ou encore se situent dans les marchés de la
capitale et dans les villes de l'intérieur du pays117(*). Ce sont les objets de
mercerie, de quincaillerie, de pièces détachées
d'automobile. Dans la gestion de leurs entrepôts, ils
bénéficient de la collaboration ou du soutien de leurs parents.
Ces aides parentaux proviennent généralement des épouses,
des enfants et même des neveux ou cousins118(*).
Il y a par ailleurs, la volonté du
gouvernement ivoirien d'organiser ce secteur et d'y Intéresser les
jeunes Ivoiriens. Il entreprend le programme d'action commerciale qui connut un
succès important dans ses débuts. Le gouvernement
bénéficie du soutien de la Scoa à travers la mise en place
des Chaines-avions. Tous ces faits expliquent en partie le retrait progressif
des Libanais du petit commerce au profit de la grande distribution.
II- Les actions libanaises au service de
la distribution
Les Libanais investissent dans le commerce de
gros. Cette action obéit à un objectif qui est de diversifier
leur présence économique en Côte d'Ivoire. Pour ce faire,
ils créent de multiples entreprises et des magasins
spécialisés dans la vente de produits importés.
A/ La création des entreprises
commerciales
Jusqu'en 1970, le secteur de la
distribution est caractérisé par son archaïsme et la forte
présence des entreprises européennes. Quant aux Libanais, ils
sont beaucoup actifs dans le commerce du demi-gros. Cependant, ils entament
pendant cette période leur processus d'insertion dans la distribution.
Ainsi, ils entreprennent la construction des entreprises destinées
à la distribution des denrées de toute nature.
Le secteur de la grande distribution en Côte
d'Ivoire repose essentiellement sur les produits alimentaires. On distingue
deux grands circuits : il y a d'abord un circuit moderne reposant sur les
grandes et moyennes surfaces qui sont notamment les supermarchés, le
gros, le demi-gros et le discount119(*) ; il existe également le circuit
traditionnel mais tout aussi performant, qui s'approvisionne auprès des
importateurs et industriels locaux. Il s'agit des grossistes
indépendants, les sociétés de distribution de gros, les
demi-grossistes et les détaillants. C'est face à cette situation
complexe que les Libanais décident de s'investir dans le commerce de
gros et des services. Parmi ces entreprises, il y a les entreprises
d'import-export notamment la Société Abidjanaise d'Importation et
d'exportation (Sabimex) qui fut créée en 1972. Elle importe les
marchandises générales et les denrées
alimentaires.120(*)
Sabimex est situé à la rue 12 dans la commune de Treichville. Son
capital est de 3 millions de Francs CFA. La Sabimex emploie 10 personnes dont
4 Ivoiriens et réalise un chiffre d'affaires plus de 3 milliards de
Francs CFA dont 90% effectués en Côte d'Ivoire. Le reste de la
rentabilité est destinés aux exportations en direction des pays
de l'Afrique de l'Ouest.121(*)
Il y a également la Société
ivoirienne des établissements Chartouny Chignara et compagnie
créée en 1972. Son capital est 30 millions de Francs CFA. Cette
entreprise emploie 35 personnes dont 35 sont Ivoiriens. Tout comme la
Sabimex, cette entreprise importe et exporte des marchandises de nature
diverses. Mieux, elle assure la distribution de boissons et des cigarettes de
marques « Reynolds ».122(*)
Leur engagement dans cette branche commerciale se
manifeste par plusieurs actions notables. Leur engagement des Libanais dans la
distribution se manifeste par la création de nombreuses entreprises.
Celles-ci sont spécialisées dans les importations et les
exportations de toute nature. Elle importe les marchandises
générales et les denrées alimentaires.123(*) Il s'agit notamment des
produits de conserves, produits céréaliers et des pattes
alimentaires. Elle assure l'approvisionnement des magasins de grande surfaces
et même des boutiques124(*)
En plus de la Sabimex, Il existe d'autres
entreprises libanaises notamment la Société d'Importations des
Produits de Mer (Impromer). Cette entreprise est spécialisée dans
l'importation des produits de la mer et la commercialisation des produits
congelés.125(*)
Il s'agit entre poisson de la viande, les saucisses, les jambons et bien
d'autres d'aliments. Créée en 1972, Impromer dispose d'un capital
de 45 millions de Francs CFA et emploie 40 personnes.126(*) Cette entreprise du
Libanais Moukarzel Sami réalise un chiffre d'affaires de plus de 1,2
milliard de Francs CFA.127(*) La présence des Libanais au port de
pêche d'Abidjan est remarquable. Ils importent et transforment le poisson
dans les conserveries. Le poids des Libanais dans l'industrie de la
conservation et de la préparation alimentaire est assez important. Dans
les années 1970, la consommation de poisson comme pour la viande s'est
accrue compte tenu de l'augmentation du niveau de vie et l'expansion
démographique. En effet, la demande en poisson est passée
pendant cette période de 13 Kilos par personnes à 18 Kilos par
personnes. Le gouvernement ivoirien prend d'importantes mesures pour faire
face à ces difficultés. L'on note par exemple la signature
d'accord de pêche avec les pays comme la Mauritanie, le
Sénégal et le Libéria128(*). Cependant, ces mesures n'ont pas pu
résoudre le problème. C'est pour réduire les besoins en
ressources halieutiques que les Libanais créent ces entreprises pour
l'importation d'aliments congelés dans les années 1970. Selon le
Ministère de l'économie de 1978 à 1979, la part des
Libanais était estimée à plus de 230 millions de Francs
CFA dans l'activité industrielle.
Les Libanais développent également le
transport terrestre. Pendant la colonisation, ils ont été les
précurseurs de ce secteur. Ils avaient le monopole du transport des
produits de traite et des marchandises. Au lendemain de l'indépendance
peu sont les Ivoiriens qui s'intéressent à cette activité.
Ainsi, les Libanais vont accroître leurs activités dan le
transport. En effet, ils mettent d'abord en place des compagnies de transport
urbain. Elles sont pour la plupart des entreprises familiales. C'est le cas de
taxis communaux ou taxis «compteurs«. En 1978, 80% de ces taxis
étaient des propriétés libanaises129(*). Ils sont aussi
présents dans le transport inter urbain. Ils assurent le trafic entre
les villes de l'intérieur et Abidjan130(*). Ces entreprises de transport sont pour la plupart
gérées par les Ivoiriens surtout par les ressortissants du nord.
L'un des grands opérateurs libanais dans cette activité est
Nasser Eddine Abbas Ahmed. Il a commencé avec une camionnette pour le
transport des récoltes telles que le cacao et café dans la
région de Bouaflé. Il dispose des centaines de camions pour le
transport spécial de Benzène et des marchandises de toute nature.
Il possède également une société une entreprise
de transport Sivotrans qui relie Abidjan et l'intérieur du pays. Fut
créée en 1970, Sivotrans dispose d'un capital de 140 millions de
Francs CFA. Elle emploie une soixantaine de personnes. Elle assure le transport
des produits pétroliers.131(*)
Les Libanais disposent également des agences de
transport aérien. Ce sont entre autres Afric voyage132(*). En 1980, selon la centrale
des bilans, ils représenteraient 60% dans ce secteur. Ce qui montre que
les Libanais sont vraiment actifs dans le transport ivoirien. Les Libanais
disposent de véritables magasins qui sont spécialisés dans
la vente des articles bien déterminés.
B/ La création de magasins spécialisés
dans la vente des articles importés
La présence des Libanais dans certains
secteurs de la grande distribution est très connue de tous. Ils ont mis
en oeuvre des magasins et circuits pour commercialiser certains produits. Dans
des secteurs comme la commercialisation de pagnes et bien d'autres produits.
Ils assurent quasiment le contrôle de la distribution de certaines
denrées.
1/Le contrôle de la distribution de
pagnes
Le secteur des textiles et de l'habillement en
Côte d'Ivoire est assez développé en 1974. En effet, le
capital social était estimé à 11.421 milliards de Francs
CFA.133(*) Ces
investissements réalisés concernent principalement «les
Sociétés Gonfreville, Filcotex, Sab, Cidt, Socitas, Solinci,
Sotexi, Uniwax et Cotoa)134(*). La part des Libanais est de 145 millions de
Francs de CFA. Les investissements libanais sont représentés par
la SAB, la Société industrielle ivoirienne de textiles (Sivoitex)
créée en 1975 et de la Société industrielle de
filature, confection de textiles (Filcotex) créée en 1974. En de
plus, les Libanais sont de véritables artisans de commerce. Ils
investissent dans la commercialisation du pagne. La confection du pagne est
détenue par 4 grandes entreprises. Ce sont entre autres Icodi,
Sotexi, Uniwax et surtout Gonfreville (tableau4). Ces entreprises couvrent
75,5% du marché ivoirien, alors que les importations représentent
24,5%. Les importations concernent les pagnes d'origines européennes
particulièrement françaises et hollandaises. La distribution de
cette denrée beaucoup consommée par les femmes est assurée
par les grandes compagnies commerciales européennes dont la plus
importante est La Cfci-textile. Spécialiste de Wax hollandais et
actionnaire d'Uniwax, elle détient la gestion exclusive des importations
de pagnes et les tissus wax en direction de la Côte d'Ivoire135(*). C'est pourquoi, elle assure
à elle seule 47% de la vente en gros de ce produit136(*).
Les Libanais, quant à eux, interviennent dans
le demi-gros. Ils contrôlent cette étape de la commercialisation
du pagne. Ils représentent 65% alors que les ivoiriens ne
contrôlent seulement que le ¼ de la distribution137(*). Les Libanais disposent
à cet effet des magasins qui sont installé dans les grands
centres commerciaux d'Abidjan et des villes de l'intérieur. Les clients
des Libanais sont pour la plupart des Africains non ivoiriens. Ces
commerçants de détail africains sont en majorité les
ressortissants de la Cedeao. Ils sont estimés à plus de 65%.
Quand les Ivoiriennes ne représentent que seulement 20%. Ce signifie
que les Ivoiriens s'intéressent moins à cette activité
commerciale.
Les Libanais ont une stratégie commerciale
particulière. Ils accordent à leurs clients des faveurs en
livrant des marchandises à crédit aux clients fidèles. En
outre, ils réduisent le coût de la pièce de pagnes. Cette
manière de faire attire de nombreux clients.
De plus, les Libanais interviennent dans la
commercialisation du tissu. Ils occupent 39% de la vente des produits de
confection. Les produits de confection sont des articles d'habillement qui
sont importés. Ce sont les prêts à porter tels que les
habits faits de jeans, les vestes, les chemises, les jupes et les robes et de
produits vestimentaires. Il faut noter que dans les années 1970, le
secteur de la couture était encore à l'état
embryonnaire. Ils représentent 20% de la vente du tissu. Ces tissus
sont en grande quantité importés.
2-le commerce de gros en
général
Les Libanais sont dynamiques dans la distribution. Dans
leurs magasins, on matériel et les équipements sanitaires. En
1975, les investissements au niveau de ce secteur en Côte d'Ivoire se
tournaient autour de 3, 290 milliards de Francs de Francs CFA138(*). Les capitaux libanais sont
évalués à seulement 9 millions de Francs CFA. Cependant,
ce chiffre peut connaître une hausse car les privés Ivoiriens ont
investi plus de 839 millions de Francs CFA. Ces capitaux appartiennent non
seulement aux opérateurs économiques Ivoiriens, mais
également aux étrangers ayant fusionné avec des
Ivoiriens. Les Libanais vendent les carreaux, les tuyaux pvc, les WC et
le matériel de plomberie139(*). Il y a aussi les autres matériaux de
construction et de bâtiments. Ce sont les serrures, les tôles, le
ciment, les articles de quincaillerie. Pour la commercialisation du ciment,
les Libanais tout comme les autres commerçants disposent des camions.
Ces camions acheminent les stocks de ce matériel d'équipements
vers les lieux de vente.
En outre, les Libanais sont fortement
présents dans le commerce des produits alimentaires manufacturiers
locaux et importés de grande consommation. Ils détiennent une
part significative dans la vente de ces denrées alimentaires. Ce sont le
riz, la farine, les huiles de table, les conserveries140(*). Ils prédominent
également dans la vente des brasseries. Ils disposent des
dépôts qui fournissent les boissons de toute nature. Ce sont les
boissons gazeuses, les liqueurs et les vins. Ces dépôts
approvisionnent les restaurants, les bars, les bistrots qu'on appelle
communément « maquis« en Côte d'Ivoire,
les boutiques et autres points de vente. Ces commerçants libanais
disposent des magasins et supermarchés aussi à Abidjan
qu'à l'intérieur.
A l'intérieur, notamment à San
Pédro, Assaad Ali est arrivé en Côte d'Ivoire en 1969.
Dès son arrivée, il s'installa à Grand Bassam. Par la
suite, il s'établit à San Pédro pour le commerce du
café-cacao. Son installation à San Pédro est liée
à la mise en place du programme d'aménagement du territoire
national qui entraine les migrations massives vers le sud-ouest 141(*)Plus tard, Il mit au jour
en 1975142(*) le tout
premier supermarché moderne de la ville avec un centre commercial de 24
boutiques afin de rapprocher davantage de la clientèle.
En dehors de ces secteurs, les Libanais sont
également présents dans le secteur des stations services. Les
stations services sont les points de vente du fuel. Ces compagnies sont ESSO,
MOBIL, ELF, TOTAL qui assurent la distribution du carburant aux stations
services qui portent leurs effigies. Les opérateurs libanais assurent
la gestion des stations-services installées dans le pays. Certains
opérateurs économiques libanais en sont parfois
propriétaires. C'est d'ailleurs le cas de Chaitou Ali qui dispose deux
stations de benzène Esso respectivement à San Pédro et
Soubré143(*). En
Côte d'Ivoire, il existe dans toutes les sous préfectures ou
communes et les grands centres commerciaux au moins une station service. 64% de
ces stations appartiennent aux groupes industriels Libanais selon la Centrale
de Bilans de 1980144(*)
Les Libanais sont présents dans le commerce de
chaussures et des produits de beautés leur part dans la
commercialisation de ces produits représente respectivement 34 et 37%.
Le secteur de la parfumerie et surtout des chaussures en cuir est dominé
par les importations. Les produits locaux ne sont pas encore importants. Enfin,
ils participent au négoce de la vente des pièces
détachées pour les véhicules et les produits
électroménagers, les télévisions et radios. Ils
évoluent dans le sillage des Européens qui prédominent
largement dans cette branche commerciale145(*).
3-Une forte présence
dans l'immobilier
Les investissements libanais dans le commerce du gros
sont très importants. Mais, les Libanais sont également
présents dans le secteur de la construction. Si leur implication dans le
logement pendant la colonisation est assez faible, elle devient importante au
lendemain de l'indépendance surtout dans les années 70. Pour
cette période, les investissements libanais ne se limitent pas
seulement aux résidences, les magasins et les comptoirs, mais prennent
en compte les gros oeuvres. L'une des grandes actions dans ce domaine est la
construction de l'hôtel Tiama et de l'immeuble Nabil. L'hôtel Tiama
est la propriété des Omais. C'est à juste titre qu'Atef
Omais assure la présidence du conseil d'Administration. Les travaux de
cet hôtel de haut standing ont commencé en 1969 et ont pris fin en
1972. Il dispose d'un capital de 160 millions de Francs CFA. L'hôtel
Tiama est emploie plus de 90 personnes. Il réalise un chiffre
d'affaires de plus 700 millions de Francs CFA. Il est un hôtel grand
standing car il est un hôtel de 4 étoiles et offre des services
tels que la restauration et l'hôtellerie de qualité avec une
capacité d'accueil de 142 chambres dont «2 appartements
entièrement climatisés «.
En outre, l'Hôtel Tiama dispose d'une salle de
conférence et séminaire de plus de 70 places.146(*) Il existe également
l'immeuble qui abrite le Grand Hôtel de 5 étages.
Propriété du Libanais Nassar, le Grand Hôtel a un capital
de 180 millions de Francs CFA. Mis au point en 1972, les activités de
Grand Hôtel sont : il y a l'hébergement avec une
capacité d'accueil de 100 chambres ; il existe des services de
divertissements offrant des salles de bain salles d'eau et un bar ;
enfin il y a la restauration d'une capacité de 100 places au
5ème étage147(*). Ensuite, ils ont racheté les immeubles
appartenant aux européens à la fin de la colonisation.
Les Libanais disposent également des
entreprises immobilières qui leur permettent de construire de multiples
édifices aussi bien à Abidjan qu'à l'intérieur du
pays. Ces entreprises sont entre autres la Société de
Construction immobilière du Plateau148(*). Elle est la propriété du Groupe
Omais. En 1980, les Libanais détenaient 60% des immeubles et 80% des
villas149(*). Enfin, ils
sont présents dans le secteur de l'hôtellerie. Il existe à
cet effet des sociétés appartenant essentiellement au Groupe
Omais-Khalil et de la Société Afric Hôtel et Saïda
Beach150(*).
Au niveau des cités ou habitations
économiques, les Libanais ont des entreprises qui participent de ces
habitats modernes. Ces participations libanaises se déterminent dans
les professions de constructions. A Yamoussoukro, Pierre Fakhoury a
été l'un des grands entrepreneurs à bâtir la ville
de Yamoussoukro. Or, l'État ivoirien avait fait de ce secteur un
leitmotiv. Car il voulait doter de chaque Ivoirien d'un toit moderne. C'est
dans ce cadre que furent créées dans les années 1960, les
sociétés de constructions et de gestion immobilière
notamment la Sicogi, la Sogefia en 1963151(*). Ainsi plusieurs cités modernes ont
été bâties à Abidjan et dans quelques villes de
l'intérieur. Cependant, nombreuses sont les villas qui appartiennent aux
Libanais à Abidjan et dans les grandes villes. A Abidjan, des quartiers
comme « Marcory résidentiel » sont
dénommés « little Beyrouth »152(*). Car il abrite non seulement
une forte communauté libanaise, mais également la plupart des
maisons sont la propriété de ces derniers.
« Marcory Résidentiel » est un quartier de haut
standing. Le regroupement des ressortissants libanais dans ce quartier trouve
son origine dans le refus de Félix Houphouët Boigny de leur
accorder un terrain sur la route de Dabou. En effet, l'ambition des Libanais
est de bâtir un quartier libanais comme le quartier
« Biafra » à Treichville. Le voeu du
président Houphouët est d'intégrer toutes les
communautés étrangères dans la société
ivoirienne en « respectant les lois de la
République »153(*). Le quartier Biafra pour les refugiés de
guerre de Nigéria est une mauvaise expérience.
En outre les Libanais mettent en valeur des terrains
qui sont la propriété des Ivoiriens. Il existe une sorte de
contrat qui régit ce type de relation. En effet, l'opérateur
libanais construit le domaine et l'exploite pour une période bien
définie contenue dans les clauses du contrat. Après, il
cède le local au propriétaire. Souvent l'affaire tourne mal car
le libanais exproprie le propriétaire terrien de son bien. D'où
survient l'intervention de la justice 154(*)
Les Libanais ont joué un rôle important
dans le commerce en Côte d'Ivoire entre 1970 et 1980. Cette importance
s'observe dans leur engagement au service de la grande de distribution. Les
investissements libanais ne se limitent pas aux activités commerciales.
Au cours cette période, les Libanais accompagnent le gouvernement dans
sa politique d'industrialisation du pays.
CHAPITRE II : L'ENGAGEMENT TOTAL DES LIBANAIS DANS
LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DES INDUSTRIES D'EXPORTATION A PARTIR DE 1970
Les Libanais ne se limitent pas à la seule
présence dans la grande distribution entre 1970 et 1980. Ils s'engagent
également dans le développement industriel de la Côte
d'Ivoire. Ces derniers investissent quasiment dans toutes les branches
industrielles du pays. Avant d'y arriver, les Libanais disposent de nombreux
fondements qui sont aussi bien humains qu'économiques.
I-Les fondements des investissements libanais dans
l'industrie ivoirienne
La position forte des Libanais dans l'industrie
ivoirienne n'est pas du hasard. Elle est liée aux facteurs politiques,
sociaux et surtout économiques. Ces différents atouts leur ont
permis de mettre en place de nombreuses unités industrielles. Ces
atouts sont essentiellement le fait d'acteurs industriels.
A/Les principaux acteurs
industriels libanais
Les investissements industriels libanais des
années 1970 bénéficient d'importants atouts notamment les
atouts humains. Il s'agit d'abord les premiers industriels libanais. Il y a
également une nouvelle génération d'immigrants libanais
disposant soit d'une expérience en matière industrielle, soit
bénéficiant d'une formation de qualité. Ces industries
bénéficient d'importantes ressources financières.
1-Les groupes industriels des
années 1960
La période 1970-1980 est un tournant
important dans l'histoire économique de la Côte d'Ivoire. Cette
période est caractérisée par la volonté de
l'État de développer les industries d'exportation et la
diversification des matières premières agricoles. Dans cette
perspective, l'État a créé plusieurs
Sociétés d'État pour le développement de tous les
domaines économiques. Il s'agit de la Soderiz, la Sodesucre, la Sicogi
et d'autres Sociétés de développement. L'État a
entamé une politique de diversification des cultures commerciales sur
l'ensemble de l'étendue du territoire. On a les cultures de coton et
canne à sucre dans le centre et le nord. Dans les zones
forestières, furent également développées les
cultures de palmier à huile, de bananes plantain, de
l'hévéa et surtout du cacao et du café.
C'est dans cette dynamique que les Libanais
procèdent à la diversification de leur présence dans
l'industrie ivoirienne. Cet engagement industriel des Libanais résulte
de multiples facteurs. Au niveau de ces acteurs industriels, il y a
premièrement les groupes industriels nés au lendemain de
l'indépendance. Ce sont entre autres du groupe Abinader & Fils,
le Groupe Fakhry, du groupe Farhat et bien d'autres groupes industriels. Les
Libanais ont développé des unités industrielles modestes
et surtout artisanales. Au début de l'indépendance, Ces
initiatives connaissent un certain développement pour connaître
une réelle expansion dans la deuxième décennie de
l'indépendance. Si au départ l'idée de retourner au pays
hantait les Libanais, à partir de 1970, ils nourrissent l'ambition de
rester en Côte d'Ivoire. Désormais, ils se consacrent activement
à moderniser leurs activités économiques. Les fondateurs
de l'industrie libanaise sont essentiellement dominés par plusieurs
grandes familles. Nous en retenons trois. Ces familles sont présentes en
Afrique depuis le début du XXème siècle.
On a d'abord la famille Fakhry. Cette famille a pour
ancêtre Mahmoud Fakhry. Ce dernier arrive en Afrique dans les
années 1930. Il s'établit d'abord au
Sénégal155(*). Il exerce comme activité, le commerce de
traite notamment de l'arachide et du caoutchouc. Il eut pour fils Fakhry Fakhry
et Fakhry Sakhr. Ces derniers immigrent en Côte d'Ivoire à la fin
de la colonisation. Ils créent en 1963 la Société
Africaine de bonneterie (Sab). La Sab, la première entreprise du groupe
avait son siège en zone IV à Marcory. Son siège est
aujourd'hui occupé par l'actuel supermarché Cash Center du
Plateau. Elle démarra ses activités avec seulement deux machines
à tricoter et dix machines à coudre156(*). Elle connaît un franc
succès sur le marché local ainsi que sous régional. Elle
parvient à dominer le secteur de la confection. Le montant de son
investissement dépassait en 1983 1,8 milliard de Francs CFA. Son chiffre
d'affaires approche les 3 milliards de francs CFA et elle réalise 30,5%
de la valeur ajouté d'articles d'habillements157(*). Elle fut
transférée à Yopougon. Il crée par la suite avec la
compagnie américaine Blue Bell spécialisée dans la
confection de jeans en 1974 à Yopougon la société Blue
Bell ci.158(*) Ce groupe
est également actif dans le commerce de gros. A cet effet, ce groupe
dispose de nombreux magasins et supermarchés installés pour la
plupart à Abidjan.
En dehors des Fakhry, nous avons la famille Fahrat.
La famille Fahrat est implantée en Afrique depuis 1924 Fahrat Salim
débarque d'abord au Sénégal, transite par le Mali avant
d'immigrer en Côte d'Ivoire en 1954. Au départ, Salim Fahrat avait
pour activité principale la commercialisation des matières
premières agricoles notamment le caoutchouc, la kola, arachides. Au
début des années 60, il monte sa première entreprise
«Fahrat & Frères« qui fut dépositaire de
la marque Honda159(*).
C'est plus tard, qu'il investit dans la production
agroalimentaire avec la création en 1966 de l'Industrie Réunie de
l'Afrique Noire (Iran). Cette oeuvre industrielle se poursuit dans les
années 1970 et 80 avec la création respective de la
Société nouvelle de Confiseries de Vridi (Sncv)160(*) en 1973 et celle de la
Fabrication d'Aliments en Côte d'Ivoire (Faci) en 1983. La Sncv En 1972,
l'on assiste à la création de la Société
Ivoirienne de Transformation du Bois et d'Agro-industrie (Sitbai) pour la
transformation du bois.161(*)
Il y a également la famille Abinader qui fait
partie intégrante des premières familles industrielles libanaise.
Antoine Abinader tout comme les autres patriarches des groupes industriels
arrive d'abord au Sénégal. Il y fait du commerce. Il immigre en
Côte d'Ivoire dans les années 50 au moment où
l'activité économique devenait prospère. Il met en place
en 1962 la société Abinader Et Fils. Elle est
spécialisée dans l'agro-alimentaire162(*). Ce groupe continua cette
oeuvre avec la création de différentes branches d'Abinader et
Fils. Il s'agit notamment de la Sapral en 1977, SopaL en 1979163(*). La Société
africaine des produits alimentaires (Sopal) dont le capital est 100 millions de
Francs CFA produit des chewing-gums de marque Hollywood164(*). Ce groupe industriel est un
modèle d'intégration à Bouaké. En effet, Roger
Abinader fils d'Antoine Abinader crée par la suite l'équipe
féminine de Handball, et assure même le parrainage de la
fédération de cyclisme de Côte d'Ivoire ce qui lui vaut le
prix de meilleur dirigeant du sport ivoirien en 1985 « Abinader,
un dirigeant qui gagne »165(*). Il existe enfin la famille Omais dont le chef de
file est Fouad Omais. Ce groupe constitue un des grands opérateurs
économiques industriels de cette communauté libanaise
établie en Côte d'Ivoire. Elle dispose d'une multitude
d'entreprises en Côte d'Ivoire (tableau n°5). Le groupe Omais-Khalil
dispose d'une multitude d'entreprises dans tous les secteurs
d'activités. Il s'agit entre autres de l'immobilier, du tourisme, du
commerce et des industries. L'on remarque le capital social des entreprises
varie de 50 à 450 millions de Francs CFA. Les entreprises industrielles
ont nécessité plus de nombreux capitaux dans leur constitution.
Il s'agit notamment de la Sotaci, Sotici, Embaci, Scci et Mici dont le capital
est respectivement 490, 360, 250 et 200 millions de Francs de CFA. Toutes ces
entreprises sont localisées d'Abidjan et surtout dans les
différentes zones industrielles.
Dans l'ensemble, ces groupes industriels libanais
investissent leurs capitaux dans le développement industriel de la
Côte d'Ivoire. A ces derniers, s'ajoutent les nouveaux immigrants
libanais. Ceux-ci apportent un coup d'accélérateur aux industries
libanaises en Côte d'Ivoire.
2-L'arrivée d'une nouvelle
génération d'industriels très qualifiés
La majorité des Libanais présents
en Afrique et particulièrement en Côte d'Ivoire pendant la
colonisation sont moins instruis. Ils savaient à écrire, lire
et calculer simplement. Ainsi, dans leurs différents commerces, on
trouvait le comptoir un style à bile et un cahier et les
éléments qui servaient à tenir la comptabilité
(tableau n°6). On y enregistrait les dépenses, les entrées
et sorties d'argent. En 1938, la population libano-syrienne en Côte
d'Ivoire était estimée à 513 personnes dans la colonie de
Côte d'Ivoire.166(*) En Afrique Occidentale, la population avoisine 1500
personnes. Ce recensement concerne tous les Syriens et Libanais vivant en
Afrique Occidentale. Les diplômes renseignés les diplômes de
l'enseignement général et ceux de l'enseignement professionnel et
technique. L'on observe que la proportion de Libanais et Syriens n'ayant pas
de diplômes est très forte (79,9%). Néanmoins la proportion
des Libanais ayant acquis au moins un diplôme est de 20,1%. Alors que le
pourcentage de Français et étrangers pour le seul certificat
d'étude primaire est plus de 30%. On retient que le taux d'instruction
de la population est assez faible.
Mais les fils de ces Libanais nés après
l'indépendance sont inscrits dan chef de services ou de la direction
générale. Cette présence à côté de
leurs parents apporte un certain dynamisme dans la production des unités
industrielles167(*). En
effet, les entreprises sortent de leur état de gestion artisanale et
archaïque pour adopter les traits d'un management plus moderne conforme
aux véritables entreprises industrielles.
Par ailleurs, le soutien de nouveaux immigrants venus
en Côte d'Ivoire a favorisé la diversification des
activités de leurs entreprises. Au départ, celles-ci
étaient spécialisées dans l'import-substitution
caractérisées généralement par la transformation
agroalimentaire. Elles sont désormais tournées vers une
véritable entreprise industrielle dotées de matériels
modernes et performants. Parmi ces progénitures des fondateurs de
l'industrie syro-libanaise, l'exemple de Jaber Bassim168(*) fait légion.
Après de brillantes études, il s'est mis au développement
des entreprises familiales et au service de la Côte d'Ivoire.169(*)
L'autre fait marquant dans cet exode massif des
Libanais en direction de la Côte d'Ivoire en 1975 du fait du conflit
armé est l'arrivée d'un type nouveau de Libanais en particulier
des industriels en 1975. Ces derniers selon Albert Bourgi sont de
véritables hommes d'affaires. Cependant, lorsqu'ils arrivent pour la
première fois, ils aident d'abord leurs compatriotes afin de
s'imprégner de l'environnement de l'économie ivoirienne. Ainsi,
ils s'associent avec leurs compatriotes anciennement établis en
Côte d'Ivoire ou avec les Ivoiriens ou bien avec les
Européens170(*).
Ces derniers qui sont les réfugiés de guerre refusent toute
volonté de retourner au pays. Ils envisagent de vivre et de
s'établir définitivement en Côte d'Ivoire. Cependant la
cohabitation entre ces derniers et les hôtes est très difficile.
En effet, aux yeux des anciens, ces nouveaux venus sont animés de
sentiments de guerre.
Tableau n°6 de proportion des Syro-Libanais
diplômés en
Afrique occidentale francophone en 1938 (%)
Diplômes
|
Libanais et Syriens
|
Français et étrangers
|
CEP
|
13,6
|
30,1
|
BEP
|
3,2
|
15,9
|
BAC
|
2,2
|
13,7
|
DES
|
0,4
|
6,5
|
CAP
|
0,3
|
6,2
|
AUTRES
|
0,4
|
3,0
|
SANS DIPLOMES
|
79,9
|
24,0
|
Source Jean BINET, « Les Libanais en
Afrique de l'Ouest » 1975, In Kroniek van Afrika ; p263
En plus des groupes industriels et de l'apparition
d'une nouvelle génération, on a aussi le rôle très
capital de L'État ivoirien.
3-L'exonération des entreprises
étrangères de taxes fiscales
La Côte d'Ivoire est un pays à
économie libérale. Cette volonté politique s'est
manifestée à la veille de l'indépendance
précisément en 1959 avec la mise en place du code
d'investissement. L'État accorde des faveurs aux investisseurs
étrangers171(*).
Cela se résume en trois substances : premièrement,
l'État dispense les entreprises étrangères d'impôt
d'installation pour une durée d'au moins 3 ans. En plus, il garantit aux
investisseurs de ne nationaliser leurs entreprises. Enfin, il accorde aux
étrangers la liberté de rapatriement des bénéfices
générés par leurs entreprises. Cette ouverture de la
Côte d'Ivoire sur l'étranger répondait à un objectif
capital.
Le voeu du gouvernement est de faire de la Côte
d'Ivoire, un pays émergent. Or à cette période, les
populations ivoiriennes non seulement étaient rurales, mais
également étaient économiquement très faibles. Car
l'État a un rôle multiple, l'État entrepreneur, et
planificateur de développement entend confier certaines de ses
tâches aux privés. Les Libanais saisissent cette
opportunité et mettent en place des sociétés
industrielles. Au moment où toute l'Afrique de l'Ouest est
marquée par un vent de nationalisme exacerbé à l'endroit
de l'occident et des Libanais172(*).
Par ailleurs, l'État voulait faire de la
Côte d'Ivoire, un pays où tout le monde trouve pour son propre
compte, c'est-à-dire une porte d'ouverture à toute personne qui
souhaite y investir. C'est pourquoi, dans ce code de 1959, la loi accordait
des faveurs à certaines entreprises dans plusieurs domaines
d'activités. Cette disposition de la loi concerne six secteurs
industriels.173(*) Il
s'agit de l'exonération temporaire d'impôt à la
création de ces différentes entreprises.174(*) Dans ce cas, le pays n'est
la chasse gardée de personne. En plus des acteurs industriels dont
bénéficient l'industrie libanaise, il y a également les
financements
B/ La disponibilité de ressources
financières et techniques au service des investissements industriels
libanais
Les entreprises libanaises
bénéficient des soutiens assez appréciables de
financements. Ces financements proviennent des aides de l'extérieur et
également des capitaux libanais. Ces soutiens essentiellement
européens sont financiers et techniques. Les entreprises libanaises
disposent également des capitaux provenant de l'épargne issue de
fonds et de capitaux de commerce.
1-L'épargne personnelle issue de fond
et de capitaux de commerce
L'introduction des Libanais dans l'industrie
ivoirienne s'est faite de façon progressive. Les Libanais ont suivi une
consécration lente et harmonieuse. Longtemps présents dans le
commerce de traite et des vivres, les opérateurs économiques
établis en Côte d'Ivoire pendant la colonisation
s'intéressent à partir de 1960 à l'industrie. Il s'agit
des familles Borro, Abinader, Fakhry et bien d'autres familles. Cependant, leur
engagement ne fut pas spectaculaire car ils n'abandonnent pas totalement leur
commerce de détail.
Ils s'investissent dans la distribution et surtout
dans l'industrie. Cette nouvelle ambition s'accompagne des soutiens financiers
importants. En effet, les Libanais se sont constitués d'énormes
fortunes de leurs commerces. Ces économies issues du commerce permettent
aux Libanais de s'engager résolument dans les industries. Ces
épargnes servent à financer l'achat du matériel
d'installation, de terrain, de construction ou la location du magasin et les
investissements.
Il faut noter qu'au début des années
1970, l'Afrique de l'Ouest connaît une régression importante. Au
niveau économique, alors qu'en Côte d'Ivoire, on assistait
à une croissance économique assez appréciable. Les pays
comme le Sénégal n'offraient aucune opportunité aux
investisseurs industriels libanais175(*). La plupart des riches commerçants libanais
affluent en Côte d'Ivoire. Dans ce lot, nombreux sont ceux qui
nourrissent l'idée de devenir futurs industriels. Ils arrivent en
Côte d'Ivoire avec toutes leurs fortunes issues du commerce. Ils
créent des industries à partir des années 1970. Car
à cette époque, le marché ivoirien offrait de multiples
possibilités. Ainsi les Libanais profitent de cette aubaine et
investissent dans les secteurs industriels du pays.
2-Le soutien technique
français
Les Libanais bénéficient aussi de
l'apport important des Européens en particulier des Français.
Cette assistance française s'explique par le soutien technique et
financier. Les Français participent à l'éclosion
industrielle des Libanais. Cette implication des Français dans
l'activité industrielle est d'abord technique. Les techniciens apportent
leurs expertises aux industriels libanais. Ce concours redynamise les
activités industrielles libanaises. Les entreprises qui étaient
autrefois artisanales par cet apport technique se modernisent davantage. Elles
prennent l'ossature de véritables sociétés industrielles.
L'exemple du groupe Fakhry est assez exemplaire. Il a sollicité
l'assistance d'une cinquantaine d'administrateurs et de techniciens
européens176(*)
notamment français dont ils louèrent les services. Cet apport
technique a permis à la Société Africaine de Bonneterie du
groupe Fakhry de connaître un essor effroyable dans les années
1970.
Le soutien des Français ne se limite pas seulement
à ce niveau. Les Libanais reçoivent des Français un
soutien financier important. Ces apports financiers proviennent de plusieurs
sources. On a d'abord la participation des Français à la
constitution du capital des sociétés libanaises177(*). En effet, les
français ont confiance aux Libanais grâce à leur
capacité de réussite et à leur savoir faire. Pour cela,
ils accordent facilement des crédits aux Libanais car ils ont la ferme
certitude que ces derniers peuvent en faire un bon usage.
En dehors de cet aspect, les Français s'associent aux
capitaux des Libanais. C'est ainsi que naissent des entreprises mixtes dont la
gestion est confiée aux Libanais. Enfin, ils bénéficient
aussi de l'assistance financière des banques françaises. Les
banques financent les projets d'activités industrielles des
Libanais178(*).
La consécration des Libanais dans
l'industrie repose sur des socles financiers et humains solides. Ainsi, ces
socles permettent aux Libanais d'être présents dans l'industrie.
Ils investissent leurs capitaux dans de nombreuses branches industrielles en
Côte d'Ivoire.
II-Les principales branches d'industries
des Libanais de 1970 à 1980 : le développement de
l'industrie plastique et métallique
L'engagement libanais dans les industries ivoiriennes
entre 1970 et 1980 prend une tournure importante. Il est
caractérisé par la présence des capitaux libanais dans
tous les secteurs industriels. Ces capitaux libanais sont investis dans les
industries des objets chaussants et des plastiques.
A/ La période de gloire de l'industrie
plastique à partir de 1970
Ce secteur est en plein développement. Il a
trait à la fabrication d'articles ménagers en plastique Les
capitaux libanais sont importants dans l'industrie ivoirienne en
général et en particulier dans les industries plastiques. Au
début des années 1960, trois entreprises assurent la fabrication
de ces produits. Entre 1970 et 1980, les Libanais créent de nouvelles
entreprises plastiques. Cela leur donne de disposer d'une position dominante
dans cette branche industrielle. Parmi ces entreprises, la plus importante et
dynamique est la Société de Transformation Industrielle du
caoutchouc ivoirien (Sotici)
Les investissements libanais dans l'industrie
ivoirienne sont importants entre 1970 et 1980. Ils sont concentrés dans
certaines branches. En effet, il existe des branches qui sont dévolues
à l'État Ivoirien. Ils concernent généralement des
secteurs qui nécessitent des investissements très lourds. Il y a
aussi des secteurs qui sont très stratégiques. Ce sont les
secteurs de l'eau, de l'électricité et les mines. Au niveau de
l'extraction des minerais et des minéraux, selon le bilan de
l'activité industrielle par secteurs en 1978-1979, la valeur des
investissements cumulés, était 525 millions de francs CFA. Ces
investissements proviennent de l'État et de la Multinationale qui avait
en charge l'exploitation de la mine de Tortya179(*).
Les Libanais quant eux, ils investissent dans les
branches qui n'exigent pas des financements moins lourds. Les branches
industrielles de prédilection sont multiples. L'une de leurs branches
industrielles est l'industrie des plastiques et des objets chaussants.
L'industrie plastique concerne toutes les unités industrielles qui
entrent dans la transformation du latex pour en faire un produit fini
destiné à la sous-traitance.
Les industries plastiques connaissent un essor à
partir de 1970. C'est dans ce cadre que Le Groupe Omais-Khalil mit en place
en 1973 à la zone industrielle de Koumassi la Société de
Transformation Industrielle du Caoutchouc Ivoirien (Sotici). Son capital est de
360 millions de Francs CFA.180(*) Elle emploie plus de 140 personnes dont 113
Ivoiriens. Elle réalise un chiffre d'affaires de 2,4 milliards de
Francs CFA dont 95% en Côte d'Ivoire et le reste dans les pays de la Sous
région. 181(*)La
Sotici produit toute sorte de produits d'origine plastique. Il y a d'abord les
récipients en caoutchouc. Elle fabrique également,
«les tubes en PVC rapides de diamètre 12 cm, 500 mm
«qui sont destinés à l'assainissement et à
l'adduction d'eau. En outre, la Sotici produit «les gains pour
les câbles téléphoniques et les raccords moulés en
polyéthylène.182(*) La Sotici a joué un grand rôle dans
l'industrie plastique et son mérite dépasse les
frontières de la Côte d'Ivoire. Elle dessert non seulement le
marché ivoirien mais également toute l'Afrique de
l'Ouest183(*).
Il faut noter que le groupe Omais-Khalil
bénéficie de l'assistance technique des grandes
sociétés européennes avec lesquelles il s'est
associé : ce sont particulièrement le groupe Alphacan du
groupe ELF-Aquitaine et Valorance184(*). Ce soutien a permis à ce groupe de faire de
cette entreprise des Omais une véritable entreprise industrielle. Car au
départ elle importait des matières premières et fabrique
du compound185(*)
destiné à la fabrication des chaussures et des objets plastique
tels que les flacons, les tubes et les câbles. La Sotici produit
également les matériels d'emballages plastiques destinés
aux industries et les sachets et les bâches en plastique.
En dehors de la Sotici, le groupe Omais crée par
la suite les entreprises telles que la Société de Compoundage de
Côte d'Ivoire (Scci)186(*) et la STPBMCI. La Scci est la plus importante
structure qui compte parmi les grosses sociétés mondiales de
Compoundage. Son capital est 200 millions de Francs CFA. Elle est
implantée à Vridi en zone industrielle187(*). Elle réalise un
chiffre d'affaires de plus de 8 milliards de Francs emploie une soixantaine de
personnes.188(*) Au
départ elle était une société qui est née de
l'association des actions de plusieurs actionnaires. Depuis 1974, elle
appartient entièrement au groupe Khalil-Omais. 80% de sa production est
utilisé pour la fabrication de chaussures et 20% à la fabrication
du tube Pvc et de câbles189(*). En 1980, la Scci a produit plus de 1200 tonnes de
compound par mois. Cependant la crise économique de 1980 a fait chuter
les productions car les demandes étaient essentiellement faibles. C'est
de la Scci que furent créées en 1974, les entreprises de
fabrication de chaussures telles que Sosplast qui est le leader ivoirien de
fabrication de chaussures en plastique. C'est cette présence des
Libanais qui a fait de l'industrie ivoirienne de la chaussure la plus dynamique
de l'Afrique de l'ouest.
Selon le Ministère de l'économie de
1978 à 1979, le Liban occupait la deuxième place des
investissements dans ce secteur derrière la France. Les investissements
libanais étaient cumulés à 298 millions de Francs CFA
(tableau n°7). Alors que ceux de la France étaient
évalués à 318 millions de Francs CFA. On note une
présence non moins importante des pays tels que Hong-Kong dont
l'investissement est évalué à 27 millions de CFA190(*). Cette implication dans
cette industrie concerne les industries du cuir.
Dans l'ensemble, les Libanais ont fortement investi dans
le secteur du plastique ce qui leur vaut ce deuxième rang. Les Libanais
sont également présents dans l'industrie métallique et
dans l'industrie agroalimentaire
Tableau N°7 Répartition des
investissements par nationalité dans les industries duCuir et articles
chaussants en million de CFA
Pays
|
Part en milliers de FCFA
|
France
|
318
|
Liban*
|
298
|
Canada
|
177
|
Grande Bretagne
|
48
|
Privés Ivoiriens
|
35
|
Hong-Kong
|
27
|
Ghana
|
20
|
Maroc
|
1
|
Total
|
924
|
Source : Ministère de l'Economie des
Finances et du Plan, Côte d'Ivoire en Côte d'Ivoire ;
80-81, p199
B/ Une place dominante dans l'industrie métallique
et alimentaire à partir de 1970
Les investissements libanais ne se limitent pas aux
industries plastiques et au commerce. Les Libanais continuent d'investir dans
les secteurs industriels tels que l'industrie agroalimentaire et les industries
métalliques entre 1970 et 1980. Cette présence libanaise dans ces
branches industrielles prend un tournant important pendant cette
période.
1-La croissance des investissements libanais dans les
industries métalliques.
Dans la première décennie de
l'indépendance l'industrie de transformation du métal
était moins développée. Les quelques unités de
production était essentiellement des industries d'imports substitution.
De plus, elles n'étaient pas de véritables entreprises même
si elles approvisionnaient le marché local ainsi que celui de la sous
région. Cependant la période 1970-80 sonne un déclic. On
assiste à l'apparition de véritables entreprises. C'est dans
cette perspective que les Libanais mettent en place de véritables
industries de transformation de métaux. Il s'agit notamment de la
Sotaci191(*). Elle fut
créée en 1974. Elle est la propriété du groupe
Omais-Khalil. Elle est spécialisée dans la fabrication des
matériaux de construction. Elle produit des tôles en aluminium,
des pointes en acier, des fers à béton. En outre, les Libanais
disposent d'autres entreprise qui fabrique des objets simples en métaux
que sont, Ivoiral, Miam, Mecanembal192(*). Elles fabriquent des ustensiles de cuisine tels que
les marmites, les assiettes, et autres. Cet engagement libanais se
vérifie par une position très honorable dans la branche des
métaux (tableau N°8).
Tableau N°8 de répartition des
investissements par nationalité dans les industries des métaux
1979
Pays
|
Part en millions de FCFA
|
France
|
4925
|
Privés ivoiriens
|
1133
|
USA
|
849
|
Etat ivoirien
|
738
|
Liban*
|
235
|
Japon
|
169
|
Hong-Kong
|
168
|
Italie
|
40
|
Belgique
|
28
|
Luxemburg
|
25
|
Divers
|
241
|
Total
|
8551
|
Source : Ministère de l'Economie des
Finances et du Plan, Côte d'Ivoire en chiffres, 80-81,
pp199
En dehors de cette présence libanaise dans
les industries métalliques, cette communauté dispose d'une part
importante de ses capitaux au service des industries agroalimentaires de la
Côte d'Ivoire. Les Libanais constituent un apport important pour cette
branche de l'industrie ivoirienne.
Ainsi, on les retrouve dans tous les secteurs des industries
alimentaires. A cet effet, au niveau de ce secteur, les investissements
libanais s'évaluent à environ 72 millions francs CFA sur un
investissement global de 5,571 milliards de CFA.193(*)
En outre, au niveau des industries de conservation et
de préparations alimentaires, le poids libanais est important. Cette
branche des industries alimentaires concerne toutes les activités
industrielles qui entrent dans la transformation des matières
premières agricoles en produits finis prêts à la
consommation. La part libanaise dans ce secteur industriel est estimée
à environ 230 millions de francs CFA sur des investissements globaux
annuels de 11,564 milliards de CFA.194(*)
Enfin, les Libanais sont présents dans la fabrication
des boissons et glace alimentaire. A cet effet, les capitaux libanais
représentent 120 millions de francs CFA195(*). Au niveau des boissons,
selon Alain Dubresson, les capitaux libanais sont estimés à
6,5%196(*). Ainsi, donc
les Libanais sont dynamiques dans les industries alimentaires.
2-Le poids global des investissements libanais
en 1979
Les Libanais font partie prenante dans l'industrie
ivoirienne. Ils occupent le 4 ème rang dans l'industrie ivoirienne. Les
investissements globaux sont estimés à 3,092 milliard de Francs
CFA (tableau n°9), soit une proportion de 2,46%.197(*) L'ensemble des
investissements libanais dans l'économie ivoirienne au cours cette
période semble être plus important vu la part croissante des
capitaux des privés ivoiriens. 1,4988 milliards de Francs de CFA ne
représentent pas seulement des capitaux d'origine ivoirienne. En effet,
il existe des entreprises qui pour une raison ou une autre sont
enregistrées en tant qu'entreprises ivoiriennes.198(*) Cette participation
libanaise concerne plus de 1241 entreprises industrielles199(*). Ces entreprises libanaises
selon Aly Coulibaly emploient au total 6538 personnes en 1978. Plus de la
moitié de ces entreprises, c'est à dire 61% ont un effectif
inférieur ou égal à deux employés. 30% ont leurs
effectifs compris entre 3 et 10 employés ; 6.6% ont quant à
elles un effectif entre 11 et 50 employés et 1,6% ont un effectif
supérieur à 50 employés. Parmi ces employés, cette
repartions fait apparaître une prédominance des ivoirien soit 60%
et les africains non ivoiriens représentent 28% du personnel200(*).
.
Tableau N°9 Répartition du capital
social des entreprises par pays d'origine en millions de CFA
|
Part en millions
|
Part en %
|
Etat ivoirien
|
36975
|
32,38%
|
Privés ivoiriens
|
14988
|
13,19%
|
France
|
36299
|
31,94%
|
Suisse
|
6239
|
5,49%
|
Etats Unis
|
3276
|
2,88%
|
Liban*
|
3092
|
2,46%
|
Source : Ministère de l'Economie, des
Finances et du Plan, Côte d'Ivoire en chiffres 80-81, p198
Au total, entre 1970 et 1980, les Libanais
procèdent à la diversification totale de leur présence
économique en Côte d'Ivoire. Au niveau du commerce, pour
être compétitifs et productifs, les Libanais investissent dans la
grande distribution et des services. Ensuite, ils s'engagent de manière
totale dans l'industrie ivoirienne. A la fin des années 1970, les
capitaux libanais étaient l'un des plus importants dans
l'économie ivoirienne. De 1970 à 1980, les Libanais sont
fortement présents dans l'industrie ivoirienne. Ils poursuivent cette
participation active au service de l'économie de la Côte d'Ivoire
dans la période 1980-2001.
TROISIEME PARTIE
LA PART CROISSANTE DES INVESTISSEMENTS LIBANAIS DANS
LA VIE ECONOMIQUE DE LA COTE D'IVOIRE A PARTIR DE 1980
La présence libanaise dans
l'économie ivoirienne est progressive. La décennie 1970 est la
phase de la reconversion totale de cette communauté dans
l'économie ivoirienne. Quant à la période 1980-2001, elle
est caractérisée à la fois par une situation de crise
socio économique sans précédent avec son corollaire de
fermeture des entreprises et de la mévente des matières
premières agricoles sur le marché international. Cette situation
n'ébranle point l'ardeur des Libanais. Au contraire, elle suscite en
eux un orgueil qui permet non seulement de conforter leur position, mais
également d'étendre leur présence économique en
Côte d'Ivoire.
CHAPITRE I : LE DEVELOPPEMENT DES INDUSTRIES
COSMETIQUES, IMPRIMERIES ET DE LA DISTRIBUTION
Si la décennie 1970 est une période faste de
l'économie ivoirienne, cette situation ne se poursuit pas dans les
années 1980. Les Libanais qui ont amorcé un engagement total dans
le développement industriel de la Côte d'Ivoire continuent
d'étendre leur présence dans cette dernière. C'est dans
cette perspective que les Libanais s'intéressent aux industries
cosmétiques et aux imprimeries. A cela s'ajoute leur mainmise sur la
distribution.
I-D'importants investissements au service des
industries cosmétiques
La période 1980-1990 est
caractérisée par l'abandon progressif des grands centres
commerciaux au profit de la ville d'Abidjan et de ses banlieues des
opérateurs économiques notamment les Libanais. C'est le cas par
exemple de la ville de Bouaké qui comptait en 1975 334 ressortissants
Libanais n'abritait que seulement 186201(*). Ces derniers se concentrent à Treichville
et surtout à Adjamé. En effet Adjamé accueille à
lui seul 38 % des populations libanaises à Abidjan.202(*) Les Libanais sont à
la fois de véritables commerçants et industriels. A ce titre,
ils ont joué un rôle important dans le développement
industriel de la Côte d'Ivoire.
L'industrie des cosmétiques et d'autres
produits de beauté fait partie des secteurs industriels qui ont connu
un développement tardif en Côte d'Ivoire. En effet, jusqu'à
la fin des années 1970, la Côte d'Ivoire ne disposait pas encore
de véritables entreprises industrielles dans ce secteur. Ainsi, ce
secteur des produits de beauté étaient dominés par les
importations. Cependant, au début des années 1980, on assiste aux
fortes productions des fabriques nationales.
A/ La situation du secteur
cosmétique avant 1980
Le secteur des produits de beauté est
l'une des branches industrielles peu développées
jusqu'à la fin des 1970. Les activités des industries
cosmétiques étaient tournées plus vers les importations
des produits européens. Cependant, ces articles de la cosmétique
et de beauté connaissent une consommation importante des ménages
ivoiriens.
Ainsi donc, ce secteur est loin d'attirer les
Ivoiriens. Or, les Ivoiriens en particulier les femmes sont très
friandes de ces produits. Elles fréquentent à longueur de
journée les magasins tenus pour la plupart par les Libanais. Peu sont
les Ivoiriennes qui détiennent des points de vente des produits de
beauté. Il faut aussi noter que les parfums, les pommades sont
utilisés pour le soin des nouveau-nés. Ces produits proviennent
de l'extérieur en l'occurrence de l'Europe.
Jusqu'en 1980, les industries cosmétiques ne
sont pas encore développées ou sont quasiment inexistantes. Le
marché national est totalement dépendant des industries
européennes. Les entreprises disposent à cet effet des filiales
en Afrique et en particulier en Côte d'Ivoire. Ces succursales sont la
propriété de groupes européens et libanais qui se chargent
de faire la distribution. Parmi ces groupes libanais, la famille Gandour est
l'une des figures emblématiques qui se livrent au commerce des produits
cosmétiques. Le groupe Gandour a fait de ce secteur une activité
de prédilection. Cette structure commerciale est purement une
entreprise d'import-export.
A cet effet, elle importe les produits auprès
des entreprises européennes notamment françaises. C'est à
juste titre que ce groupe assure l'approvisionnement du marché local et
aussi du marché régional en particulier les pays de
l'hinterland203(*).
Cette dépendance de l'extérieur s'étend en 1980. C'est au
cours des années 1980, que ces filiales européennes deviennent de
véritables entreprises dont la plus importante est la Parfumerie Gandour
de Côte d'Ivoire (Pgci).
B/L'émergence du groupe industriel Gandour
à partir de 1980
Les industries cosmétiques ivoiriennes et des
parfumeries connaissent leur véritable essor dans les années
1980. Elles réduisent ainsi les dépendances à
l'égard de l'extérieur.
Les industries ivoiriennes des cosmétiques
sont pour la plupart des industries de substitution. En effet, elles importent
les produits semi-finis soit sous la forme solide, soit sous la forme liquide.
Ils proviennent essentiellement de la France et d'Asie. Ce sont des colorants,
de la glycérine, des huiles, des crèmes et bien d'autres produits
de beauté. Ils subissent des transformations prêtes à la
consommation des populations. Cependant, souvent, les produits arrivent en
Côte d'Ivoire prêts à la consommation et les entreprises
ivoiriennes ne procèdent qu'à leur mise en boite ou à leur
emballage. Ces fabriques nationales sont en majorité libanaises. Elles
sont dominées par 4 principales entreprises. Il s'agit de la Parfumerie
Gandour de Côte d'Ivoire (Pgci) de la Société Ivoirienne
des Parfums et des Cosmétiques (Siparco), de la G.D.K.CI et de la
Société Ivoirienne des Parfums (Sivop).
En 1989, le secteur des produits de beauté
regroupe une vingtaine de sociétés productrices.
L'émancipation des entreprises cosmétiques commence
réellement en 1980. Gandour est originaire du Liban du Sud. Il arrive
comme tous les autres ressortissants libanais au Sénégal à
la fin des années 1920. Il s'installe à Dakar où il
s'adonne au commerce. En 1964, il rachète à Dakar une petite
parfumerie alors en faillite. C'est en 1977 que son fils, El Gandour Nahmoud
crée la Parfumerie Gandour de Côte d'Ivoire (Pgci) à
Yopougon. En ses débuts, la Pgci disposait d'un capital de 10millions
de Francs CFA. En 1979, elle a réalisé un chiffre d'affaires
hors taxe de plus 89,200 millions de Francs CFA. Cette unité de
production débute ses activités avec seulement 60
employés dont 54 sont Ivoiriens. Elle fabrique et commercialise des
« parfums, talcs, crèmes, pommades, vernis
à ongles » et d'autres produits de beauté.
204(*) Il s'agit
essentiellement de produits de bas et moyen de gamme, plus adaptés aux
besoins de la population .205(*). Cette entreprise connait un son essor à
partir de 1985. En effet, entre 1985 et 1990, d'abord, son chiffre d'affaires
a connu une forte hausse, soit 350 millions de Francs de CFA. Elle
représente par ailleurs les marques européennes notamment
« Eau de Vendôme, Gentilys, Horizon, Caresse, Harlem,
Joanna, Seyfu » et bien d'autres marques.206(*)
Cette croissance des affaires permet de
disposer des succursales un peu partout en Afrique et même en France.
La succursale implantée en France depuis 1990 est destinée
à l'alimentation du marché local français et aussi
l'approvisionnement des pays du Moyen-Orient et les pays de l'Afrique de
l'Est. Le groupe Gandour a conquis le marché de l'Afrique subsaharienne.
D'abord, il a installé des filiales en Afrique. C'est
dans cette optique que furent créés respectivement en 1982,
Gandour Cameroun précisément à Douala et en 1982 Gandour
Kinshasa. Ensuite, il exporte entre 65 et 70% de sa production vers les pays de
la sous-région notamment le Mali, la Guinée, le Benin, le
Nigéria et dans bien d'autres pays africains207(*). Dans ces pays, ce groupe
dispose des magasins et des supérettes qui assurent la commercialisation
de ces produits. Aussi, la production du Groupe couvre t-elle 60% du
marché local208(*).
En dehors de la Pgci, le groupe Gandour a mis en
place deux véritables entreprises dans le même secteur. Nous
avons d'abord, la (Société Ivoirienne de Parfumerie de
Côte d'Ivoire (Sivop). Elle a également son siège à
la zone industrielle de Yopougon. Elle est spécialisée dans la
fabrication des produits de beauté destinés essentiellement aux
femmes. Ce sont les mèches, les crèmes, les huiles. Elle est
très dynamique. En effet, selon les données de la Banque des
Données Financières, la Sivop disposait en 1991 d'un capital de
80 millions de francs CFA avec un chiffre d'affaires de 1,356 milliard de
francs CFA. Elle employait 158 personnes.209(*)
En plus de ces deux entreprises, il y a également
la G.D.K-CI. Elle est très performante. En ce sens qu'elle a
réalisé un chiffre d'affaires de 1,690 milliard210(*)de francs CFA. Alors qu'elle
n'emploie que 100 personnes. Ce dynamisme du Groupe Gandour dans ce secteur
fait de lui le plus grand opérateur industriel libanais en Côte
d'Ivoire.
En dehors des entreprises du groupe Gandour, nous avons
d'autres entreprises libanaises. Il s'agit la Siparco,-ci. La Siparco-ci est
très importante dans le secteur des cosmétiques. Elle
était le grand opérateur du milieu. En effet, en 1980, elle
disposait d'un capital de 60 millions de francs de CFA alors que le groupe
Gandour n'en avait que 10 millions de francs CFA.211(*) Le capital de la Siparco-ci
n'a pourtant pas subi une hausse. Ce qui signifie qu'aucun investissement n'a
été effectué. Néanmoins, le chiffre d'affaires a
connu une hausse élogieuse au fil des années comme l'atteste ces
données statistiques des chambres consulaires de Côte
d'Ivoire : de 865 millions de francs CFA en 1985, on est passé
à 1,132 milliards en 1990, soit une augmentation de 267 millions de
francs en cinq ans212(*). Quant aux employés de cette entreprise,
l'effectif n'a pas varié soit 99 personnes.213(*)
L'industrie des cosmétiques dominée
autrefois par les importations connait un développement remarquable dans
la première décennie des années et ce malgré la
persistance de la crise économique. Les Libanais sont maîtres de
cette branche économique soit une part de 24% en 1990.214(*) Une part qui semble
toutefois faible dans la mesure où elle ne prend pas en compte toute la
communauté libanaise. Elle se base sur le critère de
nationalité en ignorant les libanais touts courts.
En définitive, on retient que le poids des
investissements libanais nous paraît très important par rapport
au dynamisme du seul Groupe Gandour.
II- Le développement des industries de
papeteries et des imprimeries
Tout comme le secteur des produits de beauté, les
industries de papeteries et des imprimeries n'ont pas connu un essor en
Côte d'Ivoire durant les deux premières décennies de
l'indépendance. Elles étaient quasiment inexistantes au
début des années 1980. La couverture du marché national
était essentiellement réservée aux produits
étrangers .Cependant, la décennie 1980 marque le déclic de
ce secteur.
A/ La situation du secteur de l'emballage et
de l'imprimerie
Le secteur de l'emballage et de l'imprimerie présente
un caractère extraverti et une faible production avant 1980. La
Côte d'Ivoire ne disposait pas d'entreprises capables de satisfaire le
marché local et sous-régional. Au niveau de la presse, il existe
un seul organe de presse. C'était le quotidien «Fraternité
matin« créé en 1961. Lequel quotidien est non seulement la
propriété de l'Etat de Côte d'Ivoire, mais aussi du
Pdci-rda. Ce groupe dispose d'une entreprise d'édition et de
distribution dénommée Société de Presse et
d'Edition de la Côte d'Ivoire (Speci)215(*). C'est la Speci qui avait la responsabilité
d'imprimer les 20 mille exemplaires de ce quotidien et de les distribuer sur
le marché. Quant au journal officiel de la République, son
impression et son édition étaient l'affaire de l'Imprimerie
Nationale. Il paraît tous les jeudis et publies les décisions
importantes de l'Etat de Côte d'Ivoire. Outre, le journal officiel
qu'édite l'imprimerie Nationale, il y a également les documents
administratifs tels que les bordereaux, les documents électoraux et bien
d'autres documents administratifs.
L'impression des livres et cahiers216(*) ne s'effectuait point en
Côte d'Ivoire217(*). En effet, il n'existait pas d'imprimerie capable
d'assurer cette tâche en dépit de la fusion par la Côte
d'Ivoire, le Sénégal et le Togo de les Nouvelles Editions
Africaines (Nea). Les impressions de ces produits de cet éditeur sont
réalisées à l'extérieur. Les Nouvelles Editions
Africaines convoient les maquettes des fournitures scolaires en France pour
qu'elles puissent être imprimées. L'Etat sollicitait de
l'expertise des entreprises françaises pour la confection de ces
fournitures.
Bien que leurs productions fussent infimes et
singularisées par les imprimés et les brochures publicitaires,
les imprimeries installées en Côte d'Ivoire ont
réalisé un chiffre d'affaires impressionnant en 1971 de 1,25
milliard de francs CFA.218(*) Leurs ventes sont essentiellement
réalisées sur le marché national.
Selon le Ministère de l'économie, des
Finances et du plan, les investissements cumulés au niveau des
imprimeries s'évaluaient à 1,933 milliard de francs CFA219(*). La part de la France
était estimée à 802 millions de francs CFA, soit 41,49
%220(*). Les entreprises
françaises sont au nombre de 26. 221(*)
Quant à la part de l'Etat ivoirien dans ce
secteur, elle n'est que 448 millions de francs CFA. A cela s'ajoute la
présence très modeste du Liban. Elle est évaluée
à 155 millions de francs CFA. En effet, cette implication syro-libanaise
se manifeste par les importations des matériels de conditionnement, de
la cartonnerie et de l'emballage plastique des productions industrielles.
En définitive, on retient que tout comme les
autres branches économiques, l'industrie des imprimeries ivoiriennes est
nettement dominées par la France que ce soient les importations et la
présence des entreprises en Côte d'Ivoire. Cependant, la
décennie 1980 marque l'éclosion de la communauté
syro-libanaise dans ce secteur industriel.
B/ L'essor des Libanais dans l'industrie des
imprimeries
Pendant les deux premières décennies de
l'indépendance, le secteur des imprimeries était moins
développé et confiné dans les mains des entreprises
européennes. Cependant, la période 1980 marque le
développement des imprimeries en dépit de la situation
catastrophique de l'économie ivoirienne. Elle est
caractérisée par la prédominance des Libanais dans ce
secteur avec pour chef de file des entreprises libanaises l'Embaci.
1-La position dominante de l'Embaci dans
l'industrie de l'emballage
Le secteur de l'emballage représente un des plus
gros marchés de l'industrie du papier en Côte d'Ivoire. Il est
dominé par trois principales entreprises dans ce domaine. Il s'agit de
la Société Nouvelle Abidjanaise de Carton Ondulé
(Sonaco), la Manufacture de l'emballage de Côte d'Ivoire (Embaci) et la
Société ivoirienne de l'emballage (Sivem). L'Embaci est la
propriété du groupe industriel libanais Omais. Elle est la plus
importante entreprise libanaise du secteur.
Au plan national, elle vient en deuxième
position après la Sonaco. Créée en 1981, l'Embaci produit
des cartons ondulés. Elle est essentiellement tournée vers les
conditionnements. Ces conditionnements sont destinés aux entreprises
locales. En 1990, elle employait 85 personnes et réalisait un chiffre
d'affaires de 2,45 milliards de francs CFA. La remarquable percée de
«Embaci« est notifiée par Marchés Tropicaux222(*) dans l'un de ses
suppléments : « en Côte d'Ivoire, Embaci
qui est dirigée par la famille libanaise des Omais produit environ 6
mille tonnes de carton ondulés ».
En plus d'Embaci, il existe des entreprises dont
les capitaux sont franco-ivoiriens. Il y a entre autres la
Société Ivoirienne de l'Emballage (Sivem) créée en
1976 appartenant à Anet Bilé et des industriels français.
Le capital de la Sivem est 160 millions de Francs CFA. Elle est
spécialisée dans la fabrication de sacs en papier pour
l'ensachage du ciment, de la farine, du cacao ou du sucre à partir de 6
mille tonnes de papier kraft223(*) importé en rouleaux. Elle est d'ailleurs la
seule unité à traiter ce papier destiné à la
fabrication de sacs en papier. Son chiffre d'affaires s'élevait à
environ 1, 8 milliard de Francs CFA.224(*) La Sivem exporte ses produits vers les pays de la
sous- région.
Il y a également la Sonaco qui est la
propriété d'un groupe franco-ivoirien. La Sonaco est la plus
grande entreprise du milieu. Bien qu'elle soit créée en 1988,
elle domine ce secteur de l'emballage. Sa production de l'année 1990
est dans l'ordre de 40 mille tonnes de cartons ondulés. Elle employait
425 salariés et réalisait un chiffre d'affaires estimé
à 11 milliards de francs CFA.225(*) Elle détient le monopole du conditionnement
des bananes.226(*)
2-L'imprimerie et la fabrication d'articles de
papeterie
Le secteur de l'imprimerie et de la papeterie jusqu'en
1990 n'était pas encore développée. Néanmoins, dans
ce domaine, la Côte d'Ivoire est l'un des pays les mieux
équipés de la Sous région. L'imprimerie industrielle
représente un marché estimé à environ 9 milliards
Francs CFA. La Côte d'Ivoire importe environ 20 mille tonnes de papiers
par année. On dénombre une douzaine d'imprimeries de grande
capacité.227(*)
Toutes ces entreprises appartiennent aux Français et surtout aux
Libanais. La seule entreprise ivoirienne du secteur est Unipaci228(*). Il faut noter aussi que
l'imprimerie s'occupe de la presse. En effet de 1961 jusqu'au retour du
multipartisme en Côte d'Ivoire en 1990, la presse ivoirienne
écrite locale était représentée par le seul groupe
Fraternité matin. Il éditait à ce effet le seul
périodique l'hebdomadaire «Ivoire Hebdo«.
Au niveau de la papeterie, on note la mainmise encore
des Libanais. Il s'agit des entreprises comme la Safica, Imprisud, Abidjan
continu. On y trouve d'autres entreprises telles que la Pagena, la Presse
Impression continu Abidjanaise et Imprimerie du Plateau et Ray-O-Print.
Quant au «packaging«,229(*) en dépit de
l'omniprésence de les 3I ou Imprimerie Industrielle Ivoirienne du groupe
Bolloré et Unipaci, l'on observe une implication remarquable de deux
sociétés libanaises du groupe Omais230(*). Il s'agit de la Manufacture
d'Imprimerie et de Cartonnage de Côte d'Ivoire (Mici) et de la CPI. En
effet, la crise économique qui affecte les entreprises n'est pas faite
pour aider ce secteur. On note la surproduction des entreprises. Elles
n'arrivent pas à écouler leurs marchandises. En outre, il y a la
concurrence déloyale. L'on note également les importations
sauvages et surtout l'entrée frauduleuse des produits étrangers
d'imprimerie sur le territoire national231(*). Ces pratiques constituent un manque à gagner
pour les entreprises du secteur.
En dehors de ces grandes entreprises, nous avons
également d'autres petites et moyennes entreprises syro-libanaises dans
ce secteur industriel qui ont pris une part active dans cette industrie. Il
s'agit entre autres de Papigraph-ci232(*). Cette Petite et Moyenne Entreprise a
été créée en 1984 à Daloa. Elle est la
propriété du Franco-libanais Nasrallah Chahine. La
Société des Papiers et des Graphiques de Côte d'Ivoire
(Papigraph-ci) est spécialisée dans la fourniture du papier, du
carton, des encres, des machines et autres matériels d'imprimeries.
Elle représente en Côte d'Ivoire de prestigieuses marques et
dispose d'un département Papèteries et fournitures scolaires
d'une gamme extrêmement variée. Sa position et l'étendue de
son domaine d'intervention lui confèrent un leadership incontestable. En
effet, Papigraph-CI a des ramifications qui s'étendent aux pays
limitrophes à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Cette
société fait face à la crise en déployant des
efforts louables et participe à sa manière de
développement l'économie du pays. Cette entreprise fait de la
politique de l'emploi une priorité. C'est à juste titre qu'elle
emploie une trentaine de personnes qui sont soit des employés à
temps complet, soit des contractuels
Au total, on observe que les Libanais sont très
dynamiques dans les imprimeries. Ils ont usé de tous les moyens pour
rendre ce secteur moderne et l`un des plus performants en Afrique de l'Ouest
francophone. En plus des industries de l'imprimerie et des papeteries dans
lesquelles les Libanais sont fortement présents, ils détiennent
une place importante dans la filière textile.
III- La prédominance libanaise dans le textile
et l'habillement entre 1980 et 1990
Au lendemain de l'indépendance, la
présence des Libanais dans l'industrie textile était purement
caractérisée par des petites et moyennes industries
tournées essentiellement vers les importations, mais dynamiques. Entre
1970 et 1980, ces entreprises font appel à l'expertise des
Européens. Cela entraine la redynamisation totale de cette industrie
à partir de 1980. Ce qui lui vaut une position remarquable dans la
distribution.
A/ Le secteur textile : un domaine de
prédilection des Libanais
La branche textile fait partie du tissu industriel
parmi lequel foisonnent les Libanais. La période 1980-1990 marque
l'essor de la Société Africaine de Bonneterie dans le textile.
L'on note également l'apparition du Challenger qui est aussi une
entreprise importante de cette industrie. La position dominante de cette
communauté libanaise se trouve aussi dans la création d'une
multiplicité de petites et moyennes entreprises.
1-L'omniprésence de la Sab dans le
secteur
Le secteur textile constitue un domaine de
prédilection pour les entrepreneurs libanais. Ils sont
représentés par le Groupe industriel Fakhry et des unités
de petites tailles dont les activités sont les importations, et le
tricotage et la teinture.
Le groupe Fakhry est très dynamique dans le
secteur du textile et de l'habillement. En effet, l'entreprise de Fakhry dans
ce domaine remonte depuis la première décennie de
l'indépendance avec la création de la Société
Africaine de Bonneterie233(*) Cette industrie connait un succès remarquable
depuis la deuxième moitié des années 1970 avec le soutien
du groupe Blue Bell. Ce progrès de la Sab ne s'arrête pas en
1980, il se poursuit. Son capital s'est énormément accru. Alors
qu'en 1975, il n'était seulement que 50 millions de francs
CFA.234(*) En 1990, il
est évalué à 200 millions de francs CFA soit une
augmentation des investissements de 1,06 milliard de francs de CFA en 16 ans,
soit 6,87millions par an.235(*) Cela montre que ce groupe ne rapatrie pas tous ces
bénéfices, il consacre une partie aux financements de ses
activités. Ce groupe a fait de l'investissement son crédo.
Entre 1977 et 1985, l'y consacre 200 millions de francs CFA bien que la
situation était difficile pour l'économie de la Côte
d'Ivoire. L'accroissement des investissements est la conséquence
significative de l'augmentation du chiffre d'affaires. De 903 millions de
Francs en 1975, on est passé à 3,720 milliards en 1987.236(*) Mais, l'on note une baisse
à partir de 1987. Cette situation peut s'expliquer par l'effondrement
du prix du binôme café-cacao. Cet effondrement entraine la baisse
du pouvoir d'achat des Ivoiriens. La Sab joue un rôle important dans la
lutte contre le chômage. En 1989, elle employait 551 salariés dont
504 Ivoiriens.237(*)
En plus de la Sab, le Groupe Fakhry dispose aussi d'une
autre entreprise à savoir Challenger.S.A. Elle a été
créée en 1986.238(*) La Challenger dispose en ses débuts moins de
100 millions de francs CFA comme capital. Il est passé à 200
millions depuis 1988.239(*) Elle est spécialisée dans la vente
des vêtements et autres articles d'habillement de toute marque dont la
plus connue est «Wrangler «. Son chiffre d'affaires s'est accru. De
909 millions en 1986, la Challenger a connu une hausse de son chiffre
d'affaires et passe à 1,405 milliard de francs CFA.240(*) Au niveau des
employés, elle employait plus de 199 personnes dont 196 Ivoiriens. La
grande partie de la production de ces deux entreprises est destinée
à l'exportation : soit 91,4% pour la Sab et 41,8% pour la
Challenger.241(*)
En dehors de la Société Africaine de
Bonneterie et de la Challenger, la communauté libanaise dispose de
plusieurs entreprises de petites tailles dans cette branche industrielle.
Celles-ci emploient en moyenne 5 à 10 personnes. Il s'agit notamment de
la Prometex, la Midelco.242(*)
Les Libanais ont joué un rôle indispensable
dans le textile en Côte d'Ivoire. Ils ont rendu cette branche de
l'économie la plus compétitive de la sous-région en
dépit de la dominance des importations des tissus des pays
étrangers. Les Libanais sont également omniprésents dans
la distribution.
B/ Un apport important dans la distribution
à partir de 1980
Le rôle des Libanais dans le commerce en
Côte d'Ivoire est remarquable. Ils ont commencé d'abord dans le
commerce de traite. Ensuite, ils ont intégré le commerce moderne
à travers la création des magasins et des entreprises d'import
export. A partir de 1980, ils se consacrent à la grande
distribution.
1-Le repli des compagnies commerciales
européennes
La Côte d'Ivoire a connu une croissance
économique remarquable. Cependant, la période 1980 est
dominée par une grande crise économique en Côte d'Ivoire.
Il s'ensuit l'asphyxie généralisée de l'économie
ivoirienne. Les opérateurs économiques de tous les secteurs
d'activités ferment leurs entreprises. D'autres, par ailleurs
abandonnent définitivement l'Afrique Subsaharienne surtout la Côte
d'Ivoire. Cette attitude s'explique par le faible rendement de leurs
activités. Comme l'atteste ici Antoine Sery243(*) , en prenant l'exemple
de la Cfao et de la Scoa. « La Cfao ne réalise plus en
Afrique, surtout au Sud du Sahara et particulièrement en Côte
d'Ivoire que 30% de son chiffre d'affaires et toutes les activités ont
été filialisées pour fermer ou de vendre ou les branches
les moins rentables ». La Cfao selon Jean Suret-Canale244(*), a échappé
aux bouleversements et aux super concentrations de la fin des années
soixante. En effet, certes il y a eu au sein du groupe de contrôle des
changements respectifs d'influence, ces derniers ne sont pas perceptibles pour
l'observateur. La Cfao demeure toujours une entreprise commerciale de
renommée internationale. Cependant, elle procède à la
diversification de ces produits et ses zones de d'activités. Elle
s'implante par ailleurs en Amérique et en Asie. Au niveau de son
commerce, l'on observe que son implication dans le commerce des automobiles
prend de l'ampleur.
Quant à la Scoa, elle s'est très
engagée en Côte d'Ivoire et très proche des populations
rurales. Elle a développé en Côte d'Ivoire des
métiers de commerçants avec la mise en place de la Chaîne
Avion depuis 1956245(*).
Cette politique a consisté à la création de boutiques
clés en main. Cette oeuvre s'est poursuivie jusqu'en 1980. Cela a
aidé l'Etat dans sa politique « d'ivoirisation » du
commerce et de sa volonté de résoudre le problème du
chômage urbain. Cependant «la Scoa a été
sévèrement touchée par l'effondrement tout azimut de
l'économie du pays où le revenu par tête d'habitant a connu
une baisse de 17% en 1987. Du coup la Scoa s'est développée en
Asie par sa filiale. Au Canada, elle s'est spécialisée dans la
distribution des produits pharmaceutiques. En Europe, elle se confine
désormais dans la distribution et la vente des automobiles des
micro-informatiques professionnelles«. 246(*)
Ce retrait des Européens est une opportunité que
les Libanais saisissent pour se repositionner. Leur repositionnement se
matérialise comme suit : Ils procèdent premièrement
par l'occupation des anciens locaux des magasins des compagnies commerciales
européennes. Ils investissent alors dans les entreprises
supposées « condamnées », les
restructurent et créent de nouvelles entités. Selon Jean Pierre
Ayé, ils ont un goût du risque très prononcé que
les théories économiques ne suffisent toujours pas à
l'expliquer247(*).
Ensuite, ils rachètent ces factoreries
abandonnées. C'est le cas du groupe Fakhry qui a acheté le
supermarché Rallye appartenant à un groupe européen en
1987. Ils mettent en place des circuits de vente ou de distribution qui
sont souvent contraire aux normes du commerce légal. C'est le cas des
vendeurs de rue ou commerce de la rue appelés communément les
Bana-Banas248(*). Pour contourner la fiscalité, ils livrent
les marchandises à ces commerçants ambulants. La plupart de ces
vendeurs dont l'âge varie entre 16 et 35 ans sont les ressortissants
ouest africains. Ils sont généralement déscolarisés
ou parfois analphabètes. Ces jeunes gens vendent les articles à
bas prix. Ces marchandises sont des objets importés dont le citoyen
à revenu modeste ne peut se l'offrir s'il est vendu à son prix
normal. Ces articles sont de tous ordres. Il s'agit des biens
d'ameublement : les maquettes, les tapis, les coussins et les statues. Il
y a aussi les articles d'habillement : les draps de lits, les glasses.
Enfin, nous avons d'autres objets de luxe : les montres, les bijoux, les
cannes à pêche et bien d'autres articles249(*).
Dans leur entreprise, les Libanais améliorent
les propriétés déjà existantes. Non seulement, ils
augmentent l'étendue de la gamme de leurs produits, mais
également ils agrandissent la surface des locaux. L'exemple du
supermarché «Al Nour Hayat « est assez édifiant.
Ce supermarché créé en 1966, était au départ
un magasin de vente des articles de première nécessité. Il
s'est agrandi, transformé, modernisé au fil des années. Ce
magasin traite en 1986 d'un assortiment de 650 références ou
articles sur une aire de 2340m² dont 840m de surface de vente et 1500
m² de réserves. Au niveau du personnel, alors qu'en 1966, les
employés n'étaient que 41, l'effectif est 102
personnes.250(*)
En plus de Nour Al Hayat, il en existe d'autres. Il
s'agit de la Société ivoirienne de distribution de marchandises
d'entretien (Sidime Bittar-Happy Baby). Localisée au Plateau à
l'avenue Noguès, la société du Libanais Bittar Hassan fut
créée en 1981. Son capital est de 30 millions de Francs CFA. Elle
emploie une quinzaine de personnes dont la charge est de commercialiser les
produits pour le confort des bébés. Il s'agit entre autres de
« Absorba, chicco, Remond, Bébé
confort ».251(*) En dehors de la Sidime Bittar-Happy, nous avons
le Supermarché Trader Center créé en août 1982. Il
est situé également à Abidjan-Plateau. Ce
supermarché de Sakhr Fakhry dispose d'un capital de 250 millions de
Francs CFA. Il réalise un chiffre d'affaires hors taxe de 3,5 milliards
CFA avec des investissements annuels estimés à 800 millions de
Francs CFA.252(*)
Au niveau de la promotion et du marketing, les Libanais
ne lésinent pas sur les moyens. En effet, ils saisissent toutes les
opportunités qui s'offrent à eux pour connaitre leur commerce aux
populations. Les Libanais participent à l'organisation des foires et
carnavals aux côtés des autorités communales. A ce sujet
lors de ces semaines commerciales, le mérite de certains
commerçants est reconnu. Ainsi, lors de la semaine commerciale et
industrielle d'Attiécoubé de 1987, la
« médaille d'or et la coupe du meilleur exposant sont
revenues à la Société de confection textile Haidar
Frères. »253(*) De même, les Libanais s'impliquent dans
l'organisation des foires et des semaines commerciales dans le pays. Ce fut le
cas de la 13ème édition de la semaine commerciale de
Treichville du 26 juin au 5 juillet 1980 où les commerçants
libanais faisaient partie du comité d'organisation dirigé par
Ablé Frédéric254(*).
Ces rénovations rendent ces magasins
très compétitifs et efficaces. Elles permettent à ces
entreprises commerciales d'être fiables et capables de rivaliser les
firmes internationales. Par ailleurs, les Libanais pour combler le vide
laissé par les compagnies européennes créent de nouveaux
supermarchés. Le Groupe Fakhry est très dynamique dans grande la
distribution. Il dispose de nombreux supermarchés créés au
cours la décennie 1980 essentiellement localisés à Cocody,
au Plateau et à Marcory. Il s'agit des supermarchés
dénommés Cash Center, Trade Center a été mis en
oeuvre en 1987. On observe une situation de monopole de ce groupe dans la
grande distribution.
Cette position libanaise s'accentue également
avec l'échec du Programme d'Action Commerciale. En effet, l'Etat a
développé tous les secteurs d'activités économiques
en délaissant celui du commerce.
2-La création de grandes entreprises
commerciales entre 1980 et 1990
Les Libanais ont contribué au développement de
la grande distribution de produits de toute nature. Ce dynamisme de cette
communauté se manifeste par la création d'importantes
entreprises commerciales. Ces entreprises ont l'ossature de véritables
entreprises nationales. L'exemple de la Sidipaci (Société
d'Importation et Distribution de Papier en Côte d'Ivoire)
créée en 1986 est légion. Cette entreprise d'Abdul Talal
avait comme capital 150 millions francs de CFA255(*). Les Libanais pour
matérialiser leur forte présence dans la grande distribution ont
implanté des entreprises au Port d' Abidjan. Il s'agit de la Prici
créée en 1987 qui importe des produits chimiques et du
matériel d'équipement industriel. Ces importateurs et
transitaires sont souvent des hommes de la troisième
génération, qui ont une formation plus solide que celle de leurs
parents. Ce qui signifie que la mainmise sur le commerce en
général et la distribution en particulier n'est pas un
hasard.
Les Libanais ont contribué au dynamisme de
certains secteurs d'activités à un moment très
délicat de l'histoire économique de la Côte d'Ivoire tant
au niveau du textile, des imprimeries qu'au niveau de la distribution. En
dehors de leur apport au développement de ces différentes
industries, les Libanais participent également à l'essor de
l'exploitation forestière et de la commercialisation du
café-cacao.
CHAPITRE II : L'ESSOR DES LIBANAIS DANS
L'INDUSTRIE FORESTIERE ET LA COMMERCIALISATION DU CAFE-CACAO ENTRE 1980 ET
1990
Dans les premières décennies de
l'indépendance, la présence libanaise dans la filière bois
était essentiellement dominée par les scieries et les
menuiseries. Les Libanais disposent désormais non seulement des
unités industrielles, mais également des agréments
forestiers. Au niveau de la filière café-cacao, les Libanais ne
se limitent plus aux seuls achats, mais participent à tout le processus
de commercialisation de ces produits.
I-La percée des
Libanais dans la filière bois
Dans les années 1960, la présence
libanaise se limitait aux scieries et menuiseries. Cependant à partir
de 1980, les Libanais multiplient leurs activités dans ce domaine pour
plusieurs raisons. Ces raisons sont aussi bien politiques
qu'économiques. Les Libanais mettent en place de véritables
entreprises.
A/ Les raisons de leur ascension dans la
filière bois
L'influence libanaise dans l'industrie du bois s'explique par
de nombreuses raisons. Les Libanais disposent de multiples
potentialités telles que les ressources financières et le soutien
de leur communauté qui leur permettent d'étendre leur position
dominante dans l'économie du bois.
La législation ivoirienne restreint l'octroi de
licences de l'exploitation du bois. En effet, les attributions de permis
temporaires d'exploitation sont accordées en priorité aux seules
coopératives de producteurs et citoyens ivoiriens désirant
exercer la profession d'exploitant forestier256(*). Ainsi, un opérateur économique qui
ne bénéficie pas de la nationalité ivoirienne ne peut
avoir facilement un agrément d'exploitation. Cette restriction traduit
la volonté de l'Etat de Côte d'Ivoire de faire des Ivoiriens les
seuls maîtres de cette activité. On observe qu'au lendemain de
l'indépendance, les Ivoiriens ne disposaient pas de ressources
financières capables pour libéraliser totalement la foresterie
serait préjudiciable aux nationaux.
L'autre raison se trouve également dans le fait
que la foresterie est un secteur économique stratégique, dont
l'Etat envisage d'assurer le contrôle. La présence libanaise
était limitée. Leur implication était bornée aux
scieries et menuiseries. Cependant, cet engagement prend un tournant au
début des années 1970.
La première raison de la forte implication des
Libanais est l'obtention des opérateurs économiques libanais de
la nationalité ivoirienne. Selon, François Verdeaux
« de nombreux Français et Libanais ont pris la double
nationalité et choisissent la nationalité ivoirienne dans la
déclaration fiscale dans l'espoir d'échapper à la
politique d'ivoirisation »257(*). Ce fut le cas de plusieurs ressortissants libanais
désireux d'opérer sur l'ensemble du territoire ivoirien. A titre
d'exemple, on peut prendre deux entreprises. Il s'agit premièrement la
Scierie Merhy Frères. Elle est implantée à Divo. Elle
dispose d'un atelier de sciage. Le capital de cette entreprise est la
propriété entière des Ivoiriens d'origine libanaise. En
effet, entre 1986 et 1987, ses investissements étaient
évalués à 129 millions de francs CFA. Elle emploie 33
personnes dont 19 sont Ivoiriens et 13 Africains non Ivoiriens et 1
étranger non Africain qui est le responsable. La production annuelle de
grumes s'élève 30 mille mètres cube. Son point
d'approvisionnement n'est point extérieur. Elle possède un
agrément d'exploitation qui lui donne droit à un crédit de
20 chantiers en fonction en 1989. 258(*)
En second, il y a la Compagnie du Centre Ouest
(Colbico). Elle est implantée à Daloa. Elle dispose d'un atelier
de sciage. Elle est une société à responsabilité
limitée appartenant à des privés Ivoiriens d'origine
libanaise. Son capital est estimé à 1 million de francs CFA. Pour
son approvisionnement, elle possède également un agrément
qui lui donne droit à 15 chantiers. Entre 1985 et 1986, ses
investissements étaient évalués à 149 millions de
francs CFA259(*) dont 85
millions sont conférés aux équipements industriels. En
1985, Cette compagnie emploie 53 personnes dont 21 sont Ivoiriens et les 21
autres des africains non Ivoiriens. La Colbico arrête ses
activités en 1990.260(*)
En plus de l'obtention de la nationalité
Ivoirienne pour bénéficier des avantages au niveau de la
filière bois, les Libanais rachètent des agréments
d'exploitation forestière afin d'étendre leur influence dans ce
secteur. Ils rachètent aux nationaux détenteurs des licences
d'exploitation forestière souvent à des prix doubles. Le
système de fermage est prévu dans le code forestier. En effet,
selon la loi, les attributions de permis temporaires d'exploitation dont les
moyens en personnels et en matériel sont reconnus insuffisants pour
entreprendre l'exploitation pourront affermer leurs permis à un autre
exploitant.261(*) Les
Ivoiriens qui sont propriétaires d'agrément ne possèdent
pour la majorité de ressources financières et matérielles
suffisantes, soit pour démarrer, soit pour faire fonctionner normalement
leurs activités. Ainsi, nombreux sont les Ivoiriens qui vendent leur
code forestier aux opérateurs libanais.
Enfin, on observe une collaboration des
opérateurs industriels libanais et des hommes d'affaires ivoiriens afin
de bâtir de véritables entreprises. Cela trouve sa justification
dans le fait que selon François Verdeaux : « au
milieu des années 1970) d'anciens chefs d'exploitation des grandes
entreprises ou des ressortissants libanais s'installent à leur
compte en association avec des bénéficiaires nationaux
d'attribution de permis et écoulent leur production soit via les
anciens groupes encore présents, soit en ayant recours à
des exploitations dont l'activité reprend de l'importance à
partir de ce moment »262(*). Ce type d'association a entrainé la
prépondérance des Libanais dans ce domaine, car ces fusions
permettent l'approvisionnement très régulier des scieries.
Ensuite, l'on assiste à l'amélioration et la croissance des
productions de bois à l'orée des années 1980 dans le
contexte de départ en cascade des opérateurs économiques
européens.
B/Les entreprises libanaises impliquées
dans la foresterie
Pour s'imposer dans ce secteur les industriels
libanais mettent en place des stratégies adéquates. Ces actions
sont entre autres la création des entreprises, le rachat d'un certain
nombre entreprises. Cette période marque l'émergence de groupes
industriels forestiers surtout celui de la famille des Fadoul.
1-L'émergence des groupes
industriels libanais du bois
La prédominance libanaise dans la
foresterie est connue de tous. Ce domaine relève en fait du secteur
primaire. Mais l'exploitation forestière dans laquelle se sont enrichis
bon nombre de Libanais était au départ dominé par les
Européens. Quelques uns de ces industriels libanais sont devenus
fondateurs et propriétaires d'usines de transformation du bois. Les
activités de ces entreprises sont en majorité industrielles.
Cependant, le nombre d'opérateurs libanais dans ce secteur est
très faible. Les Libanais ne sont qu'une vingtaine d'individus sur un
total de 800 exploitants, mais ils font d'importantes affaires. Il s'agit de ce
fait du Groupe Farhat, propriétaire de la plus scierie
d'Agniblékrou qui est la plus grande scierie de la région de
l'Est de la Côte d'Ivoire. Il y a également le Groupe Gandour qui
dispose de la fabrication de meubles avec la création de Multimeuble.
A cela il faut ajouter d'autres entreprises comme E.b.e pour l'exportation du
bois. Il y a aussi le Groupe Omais-Khalil qui a racheté la Grande
industrie de Bois (Gib)263(*)
Enfin, on a le Groupe Fadoul qui assure le contrôle
depuis l'année 1987 de la Société des Scieries en Afrique
Francophone (Scaf). La Scaf est la plus grande scierie de fabrication de
contreplaqués en Afrique de l'Ouest. Elle emploie environ 400 personnes.
Elle est destinée à la fabrication et la production de
contreplaqués. En effet, c'est en 1918 que la SCOA a introduit la SCAF
en Côte d'Ivoire. Au niveau de ses productions, elles sont
élogieuses. Car la Scaf produit annuellement plus de 10 mille sur45
mille mètres cube de sa capacité théorique. Elle dispose
des intérêts dans les pays de l'Afrique de l'Ouest notamment le
Benin, le Burkina et le Togo et aussi en Afrique Centrale. Par ailleurs, elle
exporte 90 % de ses productions.264(*) Le Groupe Fadoul a insufflé un dynamisme
à la Scaf dans le capital de cette entreprise.
En définitive, on observe la position dominante des
libanais dans l'industrie du bois à partir de 1980. En effet, les
données de la Banque des données Financières
rapportées par Mezaad évaluent cette présence à
24,13%.265(*) Elle ne
tient pas compte de toute la communauté libanaise. Cette étude
contient uniquement des nationalités. A l'instar de la filière
bois, les Libanais sont devenus très présents dans la
commercialisation du café et du cacao.
II-La florescence des Libanais dans la
commercialisation du cacao
Au début des années, l'on assiste à
la crise économique avec l'effondrement des prix des matières
premières agricoles notamment le cacao et le café sur le
marché international. Le gouvernement se trouve alors dans
l'incapacité de financer l'achat de ces matières. Cela
entraine l'apparition des opérateurs économiques privés
tels que les Libanais.
A/ L'émergence des Libanais dans le
négoce du cacaoyer
Les Libanais assurent presque le contrôle de la
commercialisation du cacao et du café. Ils sont omniprésents dans
tout le processus de commercialisation. Il y a d'abord l'étape de la
collecte des produits à la campagne. Ils disposent également des
camions pour le transport de la marchandise. En outre, ils sont
propriétaires des usines de magasinages, de conditionnement des
produits. Enfin, ils participent à l'exportation de ces produits.
1-L'achat du cacao en dessous du prix incitatif bord
champ de la Caistab
Entre 1987 et 1990, les matières
premières agricoles commerciales connaissent une baisse drastique de
leur prix sur le marché international. Les mécanismes ou
structures gouvernementaux ont du mal à fonctionner correctement.. Les
producteurs sont également affectés par cette situation et ont
perdu tout espoir. Il s'ensuit alors la réapparition des Libanais qui
ont été pendant la colonisation les intermédiaires entre
les producteurs africains les Européens dans la commercialisation ces
produits agricoles.
Cette intervention se fait premièrement à
travers la fixation des prix par les Libanais eux-mêmes. Cela s'explique
par deux raisons capitales. Il y a les difficultés de la Caistab
à financer les campagnes et le retrait de la Côte d'Ivoire au
marché international. En effet, entre 1988 et 1990, on assiste à
la faillite des mécanismes de régularisation des transactions des
matières premières agricoles (Caistab) et l'effondrement du
pouvoir d'achat de l'Etat. La filière cacaoyère se trouve dans
une situation d'abandon. La Caistab est la seule structure gouvernementale qui
détient le monopole de la filière. La CAISTAB se trouve
incapable de rembourser ses créanciers. Elle réalise un
déficit de cinq milliards de francs CFA en 1988 au cours des cinq
dernières années. Elle se trouve dans l'impossibilité
de financer et de régulariser le négoce des matières
agricoles.
Il y a également le refus du gouvernement
ivoirien de participer au commerce international du cacao. «
Depuis 1975, le cacao n'avait été aussi malmené sur
les marchés mondiaux. Avant l'éclatement de l'accord
international en février 1988, les cours se maintenaient autour de 1100
livres par tonne de fèves»266(*). A partir de ce moment,
l'engagement libanais devient capital. En effet, les Libanais qui sont le
négoce du café et du cacao résident dans toutes les
régions productrices de ces matières premières. On a par
exemple Chaitou Ali qui assure l'achat du café et du cacao à
Soubré et à Issia. Il possède des camions remorques de
transport de ces produits267(*). En plus, de Chaitou, il y a également
Assaad qui quant à lui, exerce ses activités commerciales
à Soubré et à San Pédro268(*). Ils achètent les
fèves de cacao bord champ par l'intermédiaire des collecteurs
appelés «pisteurs«. Les relations entre Libanais
négociants et pisteurs sont les suivantes. Le pisteur est pour la
plupart fils de producteurs et ressortissants des pays de l'hinterland,
généralement déscolarisés résidant en ville.
Il fait la navette entre les campements et la ville. Ce dernier nourrit
l'idée d'être acheteur de produits. Cependant, il ne dispose pas
de ressources nécessaires pour réaliser son projet. Il monnaie
son talent auprès du magasinier libanais.
Ce dernier lui fixe le prix du kg du produit en lui
proposant une commission. Le pisteur collectionne les produits et les
acheminent en ville à crédit. C'est à la livraison que le
pisteur procède au paiement des produits. Compte tenu de l'absence des
institutions étatiques, les mandataires libanais payaient le cacao
à vil prix. En 1988, les Libanais achètent le kilogramme du cacao
à 200 francs CFA, alors que le prix minimal au planteur était
fixé à 400 francs269(*). Ainsi, ils leur ont acheté la moitié
souvent en prétendant que c'était les nouveaux tarifs du
gouvernement270(*). Ils
usent souvent de tous les moyens pour s'approprier le cacao. Ces attitudes
sont la malice, le chantage et les menaces. Au delà, les Libanais
interviennent dans l'exportation du cacao.
2-la forte implication des Libanais dans
l'exportation du cacao
Les Libanais participent aux exportations des
matières premières. Pour ce faire, ils disposent des magasins de
stockage. Aussi, interviennent-ils dans le conditionnement et le traitement
des produits. Cela se traduit par la mise en place des entreprises telles que
la CICIV/CCA271(*).
Elle fut créée en 1987. Elle a joué un grand rôle
dans ce dynamisme libanais dans la commercialisation du cacao. Elle traite,
conditionne et exporte le café et le cacao. On les rencontre
également dans le secteur de la sacherie. La sacherie consiste à
la mise des produits dans les sacs. A ce sujet, les industriels libanais
disposent des entreprises capables d'accomplir cette tâche. Il s'agit
notamment de Filtisac dont la gestion est assurée par Nizar
Hassan272(*) depuis
1984. Filtisac est spécialisée dans la confection de sacs en
fute pour le transport du café et du cacao. Cette entreprise
malgré la conjoncture économique a réalisé pendant
la première décennie 1980 un bon chiffre d'affaires. Alors
qu'elle était donnée pour morte avant la prise de fonction de cet
opérateur libanais.
En 1990, l'ensemble des investissements libanais est
évalué à plus de 9 milliards de Francs CFA (Tableau
n°10). La part des Libanais est de 4, 58%. Elle est nettement
supérieure à celle des années 1979-80.qui était
de 3 milliards de Francs CFA. Les Libanais poursuivent l'investissement de
leurs capitaux au service de l'économie à partir de 1990,
malgré l'apogée de la crise politique, sociale et
économique.
CHAPITRE III : UNE POSITION ECONOMIQUE DES
LIBANAIS DANS UN CONTEXTE DE PRIVATISATION
La période 1990-2001 est un tournant
important dans l'histoire de la Côte d'Ivoire. L'an 1990 est
caractérisé d'abord au niveau politique et social par le retour
au multipartisme, ensuite par les manifestations de groupes sociaux notamment
les étudiants ; enfin l'entame de la politique des
sociétés de développement face à l'essoufflement
très avancé de l'économie. Quant à l'année
2001, elle marque l'inauguration du forum des marchés d'Adjamé.
Au cours de cette décennie, les Libanais ont développé de
nombreuses activités économiques notamment les industries, la
presse et la grande distribution.
I-D'importants investissements libanais à partir
de 1994
La crise politique et économique amorcée depuis
1980 se poursuit jusqu'en 1994 où l'on assiste à la
dévaluation du Francs CFA. A partir de cette période, la
Côte d'Ivoire entame une nouvelle ère de croissance
économique. Les Libanais ne sont pas en marge de cette période de
croissance. Ils construisent des entreprises de grande distribution et presse
et des industries.
A-Une place incontournable des Libanais dans la
presse et la grande distribution
L'année 1990 constitue un
tournant important de l'histoire de la Côte d'Ivoire. Elle incarne les
reformes notamment politiques, économiques et sociales. La presse est
libéralisée. On note la floraison de nombreux groupes de presse
dont le groupe Olympe du Libano-Ivoirien Nady Rayess.
1- Une position de choix du groupe olympe
dans la presse écrite
Les années 1990 constituent une ère de
développement de la presse en Côte d'Ivoire. De 1960 à
1990, la presse était représentée par les organes
publics. Au niveau de l'audiovisuel, l'on observe l'existence la
Radiodiffusion et Télévision Ivoirienne qui comprend la radio
Côte d'Ivoire et la télévision. Ces organes couvrent toute
l'étendue du territoire. La Rti dispose à l'intérieur des
stations régionales notamment Rti Bouaké et des
correspondants de l'Agence ivoirienne de Presse (Aip) dans chaque Chef-lieu de
départements.
Au niveau de la presse écrite, il existe
le groupe Fraternité matin qui est composé du quotidien
fraternité matin et de deux hebdomadaires notamment « Ivoire
hebdo« et« Ivoire dimanche«. Cependant, la presse
écrite à la faveur du retour au multipartisme connait sa
libéralisation. L'on assiste alors à la floraison de plusieurs
organes indépendants et de partis politiques appartenant à de
groupes de presse. Parmi ceux-ci, nous avons le Groupe Olympe.
Le promoteur de ce dernier est l'Ivoiro-Libanais
Nady Reyess, alors âgé de 29 ans. Il a été mis au
point le 16 décembre 1992 sous le n° du registre de commerce
167670-c.c933020140B. Son siège se trouve à Marcory, zone 4c. Le
premier organe de ce groupe de presse est Bonsoir. Le premier numéro
de ce quotidien est apparu le 16 juin 1993. Bonsoir comprend 12 pages et
bénéficie d'un tirage de 20 mille exemplaires. Il se vendait
à 100 Francs CFA.273(*) Le groupe Olympe disposait en ses débuts d'un
capital de 1 million de Francs de Francs CFA. Ce journal disparait quelque
mois après.
Avec la création de nouveaux organes, ce capital est
passé à 5 millions de Francs CFA. De 1992 à 2004, le
groupe Olympe disposait de 5 organes dont 4 quotidiens. Il est
spécialisé dans le traitement de l'actualité politique
nationale et internationale et des faits divers et sportifs.
Le 31 octobre de la même année voit le
jour le quotidien sportif «Douze «. Il se vendait des
débuts à 150 Francs CFA. En 2000, il est vendu à 200
Francs CFA.274(*) Il
traite des informations de toutes les disciplines sportives. Cependant un
intérêt est accordé au traitement aux informations de
football. Il est tiré en 20 mille exemplaires. En 1995, apparaît
un autre quotidien «Femme Moderne« qui est un photo-roman
qui traite des intrigues sentimentales. Ce journal disparaît quelques
mois plus tard.
Enfin, nous avons la création du quotidien
«L'Inter« le 16 avril 1998 qui consacre un
intérêt important dans le traitement de l'actualité
nationale. Cependant deux pages entières sont réservées
aux informations internationales traitées par les journaux
français. Le groupe réalise d'importants résultats. En
effet, selon le registre de la régie publicitaire, les quotidiens Soir
et L'Inter réalisaient en 2000 respectivement un chiffre d'affaires de
495 mille et 300 mille Francs CFA.275(*)
Son chiffre d'affaires annuel est estimé
à 18 milliards de francs de CFA. Ce meilleur rendement est à
mettre à l'actif de 3 compartiments importants de l'entreprise. Il
s'agit de l'imprimerie, de l'édition et de la publicité. Le
Groupe Olympe dispose d'une imprimerie qui comprend 4 rotatives qui
représentent pour l'entreprise une grande potentialité, car elle
constitue 35% du chiffre d'affaires de l'entreprise. L'on note par ailleurs que
c'est l'imprimerie du Groupe Olympe qui assure l'impression des journaux tels
que le Nouveau Réveil, 24 heures. Quant à l'édition, elle
concerne 40% du chiffre d'affaires de l'entreprise. L'entreprise en plus de ses
organes, édite les ouvrages, les calendriers et l'emballage des
produits. Enfin, il y a la publicité qui constitue plus de 5% du
chiffre d'affaires de l'entreprise.
La grandeur de cette entreprise est visible au
niveau de ses employés. En effet, Cette entreprise de presse employait
en 2001, 110 personnes dont 75 sont embauchées et les autres sont sous
contrat à durée déterminée.276(*) Les employés peuvent
être répartis selon le niveau d'étude et de sexe. Au niveau
du niveau d'étude, 46 employés ont fait des études
universités et 25 ont fait des études secondaires.277(*) Cette forte proportion du
taux d'instruction est plus qu'un atout pour l'entreprise. Au niveau de la
répartition des employés par sexe, l'on note une forte
présence des hommes et un faible taux de femmes. L'on enregistre 83
hommes contre 8 femmes.278(*) Cet écart peut s'expliquer par le manque
d'intérêt au métier de la presse écrite. Les rares
femmes employées au groupe olympe occupent des postes de direction. On
retient que le groupe olympe l'une des plus grandes entreprises de la presse
privée en Côte d'Ivoire.
En dehors du secteur de la presse dans lequel les
Libanais sont dynamiques, il y a la grande distribution qui connait un
développement certain au cours cette période.
2-L'émergence du Groupe Prosuma dans
la grande distribution
La Côte d'Ivoire est réputée
pour ses habitudes de consommations occidentales. La floraison des centres
commerciaux au milieu des années 1990 en témoigne.
Considérées comme l'apanage des personnes riches, les grandes
surfaces sont rapprochées des populations de toute classe. Le
développement des grandes et moyennes surfaces en Côte d'Ivoire
est un phénomène relativement récent. Les
premières entreprises de distribution qui sont calquées sur le
modèle occidental apparaissent à la fin des années 1960.
Parmi ces premières entreprises de distribution, nous pouvons citer le
Groupe Scoa avec ses boutiques Monoprix et Printania, Froid industriel et la
Chaîne-avion avec ses 160 boutiques installées sur l'ensemble
du territoire national.279(*) Cependant, ces entreprises n'ont pas pu
résister à la crise économique et ont fermé
boutique. Les Libanais ont été assez présents dans
l'instauration de la grande distribution en Côte d'Ivoire. A titre
illustratif, nous avons le supermarché Nour al Hayat du Plateau.
Au début des années 1990, l'on note
la présence de 3 principaux acteurs de la grande distribution
alimentaire en grandes et moyennes surfaces et des galeries marchandes. Il
s'agit du groupe belgo-ivoirien score lié au Groupe Scoa, les
Supermarchés Trader center (Smtc) et le groupe Prosuma qui
détient 4 enseignes notamment Champion, Super Hayat, Centrale et Nour al
Hayat.280(*) Les
promoteurs de ces entreprises de la grande distribution sont d'origine
libanaise. La famille Fakhry est détentrice exclusive du capital du
Groupe Smtc. Quant à la Société ivoirienne de promotion
des supermarchés, elle est la propriété des Adjabali.
La crise économique entraine le retrait
des acteurs européens impliqués dans la grande distribution au
profit d'opérateurs d'origine libanaise281(*). En plus du retrait des
Européens, une action majeure qui corrobore l'émergence des
Libanais dans ce secteur est la fusion de la Prosuma et de Smtc le
1er Juin 1993. Cet accord consacre une part de 50% de chacune des
deux entités des actions de la nouvelle Prosuma. Le groupe s'agrandit
en octobre 1996 avec le rachat de tout le réseau des magasins Score
en Côte-d'Ivoire, ainsi que la chaîne de supérettes et un
entrepôt situé au port d'une superficie d'environ 12 mille
m²282(*) Prosuma
poursuit sa politique d'implantation en Côte d'Ivoire avec rachat d'un
centre commercial et un hypermarché de 3 mille m² de la
Société Commerciale du centre ouest (Sococe), à travers
lequel une nouvelle société est créée la
Société des Deux Plateau (S2P) dont le capital est
détenu à 75 % par Prosuma et ses actionnaires, les 25 %
restants appartenant au propriétaire des magasins Sococé. S2P
rachète l'ensemble du réseau Sococé, ventes détail.
La Société Commerciale du centre ouest est
spécialisée dans la distribution de gros et l'import-export
appartient à la famille Ezzedine. Cette famille libanaise vit à
Gagnoa et se livre au commerce du cacao-café. C'est de ce commerce que
les Ezzedine ont bâti leur fortune283(*). La Société commerciale du centre
ouest a été créée en 1969. Elle réalise un
chiffre d'affaires TTC de plus de 70 milliards de Francs CFA et disposait de
1000 salariés. Son siège local est à
Treichville.284(*) C'est
plus tard en mars 1996 que Nasser Ezzedine a créé la
Société anonyme dénommée Sococe avec un capital de
700 millions de Francs CFA. Le Club Sococe a mobilisé des
investissements à hauteur de 3,474 milliards de Francs CFA. Elle
emploie plus de 518 personnes sur le boulevard Latrille. L'espace Latrille
passe difficilement inaperçu avec ses 8900m² dont 4 mille m²
réservés au centre commercial, une galerie marchande de 30
boutiques et bien d'autres services.285(*) En plus de la Sococe, les Ezzedine disposent
également des sociétés de distribution qui sont
spécialisées dans le commerce de marchandises spéciales.
C'est le cas de la Société de commerce des produits agricoles
(Socopag) qui est implantée à Marcory zone 3. Elle a
été mise au point en 1993. Elle dispose de 20 employés.
Elle commercialise des produits agricoles bruts et d'aliments pour
animaux.286(*)
Dans ses débuts, le Groupe Prosuma disposait
d'un capital de 20 millions de francs CFA. Le capital social de Prosuma a subi
des augmentations successives et a atteint plus de 2, 20 mil liards de Francs
CFA. Les capitaux propres du Groupe Prosuma représentent 9,213 milliards
de Francs CFA.
Le groupe Prosuma est la grande entreprise de la
grande distribution en Afrique francophone. Il a une présence active
en Côte-d'Ivoire. En effet, il a 12 enseignes, 81 magasins (avec
franchisés et filiales), une centrale d'achats, un réseau de
franchisés et plus de 1 500 collaborateurs. Il réalise un
chiffre d'affaires hors franchises et filiales : 123,59 milliards de FCFA
hors taxe des filiales diversifiées.
En dehors du Groupe Prosuma, il existe d'autres entreprises
d'origine libanaise opérant dans la grande distribution en Côte
d'Ivoire. Nous pouvons citer par exemple de la Société de
Distribution de toutes marchandises (Sdtm) de l'Ivoiro-Libanais Ibrahim
Ezzedine. Cette entreprise spécialisée dans la
commercialisation du riz fut créée en1998. Elle est
spécialisée dans le commerce détail en magasin non
spécialisé et le commerce de gros de produits alimentaires. Ainsi
elle assure le commerce des boissons, des tabacs manufacturés et le
commerce de gros de machines d'équipements et de fournitures
mécaniques. Elle compte plus de 100 employés.287(*) La Sdtm importe le riz et
détient depuis le coup d'Etat de décembre 1999 60% de
l'approvisionnement du marché ivoirien288(*).
Il faut noter aussi que la communauté
libanaise n'est pas la seule présente dans la grande distribution.
Avant 2001, plusieurs entreprises d'origine africaine, européenne et
même asiatiques ont été créées. On retient
finalement les Libanais assurent le contrôle du secteur de la grande
distribution en Côte d'Ivoire par le truchement du Groupe Prosuma. Cette
percée s'aperçoit également au niveau des investissements
industriels.
B-La croissance des investissements industriels libanais
à partir de 1994
A partir de 1994, l'on assiste à des
investissements privés importants au service de l'industrie ivoirienne.
Les opérateurs économiques prennent également part
à cette reprise de l'économie. Ils consacrent d'importants
capitaux pour la compétitivité de leurs entreprises. Les Libanais
ne sont pas en marge de cette dynamique économique.
1- La hausse des capitaux libanais
dans l'économie
La Côte d'Ivoire connait depuis les
débuts des années 1980 une crise économique la plus
importante de son histoire. Cependant pendant la seconde moitié des
années 1990, elle amorce une nouvelle ère de croissance
économique. Cette croissance est liée à plusieurs
facteurs. Il y a entre autres les devises générées par la
privatisation entamée depuis 1990. Cette politique de privatisation a
permis les sociétés d'Etat qui déjà
essoufflées d'être compétitives. On a comme exemple la Cie,
Citelcom et la Sodepalm. Autre facteur non moins important est la mise en place
d'un nouveau code d'investissement en 1996 qui accorde de nombreux avantages
aux investisseurs privés.
De gros investissements ont été
réalisés en Côte d'Ivoire de 1994 à 1997. Ces
investissements se chiffrent à plus de 141,199 milliards Francs
CFA.289(*)La part
libanaise s'élève à plus de 14,995 milliards de Francs
CFA, soit une proportion de 10,62%. Le Liban vient en 3ème
position derrière la Côte d'Ivoire et la France. Les
investissements de la France et de la Côte d'Ivoire sont
évalués respectivement à 54,234 et 43,15 milliards de
Francs CFA. Les entreprises à capitaux libanais sont nombreuses.
Cependant deux ont retenu notre attention. Il s'agit de l'industrie
agroalimentaire Unifood et la Société Commerciale du centre
ouest. Ces deux entreprises ont nécessité des investissements
respectifs de 3,72 et 3,47 milliards de Francs CFA.290(*) Unifood emploie 123
personnes. Quant à la Sococe supporte plus de 518 employés. On
observe que la communauté libanaise constitue un partenaire
économique indéniable au service de l'économie ivoirienne
(Tableau 11).
2-La réalisation du forum des
marchés d'Adjamé
Les Libanais ont investi d'importants capitaux dans
le secteur de l'immobilier. Ils ont contribué à la construction
de certains édifices publics. Nous pouvons citer comme exemple,
l'architecte Franco-libanais Pierre Fakhoury, bâtisseurs de plusieurs
bâtiments à utilité publique. Diplômé en 1971
de l'institut supérieur d'Architecture de Saint-Luc de Tournai de
Belgique, Pierre Fakhoury a construit l'église moderne de Korhogo et
d'autres bâtiments publics notamment des banques, des hôtels, des
hôpitaux et des universités. La grande oeuvre architecturale de
Pierre Fakhoury est la Basilique Notre Dame de la Paix de
Yamoussoukro.291(*)Cette
entreprise de bâtisseurs se poursuit jusqu'aux années 1990. Elle
ne se limite pas seulement à l'aspect technique.
Mais les Libanais contribuent également
à travers leurs capitaux aux financements des projets
d'intérêt public. L'on observe la construction de nombreux
édifices publics auxquels l'appui financier libanais a été
important. C'est d'ailleurs le cas du forum des marchés d'Adjamé
dont le promoteur est le Franco-Libanais Saïdi Mohamed.
L'institution du forum des marchés
d'Adjamé est née du Conseil municipal dirigé par le Maire
Djédji Amondji Pierre en 1996. Ce conseil municipal est l'union du Front
populaire (FPI) et du Rassemblement Des Républicains dans le cadre du
Front Républicain. En effet, brûlé, depuis les
années 1980, le marché d'Adjamé reste n'est plus
adapté aux conditions d'hygiène et de sécurité. En
conséquence, les rendements du marché sont moins importants.
Pour la construction du forum des marchés
d'Adjamé, la mairie ne disposant pas de moyens financiers
conséquents pour la réalisation du projet. C'est alors qu'un
appel d'offres fut lancé la même année. Ont
répondu à cet appel trois entreprises dont la
Fédération Nationale des Commerçants de Côte
d'Ivoire (Fenacci) et la Société ivoirienne de Concept et Gestion
immobilière (Sicg). La Sicg, entreprise du Franco-Libanais Saïdi
Mohamed, a été retenue pour la réalisation du Forum des
marchés d'Adjamé. Elle a la charge de la construction et la
gestion de cette oeuvre. Le contrat qui lie la mairie et la Sicg est un contrat
à bail. En effet, la Sicg a investi des capitaux à hauteur de 18
milliards de Francs CFA.
Elle a la charge de la gestion de ces
marchés pendant 25 ans afin d'amortir les capitaux investis avec des
dividendes. Les taxes mensuelles sont estimées à 115 millions de
Francs de CFA réparties comme suite 100 millions de Francs CFA pour la
mairie d'Adjamé et les 15 millions de Francs CFA reviennent à
l'Etat de Côte d'Ivoire.292(*) Ce forum est la fusion de 4 marchés à
3 niveaux. Le forum a une capacité de 12 mille places dont 4 mille
magasins. Le pas de porte c'est-à-dire la location d'un magasin varie
de 400 mille à 4 millions de Francs CFA.293(*) Ouvert en mars 2001, Le
marché a été inauguré le 15 juin 2001 par le
Président de la République de Côte d'Ivoire Laurent Gbagbo.
La mise en place du forum des marchés a rehaussée l'image de la
Société Ivoirienne de Construction et de Gestion
immobilière, car elle exporte son expertise dans la sous région.
C'est le cas par exemple de la construction du hall des marchés de
Bamako294(*).
On note que les Libanais ont joué un
rôle indispensable dans l'économie ivoirienne au cours de ces dix
dernières années. Cet apport important ne peut pas demeurer sans
conséquence sur la vie politique, économique et sociale de la
Côte d'Ivoire.
II-L'impact des investissements
libanais sur la Côte d'Ivoire
La présence de la communauté
libanaise en Côte d'Ivoire a atteint plus d'un siècle. Cette
communauté est l'un des acteurs incontournables dans le
développement économique du pays. L'ancienneté de leur
présence et leurs investissements importants consacrent cette
communauté libanaise une force capitale en Côte d'Ivoire. Ainsi,
les investissements libanais ont un impact dans la vie politique et
socioculturelle.
A-L'impact des capitaux libanais sur les
activités socioculturelles
Les opérateurs économiques
libanais en Côte d'Ivoire contribuent à la mise en place des
infrastructures socio-économiques notamment les écoles et les
dispensaires. Les Libanais participent également au
développement du sport en Côte d'Ivoire.
1-Une communauté au
service des oeuvres sociales
Les Libanais posent des actions
d'intérêt social en Côte d'Ivoire. Il s'agit entre de la
construction d'écoles et d'hôpitaux. La contribution des Libanais
dans l'éducation scolaire remonte de la colonisation. En effet, en 1954,
les Maronites dans le cadre de la création de la mission catholique
sacrée coeur mettent en place la première école libanaise
en colonie de Côte d'Ivoire. Cette école primaire a
été mise au point dans le but de faciliter l'éducation
des enfants libanais. Cette école comprend en son sein un dispensaire.
Cette école bâtie sur une superficie de 3 ha comprend 4
bâtiments à deux niveaux regroupant 36 salles dont 3 pour les
maternelles, 18 pour l'enseignement primaire et 15 pour l'enseignement
secondaire295(*). Elle
comprend également une aire de jeu. L'école devient une
école confessionnelle en 1965. Ainsi les enseignants de l'école
sont affectés par la mission catholique de Côte d'Ivoire.
En dehors de l'école de la mission
sacrée Coeur, l'on note l'existence d'autres écoles libanaises en
Côte d'Ivoire. L'on peut citer l'exemple du groupe scolaire de la mission
de Soubré. A Abidjan, à Marcory en zone 4c, il existe
l'école libanaise dont fréquentent l'ensemble des enfants
d'origine libanaise avec quelques enfants africains issus des familles
aisées. En outre, les Libanais ont contribué à la
construction de certaines écoles primaires en Côte d'Ivoire.
Cette politique libanaise a commencé en 1969 à Aboisso. La
communauté libanaise a fait don d'une école aux habitants de
Kouakoukro, village situé à 70 Km d'Abidjan sur la route
d'Aboisso. Cette école baptisée « Ecole de la
Fraternité libano-ivoirienne » comprend deux classes et
un bureau pour le directeur296(*). Elle s'est poursuivie dans les années 1980.
Les investissements libanais dans la réalisation des écoles et
autres équipements sociaux s'évaluent à plus de 1,5
milliards de Francs CFA entre 1976 et 1981297(*). La communauté libanaise par le biais de
l'Union culturelle Libanaise Mondiale Section Côte d'Ivoire a construit 6
classes à Tafiré, 12 classes à Gagnoa, 18 classes à
Odienné, 6 classes à Lakota, 6 classes à Issia et des
écoles à Toumodi et Yamoussoukro.298(*) Il faut y ajouter
également l'école de 20 classes affectées à la
commune de Yopougon.299(*)
On remarque la communauté libanaise accorde
un intérêt particulier à l'éducation en Côte
d'Ivoire. Les Libanais contribuent également à
l'équipement des populations en infrastructures culturelles. Ainsi, ils
ont participé à la construction d'un centre culturel à
Adzopé et un jardin d'enfants à Tiassalé.300(*)
Les Libanais aident à l'équipement
des populations en infrastructures sanitaires. Il existe en Côte d'Ivoire
surtout à Abidjan des cliniques et hôpitaux dont les promoteurs
sont d'origine libanaise. Nous pouvons citer entre autres l'hôtel Dieu de
Docteur Assaad Bassit, la polyclinique internationale de
l'indénié du Plateau et de la polyclinique Avicenne.301(*)La polyclinique
Internationale de l'Indénié du Plateau a été
créée en 1999. Elle emploie 140 personnes. Le responsable de
cette entreprise est Safi Ahmed302(*). Cette polyclinique réalise un chiffre
d'affaires de 3,306066966 milliards de Francs CFA303(*). Quant à la
polyclinique Avicenne, elle fut créée en 1987. Son siège
se trouve au Plateau. Elle dispose d'un effectif de 150 salariés. Le
gérant est Fakhry Khaled.304(*) La polyclinique Avicenne réalise un chiffre
d'affaires de 2, 402437262 milliards Francs CFA.305(*)
Les opérateurs économiques libanais
soutiennent le gouvernement ivoirien à la mise place des infrastructures
sanitaires. Ces actions sont perceptibles dans certaines villes de
l'intérieur et certains quartiers d'Abidjan. Les Libanais aident
à l'équipement des hôpitaux à travers l'offre d'un
bloc opératoire de Sinfra. Il y a également la construction de
maternités dans les villes suivantes : Treichville, N'douci et
Korafla.306(*)
On observe que la communauté libanaise
« fait du partage et des oeuvres sociales son crédo et
sa raison d'être »307(*) en apportant un soutien important dans
l'amélioration des conditions sociales des Ivoiriens. Les Libanais
contribuent également au développement du sport ivoirien.
2-Une communauté
dévouée au développement du sport ivoirien
La présence libanaise dans le sport en
Côte d'Ivoire est connue de tous. On les retrouve dans toutes les
disciplines sportives. Cet amour pour le sport remonte depuis la colonisation.
En effet, en 1933, les Libanais et Syriens résidants à Agboville
ont créé la première association sportive
légalement constituée de ladite ville dénommée
« club sportif libano-syrien ».308(*)Cette initiative se poursuit
après l'indépendance. La majorité des ressortissants
libanais qui s'engagent dans le sport sont des opérateurs
économiques. Ces Libanais du sport ivoirien sont nombreux. Parmi
ceux-ci, nous en retenons une.
Il s'agit de la famille Abinader. L'histoire de
cette famille en Côte d'Ivoire est liée au Sport. Cet amour pour
le sport ivoirien commence dans les années 1960 avec le père
Antoine Abinader. En effet, la première action de ce dernier en
faveur du sport est le parrainage dans le football ivoirien avec la
création du trophée du meilleur buteur du championnat national
au cours de la saison 1969-1970. L'initiation de ce trophée a
créé une émulation de la part des attaquants pour leur
affirmation sur le plan national et international.
Ses enfants Guy et Roger Abinader ont poursuivi
l'oeuvre de leur père. Puisque ces derniers ont pratiqué d'abord
le basketball de haut niveau dans des équipes ivoiriennes avant
d'être dirigeant de clubs ou de fédération.309(*) Roger Abinader a
été indispensable pour le développement du sport ivoirien
en particulier celui de la ville de Bouaké. En effet, il a
été président fondateur de l'Association sportive des
Clubs de Bouaké Abinader. D'ailleurs la section handball de cette
association sportive a fait les beaux jours du handball ivoirien dans les
années 1980. Cela s'aperçoit par l'une des victoires de la coupe
d'Afrique des Clubs champion obtenues à Brazzaville en janvier
1984.310(*) Roger
Abinader et ses joueuses ont reçu les honneurs des autorités
ivoiriennes avec la présence du Grand chancelier Germain Gadeau et les
ministres Fologo et Jean Jacques Béchio. Les filles d'Abinader ont
reçu chacune 7 millions de Francs CFA de la part des autorités
ivoiriennes311(*). Roger
Abinader joue également un rôle de parrainage de certaines
fédérations telles que le cyclisme et la boxe.312(*)
En dehors des équipes des Abinader, l'on note
également la création dans les années 1990 du Lazer
football de Club dont le fondateur est Mohamed Lakiss. Ce dernier fut le
médecin sportif de l'Asec Mimosas d'Abidjan. Ce club a participé
au championnat national de première division de 1995 à
1998.313(*)
Par ailleurs, d'autres ressortissants libanais ont
participé activement au sport ivoirien à d'autres niveaux. A
Abidjan et à l'intérieur du pays, nombreux sont des Libanais qui
sont à la tête des clubs et supporteurs des clubs. A Abidjan, les
clubs comme l'Asec Mimosas, l'Africa Sport National, le Stade et le Stella ont
chacun ont ses Libanais. A l'Asec Mimosas, par exemple, l'on peut citer
d'abord le cas d'Ibrahim Baroud qui est depuis 1976 président d'honneur
de l'Asec d'Abidjan. Son engagement pour le sport ivoirien lui a valu la
médaille du chevalier du sport ivoirien.314(*) Il y a même un
comité des supporters libanais créé en novembre 1989
dirigé par Ali Khafal. Ce comité a offert respectivement 750
mille et 100 mille Francs CFA en 1991 au comité directeur de l'Asec et
à Amani Yao César alors blessé315(*). A l'intérieur du
pays, des investissements libanais ont permis à certains clubs de
connaitre des moments de gloire. C'est le cas par exemple de Robert Haddad,
opérateur économique dans le commerce du café-cacao et
d'autres articles, qui a fait de l'Association sportive d'Oumé
d'être dans le concert du football ivoirien dans les années
1985.316(*) Certains
mécènes libanais ont des fortunes diverses. Certains comme
Ibrahim Baroud, Bassim Jaber ont connu de la gloire.
D'autres par contre ont été
anéantis. Il s'agit entre autres de Kachtaban, commerçant
libanais installé à Divo. Les autorités municipales lui
avaient confié la gestion de l'Association sportive de Divo alors mal en
point en 1983. Ce dernier ne connaissant rien dans le milieu du sport, les
autorités ont abandonné l'équipe de la ville dans ses
mains. Ayant dépensé toute sa fortune ce dernier mourut quelques
années plus tard.317(*) Les Libanais ont associé leur image au sport
ivoirien par générosité ou publicité. Tout compte
fait les Libanais ont contribué au développement du sport en
Côte d'Ivoire. Cependant, il est impérieux de s'intéresser
à la nature des relations entre la communauté libanaise avec les
autorités et les autres communautés vivants en Côte
d'Ivoire.
B- La nature des relations avec les
autorités politiques
La position économique des Libanais en Côte
d'Ivoire ne peut pas être sans réaction ni de la part des
autorités ivoirienne, ni des Ivoiriens et même des autres
communautés étrangères vivant en Côte d'Ivoire.
Les rapports entre les Libanais et les autorités
ivoiriennes sont en général amicales et économiques. Le
gouvernement accorde un grand intérêt à l'endroit de la
communauté libanaise. Cela se traduit par l'autorité d'accorder
la création d'un centre islamique Al-Zahraa318(*) de Marcory qui comprend une
mosquée et un centre médical. Mieux, en 2001, deux
opérateurs économiques d'origine libanaise ont été
nommés membres du conseil économique et social. Il s'agit de
Roland Dagher et Fouad Omais.319(*)Nombreux sont les Libanais qui
bénéficient de la nationalité ivoirienne cependant, ils ne
bénéficient pas de l'onction pour briquer des postes
électoraux.320(*)
Néanmoins, il existe une relation de suspicion de la part des
autorités à l'égard des Libanais. Les Libanais sont
parfois accusés de pratiquer la fraude et de corruption. Ils ne
déclarent pas leurs employés et contournent la loi. Toutes ces
accusations ne sont souvent pas vérifiées. Ces fraudes sont la
plupart du fait des agents de l'Etat. Cette assertion trouve sa justification
dans les propos de GNAMIEN Konan321(*), lors d'une conférence organisée dans
le cadre de la 11ème journée carrière des
étudiants du groupe l'Ecole nouvelle d'ingénieur et de
technologie (Ensit) au Deux Plateaux « des agents de douane
manoeuvrent au profit des opérateurs économiques libanais et
effaçaient les créances de ceux-ci dans le système
à l'ordinateur »322(*).
En plus des relations avec les autorités, il
y a les rapports avec communautés vivant en Côte d'Ivoire. Les
relations entre les Ivoiriens et les Libanais sont de type économique.
En effet, les Libanais sont un pourvoyeur d'emplois des Ivoiriens. Cependant,
les conditions de travail ne sont pas reluisantes. D'abord, les salaires qui
dépassent à peine le salaire minime interprofessionnel garanti
(Smig). Ensuite, ils n'ont presque pas de congés. Enfin, ils ne sont ni
assurés, ni embauchés. Toutes ces choses suscitent un sentiment
de haine des Ivoiriens contre les Libanais. Face à cette impuissance,
ils accusent les autorités. Selon eux le gouvernement est à la
base de toutes leurs difficultés car l'on assiste au mutisme de l'Etat.
Il y a un autre fait majeur qui constitue une
discorde entre Libanais est les mariages mixtes. En effet, Les Ivoiriens
accusent les Libanais de les empêcher. Les Libanais affirment que ce
fait tire son origine dans la tradition et la religion libanaise. Selon Jaber
Bassim, le mariage est sacré, il obéit à plusieurs
rituels qui paraissent assez complexes pour les potentiels prétendants.
Il poursuit son argumentation en terme «chez au Liban, la coutume veut
que l'on marie la fille dans la famille, le quartier, la ville, la commune, le
pays de gagner l'extérieur. Toute relation en dehors du cadre familial
est proscrite. Ainsi la fille qui entretient des rapports avant le mariage
ternit l'image de sa famille, dans la
société».323(*) Alors que ces derniers entretiennent des relations
conjugales avec les Ivoiriennes. Les enfants issus de l'union entre les
Libanais et les Ivoiriennes sont souvent confrontés à des
difficultés d'intégration. D'un côté, les Ivoiriens
les considèrent comme Libanais, alors que ces derniers sont
rejetés par leurs parents paternels.
Cependant, les relations ivoiro-libanaises
s'améliorent de mieux en mieux. En effet, l'on note la naissance en 1992
de l'Amicale ivoirienne ivoiro-libanaise dont le premier président est
Me Niagadou Aliou. Le but principal de cette amicale est de parvenir une
réelle intégration de la communauté libanaise. Cette
dernière travaille de concert avec l'Union culturelle libanaise
mondiale324(*).
Quant aux rapports des Libanais avec les autres
communautés étrangères, ils sont de type
économique. Les ressortissants de l'Afrique de l'Ouest sont pour la
plupart commerçants. Ils exercent dans le demi-gros et le détail.
Ils s'approvisionnent auprès des grossistes libanais. Les Libanais
constituent également un pourvoyeur d'emplois pour ces ressortissants
libanais. Ils sont employés comme des domestiques. On retient finalement
que les relations entre la communauté libanaise avec la
société ivoirienne sont courtoises et souvent méfiantes.
Conclusion
générale
Les Libanais font partie intégrante dans
l'histoire économique de la Côte d'Ivoire. Cette communauté
demeure une population indispensable et incontournable au service de
l'économie de ce pays. Les Libanais font du progrès
économique de la Côte d'Ivoire leur leitmotiv et leur
priorité. Malgré des situations souvent défavorables, ils
ont développé des stratégies qui leur ont permis d'asseoir
une position de choix au plan économique.
Cette présence libanaise au service de
l'économie ivoirienne est multidimensionnelle ou plurielle. En effet,
les Libanais ont commencé ce processus économique sur la pointe
des pieds par leur insertion dans le commerce colonial. Cette insertion ne
s'est pas faite sans difficulté, les Levantins ont essuyé les
affronts de toute nature de la part du colonisateur. Cela ne les a pas
empêché d'être un acteur important dans l'économie
coloniale de la Côte d'Ivoire. Ils ont été un acteur
important du commerce colonial et de bien d'autres secteurs
d'activités.
Cet engagement libanais s'est poursuivi au lendemain
de l'indépendance de la Côte d'Ivoire. Durant les années
1960 ; conscients de nombreux changements qui s'opèrent au niveau
politique et économique, les Libanais s'adaptent à cette nouvelle
donne et développent des méthodes afin de non seulement
consolider leur position, mais également étendre leurs
activités.
En outre, ils occupent les secteurs laissés
vacants par les Européens à la faveur de la crise
économique de 1980-2001. En effet, quoique cette période soit
difficile, les Libanais ont su oeuvrer, s'imposer et imprimer leur marque
à l'économie. Ils ont su saisir les opportunités offertes
par le départ ou la fermeture de certaines entreprises appartenant aux
coopérants européens et de l'Etat. Il y a également le
fait que les difficultés liées au fonctionnement et aux
financements de certaines entreprises d'Etat occasionnent leur fermeture.
Ainsi, on observe que les Libanais investissent progressivement dans les
domaines secteurs d'activités qui jadis le monopole était
essentiellement réservé à l'Etat ivoirien. Il s'agit
particulièrement de la filière café cacao.
Au niveau de la distribution, les Libanais en
assurent désormais, avec le recul des compagnies françaises un
contrôle total. En effet, dans les années 1980, les compagnies
françaises du fait de la crise et de certains nombres d'aléas
qui sont physiques et humains décident d'investir dans les
activités modernes jugées plus porteuses. Il y a aussi que les
Libanais bénéficient de l'apport des autorités
françaises. A cela s'ajoutent leur association avec les Ivoiriens et
avec certains opérateurs européens.
A partir de 1990 avec le redécollage
économique, certains opérateurs économiques investissent
d'importants capitaux dans la grande distribution détenue par les
Européens et deviennent les véritables hommes de ce
secteur.
Il faut que si les Libanais ont pu atteint un tel
degré de réussite dans les affaires en Côte, cela provient
de plusieurs facteurs hautement importants. Il s'agit en premier au plan
politique des réformes économiques et de la stabilité
qu'a connue le pays pendant 40 ans. A cela, il faut ajouter les valeurs tells
que la solidarité et l'amour qui caractérisent les membres de la
communauté libanaise. Il y a par ailleurs le génie propre du
peuple qui demeure des points de référence qu'est sa
capacité à relever les défis majeurs, à transcender
les écueils et à vivre les réalités avec laquelle
il vit.
Au terme de cette étude, force est de
reconnaître qu'elle n'est pas exhaustive. Plusieurs aspects du sujet nous
ont permis d'éclairer et d'approfondir le rôle des Libanais dans
l'économie. Nous avons conduit nos recherches vers différentes
orientations. Nous avons d'abord orienté notre étude entre la
politique économique mise en place par l'Etat de Côte d'Ivoire.
Car cette politique appelée capitaliste vise à permettre la
richesse économique des individus et de l'Etat ; enfin, une
étude comparative entre des Libanais de Côte d'Ivoire et ceux
des autres pays de l'Afrique de l'Ouest.
En dehors de cet aspect économique, il
existe un rapport d'harmonie entre les autres membres de la communauté.
Ce rapport se résume à la notion de solidarité, des liens
de communauté de très fort basé sur les us et coutumes.
L'étude sur les Libanais nous a permis de comprendre que cette
communauté a été un acteur incontournable dans le
développement économique de la Côte d'Ivoire. Ces derniers
ont accompagné la Côte d'Ivoire dans son processus de
développement économique. Ils ont été au
côté de la Côte d'Ivoire dans les moments de
prospérité et même dans les situations difficiles. C'est
pourquoi, nous affirmons que cette communauté asiatique est une chance
pour la Côte d'Ivoire. Ses initiatives sont à encourager
même si certaines de leurs pratiques paraissent obscures.
Cependant, nous pensons que la question libanaise est
riche en enseignement. Il serait prétentieux pour nous d'affirmer que
nous avons épuisé tout le sujet. Il existe beaucoup d'aspects que
nous n'avons pas abordé qui peuvent élargir le champ de la
recherche scientifique dans biens de domaines.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIES
SOURCES ORALES
Rana Jaber, assistante de direction à la chambre de
commerce et d'industrie libanaise en Côte d'Ivoire
Thème : la présence libanaise de
Côte d'Ivoire
Entretiens multiples
Yao Germain, directeur de l'information économique et
des études à la chambre de commerce d'industrie de Côte
d'Ivoire, poste 735, contact 05094707
Thème de l'enquête : Les facteurs de
la réussite économique des Libanais en Côte d'Ivoire
Date de l'entretien : décembre 2011
Lieu de l'entretien : Chambre de commerce et
d'industrie de Côte d'Ivoire.
Durée de l'entretien : 1heure 30 min
Monsieur MENHEM Morkos (Jean Marcos), Prêtre de
l'église catholique Sacré coeur d'Adjamé Abidjan depuis
2007. Monseigneur Jean Marcos est présent en Afrique de l'Ouest depuis
plus d'une trentaine d'année. Avant d'exercer en Côte d'Ivoire, il
a séjourné d'abord au Sénégal et en Guinée
Bissau pendant une vingtaine d'années.
Thème des entretiens :Le processus
d'immigration des libanais en Côte d'Ivoire
Date des entretiens : janvier et février
2012
Lieu des entretiens : Mission libanaise
Sacré Coeur au bureau de l'évêque
Durée des entretiens : environ 4 heures
Cet entretien privé a lieu en présence du
directeur de l'école sacré coeur, Monsieur Julien
Mr Ouattara Basile, chef de cabinet du maire Sylla
Youssouf. Il occupe ce poste depuis 1996, date à laquelle le projet de
construction du forum a été institué. Il a
été même technique de la répartition des places
Thème de l'entretien : la construction du
forum des marchés d'Adjamé
Date de l'entretien le 24 avril 2012
Durée de l'entretien 54mn
SOURCES ECRITES
Journal Officiel de la République de Côte
d'Ivoire
Archives nationales de Côte d'Ivoire
DD26 n°18, circulaire à messieurs les cercles
au sujet des cartes d'identité des étrangers, n°340A 1266
du1 avril 1917
Fonds du Groupe olympe
Registre de la régie publicitaire 2000 à 2004
Rapport des stagiaires
Registre de la Direction des ressources humaines du groupe
olympe mai 2005, P18
Bureau du Développement Industriel,
Répertoire des industries et activités de Côte
d'Ivoire, 1974, 355P
Bureau du Développement Industriel,
Répertoire des industries et activités de Côte
d'Ivoire, 1979, 80 ,480p
Bureau du Développement Industriel,
Répertoire des industries et activités de Côte
d'Ivoire, 1983-1984, 599p
Bureau du Développement Industriel,
Répertoire des industries et activités de Côte
d'Ivoire, 1986- 87 ,507P
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Table des tableaux
Tableau n°1 de l'évolution de la population
libanaise entre 1920 et 1940, p32
Tableau n°2 de la population des communautés
étrangères en Côte d'Ivoire en 1937-38, p 33
Tableau n°3 : Répartition par des
partenaires commerciaux non OECDE de la Côte d'Ivoire en 1961, p43
Tableau n°4 : Schéma du réseau de
distribution de pagnes en Côte d'Ivoire en 1975, p78
Tableau n°5 : Entreprises de la fusion des groupes
Khalil et Omais, p90
Tableau n°6 : Proportion des diplômés
syro-libanais en Afrique occidentale Francophone en 1938, p93
Tableau n°7 : Répartition des investissements
par nationalité dans les industries du cuir et articles chaussants en
million de CFA, p101
Tableau n°8: Répartition des investissements par
nationalité dans les industries des métaux 1979, p104
Tableau n°9 : Répartition du capital social
des entreprises par pays d'origine en millions de CFA, p107
Tableau n°10 de la répartition des investissements
étrangers au 30-09 1990, p140
Tableau n°11 Les gros investisseurs industriels de 1994
à 1997, p150
* 1Pierre KIPRE ;
Migrations en Afrique noire : la construction des identités
nationales et la question des étrangers, Abidjan, juin 2010, Cerap,
p72
* 2Salma, KOJOK ;
L'immigration libanaise en Côte d'Ivoire avant 1945, Abidjan, 1993,
Mémoire de maîtrise d'histoire, Unci, p 10
* 3Tanoh Raphaël BEKOIN,
La chambre de commerce de Côte d'Ivoire, de la colonisation à
l'après-indépendance, naissance, apogée et d'une
institution1908-1992 ; 2006, p196
* 4 Dictionnaire
universel, Hachette, 2000, p 694
* 5 Pacte de la
Société des Nations, article 22, p12
* 6Jean Baptiste KOUAME,
Geoffroy BAILLE et Yaya SOW, « Union libanaise culturelle
mondiale », Fraternité Matin n°6526, du 14 juillet
1986, p23-25
* 7Jean Baptiste KOUAME,
Geoffroy BAILLE et Yaya SOW, op, cit, pp22- 25
* 8 Marianne MEUNIER,
« La longue marche des Libanais », In Jeune
Afrique, n°2544, du 11 au 17 octobre 2009, p24
* 9Frédéric
CAKPO, « La communauté libanaise, un poids
économique certain », «50 ans d'économie,
« In Pme Magasine, pp39-42, édition spéciale 2010
* 10Florence DOUAT,
« Mieux connaître l'Afrique, le mythe des
Libanais », In Marchés tropicaux et
méditerranéens, n°3038, 30 janvier 2004, p196
* 11Gouly DOUA,
« Le forum des marchés inauguré par le
Président de la République », In Fraternité
Matin, n°10907, p10
* 12Ministère
chargé des relations avec le parlement et autres institutions,
« la liste des 120 conseillers économiques et
sociaux » In Fraternité matin n°11098 du 31 octobre,
1er novembre 2001, p5
* 13Salma KOJOK; op.cit.
; p154
* 14 Idem,p154
* 15 Khodr HEKMAT ;
Le Liban en Côte d'Ivoire Abidjan, Hekmat, 1988, 256p
* 16Jean BINET ;
«Les Libanais de l'Afrique francophone 1975 », In
Kroniek van Afrika, pp258-265
* 17Le métier de
vendre, le transport des marchandises pour les vendre.
* 18Catherine MEZAAD,
Les investissements industriels libanais en Côte d'Ivoire,
mémoire de maîtrise de géographie, Paris VII, Nanterre
1994, P256
* 19Entretien
réalisé en janvier 2012
* 20Directeur de
l'information économique et des études à la chambre de
commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire
* 21 Chef de cabinet
à la mairie d'Adjamé depuis 1996, directeur technique de
l'attribution des places du marché
* 22Monseigneur Menhem
Morkos, entretien réalisé février 2012 dans sa
résidence située dans l'enceinte de la Mission libanaise
catholique sacré coeur
* 23Idem
* 24 Salma KOJOK,
op.cit, p18
* 25Salma KOJOK, Op.cit,
p24
* 26 Entretien
réalisé en février 2012
* 27 Alain
TIREFORT, « Le baudet libanais ou le mal-aimé,
approche de la communauté libano-syrienne en basse Côte d'Ivoire
pendant l'entre- deux-guerres », In Godo Godo n°7, 1981,
Bulletin de l'Institut d'Histoire d'Art et d'Archéologie,
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* 28Jean et René
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* 29Journal Officiel de
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* 30Pierre KIPRE :
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* 31Salma KOJOK,
op.cit.p44
* 32 Henriette Dagri DIABATE
et Léonard KODJO, Notre Abidjan, Ivoire Média /Mairie
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* 33Pacte de la
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* 34Alain TIREFORT, op, cit,
p65
* 35Idem, p67
* 36Salma KOJOK,
op.cit., p74
* 37Idem, p74
* 38Alain TIREFORT,
op,cit, p64
* 39Elie SAFA,
L'émigration libanaise en Côte d'Ivoire,
* 40Salma KOJOK,
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* 41Semi-Bi-ZAN,
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* 42Jean & René
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* 43 JOAF, 30 avril 1909,
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* 44 AlainTIREFORT,
op,cit,p66
* 45 Henriette DAGRI (D),
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* 46 Entretien
réalisé en février 2012
* 47 Alain TIREFORT, op,cit,
p66
* 48Pascal Konan YAO ;
Le commerce colonial en Côte d'Ivoire de 1945 à 1960,
mémoire de maîtrise histoire, UNCI, 1995, PP20-21
* 49Pierre KIPRE, Villes
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* 50Tanoh Raphaél,
BEKOIN, op,cit , p196
* 51ANCI, 4-DD26 n°18,
circulaire à messieurs les cercles au sujet des cartes
d'identité des étrangers, n°340A 1266 du1 avril 1917
* 52Tanoh Raphaél,
BEKOIN, op,cit, p201
* 53Pierre KIPRE, op, cit,
p89
* 54Tanoh Raphaél
BEKOIN, opcit, op, cit, p311
* 55Tanoh Raphael BEKOIN,
opcit, op, cit, pp310-315
* 56Pierre KIPRE ;
Mémorial de la Côte d'Ivoire, Belgique 1988, Ami, tome2,
p264
* 57Idem, p264
* 58Samir AMIN ; Le
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* 59Raymond
GAUTHEREAU ; Khalil Sabeh, commerçant et planteur à
Oumé, In Mémorial de la Côte d'Ivoire ;
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* 60Semi BI- ZAN :
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* 61Hubert BONIN ;
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*
* 62Samir AMIN ;
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* 63Ministère des
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* 64Pascal Konan YAO;
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* 65Idem ;
p20-21
* 66Anonyme, « Les
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1993 au 05 janvier 1994
* 67 Hekmat KODR,
op,cit, p234
* 68Tanoh Raphael
BEKOIN ; op.cit., p 465
* 69Tanoh Raphael BEKOIN,
op.cit., p475
* 70Jean SURET-CANALE :
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* 71Adama BALLA :
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* 72Semi BI-ZAN,
op.cit., pp256-257
* 73Philippe ASSALE :
op.cit. , p24
* 74Raphael N'GUESSAN
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3 Décembre 1986 en présence du Président de
l'Assemblée Nationale«, In Fraternité Matin du 10
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* 75 Jean BINET,
op.cit., P262
* 76Ministère de
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* 77Idem ;
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* 78Bureau de
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* 79Annuaire des chambres
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* 80Ministère de
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* 81Chambres consulaires de
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* 82Henry BOURGOIN ;
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* 83Antoine SERY ;
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* 84Chambre d'Industrie de
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* 85Chambre d'industrie,
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* 86Ministère de
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* 87Alain DUBRESSON ;
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* 88Chambres consulaires
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* 89 Bureau de
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* 90 Samir AMIN, op.cit,
p113
* 91Chambre d'Industrie de
Côte d'Ivoire, (1970), op.cit., p1
* 92Bureau de
Développement Industriel, (1974), op.cit., p78
* 93Ministère de
l'Economie et des Finances, op.cit. , p64-72
* 94Bureau de
Développement Industriel, (1991), op.cit, p342
* 95 Bureau de
Développement industriel, (1988), op, cit, p94
* 96Chambre d'Industrie de
Côte d'Ivoire (1970), op.cit. , p1
* 97Idem,p1
* 98Chambre d'Industrie de
Côte d'Ivoire (1970), op.cit. , p9
* 99Chambre d'industrie de
Côte d'Ivoire (1970), op.cit. p6
* 100Bureau de
développement industriel, (1974), op,cit, p35
* 101Idem, p35
* 102Chambre d'industrie de
Côte d'Ivoire, (1970),op,cit, P8
* 103Bureau de
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* 104Chambre d'industrie de
Côte d'Ivoire, (1970), op.cit. , P1
* 105Idem ;
P1
* 106Ministère de
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* 107Chambre
d'industrie de Côte d'Ivoire, (1970), op,cit, P1
* 108Ministère de
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* 109Ministère de
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* 110Henry BOURGOIN ;
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* 111Jorci,
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* 112Dominique, HARRE
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* 113Idem, p126
* 114Henriette (D.D),
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* 122Idem, p247
* 123Bureau de
Développement Industriel, Edition 1974, op ;cit, P266
* 124Chambres consulaires
de Côte d'Ivoire1991-1992 Op,cit, p161
* 125Bureau de
Développement Industriel, Edition 1983-1984, p46
* 126Bureau de
Développement Industriel, (1983-1984), op, cit, p46
* 127Idem, p46
* 128Ministère de
l'industrie, Schéma Directeur du Développement Industriel,
(1988) ; annexe II, op,cit, p13
* 129Catherine MEZAAD;
op.cit. , p29
* 130Idem, p29
* 131Chambres consulaires
de Côte d'Ivoire (1991-1992), op,cit, 201p
* 132Alain DUBRESSON;
op.cit., p71-74
* 133Chambre
d'industrie : Principales industries installées en Côte
d'Ivoire au 1er janvier 1975, mai 1975, p22
* 134Idem, p22
* 135Ministère de
l'industrie, Schéma Directeur de Développement Industriel,
Annexe I, (1988), op, cit, p147
* 136Alain DUBRESSON,
op, cit, pp71-74
* 137Idem,
pp71-74
* 138Chambre d'Industrie,
Principales industries installées en Côte d'Ivoire, Edition
mai 1975, op,cit ; 98
* 139Catherine MEZAAD,
op.cit. , p29
* 140Catherine MEZAAD,
op.cit., p29
* 141Ministère
d'Etat, ministère du plan et du développement ; Direction
Générale du Développement du Développement de
l'Economie régionale, Atlas des villes, décembre 2007,
p137
* 142Khodr HEKMAT,
op.cit., p123
* 143Khodr
HEKMAT,op,cit, p150
* 144Centrale des bilans,
1980, In Catherine, MEZAAD, p29
* 145Catherine MEZAAD,
op.cit. , p36
* 146Bureau de
Développement Industriel, Répertoire des industries et
activités de Côte d'Ivoire, éditions 1979-80, op,cit,
p429
* 147Bureau de
développement Industriel, op,cit p431
* 148Alain DUBRESSON ;
op.cit, pp71-74
* 149Idem,
pp71-74
* 150Alain DUBRESSON,
op,cit, p71-74
* 151Jacqueline DUTHEIL de
la ROCHERE ; L'Etat et le développement économique de la
Côte d'Ivoire, Paris 1976, Pédon, p52
* 152Venance,
KONAN « Côte d'Ivoire voyage, la communauté
libanaise », In Afrique magasine octobre 2008 n°277,
p80
* 153Service de presse de
la Présidence de la Republique, VIIème Congrès du
Pdci-Rda, 9 au 12 octobre 1985, pp21-22
* 154Venance KONAN,
op,cit; p80
* 155Catherine (M),
op.cit. , p115
* 156Idem, p115
* 157Alain DUBRESSON;
op.cit. , p71
* 158Catherine
MEZAAD,op.cit ; p121
* 159Catherine
MEZAAD, op,cit, p11
* 160Albert BOURGI et
Pierre WEISS, , op,cit,, In Jeune Afrique, n°1588, 1991,
pp33-47
* 161République de
Côte d'Ivoire, op.cit. , p35
* 162Albert BOURGI et
Pierre WEISS ; op.cit ; p40
* 163Idem ;
p40
* 164Office Ivoirien des
Chargeurs, op,cit, p75
* 165Fraternité
Matin, «un dirigeant qui gagne« ; in Ivoire hebdo 6
janvier 1985, Le magasine de la Côte d'Ivoire
* 166Alain
TIREFORT,Op,cit, p3
* 167Jean BINET ;
op.cit, p263
* 168Il est titulaire
d'un doctorat de 3ème cycle de sciences économiques
à l'Université d'Abidjan, option finances-comptabilité. Il
fut membre du bureau exécutif de l'Association pour le
développement du Marketing en Côte d'Ivoire (ADMCI).
* 169Bassim
JABER« Nécessaire redéploiement de l'industrie
ivoirienne », In Fraternité matin du 2, 3 Mars 1985,
p28
* 170Albert BOURGI ;
op.cit ; pp33-47
* 171Kobénan
DASSIE ; Contribution du code des investissements de 1959 à
l'industrialisation de la Côte d'Ivoire. Les entreprises
prioritaires, Abidjan juin 1987, thèse de 3ème
cycle, p6
* 172Jean BINET,
op.cit ; pp258-265
* 173Les entreprises
qui bénéficient de cet agrément doivent faire partie de
ces domaines suivants : l'immobilier, les cultures industrielles, les
entreprises de préparation et de transformation mécanique ou
chimiques des productions végétales et animales ;, les
entreprises de fabrication et de montage d'articles et d'objets de grande
consommation (le textile, matériaux de construction, fabrication
métalliques ); les industries minières d'extraction ,
d'enrichissement, de transformation des substances minérales et les
entreprises d'armature, de manutention et de transport ainsi que la recherche
pétrolière ; et enfin les entreprises de production
d'énergies ;
* 174Kobénan DASSIE,
op.cit ; p6
* 175Jean BINET,
op.cit ; p258-265
* 176Catherine MEZAAD,
op.cit. , p122
*
177Idem; p128
* 178Ibid, p128
* 179Ministère de
l'Economie des Finances et du Plan, Côte d'Ivoire, en chiffres
80-81, p 198
* 180 Office Ivoirien des
Chargeurs, op,cit, p76
* 181 Bureau de
Développement Industririel, Edition 1988, op,cit, p140
* 182 Idem,p140
* 183Catherine MEZAAD;
op.cit ; p118
* 184Idem ;
p118
* 185Le compound est la
matière qui résulte de la transformation de la résine de
pvc et de plastifiants.
* 186Annuaire des chambres
consulaires de Côte d'Ivoire, op.cit. , p342
* 187Office Ivoirien des
Chargeurs, op, cit, p64
* 188Annuaire des chambres
consulaires de Côte d'Ivoire, op,cit, p342
* 189Catherine MEZAAD,
op.cit ; p118
* 190Ministère du
Plan, de l'Economie et des Finances, Côte d'Ivoire en chiffres,
80-81, p199
* 191Alain DUBRESSON,
op.cit. , pp71-74
* 192Catherine MEZAAD,
op.cit. , p
* 193Ministère de
l'économie et des finances, op.cit. , p 198
* 194Idem ; p
198
* 195Ibid.,
p198
* 196Alain DUBRESSON ;
op.cit. , p71-74
* 197Ministère de
l'Economie et des Finances et du Plan ; op.cit, p19,
* 198 Entretien avec Yao
Germain, janvier 2012
* 199Aly
COULIBALY ; L'emploi dans les entreprises libano-syriennes de
Côte d'Ivoire, 1978, ONFP ; pp 3-9
* 200 Idem, p8
* 201 BOUAZO cité
par MEZAAD p 24
* 202MEZAAD, op, cit, p24
* 203 Chambres consulaires
de Côte d'Ivoire (1991), op.cit ; p44
* 204Bureau de
Développement Industriel, Edition 1979-1980,op.cit; p132
* 205Catherine
MEZAAD,op,cit, p47
* 206 Chambres consulaires
de Côte d'Ivoire (non daté), op,cit p155
* 207Idem, p154
* 208Catherine MEZAAD;
op.cit; p47
* 209Chambres consulaires
de Côte d'Ivoire, (non daté), op, cit, p298
* 210Idem, p
298
* 211Catherine MEZAAD,
op.cit; p47
* 212Chambres consulaires
de Côte d'Ivoire (non date). ;op,cit, p337
* 213Idem ;
p 337
* 214Catherine
MEZAAD,op,cit, p47
* 215Marchés
Tropicaux, n°2268 du 28 avril
* 216Ministère des
Finances, de l'Economie et du Plan ; Industries de l'imprimerie et de
la reliure : Etude d'implantation en Côte d'Ivoire, juillet
1972, pp35-40
* 217Idem ;
pp35-40
* 218Ministère des
Finances, de l'Economie et du Plan ; Industries de
l'imprimerie...op.cit ; pp35-40
* 219Ministère de
l'Economie et des Finances, bilan 1978-1979, op.cit ; p198
* 220 Idem ;
p198
* 221Ibid ;
p198
* 222Marchés
tropicaux n° 2268, avril 1989
* 223Le kraft est un
papier fort servant essentiellement à l'emballage
* 224Bureau de
Développement Industriel 1986-1987, opcit, p216
* 225Bureau de
Développement Industriel 1986-1987, opcit,; p216
* 226Ibid; p216
* 227Chambres consulaires
de Côte d'Ivoire, op,cit, p354
* 228Roger KOUASSI ;
Imprimeries industrielle : Un marché trop
réduit, in Fraternité matin, N°8659 du jeudi 19
Août 1993, pp2-3
* 229Ce terme est
d'origine anglaise est une technique d'emballa qui soigne la
présentation dans une perspective publicitaire.
* 230Chambres consulaires
de Côte d'Ivoire ; op.cit ; p144
* 231Catherine
MEZAAD ; op.cit ; p50
* 232Denis KAH
ZION ; « PAPIGRAPH-CI, une autre dimension de la
papèterie et du matériel d'imprimerie », In Le
Démocrate n°73 du 11 novembre 1992
* 233Bureau de
Développement industriel, (1988), op,cit, p83
*
234Bureau de développement industriel
(1979-80) ; op.cit ; p79
* 235Bureau de
Développement industriel (1991) , op, cit, p124
* 236Bureau de
Développement industriel, (1988), op,cit, p81
* 237Bureau de
développement industriel,(1988), op.cit., p245
* 238Idem, p245
* 239Bureau de
développement industriel (1991), op.cit., p187
* 240Idem; p187
* 241Chambres consulaires
de Côte d'Ivoire (non daté) , op,cit, p 345
* 242 Idem, p345
* 243Antoine SERY;
opc.cit. , p153
* 244Jean SURET-CANALE;
op.cit. , p180
* 245Tanoh Raphael BEKOIN ;
op.cit; pp 520-523
* 246Jean SURET-CANALE;
op.cit. , p180-183
* 247Jean Pierre
AYE ; « Rôle économique des
Libanais : frein ou moteur du
développement » ;IN Le Démocrate
n°46 du13 Mai 1992, pp7-10
* 248 Ousmane CRUYO
« Les Bana-Banas ou commerçants
ambulants », In Fraternité matin du 10 Avril 1984
* 249 Fraternité
Matin du 10 avril 1984
* 250 Raphael
N'GUESSAN « Le Supermarché Nour al Hayat a
fêté ses 20 ans », In Fraternité Matin, 10
décembre 1986, p10
* 251Chambre de commerce et
d'Industrie de Côte d'Ivoire, 2000, Répertoire des Entreprises
commerciales, industrielles et de services, p69
* 252 Bureau de
développement (1984-1985), p266
* 253Daouda DOSSO
« La semaine commerciale d'Attiécoubé,
succès inattendu », In Fraternité Matin du 11
Août 1987, p5
* 254Raphael LAKPE &
Salif DIABY « 13èmè édition de la semaine
commerciale de Treichville », In Fraternité matin du 23
juin 1980
* 255 Ministre de
l'Economie et des Finances ; Annuaire des entreprises de Côte
d'Ivoire, 1991, 64p
* 256Jorci, n° 27 du
17 Mars 1966, p 360
* 257François
VERDEAUX « La filière bois à travers ses
âges : une coupe longitudinale dans la politique de la zone
forestière ivoirienne », In Le modèle
ivoirien en questions : crises-ajustements, recompositions, Sous la
direction de Bernard, CONTAMIN et Harris, MEMEL-FOTÊ,Orstom, 1997,
pp274-278
* 258 Institut de Recherche
et de Documentation, Les industries de la première transformation du
bois en Côte d'Ivoire, p57
* 259Idem, p63
* 260Ibid, p63
* 261Jorci n°28 du 8
juin 1972, p137
* 262François
VERDEAUX ; op.cit. , p278
* 263Institut de Recherche
et de Documentation, op.cit. , p63
* 264Fraternité
matin du 26 septembre 1990, « Industrie du bois : secteur
à redynamiser »
* 265Catherine
MEZAAD ; op.cit ; p40
* 266Eric FOTTORINO,
Afrique : « la chimère des matières
premières », In le Monde du Mardi 20 Mars 1990, p29
* 267 Khodr HEKMAT,
op.cit, p150
* 268 Idem,
p123
* 269Stéphane
DUPONT ; « Côte d'Ivoire : Cacao :
Brûler pour Renaître » ; In Jeune Afrique
économique n° 164 ; février 1993 ; pp125-133
* 270Jean-Louis
G ; op.cit. p98
* 271Catherine
MEZAAD ; op.cit ; p121
* 272Stéphane
DUPONT ; « Filtisac, Diversification
réussie » ; In Jeune Afrique n°164,
février 1993 ; pp21-23
* 273 ANCI, Lot de
compilation des journaux de la presse privée, 1992-1994
* 274 ANCI :
Dépôt des journaux non classés
* 275Registre de la
régie publicitaire du groupe olympe 2004
* 276Kouassi Julien KOFFI,
La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans
une entreprise(Gpec) groupe olympe, Abidjan Côte d'Ivoire, 2003-2004,
p17
* 277Régistre du
groupe olympe, 2000-2005
* 278Idem
* 279Gilles DURUFLE,
L'ajustement structurel en Afrique (Sénégal, Côte
d'Ivoire, Madagascar), Karthala, Paris, 1988, p115
* 280 Ernestine KONAN,
« Du gros au détail », In News&co,
n°3 décembre 2011, pp10-17
* 281Gilles DURUFLE,
op, cit, p115
* 282Site.Web : www.
groupeprosuma.com, consulté le 30 avril 2012 à 16 heures 30
mn
* 283Eugène KADET,
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In Fraternité Matin du 8 juillet 1997, pp2-3
* 284Chambre de commerce et
d'industrie édition 2000, op.cit., p79
* 285Frédéric
DORCE, « Côte d'Ivoire : l'investissement au secours
de l'emploi », In Jeune Afrique économique, n°247, du
1er au 14 septembre 1997, pp48-52
* 286Chambre de commerce et
d'industrie de Côte d'Ivoire, annuaire 2010-2011, op.cit, p40
* 287Chambre de commerce et
d'industrie de Côte d'Ivoire, annuaire 2010-2012, op,cit, p40
* 288Charles KOUASSI,
« Le richissime ivoiro-libanais est décédé,
hier ; ce qui a tué Ezzedine Ibrahim », In l'Intelligent
d'Abidjan n°2472, du 22 février 2012, p6
* 289
Frédéric DORCE, op.cit., pp48-52
* 290Frédéric
DORCE, op cit, p52
* 291 François
MATHEY, la Basilique Notre Dame de la Paix de Yamoussoukro, 1990,
p3
* 292Basile OUATTARA,
entretien réalisé le mercredi, 02 mai 2012
* 293Basile OUATTARA,
op,cit
* 294Gouly DOUA,
« Le marché d'Adjamé inauguré
hier », In Fraternité Matin, 16 mars 2001, p10
* 295Conseiller
spécial du Président de la pour les affaires religieuses,
associations et organisations non gouvernementales
* 296Ben Mohamed LAMINE,
« Aboisso : la communauté libanaise fait don d'une
école aux habitants de Kouakoukro », In fraternité matin
n°1505, du 26 novembre 1969, p4
* 297Jean Baptiste KOUAME,
Geoffroy BAILLE & Yaya SOW, « Union libanaise Culturelle
Mondiale, In Fraternité Matin n° 6526, du 14 juillet 1986,
P23
* 298 Idem, p23
* 299Nady RAYESS,
op,cit, p9
* 300Jean Baptiste KOUAME,
op,cit, p23
* 301Marianne MEUNIER,
« La longue marche des Libanais », In jeune
Afrique n°2544, du 11 au 17 octobre 2009, p24
* 302Chambre de commerce et
d'industrie annuaire 2010-2011, op.cit., p77
* 303Pme magasine, 2010,
Atlas spécial 50 ans des 3000 premières entreprises
ivoiriennes, op.cit., p166
* 304Chambre de commerce et
d'industrie de Côte d'Ivoire, annuaire 2010-2011, op.cit.,
p150
* 305Pme magasine, 2010,
Atlas spécial 50 ans des 3000 premières entreprises
ivoiriennes, op,cit, p166
* 306Jean Baptiste KOUAME,
Geoffroy BAILLE & Yaya SOW, op, cit, p23
* 307Nady RAYESS,
op,cit, p9
* 308Joci ,
n°1887 , A ,G , 1933, p602
* 309Balafonte THIAM,
« M. Antoine Abinader a été le précurseur du
sponsoring», Sous la direction de Siaka BAMBA & Hégaud
OUATTARA, In Fraternité Matin du 14 février 1991, p15
* 310Geoffroy Baillet,
« Sport handball, Coupe d'Afrique des Clubs champions à
Brazzaville », n°5766, du 4 Janvier 1984, p12
* 311Jean Baptiste AKROU,
« Les championnes d'Afrique honorées, », In
Fraternité matin, n°5778 du 18 janvier 1984, p12
* 312Siaka BAMBA,
« Grand prix gauloise, cyclisme », In Fraternité
Matin, n°5789, du 31 janvier 1984, p13
* 313 Vénance KONAN,
op,cit, p83
* 314Siaka
BAMBA, « Les Libanais du sport ivoirien »,
Fraternité Matin 15 février 1991, p14
* 315 Norbert Konan
TANO « Ali KHafal, pour l'amour du sport »,In
Fraternité Matin du 15 février 1991, p14
* 316Hegaud OUATTARA &
Siaka BAMBA, Fraternité Matin du 14 février 1991, Op.cit., p14,
* 317 Hégaud
OUATTARA, op,cit, p14
* 318 Venance KONAN,
op.cit., p80
* 319 Idem,
p81
* 320
Ibid,p81
* 321Ministre de la
fonction publique et de la reforme administrative, directeur
général des douanes 2001-2007
* 322Konan GNAMIEN,
« lutte contre la corruption et les lourdeurs
administratives », In le Nouveau Réveil, n°3122 23
juin 2014
* 323Eugène KADET,
op,cit, Fraternité matin du 15 décembre 1993,p8
* 324Eugène KADET,
« Les Libanais de Côte d'Ivoire, une intégration
partielle ou totale ? », In Fraternité Matin, 15
décembre 1993, n°8755, p6-7
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