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L'Eglise catholique et le processus démocratique au Cameroun: une analyse de la participation des archidiocèses de Douala et de Yaoundé

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par Magloire NDONGMO
Université de Douala Cameroun - Master II en sociologie politiique 2013
  

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CHAPITRE 4:

UNE PARTICIPATION MITIGEE DE L'INSTITUTIONCATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS

Il faut dans toutes recherches sur l'Eglise Catholique tenir compte de sa complexité et tacher de distinguer les faits et dire de l'institution de ceux de ses membres. L'Objectif de ce chapitre est d'analyser la participation propre de l'Eglise en tant qu'elle est une institution, et représentée à cet effet par des autorités légitimes à plusieurs niveaux.

L'ouverture du Cameroun aux vents des démocraties des années 90, après plus de deux décennies de monolithisme a été saisie par l'Eglise comme une chance. Elle lui a permis de continuer son action dont elle s'était donnée la mission depuis Vatican II et qu'elle avait initié au Cameroun depuis avant l'indépendance. Ce rôle de l'Eglise s'était considérablement éclipsé depuis l'avènement du monolithisme politique instauré de force par le Président Ahidjo dans les années 60, comme nous l'avons vu plus haut.Allant dans le même sens, Constantin et Colon écrivent :

« Comme chez la plupart des camerounais, sous la passivité apparente des Eglises se cachaient bien des frustrations et des aspirations autres. Aussi, quand la pression autoritaire s'est atténuée, quand le changement a paru possible, la plupart des Eglises, chacune à sa manière et à son rythme, se sont politiquement réveillées»243(*).

C'est pourquoi, bénéficiant du contexte du pluralisme démocratique, l'Eglise engagea sa machine de changement social prévue à cet effet pour accompagner le processus démocratique. Analysant le Cas du Congo, J. Mungala Feta a la même lecture d'une telle implication de l'Eglise en contexte démocratique :

« Il convient de situer la participation de l'Eglise dans le débat démocratique qui constitue à la fois un cadre d'expression de la liberté des personnes et offre à l'Eglise la possibilité de participer aux débats et aux décisions de société»244(*).

Cette action de démocratisation initiée par l'institution est très mitigée et peut être analysée sous des aspects tels que l'action institutionnelle de restructuration du jeu politique et les facteurs de contradiction de cette action.

4.1. L'ACTION INSTITUTIONNELLE DE L'EGLISE POUR LA RESTRUCTURATION DU JEU POLITIQUE CAMEROUNAIS

Il convient d'analyser cette intervention dans le processus de construction de la démocratie, afin de rendre compte de son caractère mitigé. Cetteanalysede la participation de l'Eglise va se faire aussi bien au niveau international qu'au niveau local. C'est pourquoi, en abordant successivement la contribution et la complexité de cette contribution, nous entendons articuler notre argumentaire sur ces différents niveaux: l'Eglise universelle, la CENC et les organisations catholiques.

4.1.1. L'EGLISE UNIVERSELLE ET LA DEMOCRATISATION CAMEROUNAISE

Nous ne pouvons analyser la participation de l'Eglise Catholique en tant qu'elle est une institution supranationale245(*), en nous limitant à l'Eglise locale qui est au Cameroun. Ceci parce que les faits et dire de la plus grande hiérarchie catholique qui est à Rome concernent parfois toutes les Eglises particulières. C'est en ce sens qu'ennous intéressant à l'autorité vaticane, nous nous sommes rendu compte qu' il a une action à l'endroit du Cameroun ; compte tenu de la visite des deux derniers papes en terre Camerounaise sur invitation de la Présidence de la République de concert avec la CENC246(*), et de la remise par ceux-ci au Cameroun, des documents à caractère socio pastoral de grande importance pour les pays africains ; compte tenu aussi de l'action du Conseil pontifical Justice et Paix à l'endroit des pays africains.

4.1.1.1. Jean Paul II : L'invitation à la démocratisation

En septembre 1995, le Pape jean Paul II arrivait au Cameroun pour la deuxième fois. Une telle visite ne peut être vue par le sociologue comme politiquement neutre, compte tenue non seulement des relations diplomatiques du Cameroun avec le Vatican en tant qu'Etat et en tant qu'institution religieuse, mais aussi de la remise de l'exhortation apostolique post-synodale Ecclésia in Africale 15 Septembre 1995 à Yaoundé ;exhortation dont il convient d'entrer ici dans l'intelligence du message pour les systèmes politiques africains en général, et camerounais en particulier.

Le pontificat de Jean Paul II, nous l'avons vu avec les auteurs de religion du Monde et démocratie, de religion et démocratie et bien d'autres, a été marqué par sa lutte en faveur de la démocratie, notamment sa contribution à l'écroulement du communisme. C'est dans cette perspective de lutte mais cette fois contre les dictatures africaines qu'il faut comprendre l'exhortation apostolique remis à Yaoundé, notamment en son chapitre 6.

Sur les 6 chapitres que comporte le document, le pape a consacré les 1/6 aux questions de politiques africaines. Preuve que l'Eglise Catholique n'est pas indifférente aux mutations sociopolitiques en cours en Afrique.

Une autre dimension importante de cette exhortation apostolique est la responsabilité qui est laissée aux chrétiens africains pour déterminer leur propre destin. Cette formule de Jean Paul II est restée célèbre jusqu'aujourd'hui : « africains, devenez vos propres missionnaires »247(*). Le mouvement de participation de tous à la détermination du destin collectif en Afrique ne concerne donc pas seulement le temporel, le religieux lui emboite le pas.

Pour illustrer la pertinence d'un tel apport de Jean Paul II pour la démocratie camerounaise, examinons ces résultats de l'analyse documentaire que nous avons portée sur cette exhortation.

Tableau10: Place accordée aux questions de démocratie dans le chapitre 6 d'ecclésia in Africa : Construire le Royaume de Dieu

Source : Par nos soins.

Au demeurant, il ne faut pas voir dans cette remise officielle des directives à l'endroit des politiques africaines. Il s'agit davantage d'un document, d'une invitation lancée aux chrétiens africains à être des ferments de changements sociopolitiques dans leurs sociétés respectives.

En tant que plus grande autorité religieuse dans le monde, et bénéficiant par conséquent de son leadership moral sur les pays à majorité chrétienne et en particulier catholique, le pape entendait influencer à travers ces déclarations les pouvoirs politiques africains.

Si ces derniers se sont tous impliqués dans le processus démocratique, à l'aube de la décennie 90, il faut reconnaitre avec ce pape qu'ils ont encore beaucoup à faire. Comme on peut le lire dans Ecclésia in Africa : 

« De nombreuses nations d'Afrique peinent sous des régimes autoritaires et oppressifs qui dénient à leurs membres la liberté personnelle et les droits humains fondamentaux, tout spécialement la liberté d'association et d'expression politique de même que le droit de choisir leurs gouvernants au moyen d'élections libres et impartiales. »248(*).

C'est pourquoi, martèle le Pape, « L'Église doit continuer à jouer son rôle prophétiqueet à être la voix des sans-voix ». Nous voyons déjà à ce niveau la contribution de l'Eglise à la restructuration du jeu politique africain. Ce qui nous permettra plus loin de comprendre les dessous ou le caractère mitigé de cette contribution.

4.1.1.2. Benoit XVI :l'appel à la réflexion sur la vie politique.

Comme celle de son prédécesseur, la visite de Benoit XVI au Cameroun en Mars 2009 n'était pas politiquement neutre, c'est-à dire sans intérêt pour la vie politique au Cameroun ; quoi que l'Agence France presse (Afp) estime que l'intérêt du pape pour l'Afrique tient probablement au fait qu'il s'agit d'une « région clé pour l'avenir de l'église catholique »249(*). Bien au-delà de cela, cette visite a constitué un apport à l'action de l'Eglise dans la promotion d'une gestion collective de la chose publique. En ce sens qu'elle a été en même temps l'occasion pour lui de remettre l'instrumentumlaboris250(*) pour la préparation du synode au cours duquel l'Eglise devait réfléchir sur les conditions de mise en place d'un règne de réconciliation, de justice et de paix en Afrique. On peut le lire de Cameroun infos : « Son arrivée [celle de Benoit XVI] s'inscrit dans le cadre de la préparation de la 2e assemblée spéciale du synode pour l'Afrique prévue à Rome en octobre 2009 »251(*). A titre d'illustration, en souhaitant la bonne année 2008 au monde entier depuis la Cité du Vatican le 22 décembre 2007, il avait dévoilé son intention missionnaire pour janvier 2008 en ces termes : «Pour que l'Eglise, qui se prépare en Afrique à la seconde assemblée spéciale du synode des évêques, continue d'être le signe et l'instrument de réconciliation et de justice malgré la guerre, l'exploitation et la pauvreté qui marquent le continent ! »

Ce document officiel que benoit XVI a publié finalement s'inscrit dans la même lignéedes questions sociopolitiques que celui de Jean Paul II que nous avons analysé plus haut.

Examinons-le brièvement pour en ressortir l'intérêt pour la démocratisation en cours au Cameroun : Contrairement au document précédent, celui-ci consacre uniquement les ¼ d'un chapitre sur 5 aux questions sociopolitiques africaines. Sur ce, présentant l'institution politique comme « un instrument majeur au service de la réconciliation, de la justice et de la Paix »252(*), il invite l'Eglise à contribuer à édifier la société en collaboration avec elle : « les autorités gouvernementales, et les institutions publiques et privées engagées dans l'édification du bien commun»253(*).

Telle est de manière brève l'apport de ce document aux préoccupations de promotion de la société camerounaise.

4.1.1.3. Le Conseil Pontifical Justice et Paix et la promotion de la démocratie en Afrique

Dans cette perspective de l'action de l'Eglise au niveau régional, et dans le même sillage de l'accompagnement des politiques africaines par l'Eglise, le Conseil Pontifical Justice et Paix organisait avec le SCEAM254(*) à Dar-es-Salaam en Tanzanie en Aout 2008 une conférence continentale sur le thème : « Vers une nouvelle évangélisation de la société africaine ». Elle entendait, selon les recommandations de Benoit XVI, « porter une attention significative aux défis du continent sous le signe de l'espérance »255(*). Il y était recommandé la création, des CommissionsJustice et Paix, aux différents niveaux, comme le recommande l'exhortation apostolique post synodale ecclésia in Africa256(*).

Outre l'invitation persistante à diffuser l'Enseignement Social de l'Eglise et à l'appliquer selonles réalités sociopolitiques de chaque pays, des conférences y ont été organisées, sur la famille, la promotion de la paix, l'engagement politique des fidèles laïcs, l'économie et le développement, la promotion du bien Commun, les droits de l'homme etc.

Mobilisant à la fois des ressources spirituelles et morales à des fins de promotion du politique, ces conférences entendaient impacter sur le vécu des sociétés africaines. Il s'agit notamment de celles données par le camerounais J.B. Talla sur l'engagement politique des laïcs en Afrique.

Il n'y a pas plus grande preuve de cette mobilisation des valeurs religieuses à des fins sociales et politiques que cette interpellation de J.B Talla257(*) :

«Pour donner sens à notre engagement social, il faut s'abreuver aux sources de la doctrine sociale. ...L'insuffisance de l'enseignement du patrimoine de l'Eglise est reconnue comme l'une des raisons pour lesquelles nos comportements n'en sont pas le reflet»258(*).

L'objectif de ces conférences, celui de poursuivre l'action de démocratisation de l'Eglise n'est plus à démontrer. Dans son allocution d'ouverture, Frank Spengler, représentant de la Fondation Konrad Adenauer donnait la raison rassemblant ces conférences : « rechercher un système politique qui ne perde pas de vue les aspects sociaux »259(*). Cette conférence atteste l'intérêt porté par l'Eglise au niveau africain pour de réels changements sociopolitiques en Afrique.

4.1.2. LES LETTRES PASTORALES DE LA CENC SUR LA VIE SOCIOPOLITIQUE CAMEROUNAISE

La CENC, l'avons-nous dit plus haut, est l'instance représentant l'Eglise Catholique et en charge de se prononcer officiellement sur toutes les questions religieuses comme celles sociopolitiquesdu pays. A cet effet, elle a toujours taché de prendre la parole pour donner l'avis de l'Eglise sur la vie politique du Cameroun, et donc sur le processus démocratique qui y est en cours. Depuis l'ouverture démocratique de 1990, elle a eu à se prononcer pendant les plus grands moments de ce processus comme sur les questions les plus déterminantes de celui-ci,pour dire ce que l'Eglise en pense, et pour faire des propositions qui sont à même de conduire le Cameroun dans sa marche vers une démocratie authentique. Nous examinons parmi la vingtaine de ses lettres pastorales, celles les plus en rapport avec les questions du processus démocratique en cours.

4.1.2.1. Lettre pastorale des évêques sur la crise économique dont souffre le pays (1990)

Une lettre pastorale est un document officiel qu'un prêtre, un évêque ou un ensemble d'évêques adressent aux fidèles de l'Eglise, sur une question précise.

Le 30 Juin 1990, la Conférence des évêques du Cameroun publiait une lettre pastorale sur la situation politique, économique et sociale du Cameroun. Le tableau qu'elle présente du Cameroun est sombre et sévère. Elle déplore les crimes impunis, la corruption, les détournements des deniers publics, la mise en place de ce que Jean Paul II nommait « structures de péchés», qui enfoncent la plupart des camerounais dans une misère profonde. Cette lettre pastorale est un désaveu qui jusqu'aujourd'hui a prévalu.

A travers cette production discursive surle débat public camerounais de cette période d'ouverture démocratique, les évêques entendaient continuer le rôle majeur de restructuration du jeu politique. S'inscrivant dans une perspective de lutte pour les droits des citoyens privés du bonheur par une minorité que constituait la classe politique dirigeante du Cameroun.

Les évêques catholiques s'inscrivaient ainsi dans la même perspective que biens d'autres mouvements de libération de cette « aube démocratique »260(*). Comme l'a signifié J.Y. Calvez :

« En accord avec certains mouvements de libération syndicale et politique, avec les associations de défense des droits de l'homme et bien d'autres forces morales, intellectuelles et religieuses, l'Eglise n'a pas été absente, loin de là, du combat qui a abouti à des conquêtes démocratiques inspirées au début de la décennie 90»261(*).

Les évêquesfaisaientle constat quela vie publiqueétait en perte de moralitéet que c'était l'une des causes de la crise qui frappe les camerounais.

Ces évêquespromouvaient ainsi la vulgarisation et le respect des lois en particulierles lois qui touchent l'ensemble de la population, et par là ils soutenaient la bonne volonté des populations à s'impliqués dans la relève du pays.

En outre, mettant l'accent sur la dimension éthique de cette crise, les évêques mettaient en garde contre les dérives morales qui entravent le processus démocratique. En effet, si l'Eglise est « experte en humanité » comme l'affirmait le pape Paul VI262(*), son expertise concerne essentiellement les questions morales. C'est pourquoi les évêques mettent l'accentsur l'aspect moral de la vie publique au Cameroun. Dans ce sens, C.Makiabo écrivait : « Pas de démocratie sans moralité publique : il est impossible d'établir la démocratie dans un pays où règne l'immoralité. L'immoralité qui elle, mène à la dictature»263(*). 

L'Eglise se constituait ainsi, comme moyen d'expression des aspirations des camerounais à un mieux-être ; un rôle qu'elle a assumé dans plusieurspays, notamment les moins démocratisés. C'est pour cela que C.Makiabo estime que l'Eglise a souvent apparu dans bien de pays comme « seul canal possible d'expression des revendications »264(*).

Nous voyons ici que l'intervention de l'Eglise dans la mouvance démocratique se caractérise par un souci de constructionou de reconstruction du politique et de la démocratiepar le religieux. Ces deux réalités ne sont pas d'ailleurs exclusives,comme le soutien A.Dieckhoff :

 «L'avènement de l'âge démocratique ne s'est pas opéré sur une tabula rasa religieuse, mais au contraire le fait religieux a joué, par des processus complexes et contradictoires, dans cette maturation politique »265(*).

C'est en ce sens que, réunis en assemblée plénière à Mvolyé- Yaoundéles évêques se sont penchés sur les problèmes de la justice sociale. A leurs yeux, cette justice est compromise par les évènements que connait le pays. Ils constatent que le désordre menace les vies et les personnes. Conscients qu'ils ont en face d'eux des acteurs politiques qui ne sont pas toujours des promoteurs de la démocratie, ils leur font la proposition des voies et moyens de démocratisation, se fondant surces valeurs religieuses qui ont intégré depuis le milieu du XIXe siècle les principes démocratiques.

Cette contribution des évêques peut être comprise par le fait que leur voix reste l'une des voix les plus attendues et les plus entendues dans un contexte de combat démocratique où l'opposition est très fragilisée et les OSC méconnues de la masse des citoyens. En ce sens, l'Eglise Catholique est restée pendant longtemps la seule véritable « opposition » au Cameroun.

Cette participation s'inscrit aussi dans le vaste mouvement du retour du religieux ou de ce qu'on a qualifié de revanche de Dieu à la sortie des totalitarismes des années 80-90. En effet, ce retour du religieux s'accompagne des métamorphoses considérables du discours religieux ;lequel prend de plus en plus des habillages socioéconomiques et politiques.

En outre, l'analyse de cette crise ne se borne pas aux seules dimensions socioéconomique et politique, l'Eglise crée ici des interrelations entre le spirituel et ces dimensions temporelles pour l'expliquer et la combattre. Comme le rapportent les évêques dans cette lettre pastorale : « La cause et l'origine du mal dont nous souffrons se trouvent en premier lieu, dans les structures de péché qui dominent le monde actuel»266(*) .Par structures de péché, les évêques se réfèrent ici à Jean Paul II qui avait précisément affirmé :

«Si la situation actuelle relève de difficultés de nature diverse, il n'est pas hors de propos de parler de «structures de péché», lesquelles, comme je l'ai montré dans l'exhortation apostolique Reconciliatio etpaenitentia, ont pour origine le péché personnel et, par conséquent, sont toujours reliées à des actes concrets des personnes, qui les font naître, les consolident et les rendent difficiles à abolir. Ainsi elles se renforcent, se répandent et deviennent sources d'autres péchés, et elles conditionnent la conduite des hommes »267(*).

Le pape faisait ainsi une lecture idéologisante de la crise de ces pays africains qui amorçaient à peine leur vague de démocratisation ;mobilisant des idéologies religieuses du péché pour construire l'ordre politico-économique. Il s'agit là d'une instrumentalisation du religieux à des fins politiques ; laquelle traduit les échanges permanents entre religieux et politique que P. Michel a exprimé en ces termes :

« présumer une autonomie des champs religieux et politiques, c'est en fait prendre le risque d'une profonde mésintelligence des processus étudiés [...] il n'existe pas de champ religieux ou de champ politique autonome, mais une matrice commune où s'organisent les passages de l'un à l'autre sur la base des mécanismes fort complexe de recharge et de redéfinition réciproque »268(*).

Cette mobilisation des ressources religieuses par les évêques faisaient du religieux un vecteur de ré-idéologisation, fondamentalement utilisé pour mettre en question les catégories d'une démocratie de-idéologisée269(*).

4.1.2.2. Lettre pastorale des évêques du Cameroun aux chrétiens et à tous les hommes de bonne volonté sur le tribalisme (1996)

Constatant que les effets de la crise perdurent, les évêques identifient ses causes parmi lesquelles le tribalisme. Ce tribalisme qui« parait se développer de façon inquiétante [et qui] détruit les efforts des bonnes volontés et s'oppose à tout développement »270(*), est devenue une pratique courante au Cameroun, et structurant le vécu des camerounais.

Dans leur dénonciation de cette pratique, ils invoquaient à nouveau des référents religieux qui devraient fonder le vivre ensemble des Camerounais : « Oui, vous tous, vous avez été baptisés en christ, il n'y a plus de juif, ni grec ; il n'y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n'y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes en Jésus-Christ »271(*).

Dans cette lettre, les évêques remplient leur mission de conscientisation des Camerounais en les sensibilisant sur la racine du tribalisme qui sont selon eux, de plusieurs ordres :

D'ordre culturel : ils montrent que la langue et les coutumes sont souvent facteur de rejet de l'autre.

D'ordre politico-économique :ils mettent l'accent sur la promotion exclusive d'une région ou d'une ethnie au détriment des autres ;et dénoncentl'instrumentalisation par le politique du sentiment tribal des citoyens, pour des intérêts politiques égoïstes.

D'ordre religieux : ils font référence aux hommes d'églises qui sont complices de certaines attitudes tribalistes.

S'adressant à toutes les couches sociales : agents pastoraux, responsables de la société civile et politique, jeunes et chrétiens etc., les évêques invitent à une prise de conscience et à la promotion «des valeurs d'ouverture, d'hospitalité, d'acceptation mutuelle et de collaboration pour le progrès et le développement harmonieux du pays »272(*).

Conscient des carences de l'Etat en matière de régulation des relations intertribales, l'Eglise apporte sa contribution dans ce sens, comme elle la très souvent fait dans d'autres circonstances. En effet, face aux carences de l'Etat, l'Eglise dispose d'un nombre important de services sociaux et éducatifs à travers tout le pays et d'un crédit considérable auprès des couches populaires. Ce qui lui constitue un véritable capital social auprès des populations.

Nous livrons ici une des photos de cette Conférence de l'évêque à l'occasion de leur 35e assemblée plénière.

Photo1 : les évêques du Cameroun et autres participants après une conférence

Source :Archives du SNJP

4.1.2.3. La lettre pastorale des évêques à tous les fidèles et tous les citoyens de bonne volonté sur le droit et le devoir de vote (2004)

Les évêques du Cameroun inscrivent cette nouvelle intervention dans le champ de démocratisation à la suite de leur lettre de 1988 sur l'engagement des laïcs dans la vie de la nation où ils affirmaient notamment: « Si nous ne travaillons pas pour élire des hommes et des femmes capables de porter nos aspirations et surtout d'oeuvrer pour le bien de toute la nation, nous en porterons nous-mêmes la responsabilité »273(*).

Ils montrent à travers cette lettre le bien fondé du vote qui est à la fois un droit pour « toute personne de nationalité Camerounaise âgée de 20 ans au plus, n'ayant pas été condamnée à une peine privative de liberté ». Comme le rappelle les évêques eux-mêmes en se référant à la loi camerounaise274(*).

Ils traduisaient ainsi leur souhait de voir les Camerounais s'impliquer plus que par le passé aux échéances électorales: « les conditions d'existence, de maintien et de développement d'une démocratie véritable dépend de l'implication de tous à la vie politique »275(*), insistaient-ils.

Dénonçant les entraves à cette implication, les évêques soulignaient la perte de confiance des citoyens envers le système électoral ;et bénéficiant de leur autorité morale sur la population, ils lamettaient au service de la démocratie.

Cet intérêt pour le processus électoral relève toujours des préoccupations de la DES qui, dans sa conception de la démocratie insiste sur l'implication des citoyens.

4.1.2.4. La lettre pastorale des évêques du Cameroun à l'occasion de l'élection présidentielle de 2011

Cette lettre pastorale s'inscrit aussi à la suite de celles de 1988 sur « l'engagement politique des laïcs dans la vie de la nation » et celle de 2004 sur « le droit et le devoir de vote ». En effet, face à la persistance de l'abstention électorale et conscients des enjeux de la participation citoyenne dans la démocratie, les évêques interpellent les citoyens à plus de participation. C'est pourquoi, présentant l'élection présidentielle de 2011 comme « déterminante pour l'avenir de notre pays »276(*), ils affirmaient :

« Cette élection interpelle plus que par le passé la maturité civique de tous les camerounais. Elle doit contribuer àfaire murir la conscience nationale de tout un chacun. Pour que le processus électoral en cours soit mené à bien, il est de notre devoir de porter à votre conscience quelques réflexions sur l'avenir de notre pays et sur le vote citoyen »277(*).

Ainsi, ils attiraient l'attention sur des points aussi variés que les suivants :

Concernant la dignité de la personne humaine, ils interpellaient au respect des droits de l'homme.

Sur le respect du bien commun, ils invitaient à une juste répartition des subsides publics, « pour un engagement des citoyens à la sécularisation du patrimoine national : qu'aucun camerounais ne se sente exclu des retombés de la croissance»278(*)

Au sujet de l'unité nationale, ils indiquaient les moyens de sa construction, « dans la complémentarité et l'ouverture de toutes les composantes sociales entre elles, dans l'adhésion des tribus et ethnies à cette nouvelle famille qu'est la Nation»279(*), etc.

Dans la même perspective, les évêques insistaient sur la signification et la responsabilité des électeurs afin que les urnes soient la voie de réussite de la démocratie. Luttant contre l'abstention politique, ils affirmaient notamment : « Nous exhortons les camerounais à ne pas succomber à la tentation de ceux qui pensent et proclament qu'avant les élections les jeux sont faits et qu'il ne sert à rien d'aller voter»280(*)

Ces lettres pastorales des évêques expriment l'action de restructuration de la vie politique camerounaise par l'Eglise Catholique, notamment son haut clergé. Examinons après ce premier rôle, celui des organisations catholiques dans ce même processus.

4.1.3. LES ORGANISATIONS CATHOLIQUES ET LA VEILLE CITOYENNE AU CAMEROUN

Le Concile Vatican II en définissant la mission de l'Eglise dans la lutte pour la promotion des peuples avait tout aussi mis l'accent sur les structures d'Eglises, sur lesquelles devrait reposer cette action de l'Eglise. Il s'agit prioritairement de Justice et Paix. C'est pourquoi dès 1967, a été créé à Rome le Conseil pontifical Justice et paix dont les démembrements ont été créés dans différents pays par les conférences épiscopales. Il s'agit aussi de médiats catholiques que Vatican II a tout aussi retenus comme très favorables pour une évangélisation sociale.

4.1.3.1. « Justice et Paix » dans le Processus démocratique au Cameroun

Créé en 1998 par les Evêques réunis au sein de la Conférence Episcopale Nationale du Cameroun (CENC), le Service National « Justice et Paix » (SNJP) a été mis en place dans le sillage du Conseil pontifical « Justice et Paix » dont il participe des objectifs et du mandat. Son objectif est d'assurer la coordination des activités de promotion de la Justice et de la Paix selon l'enseignement social de l'Eglise281(*). Son mandat comprend: la Promotion de l'enseignement social de l'Eglise, des enquêtes sur la justice et la paix, la formation des communautés à la base sur les droits de l'homme, le suivi du processus démocratique, le conseil juridique des personnes et groupes défavorisés, l'appui au règlement des conflits à l'amiable, le suivi des industries extractives et à travers tout ceci, « Justice et Paix » participe comme structure catholique à la promotion de la démocratie. Il convient donc d'examiner ici quelques une de ses actions, dont le déroulement nous permettra d'attester le rôle majeur que l'Eglise Catholique joue en tant qu'acteur de la société Civile.

4.1.3.1.1. L'observation des élections par « Justice et Paix »

Le Service National Justice et Paix a reçu en 2001 des évêques du Cameroun le mandat d'observer au nom de l'Eglise Catholique les élections au Cameroun, et de manière générale, de suivre le processus démocratique. Ceci en vue de se rassurer que tout se déroule conformément aux règles en vigueur et au respect des droits des différents acteurs qui y sont impliqués. Comme l'ont affirmé les évêques eux-mêmes dans leur communiqué de 2004 : « Le mandantest confié à Justice et Paix pour savoir siles règles qui yprésident (aux élections) ainsi que les droits des uns et des autres sont respectés par les divers acteurs électoraux»282(*).

C'est ainsi qu'il s'engagea dans le suivi dudéroulement des scrutins dès 2002. Premieracteur de la société civile, Justice et Paix ouvrait ainsi la voix à nombre de ses collaborateurs qui suivront, dans ce champ du combat démocratique. Selon J.Mabouth, pour une plus grande efficacité du suivi du processus électoral, l'action de « Justice et Paix » se situe à trois principaux moments : « Avant, pendant et après les élections »283(*).

Avant les élections, le rôle principal de Justice et Paix a toujours été la formation des observateurs ; Il s'agit de la formation des membres du SNJP, des CDJP, et autres chrétiens intéressés par la chose, sur le déroulement du scrutin, les méthodes de fraudes jusque-là détectées et les voix de les contrecarrer. A ce stade, un autre rôle majeur de Justice et Paix est l'observation pré-électorale, à travers laquelle elle se rassure que tout se prépare conformément au code électoral et à la loi en générale : les inscriptions sur les listes électorales, la distribution des cartes d'électeur, le déroulement de la campagne électorale etc. A ce même stade, justice et paix demande des accréditations du MINAT pour ses observateurs.

Pendant les élections, c'est le déploiement sur le terrain des observateurs catholiques,aux côtés des autres observateurs de la SC, des partis politiques, des observateurs internationaux etc. L'Eglise Catholique joue un rôle majeur dans cette observation, car elle est la seule organisation, en dehors de l'Etat, à déployer ses observateurs sur l'ensemble du territoire national ;ceci, en raison de sa vaste étendue sur l'ensemble du Cameroun et des démembres des CDJP qui couvrent les 25 Diocèses du Cameroun.

Après l'élection, Justice et Paix, joue un double rôle, dont le principal est la rédaction des rapports d'observation qu'il doit déposer auprès des évêques de la CENC ;afin qu'en s'y référant, ils puissent dire ce que pense l'Eglise de l'échéance concernée, du processus électoral en général et qu'il puissent donner aux acteurs concernés des recommandations pour une bonne marche des élections. Une autre action, pas de moindre importance est sa participation aux débats post électoraux, lequel a souvent été porté d'avantage par les évêques eux même.

Au vu de tout ceci, il devient évident de retenir que l'Eglise, à travers Justice et Paix, joue un rôle majeur dans le processus démocratique. Pour des raisons évidentes :

Premièrement, Justice et Paix a été le premier acteur de la société civile à participer àl'observation des élections en 2002. C`est suite à cette initiative que les autres OSC se sont aussi impliquées. Comme l'affirme J.Mabouth coordonnateur du SNJP, « nous avons été les premiers à ouvrir la voie à l'observation civile des élections en 2002 »284(*).

Deuxièmement, en comparaison avec les autres acteurs civils de ce processus, il a déployé le plus grand nombre d'acteur aux échéances électorales de 2002 à 2007285(*).

Troisièmement, leurs rapports d'observation est le plus attendu, le plus médiatisé et ayant lepoids sociopolitique le plus lourd ; pour la simple raison qu'ils sont portés par la voix des évêques qui sont une grande autorité morale dans le pays.

La formation et le déploiement sur le terrain des observateurs chrétiens des élections traduit la volonté manifeste de l'institution à contribuer à la restructuration du jeu politique camerounais.Ainsi, lorsqu'on parle de la participation de l'église catholique du Cameroun au processus de construction de la démocratie, il convient de retenir cette action de justice et paix comme l'une des actions majeures de l'église en la matière ; après bien évidemment les prises de position des clercs sur la vie politique du pays.

Au vu du nombre d'observateurs que Justice et Paix a déployé sur le terrain lors des quatre dernières échéances électorales, on a plus besoin d'autres preuves pour attester que l'église est un acteur majeur du processus électoral.

4.1.3.1.2. La proposition d'un code électoral par Justice et Paix

Pour avoir travaillé dans le processus électoral depuis le scrutin de 2002a Rome en 2007, le SNJP analysait le code électoral et faisait ce constat : « Il s'agit des morceaux de texte juxtaposé sans une cohérence véritable, qui sert de code électoral pour le déroulement des scrutins au Cameroun »286(*) ; c'est alors qu'en tant qu'acteur de la société civile il produisit avec l'aide de ses experts en la matière un code électoral qu'il proposait au gouvernement.

Lors de la rencontre de la CENC et du Conseil Pontifical Justice et paix, Mgr R. Pirenne alors président de la Commission Episcopale Justice et Paix de la CENC affirmait à ce sujet :

« Entre Septembre et Décembre 2005, le Service National «Justice et Paix » s'est attelé àamender les lois qui régissent les élections au Cameroun. Il a constitué à ce propos un comité d'experts triés sur le volet et comprenant toutes les couches sociopolitiques du pays. Ce comité a rédigé deux avant-projets de lois, l'un portant sur le code électoral unique, et l'autre créant un organe indépendant chargé de conduire le processus électoral. Ces documents ont été approuvés par les évêques lors de leurs séminaires annuels de mi-janvier 2006 à Nguelemendouka (Doume/Abong-Mbang). Ils ont recommandé de les porter à la connaissance du premier ministre et du ministre chargé des élections»287(*)

Une telle proposition relève de cette volonté manifeste de l'Eglise de contribuer à la construction du processus démocratique au Cameroun ;notamment à la restructuration du jeu politique afin que tous les acteurs en compétition aient les mêmes chances d'accéder au pouvoir.

Le code électoral en vigueur était eneffet taillé à la mesure du pouvoir en place, dans sa stratégie de main mise sur l'ensemble de la vie politique camerounaise et de contrôle sans erreur du processus en cours. Il était donc évident pour ces acteurs civils qui aspirent à des changements démocratiques, de concourir au préalable au changement des règles de jeu qui faussaient dès la base le jeu électoral. Au bout du compte leur proposition a porté du fruit, car, estime J.Mabouth, « le gouvernement a pris en compte bon nombre de nos propositions contenues dans la proposition du code »288(*).

4.1.3.1.3. « Justice et Paix » et la lutte contre la corruption

Il n'est plus à démontrer quela corruption est un obstacle véritable à l'avènement de la démocratie. Jean Paul II l'avait déjà identifié comme la source de beaucoup de problèmes en Afrique:« l'Assemblée synodale a reconnu que beaucoup de problèmes du continent sont la conséquence d'une manière de gouverner souvent entachée de corruption»289(*).

C'est pourquoi, Justice et Paix a estimé que pour qu'il ait une démocratievéritable la lutte contre la corruption est l'une des voix les plus indiquée. S'engageant auprès des populations avec ses partenaires nationaux et internationaux, elle contribue à travers des ateliers, desdébats, sensibilisations de la masse etc., à la lutte contre la corruption et les détournements des deniers publics.

L'un de ses moyens de lutte a souvent été son magazine « le lien NkengShalom», qui lui avait d'ailleurs consacré son premier numéro en Juillet 2001: « Des Camerounais en guerre contre la Corruption»290(*).

Outre cela, ce sont des ateliers qu'organise Justice et Paix en partenariat avec d'autres acteurs notamment de la société civile pour penser, former et sensibiliser non seulement sur les stratégies de corruption que développent les acteurs concernés, mais aussi sur les moyens de lutte contre elle.

4.1.3.1.4. Justice et Paix et la défense des droits de l'homme

L'action de Justice et Paix pour la défense des droits de l'homme est multiforme. Elle va de l'assistance juridique aux différents plaidoyers pour les victimes d'injustice, afin que leurs droits soient reconnus et respectés. C'est en ce sens que se situe l'action de CAVT291(*) , qui s'investie dans la sensibilisationet l'assistance juridique des populations riveraines des zones d'exploitation industrielle, afin que leurs droits d'autochtones soient respectés. Cependant, « Justice et Paix » n'étant pas une armée, son action dans le cadre des droits de l'Homme est davantage celui de sensibilisation sur les droits humains,ce que nous abordons dans la partie sur l'éducation à la citoyenneté.

Outre cette action de Justice et Paix portée par le CAVT, une autre de grande importance est portée par les CDJP de Douala et de Yaoundé. Il s'agit entre autres :

Ø Des formations en droit de l'homme, en droit de la femme et de l'enfant ;

Ø L'assistance judiciaire aux détenus et aux autres justiciables démunis ;

Ø Le règlement pacifique des conflits à l'amiable292(*) ;

Ø Les séminaires sur les conflits conjugaux et fonciers, les problèmes d'héritages, les différends de travail, etc.

4.1.3.1.5. « Justice et Paix » et l'éducation à la citoyenneté

Justice et Paix accorde beaucoup d'importance à l'éducation à la citoyenneté, notamment à la sensibilisation pour les inscriptions électorales et pour le vote citoyen. Comme le font les évêques à la veille de chaque scrutin, Justice et paix organise des campagnes pour sensibiliser les citoyens dans ce même sens de participation électorale ;laquelle est indispensable pour l'avènement d'une démocratie véritable. Prenons cet exemple pour illustration : dans son rapport électoral de Juin 2002, le SNJP répondait à cette question des camerounais : « face à la fraude électorale organisée, devant un système électoral comme le nôtre, susceptible d'être falsifié à la base, est-il encore nécessaire d'aller voter ? »293(*).Et il mobilisait cette fois encore des ressources religieuses pour stimuler à la participation électorale: 

« Si Jésus avait été visiblement présent au Cameroun en 2001...L'Eglise qui est le signe visible de sa présence a donnéune réponse affirmative aux hésitations des uns et des autres, face à leur devoir civique : oui allez voter. Mais avant, pendant et après les élections, éviter les pratiques de magouille, respecter les prescriptions légales en matières électorales. Leur ont dit les évêques en ordonnant au Service National Justice et Paix de procéder à la sensibilisation de masse sur le thème voter, c'est choisir librement, et d'organiser la formation des observateurs chrétiens des élections »294(*).

La sensibilisation au vote s'organise ainsi au niveau des CDJP. Pour ce qui concerne nos deux archidiocèses ici concernées, elles ont organisé à leur niveau des sensibilisations des milliers de Camerounais lors dechacun des scrutins tenus depuis 2002.

L'éducation à la citoyenneté de Justice et Paix s'est étendueaussi et plus largement sur les droits juridiques, civiques et politiques des camerounais ; à travers des ateliers et des séminaires organisés par les différentes Commissions Justice et Paix.La logique à l'intérieur de laquelle ils s'inscrivent ici est celle de la contribution de l'Eglise à la construction de l'ordre temporel ;c'est-à-dire pour l'avènement du bien commun295(*). C'est dans ce sens que nous pouvons lire cette affirmation du SNJP, mobilisant un extrait de l'exhortation apostolique Christi fidèles laïc :

« Le manuel d'éducation à la citoyenneté démontre clairement du début à la fin, la vérité sur le fait que nous ne pouvons jamais établir une dichotomie entre `'d'un côté la vie spirituelle avec ses valeurs et ses exigences ; et de l'autre, la vie dite `'séculaire`', c'est-à-dire la vie de famille, de travail, des rapports sociaux, d'engagement politique, d'activités culturelles''296(*) »297(*).

Examinons un instant cette contribution du manuel d'éducation à la construction de la démocratie. Elle est en réalité une production discussive de l'institution religieuse sur le processus démocratique. Nous avons pu, dans le cadre de l'analyse documentaire répertorier les différentes thématiques sur lesquels les camerounais sont éclairés et sensibilisés,pour attester cette contribution. Le tableau suivant nous en livre un aperçu illustratif.

Tableau n° 11: Thématiques abordées dans le manuel d'éducation à la citoyenneté

Source : Par nos soins.

Comme nous pouvons le constater, il y est abordé les principes même de la démocratie telle que nous l'avons défini plus haut. De plus, l'accent y est mis sur la société civile, thématique auquel le SNJP consacre 67 pages, soit 63% de l'ouvrage.

Une autre dimension de la formation à la citoyenneté de Justice et Paix est la formation des représentants des CPJP298(*). Il est en effet organisé par les CDJP de Douala et de Yaoundé, chaque mois des ateliers de formation. Cette photo illustre une séance de formation.

Photo n°2 : Atelier CDJP Yaoundé sur la formation à la citoyenneté

Source : archives de la CDJP Yaoundé

Nous trouverons en annexe un exemple de programme de ces ateliers. Il détaille les différents sujets sur lesquels sont formés ces représentants des CPJP.

Ainsi, l'objectif de « Justice et Paix » est de participer à la formation d'un laïcatresponsable et engagédans la lutte pour la dignité et le développement de l'homme camerounais,telle a d'ailleursété le rôle quejustice et paix du Congo a joué dans la sortie de la dictature mobutiste. Makiabo affirme à ce sujet :

« A notre avis, c'est dans les structures de base comme les commissions diocésaines Justice et Paix qu'ont germéla contestation et le désir de changement qui ont fini par démystifier le pouvoir dictatorial de Mobutu. C'est aussi dans ces structures de base, revivifiées par une formation pratique, qu'est née une démocratie de la lucidité, de la responsabilité et de la mobilisation de toutes les forces vives pour des changements durables et irréversibles au Zaïre »299(*).

4.1.3.2. LES AUTRES TRUCTURES CATHOLIQUES DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUES CAMEROUNAIS

Depuis Vatican II, l'Eglise a apporté des changements importants à la structure d'Eglise, notamment en passant d'une structure ecclésiale pyramidale à une structure communautaire. Des mesures ont été prises pour accompagner et concrétiser ces changements idéologiques. Entre autres, il s'est agi de promouvoir la place des laïcs dans l'Eglise à partir des associations et communautés de base chrétienne, et des Mouvements d'action Catholique. C'est pourquoi, dès le début des mutations sociopolitiques des années 65, l'Eglise,notamment des prélats comme Mgr Bonneau, et plus tard Mgr Ndongmo et Mgr Mongo, ont commencé l'organisation des fidèles en communauté de vie. Ceci afin qu'à travers leurs initiatives, ils puissent apporter des changements nécessaires pour la bonne marche du Pays. C'est en ce sens que nous abordons ici quelques-unes d'entre elles, afin de déceler dans leur vécu leur contribution au processus de changements en cours au Cameroun.

4.1.3.2.1. Les médias catholiques

Les média jouent presque le rôle central en démocratie. Acteur majeur de l'espace public, ils assurent la communication entre les acteurs politiques et civils, entre les candidats et les électeurs, et permettent par conséquent, non seulement la formation de l'opinion publique, mais aussi l'influence de la politique du pays. C'est en ce sens que S.Ulbrich affirme :

« Les médias libres et indépendants sont un pilier important de chaque démocratie. Lecontrôle des moyens d'information est de nos jours presque synonyme de contrôle de la prise de décision dans une démocratie. Les médias jouent un rôle crucial dans la vie quotidienne des démocraties, que ce soit les journaux, la télévision, la radio, l'industrie de divertissement et naturellement l'Internet»300(*).

L'Eglise Catholique depuis Vatican II a bien compris ce rôle des médias dans les déterminations des politiques des nations. C'est pourquoi elle a préconisé la mise en place des médias catholiques et la promotion de la communication sociale. Jean Paul II n'a pas manqué d'y revenir en ces termes :

« En de nombreux endroits également, des règlements gouvernementaux imposent un contrôle indu dans ces domaines. Tous les efforts possibles devraient être mis en oeuvre pour lever ces obstacles: les médias, qu'ils soient privés ou publics, doivent être au service des personnes sans exception. C'est pourquoi j'invite les Églises particulières d'Afrique à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que cet objectif soit poursuivi. »301(*)

Bon nombre de médias ont été créées au Cameroun, parmi lesquels nous avons retenus celles les plus en vue et les plus impliquées dans le processus démocratique camerounais. Il s'agit notamment de « l'effort Camerounais », de la « Radio Veritas », de l' « Horizon diocésain », de« le lien NkengShalom », de la « radio Jeunesse » ; dont il convient ici de dégager l'intérêt et la contribution au processus démocratique en cours.

Pour ce qui est de la presse audio, ils organisent souvent des émissions au cours desquelles ils font intervenir aussi bien des experts invités pour instruire sur les questions sociopolitiques que les auditeurs qui peuvent intervenir via des appels téléphoniques en direct. Dans ce sens, comme nous l'a confié A.Ngwanshi,Radio Veritas a deux émissions à caractère sociopolitique.

Quant à la presse écrite, elle les consacre aussi des articles comme des numéros en leur intégralité aux mêmes questions, afin d'indiquer à chaque moment fort de la vie politique du Cameroun, ce qu'en pense l'Eglise.

Le tableau suivant donne un aperçu des différents numéros de cette presse, qui ont été consacrés aux questions sociopolitiques camerounaises.

Tableau 12 : quelques titres de la presse catholique sur les questions politiques au Cameroun

Source : Par nos soins.

Ce tableau atteste l'implication indubitable de la presse catholique dans le processus de restructuration du jeu politique camerounais.

A travers cespublications, cette presse catholique entend influencer le processus démocratique en cours au Cameroun, selon les recommandations de l'Eglise. Comme nous l'a confié A.Ngwanshi : «Notre objectif est de contribuer au changement du Cameroun, à travers l'enseignement social du Cameroun.Nous mettons l'accent sur la morale publique »302(*).

4.1.3.2.2. Les ONG Catholiques non Camerounaises

Nous avons dit plus haut que l'Eglise Catholique a mis sur place toute une machine de changement social. Au nombre des structures qui y sont impliquées figurent en bonne place les ONG catholiques internationales dont nous analysons ici le rôle de celles qui oeuvrent au Cameroun.

Dans ce travail d'accompagnement de la démocratie camerounaise par l'Eglise Catholique, les ONG catholiques non camerounaises jouent un important rôle d'arrière-plan : il s'agit par exemple du CRS et de Miserior, ONGs respectives des conférences épiscopales des USA et d'Allemagne. Ce rôle d'arrière-plande grande importance est celui de fournir les fonds ou du moins de trouver des bailleurs de fond aux structures catholiques en particulier et aux ONG camerounaises en générale. Il suffit dans ce sens que l'ONG concernée monte un projet allant dans le sens du développement social ou économique, le leur soumettent et qu'ils lui trouvent des fonds nécessaires ou des bailleurs, ou encore des experts en la matière. Ainsi, dans le cadre de sa collaboration avec Justice et Paix Cameroun, le CRS finance entre autre le service de communication du SNJP dont l'un des fruits est la production trimestriel du magazine le Lien NkengShalom. Miserior quant à lui finance le projet pétrole du SNJP, pour lequel il a fourni un expert, ThorstenNigels qui travaille depuis un an, en collaboration avec l'ITIE et PWYP, comme observateur catholique pour la transparence de l'extraction pétrolière au Cameroun ;la démocratie économique voulant que les populations soient impliquées dans la gestion des richesses de leur pays et que des autochtones des grandes zones d'exploitation minières soient elles aussi bénéficiaires des richesses que produisent le sol et le sous-sol de leurs localités.303(*)

Cette analyse nous a permis jusqu'ici de montrer que la participation de l'Eglise au processus démocratique s'inscrit premièrement dans une logique de restructuration du jeu politique camerounais. Il convient maintenant d'analyser les dessous de cette participation, afin d'en ressortir les contrastes qu'elle renferme et qui font d'elle une participation mitigée.

4.2. LES FACTEURS DECONTRADICTION DE LA PARTICIPATION INSTITUTIONNELLE DE L'EGLISE CATHOLIQUE AU PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS

En vued'analyser les contradictions de l'action institutionnelle de l'Eglise pour la promotion de la démocratie camerounaise, nous avons organisé notre argumentaire sur deux points principaux : Le souci de sauvegarde l'héritage culturel de l'Eglise et le souci de sauvegarde des rapports de l'institution avec le pouvoir politique.

4.2.1. LE SOUCI DE SAUVEGARDE DE L'HERITAGE CULTUREL DE L'EGLISE

Nous avons certes reconnu avec J. Calvez etH. Tincq304(*) que l'Eglise Catholique a fait des avancées considérables dans l'acceptation et la promotion de la démocratie. Nousne pouvons cependant pas ignorer le fait que cette institution très conservatrice sur certaines questions conserve encore beaucoup d'éléments dans sa doctrine et dans sa structure, quine sont pas favorables à l'émergence d'une véritable culture des libertés et des droits humains ; mais qui entravent en réalité laparticipation de celle-ci au processus de construction de la démocratie.Nousnous proposons dans ce sens d'examiner ici sa théologie de la charité et le défaut de démocratie dans l'Eglise, pour montrer comment ces deux réalités participent à la configuration de la participation mitigée de l'Eglise.

4.2.1.1. Lathéologie de la charité et les libertés démocratiques

Le débat sur la théologie de la charité en rapport avec les libertés démocratiques concerne le discours catholique sur les libertés et les droits de l'homme. La théologie de la charité a été systématisée par Jean Paul II ; elle met la charité au fondement de l'ordre social. C'est du moins la vision qu'en livre Jean Paul II dans ses deux encycliques politico-religieux RedemptorisHominis et Divers in misericordia qu'il consacre d'ailleurs à la charité, de manière à n'aborder la question des droits de l'homme qu'accessoirement. Elle traduit l'attitude de l'Eglise dans le champ de démocratisation. En effet, à travers cette théologie l'Eglise pense que c'est par la conversion des coeurs, la bonté des uns et des autres que l'on pourra parvenir à l'instauration d'un règne de Justice et des libertés. Par conséquent, elle se désolidarise de la doctrine même des droits de l'homme qui défend les libertés inconditionnelles de l'homme et fonde la lutte pour leur respect.

C'est en ce sens que, analysant le discours politico-religieux de Jean Paul II au Cameroun, KengnePokam met en exergue :

« D'une part sa volonté manifeste de vouloir vaille que vaille substituer à la doctrine des droits de l'homme une théologie de la charité et d'autre part sa condamnation sans équivoque de la théologie de la libération»305(*)

Au vu de cette préférence de l'église pour la théologie de la charité au détriment du combat démocratique, il devient évident de comprendre que l'Eglise notamment le Vatican et ses représentants d'Amérique latine se soient opposésau mouvement de démocratisation qu'on a nommé théologie de la libérationen Amérique latine. Ce qui a opposé fondamentalement ce mouvement théologico-politique à la hiérarchie catholique, c'est sa récupération de la doctrine marxiste qu'il entendait mettre au service du combat politique pour des changements significatifs. J.Rollet affirme d'ailleurs à ce sujet :

« Il est reproché aux théologiens latino-américains de réduire le message chrétien de la rédemption à une libération socio-politique des pauvres identifiés au prolétariat. Leur analyse est trop dépendante du marxisme conçu comme analyse scientifique de la réalité, alors que celle-ci est indissociable de l'athéisme de Marx et d'Engels. »306(*)

En effet, ces théologiens de la libération critiquaient la démarche des théologiens européens, particulièrement celle de Metz à qui ils reprochaient une trop grande abstraction due à un manque d'ancrage dans la réalité socio-politique307(*). Les réalités socio-politiques brutales d'Amérique de Sud, marquées par la domination de pauvres,a été pour eux le ferment de production d'un discours chrétien plus pertinent. Gustavo traduit la substance de cette théologie en ces termes :

« La théologie de la libération veut partir de l'engagement pour abolir la situation actuelle d'injustice et construire une société nouvelle. Cette théologie doit trouver sa vérification dans la pratique decet engagement, qui se réalise par la participation active et efficace à la lutte que les classes sociales exploitées ont entreprise contre leurs oppresseurs»308(*).

Ce positionnement du Vatican au détriment de la théologie latino-américaine de libération permet de comprendre la position même de l'Eglise Catholique dans le champ de démocratisation. Fidèle assidu du Vatican, l'Eglise Catholique du Cameroun a adopté la théologie de la charité du Vatican dans sa participation pour la construction de la démocratie ; ne mettant pas en avant les luttes pour les libertés mais des discours d'appel à la conversion.

Ainsi, dans sa mission de promotion de la démocratie, l'Eglise Catholique serait départagée entre sa théologie de la charité etladoctrine des droits de l'homme qui est au fondement de toute démocratisation. Nous ne sommes d'ailleurs pas seul à constater cette réalité,P.Valadier l'avait déjà signifié lorsqu'il écrivait :

«Il est à peine besoin d'insister sur le fait historique que la proclamation des droits de l'homme s'est faite hors de la sphère religieuse, et par conséquent hors, voire contre le domaine de la charité [...] l'incompatibilité n'est pas seulement accidentelle»309(*).

Si cette opposition de la doctrine des droits de l'homme à la théologie de la charité avait conduit l'Eglise à s'opposer farouchement au mouvement des libéralités des « lumières »310(*), acceptant plus tard la promotion des droits humains qui émanaient de Dieu seul, l'Eglise n'a pas changé sa théologie de la charité qui reste presque incompatible avec la doctrine des droits de l'homme.

Ces propos de Mgr. Helder Camara, l'un des principaux tenants de la théologie de la libération, mettent en exergue ce positionnement paradoxal de l'Eglise dans le champ du combat pour la démocratie. « Lorsque je donne à manger aux pauvres on dit que je suis saint, mais quand je demande pourquoi ils sont pauvres on me traite de marxiste ». Le prélat exprimait ainsi son approche de la lutte contre les injustices, qui est celle du combat initié par la théologie de la libération et qui est rejetée par les tenants de la théologie traditionnelle occidentale, notamment la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui lui reprochaient son affiliation marxiste dans la lutte contre les dictatures sud-américaines.

Le discours des évêques du Cameroun pour la promotion de la démocratie répond donc, à cette théologie de la charité ;comme nous allons le voir dans la suite de cette section. Prêchant la paix et priant pour la conversion des hommes politiques les évêques entendent obtenir des changements à travers la conversion de ceux-ci, et s'inscrivent contre tout mouvement ouvert de protestation contre la dictature politique instauré par le parti au pouvoir. Le discours catholique de paix que partage l'Eglise avec les pouvoirs politiques au Cameroun trouve ses fondements dans cette théologie de la charité.Tel est le fondement de sa participation contrastée ou mitigée.

En ce sens, l'on a tendance à se demander si l'Eglise n'est pas au service du statu quo plutôt qu'au service d'une véritable démocratisation.Les théologiens africains dela « Black Théology »311(*)pensent que c'est au service du statu quo qu'est l'Eglise. Soucieuse du devenir du continent noir, ceux-ci estiment que l'Eglise en Afrique est une Eglise des blancs qui n'est pas encore mise au service de la libération des noirs qui y sont. On peut d'ailleurs lire dans le manifeste qui a institué cette théologie:

« La foi chrétienne telle qu'elle est propagée par les Eglises dominées par les blancs, a montré sans le moindre doute qu'elle est au service du statu quo, c'est-à-dire pour les noirs, de l'oppression »312(*).

Tout ceci nous permet de donner raisonà E. Durkheim qui, mettant l'accent sur la dimension intégrationniste de la religion la présentait comme institution garant de l'ordre social, défendant notamment le statu quo313(*).

En outre, cet attachement de l'Eglise Catholique à sa théologie de la charité explique le changement de camp de l'Eglise face aux mouvements indépendantistes camerounais des années 1960. Après avoir en effet contribué à la formation de la conscience nationaliste des camerounais, l'Eglise s'est opposée à l'UPC à la veille de l'indépendance du Cameroun, au profit du pouvoir colonial. L'UPC avait adopté en face du pouvoir colonial une politique de lutte acharnée pour la conquête de l'indépendance. C'est de là qu'est venue son affiliation au Communisme, doctrine politique qui à son avis collait le mieux à une telle lutte. La doctrine des communistes étant donc aux antipodes de cette théologie de la charité, l'Eglise a pris le camp des colons314(*).La logique de l'Eglise avait été que les camerounais attendent que l'indépendance soit gracieusement donnée par ce pouvoir colonial.

Dans une telle perspective, peut-on attendre que l'Eglise elle-même connaisse la démocratie en son sein ?

4.2.1.2. Le défaut de démocratie dans l'Eglise : un obstacle à l'action de l'Eglise pour la démocratisation

Comment une institution comme l'Eglise Catholique peut-elle prétendre contribuer à la démocratisation des sociétés africaines alors qu'elle-même n'est pas encore acquise au principe de contradiction qui est au fondement même de la démocratie? Comment l'Eglise Catholique peut-elle prétendre accompagner le processus démocratique à travers le concours de ses clercs les monarques ? Telles sont quelques-unes des interrogations fondatrices de cette recherche ; interrogations que nous avons soulevées dans la problématique.

En effet, toute étude sur l'Eglise Catholique ne manque pas de révéler le déficit de démocratie dans l'Eglise. Ses clercs sont des tous puissants face à une masse de fidèles qui n'a pas droit à la parole ;une masse qui est loin de participer à l'édification de l'Eglise et de sa mission ; car dans l'Eglise, un seul connait : c'est le prêtre. C'est une Eglise où il faut nécessairement être clerc pour avoir droit à la parole. Il s'avère en réalité que l'Eglise dans sa socialisation n'a pas toujours taché de responsabiliser ses fidèles, ceci dans le but d'entretenir le cléricalisme en vogue dans l'Eglise depuis le Moyen-âge. C'est ce qui a amené J. M. Ela à affirmer :

« Les missionnaires n'ont pas toujours cherché à susciter des éveilleurs et des ingénieurs d'âmes, des conducteurs des hommes et des libérateurs, mais ils ont formé des chrétiens passifs, traités en mineur, comme des grands enfants»315(*).

Nous avons partagé dans le cadre de cette recherche avec des étudiants qui font des études de théologie à l'Université catholique St. Jérôme de Douala. Tous ont souligné le fait que les prêtres sont réfractaires à leur insertion dans les activités pastorales des paroisses. Compte tenu du fait qu'ils sont aussi formés comme ces prêtres, ceux-ci sont considérés comme une menace,car ils semblent partager avec le prêtre les privilèges qui lui sont réservés de manière exclusive.

L'Eglise est un champ de violation flagrante et permanente des droits humainscomme le champ politique africain. Elle n'est pas un modèle de champ de liberté sur lequel l'on puisse se référer pour construire un régime des libertés. On peut noter à ce sujet comment y est entretenu la médiocrité humaine comme spirituelle. L'institution en réalité n'est pas favorable à l'émancipation spirituelle ni humaine. Elle entretien ses adeptes à demeurer d'éternels enfants, incapables de penserpar eux-mêmes ce qui est bien pour eux ; mais toujours prompts à avaler ce que le prêtre leur dit. Après vingt ans dans l'Eglise, on est toujours comme celui qui vient d'y entrer, sans aucune maturité dans les réalités qu'on a pourtant vécues depuis longtemps. On doit toujours se tourner vers le prêtre, aussi médiocre soit-il. On ne peut le contredire car, en tant qu' « alter Christus »316(*), il est l'incarnation du savoir religieux. Tout ceci constitue des obstacles à l'action de l'Eglise pour la démocratie dans la société, laquelle n'a pas besoin d'éternels enfants, mais des citoyens libres de penser, matures et responsables.Comment un chrétien habitué à la soumission deviendrait-il subitement dans le champ politiqueun acteur assez émancipé pour contribuer à la construction de sa nation, par ses actions en vue des changements politiques? En ce sens la participation de l'Eglise à la promotion de la démocratie est limitée et même contrastée.

Qui plus est, le régime démocratique en vogue dans le monde aujourd'hui est né dans une Europe chrétienne, qui a nécessité que l'on se débarrasse de la tutelle de l'Eglise, et notamment de l'Eglise Catholique317(*), afin de mettre sur pied une culture des libertés. L'Eglise,quoi qu'elle ait un peu changé en ce sens318(*), porte encore les traces de sa culture moyenâgeuse. On peut en effet aujourd'hui encore entendre ces paroles dans l'Eglise :

« C'est Dieu qui rend l'homme libre, ce n'est pas l'homme qui va à la conquête de sa liberté. La liberté est un don de Dieu et la vraie liberté, c'est la liberté vis-à-vis du péché et non les libertés civiques et politiques ».

Voilà un discours catholique fondamentalement antidémocratique, qui n'a pas beaucoup changé malgré les évolutions que l'Eglise a connu sur les questions de démocratie ; ou bien, s'il a un peu changé dans le discours officiel de l'Eglise, il reste tel quel dans les mentalités de la masse des fidèles supposés être des agents catholiques de la démocratisation ; comme nous le verrons au chapitre 6.

Tout ceci a fait dire à cet interviewé319(*) sur notre recherche :

« On ne peut pas parler d'engagement de l'Eglise dans le processus démocratique ;puisque l'Eglise ne se reconnait pas dans le combat démocratique. Elle vous dira qu'elle est là pour prêcher la paix, l'harmonie sociale».

Cette approche catholique de la démocratisation est favorable à la politique du statu quo du pouvoir en place ; ce qui renforce les rapports de l'Eglise avec ce pouvoir et rend sa participation politique de plus en plus mitigée.

4.2.2. LE SOUCICONSTANT DE SAUVEGARDE DES RAPPORTS DE L'INSTITUTION AVEC LE POUVOIR POLITIQUE

L'action de l'Eglise Catholique en faveur de la démocratisation camerounaise est aussi entravée par le souci de conserver ses rapports avec le pouvoir politique en place depuis 30 ans. Elle recèle par conséquent de nombreuses faiblesses et contradictions dont il convient ici de lever le voile sur quelques-unes.

4.2.2.1. L'autorité vaticane et l'Etat camerounais : deux partenaires fidèles du processus de démocratisation camerounais.

Lorsque nous parlons de la faiblesse de la participation de l'Eglise au processus démocratique camerounais, cela concerne d'abord les autorités religieuses du Vatican. En effet, lors de leur multiples visites au Cameroun qu'ont dit ou faitles papes pour changer la situation des camerounais ?Les souverains pontifes se sont plus préoccupés de leur bonne relation diplomatique avec le Cameroun, entre-elles élites, etloin des préoccupations d'un monde d'en bas sombrant de plus en plus. Prenons un exemple :Dans son discours d'au revoir à l'aéroport international Nsimalen, BenoîtXVI s'était certes prononcé sur les questions de crises africaines lorsqu'il affirmait par exemple: « En réalité, qu'y a-t-il de plus dramatique, dans le contexte sociopolitique et économique actuel du continent africain, que le combat souvent sanglant entre groupes ethniques ou peuples frères»320(*). Cependant pour ce qui concerne le régime politique camerounais proprement dit, le pape n'a rien dit. Il n'a non plus rien dit des émeutes de la faim qui ont opposé les masses de citoyens camerounais en févriers 2008, soit une année avant son arrivée. Il n'a rien dit de la modification de la constitution par le Président Paul Biya qui l'accueillait.

Or on a vu les papes et surtout le pape Jean Paul II en guerre ouverte contre les dictatures dans le monde. N'est-ce pas à ce pape que l'on attribue aujourd'hui la chute du Communisme ? Comment comprendre alors qu'au Cameroun il n'ait pas fait mention de la dictature du régime Biya,de la pratique de corruption et de détournement des deniers publics que les barons du pouvoir ont instauré au Cameroun ? Tout ceci nous amène à comprendre que, l'Eglise Catholique n'est pas résolue dans sa lutte pour la démocratie au Cameroun. Quoi qu'elle ait initié des actions pour accompagner le processus de démocratisation.

4.2.2.2. La CENC et l'Etat camerounais : Une collaboration harmonieuse dans le processus démocratique camerounais

Les évêques réunis au sein de la CENC pour parler au nom de l'Eglise et en faveur de la démocratisation du Cameroun, ne l'ont pas toujours fait avec la détermination qu'ils ont fait attendre d'eux. Lorsque la masse des Camerounais gémissant sous le poids des structures de domination politique attendaient de ceux-ci une dénonciation sans réserve de cette oppression, ils n'ont pas toujours été satisfaits. Une telle lecture ne fait pas de notre recherche une originalité quelconque. J. L.Maroleauavait déjà fait ce constat. Lequel a fait dire à Ludovic Lado dans la préface de son ouvrage :

« Maroleau semble suggérer, et avec raison, que les Eglises chrétiennes auraient pu faire mieux sur le terrain de la lutte contre l'injustice structurelle, ces structures sociopolitiques de péché, qui continuent à engendrer la pauvreté au Cameroun. Mais il leur a parfois manqué le courage prophétique»321(*)

A la question de savoir si l'Eglise Catholique en générale et celle du Cameroun en particulier est engagéede façon déterminée dans le combat démocratique, l'on a de la peine à répondre de façon affirmative. Si l'on admet que l'Eglise Catholique accompagne le processus démocratique camerounais, il faudrait reconnaitre aussitôt qu'elle le fait avec autant de faiblesse que le régime politique en place dont elle est d'ailleurs le collaborateur le plus proche de la société civile ; vu le soutien multiforme qu'il lui accorde, vu les relations des dirigeants avec les hommes d'Eglise et le partage de l'Eglise avec l'Etat de sa mission sociale322(*). Dans tous les cas, rien ne nous permet de soutenir au-delà les affirmations idéologiques de l'Eglise que la promotion de la démocratie est sa mission fondamentale et qu'elle y est dévouée de façon déterminée. Par contre, l'on peut affirmer avec aisance, moult preuves à l'appui,que la mission de l'Eglise est spirituelle, et qu'elle s'attelle plus à sauver les âmes qu'à instaurer sur la terre un règne de justice et de paix, qui selon la doctrine sociale est sa seconde mission.

Or, l'instauration d'un tel régime des libertés et de la justice ne peut être faite qu'à travers un combat déterminé en ce sens. L'histoire politique du monde nous montre justement que là où il y a la démocratie, là a existée au préalable le combat démocratique,ce que nous nommons engagement politique ;que ce soit dans l'Europe des lumières, qui a vu naitre les premiers régimes démocratiques ou dans les Amériques323(*). Ce sens du combat démocratique fait défaut à l'Eglise qui prétend être déterminée pour l'instauration d'un règne de Justice et dePaix.

De plus, la position de l'Eglise sur les principes démocratiques au Cameroun demeure paradoxal : réunis au sein de la CENC en 1993,les évêquesaffirmaient: «le souhait des évêques estque [...] les camerounais se disposent à accepter et à intérioriser le principe de l'alternance, surtout après l'avènement du multipartisme de fait au Cameroun »324(*). Comment donc comprendre que18 ans plus tard ces évêques célèbrent avec le président éternel son accession au pouvoir pour la 7e fois consécutive, alors qu'il a monopolisé le système politique depuis 30 ans au point de tailler la constitution à sa mesure? Comment comprendre le silence complice des évêques en 2007 où cette « voix des sans voix » n'a rien dit lorsque le Président candidat modifiait la constitution pour se représenter à vie ?

La controverse qui a eu lieu au sein du clergé camerounais en 2011 mettait en exergue ces contradictions de la participation de l'Eglise à la démocratisation du Cameroun. Le P. Ludovic Lado s'interrogeait sur le rôle de la CENC : soutien à la dictature, ou promotion de la démocratie ? Les évêques venaient en effet de célébrer la victoire triomphale d'un candidat dit démocrate qui accédait au pouvoir pour la septième fois consécutive. C'est cette proximité de la CENC avec le pouvoir qui rend sa participation mitigée dans le processus démocratique.

Compte tenu de cette tergiversation des positions de l'Eglise sur l'évolution de la démocratisation du Cameroun, concluons que l'Eglise manque de détermination à contribuer à l'avènement de la démocratie véritable au Cameroun ; car elle est Plus préoccupée à sauvegarder ses rapports avec le pouvoir et ses détenteurs, questions de préserver ses intérêts garantis par ces détenteurs de la « mangeoire » nationale. Ainsi, l'Eglise Catholique se préoccupe peu de ladictature politique que subissent les citoyens sousle joug du parti-Etat, de la misèred'un peuple à qui la politique du renouveau politique, des grandes ambitions et aujourd'hui des grandes réalisations n'ont apporté que plus de crise, de chômage, de cherté de la vie.

Dans une approche comparative avec le cas de la RDC, on voit pourtant que de manière radicale l'Eglise du Congo s'était prononcé contre la dictaturemobutisteet s'était engagée du côté des populationspour accompagnerla transition démocratique.C.Makiabo nous rejoint dans ce senslorsqu'il affirme : «l'Eglise Catholique du Zaïre a su éviter le piège du silence complice avec le président Mobutu et son régime de type dictatorial»325(*).

4.2.2.3. Les organisations catholiques et le pouvoir politique camerounais : entre subordination et action de veille citoyenne

Les contextes politique et socioéconomique dans lesquels émergent les organisations catholiques sont déterminants pour leur action. En effet, celles-ci ne sont pas imperméables aux poids des structures de dominations politiques ni des structures de pauvreté qui constituent sans aucun doute un véritable frein à leurs actions. Comme disait Bourdieu, ces structures sociales travaillent les mentalités des acteurs catholiques et conditionnent la faiblesse de leur action en vue de la démocratisation. Le pape Jean Paul II avait déjà perçu le poids de ces structureslorsqu'il parlait des structures de péché qui entravent le salut des fidèles.

De prime abord, ces acteurs ne peuvent pas s'exprimer librement par peur de dire ce qui dérange et par conséquent, de dégrader les relations harmonieuses que l'Eglise entretien avec l'Etat, et qui lui sont si chères et bénéfiques. Nos entretiens avec eux nous ont permis de déceler qu'ils se situent dans la même logique de la prudence que priorise tant l'Eglise dans ses prises de position sur les questions sociopolitiques de notre société.

En conséquence, l'action de ces organisations est si faible qu'elle est même à peine visible, même dans l'Eglise. Ce tableau illustre fort bien cette réalité : un très faible pourcentage des chrétiens, indépendamment de leur degré d'attachement à l'Eglise, connaissent Justice et paix par exemple. Mais cette réalité est plus patente à Douala, ville de la débrouillardise et de la lutte pour la survie, comme nous le verrons plus loin.

Tableau 13 :Connaissance de « Justice et Paix » selon la fréquence à la messe

Source : Par nos soins.

Les limites de Justice et Paix se traduisent aussi par le retard de publication de leur rapport d'observation électoral. En effet, le rapport de Justice et Paix a souvent assez trainé avant publication. Parfois, il ne surgit que lorsque le débat post électoral s'est apaisé. Il est à noter d'ailleurs que le rapport d'observation des présidentielles de 2011 n'est jusqu'aujourd'hui pas publié. Retard qui terni considérablement l'action de ce dernier sur la scène électorale. Comme l'atteste JulesFongang, Vice-président de l'UFP : « les rapports des élections de Justice et Paix étaient très attendus par les camerounais, aujourd'hui, les gens ne s'y intéressent plus assez, « Justice et paix » ne dit plus rien à personne. Il a perdu son blason. »326(*)

Un tel retard est à expliquer par le fait que « Justice et Paix » n'est pas une structure autonome, mais totalement subordonnée de la CENC, sous la tutelle de qui il travaille. Par conséquent toutes ses activités sont conditionnées par celles-ci, et donc la publication de ses rapports d'observation électorale aussi ;laquelle constitue l'apogée de l'action de Justice et Paix dans le processus démocratique. Une fois les rapports collectés des 25 CDJP du Cameroun, le SNJP en fait une synthèse qu'elle remet à la CENC. C'est alors que celle-ci, en fonction de ses stratégies dans le champ démocratique le publie à des échéances qui lui conviennent. Telle est la réalité quia amené cet interview membre de Justice et Paix d'affirmer : « Les évêques prennent toujours les rapports et s'assoient dessus, pour les publier quand ils veulent»327(*).

Ce schéma traduisant la hiérarchisationde l'action catholique pour la démocratisation permet de comprendre cette dépendance de Justice et Paix vis-à-vis de la CENC.

CENC

251635712Figure n°3: hiérarchisation des structures catholiques engagées dans le processus démocratique camerounais.

251644928251641856

SNJP

251636736

CDJP Douala

251639808

CDJP Yaoundé

251637760

CPJP

251638784

CPJP

251640832

Comité scolaire JP

251645952

Comité scolaire JP

Source : Par nos soins.

Nous pouvons retenir de ce schéma que les décisions comme les directives d'action vont de la CENC, jusqu'aux comités scolaires Justice et Paix, en passant bien évidement par le SNJP et les CDJP respectives. En retour, le rapport sur le travail fait par justice et paix à ses différents niveaux fait chemin retour jusqu'à la CENC.

En sommes, nous pouvons retenir de ce qui précède que la participation del'Eglise Catholique dans le processus démocratique contribue à la structuration du jeu politique Camerounais, mais tout en cherchant à conserver ses rapports harmonieux avec l'Etat et son héritage culturel. Ce qui donne à cette participation un caractère mitigé.

* 243 F. constantin et Coulon, Religion et transition démocratique. P.199, cité par J. L. Maroleau, Op.cit., P.85.

* 244 J. Mungala Feta, Op.cit., P.15.

* 245 J. F. Bayart, la fonction politique des Eglise au Cameroun, Op.cit., p.514 : « L'Eglise catholique se situe moins par rapport au système politique camerounais que par rapport à une communauté extra ou supranationale la chrétienté, le Vatican...».

* 246KengnePokam l'avait déjà affirmé en 1987, parlant de l'invitation du Pape Jean Paul II de 1985 par le Président camerounais Paul Biya, Voirles Eglises chrétiennes face à la montée du nationalisme camerounais, Op.cit., P.7.

* 247 Jean Paul II, Ecclésia in Africa, Op.cit.

* 248Jean Paul II, Ecclésia in Africa, n°112.

* 249 Cité par cameroun-infos.net, le 28/09/08.

* 250 Qui signifie Document de travail.

* 251 http://www.cameroon-info.net/stories/0,23834,@,visite-de-benoit-xvi-pourquoi-le-pape-vient-au-cameroun.html, le 22/05/13, à 10h00.

* 252AfricaMunus, n°81.

* 253Jen Paul II., Ibidem.

* 254 Qui est un symposium de tous les évêques africains et malgaches, une sorte de conférence épiscopale du continent africain.

* 255 Cf. Encyclique Spesalvi n°32-48.

* 256Op.Cit.n°106.

* 257 A la conférence de présentation de la DES en Afrique en 2009.

* 258 J.B. Talla, (2009), « Le compendium et l'engagement des fidèles laïcs en Afrique », in Vers une évangélisation de la société africaine. P.184.

* 259 Vers une nouvelle évangélisation de la société africaine, P.17.

* 260 Expression empruntée de J.-Y. Calvez dans l'avant-propos de l'Eglise pour la démocratie, Op.cit., P.7.

* 261 J.-Y. Calvez, Op.cit., P.11.

* 262Paul VI, Encycl. Populorumprogressio, 13: AAS 59 (1967) 263.

* 263 C. Makiabo, Op.cit., P.173.

* 264 C. Makiabo, Ibid., P.217.

* 265 A. Dieckhoff, « logiques religieuses et construction démocratique », in P. Michel, Op.cit., P.318.

* 266 CENC, Enseignement Social d'évêques du Cameroun,2005, P.151.

* 267Jean Paul II, SollicitudoRei sociales : la sollicitude de l'ordre social n° 36 Edition polygylvaticana p.70.

* 268 P. Michel, Op.cit. , P.14.

* 269 Cf. P. Michel, Ibid., P.10.

* 270 CENC, Enseignement social des évêques du Cameroun, 2005, p. 199.

* 271 Bible de Jérusalem, Ga.3.7 28.

* 272 CENC, Op.cit., P.204.

* 273 L'enseignement social des évêques du Cameroun, P. 295.

* 274 CENC, Op.cit., P.296.

* 275 CENC, Ibid.

* 276 CENC, Lettre pastorale des évêques à l'occasion de l'élection présidentielle de 2011, P.04.

* 277CENC, Ibid., P.5.

* 278 CENC, Ibidem, P.6.

* 279CENC, Ibidem., P.7.

* 280 CENC, Ibidem., P.8.

* 281 Constitution Apostolique Pastor Bonus, art. 142.

* 282 CENC, l'enseignement social des évêques du Cameroun, P.296.

* 283 Entretien fait dans son bureau à la CENC, le 23 Avril 2013 à 10h00.

* 284Entretien fait dans son bureau à la CENC, le 23 Avril 2013 à 10h00.

* 285 Voir le rapport des élections de 2007.

* 286 Soutien Justin Mabouth, Op.cit.

* 287 Allocution de Mgr, Rome, le 21 Mars 2007.

* 288 Entretien fait dans son bureau à la CENC, le 23 Avril 2013 à 10h00

* 289 Ecclésia in Africa, n°110.

* 290 Bulletin semestriel N°0001 de Juillet 2001.

* 291 L'un des départements du Service National Justice et Paix, travaillant avec les autres partenaires de l'ITIE.

* 292 Pratique de la palabre africaine, de régulation des litiges.

* 293 Rapport de la conférence épiscopale nationale du Cameroun sur l'observation des élections municipales et législatives du 30 Juin 2002, P.10.

* 294 SNJP, Manuel d'éducation à la citoyenneté, Op.cit., P.12.

* 295 Que l'Eglise défini comme « cet ensemble des conditions sociales qui permettent, tant qu'aux groupes qu'à chacun de leurs membres, d'atteindre leur perfection d'une façon plus totale et plus aisée. » (Guadium et Spes, n°26).

* 296 Jean Paul II, Chistifideleslaici, n°59.

* 297SNJP, Op.cit., P.9.

* 298Qui sont des démembrements paroissiaux de Justice et Paix.

* 299 SNJP, Ibid., P.174.

* 300 Susanne Ulbrich, (2002), Démocratie : représentation et participation, http:/hipatia/.ss.uci/fox.html, le 13/04/13, à 21h58.

* 301 Jean Paul II, Ecclesia in Africa, Op.cit., n°125.

* 302 Entretien réalisé à Bépanda- Douala le 12/05/13 à 15h30.

* 303 C'est du moins le but du projet Pétrole de la SNJP, lequel entre en droite ligne avec le projet ITIE.

* 304J. Ives Calvez et H. Tincq, Op.cit., P.07.

* 305KengnePokam, Les Eglises Chrétienne face à la montée du nationalisme camerounais, Op.cit., P.8

* 306 J.Rollet, Religion et politique.Le christianisme, l'islam, la démocratie,Paris, Grasset, 2001, P.186

* 307 J. Rollet, Op.cit., P.185

* 308Gustavo Guitierrez, Théologie de la libération, Ed. Lumen Vitae, Bruxelles 1974, P.187, Cité par KengnePokam, Op.cit., P.10.

* 309 P. Valadier, Droit de l'homme : défis pour la charité,cité par KengnePokam, Op.cit., P.8.

* 310 Siècle des luttes pour les libertés en Occident.

* 311Traduction française : la théologie noire.

* 312 Cité par KengnePokam, Op.cit., P.11.

* 313 Voir E. Durkheim, les formes élémentaires de la vie religieuse, Op.Cit.

* 314KengnePokam, Ibid., PP. 25-30.

* 315J.M.Ela, (1980), le cri de l'homme africain, Paris, Harmattan, P.43.

* 316 Par alter Christus, C'est-à-dire « autre christ », la doctrine catholique stipule que le prêtre est l'identité même du christ qu'il incarne. Par conséquent, c'est lui qui fait ce que Christ aurait fait ou mieux, c'est à travers lui que Christ réalise ses volontés dans l'Eglise.

* 317 Voir à ce sujet la « la vague catholique » de D.Philpott, in Religion du monde et la démocratie

* 318 J. I. Calvez et H.Tincq, Op.cit., P.07.

* 319 Expert des questions politiques au Cameroun, dont l'anonymat a été conservé. Entretien réalisé à l'université de Douala le 09/05/13 à 15h00.

* 320 Cérémonie de congé à l'aéroport international Nsimalen de Yaoundé (20 mars 2009).

* 321 L. Lado, préface de J. L. Maroleau, Eglise Catholique, Etat et Société Civile au Cameroun de 1884 à nos jours, Yaoundé, PUCAC, 2010, P.7.

* 322 Santé, éducation, média, pourvoyance de sens à travers les sermons des clercs et la catéchèse, l'encadrement social à travers les mouvements d'Action Catholiques, etc.

* 323 Ce qui nous fait dire que si les grecs de l'antiquité ont pensé la démocratie et que les démocrates moderne l'ont instauré, c'est parce que, en plus de la pensée, ces derniers ont initié le combat démocratique.

* 324 Enseignement sociale des évêques du Cameroun, P.154.

* 325 C. Makiabo, Op.cit., P.13.

* 326 Entretien eu dans son bureau, sis au Carrefour Jouvence, Yaoundé, le 18/04/13 à 14h30.

* 327 Entretien tenu à la CENC le 28/03/13 à 14h00 et dont le concerné a gardé l'anonymat.

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