L'EGLISE CATHOLIQUE ETLE PROCESSUS DEMOCRATIQUE AU
CAMEROUN : Une analyse de la participation politique des archidiocèses
de Douala et de Yaoundé
251659264
MEMOIRE PRESENTE EN VUE DE L'OBTENTION DU DIPLOME DE
MASTER II EN SOCIOLOGIE POLITIQUE
Rédigé et défendu publiquement
par:
NDONGMO NANFACK Bertrand Magloire
Titulaire d'un master I en Sociologie, option
politique
Dirigé par :
Co-dirigé par :
Pr. NANA-FABU Stella Dr. MANDJACK Albert
Maitre de conférences
Chargé de cours
COMPOSITION DU JURY
Président : Pr. MISSE
MISSE
Examinateur : Dr. NGADJIFNA
Charles
Année académique 2011
-2012
Rapporteur :Pr. NANA-FABU
Stella
A la mémoire de mes parents,
A la mémoire de tous les martyrs de la
libération des peuples opprimés d'Afrique.
REMERCIEMENTS
251658240
Au Pr. Nana Fabu et au Dr. Mandjack, respectivement directrice
et co-directeur de ce travail, qui ont bien voulu guider nos premiers pas dans
la recherche.
A tous mes enseignants de l'Université de Douala,
notamment Pr. Ekomo, Pr. Fouda, Dr. Ba' ana, Dr. Kemayo, Dr. Yom, Dr.
Tefé, Dr. Ngadjifna et M. Mballa, pour leurs enseignements
dispensés et pour leurs conseils.
A tous mes ainés académiques, en particulier
Segnu Etienne et Ndock Nicolas dont la contribution à ce travail a
été non négligeable.
A toute ma famille, en Particulier Dongmo Roméo et
Domgue Amélie, Pauline Dongmo, Micheline Teumo, Mathias Kemeza, Marie
Louise Zanguim et Marie Claire Sakou, dont le soutien pendant toute cette
période de recherche a été infaillible.
A la Congrégation des Pères du Saint Esprit,
notamment au Supérieur P. Henry Fouda et Mgr Lambert Dzana qui m'ont
offert l'opportunité de poursuivre cette recherche jusqu'à
terme.
A la Conférence Episcopale Nationale du Cameroun, en
particulier Justice et Paix qui m'a accordé un stage de 9 mois en son
sein pour m'imprégner des réalités sociopolitiques
camerounaises telles que portées par l'Eglise et dont l'apport à
ce travail a été considérable.
A la congrégation des Soeurs du Très Saint
Sauveur, notamment à leur supérieur Sr. Solange Belinga, pour
leur précieux soutien multiforme pendant toute cette période de
recherche.
A tous mes amis et camarades de classe, Estelle Temgoua, Sr.
Marie Béatrice Abomengono, Anne Magne, EvodieNintedem,
TizéMhaKodji, GloryNgwanshi, Kinne Carine, Magloire Nobouk, Gislain
Békono, Florence Lebogo et MarlyseMbakam, pour leurs lectures, et
relectures de ce travail.
A tous ceux qui de près ou de loin ont contribué
à la réalisation de ce travail, à la production des
données de terrain : évêques, prêtres,
universitaires, hommes politiques, représentant de la
Société Civile, fidèles catholiques de Douala et de
Yaoundé etc.
Puissiez-vous, tous, trouvez en ce travail l'expression de
toute ma gratitude et d'une détermination à faire avancer notre
pays le Cameroun ; la finalité de toute science étant de
faire avancer l'humanité.
SOMMAIRE
DEDICACE..................................................................................................................................2
REMERCIEMENTS...................................................................................................................3
SOMMAIRE
..................................................................................................4
RESUME
......................................................................................................5
ABSTRACT
.......................................................................................................6
LISTES DES SIGLES ET ABREVIATIONS
..........................................................7
LISTES DESTABLEAUX, FIGURES, GRAPHIQUES ET PHOTOS
...............................9
EPIGRAPHE
...............................................................................................12
|
INTRODUCTION
13
PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE 19
CHAPITRE 1 : CONSTRUCTION DE LA
PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE ET REVUE DE LA LITTERATURE.
20
CHAPITRE 2: LA CONSTRUCTION DU CADRE
THEORIQUE ET L'ELABORATION DE LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
38
PARTIE 2 :L'ANALYSE DE LA
PARTICIPATION DIFFERNECIEE DE L'EGLISE CATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS
DEMOCRATIQUE AU CAMEROUN 57
CHAPITRE 3 : ANALYSE DU CONTEXTE DE
DEMOCRATISATION ET PROBLEMATIQUE DE L'INTERVENTION DE L'EGLISE DANS LE CHAMP
SOCIOPOLITIQUE CAMEROUNAIS 58
CHAPITRE 4: LA PARTICIPATION MITIGEE DE
L'INSTITUTION CATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS
85
CHAPITRE 5: L'INTERVENTION DISCORDANTE DES
CLERCS CATHOLIQUES DANS LE CHAMP DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN
118
CHAPITRE 6: FIDELES CATHOLIQUES ET
PARTICIPATION DE L'EGLISE AU PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS
138
CONCLUSION
165
BIBLIOGRAPHIE
170
ANNEXES..................................................................................................178
TABLE DES
MATIERES..........................................................................................195
RESUME
Le vent des démocraties qui a secoué les pays
africains à l'aube des années 90 a conduit le Cameroun à
s'engager dans le processus de sa démocratisation. L'Eglise Catholique,
ayant contribué à la construction de la vie nationale du Cameroun
depuis la période coloniale s'est aussi impliquée dans ce vaste
processus de gestion collective des affaires publiques. Ce constat de son
implication débouche sur cette recherche
intitulée : « L'Eglise Catholique et le
processus démocratique au Cameroun : Une analyse de la
participation politique des archidiocèses de Douala et de
Yaoundé »
Notre exploration de ce champ de recherche s'inscrit dans le
cadre des sociologies suivantes : La sociologie politique, qui permet de
saisir les acteurs catholiques comme des « homo
politicus » à partir de leurs actions et attitudes
politiques. La sociologie des religions qui donne d'appréhender cette
participation de l'Eglise à partir des interrelations entre le politique
et le religieux et de la doctrine sociale de l'Eglise. Enfin, la sociologie
critique qui permet de démystifier les non-dits de cette participation,
ainsi que les formes de dominations politiques et religieuses qui
l'entravent.
L'éclairage de ces champs sociologiques conduit au
constat empirique de la participation controversée et
différenciée de l'Eglise Catholique dans ce processus
démocratique. De ce constat découle notre problématique
qui débouche sur la question de recherche suivante :
« Comment peut-on rendre compte de la participation politique
différenciée de l'Eglise au processus démocratique
camerounais en dépit de la volonté manifeste de l'institution
à participer à la construction de la démocratie
camerounaise? ».
Notre étude s'inscrit à l'intercession des
paradigmes interactionnistes et constructivistes. A cet effet, elle mobilise
les théories de l'interactionnisme symbolique et du constructivisme
social, dans l'objectif de rendre compte de la différenciation de la
participation politique des acteurs catholiques dans le processus
démocratique camerounais.
De ces théories découle l'hypothèse
générale suivante : La participation des acteurs catholiques
au processus démocratique est orientée par les différents
champs de participation et les différentes formes de rationalité
socialement construites qui les motivent lors de leurs interactions de sens
avec le champ politique.
Dans la même perspective, la méthodologie
adoptée s'inscrit dans une approche quali-quantitative. Sous l'angle
qualitatif, elle repose sur la logique empirico-inductive et traite, à
partir de l'analyse du contenu des données extraites des sources
documentaires et des entretiens réalisés auprès de 20
personnes (clercs catholiques, hommes politiques et responsables des OSC). Sous
l'angle quantitatif, elle repose sur une analyse des résultats obtenus
à partir d'un questionnaire administré à un
échantillon de 250 fidèles catholiques de Douala et de
Yaoundé.
Les résultats de cette recherche montrent que la
participation différenciée de l'Eglise se comprend à
partir des trois niveaux de son action politique. Au niveau
institutionnel : l'Eglise tente de restructurer le jeu politique à
partir de ses propres structures. Cette action de restructuration est
entravée par son souci de conserver en même temps son
héritage culturel quelque peu réfractaire à la
démocratie et ses rapports harmonieux avec le politique, pour la
sauvegarde de ses intérêts. Au niveau clérical, elle
répond aux logiques d'action contrastées qui animent les clercs
dans des contextes différents d'incitations politiques et tribales. Au
niveau des fidèles de la base, elle répond à la forte
désaffection politique de la société dont ils sont membres
et à la prédominance de leur socialisation spirituelle sur leur
socialisation politique.
Les mots clés : Processus
démocratique, Participation politique, Eglise Catholique
ABSTRACT
The wind of democracies that shocked African countries at the
dawn of the 1990s led Cameroon to engage in its process of democratization. The
Catholic Church that contributed to the construction of the national life of
Cameroon since the colonial period was also involved in this extensive process
of collective management of public affairs. This observation leads to this
research entitled: "Participation of the Catholic Church in the democratic
process in Cameroon: an analysis of the participation in politics of the
archdioceses of Douala and Yaoundé"
Our exploration of this field of research is part of the
following sociologies: political sociology, which allows the understanding of
the Catholic actors as "homo politicus" from the analysis of their
actions and political attitudes; Sociology of religions which makes us
understand the participation of the Church from the angle of the
interrelationships between the political and the religious and the social
doctrine of the Church. Finally, critical sociology which allows to
demystify all that which is not said about this participation, as well
as the forms of political and religious dominations that hinders this
process.
The understanding of these sociological fields leads to the
empirical observation of the variant and controversial involvement of the
Catholic Church in this democratic process. From this observation flows our
problem and that constitutes our research question: "How can we account for
the variant participation of the Church to the democratic process despite the
noticeable desire of the institution to participate in the construction of
democracy in Cameroon? ''
Our study is enrolled in the intercession of the paradigms -
inter-actionists and constructivist. For this purpose, it mobilizes the
theories of the symbolic inter-actionism and social constructivism, in the
objective of accounting for the variance of the political participation
Cameroonian Catholic stakeholders in the democratic process.
From these theories follows the following general hypothesis:
That the participation of Catholics stakeholders in the democratic process is
guided by the scope of participation in different rational forms and which
motivated them during their interactions in the political field.
In the same perspective, the methodology adopted is part of an
approach which is both qualitative and quantitative. In the qualitative terms,
it is based on empirico-inductive logic and deals from the analysis of the
contents of extracted data and interviews with 20 individuals (Catholic
clerics, politicians and leaders of CSO). In quantitative terms, it is based on
a deductive analysis of results obtained from a questionnaire administered to a
sample of 250 Catholic faithful in Douala and Yaoundé.
The results of this research show that the variant
participation of the Church in politics could be understood at three levels; at
the institutional level: the Church tries to restructure the political game
from its structures. This restructuring process is hampered by its desire to
preserve its cultural heritage though obstinate to democracy and its harmonious
political and tribal relations. At the level of the faithful at the base, it
meets strong alienation of the political society of which they are members with
the predominance of spiritual socialization on political socialization.
Key words: Democratic process, Political participation,
Catholic Church
LISTE DES SIGLES, ABREVIATIONS ET ACCRONYMES
ACEAC: Association des Conférences
Episcopales d'Afrique Centrale
AFP : Agence France presse
CDJP: Commission Diocésaine Justice et
Paix
CDO : Centrale Diocésaine des
OEuvres
CENC : Conférence Episcopale
Nationale du Cameroun
CEV : Communauté Ecclésiale
Vivante
CNC : Conseil National de la
Communication
CONAC : Commission Nationale
Anti-Corruption
CPJP: Conseil Paroissial Justice et Paix
CPP: Cameroon People Party (Parti du
PeupleCamerounais)
CRS: Catholic Realif Services
CRTV: Cameroon Radio and Television
DES: Doctrine Sociale de l'Eglise
ELECAM: Elections Cameroon
JOC : Jeunesse Ouvrière
Chrétienne
MAC: Mouvement d'Action Catholique
Mgr. : Monseigneur
MINAT : Ministère de
l'Administration territoriale et de la décentralisation
MINEPAT : Ministère de
l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire
MRC: Mouvement pour la Renaissance du
Cameroun
NDH : Nouveau Droit de l'Homme
NMR : Nouveaux Mouvements Religieux
ONG : Organisation Non
Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
OSC : Organisation de la
Société Civile
RDC : République
Démocratique du Congo
RDPC: Rassemblement Démocratique du
Peuple Camerounais
RFI : Radio France Internationale
SC : Société Civile
SCEAM: Symposium
desConférencesEpiscopales d'Afrique et de Madagascar
SDF: Social Democratic Font (Front Social
Démocratique)
SNJP: Service National Justice et Paix
UCAC : Université Catholique
d'Afrique Centrale
UFP : Union pour la Fraternité et le
Progrès
USA : United States of America (Etats
Unis d'Amérique)
LISTES DES TABLEAUX, FIGURES, GRAPHIQUES ET PHOTOS
LES TABLEAUX
TABLEAU
|
TITRES
|
PAGE
|
Tableau 1 :
|
Vue synoptique des différents champs sociologiques et
théories de l'étude
|
44
|
Tableau 2 :
|
Récapitulatif des unités d'observation
|
49
|
Tableau 3 :
|
Récapitulatif de personnes interviewées selon les
catégories retenues
|
50
|
Tableau 4 :
|
Répartition de l'échantillon d'étude suivant
le sexe et la ville
|
51
|
Tableau 5 :
|
Répartition de l'échantillon de l'étude
suivant l'âge et la ville
|
51
|
Tableau 6 :
|
Répartition de l'échantillon d'étude suivant
la profession et la ville
|
51
|
Tableau 7 :
|
Répartition de l'échantillon d'étude suivant
la fréquence à la messe
|
52
|
Tableau 8 :
|
Répartition de l'échantillon d'étude suivant
le regroupement tribal
|
52
|
Tableau 9 :
|
Résultats des présidentielles de 2004
|
70
|
Tableau 10 :
|
Place accordée aux questions de démocratie dans le
chapitre 6 d'ecclésia in Africa : Construire le Royaume de Dieu
|
87
|
Tableau 11 :
|
Thématiques abordées dans le manuel
d'éducation à la citoyenneté
|
102
|
Tableau 12 :
|
quelques titres de la presse catholique sur les questions
politiques au Cameroun
|
105
|
Tableau 13 :
|
Connaissance de « Justice et Paix » selon la
fréquence à la messe
|
115
|
Tableau 14 :
|
Médiatisation des interventions politiques des clercs
|
126
|
Tableau 15 :
|
Jugement sur le régime Biya selon la ville
|
130
|
Tableau 16 :
|
Représentations de la politique chez les catholiques
|
139
|
Tableau 17 :
|
jugement sur l'origine des changements politiques suivant la
profession.
|
141
|
Tableau 18 :
|
Jugement des catholiques sur la démocratie
camerounaise
|
142
|
Tableau 19 :
|
Participation politique comme facteur de changement social et
politique
|
142
|
Tableau 20 :
|
Jugement sur la participation comme devoir chrétien
|
143
|
Tableau 21 :
|
Fidèles catholiques et participation aux
conférences sociopolitiques
|
145
|
Tableau 22 :
|
fréquence d'écoute des médias catholiques
|
146
|
Tableau 23 :
|
Répartition des fidèles catholiques selon leur
Mouvement d'Action Catholique et la ville
|
148
|
Tableau 24 :
|
Participation politique comme devoir chrétien
|
150
|
Tableau 25 :
|
Jugement sur l'intervention des évêques en
politique, selon la tribu.
|
152
|
Tableau 26 :
|
Fréquence de suivi des émissions et informations
politiques
|
153
|
Tableau 27 :
|
Inscription sur les listes électorales, suivant la
fréquence à la messe
|
154
|
Tableau 28 :
|
Participation des fidèles catholiques aux
échéances électorales de 2002 à 2011
|
155
|
Tableau 29 :
|
Participation des fidèles catholiques à
l'élection 2011, fréquence messe
|
156
|
Tableau 30 :
|
Participation électorale des fidèles catholiques
suivant le regroupement tribal
|
157
|
Tableau 31 :
|
Connaissance des CEV
|
159
|
Tableau 32 :
|
Timing des activités des CEV
|
160
|
LES FIGURES
FIGURE
|
TITRES
|
PAGE
|
Figure 1 :
|
Carte de la ville de Douala
|
179
|
Figure 2:
|
Carte de la ville de Yaoundé
.
|
179
|
Figure 3 :
|
Hiérarchisation des structures catholiques
engagée dans le processus démocratique camerounais
|
116
|
Figure 4 :
|
processus conduisant à l'abstention politique des
fidèles
|
116
|
LES GRAPHIQUES
GRAPHIQUE
|
TITRE
|
PAGE
|
Graphique 1 :
|
Regroupement tribal et jugement sur le processus
démocratique
|
115
|
Graphique 2 :
|
Jugement sur l'action politique des hommes politiques
|
123
|
Graphique 3 :
|
Compatibilité foi et politique, selon la fréquence
à la messe
|
126
|
Graphique 4 :
|
Fidèles « journalier » et
participation aux conférences sociopolitiques
|
127
|
Graphique 5 :
|
Fréquence d'écoute des médias
catholiques.
|
128
|
Graphique 6 :
|
Participation aux conférences sociopolitiques et aux
conférences spirituelles
|
131
|
Photo 1
|
Les évêques du Cameroun et autres participants
après une conférence
|
79
|
Photo 2
|
Atelier CDJP Yaoundé sur la formation à la
citoyenneté
|
87
|
Photo 3
|
Pape Jean Paul II
|
180
|
Photo 4
|
Pape Benoit XVI
|
180
|
Photo 5
|
Cardianl Christian Tumi
|
180
|
Photo 6
|
Mgr. André Wouking
|
180
|
Photo 7
|
Mgr. TonyeBakot
|
181
|
Photo 8
|
Mgr. Joseph Atanga
|
181
|
Photo 9
|
Mgr. Samuel Kleda
|
181
|
Photo 10
|
Mgr. Antoine Ntalou
|
181
|
Photo 11
|
Mgr. Joseph BefeAteba
|
182
|
Photo 12
|
Mgr. Dieudonné Watio
|
182
|
Photo 13
|
P. Ludovic Lado
|
182
|
EPIGRAPHE
« L'Eglise apprécie le système
démocratique comme système qui assure la participation des
citoyens aux choix politiques et garantit aux gouvernés la
possibilité de choisir et de contrôler leurs gouvernants ou de les
remplacer de manière pacifique lorsque cela s'avère opportun.
Cependant, l'Eglise ne peut approuver la constitution de groupes dirigeants
restreints qui usurpent le pouvoir de l'Etat au profit de leurs
intérêts ou à des fins
idéologiques. »
Pape Jean-Paul II(Centesimusannus, 1991)
INTRODUCTION
Les préoccupations politiques les plus présentes
dans le monde aujourd'hui sont celles des conditions d'instauration d'un
régime politique plus libéral ;un régime qui, non
seulement garanti l'implication de toutes les couches sociales à la
gestion des affaires de la cité, mais aussi et par conséquent,
qui puisse sortir nos pays des crises multiples qui les rongent. C'est dans
cette perspective que le système politique démocratique
pensé par les philosophes grecs de l'antiquité, et rendu de plus
en plus possible par les mentalités et les conditions sociopolitiques de
l'époque moderne est présenté presqu'à
l'unanimité comme le meilleur des systèmes politiques qui existe
actuellement pour notre monde. Une abondante littérature et les
débats médiatiques sur cette question, les luttes multiples
à travers le monde, traduisent la soif qu'expriment les peuples pour la
démocratie qui est devenue un besoin urgent pour nos
sociétés.
Cette urgence de la démocratisation s'est ressentie en
Afrique à l'aube des années 1990, avec surtout le fameux vent
d'Est, et les mouvements sociaux à travers lesquels les peuples
africains exigeaient la sortie du monolithisme politique. On se souvient aussi
du discours de la Baule du Président français François
Mitterrand qui invitait les présidents africains à instaurer la
démocratie dans leurs différents pays. Des tentatives de
démocratisation ont vu le jour ici et là en Afrique, notamment au
Cameroun ; à travers la tolérance du multipartisme et de la
liberté de la presse, l'organisation d'élections, quoi que
considérées par beaucoup d'experts comme une mascarade1(*). Le but était de
mobiliser les citoyens camerounais pour le choix et de leurs dirigeants, et des
politiques de leur pays en vue de favoriser le décollage
économique, politique et socioculturel de ce dernier.
Cependant, un demi-siècle après
l'indépendance, ou encore 20 ans après ces vents de la
démocratie, force est de constater que le Cameroun
particulièrement fait face aux mêmes problèmes de crises
multiformes que S.C. Abega traduit en ces termes:
« Le bilan de près d'un demi
siècle d'indépendance est éloquent : Sur le plan
économique, un endettement monstrueux qui n'a pas produit le
développement escompté, le pillage des ressources, l'échec
de la plupart des projets économiques et une misère galopante,
avec par exemple l'apparition d'une pauvreté urbaine de plus en plus
visible ; sur le plan politique, la mal gouvernance et le discrédit
jeté sur toute la classe dirigeante, avec en prime une opposition dont
l'état de déliquescence ne laisse entrevoir aucun espoir
d'alternance, et sur le plan social, une crise identitaire manifestée
par un mal vivre général, la corruption et la gabegie qui
paralyse toute l'administration»2(*).
Telle est la réalité d'un pays en quête de
démocratie, et mobilisant avec peine nombre d'acteurs politiques et
civils, organisations nationales et internationales dans la lutte pour des
changements significatifs.
Face à cette tenace réalité
sociopolitique, l'Eglise Catholique n'est pas restée en marge, mais elle
s'est impliquée aussi à la promotion de la démocratie, et
à l'accompagnement des peuples en quête d'un mieux-être
ensemble. Bien qu'ayant longtemps été réfractaire
àplusieurs principes démocratiques comme la liberté
religieuse, elle a adhéré finalement aux valeurs
démocratiques qu'elle s'est désormais engagée à
promouvoir3(*). Ils vont
d'ailleurs dans ce sens, ces propos de J.- I.Calvez et H. Tincq qui estiment
que l'Eglise Catholique a fait des avancées considérables en vue
de l'accompagnement des nations du monde dans la lutte pour la
démocratie:
«Il faudrait être de mauvaise foi ou aveugle,
rester figer sur les souvenirs des siècles passés...pour nier les
inflexions, depuis cent ans, de la doctrine politique et sociale de l'Eglise
Catholique, l'engagement toujours plus grand de ses militants, de son
clergé, du pape et de bien des évêques, leur participation
aux luttes pour la défense des droits de l'homme, la liberté et
la démocratie là où ils n'existent pas ou bien ont
été supprimés ou sont depuis bafoués. Dans les
régimes de parti unique du tiers monde ou de l'Europe communiste, dans
les dictatures militaires d'Afrique, d'Amérique Centrale ou latine,
d'Asie voire dans les pays industrialisés et développés
mais aux structures archaïques ou défaillantes»4(*).
C'est également dans cette perspective que le pape Jean
Paul II indiquait combien l'Eglise est acquise à la
démocratie comme système politique:
«L'Eglise apprécie le système
démocratique, comme système qui assure la participation des
citoyens aux choix politiques et garanti aux gouvernés la
possibilité de choisir et de contrôler leurs gouvernants, ou de
les remplacer de manière pacifique lorsque cela s'avère
opportun»5(*).
Ainsi, adhérant à la double tolérance
depuis Vatican II, l'Eglise s'est engagée à «jouer le
rôle de ferment et de levier du changement dans les Etats, ... Notamment
ceux où la tolérance démocratique n'était pas
encore pleinement reconnue»6(*), et les papes, en particulier Jean Paul II se sont
faits avocats de la démocratie, «en tant que forme de
gouvernement le plus susceptible de promouvoir à terme la justice et la
mission de l'Eglise»7(*). Elle a d'ailleurs mis sur pied, suite à ces
réformes de Vatican II, une doctrine politique et sociale8(*), élaborée par les
papes du XIXe et XXe siècles à travers
leurs encycliques9(*) et qui
est contenues dans ce qu'elle nomme la Doctrine Sociale de l'Eglise10(*). Suite à ce corpus
d'Enseignement Social de l'Eglise11(*) , qui fonde et oriente sa participation politique et
sociale, a vu le jour une structure qui s'en charge également: Le
Conseil Pontifical Justice et Paix avec des sous structures que sont les
Services Nationaux Justice et Paix, qu'hébergent les Conférences
Episcopales et dont les démembrements au niveau de diocèses sont
les CommissionsDiocésaines Justice et Paix, et au Niveau des paroisses,
les Conseils Paroissiaux Justice et Paix.
C'est dans cette perspective que l'Eglise s'est engagée
depuis quelques décennies à diffuser sa doctrine sociale qui
selon le magistère12(*)«fait partie intégrante de la mission
d'Evangélisation de l'Eglise»13(*), et à promouvoir la participation politique de
ses fidèles ;afin qu'ils apportent chacun «une
contribution cohérente pour qu'à travers la politique, s'instaure
un ordre social plus juste et conforme à la dignité de la
personne humaine»14(*). Ceci,par le choix des « gouvernants
selon le coeur de Dieu»15(*), et la transformation par leurs choix politiques, des
institutions sociales et politiques de sorte qu'elles soient favorables
à la réalisation du bien commun qui, selon le pape Paul VI est la
finalité de toute communauté politique.
Un tel intérêt de l'Eglise pour la vie politique
s'est accentué au Cameroun à la veille de
l'indépendance, dans un contexte similaire à celui de
l'Europe des révolutions, notamment lorsque les chrétiens
abandonnaient à grand bruit l'Eglise, pour rejoindre les courants
d'idées des ouvriers et des courants politiques indépendantistes
et anticléricaux16(*). Alors, les autoritésecclésiales,
notamment Mgr. Bonneau, commencèrent la promotion des
préoccupations sociales et politiques de l'Eglise ; car les
chrétiens ne percevaient pas les enjeux sociaux de la foi17(*). Cette promotion passait aussi
par les soutiens qu'apportait le clergé camerounais aux populations en
quête de leur indépendance, à travers les lettres
pastorales et les jeux de médiateurs18(*) entre nationalistes et pouvoir politique19(*).
Ce rôle de l'Eglise s'est poursuivi après
l'indépendance, notamment à travers la voix des
évêques sur la vie sociale et politique du pays et l'action des
organisations catholiques. Ces Vingt dernières années, auraient
été tout aussi significatives pour l'implication de l'Eglise dans
les affaires sociopolitiques du Cameroun. En raison des multiples lettres
pastorales des évêques, des rapports d'observation
électorale faits par le Service National Justice et Paix, de la
proposition d'un code électoral par ce dernier, de la nomination de deux
prélats dans l'administration20(*) etc.
C'est en vue d'interroger ces diverses formes de
participationpolitique de cette Eglise à Douala et à
Yaoundé-Cameroun que nous avons fait le choix de ce sujet de recherche
dont l'intitulé est : «l'Eglise Catholique et le
processus démocratique au Cameroun : Une analyse de la participation
politique des archidiocèses de Douala et de
Yaoundé ».
Ces multiples formes de participation politique de l'Eglise
Catholique en contexte de démocratie sont d'une telle complexité
qui suscite en nous moult interrogations. Compte tenude la controverse qui a
cours dans l'Eglise au sujet de la position de la Conférence Episcopale
par rapport au pouvoir en place, des avis divergents des clercs catholiques sur
le processus démocratique et du fait que de nombreux fidèles
catholiques de Douala et de Yaoundé restent en marge de ces
préoccupations sociopolitiques de l'Eglise ;comme nous l'a
révélé notre pré enquête faite à ce
sujet, en Juillet 2012 à Douala et à Yaoundé.
Tout ceci nous a pousséslogiquement à cette
première interrogation qui sous-tend cette recherche: Comment
peut-on rendre comptede la participation différenciée et
controversée de l'Eglise catholique dans le processus
démocratique au Cameroun,en dépit de la volonté manifeste
de l'institution à contribuer à la construction de la
démocratie camerounaise?
Le choix d'un tel sujet n'a pas été le fruit du
hasard, mais il a été motivé par trois ordres
d'intérêts, dont l'un personnel, l'autre social, et un
troisième scientifique.
Sur le plan personnel, notons que nos motivations personnelles
nous ont conduites à ce sujet. En effet, soucieux d'une gestion plus
démocratique de notre pays, nous avons un intérêt
particulier pour les questions de démocratie. Ainsi, la contribution de
l'Eglise Catholique à la construction de cette démocratie au
Cameroun est l'une de nos préoccupations les plus récurrentes. En
outre, cette recherche nous permet de poser les bases d'un champ de
réflexion que nous explorons encore, et de comprendre les enjeux
sociopolitiques de la foi catholique telle qu'elle est vécue à
Douala et à Yaoundé.
Sur le plan social, cette étude pourra permettre aux
catholiques de comprendre les entraves liées à la promotion
catholique de la démocratie camerounaise, ainsi que l'impact de la foi
catholique sur la participation politique des fidèles de Douala et
Yaoundé. Elle pourra en outre, permettre de comprendre pourquoi les
chrétiens catholiques, aspirant à un ordre social nouveau
manquent de mobilisation déterminée en vue de son instauration.
Parconséquent, Elle pourra aider les clercs catholiques à
renforcer leur pastorale sociale afin qu'une promotion chrétienne d'une
nation camerounaise démocratique et prospère soit effective.
Pour ce qui est de l'intérêt scientifique de ce
sujet, notons au préalable que l'analyse des liens de la religion avec
le politique, du rôle social et politique de la religion et plus
précisément de ses enjeux sociopolitiques intéresse
à juste titre les chercheurs sociologues (P. Berger21(*), E. Durkheim22(*), M. Weber23(*), K. Marx etc.), politologues
(L.P. Ngongo24(*), A.
Mbembe25(*),
J.F.Bayart26(*)etc.),
théologiens (J.M. Ela27(*), F. Weabey28(*),C. Makiobo29(*)etc.), philosophes (F. EboussiBoulaga30(*)etc.) historien (E.
Poulat31(*), J.
P.Missina32(*)) etc.
Ainsi, une analyse scientifique des logiques d'action qui sous-tendent les
conduites des hommes d'Eglise dans la restructuration du jeu politique
camerounais pourra constituer une modeste contribution de notre recherche
à l'immense champ d'analyse scientifique en sciences sociales. Qui plus
est, de nombreuses étudesont été faites sur l'action
sociale et politique de l'Eglise catholique, en Afrique comme au
Cameroun ; que ce soit pendant la période coloniale comme la
période post coloniale. Le choix de ce sujet a donc été
pour nous l'occasion d'aborder cette réalité sous un autre
angle : l'intervention différenciée et discordante des
acteurs catholiques dans le processus démocratique en cours au Cameroun
depuis 20 ans. Enfin, il ne fait aucun doute qu'un tel sujet est
d'actualité brulante ;vu les récentes publications de J.P.
Messina33(*) et de J-L.
Maroleau34(*) sur la
question, et la forte médiatisation des interventions
multipliées, discordantes et controversées des clercs catholiques
dans le débat public camerounais35(*).
Ainsi, en vue d'analyser cette participation
différenciée pour mieux la comprendre, L'Eglise sera saisie ici
en tant qu'institution de la société civile, à travers ses
dits, ses écrits, ses faits, tels qu'ils se livrent à
l'observation sociologique et/ou politique. A ce titre, un regard sera
jeté sur l'histoire récente de cette institution, à
savoir, sur une période de 21 ans. Précisément la
période allant de 1990: année de la première lettre
pastorale des évêques sur le processus initié à
l'aube de cette décennie 90 jusqu'en 2011 : année de la
forte controverse au sein de l'Eglise sur les attitudes politiques des hommes
d'Eglise vis-à-vis du pouvoir en place.
En outre, nous nous proposons, dans la perspective de ces
objectifs, de structurer notre travail sur deux parties :
Une première qui traite du cadre théorique et
méthodologique, et s'articule sur deux chapitres : un premier qui
porte sur l'élaboration de la problématique, sur la revue de la
littérature et l'analyse conceptuelle. La problématique part des
constats de terrain pour présenter les questions qui orientent cette
recherche. La revue de la littérature s'attèle à faire le
point des travaux sur la dimension sociopolitique de la religion et sur le
processus démocratique.
Le deuxième chapitre, en tenant compte du
précédent, s'efforce de circonscrire le cadre théorique et
de construire une méthodologie appropriée, susceptible de cerner
les agir des acteurs catholiques impliqués dans le processus de
démocratisation du Cameroun. Pour cela, il s'articule sur des aspects
aussi variés que les paradigmes et les théories
mobilisées, les logiques de la recherche, les modes de collectes et
d'analyse des données, et l'échantillonnage.
La seconde partie porte sur l'analyse de la participation
différenciée de l'Eglise Catholique dans le processus
démocratique au Cameroun et s'articule sur quatre chapitres.
Sa première articulation, à savoir le chapitre3,
est consacrée à l'analyse du contexte de démocratisation
et de la problématique de l'intervention de l'Eglise dans le champ
politique camerounais. Ainsi, il aborde des axes aussi variés que
l'histoire de la démocratie camerounaise, les facteurs contextuels et la
question de la laïcité en rapport avec l'action politique de
l'Eglise Catholique au Cameroun.
Le quatrième chapitre quant à lui est
consacré à l'analyse de la participation mitigée de
l'institution ecclésiale dans ce processus démocratique. Il
aborde des aspects aussi variés que l'action de restructuration du jeu
politique camerounais par l'institution catholique, et les facteurs de
contradiction de cette participation institutionnelle de l'Eglise Catholique au
processus démocratique camerounais.
Le chapitre suivant (05) quant à lui,
s'intéresse aux interventions discordantes des clercs catholiques dans
le champ de démocratisation camerounaise. Il s'articule sur les axes
tels que les formes de rationalités des clercs catholiques, le poids des
contextes sociaux et les types de rapports des clercs au pouvoir.
Quant au dernier chapitre (06), il aborde la question de la
réappropriation des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise
par ses fidèles de Douala et de Yaoundé. Il s'articule par
conséquent entre autres autour des axes tels que les
représentations du champ politique par ces fidèles, leur
réception et perception de l'enseignement social de l'Eglise et leur
participation politique proprement dite.
PARTIE 1 :
CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 1 :
CONSTRUCTION DE LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE ET REVUE DE LA
LITTERATURE
Ce chapitre a pour principaux objectifs d'élaborer une
problématique propre à notre recherche, de faire une revue
critique de la littérature, et d'analyser les mots-clés qui
structurent notre thème. Dès lors, il s'articule sur quelques
points qui sont : la construction de la problématique, la revue de
la littérature et l'analyse conceptuelle.
1.1. LA CONSTRUCTION DE LA
PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
Pour mieux circonscrire le problème posé dans ce
travail, il importe au préalable de ressortir les constats qui ont
levés le voile sur sa problématique.
1.1.1. LECONSTAT DE LA
RECHERCHE
Ce constat est d'ordre théorique et empirique :
Théorique, il relève des études faites
dans le cadre des relations entre l'Eglise et la démocratie. En effet,
les relations entre la religion et la politique sont autant complexes que
celles entre l'Eglise et la démocratie. Comme le reconnait
P.Costopoulos :
« On a généralement
considéré, tout au long de la majeure partie du dernier
demi-siècle, si ce n'est depuis plus longtemps encore, que les
progrès de la démocratie s'accompagnaient naturellement non pas
seulement de la montée du concept de laïcité mais aussi du
déclin de la religion »36(*).
C'est dans cette perspective que de nombreux auteurs
s'interrogeant sur le rapport de la religion avec la démocratie
trouvaient en la religion un obstacle à l'avancée de la
démocratie. La célèbre formule de K.Marx :
« La religion est l'opium du peuple »37(*) a souvent constitué
dans ce sens, une grille de lecture à de nombreux chercheurs. De fait,
on a souvent accusé la religion d'être non seulement un placebo,
mais aussi une fuite dans une hallucination consolante et anesthésiante.
Qui plus est, dans ses rapports avec les pouvoirs politiques dictatoriaux, la
religion a souvent été accusée de constituer un
véritable soutien pour maintenir l'ordre établi. C'est dans cette
perspective que P.Berger écrivait : « L'Eglise et
l'Etat s'entendaient pour tenir le peuple sous un dogme idéologique
commun»38(*). De
nombreux auteurs ont écrit dans le même sens, jugeant l'action de
l'Eglise dans le continent africain comme aliénante, parce que
étrangère aux crises sociales, économiques et politiques
qui minent les africains. Tel est le cas de J. M. Elaqui trouve notamment que
le Christianisme est indifférent au cri de détresse des
africains39(*).
Cependant, contrairement à ce qu'aurait attendu
l'immense majorité des intellectuels du XXe siècle,
l'humanité en cette dernière décennie a connu en
même temps aussi bien la progression de la démocratie qu'un retour
considérable, voire une résurgence de la religion à
travers le monde. Telle est la réalité qui amène
P.Costopoulos, à faire le constat selon lequel au cours du
demi-siècle dernier, « Le monde est devenu plus
démocratique et plus religieux»40(*). En
réalité, il s'agit d'une évolution qu'ont connue les
rapports Eglise-Etat. Rapports caractérisés par ce que nos
auteurs qualifient de différenciation, qui est un principe de double
tolérance, reposant sur «la distinction de principe entre
l'autorité religieuse et l'autorité politique, fondée sur
la reconnaissance du fait qu'elles appartiennent à des sphères
fondamentalement distinctes, bien qu'étroitement
liées »41(*). En plus, dans le même
sillage, « les autorités politiques permettent le
libre exercice de l'activité religieuse, sans la moindre limite ni
discrimination, tandis que les organisations religieuses abandonnent de leur
côté toute prétention à exercer un pouvoir politique
direct, tout en conservant la liberté d'user de tous les moyens
pacifiques de persuasion pour influencer ou tenter de peser sur les choix
politiques»42(*).C'est cette seconde piste qui donne à la
religion l'opportunité de revenir sur la scène politique, mais
cette fois avec une autre casquette, celle de la société civile,
pour contribuer à l'amélioration du vivre ensemble.
C'est à la lumière de ces évolutions que
nous avons fait le second constat, cette fois empirique, selon lequel, l'Eglise
catholique est engagée dans le processus démocratique en Afrique,
et en particulier au Cameroun. En effet, si l'Eglise catholique au Cameroun a
contribué à la mission de colonisation en Afrique, aux
côtés des pouvoirs coloniaux, elle a pris la résolution
depuis le Concile Vatican II de contribuer à la construction des jeunes
Etats africains.Des structures ont été
crééesà cette fin, à savoir par exemple : le
Conseil Pontifical Justice et Paix, avec ses démembrements sous
régionaux43(*),
nationaux44(*),
diocésains45(*) et
paroissiaux46(*).
Avec l'avènement des vents démocratiques en
Afrique, l'Eglise Catholique va s'impliquer aussi dans ce processus de
construction d'une nation démocratique. Les organisations catholiquesse
sont aussi impliquées dans ce processus, notamment dans les deux villes
qui nous intéressent ici. Il s'agit premièrement de la
Conférence Episcopale Nationale Camerounaise (CENC) qui est la structure
principale et du Service National Justice et Paix.On peut noter aussi des
organisations catholiques internationales engagées également dans
cette lutte pour la démocratie camerounaise. C'est le cas de
la« Catholicreleaf Services » (CRS)47(*). Il s'agit aussi des organes
de presse catholiques qui ont une mission sociale comme la diffusion de la
doctrine sociale de l'Eglise : Radio Veritas, Maccacos, l'Effort
Camerounais, le Lien NkengShalom etc. D'autres organisationsde bases ont
été lancées dans la même voie : la JOC, La JEC,
les CEV afin de permettre que le discours catholique pour la transformation des
conditions de vie atteigne le plus grand nombre possible.
Cependant, malgrétoutes ces structures, bon nombre de
catholiques restent en marge de ces préoccupations sociopolitiques de
l'Eglise. Les uns soutiennent que l'Eglise n'a pas à se mêler des
préoccupations de ce genre, tandis que d'autres y voient un soutien de
l'Eglise au régime en place.
Ces divergences d'opinion au sujet de la participation de
l'Eglise Catholique au processus démocratique camerounais
n'épargnent pas les clercs catholiques eux-mêmes. Ils sont aussi
divisés, notamment au sujet de l'orientation à donner au discours
catholique sur la scène politique camerounaise. La production discursive
du clergé catholique à l'issue des présidentielles de 2004
comme celle d'octobre 2011 en dit long. En 2004, tandis que le cardinal
Christian Tumi affirmait sur les ondes de la Radio France Internationale que
les élections ont été une mascarade48(*), Mgr.TonyeBakot jugeait
qu'elles étaient passables et adressaient ses félicitations au
président Vainqueur. En 2011, après le silence de la CENC sur les
irrégularités qui ont caractérisées les
présidentielles, une messe d'action de grâce était
organisée en la Cathédrale Notre Dame des Victoire.
C'était l'occasion pour les évêques et autres croyants de
célébrer la victoire du candidat Président Paul Biya qui
accédait ainsi pour sa 29e année à la
magistrature suprême. Par la suite, cette action des évêques
a été virulemment critiquée par un autre clerc catholique,
Ludovic Lado, qui y dénonçait un soutien des évêques
à la dictature49(*).
D'autres acteurs encore se demandent comment l'Eglise
Catholique aussi conservatrice et réfractaireà certains droits
humains peut prétendre vouloir démocratiser le Cameroun,
notamment à travers la voie de ses monarques les
évêques.
Nous pouvons dire en résumé que ce dernier
constat révèle que l'opinion catholique est divisée quant
à la question de cette implication de l'Eglise dans le processus
démocratique au Cameroun.
1.1.2. LE PROBLEME DE
RECHERCHE
Il ressort de ces multiples constats un certain paradoxe qui
s'érige progressivement en centre d'intérêt pour cette
étude : l'Eglise Catholique a fait des avancées indubitables
dans le sens de sa participation au processus démocratique notamment au
Cameroun, mais en même temps, cette participation reste
différenciée et controversée, et l'opinion catholique
divisée non seulement sur les enjeux et les fondements d'une telle
participation, mais aussi sur son orientation. Ce qui pose le problème
de la différenciation de la participation de l'Eglise au processus
démocratique camerounais.
Dans ce sens, suite à ces multiples constats il ressort
un certain nombre d'interrogations qui constitueront le fil conducteur de cette
recherche. Il s'agit précisément d'une question principale et de
trois autres qui sont spécifiques.
Ø LA QUESTION GENERALE
Comment peut-on rendre compte de la
participation différenciée et controversée de l'Eglise
Catholique dans le processus démocratique au Cameroun, en dépit
de la volonté manifeste de l'institution à contribuer à la
construction de la démocratie camerounaise ?
Ø LES QUESTIONS SPECIFIQUES
1. Comment peut-on comprendre la participation mitigée
de l'institution catholique au processus de construction de la
démocratie camerounaise ?
2. Qu'est-ce qui permet de comprendreles interventions
discordantes des clercs catholiques dans le processus de démocratisation
de la scène sociopolitique camerounaise?
3. Qu'est-ce qui explique le manque d'adhésion des
fidèles catholiques aux préoccupations sociopolitiques de
l'Eglise en vue de la démocratisation du Cameroun ?
1.2. LA REVUE DE LA
LITTERATURE
Après avoir levé le voile sur la
problématique de cette recherche, il convient de faire le point des
connaissances sur notre thème, ainsi qu'une analyse des concepts majeurs
utilisés ici.
1.2.1. LE POINT DES
TRAVAUX RELATIFS A LA PARTICIPATION DE L'EGLISE CATHOLIQUE AU PROCESSUS
DEMOCRATIQUE
Il s'agit ici de voir comment les auteurs sociologues et
autres des disciplines annexes (historiens, politologues, et même
théologiens) ont abordé la question des rapports de la religion
au champ sociopolitique et surtout de la participation de l'Eglise dans ce
champ. Il convient doncde faire, non pas une présentation simpliste qui
se contente de rendre compte de manière linéaire des travaux
relatifs à notre thème, mais une analyse critique de ceux-ci, et
de situer notre recherche par rapport à ces derniers.
Notre revue de la littérature adoptant une approche par
concept, s'articulera autour de quelques axes dont voici les
principaux :
Ø La participation politique ;
Ø Le processus démocratique ;
Ø La religion et la participation politique ;
Ø L'Eglise et la Démocratie.
1.2.1.1. Les travaux
relatifs à la participation politique
Au sujet de la participation politique D. Memmi et A. Lancelot
note chez le citoyen un sentiment d'obligation et d'efficacité politique
qui est à l'origine de sa participation politique. Ils distinguent aussi
les facteurs individuels et sociaux du comportement politique, et mettent en
exergue « l'ensemble des croyances, attitudes, normes,
perceptions et autres qui encouragent la participation
politique »50(*). Cependant, « le comportement politique
et la participation sont davantage induits par le milieu que par la
rationalité des individus»51(*). Ils notent aussi le fossé qui existe en
matière de participation, entre le réel et le
souhaitable.Abordant le cas de l'Afrique, il relève les modes de
résistance culturelle à la constitution des Etats ; des
«modes de résistances à la participation
politique »52(*), qu'il faut appréhender comme une
réaction à une exigence de la participation envisagée
comme «un schème culturel imposé d'en haut et du centre,
dans un mouvement d'intégration des comportements
périphériques. »53(*)
J. Leca54(*) aborde la même question de la participation,
mais en mettant en exergue le problème de« l'auto
exclusion », due à un sentiment de scepticisme envers un
système « corrompu ». Pour lui, les règles
d'un système politique ne sont pas négligeables dans
l'étude de la participation car elles affectent l'intensité et la
signification de la participation.
Il convient donc d'inscrire notre recherche à la suite
de celles-ci, en mettant en exergue le contexte de participation etles formes
de rationalités des acteurs catholiques ici concernés ; mais
en mettant l'accent sur la spécificité du champ politique
camerounais que ces auteurs n'ont pas exploré.
L'apport de Nonna Mayer dans ce champ de la participationtente
de rattacher les comportements politiques aux
« attitudes politiques»", c'est-à-dire aux
« dispositions acquises et relativement persistantes, qui
s'intercalent entre le stimulus politique et la réaction de
l'électeur »55(*). Ce qui lui permet de dégager un
« indice de prédisposition politique » (qui combine
statut social, religion et lieu de résidence) et une influence forte des
relations interpersonnelles et des convenances.
Cette étude nous permettra d'analyser la participation
politique des acteurs catholiques en rapport avec leur vision du champ
politique.
1.2.1.2. Le point des
connaissances sur le processus démocratique
Les études sur le processus démocratique des
pays du Sud ne manquent pas. Dans un ouvrage intitulé Les pays en
développement et l'expérience de la
démocratie56(*), trois auteurs, L. Diamond, J.J. Linz et M.Seymour
Lipset se consacrent à l'analyse des transformations affectant les
régimes politiques de dix pays du Sud. Au-delà de tous les
facteurs de ces transformations, ils mettent un accent particulier sur un
aspect qu'ils jugent être « le problème
politique majeur de notre temps: le combat pour la
démocratie»57(*). Ce débat sera à l'ordre du jour dans
notre recherche, pour montrer que le processus démocratique au Cameroun
est caractérisé par des formes de conflits qui opposent les
différents acteurs de ce processus. D'autres facteurs que nos auteurs
mettent en jeu ici et qui attirent notre attention pour notre propre recherche
sont l'attachement des dirigeants comme des masses aux valeurs
démocratiques ; ce qui les conduit évidement aux questions
de culture démocratique qui ont favorisé certaines
démocraties comme celle de l'Inde avec Gandhi, et fait défaut aux
autres, comme celle du Nigéria58(*). Cette culture démocratique est d'autant plus
importante que J.P. Cot et J.P. Mounier estiment :
« Il ne suffit pas de transposer les
institutions et les grands principes de la démocratie pour obtenir un
régime démocratique. Il faut de plus développer les
règles opérationnelles du système
démocratique : attitudes politiques, normes de comportement,
mécanisme de prise de décision, relation entre gouvernants et
gouvernés. Or cet ensemble culturel est lié au système de
croyances et au code de relations personnelles qui caractérisent une
société... »59(*)
Si ces auteurs n'ont pas abordé le cas camerounais,
B.Kipoh ne manque pas de s'y consacrer intégralement mais sous un autre
angle, dans un mémoire de DEA intitulé « l'ONEL et
la recherche de la consolidation démocratique au Cameroun :
avancée et écueils»60(*).Celle-ci essaye de saisir la transition
démocratique camerounaise comme « transition d'une
`'société close'', qui ne tolère pas la contradiction ou
la différence dans la pensée, vers une `'société
ouverte où l'on laisse plutôt au débat public rationnel, le
temps d'éliminer les idées considérées comme
dangereuses ou subversives 61(*)». L'auteur s'interroge sur la gestion du jeu
politique à partir d'une gestion des élections par un organe
constitutionnel : l'ONEL. Elle met en exergue tous les obstacles auxquels
l'ONEL se confronte dans la recherche d'une autonomisation, en vue d'une
gestion saine des élections.
S'attachant davantage à la démocratie comme
système politique, C. Lefort62(*) en fait une analyse sociologique et présente
les caractéristiques d'une telle démocratie ; desquelles
nous pouvons retenir :
1. La légitimité du pouvoir est assurée
par une consultation populaire ;
2. Cette procédure implique une compétition
entre deux postulants au moins ;
3. La compétition suppose à son tour la
liberté d'organisation et d'expression des parties ;
4. La puissance politique est limitée ; elle garantit
l'indépendance du pouvoir judiciaire, seul susceptible d'assurer dans
les limites de la loi les libertés et la sécurité du
citoyen, soumettant ainsi le pouvoir lui-même à la loi.63(*)
Tels sont les traits qui nous permettrons de cerner le
processus démocratique au Cameroun, tout en examinant comment l'Eglise y
participe.
1.2.1.3. Le point des
travaux sur le rapport religion/participation politique
Les études de sociologie ou de sciences voisines sur le
rapport entre la religion et la participation politique sont pléthores,
bien que toutes ne portent pas surle rapport direct entre ces deux
entités.
K. Marx examine « le rôle des idées
religieuses, sous l'aspect idéologique, dans les types de
sociétés différentes, ou en d'autres termes, le rôle
de la religion dans le contrôle social »64(*) et parvient à la
conclusion qu'elle contribue à détourner ses adeptes de leurs
conditions de vie réelles.Dans ce sens, il affirme :
« La religion est le soupir de la créature
opprimée, l'âme d'un monde sans coeur, comme elle est l'esprit des
conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du
peuple65(*)».
Cette approche de Marx nous ouvre la voie à examiner la participation
politique de l'Eglise dans une perspective de fuite du monde, ou de soutien
à la dictature. Plus tard, l'approche durkheimienne66(*) met l'accent sur le dualisme
sacré temporel, caractéristique de toute religion. Pour lui, la
religion remplit une importante fonction d'intégration sociale, mais
reconnaissons avec T.B. Bottomore, que sa théorie s'est
avérée moins efficace ;puisque dans la société
moderne la religion apparait autant comme facteur d'unité que comme
élément de discorde.
Les travaux de M. Weber vont dans le même sens, mais il
ne s'attache qu'à un des aspects principaux de l'éthique
religieuse : Ses rapports avec l'ordre économique. Rapports
examinés « sous l'influence de certaines doctrines
religieuses sur le comportement économique et du point de vue de la
relation entre la situation des groupes dans le système
économique et les types de croyances religieuses»67(*).
L.Michelat et M. Simon mettent en exergue les principales
variables explicatives de du comportement politiquedes français :
la vision du monde, le niveau d'intégration religieuse etc. Mettant en
relation de dépendance le niveau d'intégration
religieuse68(*) et le
comportement politique, ils montrent
que « l'intégration maximum au groupe catholique
[...], à une structure symbolique qui unit étroitement la
représentation du divin, notion du salut, prescription éthique et
conception sociopolitique, se traduisent par un vote massivement orienté
à droite »69(*). Ce vote massif à droite est l'oeuvre des
«catholiques pratiquant réguliers » tandis qu'à
côté d'eux, on a les catholiques les moins pratiquants et les
sans-religions qui ont tendance à voter à gauche. De sorte que
«plus augmente le niveau d'intégration religieuse, plus est
fréquent le refus du vote de gauche (caractérisée par
un anticléricalisme exacerbé), plus diminue ce niveau
d'intégration religieuse, plus augmente, de façon quasiment
symétrique, le refus de vote de droite (caractéristique d'un
conservatisme qui sied mieux aux idéaux catholiques et à
l'enseignement de l'Eglise)»70(*).
J.M. Ela s'interroge sur les enjeux de foi dans un contexte
africain où les drames et les conflits entrainent desformes d'oppression
et de domination sévères. Comment comprendre qu'une si puissante
institution soit dite à vocation prioritairement surnaturelle, dans un
monde où « les paysans (sont) sans terre, les jeunes sans
travail, sans toit et sans pain, les populations des bidonvilles, les
mouvements voués au silence, c'est-à-dire tous les exclus de la
croissance sans développement ? »71(*). Telles sont les
interrogations d'un clerc qui trouvent que l'aliénation engendrée
par l'Eglise puise ses racines dans sa doctrine et sa structure.
Dans la même perspective, il part d'un constat :
« l'évangile nous est venu de l'Occident au travers d'une
théologie de combat élaboré dans un contexte
sociopolitique et religieuxoù l'autorité pontificale domine la
réflexion de l'Eglise »72(*). Puis il s'interroge sur les enjeux, la pertinence,
voire la portée de tel discours chrétien en contexte
africain : « Que signifie Dieu pour les gens qui sont dans
la situation de pauvreté, de sécheresse et de famine, d'injustice
et d'oppression ? »73(*). C'est suite à cette préoccupation que
l'auteur analyse les conditions de production d'un discours
théologico-chrétien qui tienne compte des conditions dramatiques
dans lesquelles vivent des millions d'africains.
J.-F.Bayart aborde la question de la fonction politique des
Églises au Cameroun, en termes de groupes, des types de relations avec
l'Etat, ainsi que des types d'attitude qui s'en dégagent. Il parvient
à la conclusion suivante :
« Loin d'être monolithiques, ces Eglises
sont à bien des égards, les héritières de la gauche
libérale absorbée ou détruite par le régime ;
à ce titre, elles exercent une fonction tribunitienne et une fonction
d'opposition ponctuelle qui, finalement, contribuent à renforcer le
consensus dans le système politique»74(*).
Ainsi, soutien l'auteur, « les relations entre
le parti et les organisations confessionnelles dépendent de la
capacité des secondes à concurrencer le premier aux niveaux des
fonctions de socialisation, de recrutement et
d'encadrement »75(*). En outre, les Eglises sont posées comme
rivales et concurrentes des organisations sociopolitiques du régime
à certains égards. La substitution fonctionnelle est cependant
opérée en termes de soutien et de
complémentarité.
Un travail de J. Onana76(*) part d'une approche du `'politique par le bas''
et esquisse une reconstruction de la filiation des relations entre le
religieux et le politique. Il les inscrit « autour de
l'idée-force selon laquelle loin d'être séparée par
une frontière intangible ou à l'inverse unis par un lien de
dépendance à sens unique, politique et religion entretiennent une
interdépendance dialectique et diversiforme».Cette
interdépendance ne peut être saisieque concomitamment au coeur des
représentations subjectives que les acteurs sociaux se font du religieux
et du politique, et des dynamiques pratiques qui s'en informent. Cette
réalité est indispensable pour éclairer la
compréhension des phénomènes sociaux dans l'Afrique
coloniale et post coloniale. Comme le pense G. Balandier, elle donne
« d'une part à penser les sociétés
africaines en regard de leur historicité propre, d'autre part à
saisir les changements qui s'y introduisent en terme de dynamiques
différentielles...»77(*).
Nous retenons cet article de Janvier Onana comme une grille
théorique africaniste du phénomène religieux en Afrique,
etcomme un cadre conceptuel de la participation politique des fidèles
catholiques. Cependant, on n'y constate pas un travail de terrain
prononcé, ni le terrain spécifiquement camerounais que nous
entendons mettre en exergue dans cette recherche.
L.P.Ngongo78(*), aborde la question de la religion au Cameroun
dans une approche « socio-politique et
historique ». Il y met en exergue le rôle politique des
forces religieuses de 1916 à 1955 ; notamment, leurs influences
réelles, mais aussi leurs limites dans la construction du
Cameroun79(*). Ainsi, il
aboutit aux conclusions que la scène coloniale est marquée par
des luttes d'influence où les missionnaires cherchent à
« Marquer de leur empreinte idéologique,
en profondeur et pour longtemps, les populations indigènes. Ainsi, le
débat entre le pouvoir politique et civil et les forces religieuses a
pour centre d'intérêt l'orientation de la société
indigène»80(*).
Il montre en outre qu'aucune religion organisée ne
saurait s'installer dans l'apolitisme, car toute religion vise à
transformer les mentalités, à orienter la société
selon ses principes doctrinaux.
S.C. Abega, Montre que l'Eglise Catholique s'est
intéressée aux questions sociopolitiques de ses fidèles
avec beaucoup de retard. Après une prise de conscience, elle s'est
inscrite dans une logique critique de sa première
évangélisation : « Le chrétien doit
s'occuper des choses du ciel, et non celles de la terre, le chrétien
doit s'occuper de son âme, non pas de son corps. Cette
répétition continuelle a fini par créer chez les africains
catholiques une espèce de désintéressement total
vis-à-visde la prise en charge du monde»81(*).Puis, il insiste
davantage sur les corrections apportées par le Clergé, notamment
Mgr Jean Zoa qui, pour mobiliser les chrétiens signifie que ce n'est pas
tourner le dos à Dieu que de chercher à améliorer son sort
sur cette terre.
Cette étude de S.C. Abega nous sera utile dans la
mesure où elle s'interroge sur les débuts de
l'intérêt social de l'Eglise tel que porté par ses adeptes.
Cependant, puisqu'il se limite à la dimension sociale et
économique de l'engagement des chrétiens catholiques, nous nous
en démarquerons à travers l'accent que nous mettrons plutôt
sur la dimension politique.
L'intervention de J. P.Messina dans un débat
d'intellectuels camerounais sur le rôle de l'Eglise dans
l'indépendance du Cameroun lui permet de montrer que l'Eglise y a
été d'un apport considérable82(*). Il y met en exergue le
soutien des hommes d'Eglise comme Mgr. Thomas Mongo et Mgr. Jean Zoa à
l'Indépendance du Cameroun pour en conclure que l'Eglise non seulement
était favorable à l'Indépendance du Cameroun, mais aussi y
a fortement contribué. Par conséquent, l'affrontement de l'Eglise
avec certains nationalistes camerounais à l'heure des
indépendances ne seraient pas dû à la question même
de l'indépendance, mais plutôt au Communisme auquel ces derniers
étaient affiliés, et qui constituait l'ennemi principal de
l'Eglise notamment en cette période d'avant Vatican II.
A la suite de ces dernières études sur le cas
camerounais, nous entendons nous inscrire dans cette logique de la contribution
de l'Eglise dans le champ sociopolitique, mais avec une approche plus critique
et évaluative.
1.2.1.4. Revue des travaux
sur le rapport Eglise/démocratie
Parmi les auteurs qui ont travaillé sur les rapports
Eglise-démocratie, nous pouvons commencer par D. Philpott. Celui-ci
s'interroge sur les rapports historiques entre catholicisme et
démocratie. Si ces deux concepts, historiquement « se sont
violemment heurtés », ces rapports ont progressivement
changé. L'Eglise et l'Etat ont accédé à la double
tolérance quistipule :
« L'Etat reconnait à toutes les Eglises
le droit de pratiquer et d'exprimer sa foi et de participer à la vie
politique ;les Eglises reconnaissent la liberté religieuse des
citoyens de toutes confessions et ne revendiquent ni statut ni privilège
constitutionnel d'aucune sorte»83(*).
T. Shah et R.Woodberry Montre que le protestantisme a le plus
contribué à la démocratisation. Ce qui s'est fait à
travers l'alphabétisation, la massification de la communication
écrite, au développement économique, à
l'élimination de la corruption, à l'émergence d'un sens
plus rigoureux de la responsabilité individuelle.
En partant de ces études, nous pouvons nous inscrire
dans la perspective de la troisième vague catholique de
démocratisation. Cependant, nous nous limiterons au rôle
directement politique de l'Eglise, et non à ses autres formes d'action
sociale.
Dans la question religieuse au XXIe siècle,
G.Corm s'attaque au crédo du « retour du religieux »
qui serait devenu la clé de compréhension des bouleversements du
monde postmoderne, en montrant que l'irruption du religieux dans le champ
politique ne s'explique pas par une résurrection des identités
religieuses que les lumières auraient gommées. Par contre,
prolongeant les analyses de Hannah Arendt, il décrit la crise de
légitimité des vieilles démocraties, minées par les
effets de la globalisation économique et financière. Une crise
qui affecte aussi les trois monothéismes juif, chrétien et
musulman et contribue à produire les extrémismes religieux. En
conséquence, c'est moins à un retour du religieux que l'on
assiste qu'à un recours au religieux au service d'intérêts
économiques et politiques fort profanes.
Ces études traduisent les évolutions que
l'Eglise a connues sur les questions de démocratisation. Notre recherche
s'inscrit dans cette même logique etson originalité cependant
consisteraà aborder la participation de l'Eglise Catholique dans le
processus dansle cas camerounais.
1.2.2. L'ANALYSE
CONCEPTUELLE
Il est question dans cette section de définir les
concepts centraux de notre étude ; car comme dit E.
Durkheim84(*), la
première démarche du sociologue est de définir les choses
dont il traite, afin que l'on sache bien de quoi il est question. C'est la
première et la plus indispensable condition de toute preuve de
vérification.Il s'agit doncde convenir sur le sens des concepts
clés que nous utiliserons, selon que le chercheur prudent indique la
définition adoptée pour les concepts qu'il utilise85(*).
1.2.2.1. Le processus
démocratique
Pour mieux comprendre l'expression processus
démocratique, il faut commencer par définir la démocratie
elle-même.
Etymologiquement, la démocratie est le pouvoir du
peuple, c'est pour cela qu'Abraham Lincoln l'a définit comme
« Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le
peuple»86(*).
Selon le lexique de sociologie,
« La démocratie suppose la
possibilité pour les citoyens de désigner leurs gouvernants et de
s'exprimer sur les différents choix politiques possibles...La
démocratie suppose aussi l'exercice d'une citoyenneté qui suppose
le respect des droits civiques et politiques, des droits économiques et
sociaux»87(*).
Les défenseurs d'une démocratie participative ou
délibérative insistent sur la nécessité d'une
implication active des citoyens dans le débat public. Enfin, la
démocratie suppose que l'action des gouvernants soit encadrée par
les institutions et règles juridiques qui protègent les citoyens
contre l'arbitraire et l'abus de pouvoir.
Ce concept de démocratie est d'un usage si vaste et
parfois contradictoire qu'EricWeilauteur d'un traité de philosophie
politique est venu à déclarer : « le terme de
démocratie est d'un emploi tellement difficile qu'il vaudrait presque
mieux y renoncer »88(*)
Ainsi, il s'avère nécessaire de circonscrire
cette définition, notamment de la limiter à son sens politique,
lequel nous intéresse le mieux ici.
Selon L.Diamond, la démocratie en son sens politique
renvoie à un système de gouvernement qui satisfait à trois
conditions essentielles :
1) L'existence d'une vaste et significative compétition
entre individus et groupes organisés (partis politiques notamment) pour
la conquête de l'ensemble des postes relevant effectivement du pouvoir
gouvernemental, et cela à des intervalles réguliers et sans
recours à la force ;
2) Un degré « très large »
de participation politique au choix des dirigeants et des programmes
politiques, grâce en particulier à des scrutins équitables
et réguliers d'où aucun grand groupe social (adulte) n'est
exclu ;
3) Un niveau suffisantdes libertés civiles et
politiques, des libertés d'expression, de presse, des libertés de
former des organisations et d'y adhérer ; afin que soient garanties
l'honnêteté de la compétition et de la participation
politique.89(*)
Au terme de cette analyse de la démocratie, il convient
d'examiner le concept de processus démocratique. Si nous admettons que
le terme processus désigne un enchaînement d'actions
planifiées pour aboutir à un résultat, alors nous
entendrons par processus démocratique un ensemble d'actions,
d'étapes qui permettent à une nation de se gérer de
façon plus démocratique.
Le processusdémocratique renvoie donc ici
à la démocratisation (en son sens politique) d'une nation par
exemple. Ce qui est presque son synonyme90(*),c'est-à-dire à « un
processus d'égalisation des chances d'accès à des biens ou
des positions au sein d'une société
donnée »91(*). Il s'agit d'un processus d'éradication ou du
moins, de réduction au maximum des inégalités civiles et
politiques en cours dans la nation, afin de laisser à chaque citoyen
majeur la possibilité de participer à la gestion des affaires
publiques de son pays ou de sa communauté politique
d'appartenance.
1.2.2.2. La participation
politique
En référence au lexique de sociologie, la
participation politique est l'«ensemble des pratiques sociales
liées à la vie politique. Elle se manifeste par le vote, le
militantisme politique (distribution de tracts, participation à des
réunions publiques etc.), Par l'adhésion à un parti
politique, par la participation à des manifestations
etc.)»92(*)
Un autre auteur, D. Memmi propose quelques
caractéristiques de cette participation : «
1- On parle de la participation à propos des
individus
2- la participation renvoie à un processus volontaire
3- Il s'agit d'une activité
4- Cette activité est orientée : Elle vise
à avoir une influence sur le gouvernement »93(*).
Ainsi, il ressort de ces caractéristiques que la notion
departicipation politique présuppose un individu volontaire visant
à travers son action à avoir une influence sur le gouvernement.
C'est sur cette représentation de l'acteur que nous entendons axer cette
recherche. Cependant, il y a un autre élément que cette
définition ne prend pas en compte. Dans la description du
phénomène, la notion de participation recouvre en fait un champ
qui va de l'action véritable à la simple attitude, ou à
son résultat : le niveau d'information politique, ou
l'intérêt pour la politique par exemple94(*).
C'est pourquoi, nous adoptons dans le cadre de cette
recherchecette définition de WEINER qui désigne par participation
politique
« toute actionvolontaire, réussie
ou non, organisée ou non, épisodique ou continue, employant des
moyens légitimes ou illégitimes, visant à influencer le
choix des politiques, l'administration, des affaires publiques ou le choix des
leaders politiques à tout niveau de gouvernement, local ou
national ».
1.2.2.3. L'Eglise
Catholique
Commençons par convenir que les termesEglise et Eglise
Catholique sont synonymes dans ce travail et pourront par conséquent
être utilisés l'un à la place de l'autre ; et qu'il
s'agit de l'Eglise Catholique Romaine.
Etymologiquement, "Église" est la traduction du terme
grec « ekklésia » que l'on trouve dans le Nouveau
Testament, et qui signifie « assemblée des croyants »,
c'est-à-dire, de ceux qui ont été appelés par Dieu
pour former une communauté.
Le concept d'Eglise désigne une grande famille qui
manifeste une réalité doublement humaine et divine. Humaine parce
qu'il s'agit d'une communauté d'hommes et de femmes, divine parce que
cette communauté se réclame de son fondateur Jésus de
Nazareth dit Dieu par ses disciples au 1er siècle. C'est
pourquoi, selon R. Coste et P. Légié, pour comprendre les
institutionsecclésiales, il faut partir du fait historique qui explique
son origine : La conviction d'un petit groupe d'hommes et de femmes
dès les années 30 et 40 du premier siècle que Jésus
de Nazareth, leader religieux récemment crucifié à mort
sur ordre de Pilate procureur de Judée était ressuscité.
Il était le fils de Dieu, Dieu lui-même, l'homme-Dieu, seigneur de
l'humanité et de l'univers, et qu'il avait voulu rassembler tous ceux
qui croiraient en lui parmi tous les peuples du monde, en grande
communauté d'essence exclusivement religieuse. C'est cette
communauté qu'on nomme aujourd'hui Eglise.
La plupart des débats publics concernant l'Eglise,
laissent toujours entendre par le concept d'Eglise lahiérarchie de
l'Eglise.Cependant, à la suite de BarbeyWeabey, nous utiliserons le
concept Eglise Catholique pour désigner « l'ensemble du
peuple de Dieu, mais aussi pour désigner sa hiérarchie,
c'est-à-dire les évêques réunis autour du
pape »95(*).
Une autre approche de la chose est celle d'E. Durkheim. Il
part de la définition de la religion :
« Une religion est un système solidaire
de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées,
c'est à dire séparées, interdites, croyances et pratiques
qui unissent en une même communauté morale, appelée
Église, tous ceux qui y adhèrent. »96(*)
Ensuite, il définit l'Eglise comme une
« communauté morale formée de tous les croyants d'une
même foi, les fidèles comme les
prêtres. »97(*)
Cette approche durkheimienne de l'Eglise nous permet de saisir
l'Eglise Catholique à travers sa structure, son rôle socialisant,
et sa mission, ainsi que les rapports qu'elle établit entre le temporel
et le spirituel. Ce que Durkheim saisi en terme de
« sacré » et de « profane ».
L'Eglise Catholique sera prise ici en tant qu'institution
sociale, à travers ses dits, ses écrits, ses faits, tels qu'ils
se livrent à l'observation sociologique et/ou politique. Elle ne sera
pas saisie uniquement à partir de sa hiérarchie (car l'Eglise ne
se résume pas au clergé), mais aussi à partir de ses ONG
et de ses multiples associations de bases comme de ses fidèles pris
individuellement et collectivement.
Ainsi, nous pouvons retenir que l'Eglise Catholique renverra
dans le cadre de ce travail à l'ensemble des clercs et laïcs
réunis sous l'autorité du Vatican et agissant à travers
les différentes institutions, organisations et associations
réunies sous celle-ci.
Le clergé catholiquedésigne l'ensemble de la
hiérarchie de l'Eglise. Il est constitué d'un haut clergé,
à savoir le pape, les cardinaux, les évêques, etc. ;
et d'un bas clergé, à savoir le clergé paroissial
constitué des prêtres en charge des paroisses. Nous y joignons les
religieux, qui en tant que leadeurs religieux ont presque les mêmes
statuts que les clercs.
Sous le titre de laïcs catholiques, on entendra
l'ensemble des chrétiens qui ne sont ni clercs ni religieux, mais
membres ordinaires de l'Eglise considérés comme peuple
(Laos en Grec) de Dieu. Leur mission est double : d'abord celle
d'exercer « la gérance des choses
temporelles » (Vatican II), à travers leur vie familiale
et leurs activités professionnelles, vécues suivant un esprit
évangélique, ce qui leur permet de porter un témoignage de
foi qui puisse êtreperçu par les non
chrétiens. Ensuite, celle d'être des éléments
actifs à l'intérieur de la communauté ecclésiale
à tous les niveaux. La forme la plus explicitement ecclésiale est
l'action catholique dont les caractéristiques sont les suivants selon le
concile Vatican II : un but qui soit le but apostolique même de
l'Eglise, une collaboration étroite avec la hiérarchie et sous sa
haute direction, une action à la manière d'un corps
organisé.
Du point de vue catholique, est chrétien catholique
tout « baptisé » qui n'est pas excommunié.
Cependant, comme l'estime L.Michelat et M.Simon, on n'est pas catholique si on
n'est pas vraiment pratiquant ; c'est-à-dire qu'en plus du
critère « baptême » que défini le droit
canon, il faut se définir soi-même comme catholique, aller
à la messe au moins une fois par an. A partir de cette
définition, nous pouvons dire ce qu'est un chrétien
catholique.
Dans l'Eglise Catholique, ce terme est synonyme de laïc
ou encore de fidèle laïc. Nous pouvons lire dans un document
officiel de l'Eglise Catholique : « sous le nom de
laïc nous entendons ici tous les fidèles à l'exclusion des
membres engagés dans un ordre sacré et dans un ordre religieux
consacré et reconnu par l'Eglise...et qui exerce pour leur part la
mission dévolu au peuple chrétien tout entier dans l'Eglise et
dans le monde»98(*).
Par Organisation Catholique, nous entendrons une structure
catholique suivant une logique propre pour atteindre un but précis. Il
s'agit de l'organisation d'une partie de l'effectif de l'institution
ecclésiale voué à la résolution d'un
problème ou l'accomplissement d'une tâche, par exemple le suivi du
processus électoral. Comme organisation catholique, nous avons :
les Commissions diocésaines Justice et Paix, les ONG catholiques etc.
Après cette revue des approches définitionnelles
de l'Eglise, nous convenons d'entendre par Eglise Catholique
« une communauté de croyants, constituée des
clercs et fidèles, et agissant sous l'autorité du Pape, et dont
le but est de concourir au salut des âmes de ses membres et de donner
à la société une orientation qui réponde à
ses exigences morales ».
De cette définition nous mettons en exergue trois
catégories d'acteurs catholiques autour desquels s'articulera notre
recherche :
Ø Un acteur institutionnel qui est
collectif, et représenté par les autorités qui
répondent des structures catholiques. Exemple : la CENC,
représentée par son président. Le SNJP,
représenté par son coordonnateur national, mais
subordonnée à la CENC.
Ø Une première catégorie
d'acteurs individuels,que sont les clercs catholiques et saisis ici en
tant qu'ils sont des leaders catholiques. Exemple : le cardinal
Christian Tumi (évêque catholique, du haut clergé), le
P.Ludovic Lado (prêtre catholique du Cameroun, du bas clergé)
Ø Une deuxième catégorie
d'acteurs individuels que sont lesfidèles catholiques, et
saisis ici en tant qu'ils constituent la masse, le monde d'en bas, et
subordonné par conséquent à l'élite.
Exemple : les fidèles catholiques de Douala, les
fidèles catholiques de Yaoundé.
CHAPITRE 2:
LA CONSTRUCTION DU CADRE THEORIQUE ET L'ELABORATION DE LA
METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
L'objectif de ce chapitre est de construire un cadre
théorique qui serve de grille d'analyse du phénomène
politique catholique en contexte de démocratie, afin d'élaborer
à partir de ce dernier, une méthodologie qui soit susceptible de
rendre compte de la participation controversé et
différencié de l'Eglise Catholique au processus
démocratique au Cameroun. Pour cela, il s'articule autour de deux points
essentiels : les champs sociologiques mobilisé, la construction du
cadre théorique et l'élaboration de la méthodologie de la
recherche.
2.1. LA MOBILISATION DES
CHAMPS SOCIOLOGIQUES
Notre sujet tel qu'il est formulé pose le
problème de la participation différenciée de l'Eglise
Catholique au processus de construction de la démocratie camerounaise.
Ainsi, pour mieux répondre à une telle problématique, nous
allons inscrire notre recherche dans trois champs sociologiques
principaux : La sociologie politique, la sociologie des religions et la
sociologie critique. C'est pourquoi nous avons mobilisé ces champs dont
il convient ici de présenter les différents apports dans notre
recherche ; afin de s'en inspirer par la suite pour l'élaboration
du cadre théorique de cette étude.
2.1.1. La sociologie
politique
Notre recherche s'inscrit dans le champ de la sociologie
politique, en tant qu'elle saisit l'institution religieuse ici en question dans
son rapport avec l'univers politique. Cette sociologie nous permettra de
comprendre le rôle que les acteurs politiques catholiques jouent en
contexte laïc qui est celui de la démocratisation. En outre, elle
permettra de comprendre le catholique en tant qu'il est un « homo
politicus » et saisi comme tel à travers ses actions et
ses attitudes politiques, quelle que soit l'orientation qu'il lui donne.
2.1.2. La sociologie des religions
Compte tenu de la domination dans la sociologie politique
actuelle du phénomène religieux99(*), nous avons mobilisé la sociologie des
religions, question surtout de couvrir l'aspect religieux qui concernent notre
recherche dont les acteurs sont prioritairement religieux, et prétendent
donner une motivation religieuse à leur participation dans le champ
politique.
Ainsi, cette dernière nous permettra d'examiner la
socialisation des catholiques par leur Eglise, à travers sa tentative de
détermination d'une vision chrétienne du monde chez ses adeptes.
Il est en effet important de comprendre l'agir du catholique à partir de
son appartenance à l'Eglise, reconnue par son important rôle de
socialisation100(*).
Mise en interrelation ici, la sociologie politique et la
sociologie des religions nous permettront d'étudier l'influence du fait
religieux sur la politique et inversement, et d'analyser les relations entre
les acteurs religieuxet les autres acteurs politiques.
2.1.3. La sociologie
critique
L'importance de la sociologie critique vient de ce que cette
étude fera une analyse critique du régime en place, en tant qu'il
entrave le processus de démocratisation camerounais. En effet, si
« la sociologie politique cherche à élucider les
rouages du système politique (...) ce dernier cherche à
les masquer »101(*). L'invocation ici de la sociologie critique permet
de mieux élucider ces mécanismes de domination de la scène
de la démocratisation par le régime politique en place. Elle
répond aussi au souci de démystifier les non-dits de la
participation politique de l'Eglise. Les entraves que sa socialisation
religieuse peut poser à l'action politique de ses fidèles seront
donc analyser, selon la vision marxiste qui trouve dans la religion
« l'opium du peuple »102(*) ; selon aussi
celle de J.M. Ela103(*)
et L.P. Ngongo104(*)qui
trouvent en l'Eglise un instrument de domination de l'Occident et des plus
forts en Afrique.
2.2. LA CONSTRUCTION DU
CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE
« Si en contemplant les
phénomènes, nous ne les rattachions point immédiatement
à quelques principes, non seulement il nous serait impossible de
combiner ces observations isolées, et par conséquent, d'en tirer
aucun fruit, mais nous serions même entièrement incapables de les
retenir ; et le plus souvent, les faits resteraient inaperçus sous nos
yeux »105(*).
C'est à travers ces propos qu'A. Comte,
réaffirmait la nécessité de spécifier l'approche
théorique de toute étude, puisque si nous ne définissons
pas au préalable une grille théorique de lecture du terrain il ne
nous sera point possible d'en tirer quelque leçon. Cette partie se
consacre à cette élaboration du cadre théorique de notre
analyse, lequel s'articule autour d'un ancrage paradigmatique et de deux
théories mobilisées.
2.2.1. Les paradigmes
interactionnistes et constructivistes
Avant d'inscrire cette recherche dans un cadre
théorique donné, il convient de préciser au
préalable que nous nous inscrivons dans les paradigmes interactionnistes
et constructivistes. L'avantage avec ces nouvelles approches paradigmatiques
étant,- nous le verrons dans la partie consacrée à la
méthodologie - qu'elles nous permettent de sortir des oppositions
traditionnelles objectif/subjectif, individu/société,
sujet/objet, que la sociologie a hérité de la tradition
philosophique106(*), pour tenter de saisir les actions et
attitudes politiques des acteurs catholiques à l'intersection de leurs
rationalités et des contextes sociaux à l'intérieur
desquels ils se meuvent.
L'approche interactionniste permet de comprendre les
comportements des acteurs catholiques à travers leurs interactions entre
eux et avec le champ de démocratisation. L'approche constructiviste
permet une saisie de la participation de l'Eglise comme un construit des
acteurs qui y sont impliqués. C'est pourquoi, nous nous situons ici
à la suite d'A. Garfinkel pour qui il faut considérer les faits
sociaux comme des accomplissements pratiques. Le fait social n'est pas un objet
stable, il est le produit de l'activité continuelle des hommes qui
mettent en oeuvre des savoirs faire, des procédures, des règles
de conduites107(*).
En vue de la construction de notre objet sociologique, nous
établironsdes passages entre notre vue extérieure en tant
qu'observateur du processus catholique de construction de la démocratie,
et les façons dont les acteurs qui y sont impliqués
perçoivent et vivent ce qu'ils font dans le cours de leurs
actions108(*). C'est
dans cette logique que s'inscrit notre grille d'analyse théorique.
Les théories del'interactionnisme symbolique et le
constructivisme socialconstituent donc le cadre théorique retenu ici.
2.2.2. Les interactions de
sens des acteurs catholiques avec le champ de démocratisation
camerounaise.
La problématique des interactions des acteurs sociaux
s'inscrit dans la théorie de l'interactionnisme symbolique,
théorie dont l'origine est l'Ecole de Chicago et dont les principaux
représentants sont aujourd'hui R. Park, E. Burgess et
H.Blumer. Dans cette
perspective, la conception que les acteurs se font du monde social constitue,
en dernière analyse, l'objet même de la recherche
sociologique109(*).
L'accent est donc mis sur le point de vue des acteurs, quel que soit l'objet
d'étude, puisque c'est à travers le sens qu'ils assignent aux
objets, aux situations, aux symboles qui les entourent, que les acteurs
fabriquent leur monde social. Ainsi, la thèse de l'interactionnisme
symbolique est que, premièrement, l'accès cognitif au sens des
phénomènes, tant subjectifs qu'objectifs, découle
inévitablement d'une interprétation et, deuxièmement, que
la formation du cadre interprétatif découle des processus
dynamiques d'interaction interindividuelle110(*).
La participation des acteurs catholiquesau processus
démocratique camerounais est ainsi perçue dans cette
recherchecomme fruitdes interactions de ces derniers avec les acteurs et le
champ démocratique. Il s'agit principalement des sens que construisent
les clercs catholiques au moment de leurs interventions dans le débat
public, et qui donne des orientations à leur discours. Orientation qui
ne peut être comprise qu'en tenant compte des interlocuteurs de ce
discours et des sens qu'il accordent réciproquement à cet objet
qu'est le discours sociopolitique ou politico-religieux des clercs catholiques.
Il s'agit également des interprétations des
membres des organisations catholiques dans leur rôle de restructuration
du jeu politique à partir de l'action politique catholique.
L'idée interactionniste ici est que ces acteurs catholiques
interprètent l'univers politique de la démocratisation en
fonction des interactions qu'ils ont entre eux et avec ce champ, et que leur
rôle de restructuration du jeux politique est fortement tributaire de ces
interprétations et de ces interactions.
Il convient aussi dans cette recherche de faire une mise en
exergue des perceptions de la démocratie par ces derniers, des enjeux
politico-religieux de leurs actions. Une telle approche est à même
de nous permettre de comprendre les acteurs catholiques en contexte de
démocratie ; la manière dont ils contribuent à
construire la démocratie camerounaise.
Cette construction du sens par les acteurs impliqués
dans le processus de démocratisation ne se fait pas seulement entre des
individus qui seraient considérés comme des atomes sociaux
isolés, mais dans un contexte social dont l'importance n'est pas
négligeable. Le sens de toute chose est en fait donné par son
contexte de production. C'est pourquoi,HowerBecker l'un des piliers de
l'interactionnisme symbolique soutient qu'il est nécessaire d'examiner
« minutieusement les activités effectives, en tentant de
comprendre les circonstances dans lesquelles agissent tous ceux qui sont
concernés»111(*). C'est de là que vient
l'intérêt que nous accordons dans cette approche interactionniste
aux situations et institutions religieuses et politiques à
l'intérieur desquelles évoluent ces acteurs catholiques, et avec
lesquelles ils interagissent tout en construisant le sens de leurs actions. Ce
sont tous ces éléments qui contribuent à façonner
et refaçonner l'identité politico-religieuse de ceux-ci, laquelle
est importante dans la production sociale de leur rôle de
démocratisation.
En somme, conformément aux principes de
l'interactionnisme symbolique développés par H. Blumer, nous
pouvons retenir ces lignes majeures de notre analyse interactionniste :
- Les acteurs politiques catholiques agissent à
l'égard de la démocratisation du Cameroun en fonction du sens
qu'ils attribuent à cette réalité ;
- Ce sens est dérivé ou provient de
l'interaction sociale qu'ils ont entre eux et avec les autres acteurs du champ
de démocratisation ;
- Ce sens est manipulé dans, et modifiés
via, un processus interprétatif utilisé par ces acteurs
catholiques pour interagir avec les autres acteurs de ce processus.
Cependant, il reste à couvrir un autre aspect de notre
recherche : les attitudes des fidèles catholiques vis-à-vis
de ces réalités sociopolitiques portées par l'Eglise dont
ils sont membres. Ce que nous allons faire au moyen de la théorie du
constructivisme, en particulier le constructivisme social.
2.2.3. La construction
sociale de la participation de l'Eglise Catholique dans le processus
démocratique camerounais.
La construction sociale de la réalité a
été théorisée par les tenants du constructivisme
social, dont P.L. Berger et T.Luckmann112(*).Ils mettent en valeur des orientations sociologiques
à la fois qualitatives et interactionnistes et envisagent la
réalité sociale et les phénomènes sociaux comme
étant " construits " ;c'est-à-dire
créés, objectivés ou institutionnalisés et par la
suite transformés en traditions. Le constructivisme social se concentre
sur la description des institutions, des actions en s'interrogeant sur la
manière dont ils construisent la réalité. La
problématique qu'ils y dégagent s'inscrit dans une approche qui
rejette la dichotomie traditionnelle individu et société, et en
pose des passerelles entre les niveaux micro et macro.
Il convient dans le cadre de cette analyse de ressortir les
mécanismes de construction de la participation des acteurs catholiques
dans le processus démocratique.
Le postulat de cette approche est qu'il n'existe pas à
priori une participation de l'Eglise Catholique, ni des règles
prédéfinies de cette participation, auxquelles ces acteurs se
conformeraient. Cette participation comme les règles qui dictent son
orientation et son intensité est construite socialement à travers
les interactions des différents acteurs impliqués dans ce
processus. Ceci concerne d'avantage la production des attitudes
desfidèles de la base, vis-à-vis de l'action politique catholique
en faveur de la démocratie. Dans cette perspective, il convient de faire
une description de l'institution ecclésiale ici concernée et des
actions de ses membres, pour comprendre comment ils concourent à la
production et la reproduction des attitudes des fidèles catholiques, la
manière dont ils perçoivent la participation politique de
l'Eglise et par là, leurs réactions vis-à-vis de cette
dernière réalité.
Dans ce sens, cette construction est influencée
à la fois par les interprétations que les acteurs catholiques ici
concernés se font de l'objet en construction.Elle l'est aussi par le
stock de connaissances qu'ils disposent sur cet objet : la connaissance de
la Doctrine Sociale de l'Eglise, la connaissance des réalités
politiques de leur pays etc. Leur perception du discours politico-religieux du
clergé répond donc à ce processus. Cependant, ce discours
est lui aussi socialement construit, en ceci qu'il est conçu par et pour
une communauté interprétative spécialisée, en des
termes créés « par le mélange complexe de
circonstances sociales, d'opinions politiques, d'incitations économiques
et d'un climat idéologique qui constitue l'environnement humain de ses
producteurs et de ses destinataires »113(*).
Cette analyse des mécanismes de construction de la
participation politique de l'Eglise en démocratie se situe
nécessairement à l'intercession des approches subjectivistes et
objectivistes. Il faut donc saisir l'attitude des fidèles catholiques de
la base, à l'intercession de l'institutionnel et des actions
individuelles. Les fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé
construisent leurs attitudes politiques à partir de leurs interactions,
mais des interactions qui sont insérées dans des contextes
sociopolitiques qui les orientent et donne à ces attitudes une certaine
solidité et stabilité.
P. Berger et T.Luckmann ont aussi élargi la sociologie
de la connaissance, auparavant à « la connaissance ordinaire,
et par là à l'ensemble des processus de construction sociale
de la réalité »114(*). Apport théorique qui nous permettra de
mettre en exergue la production sociale des représentations du champ
politique par les chrétiens catholiques, à l'aide de leurs
croyances, leurs connaissances spontanées de la politique, leurs
interprétations de la scène politique et des actions des hommes
politiques comme des hommes d'Eglise, etc.
Au second moment de leur analyse théorique, P. Berger
et T.Luckmann appréhendent la réalité en certain de ses
aspects comme une réalité subjective, c'est-à-dire
« intériorisée à travers la
socialisation »115(*). Ainsi, dans leurs interactions, les
chrétiens catholiques se démarquent au quotidien les uns des
autres à travers leurs pratiques, leurs interactions.Ils
intériorisent les normes sociales relatives àla participation
politique, s'approprient des visions de ceux qui les ont
précédés sur ce champ d'action. Cependant, il ne s'agit
pas d'une reproduction à la lettre des principes de cetteparticipation
politique, maiscomme pense P. Bourdieu, il s'agit d'une reproduction toujours
renégociée116(*) dans les interactions. C'est en cela que ressort le
processus historique de construction permanente des attitudes des
fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé. Dans cette
perspective, cette socialisation, définie comme
« l'installation consistante et étendue d'un individu
à l'intérieur du monde objectif d'une société ou
d'un secteur de celle-ci »117(*), est caractérisée par
l'institutionnalisation, par un double processus de conservation et de
transformation.
Au terme de cette présentation du cadre
théorique, nous exposons l'ensemble de nos empreints théoriques
et conceptuelles dans le tableau suivant :
Tableau 1:Vue synoptique des différents
champs sociologiques et théories de l'étude.

Source : Par nos soins.
Après avoir résumé dans ce tableau le
cadre théorique, il convient de présenter le cadre
méthodologique qui sied à notre analyse.
2.3. L'ELABORATION DE LA
METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Cette sous-section consacrée à la justification
du choix de la méthodologie est axée sur des points aussi
variés que la construction des hypothèses et des objectifs, la
définition de la méthode de recherche et des outils de collectes
des données, la définition de la population d'étude et de
l'échantillon, et l'élaboration du modèle d'analyse.
2.3.1. La construction des
hypothèses
Leshypothèses constituent dans une
recherche « des réponses provisoires et relativement
sommaires qui guideront le travail de recueil des données et devront en
revanche être testées, corrigées et
approfondies »118(*) par le chercheur.C'est la raison pour laquelle nous
procédons ici à l'élaboration des hypothèses de
cette recherche.
Cette construction d'hypothèses répond ici
à une logique empirico-inductive,car nous nous situons à
l'intersection d'une problématique de moyenne et de basse
portée ; étant donné que la participation des acteurs
catholiques dans le processus démocratique camerounaisest
appréhendée à la fois dans la perspective des structures
sociopolitiques et religieuses dans lesquelles ces acteurs sociaux collectifs
et individuels se meuvent, mais aussi, un accent est mis sur le vécu,
les logiques d'action, les trames de vie, les trajectoires et les
représentations de ces derniers.
A la question de savoir comment rendre compte de la
participation différenciéeet controverséede l'Eglise
Catholique dans le processus démocratique camerounaisen dépit de
la volonté manifeste de l'institution à contribuer à la
construction de la démocratiecamerounaise, nous avons fait quatre
propositions de réponse, dont l'une est générale et les
autres spécifiques.
2.3.1.1.
L'hypothèse générale
La participation différentiée et
controversée de l'Egliseau le processus démocratique
répond aux contextes de participation et aux différentes formes
de rationalité des acteurs catholiques qui les motivent lors de leurs
interactions de sens avec le champ politique.
2.3.1.2. Les
hypothèses spécifiques
1) Le caractère mitigé de la participation
institutionnelle de l'EgliseCatholique au processus démocratique
relève de son souci de contribuer à la restructuration du jeu
politique camerounais tout en conservant son héritage culturel et les
intérêts qu'elle tire de ses rapports harmonieux avec l'Etat.
2) Les interventionsdiscordantes des clercs catholiques dans
le processus démocratique camerounais sont orientées par les
logiques d'actions de ceux-ci, et leurs rapports au champ politique avec lequel
ils interagissent.
3) Le manque d'adhésion des fidèles catholiques
aux préoccupations sociopolitiques de l'Eglise s'explique par les
représentations par ceux-ci des rapports d'incompatibilité entre
le politique et le religieux, dans un contexte de déficit de
socialisation politique.
2.3.2. Les objectifs de la
recherche
La définition des objectifs de cette recherche a pris
en compte à la fois nos questions de recherche, nos hypothèses,
et notre cadre théorique. Au regard donc de tout ceci, nous avons pu
définir quatre objectifs dont un général, duquel
découlent trois autres qui sont spécifiques.
2.3.2.1. L'objectif
général
A travers cette recherche, nous entendons analyser pour mieux
comprendre, la participation différentiée et controversée
de l'Eglise Gatholique dans le processus démocratique camerounais,
à partir de la prise de parole des clercs catholiques dans le
débat public, de l'action des organisations et associations catholique
de la base, et des attitude des fidèles catholiques vis-à-vis de
ces réalités sociopolitiques telles que portées par leur
Eglise.
2.3.2.2. Les objectifs
spécifiques
1. Rendre compte du caractère mitigé de la
participation institutionnelle de l'Eglise Catholique dans le processus
démocratique au Cameroun, à travers la description des
interrelations entre le politique et le religieux, et des interactions des
acteurs politiques catholiques avec le champ politique ;
2. Comprendre la participation différenciée et
les interventions discordantesdes clercs catholiques dans le champ de
démocratisation camerounais, à partir de l'analyse des formes de
rationalité qui sous-tendent leur production discursive ;
3. Expliquer le manque d'adhésion des chrétiens
catholiques de la base aux préoccupations sociopolitiques de l'Eglise
orientées vers la construction de la démocratie camerounaise.
2.3.3. La méthode
de recherche
« On considérera la méthode d'une
recherche comme l'ensemble des opérations intellectuelles permettant
d'analyser, de comprendre et d'expliquer la réalité
étudiée»119(*).Ces mots de Loubet nous permettent de comprendre
qu'il convient ici de définir la marche rationnelle de l'esprit qui nous
conduira à la vérité concernant la participation des
acteurs politiques catholiques dans le processus démocratique
camerounais.
Nous pouvons constateravec K. Popperquela réflexion sur
la façon dont la sociologie approche et définit son objet tend
à dégager, par simplification, deux principaux modes qui se
distinguent jusqu'à devenir opposés: le holisme
méthodologique d'une part, que paraît suivre E. Durkheim, et
d'autre part l'individualisme méthodologique que semble
préférer M. Weber120(*).
Notre souci de nous positionner dans ce débat de
méthode nous a quelque peu embarrassé. En effet, nous tenons
à rendre compte des interactions des catholiques dans le champ
démocratique mais, en les inscrivant dans des contextes sociaux à
l'intérieur desquels se meuvent ces acteurs. R.Boudon soutient
d'ailleurs cette vision :
« Il est vrai que l'action individuelle est
soumise à des contraintes sociales; il est rare de pouvoir agir à
sa fantaisie. Mais cela n'implique pas que les contraintes sociales
déterminent l'action individuelle. Ces contraintes délimitent le
champ du possible, non le champ du réel»121(*).
Il est donc évident que nous ne pouvons adopter de
manière exclusive une méthode. C'est pourquoi, cette étude
ne s'inscrit pas dans la querelle méthodologique qui a longtemps
opposée individualistes et holistes, mais tente de saisir les logiques
d'actions d'acteurs catholiques, sans négliger les contextes sociaux
à l'intérieur desquels ils se meuvent. Ce dualisme
méthodologique nous conduit à une saisie de l'Eglise ici en
question, dans une double approche à la fois institutionnelle et
interactionniste. En d'autres termes, nous nous inscrivons à
l'intersection d'une sociologie de grande portée et de petite
portée, donc de moyenne portée. G. Gurvitchest favorable à
une telle approche lorsqu'il affirme :
« On ne saurait étudier avec quelques
précisions un groupement concret quel qu'il soit, sans d'une part
l'intégrer dans une société globale
particulière ; sans d'autre part décrire la constellation
singulière du microcosme de liaisons sociales qui le caractérise.
On peut donc formuler l'observation méthodologique suivante : il
est aussi impossible de faire de la microsociologie sans tenir compte de la
typologie différentielle des groupements et de la typologie des
sociétés globales que de faire de la macrosociologie en
négligeant la microsociologie. Ces trois aspects horizontaux de la
sociologie se fondent et se tiennent réciproquement, car ils sont
indissolublement liés dans la réalité des
choses»122(*).
Cette étude s'inscrit par conséquent dans une
logique quali-quantitative, et répond à une méthode
d'analyse à la fois compréhensive et explicative, à
prédominance qualitative.
Compréhensible, elle nous permettra de couvrir
l'objectif relatif aux logiques d'intervention des clercs dans le champ
démocratique camerounais. La présence d'éléments
non quantifiables relevant de l'intentionnalité, nous oriente à
ce niveau plus vers l'adoption d'une recherche qualitative, et par
conséquent, nous privilégions ici une logique inductive. Selon
l'approche de M. Weber qui centre l'analyse sur « le rapport aux
valeurs »123(*) des protestants et veut
« comprendre » leurs comportements
économiques en recherchant les « bonnes
raisons » qui les poussent à s'appuyer sur une conduite
éthique pour s'imposer dans le monde
économique.L'intérêt de cette démarche se
résume autour d'un précepte méthodologique précis :
rendre compte du point de vue de l'acteur.
La méthode explicative nous permettra de couvrir un
second objectif : celui relatif aux attitudes des fidèles
catholiques vis-à-vis des préoccupations sociopolitiques de
l'Eglise. Elle s'appuie par conséquent sur une analyse des contextes et
des déterminants sociaux de leurs comportements.
2.3.4. La
délimitation du terrain de recherche
Pour éviter de naviguer à vue ou de se lancer
dans un terrain confus et pas à la portée de nos moyens, nous
tenons à délimiter notre terrain d'étude.
D'abord, comme l'indique notre titre, notre étude porte
sur le Cameroun et se justifie non seulement par la transition
démocratique que traverse celui-ci depuis le vent des démocraties
des années 90, mais aussi par la spécificité de l'Eglise
particulière qui est au Cameroun.
Le second choix porte sur deux villes : Douala et
Yaoundé. Il se justifie par le fait que ce sont les principales villes
camerounaises dans lesquelles se joue l'avenir du pays et se mène
principalement le combat démocratique. Ceci ne signifie pasque le combat
de l'arrière-pays soit de moindre envergure, mais il signifie juste que
ce sont les principaux champs de combat où tentent de se concentrer les
acteurs démocratiques. Ce choix se justifie en outre, par le fait que
les archidiocèses de Yaoundé et de Douala, sont ceux dont
l'action dans le processus démocratique est la plus visible dans le
pays,notamment à travers la voix de leurs archevêques ; en
raison aussi de ce que ces deux villes sont respectivement capitale politique
et capitale économique, et cette
dernière,« considérée comme le fief de
l'opposition au régime depuis les années 50»124(*).
En outre, compte tenu de ce que ces villes sont très
vastes pour que notre recherche s'y étende entièrement, nous
avons éprouvé la nécessité de circonscrire
d'avantage notre terrain d'étude. C'est ce qui fonde le troisième
choix, fait à partir des unités d'observation sur lesquels nous
avons décidé de porter notre recherche ; à
savoir :
- Les lettres pastorales des évêques (celles qui
ont un volet socio pastoral) ;
- Les débats médiatisés des
évêques ;
- Les organes de presse catholique ;
- Les organisations catholiques à volet sociopolitiques
(Justice et Paix) ;
- Les associations catholiques de la base. (CEV)
Pour éviter d'avoir à nous retrouver avec tous
les éléments qui concernent ces unités d'observation, nous
avons procédé à une nouvelle délimitation que
traduit le tableau suivant :
Tableau2 : Récapitulatif
des unités d'observations :
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Source : Par nos soins.
Ainsi, comme le traduit le tableau, notre étude portera
sur deux radios, deux journaux de presse écrite, deux organisations
catholiques. Soit une unité d'observation dans chaque ville.
Outre ce terrain d'étude, nous avons
décidé de porter notre recherche sur une période de 21ans,
qui va de 1990 à 2011. Le choix de cette période répond
essentiellement au contexte de démocratisation et à la
diversité des formes de participation de l'Eglise Catholique pendant
cette période. En effet, cette période est
caractérisée par les traits suivants :
- La première lettre pastorale des évêques
sur le processus démocratique date de 1990.
- En 2002 le SNJP a commencé l'observation
électorale (suivie de la production des rapports
d'observation) ;
- Il y a eu une proposition d'amendement de la
législation électorale (2006) ;
- Cette période a connu un grand nombre de lettres
pastorales des évêques ;
- Des organisations catholiques se sont ouvertement
engagées aussi dans ce processus ;
- Cette période est couronnée par la
célébration de la victoire du Président Paul Biya par les
évêques le 08 Novembre 2011 suivi de la fameuse lettre ouverte du
P. Ludovic Lado aux évêques catholiques, en réaction
à celle-ci.
2.3.5. La population et
échantillon de l'étude.
Selon R. Quivy et al.,125(*) la population de recherche dans une étude en
sciences sociales peut prendre un sens très général. Dans
cette étude, elle désignera toutes les populations physiques ou
morales qui participeront à la collecte nécessaire à
l'analyse de la participationde l'Eglise au processus démocratique
camerounais. Définir la population d'étude revient à
sélectionner les catégories de personnes en position d'apporter
des réponses aux questions que l'on se pose. Dès lors, la
population de recherche dans cette étude est constituée de
plusieurs catégories d'acteurs impliqués dans ce champ d'action
catholique, ou pouvant nous aider à le comprendre, à savoir: les
clercs catholiques, les membres des organisations catholiques, les
fidèles catholiques de la base, les leaders politiques et les
représentants des OSC.
Ainsi, nous avons retenu ici un échantillon de 270
personnes,réparties en fonction des outils de collecte des
données ici mobilisés, que sont l'entretien et le
questionnaire.
Pour l'entretien, il porte sur l'élite catholique et
les autres acteurs majeurs du processus démocratique (les leaders
politiques et les représentants des OSC.). Dans ce sens, nous avons un
échantillon de 20 personnes,réparticomme le montre le
tableau suivant:
Tableau 3 :Récapitulatif
de personnes interviewées selon les catégories retenues

Source : Par nos soins.
L'échantillon icia été constitué
moins par leur représentativité au plan numérique que par
la pertinence de leurs caractéristiques par rapport aux objectifs et aux
hypothèses de l'étude. Pour constituer cet échantillon,
nous avons adopté la méthode du choix raisonné, qui
consiste à : « Bâtir un échantillon
diversifié qui repose sur la sélection des composantes non
strictement représentatives mais caractéristiques de la
population »126(*).
Il s'agit d'une technique d'échantillonnage
indiquée pour les personnes ressources d'une enquête. Elle nous a
permis d'aller d'une personne ressource à une autre à partir des
indications de la première ou selon que nous découvrions à
travers les médias et les livres, que telle personne ou telle autre est
bien indiquée pour notre enquête. C'est en ce sens que nous disons
que notre échantillonnage était raisonné.
Pour ce qui est de l'enquête par questionnaire, la
population d'étude retenue à cet effet est constituée de
l'ensemble des fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé. La
définition du fidèle catholique retenue est celle que nous avons
donnée plus haut dans le cadre de l'analyse conceptuelle (Chapitre1).De
cette population mère, nous avons constitué un échantillon
de 250 personnes à partir de l'échantillonnage par
quotas.L'avantage d'un échantillonnagepar quotas est qu'il permet
d'« obtenir une représentativité suffisante en
cherchant à reproduire, dans l'échantillon, les distributions de
certaines variables importantes, telles que ces variables existent dans la
population à étudier»127(*). Dans cette perspective, nous avons tenu au
préalable à définir les variables constitutives de notre
population mère. Celles retenues sont les suivantes : La ville, le
sexe, l'âge, la région d'origine, le degré
d'intégration religieuse que traduit la fréquence à la
messe, etc.
Cette technique libérale nous a permis,
au-delàdes contraintes relatives aux caractéristiques
suscitées, d'être libres dans le choix des personnes à
interroger. Une telle flexibilité est nécessaire pour
enquêter sur les populations catholiques qui sont d'une grande
complexité et variété.
Pour finir, la répartition de l'échantillon dans
la population et selon les caractéristiques suscitées est la
suivante :
Tableau 4 : Répartition de
l'échantillon d'étude suivant le sexe et la ville
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Source : Par nos soins.
Tableau 5 : Répartition de
l'échantillon d'étude suivant l'âge et la ville.
Source : Par nos soins.
Tableau 6 : Répartition de
l'échantillon d'étude suivant la profession et la ville.

Source : Par nos soins.
Tableau 7 : Répartition de
l'échantillon d'étude suivant la fréquence à la
messe et la ville
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Source : Par nos soins.
Tableau 8 : Répartition de
l'échantillon d'étude suivant le regroupement tribal et la
ville
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Source : Par nos soins.
2.3.6. LES OUTILS DE
COLLECTE DES DONNEES
Nous avons mobilisé dans le cadre de cette recherche
trois outils de collecte des données qu'il convient de présenter
et de justifier ici.
2.3.6.1. La recherche
documentaire
Etant donné que dans toute recherche, les sources
documentaires peuvent comme l'a souligné
Combessie« fournir à la fois des informations
complémentaires et une diversification des
éclairages »128(*), nous avons jugé nécessaire le recours
à des documents écrits et oraux qui peuvent faire la
lumière sur notre thème de recherche.
Pour cela, les principales sources ont été les
suivantes:
-La bibliothèque des Commissions diocésaines
Justice et Paix de Yaoundé et de Douala ;
-La bibliothèque du Service national Justice et Paix du
Cameroun ;
- Les archives de l'Effort Camerounais129(*), de Cameroun
tribune130(*), du Lien
NkengShalom131(*), de Le
Jour132(*), etc.
-L'internet, dont les sites ont été
prioritairement ceux de l'Eglise catholique, précisément le
Vatican et des Conférences Episcopales Nationales, etc.
Ainsi, une sélection des écrits,des discours ou
tout autre documents des clercs catholiques sur le processus
démocratique au Cameroun nous a permis de faire cette analyse en vue de
comprendre la différenciation ici en question.
2.3.6.2. Les entretiens
individuels
Pour analyser les logiques d'actions des acteurs catholiques
et l'orientation qu'ils donnent à leurs interventions dans le
débat public, nous avons mobilisé l'entretien. C'est une
méthode qui, à travers un guide d'entretien laisse la
liberté à l'enquêté d'exprimer ses opinions, ses
représentations, ses motivations etc.Selon les propos de J.L.Loubetdel
Bayle, elle est utile au chercheur qui s'intéresse «à ce
que sont leurs (celles des enquêtés) opinions ou leurs
comportementsdevant une situation donnée, devant un problème
déterminé. »133(*)
Cependant, notons que cet entretien ne couvre pas la
totalité de notre travail, mais il a été convoqué
pour répondre à nos deux premiers objectifs : Celui
relatifà la participation institutionnelle de l'Eglise et celui
relatifà la participation des clercs catholiques.
Le type d'entretien que nous avons privilégié
ici est l'entretien directif ou standardisé .C'est pourquoi, nous avons
choisi d'élaborer des guides d'entretien standardisés que nous
livrerons en fin de document. L'un porte sur les leaders catholiques et les
aspects tels que : le rôle de l'Eglise Catholique dans le processus
démocratique, la production discursive et le rôle des
organisations catholiques. Ce guide comporte 11 questions, reparties sur les
trois axes suscités. Un second guide d'entretien concerne les autres
acteurs politiques et civils du processus démocratique et compte 6
questions.
2.3.6.3. L'enquête
par questionnaire
Cet outil de collecte des données nous a
été utiles pour recueillir les informations en vue d'expliquer
les attitudes des fidèles catholiques eu égard des
préoccupations de l'Eglise,l'entretien n'étant pas très
indiqué. Les questions posées ici sont des questions de faits et
des questions d'opinion. Toutes fermées, elles portent sur des
axessuivants :
Ø La fiche signalétique (leurs informations
personnelles)
Ø Les représentations du champ
politique par les fidèles Catholiques;
Ø La réception et la perception de
l'enseignement social de l'Eglisepar les fidèles Catholiques ;
Ø La participation politique des fidèles
Catholiques.
Ceci dit, un total de 44 questions a été retenu
et reparti sur les quatre parties que constituent les axessuscités.Les
questions ont été choisies en fonction de leur importance pour
expliquer le manque d'adhésion des fidèles au projet de
construction catholique de la démocratiecamerounaise. L'enquête a
été menée au mois de Février 2013.
2.3.7. LA METHODE
D'ANALYSE DESDONNEES
Nousavons au préalable défini l'objectif de
cette analyse. Selon que J.L.Loubetdel Bayle indique au sujet de l'analyse
documentaire : « l'analyse est faite en fonction d'un
but déterminé : étudier l'orientation politique d'un
journal, analyser les opinions d'un homme politique à travers ses
discours, etc.»134(*). Ainsi, l'analysede contenuest en droite
ligne avec nosdeuxpremiers objectifs spécifiques, qui
visentrespectivement à rendre compte de la participation mitigée
de l'institution Catholique, et des formes de rationalités des actions
cléricales.Il s'agit précisément de ressortir dans les
données d'entretien, les lettres pastorales et autres publications
ouproductions discursives des clercs, non seulement l'orientation politique
qu'ils donnent à leurs discours, mais aussi les rationalités qui
les sous-tendent.
Un échantillonnage de cet ensemble de production a
été effectué, question de choisir celles le plus
significatif pour mesurer l'intérêt clérical pour la
démocratie au Cameroun, et ressortir les logiques qui y seront mises en
exergue.
Nous optons ici pour une analyse à la fois qualitative
et quantitative, répondant à notre souci de sortir des
oppositions classiques quantitatif/qualitatif, afin de continuer à nous
inscrire dans une logique intermédiaire.
L'Approche qualitative a permis de mettre en exergue le ton,
les procédures de dénonciation de l'autoritarisme politique au
Cameroun par exemple. Tandis que celle quantitative s'est appesantie davantage
à ressortir les occurrences des thèmes ou des mots en rapport
avec un discours de soutien ou d'opposition au pouvoir politique, ou encore
constituant un soutien à la démocratie : élections
transparentes, démocratie, alternance, participation, etc.135(*). Cette étape a suivi
la constitution des catégories d'analyse et puis de
l'interprétation des données qui y auront été
recueillies.
Selon l'approche quantitative, nous avons
procédé à une opération de codage des
données recueillies par le questionnaire. Ceci s'est fait à
l'aide d'un masque de saisi conçus avec le logiciel Microsoft Excel, en
tenant compte de différentes modalités de réponses
proposées aux enquêtés. Une analyse statistique de ces
données a suivi ce codage. Elle a été effectuée
à l'aide du logiciel d'analyse statistique SPSS136(*).
2.3.8. LES DIFFICULTES
RENCONTREES
Les difficultés rencontrées dans le cadre de
cette étude sont de plusieurs ordres. La première est
l'accès à l'information. En effet, nous nous sommes
heurtées au refus de collaboration de nombreux chrétiens,
notamment dans la ville de Douala. Refus qui nous a semblé dû au
manque d'intérêt politique ou à l'apolitisme de ceux-ci.
Pour contourner cette difficulté, nous nous sommes attelés lors
de chaque entretien à créer au préalable un climat de
confiance et d'intérêt pour la collaboration sur ces questions.
La seconde difficulté a été de trouver
des leaders sociaux catholiques ou non qui acceptentde faire l'entretien,
compte tenue de la taille de notre guide qui exigeait au moins une heure par
entretien. Pour contourner une telle difficulté nous avons
négocié des rendez-vous à domicile, au bureau
etc.,lesquels ont été rendus possibles par le
téléphone.
Une troisième difficulté a été de
nous démarquer du catholicisme, afin de pouvoir le saisir de
l'extérieur à travers son action politique. Nous avons en effet
été socialisés aux valeurs de cette religion et notre
étude exigeant de nous une distanciation, nous avons pris du temps de
nous laisser travailler par notre objet d'étude de manière
à parvenir à tenir un discours relativement moins partisan sur
cette question. Ce qui n'a pas été évident, compte tenu du
contexte social et ecclésial à l'intérieur duquel nous
nous mouvions. Il n'est généralement pas évident pour un
catholique de critiquer voir de rejeter le discours du pape par exemple. Pour
contourner une telle difficulté, nous nous sommes livrés à
une littérature critique de cette institution afin d'équilibrer
notre vison du catholicisme. Une telle littérature était
constituée des ouvrages de K.Marx137(*), d'E. Durkheim138(*), de J.M.Ela139(*), d'A.Mbembe140(*) etc. Quoique nous ne puissions prétendre
avoir atteint la parfaite objectivité sur cette question, ce qui est
pratiquement impossible en raison de notre positionnement social de
chercheur141(*), il faut
tout de même avouer que notre approche du Catholicisme a
été relativement plus objective.
2.3.9. LIMITES DE LA
RECHERCHE
Le présent travail, comme tout travail scientifique, a
des limites.
La première réside dans son incapacité
à saisir le sens des formes de participation différenciées
desacteurs catholiques à partir des dessous du rapport Eglise-Etat,
notamment des relationsdiplomatiques entre l'Etat Camerounais et le Vatican.
Piste de travail qui devait êtretrèsdéterminante pour cette
recherche mais que nous n'avons pas pu explorer.
Une seconde limite se situe au niveau des
représentations catholiques du discours sociopolitique de l'Eglise. Nous
n'avons pas pu montrer laquelle des socialisations multiples des fidèles
catholiques était plus à l'origine de leurs attitudes
d'indifférence politique et donc de leur désintérêt
de l'action de socialisation politique par l'Eglise.
Enfin, cette étude n'a pas abordé l'action
latente de la promotion catholique de la démocratie à partir de
son engagement dans l'éducation, dans la santé, dans la lutte
contre la pauvreté ;bref, ce thème était si large que
nous ne l'avons finalement abordé que de manière partielle.
PARTIE 2 :
L'ANALYSE DE LA PARTICIPATION DIFFERNECIEE DE L'EGLISE
CATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE AU CAMEROUN
CHAPITRE 3 :
ANALYSE DU CONTEXTE DE DEMOCRATISATION ET PROBLEMATIQUE DE
L'INTERVENTION DE L'EGLISE DANS LE CHAMP SOCIOPOLITIQUE CAMEROUNAIS
L'objectif de ce chapitre consiste premièrement
à faire une présentation analytique du contexte de
démocratisation du Cameroun. En effet, l'on ne peut pas prétendre
faire une analyse de la participation démocratique de l'Eglise en tant
qu'elle est acteur de la société civile sans au préalable
mettre en exergue les caractéristiques du champ d'action sur lequel elle
se meut et qui sont si importants pour comprendre sa trajectoire dans ce
dernier champ. Il convient donc ici, non seulement de présenter une
brève histoire de la démocratisation camerounaise, de sa
sociogenèse à sa crise actuelle, mais aussi de présenter
les formes d'exigences populaires des citoyens camerounais qui ont soif d'un
mieux-être, une présentation du contexte politique de lutte pour
le changement ainsi que les acteurs qui y sont impliqués. Il s'agit
aussi de mettre en lumière les formes de crises qui caractérisent
cette démocratisation, notamment les difficultés d'encrage
socioculturel de la démocratie camerounaise à mettre en place.
Enfin, il s'agit de présenter les spécificités de la
démocratisation camerounaise par rapport aux idéaux
démocratiques brandis par les pères grecs et occidentaux de la
démocratie.
Dans sa seconde articulation, ce chapitre vise, suite à
la présentation du contexte de démocratisation, à mettre
en exergue les éléments de compréhension de la
problématique de l'intervention de l'Eglise Catholique dans le champ
sociopolitique, et donc dans le processus démocratiquecamerounais. Il
s'agit de présenter une sorte d'histoire politique de l'Eglise
Catholique en matière de démocratie, l'évolution de ses
positions sur la modernité, sur l'avènement des
sociétés pluralistes, sur la politique ; et surtout, de
montrer comment l'Eglise passe de la chapelle à l'espace public
camerounais.
3.1. L'ANALYSE DU CONTEXTE
DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN
Il n'est pas judicieux d'aborder l'analyse du contexte de
démocratisation du Cameroun sans commencer par une brève histoire
de cette démocratisation ; c'est-à-dire les premiers
balbutiements démocratiques qui ont conduit aux formes contemporaines de
lutte pour la démocratie camerounaise.
3.1.1. Une brève
histoire de la démocratisation du Cameroun
Besoin n'est plus de rappeler que l'entité
«Cameroun» est une agglomération des tribus que le projet
colonial a réuni sous une entité politique que nous nommons Etat.
De nombreux auteurs l'ont fait avant nous142(*). Il convient plutôt de montrer comment lorsque
ces petites entités tribales mises ensemble ont perçu les enjeux
de leur mise ensemble en face des puissances coloniales, l'esprit
d'émancipation a commencé à naître en eux comme
c'est le cas d'ailleurs chez tous les peuples qui réalisent en face
d'eux une puissance à prétention
politico-hégémonique. C'est alors que ceux-ci, face aux pratiques
d'oppression coloniale tels que les travaux forcés, ont commencé
les mouvements d'émancipation que nous nommons luttes
pré-indépendances et qui marquent en réalité la
naissance de l'esprit démocratique chez les peuples camerounais ;la
démocratie entendue ici comme participation de tous à la gestion
des affaires publiques, comme gestion saine de ces affaires, comme respects des
libertés des populations, etc.
3.1.1.1. Les luttes
indépendantistes camerounaises
Les préoccupations d'une gestion saine et collective de
la cité camerounaise ne sont pas nouvelles, ni ne datent du vent de
libéralisation des années 90. Déjà avant les
indépendances, la soif des camerounais à une prise en main des
affaires de leur pays se faisait déjà ressentir à travers
de nombreux mouvements protestataires et indépendantistes
essentiellement portés par l'UPC143(*).Après l'indépendance, ils ont
continué à se faire sentir car les partisans de
l'indépendance qui ont évolués par la suite sous la forme
des mouvements qu'on a dénommé
« maquis », estimaient que l'indépendance
n'avait pas été effective. En réalité, selon ces
derniers, loin de remettre les affaires du pays entre les mains de ses fils,
les colons ont fabriqué de toutes pièces leurs disciples qui
continueraient leur politique coloniale après une indépendance
proclamée du bout des lèvres. Une telle vision de la
réalité camerounaise est aussi soutenue par Segnu Etienne qui
affirme à ce sujet :
«(...) La France fut finalement obligée
d'accepter d'accorder l'indépendance au Cameroun. Mais elle voulait
accorder une indépendance dont elle devait continuer à en avoir
le contrôle après avoir mis l'UPC à l'écart. Devant
le refus du parti d'accepter une telle indépendance, la France
décida de l'éliminer politiquement et militairement. Elle
décida aussi d'éliminer physiquement tous ses
leaders. »144(*)
Ces mouvements indépendantistes qui ont tant
bouleversé la scène sociale camerounaise était une
prolongation et une manifestation des mouvements de protestation qui avaient
cours ici et là pendant la colonisation ;protestation des
indigènes contre le travail forcé145(*), contre leur
étrangeté à la gestion des affaires les
concernant146(*). Ces
formes de protestation populaires vécues de manière disparates,
de part et d'autres sur le territoire, devaient s'unifier et se convertir
à une aspiration générale des citoyens à une
gestion saine et collective des affaire de la cité et donc à leur
implication dans ces affaires. Il en découle évidemment, que la
soif de la démocratie date de la colonisation même. Ce qui nous
permet de comprendre que la démocratie est inscrite en chaque peuple et
attend que les conditions soient réunies pour qu'elles se mettent en
place. Loin d'être donc le monopole de quelque peuple que ce soit, la
démocratie est le commun de tous les peuples.
Parlant de cette sociogenèse du processus de
démocratisation du Cameroun, nous pouvons dire qu'il s'enracine dans ces
multiples protestations populaires contre la gestion autocratique de leurs
affaires, ou contre le travail forcé. Cette soif de la démocratie
a été ainsi portée par les « maquis »
surtout pendant la période du parti unique, de la monopolisation de la
vie par l'UNC d'Ahmadou Ahidjo. Segnu Etienne va dans ce même sens
lorsqu'il affirme :
« (...) les Camerounais poursuivirent la lutte
même après que la France eu accordé l'indépendance
au Cameroun le 1er janvier 1960, Et cette lutte dura encore 11 ans
après l'indépendance»147(*).
3.1.1.2. Le monolithisme
politique au Cameroun
L'histoire républicaine du Cameroun indépendant
peut être subdivisée en deux grandes phases, toutes
caractérisées comme nous allons le voir, par le monolithisme
politique : une première qui va de 1960 à 1982, et est
marquée par la personnalité du Président Ahidjo.
L'évolution politique faisait voir ici le passage de l'Etat
fédéral(1961) à l'Etat unitaire (1972). La
deuxième, quant à elle est marquée par la
personnalité du président Paul Biya de 82 à nos jours.
Elle fait passer de l'Etat unitaire à la République que nous
connaissons de nos jours.
3.1.1.2.1. Le
régime politique d'Ahmadou Ahidjo et l'instauration du
monolithisme
Pour comprendre l'ouverture du Cameroun au vent des
démocraties de l'année 90, il faut partir du régime
politique qui était en vogue depuis l'indépendance du Cameroun.
Ce Régime politique est caractérisé par la monopolisation
par le parti unique de toutes les sphères sociales, et par un
encadrement sévère de la population.
L'avènement du parti unique et le monolithisme
politique en général commencèrent juste après les
indépendances lorsque le Président Ahmadou Ahidjo au nom de son
« projet hégémonique»148(*) de
« construction nationale » s'engagea dans des
stratégies de dissolution de toutes les voix qui ne s'alignaient pas
derrière la sienne. J. F. Bayart abonde dans le même sens
lorsqu'il écrit ces lignes :
« En rendant plus impératif le
thème de construction nationale, elle lui fournit [à Ahidjo un
mythe justificateur supplémentaire : aux arguments habituels en
faveur du monolithisme(absence de classe sociales, tribalisme), s'ajouta la
nécessité de rapprocher les deux Etats
fédérés. »149(*)
Il s'agit plus précisément de l'année
1962 où M. Ahidjo prit soin de dissoudre toute opposition et
d'écarter ses rivaux potentiels, et surtout ceux qui étaient
détenteurs d'une légitimité ou d'un pouvoir politique
autonome. Telles étaient les ambitions de M. Ahidjo ; comme
écrit L.Tchouabou :
« La stratégie d'Ahidjo devenu
président consiste à amener les leaders politiques du Cameroun
occidental à entrer dans ses vues. Il obtint une première
victoire le 1erseptembre 66 lorsque tous les partis du Cameroun
occidental et certains du Cameroun oriental acceptèrent de fusionner
pour former l'unique parti l'UNC»150(*).
Par la suite, le multipartisme fut même interdit, et le
parti unique fut appelé UNC (Union Nationale Camerounaise)151(*).
Le président Ahidjo venait de mettre sur pied une
puissante machine politique qu'il contrôlait. Alors, la machine mise sur
pied fit son travail et la répression s'installa dans tout le pays,
notamment à l'Ouest du pays où avec l'aide d'un
général français réputé pour ses pratique de
terroristes152(*), il
mit fin à la rébellion de l'UPC ; opposition persistante et
qui, comme le soutient Mongo Béti entra dans la lutte armée
étant mal organisée, moins équipée en
armement153(*).
Progressivement, le Régime broyait tout sur son passage :
exécution sur la place publique d'opposants et des
présumés « bandits », et bien d'autres. Ce
qui a amené M. L.Eteki à qualifier ce régime d'Ahidjo,
comme celui de Biya de « régimes totalitaires
»154(*).
Pendant toute cette période de monolithisme, l'Eglise
Catholique profite néanmoins de son prestige pour continuer à
remplir ses fonctions tribuniciennes, à travers notamment sa presse
écrite l'Effort camerounais et les multiples prises de positions de
nombre de ses clercs. C'est le cas de Mgr.Ndongmo qui sera arrêté
et condamné pour complicité avec la rébellion armée
de l'U.P.C. ;bien que la raison de sa condamnation se trouve
ailleurs : ses prises de positions sur les questions sociales dans un pays
où le régime répandait la terreur partout. L'analyse de
Lazare Tchouabou va dans le même sens parlant d':
« Un procès qui mit aussi en cause un
évêque catholique, l'évêque de Nkongsamba
accusé de complicité avec la rébellion mais dont les
vraies raisons de l'accusation semblèrent être ses prises de
position et ses engagements sur les questions sociales. »155(*)
C'est dans ce contexte d'un contrôle total de la vie du
pays que Paul Biya va accéder au pouvoir.
3.1.1.2.2. Le
régime politique de Paul Biya et la pérennisation du
monolithisme.
La création du poste de premier ministre en 1975 permit
la nomination de Paul Biya qui devait succéder à Ahidjo en 1982
après la démission de ce dernier. Celui-ci s'empressa de
supprimer ce poste un an après son accession au pouvoir, dans la
même perspective d'une monopolisation de la vie politique du pays. Cette
période du régime Biya correspond à ce que L.
Tchouabouqualifie de « seconde
République »156(*). Cette accession de Biya à la tête de
la nation semblait apporter des lendemains meilleurs et harmonieux au Cameroun,
compte tenu de toutes les situations éprouvantes que le pays avait
connues sous Ahidjo. Mais très vite, des figures politiques apparaissent
dans ce bel édifice et ce beau montage politique ;tout en se
prononçant pour la continuité, Paul Biya place son régime
sous des slogans de la rigueur et de la moralisation ; expressions
identifiant du régime du Renouveau qui soulevèrent beaucoup
d'enthousiasme en ses débuts, mais qui plus tard se sont
avérées être des slogans creux et vides. Biya inscrivait
également son régime du Renouveau dans un contexte de
présidentialisme absolu à la suite de celui d'Ahidjo. Le socio
politiste M.E. OwonaNguini affirme notamment à ce sujet :
« C'est d'ailleurs sous le sceau de la
continuité gouvernante que le Président-successeur (M. Paul Biya)
inscrit sa prestation de serment du 6 Novembre 1982, exprimant sa
volonté d'assumer et de s'approprier l'héritage institutionnel et
politique de l'Ahidjoïsme gouvernant. »157(*)
C'est pourquoi, après un coup d'Etat manqué
contre lui, celui-ci va tout centraliser sur sa personne. Hans de Marie
Heungoup affirme d'ailleurs :
« A partir de la tentative de coup d'État
du 06 Avril 1984, le champ politique camerounais a connu un recentrage, qui
place la présidence au coeur de la production politique. Le
repositionnement présidentiel dans le jeu politique commande l'univers
des possibles politiques camerounais. Le parti au pouvoir, RDPC, occupe certes
une place importante de la vie politique (162/180 à l'assemblée
nationale); mais, en réalité, la personne du président
transcende ce parti»158(*).
Ensuite, il va décider sans transition de passer de la
République Unie à la République du Cameroun. En 1985, il
organise à Bamenda un Congrès au cours duquel l'UNC va
disparaitre pour donner naissance à un nouveau parti dont il est le
fondateur : Le R.D.P.C. (Rassemblement Démocratique du Peuple
Camerounais). C'est l'entrée en jeu d'un nouveau parti unique à
travers lequel le président va s'évertuer à mettre la main
sur l'ensemble de la vie politique et de conduire le pays jusqu'au vent des
démocraties de 1990.
3.1.1.3. L'ouverture
démocratique de 1990
L'année 1990 marque le début du processus actuel
de démocratisation. La chute du mur de Berlin et donc du Communisme
entraine sur la scène internationale un grand vent de
libéralisation qui ébranle nombre de régimes
monolithiques. C'est dans cette mouvance que le Cameroun est aussi
bouleversé. Bouleversé pas seulement de l'extérieur, mais
aussi de l'intérieur où l'arrestation de plusieurs personnes pour
affrontement à l'Etat conduit à une grande mobilisation ; et
où malgré l'interdiction du multipartisme, Ni John
FruNdi159(*) lance en
Mai 1990 à Bamenda un parti politique nommé Social
Démocratique Front (S.D.F.).
Le 04 Juillet suivant, le président accepte
d'abandonner le monopole politique et une commission de révision de la
législation sur la liberté publique est créée par
décret le 21 Juillet. Dès le mois de Décembre,
l'Assemblée Nationale adopte une série de loi sur la
liberté d'association et la création des partis politiques.
Cependant, les arrestations d'opposants continuent ;ce qui mobilise des
populations et entraine finalement les « villes
mortes » que les «commandements
opérationnels », nouvelles formes de terreur des
populations, viendront tenter de réprimer. Depuis lors, des
élections pluralistes ont lieu mais, opposant le RDPC, parti-Etat tout
puissant, à des partis ne valant pas son poids. Des réformes
politiques et institutionnelles ont eu lieu, des organes de presse
créés, ainsi qu'une pléthore de partis politiques.
Ces révisons ainsi faites n'ont pas toujours
entrainé les changements qu'elles promettaient. Prenons un exemple, la
révision constitutionnelle de 1996 devant marquer un tournant
décisif pour la justice camerounaise a créé des
institutions qui en principe auraient pu accroître la garantie de la
protection de la démocratie, des libertés individuelles et de la
bonne gouvernance au Cameroun. Il s'agit en l'occurrence du Conseil
constitutionnel, des tribunaux administratifs et de la Chambre des comptes. Ce
qui n'a pas été le cas ; comme l'écrivait Junior
Etienne Lantier à ce sujet :
« On constate
aisément qu'il s'est agi d'un leurre, pour ne pas dire, d'une tromperie
politique. Hormis la chambre des comptes qui a été mise en place
et fonctionne, les autres institutions ne sont toujours pas mises en place.
Seul le manque de volonté politique peut raisonnablement justifier ce
« déni de justice » »160(*).
Telle est en quelque sorte l'image du processus
démocratique en cours au Cameroun. Processus qui, depuis 1990,
année de ses premiers re-balbutiements continue à balbutier
jusqu'aujourd'hui. C'est du moins l'image que M.- L.Eteki-Otabela tente de
traduire en ces termes :
« ...De ces semblants d'évolution
démocratique : on les a vu à l'oeuvre pendant huit ans dans
le cadre du fameux processus de démocratisation, une histoire du vent
d'est qui aurait tourné cour côté Sud»161(*).
Ils sont à cette image les différents contextes
à l'intérieur desquels se meuvent les acteurs de ce processus
démocratique.
3.1.2. LES FACTEURS
CONTEXTUELS DU PROCESSUS DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN
Les facteurs structurants de la vie au Cameroun en
général et dans les villes de Douala et de Yaoundé en
particulier peuvent être regroupés selon quatre dimensions qu'ils
convient d'examiner ici les unes après les autres :
socioéconomique, culturel, politique et religieux.
3.1.2.1. Le contexte
socioéconomique : la prégnance de la précarité
économique
L'analyse de la participation de l'Eglise Catholique au
processus démocratique camerounais est indissociable du contexte de
précarité socioéconomique dans lequel elle se
déploie.
L'entrée du Cameroun dans la seconde République
a été caractérisée par la sévère
crise économique de la fin des années 80. La dégradation
économique au début des années 90 n'entraîne pas
qu'un recul du PNB global et par tête d'habitant.
Plus précisément, le contexte social et
économique de Douala est marqué tout autant par une crise qui se
caractérise par un mal être généralisé des
populations. Sur le plan économique, le pays a sombré depuis la
crise économique de 1986 et ne s'en est jusqu'ici pas relevé
véritablement. Les conséquences d'une telle crise ont
été aussi larges. M.- L.Eteki-Otabela l'a bien signifié
dans son ouvrage consacré au totalitarisme africain :
« Ce qu'il est convenu d'appeler la crise économique a
entrainéà son tour, des crises sociales et
politiques. »162(*)
Il devient évident que le climat social soit
généralement peu viable, surtout dans une ville comme Douala
où les gens s'attellent au jour le jour à une seule chose :
survivre. Les émeutes de février 2008 appelées
« émeutes de la faim » ont bien traduit la
situation socioéconomique de ces populations qui s'en sortent à
peine.
Le système social est aussi marqué par un manque
de démocratie, caractérisé par le non-respect des
libertés individuelles, au niveau de la famille, de l'école comme
de l'entreprise, c'est la loi du plus fort qui règne. C'est la dictature
des supérieurs sur ceux qui ne sont rien ou n'ont rien.
Sur le plan socio tribal notons avec la DSRP163(*) du MINEPAT que
« Le Cameroun (dont Douala et Yaoundé sont à
l'image) est construit sur une mosaïque ethnique et linguistique sur
laquelle se superposent d'autres facteurs de divergence (religion, politique,
corporation, etc.). La construction d'un Etat - Nation sur cette
hétérogénéité s'est souvent heurtée
à certaines forces centrifuges et à des velléités
de replis identitaires »164(*)
Ainsi, on peut se rendre compte que la vie sociale est
fortement caractérisée par ces réalités tribales
qui se transposent non seulement au niveau des relations interpersonnelles mais
aussi au niveau de l'organisation sociale, l'occupation tribale de l'espace
urbain165(*) et par
conséquent auront un impact sur le processus de gestion collective de la
chose publique que nous nommons démocratie.
Plus préoccupées par des stratégies de
survie, les populations de Douala et de Yaoundé développent peu
d'intérêt pour les questions de projet commun, en vue de
l'édification de la nation. Cependant, notons que cette
réalité est plus patente à Douala qu'à
Yaoundé, en tant que cette première est la capitale
économique et que ses activités quotidiennes sont majoritairement
celle de la survie.
3.1.2.2. Le contexte
culturel : déficit d'ancrage culturel de la
démocratie
Nous n'entendons pas par culture ici la culture
générale d'une société, c'est-à-dire
« l'esprit d'un peuple »166(*), mais un
élément de celui-ci ; celui en rapport avec le politique,
à savoir « l'orientation psychologique à
l'égard d'objets sociaux (politiques), c'est-à-dire
l'intériorisation, parchacun, du système politique (notamment
démocratique) dans la psychologie propre»167(*).Il s'agit donc de la culture
politique (démocratique) du Cameroun. Plus précisément, il
s'agit de s'interroger sur des « fondements culturels de la
démocratie »168(*) qui y est en cours de construction.
Il y a donc une crise de cette culture de
démocratisation, en raison du manque d'encrage socioculturel de ce qu'il
convient de nommer ici démocratie camerounaise. En
réalité, l'on peut se poser la question de savoir ce que signifie
la démocratie pour les camerounais à cheval entre le modernisme
et les traditions ancestrales auxquelles ils restent encore fortement
attachés. A cette question J.Nkoyock a répondu à travers
sa thèse de doctorat dans laquelle elle dénonce le manque de
l'enracinement culturel de la démocratisation africaine et
soutient :
«Les mécanismes d'encrage de la vie
communautaire autour de l'ethnie dans les société africaines
peuvent constituer le tremplin pour la construction de la conscience nationale
et la naissance des peuplesen Afrique »169(*)
C'est dans cette perspective qu'elle a écrit
« le problème du processus de démocratisation en
Afrique doit aller au-delà des débats idéologiques, pour
poser le problème de l'apport des sociétés à la
promotion de la démocratie »170(*)
Il n'est donc plus à démontrer que le processus
de démocratisation camerounaise souffre d'un déficit d'encrage
culturel. L'exemple le plus illustratif est la méconnaissance de la
démocratie par nombre de nos enquêtés sur le terrain de
Douala comme de Yaoundé. Les populations non impliquées au
processus, les partis politiques répandant une logique de
« politique du ventre »171(*), les élections
soudoyées etc., sont tant de preuves qui montrent que la
« démocratie camerounaise » est encore à son
stade folklorique.
Ils vont dans le même sens ces propos de M.-
L.Eteki-Otabela :
« La barbarie de certains régimes
africains s'explique par la culture africaine, cette sorte de sacralisation du
pouvoir, propre aux sociétés primitives. Dans le cas du Cameroun,
on continue depuis 39 ans à décrire l'Etat comme une dictature,
plus ou moins autoritaire (les politologues étrangers), ou plus comme un
état néocolonial, plus ou moins imposé par un
impérialisme étranger (la thèse
nationaliste) »172(*).
Cette crise culturelle que connait la démocratisation
camerounaise n'est qu'un phénomène sociologique normal, pour
reprendre les mots d'Emile Durkheim173(*), en ce sens qu'une Afrique qui s'engage à se
renier, à jeter son manteau culturel ne peut se revêtir
efficacement de celui d'un autre ; mais se retrouvera ni avec le sien
propre ni avec celui de cet autre.De même, le fait d'apporter du jour au
lendemain un système politique ne fera pas de lui, tout d'un coup un
chantre de ce système. Comme le soutiennent affirme J.P. Cot et
J.P.Mounier,
« Il ne suffit pas de transposer les
institutions et les grands principes de la démocratie pour obtenir un
régime démocratique. Il faut de plus développer les
règles opérationnelles du système
démocratique : attitudes politiques, relations entre gouvernants et
gouvernés. Or cet ensemble culturel est lié au système de
croyances et au code de relations personnelles qui caractérisent une
société a un moment donné et qui -les anthropologues nous
le confirment- évoluent lentement, se transposent avec
difficulté»174(*).
Une autre caractéristique du contexte culturel de
Douala et de Yaoundé, est l'existence d'une mosaïque de tribus et
donc de langues, de manières d'être et d'agir qui ne favorisent
pas toujours la mise en place d'un projet commun, et donc d'un Etat
démocratique. C'est pourquoi J.Nkoyocka pu écrire :
« Les tentatives des pouvoirs publics de
construire une Nation unitaire sur cette
hétérogénéité ont développé
une profonde désarticulation entre l'Etat et la sociologie locale. Cette
extériorité sociologique est caractéristique d'un Etat
dont le mode de fonctionnement, le profil des agents et l'idéologie ne
sont ni le reflet de la configuration générale du pays, ni la
synthèse d'une organisation sociale endogène, ni le
résultat d'un ensemble de croyances et de schèmes mentaux
locaux»175(*).
C'est tout ceci qui nous amène à parler comme
Eteki de « misère de la démocratie au
Cameroun »176(*).
En définitive, retenons que la seule culture
véritable qui unit les populations dans les villes de Douala est une
culture de survie qui n'est pas toujours très favorable au projet
d'action collective en faveur de la construction du bien commun, qui constitue
l'un des idéaux majeurs de la démocratie.
3.1.2.3. Le contexte
politique : déséquilibre du poids politique des
acteurs
Le champ politique sur lequel se mène le combat pour la
démocratie est très déterminant pour celui-ci. Fortement
caractérisé par la suprématie du Parti Etat qui a la
primauté du jeu, il n'a pas beaucoup changé avec
l'avènement de la libéralisation politique des années 90.
Comme l'écrit M.OwonaNguini :
« L'habillage politico-discursif orienté
formellement vers un libéralisme centriste, n'a pas fondamentalement mis
en question la structuration conservatrice dominante et
prépondérante du régime du Renouveau National
dirigé par M. Biya. »177(*)
Il s'agit justement de ce régime politique qui y a
été mis en place, qui suit la même logique que celui du
Parti unique et au sujet duquel le socio politiste M. E.OwonaNguiniaffirme
encore :
« Le régime du Renouveau National dont le
Président Paul Biya est le chef central est coulé dans le moule
politico-historique de l'Etat présidentiel de parti unique d'orientation
ultraconservatrice mis en place des années 1960 aux années 1980
au Cameroun. »178(*)
Il s'agit enfin d'un régime dont la politique de
répression selon M. L. Etekiva jusqu'à la destruction de
l'identité individuelle des gens ;parce que s'évertuant
à tout contrôler et à tout monopoliser, broye finalement
tout ce qui se trouve sur son chemin179(*).
La sécurité des acteurs du processus est
toujours compromise. C'est le cas des exactions commises par exemple à
l'endroit des défenseurs des droits de l'homme comme le montre ce
rapport de B.Kenmogne sur la situation des défenseurs des droits de
l'homme au Cameroun :
« Les défenseurs des droits de l'homme au
Cameroun sont exposés à des agressions, le plus souvent
physiques, des menaces et autresactes d'harcèlement multiformes. Les
menaces et intimidations sont généralement
perpétrées par des personnes inconnues qui peuvent se faire sous
forme d'appels téléphoniques anonymes, de messages SMS, avec pour
but de faire peur au défenseur. »180(*)
Il est tout de même favorablement marqué par des
réformes constitutionnelles qui ont eu lieu selon que Hans de Marie
Heungoupaffirme à ce sujet:
« Ce contexte politique est également
marqué, au plan national, par la réforme constitutionnelle
d'avril 2008 et d'avril 2011, les modifications sur la loi électorale et
l'organe en charge des élections (ELECAM), et les
échéances électorales d'Octobre 2011 »181(*).
Ce contexte politique est aussi marqué par une
floraison de partis politiques dont le poids politique et
socioéconomique est infiniment inférieur à celui du Parti
Etat et qui s'inscrivent dans une logique des partis de tribu182(*). Il s'agit, à titre
d'illustration:
- Du SDF, principal parti d'opposition, entré dans la
course au Pouvoir dès la levée du système de parti unique
en 1990183(*) ;
- De l'UPC, parti, nationaliste qui a vu le jour dans la
mouvance des luttes d'indépendances et qui, supprimé à
l'avènement du monopartisme a été réhabilité
au retour du multipartisme ;
- De l'UNDP ; etc.
Comme illustration de cette suprématie du parti au
pouvoir en face de ces partis d'opposition, examinons ces résultats des
présidentielles de 2004 que traduit ce tableau.
Tableau 9 : Résultats des
présidentielles de 2004184(*)
Source : Par nos soins.
Comme on peut le constater, il ressort de ce tableau
qu'à l'exception du RDPC, tous les autres ont un poids électoral
négligeable.
Le contexte politique camerounais est aussi
caractérisé par l'existence des OSC qui tentent aussi de
participer à la restructuration du jeu politique.
Il s'agit principalement :
- de l'Eglise Catholique dont le rôle nous
intéresse ici, et qui y est précisément
représentée par le SNJP et quelques autres OSC Catholiques dont
nous avons parlé plus haut ;
- De NDH-Cameroun185(*), d'Hilaire Kamga ;
- De Cameroun O'BOSSO de KA WALA.186(*)
- De Monde Avenir ; etc.
Au terme de cette présentation du contexte politique,
on peut retenir que le jeu politique y est déséquilibré,
ceci en faveur d'un seul acteur collectif qu'est le RDPC, mis au service d'un
acteur institutionnelet individuel: le président Paul Biya.
3.1.2.4. Le contexte
religieux : la revanche de Dieu
Le Cameroun n'est pas à l'abri de la
« revanche de Dieu »187(*), mais comme toute la
scène internationale, les villes de Douala et de Yaoundé sont
marquées aussi par un retour spectaculaire de la
religiosité ; retour caractérisé par un
véritable envahissement de l'espace public par le
phénomène religieux.
Au nombre des religions qui y sont en oeuvre, il y a
premièrement les grandes religions monothéistes dont l'Islam et
le Christianisme. Au sein du Christianisme, on peut distinguer l'existence dans
ces villes camerounaises du catholicisme romain qui nous intéresse dans
cette étude, du protestantisme et du pentecôtisme. Notons qu'on y
assiste à une montée en puissance des mouvements
pentecôtistes de provenance des USA, du Nigéria et du Congo
voisins. Toutes, dans une lutte effrénée pour gagner du terrain
au Cameroun et concurrencer les grandes religions dont principalement l'Eglise
Catholique. On peut notamment remarquer leur forte invasion de l'espace public
à travers des affiches publicitaires le long des routes principales et
des grands carrefours de ces villes, l'organisation des campagnes
d'évangélisation dans des stades, églises et autres lieux
de grands rassemblements. On y note aussi des pratiques de prosélytisme
qui vont jusqu'à la distribution des tracs invitants aux séances
de délivrance de prières pour la prospérité
économique et sociale etc. ; sans oublier la pratique du
« porte à porte » dont les Témoins de
Jéhovah188(*)
sont réputés.
Notons aussi l'occupation de l'espace médiatique
à des fins religieuses : chaines de radio et de
télévision appartenant à telles ou telles autres
confessions religieuses : catholique, protestante et surtout
pentecôtistes. Bref, cette invasion de l'espace médiatique au
Cameroun peut être saisie à partir des titres à la une qui
leur sont consacrés par plusieurs journaux de presse écrite
camerounaise.
Suite à cette analyse des multiples facteurs
contextuels, nous nous proposons de passer à une brève
présentation de l'Eglise Catholique au Cameroun.
3.2. LA PRESENTATION DE
L'EGLISE CATHOLIQUE DU CAMEROUN
L'Eglise Catholique au Cameroun est divisée en 5
provinces ecclésiastiques189(*) qui sont :
Ø La province ecclésiastique de douala, qui
compte 5 diocèses ;
Ø La province ecclésiastique de Yaoundé,
qui compte 7 diocèses ;
Ø La province ecclésiastique de Bertoua, qui
compte 4 diocèses ;
Ø Laprovince ecclésiastique de Garoua,qui compte
4 diocèses ;
Ø La province ecclésiastique de Bamenda, qui
compte 4 diocèses.190(*)
Chacune de ces provinces ecclésiastiques comprend un
ensemble de diocèses dont le principal est un archidiocèse.
Ainsi, les archidiocèses concernés par cette étude se
situent respectivementdans les deux premières provinces
ecclésiastiques suscitées.
3.2.1.
L'archidiocèse de Yaoundé
L'archidiocèse de Yaoundé compte 132 paroisses
qui sont des unités territoriales de l'Eglise Catholique ayant à
leur tête un prêtre, clerc catholique. Elle compte environ
881 000 chrétiens catholiques sur une population totale
de1 800 000 habitants. Au nombre des services de cet
archidiocèses, on note : la procure, la santé, la
communication, la Caritas, l'Education, le CEFCA et la Commission
Diocésaine Justice et Paix qui nous intéresse le plus
ici191(*). Ces services
et structures regroupés pour la plupartà la Centrale
Diocésaine des OEuvres192(*).
Il compte en outre de nombreux mouvements d'action Catholique
au nombre desquels nous pouvons citer : Les femmes catholiques, l'Action
Catholique des enfants, les groupes sacré coeur de Jésus, la
miséricorde divine, la jeunesse estudiantine chrétienne
etc....193(*)
3.2.2.
L'archidiocèse de Douala
L'archidiocèse de Douala quant à lui compte 58
paroisses. Qui sont regroupés en 8 zones. Ses structures sont
concentrées à la cathédrale St. Pierre et Paul. Il s'agit
entre autre de l'évêché, siège administratif de
l'archevêque ; de la Radio Veritas, de la maison d'édition
Maccacos, de la Commission Diocésaine Justice et Paix. Il compte aussi
tous les mouvements catholiques suscités au sujet de
l'archidiocèse de Yaoundé.
3.2.3. La
Conférence Episcopale Nationale du Cameroun
« Une conférence épiscopale ou
conférence des évêques, institution à
caractère permanent, est la réunion des évêques
d'une nation ou d'un territoire donné, exerçant ensemble
certaines charges pastorales pour les fidèles de son territoire, afin de
mieux promouvoir le bien que l'Église offre aux hommes, surtout par les
formes et moyens d'apostolat adaptés de façon appropriée
aux circonstances de temps et de lieux, selon le droit. Ces
évêques et archevêques oeuvrent en
collégialité pour accomplir ensemble des tâches
d'intérêt commun »194(*).
Telle est la définition que nous pouvons retenir d'une
conférence épiscopale. En ce sens, tous ces 25 diocèses
que compte l'Eglise Catholique au Cameroun sont coiffés par la
Conférence Episcopale Nationale du Cameroun,au sein de laquelle
siègent tous les évêques du Cameroun. Elle est
présidée par un Evêque élu par ses paires lors de
l'Assemblée Plénière pour un mandat de 3 ans renouvelable
une fois.
Au nombre des présidents que cette structure a connu,
nous pouvons citer :
Ø Cardinal Christian Tumi,
Ø Mgr. André Wouking,
Ø Mgr. Simon TonyeBackot,
Ø Mgr. Joseph Antanga.
Après cette analyse des contextes de
démocratisation du Cameroun, examinons en cette deuxième section
du chapitre, la problématique de l'intervention de l'Eglise Catholique
dans le champ politique camerounais et donc dans ses luttes
démocratiques.
3.3. L'ANALYSE DE LA
PROBLEMATIQUE DE L'INTERVENTION DE L'EGLISE DANS LE CHAMP POLITIQUE
CAMEROUNAIS.
L'objectif de cette section est de comprendre les
circonstances dans lesquelles l'Eglise Catholique intervient dans le champ
politique camerounais, en situant notre réflexion dans le cadre de la
laïcité que clame la Constitution camerounaise en son
préambule. N'entend-t-on pas clamer partout « rendez à
César ce qui est à César età Dieu ce qui est
à Dieu ? » Qui donc est César et qui est Dieu au
Cameroun? Puisqu'il s'agissait évidement ici du politique et de
l'Eglise, comment comprendre les prises de position de l'Eglise sur les
questions politiques au Cameroun ? Confusion de
«chapelle » ? Ou encore, l'Eglise en général
et celle du Cameroun en particulier, a-t-elle la légitimité
d'intervenir dans les affaires politiques195(*) ?
Une telle réponse dans le cas camerounais exige que
nous présentions au préalable la question de la
laïcité et ses contours.
3.3.1. Du principe de la
laïcité
Le concept de laïcité comme celui de
sécularisation dont il est le dérivé est très
vague. Le professeur M.Ndongmo dit d'ailleurs à ce sujet qu'il s'agit
d'un « concept flou, ambigu et très
complexe»196(*). Il va de la stricte séparation des pouvoirs
politiques et religieux au relaye complet du religieux de l'espace public
à la stricte sphère de la conscience individuelle ; une
sorte de négation du religieux. Nous l'abordons ici uniquement sous
l'angle des rapports de l'Eglise-institution avec l'Etat ou avec le champ
spécifiquement politique.
La laïcité trouve ses origines dans le
christianisme même. C'est dans ce sens que
J.-C. Barreau,
essayiste catholique, soutien que « la laïcité [est]
une invention chrétienne, la distinction du temporel et du spirituel, de
la politique et de la religion naît dans le judaïsme à
l'époque évangélique»197(*). Elle trouverait son
origine dans les textes fondateurs du christianisme ; notamment dans
l'interpellation de Jésus de Nazareth qui disait à ses
adeptes : « rendez à César ce qui est à
Cesare et à Dieu ce qui est à Dieu » ;bien
que d'autres auteurs comme
J.-M.
Ducomtepense autrement, en estimant que la laïcité
« est d'abord et essentiellement une démarche
d'affranchissement [du temporel] par rapport aux prétentions des
Églises à fonder l'ordre social et politique»198(*), et donc qu'elle ne saurait
être une invention chrétienne.
Cependant, ce sont les conjonctures historiques qui, ayant
longtemps conduit à des affrontements entre le pouvoir politique et le
pouvoir ecclésial199(*), ont entrainé finalement à l'adoption
du principe de la laïcité ; entendue comme séparation
des églises et de l`État, du politique et du religieux.200(*)
Ainsi, la laïcité a pris corps pour la
première fois pendant la
Révolution
française :l'abolition de l'
ancien
régime en
Août 1789
s'est accompagnée de la fin des privilèges
ecclésiastiques201(*) et de l'affirmation de principes universels, dont la
liberté
de conscience et l'
égalité
des droits exprimés par la
Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen. Plus tard au XIXe
siècle, des lois de la sécularisation ont progressivement
affranchi l'
État
français de ses liens historiques avec l'
Eglise
Catholique et créé de nouvelles normes politiques et sociales
bâties sur le principe de l'
universalisme
républicain. La religion ici est relayée à la
sphère privée ; la sphère publique étant
réservée exclusivement au laïc202(*). C'est pourquoi M.Ndongmo
affirme dans ce sens :
« La religion subsiste, mais en marge de la
société, à condition que ses prétendus principes
moraux ne viennent pas perturber les règles de droit
éditées par le souverain et que son prosélytisme n'entame
pas la paix publique. »203(*)
Bref, la laïcité venait mettre fin à une
longue histoire tumultueuse qui unissait l'Eglise et l'Etat et surtout à
« la prétention hégémonique »
de l'Eglise à imposer un sens à toute chose. Plus tard, avec la
Constitution
française de 1958, la laïcité fonde désormais le
pacte républicain204(*).
Pour mieux comprendre ce processus de sécularisation de
la vie publique, reprenons à notre compte ces propos de C.
Greffé :
«Les grands secteurs de la vie humaine
échappent progressivement à l'institution
ecclésiale : ils appartiennent à l'ordre du rationnel, du
scientifique, du politique. Le trait sans doute le plus décisif de ce
processus de sécularisation à l'époque moderne est
l'extension de la rationalité à tous les secteurs de la
réalité. C'est le `désenchantement' du monde au sens de M.
Weber. La nature ne recèle plus de secret : elle appartient au
domaine de l'expliqué, de l'objectivable, du
`disponible'»205(*).
Telle est de manière résumé l'histoire de
la laïcité en Occident, notamment en France, pays sous la tutelle
duquel, nous le savons, le Cameroun est resté de 1919 jusqu'à son
indépendance en 1960 et dont les principes de la laïcité ont
été transposés au Cameroun, à travers l'adoption de
la constitution française.
3.3.2. De la
laïcité au Cameroun
En lisant la constitution du Cameroun, nous constatons
qu'aucun acte juridique n'a jamais institué une confusion entre l'Etat
et une quelconque religion. Bien au contraire, la première constitution
du Cameroun indépendant adoptée par référendum le
21 Février 1960, stipule en son préambule :
« L'Etat est laïc. La neutralité et
l'indépendance de l'Etat vis-à-vis de toutes les religions sont
garanties ; la liberté du culte et le libre exercice de sa pratique
sont garantis».
Par ce principe hérité de la constitution
française, le Cameroun, comme les autres pays de l'Afrique
française précisait « le type de relation ou de
collaboration qui doit exister entre l'Etat et les religions, entre le
politique et le spirituel, entre le pouvoir temporel et le pouvoir
ecclésial »206(*). Ainsi, aucune religion n'aurait en terre
camerounaise le monopole de l'orientation de la vie de la nation, mais les
décisions dans ce sens seraient le monopole exclusif du politique,
à travers bien évidement l'expression de la volonté
populaire. Il est vrai que le Cameroun n'avait pas fait l'expérience de
la révolution française qui a opposé Eglise et Etat. Ce
qui aurait conduit à l'adoption de la laïcité
française ; mais une telle expérience française
était une belle leçon pour prendre déjà des
précautions au Cameroun. C'est pourquoi nous estimons que la
laïcité constitutionnelle de 1960 au Cameroun fut une
« laïcité précaution » et non
une « laïcité conséquence »
comme en France. Cependant, notons que les rapports qui avaient
déjà opposés les pouvoirs coloniaux et les forces
religieuses pendant la colonisation présageaient déjà des
conflits Eglise-Etat que seule la loi devait prévenir207(*). L'adoption du principe de
la laïcité était donc une nécessité. C'est
pourquoi
Maud Lasseur
écrit :
« L'affirmation de la laïcité dans
la première Constitution camerounaise, il y a quarante ans, ne releva
pas uniquement d'un mimétisme institutionnel vis-à-vis de
l'ancienne métropole. Pour lier ce qui, dans un Etat en attente de
nation, était divisé sur le plan cultuel, il s'avérait
indispensable d'inventer les fondements du contrat social à partir d'un
stock de valeurs et symboles transcendant la diversité des
religions»208(*).
Au demeurant, il ne faut pas entendre par la
laïcité camerounaise que le Cameroun se soit bâtit contre la
religion ;ce que J.P.Messina qualifie d'« héritage
anticlérical du laïcisme français »209(*). A la veille du
référendum constitutionnel de février 1960, le
président Ahidjo affirmait, dans un appel à la nation : «
Nous avons placé le Cameroun sous la protection de Dieu que
catholiques, protestants, islamisés et tout Camerounais adorent
[...] »210(*).
Ainsi, l'Etat camerounais est resté laïc mais
croyant, se rattachant à cette famille d'Etats africains que M.A. Glele
qualifie d'Etats « laïcs spiritualistes »211(*), plus proches, finalement,
du modèle de laïcité américain que
français.
Cette laïcité ne signifie donc pas que les
religions sont éradiquées de la vie publique mais juste qu'elles
respectent le monopole de l'Etat en matière de législation et de
toutes autres prises de décision pour l'orientation de la nation. Par
conséquent, les Eglises ont toujours leur mot à dire sur la vie
de la nation.
De surcroit, définir la laïcité comme
retrait des religions dans la sphère privée, abandonnant la
sphère publique au pouvoir temporel ne sied pas avec le cas camerounais.
En effet au Cameroun, les Eglises investissent fortement l'espace public,
notamment depuis le vent de libéralisation de 1990. De plus, dire que
l'Etat s'occupe des affaires temporels et l'Eglise des affaires spirituelles ne
tient pas non plus car au Cameroun, l'Eglise Catholique a été
longtemps première sur ce champ : vu ses nombreuses infrastructures
de santé, d'éducation, d'encadrement des masses etc.
Entre l'Eglise Catholique et l'Etat camerounais il existe une
assez grande cohabitation : les deux ont en commun ceux que l'Etat nomme
citoyens et que l'Eglise nomme ses fidèles. Tous deux remplissant des
missions diversifiées auprès de ceux-ci ;même si
celles remplies par l'Eglise, en plus d'être spirituelles sont aussi
temporelles ;l'Eglise rivalisant avec l'Etat dans son rôle
d'encadrement des masses, comme l'a bien montré J.F. Bayart212(*).
Bref, on peut retenir ici que la laïcité à
la camerounaise est bien distincte d'une laïcité à la
française.
3.3.3. L'Eglise Catholique
et la laïcité au Cameroun
Si la laïcité est une création de
l'Eglise213(*), elle
n'est pas toujours restée fidèle à la prescription du
Christ qui avait recommandé que César s'occupe des affaires du
monde et l'Eglise de celle du Ciel. En effet, dès l'antiquité,
l'empereur romain Constantin, estimant que l'Etat avait besoin de l'Eglise pour
la prospérité et la paix dans l'empire, promulguait l'édit
de Milan de 313214(*).
Il mettait ainsi fin à une longue période de persécution
et de clandestinité dont étaient objet les Chrétiens
depuis le premier siècle. Il leur ouvrait aussi la voie à
l'espace public. Gagnant de plus en plus de l'espace, l'Eglise devint toute
puissante au point de devenir une institution d'Etat ;notamment lorsque
l'Empereur Théodose Le Grand renonça en 380 à son titre de
« PontifexMaxilus » pour le conférer au
Pape. C'est depuis lors que pouvoir politique et pouvoir religieux se
confondaient, que les papes sacraient les rois et les déposaient
à leur guise, que s'instaurait la théocratie : le pouvoir
conférer par le Pape au roi venant de Dieu lui-même.
Plus tard lors de la révolution, l'Eglise voyait d'un
très mauvais oeil le fait qu'elle soit relayée à la seule
sphère spirituelle et qu'elle perde de son privilège de religion
d'Etat. C'est dans ce sens que les papes et les clercs dans leur
majorité combattaient la laïcité. Le pape Pie X
écrivit dans ce sens :
« Qu'il faille séparer l'État de
l'Église, c'est une thèse absolument fausse, une très
pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l'État
ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d'abord
très gravement injurieuse pour Dieu. [...] Nous lui devons donc, non
seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour
l'honorer »215(*).
Cependant, plus tard l'Eglise s'est alignée au principe
de la laïcité ; acceptant de respecter la distinction des
champs de compétence. Le concile Vatican II est le couronnement de ce
processus de légitimation. Il affirme notamment :
« Sur le terrain qui leur est propre, la
communauté politique et l'Eglise sont indépendantes l'une de
l'autres et autonomes. Mais toutes deux, quoi que à des titres divers
sont au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes.
Elles exerceront d'autant plus efficacement ce service pour le bien de tous
qu'elles rechercheront davantage entre elles une saine coopération, en
tenant également compte des circonstances de temps et de lieu. L'homme
en effet n'est pas limité aux seuls horizons terrestres mais vivant dans
l'histoire humaine, ils conservent intégralement sa vocation
éternelle. Autrement dit, le chrétien, fidèle ou pasteur,
est d'abord chrétiennes deux citées : la cité
terrestre et la cité céleste »216(*).
Au cours de l'audience accordée aux membres du
56è congrès national de l'Union des Juristes
Catholiques italiens sur le thème : « La laïcité et
les laïcités », Benoît XVI fustigeait
l'ingérence de l'Eglise en politique, mais en réaffirmant la
nécessité d'une « saine laïcité »
qui n'exclue pas Dieu, et reconnaisse pour l'Eglise « le droit de se
prononcer sur les problèmes moraux qui aujourd'hui interpellent la
conscience »217(*).Ceci est une preuve que l'Eglise est acquise
à la laïcité.
Avec l'avènement de l'Etat Camerounais, l'Eglise
accepta de respecter cette distinction au Cameroun. Quoi qu'elle soit assez
influente au Cameroun, il n'y a aucune confusion entre l'Etat et l'Eglise.
C'est sous sa casquette d'institution de la société civile que
l'Eglise comme toutes les autres OSC d'ailleurs, peut intervenir dans le combat
pour la démocratie ;intervention qu'on ne peut comprendre que si
l'on retrace brièvement l'évolution des rapports qui l'ont
historiquement uni à la démocratie.
3.3.4. L'Eglise Catholique
et la démocratie : un bref aperçu historique
Avant de nous appesantir surla participation proprement dite
de l'Eglise Catholique dans le processus contemporain de démocratisation
au Cameroun, il convient de jeter un regard rétrospectif sur
l'évolution des rapports historiques qui l'ont lié à la
démocratie.
3.3.4.1. L'Eglise et la démocratie dans le
monde : de l'opposition à la démocratie aux luttes pour la
démocratie
L'Eglise, peut-on noter sommairement, n'a pas
théorisé dès ses origines sur la démocratie ;
mais très tôt, il a marqué au pouvoir politique ses
limites. Augustin d'Hippone, refusait par exemple l'idée que l'homme
puisse avoir comme tel un pouvoir sur un autre homme ; tout pouvoir venant
de Dieu. Cette conception débouchera plus tard sur l'Etat de droit et la
démocratie218(*).Une telle approche théocratique du politique
conduira également à la subordination du pouvoir politique au
pouvoir religieux et à la confusion des champs comme nous l'avons vu
dans la section consacrée à l'Eglise et la
laïcité.
Cependant, la partie de l'histoire de l'Eglise qui nous
intéresse concerne la période des luttes pour les libertés
et donc pour la démocratie. Si l'Eglise Catholique a fait alliance avec
le politique depuis l'empereur Constantin, cela l'a conduit à constituer
un soutien pour la monarchie et pour le statut quo. C'est pourquoi les
réformes des « lumières » l'ont violemment
opposé aux pères de la modernité qui trouvaient en elle et
en ses dogmes de véritables obstacles à l'avènement de la
modernité. D. Philpotttraduit cette réalité en ces
termes :
« Catholicisme et démocratie ?
Historiquement, les deux concepts se sont violemment heurtés. Les
libéraux modernes frémissent aujourd'hui encore à
l'évocation de la condamnation par les papes, au XIXe siècle de
la liberté religieuse, et des concordats entre l'Eglise et les
dictatures fascistes conclues au XXe siècle. Les catholiques,
aujourd'hui encore, éludent la question bien embarrassante des
révolutionnaires françaises décapitant des
personnalités catholiques pour faire avancer la cause des droits de
l'homme»219(*).
Ce choc entre l'Eglise et les libéraux ne s'est pas
limité aux « lumières », mais il s'est
accentué avec la grande vague anticléricale initié par le
marxisme qui trouvait dans la religion une institution liberticide ; selon
que K. Marx écrit lui-même :«La religion est l'opium
du peuple. Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit
supprimée en tant que bonheur illusoire du Peuple»220(*).
Lorsque que plus tard les mouvements de libéralisme
vont ravir à l'Eglise bon nombre de ses fidèles et que se
constituera un anticléricalisme quilui coutera beaucoup, l'Eglise
commencera à revoir progressivement ses positions sur les principes de
la modernité. Nous pouvons dire que la désertification de
l'Eglise en Europe et la crise vocationnelle221(*) qui en découle vient de ce choc entre
l'Eglise aux principes conservatistes et la modernité dont les valeurs
se veulent de plus en plus libérales.
Le Pape Léon XIIIest celui qui osera inaugurer un temps
nouveau où l'Eglise, moins attachée à ses dogmes et
à sa suprématie du passé s'ouvrira aux valeurs modernes.
C'est à son sujet que J. M.Rosay affirme : «...il
réussirait à détourner enfin l'Eglise de sa nostalgie d'un
Moyen Age révolu pour lui ouvrir les yeux sur les chances du monde
moderne»222(*). Son très célèbre encyclique
RorumNovarum, s'interrogeant face aux bouleversements sociaux et
politiques causés par l'industrialisation, sur les conditions du travail
des ouvriers, sur les rapports entre patrons et ouvriers, sur le marxisme etc.,
est aujourd'hui incontournable pour qui veut comprendre les
préoccupations sociopolitiques de l'Eglise et constitue les bases
même de la Doctrine sociale de l'Eglise.
Après ce pape, le pas décisif de l'Eglise dans
ce sens sera fait par le pape Pie XII. Avec ce dernier, l'Eglise, face aux
horreurs des deux guerres mondiales, non seulement recourt à
l'idée de nécessaire consentement du peuple, mais aussi, elle en
vient même à présenter la démocratie comme une
exigence : c'est par manque de démocratie que la guerre s'est
déclenchée et s'est entretenue. Les peuples veulent la
démocratie et ils ont raison de la vouloir. Il écrira
notamment :
« A la lueur sinistre de la guerre qui les
enveloppe, dans la chaleur cuisante de la fournaise où ils se trouvent
emprisonnés, les peuples se sont comme réveillés d'une
longue torpeur. Ils ont pris, en face de l'Etat, en face des gouvernants, une
attitude nouvelle, interrogative, critique, défiante. Instruit par une
amère expérience, ils opposent avec plus de
véhémence aux monopoles d'un pouvoir dictatorial,
incontrôlable et intangible, et ils réclament un système de
gouvernement qui soit plus compatible avec la dignité et la
liberté des citoyens»223(*).
Ainsi, l'Eglise, dès la sortie de la seconde guerre
mondiale s'inscrit officiellement contre tout pouvoir dictatorial.
L'ouverture du Vatican II par le pape Jean XXIII aurait
été l'occasion pour l'Eglise de consolider cette position et de
la systématiser. D'abord elle renonce ouvertement à sa fermeture
au monde moderne. Comme l'affirmait Jean XXIII à l'ouverture du
Concile : « Ouvrons nos portes au monde ».
C'est à ce Concile que l'Eglise prendra toutes les résolutions de
s'engager à la promotion du bien être intégral de
l'homme ; non seulement sur le spirituel, mais aussi sur le plan temporel.
Elle s'intéresse aussi à ce que les peuples vivent sur le plan
politique, économique, culturel, social etc. Elle s'ouvre
également au dialogue interreligieux et à
l'oecuménisme ; preuve qu'elle accepte désormais les
libertés des peuples et donc la liberté religieuse qu'elle se
détermine à promouvoir désormais. C'est ainsi que ce
Concile analysera et donnera ses orientations d'actionsur des thèmes
tels : la liberté religieuse, les moyens de communication sociale,
l'inculturation, l'oecuménisme224(*), l'Eglise et la politique, etc. Ces propos de
J.Mungala illustrent le tournant décisif de Vatican II et sa
résolution à contribuer au développement des
peuples :
« Le Concile Vatican II fut un tournant majeur
dans l'engagement de l'Eglise contre les dictatures de tout poil.
Officiellement, la haute hiérarchie de l'Eglise Catholique
s'était engagée à soutenir la détermination de
l'ensemble des clergés africains dans les pays sous le joug des
dictatures ostentatoires. En légitimant cette lutte des Eglises locales,
ce fut une nouvelle orientation de la doctrine catholique»225(*).
Ce refus et ce rejet de plus en plus ferme des autoritarismes
et des totalitarismes a conduit les papes de l'Après Vatican II à
s'engager contre les violations des droits et des libertés humaines.
L'encyclique de Jean XXIII « Pacem in terris » de
1963 met au centre de la réflexion ces préoccupations. Encyclique
moderne la plus complète sur la politique226(*), il y manifeste l'obligation
de faire le droit à ces trois éléments
considérés comme des parties intégrantes de la
démocratie : « respect des droits de l'homme - dans
les institutions politiques mêmes-, modération de l'exercice de
l'autorité, équilibre entre les pouvoirs se faisant contre
poids»227(*).
Jean Paul II aura été la figure
emblématique d'une telle lutte pour la démocratie, à
travers son combat contre le communisme, dont la chute en Europe de l'Est lui
est attribuée aujourd'hui228(*). Dans Ecclésia in Africa, il se prononcera
aussi contre les régimes dictatoriaux africains, et exhortera les
africains à s'engager dans la lutte pour la démocratie, qui seule
pourra garantir aux peuples africains le respect de leurs libertés, et
les conditions de leur émergence. Le pape écrit à ce
sujet :
« Les fondements d'un bon gouvernement doivent
être établis sur la saine base de lois qui protègent les
droits et définissent les devoirs des citoyens. Je dois constater avec
une grande tristesse que de nombreuses nations d'Afrique peinent sous des
régimes autoritaires et oppressifs qui dénient à leurs
membres la liberté personnelle et les droits humains fondamentaux, tout
spécialement la liberté d'association et d'expression politique
de même que le droit de choisir leurs gouvernants au moyen
d'élections libres et impartiales.[...] C'est pourquoi le Synode a
considéré avec raison que la démocratie authentique, dans
le respect du pluralisme, est « l'une des routes principales sur
lesquelles l'Église chemine avec le peuple. [...] Le laïc
chrétien engagé dans les luttes démocratiques selon
l'esprit de l'Évangile est le signe d'une Église qui se veut
présente à la construction d'un état de droit, partout en
Afrique »229(*).
Suite à cette même réforme de Vatican II
un mouvement sociopolitique et théologique a vu le jour en
Amérique Latine : la théologie de libération.
Création des théologiens, ce vaste mouvement social et politique
à caractère socialiste engageait les chrétiens à
majorité catholique dans des initiatives de luttes contre la
pauvreté et les structures sociopolitiques de sa production230(*).
3.3.4.2. L'Eglise et la démocratie au
Cameroun : des questions exclusivement spirituelles à la promotion
de la démocratie.
Le cheminement de l'Eglisesur les questions de
démocratie au Cameroun fut presque le même. L'Eglise, «
ayant longtemps envoyé ses fidèles au Ciels comme si la terre
n'existait pas »231(*), a reconnu que sa première
évangélisation en Afrique, celle réalisé par les
missionnaires de la période coloniale, fut en parti un échec.
Echec, en raison de ce qu'elle contribua fortement à détourner
ses fidèles des préoccupations sociales et politiques qui les
concernaient pourtant fondamentalement, selon que J. M. Elaécrit :
« Les missionnaires n'ont pas toujours
cherché à susciter des éveilleurs et des ingénieurs
d'âmes, des conducteurs d'hommes et des libérateurs, mais ils ont
formé des chrétiens passifs, traités en mineurs, comme des
grands enfants »232(*).
Ou encore, échec en raison de
l'étrangeté de son discours théologique vis-à-vis
des « conditions dramatiques » où vivent
les africainscomme le reconnait J. M. Eladans repenser la théologie
africaine233(*).
Après une prise de conscience de la condition de
misère des africains, L'Eglise s'est engagée à promouvoir
la participation politique de ses fidèles afin de transformer la
« vie profane », sociale et politique et mettre sur pied un
ordre social qui soit propice à l'épanouissement de tous, et par
là l'éveille de la nation. Cette interpellation à
l'engagement social et politique des chrétiens est portée depuis
lors par l'Enseignement Social de l'Eglise. Doctrine politique de l'Eglise,
né à cet effet avec le Pape Léon XIII dans son encyclique
RorumNovarum, face aux bouleversements sociaux et politiques
causés par l'industrialisation234(*).Ainsi, promue par tous les derniers papes, cette
action d'évangélisation du monde social et politique a
été amorcée au Cameroun depuis la veille de
l'indépendance. Au moment où les chrétiens quittaient
l'Eglise pour rejoindre les mouvements indépendantistes235(*). Depuis lors, elle est au
centre des préoccupations desévêques du Cameroun, notamment
à travers leurs innombrables lettres pastorales dont la dernière
a été celle de Mai2011, invitant les chrétiens à
s'inscrire sur les listes électorales. L'interpellation de ceux du
diocèse de Douala est plus prononcée, car leurs publications sont
les plus récurrentes à travers la Radio " Veritas " et le presse
écrite " Effort Camerounais " crées entre autres, en vue
d'informer, de former et de sensibiliser les chrétiens et les autres
citoyens sur les problèmes sociopolitiques du pays qui les engagent, et
" d'assurer le suivi du processus démocratique »236(*). Voir par exemple l'Effort
N°508 : « l'inscription sur les listes électorales :
un devoir citoyen pour les chrétiens. »
L'action de l'Eglise dans ce sens s'est fait ressentir au
Cameroun à travers la voix des évêques ;le souci
étant de conduire les camerounais à la construction d'une nation
prospère.
Déjà avant l'indépendance, face à
une pratique comme les travaux forcés, à laquelle
l'administration française a eu recourt au Cameroun, l'Eglise s'est
opposée, accomplissant ainsi ses « fonctions
tribuniciennes » aux côtés d'un peuple
abandonné sous le joug d'un régime de torture sans limite. Ce
rôle de l'Eglise est amplement développé par L. P.
Ngongo237(*). Dans la
même perspective, l'Eglise a contribuéà travers ses
structures d'éducation, à former la conscience nationaliste des
camerounais, laquelle les a conduit plus tard à l'émancipation
citoyenne et à la création des mouvements indépendantistes
pour la prise en main des affaires de leurs pays. Même Si,
« au moment mêmeoù la prise de conscience nationale
se précisait comme force de revendication et de libération
nationale, [elle a] changé de point de vue en faveur du pouvoir
colonial » comme l'estime KengnePokam238(*). Changement de camp que
J.P.Messina239(*)
explique plutôt par les affiliations communistes de l'UPC, porteur du
mouvement indépendantiste ; L'Eglise étant à cette
période d'avant Vatican II, aux antipodes du communisme.
Pendant la longue période de monolithisme ou du
système à parti unique instauré par Ahidjo, l'Eglise est
resté le seul véritable contre poids face à un pouvoir
dictatorial tout puissant. Avec la voix de ses clercs et ses moyens de
communications dont elle s'est servie pour assurer la veille citoyenne tout au
long de cette période sombre de l'histoire de la démocratie
camerounaise. L'Effort Camerounais su jouer ce rôle avec succès
comme le reconnait J.F. Bayart240(*).
Les figures principales de cette périodes de luttes
sont celle de Mgr Thomas Mongo dans sa médiation pour ramener l'UPC
à la légalité, après son éviction de la
scène politique par Pierre Messmer241(*) ; celle de Mgr Ndongmo qui fera le même
travail et serra accusé de complicité avec l'UPC, puis
condamné à mort, gracié et exilé au canada ;
celle du Cardinal Christian Tumi dans ses prises de positions
« face aux régimes [celui d'Ahidjo et celui de Biya] qui,
brandissant des slogans de la démocratie, semble avoir choisi le
mensonge, la délation, la roublardise et les coups bas pour gérer
sans rougir un peule pris en otage par les structures de
péché »242(*).
Parvenu au terme de ce chapitre, retenonsqu'il nous aurait
permis de souligner la suprématie du parti-Etat qui a le monopole du
champ de démocratisation. Retenons aussi la résolution de
l'Eglise Catholique depuis Vatican II à rejeter toutes formes
de dictatures au profit de la démocratie, et sa participation comme OSC,
à la construction de la démocratie camerounaise.
CHAPITRE 4:
UNE PARTICIPATION MITIGEE
DE L'INSTITUTIONCATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS
Il faut dans toutes recherches sur l'Eglise Catholique tenir
compte de sa complexité et tacher de distinguer les faits et dire de
l'institution de ceux de ses membres. L'Objectif de ce chapitre est d'analyser
la participation propre de l'Eglise en tant qu'elle est une institution, et
représentée à cet effet par des autorités
légitimes à plusieurs niveaux.
L'ouverture du Cameroun aux vents des démocraties des
années 90, après plus de deux décennies de monolithisme a
été saisie par l'Eglise comme une chance. Elle lui a permis de
continuer son action dont elle s'était donnée la mission depuis
Vatican II et qu'elle avait initié au Cameroun depuis avant
l'indépendance. Ce rôle de l'Eglise s'était
considérablement éclipsé depuis l'avènement du
monolithisme politique instauré de force par le Président Ahidjo
dans les années 60, comme nous l'avons vu plus haut.Allant dans le
même sens, Constantin et Colon écrivent :
« Comme chez la plupart des camerounais, sous la
passivité apparente des Eglises se cachaient bien des frustrations et
des aspirations autres. Aussi, quand la pression autoritaire s'est
atténuée, quand le changement a paru possible, la plupart des
Eglises, chacune à sa manière et à son rythme, se sont
politiquement réveillées»243(*).
C'est pourquoi, bénéficiant du contexte du
pluralisme démocratique, l'Eglise engagea sa machine de changement
social prévue à cet effet pour accompagner le processus
démocratique. Analysant le Cas du Congo, J. Mungala Feta a la même
lecture d'une telle implication de l'Eglise en contexte
démocratique :
« Il convient de situer la participation de
l'Eglise dans le débat démocratique qui constitue à la
fois un cadre d'expression de la liberté des personnes et offre à
l'Eglise la possibilité de participer aux débats et aux
décisions de société»244(*).
Cette action de démocratisation
initiée par l'institution est très mitigée et peut
être analysée sous des aspects tels que l'action institutionnelle
de restructuration du jeu politique et les facteurs de contradiction de cette
action.
4.1. L'ACTION
INSTITUTIONNELLE DE L'EGLISE POUR LA RESTRUCTURATION DU JEU POLITIQUE
CAMEROUNAIS
Il convient d'analyser cette intervention dans le processus de
construction de la démocratie, afin de rendre compte de son
caractère mitigé. Cetteanalysede la participation de l'Eglise va
se faire aussi bien au niveau international qu'au niveau local. C'est pourquoi,
en abordant successivement la contribution et la complexité de cette
contribution, nous entendons articuler notre argumentaire sur ces
différents niveaux: l'Eglise universelle, la CENC et les organisations
catholiques.
4.1.1. L'EGLISE
UNIVERSELLE ET LA DEMOCRATISATION CAMEROUNAISE
Nous ne pouvons analyser la participation de l'Eglise
Catholique en tant qu'elle est une institution supranationale245(*), en nous limitant à
l'Eglise locale qui est au Cameroun. Ceci parce que les faits et dire de la
plus grande hiérarchie catholique qui est à Rome concernent
parfois toutes les Eglises particulières. C'est en ce sens qu'ennous
intéressant à l'autorité vaticane, nous nous sommes rendu
compte qu' il a une action à l'endroit du Cameroun ; compte tenu de
la visite des deux derniers papes en terre Camerounaise sur invitation de la
Présidence de la République de concert avec la CENC246(*), et de la remise par ceux-ci
au Cameroun, des documents à caractère socio pastoral de grande
importance pour les pays africains ; compte tenu aussi de l'action du
Conseil pontifical Justice et Paix à l'endroit des pays africains.
4.1.1.1. Jean Paul
II : L'invitation à la démocratisation
En septembre 1995, le Pape jean Paul II arrivait au Cameroun
pour la deuxième fois. Une telle visite ne peut être vue par le
sociologue comme politiquement neutre, compte tenue non seulement des relations
diplomatiques du Cameroun avec le Vatican en tant qu'Etat et en tant
qu'institution religieuse, mais aussi de la remise de l'exhortation apostolique
post-synodale Ecclésia in Africale 15 Septembre 1995 à
Yaoundé ;exhortation dont il convient d'entrer ici dans
l'intelligence du message pour les systèmes politiques africains en
général, et camerounais en particulier.
Le pontificat de Jean Paul II, nous l'avons vu avec les
auteurs de religion du Monde et démocratie, de religion et
démocratie et bien d'autres, a été marqué par
sa lutte en faveur de la démocratie, notamment sa contribution à
l'écroulement du communisme. C'est dans cette perspective de lutte mais
cette fois contre les dictatures africaines qu'il faut comprendre l'exhortation
apostolique remis à Yaoundé, notamment en son chapitre 6.
Sur les 6 chapitres que comporte le document, le pape a
consacré les 1/6 aux questions de politiques africaines. Preuve que
l'Eglise Catholique n'est pas indifférente aux mutations sociopolitiques
en cours en Afrique.
Une autre dimension importante de cette exhortation
apostolique est la responsabilité qui est laissée aux
chrétiens africains pour déterminer leur propre destin. Cette
formule de Jean Paul II est restée célèbre
jusqu'aujourd'hui : « africains, devenez vos propres
missionnaires »247(*). Le mouvement de participation de tous à la
détermination du destin collectif en Afrique ne concerne donc pas
seulement le temporel, le religieux lui emboite le pas.
Pour illustrer la pertinence d'un tel apport de Jean Paul II
pour la démocratie camerounaise, examinons ces résultats de
l'analyse documentaire que nous avons portée sur cette exhortation.
Tableau10: Place accordée aux
questions de démocratie dans le chapitre 6 d'ecclésia in
Africa : Construire le Royaume de Dieu
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Source : Par nos soins.
Au demeurant, il ne faut pas voir dans cette remise officielle
des directives à l'endroit des politiques africaines. Il s'agit
davantage d'un document, d'une invitation lancée aux chrétiens
africains à être des ferments de changements sociopolitiques dans
leurs sociétés respectives.
En tant que plus grande autorité religieuse dans le
monde, et bénéficiant par conséquent de son leadership
moral sur les pays à majorité chrétienne et en particulier
catholique, le pape entendait influencer à travers ces
déclarations les pouvoirs politiques africains.
Si ces derniers se sont tous impliqués dans le
processus démocratique, à l'aube de la décennie 90, il
faut reconnaitre avec ce pape qu'ils ont encore beaucoup à faire. Comme
on peut le lire dans Ecclésia in Africa :
« De nombreuses nations d'Afrique peinent sous
des régimes autoritaires et oppressifs qui dénient à leurs
membres la liberté personnelle et les droits humains fondamentaux, tout
spécialement la liberté d'association et d'expression politique
de même que le droit de choisir leurs gouvernants au moyen
d'élections libres et impartiales. »248(*).
C'est pourquoi, martèle le Pape, «
L'Église doit continuer à jouer son rôle
prophétiqueet à être la voix des sans-voix ».
Nous voyons déjà à ce niveau la contribution de l'Eglise
à la restructuration du jeu politique africain. Ce qui nous permettra
plus loin de comprendre les dessous ou le caractère mitigé de
cette contribution.
4.1.1.2. Benoit
XVI :l'appel à la réflexion sur la vie
politique.
Comme celle de son prédécesseur, la visite de
Benoit XVI au Cameroun en Mars 2009 n'était pas politiquement neutre,
c'est-à dire sans intérêt pour la vie politique au
Cameroun ; quoi que l'Agence France presse (Afp) estime que
l'intérêt du pape pour l'Afrique tient probablement au fait qu'il
s'agit d'une « région clé pour l'avenir de
l'église catholique »249(*). Bien au-delà de cela, cette visite a
constitué un apport à l'action de l'Eglise dans la promotion
d'une gestion collective de la chose publique. En ce sens qu'elle a
été en même temps l'occasion pour lui de remettre
l'instrumentumlaboris250(*) pour la préparation du synode au cours duquel
l'Eglise devait réfléchir sur les conditions de mise en place
d'un règne de réconciliation, de justice et de paix en Afrique.
On peut le lire de Cameroun infos : « Son arrivée
[celle de Benoit XVI] s'inscrit dans le cadre de la préparation de la
2e assemblée spéciale du synode pour l'Afrique
prévue à Rome en octobre 2009 »251(*). A titre
d'illustration, en souhaitant la bonne année 2008 au monde entier depuis
la Cité du Vatican le 22 décembre 2007, il avait
dévoilé son intention missionnaire pour janvier 2008 en ces
termes : «Pour que l'Eglise, qui se prépare en Afrique à
la seconde assemblée spéciale du synode des évêques,
continue d'être le signe et l'instrument de réconciliation et de
justice malgré la guerre, l'exploitation et la pauvreté qui
marquent le continent ! »
Ce document officiel que benoit XVI a publié finalement
s'inscrit dans la même lignéedes questions sociopolitiques que
celui de Jean Paul II que nous avons analysé plus haut.
Examinons-le brièvement pour en ressortir
l'intérêt pour la démocratisation en cours au
Cameroun : Contrairement au document précédent, celui-ci
consacre uniquement les ¼ d'un chapitre sur 5 aux questions
sociopolitiques africaines. Sur ce, présentant l'institution politique
comme « un instrument majeur au service de la
réconciliation, de la justice et de la Paix »252(*), il invite l'Eglise à
contribuer à édifier la société en collaboration
avec elle : « les autorités gouvernementales, et les
institutions publiques et privées engagées dans
l'édification du bien commun»253(*).
Telle est de manière brève l'apport de ce
document aux préoccupations de promotion de la société
camerounaise.
4.1.1.3. Le Conseil
Pontifical Justice et Paix et la promotion de la démocratie en
Afrique
Dans cette perspective de l'action de l'Eglise au niveau
régional, et dans le même sillage de l'accompagnement des
politiques africaines par l'Eglise, le Conseil Pontifical Justice et Paix
organisait avec le SCEAM254(*) à Dar-es-Salaam en Tanzanie en Aout 2008 une
conférence continentale sur le thème : « Vers
une nouvelle évangélisation de la société
africaine ». Elle entendait, selon les recommandations de Benoit XVI,
« porter une attention significative aux défis du
continent sous le signe de l'espérance »255(*). Il y était
recommandé la création, des CommissionsJustice et Paix, aux
différents niveaux, comme le recommande l'exhortation apostolique post
synodale ecclésia in Africa256(*).
Outre l'invitation persistante à diffuser l'Enseignement
Social de l'Eglise et à l'appliquer selonles réalités
sociopolitiques de chaque pays, des conférences y ont été
organisées, sur la famille, la promotion de la paix, l'engagement
politique des fidèles laïcs, l'économie et le
développement, la promotion du bien Commun, les droits de l'homme etc.
Mobilisant à la fois des ressources spirituelles et
morales à des fins de promotion du politique, ces conférences
entendaient impacter sur le vécu des sociétés africaines.
Il s'agit notamment de celles données par le camerounais J.B. Talla sur
l'engagement politique des laïcs en Afrique.
Il n'y a pas plus grande preuve de cette mobilisation des
valeurs religieuses à des fins sociales et politiques que cette
interpellation de J.B Talla257(*) :
«Pour donner sens à notre engagement social,
il faut s'abreuver aux sources de la doctrine sociale. ...L'insuffisance de
l'enseignement du patrimoine de l'Eglise est reconnue comme l'une des raisons
pour lesquelles nos comportements n'en sont pas le reflet»258(*).
L'objectif de ces conférences, celui de poursuivre
l'action de démocratisation de l'Eglise n'est plus à
démontrer. Dans son allocution d'ouverture, Frank Spengler,
représentant de la Fondation Konrad Adenauer donnait la raison
rassemblant ces conférences : « rechercher un
système politique qui ne perde pas de vue les aspects
sociaux »259(*). Cette conférence atteste
l'intérêt porté par l'Eglise au niveau africain pour de
réels changements sociopolitiques en Afrique.
4.1.2. LES LETTRES
PASTORALES DE LA CENC SUR LA VIE SOCIOPOLITIQUE CAMEROUNAISE
La CENC, l'avons-nous dit plus haut, est l'instance
représentant l'Eglise Catholique et en charge de se prononcer
officiellement sur toutes les questions religieuses comme celles
sociopolitiquesdu pays. A cet effet, elle a toujours taché de prendre la
parole pour donner l'avis de l'Eglise sur la vie politique du Cameroun, et donc
sur le processus démocratique qui y est en cours. Depuis l'ouverture
démocratique de 1990, elle a eu à se prononcer pendant les plus
grands moments de ce processus comme sur les questions les plus
déterminantes de celui-ci,pour dire ce que l'Eglise en pense, et pour
faire des propositions qui sont à même de conduire le Cameroun
dans sa marche vers une démocratie authentique. Nous examinons parmi la
vingtaine de ses lettres pastorales, celles les plus en rapport avec les
questions du processus démocratique en cours.
4.1.2.1. Lettre pastorale
des évêques sur la crise économique dont souffre le pays
(1990)
Une lettre pastorale est un document officiel qu'un
prêtre, un évêque ou un ensemble d'évêques
adressent aux fidèles de l'Eglise, sur une question précise.
Le 30 Juin 1990, la Conférence des
évêques du Cameroun publiait une lettre pastorale sur la situation
politique, économique et sociale du Cameroun. Le tableau qu'elle
présente du Cameroun est sombre et sévère. Elle
déplore les crimes impunis, la corruption, les détournements des
deniers publics, la mise en place de ce que Jean Paul II nommait
« structures de péchés», qui enfoncent la
plupart des camerounais dans une misère profonde. Cette lettre pastorale
est un désaveu qui jusqu'aujourd'hui a prévalu.
A travers cette production discursive surle débat
public camerounais de cette période d'ouverture démocratique, les
évêques entendaient continuer le rôle majeur de
restructuration du jeu politique. S'inscrivant dans une perspective de lutte
pour les droits des citoyens privés du bonheur par une minorité
que constituait la classe politique dirigeante du Cameroun.
Les évêques catholiques s'inscrivaient ainsi dans
la même perspective que biens d'autres mouvements de libération de
cette « aube démocratique »260(*). Comme l'a signifié
J.Y. Calvez :
« En accord avec certains mouvements de
libération syndicale et politique, avec les associations de
défense des droits de l'homme et bien d'autres forces morales,
intellectuelles et religieuses, l'Eglise n'a pas été
absente, loin de là, du combat qui a abouti à des conquêtes
démocratiques inspirées au début de la décennie
90»261(*).
Les évêquesfaisaientle constat quela vie
publiqueétait en perte de moralitéet que c'était l'une des
causes de la crise qui frappe les camerounais.
Ces évêquespromouvaient ainsi la vulgarisation et
le respect des lois en particulierles lois qui touchent l'ensemble de la
population, et par là ils soutenaient la bonne volonté des
populations à s'impliqués dans la relève du pays.
En outre, mettant l'accent sur la dimension éthique de
cette crise, les évêques mettaient en garde contre les
dérives morales qui entravent le processus démocratique. En
effet, si l'Eglise est « experte en humanité » comme
l'affirmait le pape Paul VI262(*), son expertise concerne essentiellement les
questions morales. C'est pourquoi les évêques mettent l'accentsur
l'aspect moral de la vie publique au Cameroun. Dans ce sens, C.Makiabo
écrivait : « Pas de démocratie sans
moralité publique : il est impossible d'établir la
démocratie dans un pays où règne l'immoralité.
L'immoralité qui elle, mène à la
dictature»263(*).
L'Eglise se constituait ainsi, comme moyen d'expression des
aspirations des camerounais à un mieux-être ; un rôle
qu'elle a assumé dans plusieurspays, notamment les moins
démocratisés. C'est pour cela que C.Makiabo estime que l'Eglise a
souvent apparu dans bien de pays comme « seul canal possible
d'expression des revendications »264(*).
Nous voyons ici que l'intervention de l'Eglise dans la
mouvance démocratique se caractérise par un souci de
constructionou de reconstruction du politique et de la démocratiepar le
religieux. Ces deux réalités ne sont pas d'ailleurs
exclusives,comme le soutien A.Dieckhoff :
«L'avènement de l'âge
démocratique ne s'est pas opéré sur une tabula rasa
religieuse, mais au contraire le fait religieux a joué, par des
processus complexes et contradictoires, dans cette maturation
politique »265(*).
C'est en ce sens que, réunis en assemblée
plénière à Mvolyé- Yaoundéles
évêques se sont penchés sur les problèmes de la
justice sociale. A leurs yeux, cette justice est compromise par les
évènements que connait le pays. Ils constatent que le
désordre menace les vies et les personnes. Conscients qu'ils ont en face
d'eux des acteurs politiques qui ne sont pas toujours des promoteurs de la
démocratie, ils leur font la proposition des voies et moyens de
démocratisation, se fondant surces valeurs religieuses qui ont
intégré depuis le milieu du XIXe siècle les
principes démocratiques.
Cette contribution des évêques peut être
comprise par le fait que leur voix reste l'une des voix les plus attendues et
les plus entendues dans un contexte de combat démocratique où
l'opposition est très fragilisée et les OSC méconnues de
la masse des citoyens. En ce sens, l'Eglise Catholique est restée
pendant longtemps la seule véritable « opposition »
au Cameroun.
Cette participation s'inscrit aussi dans le vaste mouvement du
retour du religieux ou de ce qu'on a qualifié de revanche de Dieu
à la sortie des totalitarismes des années 80-90. En effet, ce
retour du religieux s'accompagne des métamorphoses considérables
du discours religieux ;lequel prend de plus en plus des habillages
socioéconomiques et politiques.
En outre, l'analyse de cette crise ne se borne pas aux seules
dimensions socioéconomique et politique, l'Eglise crée ici des
interrelations entre le spirituel et ces dimensions temporelles pour
l'expliquer et la combattre. Comme le rapportent les évêques dans
cette lettre pastorale : « La cause et l'origine du mal
dont nous souffrons se trouvent en premier lieu, dans les structures de
péché qui dominent le monde actuel»266(*) .Par structures de
péché, les évêques se réfèrent ici
à Jean Paul II qui avait précisément affirmé :
«Si la situation actuelle relève de
difficultés de nature diverse, il n'est pas hors de propos de parler de
«structures de péché», lesquelles, comme je l'ai
montré dans l'exhortation apostolique Reconciliatio etpaenitentia, ont
pour origine le péché personnel et, par conséquent, sont
toujours reliées à des actes concrets des personnes, qui les font
naître, les consolident et les rendent difficiles à abolir. Ainsi
elles se renforcent, se répandent et deviennent sources d'autres
péchés, et elles conditionnent la conduite des
hommes »267(*).
Le pape faisait ainsi une lecture idéologisante de la
crise de ces pays africains qui amorçaient à peine leur vague de
démocratisation ;mobilisant des idéologies religieuses du
péché pour construire l'ordre politico-économique. Il
s'agit là d'une instrumentalisation du religieux à des fins
politiques ; laquelle traduit les échanges permanents entre
religieux et politique que P. Michel a exprimé en ces termes :
« présumer une autonomie des champs
religieux et politiques, c'est en fait prendre le risque d'une profonde
mésintelligence des processus étudiés [...] il n'existe
pas de champ religieux ou de champ politique autonome, mais une matrice commune
où s'organisent les passages de l'un à l'autre sur la base des
mécanismes fort complexe de recharge et de redéfinition
réciproque »268(*).
Cette mobilisation des ressources religieuses par les
évêques faisaient du religieux un vecteur de
ré-idéologisation, fondamentalement utilisé pour mettre en
question les catégories d'une démocratie
de-idéologisée269(*).
4.1.2.2. Lettre pastorale
des évêques du Cameroun aux chrétiens et à tous les
hommes de bonne volonté sur le tribalisme (1996)
Constatant que les effets de la crise perdurent, les
évêques identifient ses causes parmi lesquelles le tribalisme. Ce
tribalisme qui« parait se développer de façon
inquiétante [et qui] détruit les efforts des bonnes
volontés et s'oppose à tout
développement »270(*), est devenue une pratique courante au Cameroun, et
structurant le vécu des camerounais.
Dans leur dénonciation de cette pratique, ils
invoquaient à nouveau des référents religieux qui
devraient fonder le vivre ensemble des Camerounais : « Oui,
vous tous, vous avez été baptisés en christ, il n'y a plus
de juif, ni grec ; il n'y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n'y
a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes en
Jésus-Christ »271(*).
Dans cette lettre, les évêques remplient leur
mission de conscientisation des Camerounais en les sensibilisant sur la racine
du tribalisme qui sont selon eux, de plusieurs ordres :
D'ordre culturel : ils montrent que la langue et les
coutumes sont souvent facteur de rejet de l'autre.
D'ordre politico-économique :ils mettent l'accent
sur la promotion exclusive d'une région ou d'une ethnie au
détriment des autres ;et dénoncentl'instrumentalisation par
le politique du sentiment tribal des citoyens, pour des intérêts
politiques égoïstes.
D'ordre religieux : ils font référence aux
hommes d'églises qui sont complices de certaines attitudes
tribalistes.
S'adressant à toutes les couches sociales : agents
pastoraux, responsables de la société civile et politique, jeunes
et chrétiens etc., les évêques invitent à une prise
de conscience et à la promotion «des valeurs d'ouverture,
d'hospitalité, d'acceptation mutuelle et de collaboration pour le
progrès et le développement harmonieux du
pays »272(*).
Conscient des carences de l'Etat en matière de
régulation des relations intertribales, l'Eglise apporte sa contribution
dans ce sens, comme elle la très souvent fait dans d'autres
circonstances. En effet, face aux carences de l'Etat, l'Eglise dispose d'un
nombre important de services sociaux et éducatifs à travers tout
le pays et d'un crédit considérable auprès des couches
populaires. Ce qui lui constitue un véritable capital social
auprès des populations.
Nous livrons ici une des photos de cette Conférence de
l'évêque à l'occasion de leur 35e
assemblée plénière.
Photo1 : les évêques
du Cameroun et autres participants après une conférence
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Source :Archives du SNJP
4.1.2.3. La lettre
pastorale des évêques à tous les fidèles et tous les
citoyens de bonne volonté sur le droit et le devoir de vote
(2004)
Les évêques du Cameroun inscrivent cette nouvelle
intervention dans le champ de démocratisation à la suite de leur
lettre de 1988 sur l'engagement des laïcs dans la vie de la nation
où ils affirmaient notamment: « Si nous ne
travaillons pas pour élire des hommes et des femmes capables de porter
nos aspirations et surtout d'oeuvrer pour le bien de toute la nation, nous en
porterons nous-mêmes la responsabilité »273(*).
Ils montrent à travers cette lettre le bien
fondé du vote qui est à la fois un droit
pour « toute personne de nationalité Camerounaise
âgée de 20 ans au plus, n'ayant pas été
condamnée à une peine privative de
liberté ». Comme le rappelle les évêques
eux-mêmes en se référant à la loi
camerounaise274(*).
Ils traduisaient ainsi leur souhait de voir les Camerounais
s'impliquer plus que par le passé aux échéances
électorales: « les conditions d'existence, de
maintien et de développement d'une démocratie véritable
dépend de l'implication de tous à la vie
politique »275(*), insistaient-ils.
Dénonçant les entraves à cette
implication, les évêques soulignaient la perte de confiance des
citoyens envers le système électoral ;et
bénéficiant de leur autorité morale sur la population, ils
lamettaient au service de la démocratie.
Cet intérêt pour le processus électoral
relève toujours des préoccupations de la DES qui, dans sa
conception de la démocratie insiste sur l'implication des citoyens.
4.1.2.4. La lettre
pastorale des évêques du Cameroun à l'occasion de
l'élection présidentielle de 2011
Cette lettre pastorale s'inscrit aussi à la suite de
celles de 1988 sur « l'engagement politique des laïcs dans
la vie de la nation » et celle de 2004 sur « le
droit et le devoir de vote ». En effet, face à la
persistance de l'abstention électorale et conscients des enjeux de la
participation citoyenne dans la démocratie, les évêques
interpellent les citoyens à plus de participation. C'est pourquoi,
présentant l'élection présidentielle de 2011 comme
« déterminante pour l'avenir de notre
pays »276(*), ils affirmaient :
« Cette élection interpelle plus que par
le passé la maturité civique de tous les camerounais. Elle doit
contribuer àfaire murir la conscience nationale de tout un chacun. Pour
que le processus électoral en cours soit mené à bien, il
est de notre devoir de porter à votre conscience quelques
réflexions sur l'avenir de notre pays et sur le vote
citoyen »277(*).
Ainsi, ils attiraient l'attention sur des points aussi
variés que les suivants :
Concernant la dignité de la personne humaine, ils
interpellaient au respect des droits de l'homme.
Sur le respect du bien commun, ils invitaient à une
juste répartition des subsides publics, « pour un
engagement des citoyens à la sécularisation du patrimoine
national : qu'aucun camerounais ne se sente exclu des retombés de
la croissance»278(*).
Au sujet de l'unité nationale, ils indiquaient les
moyens de sa construction, « dans la
complémentarité et l'ouverture de toutes les composantes sociales
entre elles, dans l'adhésion des tribus et ethnies à
cette nouvelle famille qu'est la Nation»279(*), etc.
Dans la même perspective, les évêques
insistaient sur la signification et la responsabilité des
électeurs afin que les urnes soient la voie de réussite de la
démocratie. Luttant contre l'abstention politique, ils affirmaient
notamment : « Nous exhortons les camerounais à ne pas
succomber à la tentation de ceux qui pensent et proclament qu'avant les
élections les jeux sont faits et qu'il ne sert à rien d'aller
voter»280(*).
Ces lettres pastorales des évêques expriment
l'action de restructuration de la vie politique camerounaise par l'Eglise
Catholique, notamment son haut clergé. Examinons après ce premier
rôle, celui des organisations catholiques dans ce même
processus.
4.1.3. LES ORGANISATIONS
CATHOLIQUES ET LA VEILLE CITOYENNE AU CAMEROUN
Le Concile Vatican II en définissant la mission de
l'Eglise dans la lutte pour la promotion des peuples avait tout aussi mis
l'accent sur les structures d'Eglises, sur lesquelles devrait reposer cette
action de l'Eglise. Il s'agit prioritairement de Justice et Paix. C'est
pourquoi dès 1967, a été créé à Rome
le Conseil pontifical Justice et paix dont les démembrements ont
été créés dans différents pays par les
conférences épiscopales. Il s'agit aussi de médiats
catholiques que Vatican II a tout aussi retenus comme très favorables
pour une évangélisation sociale.
4.1.3.1.
« Justice et Paix » dans le Processus démocratique
au Cameroun
Créé en 1998 par les Evêques réunis
au sein de la Conférence Episcopale Nationale du Cameroun (CENC), le
Service National « Justice et Paix » (SNJP) a été mis
en place dans le sillage du Conseil pontifical « Justice et Paix »
dont il participe des objectifs et du mandat. Son objectif est d'assurer la
coordination des activités de promotion de la Justice et de la Paix
selon l'enseignement social de l'Eglise281(*). Son mandat comprend: la Promotion de l'enseignement
social de l'Eglise, des enquêtes sur la justice et la paix, la formation
des communautés à la base sur les droits de l'homme, le suivi du
processus démocratique, le conseil juridique des personnes et groupes
défavorisés, l'appui au règlement des conflits à
l'amiable, le suivi des industries extractives et à travers tout ceci,
« Justice et Paix » participe comme structure catholique
à la promotion de la démocratie. Il convient donc d'examiner ici
quelques une de ses actions, dont le déroulement nous permettra
d'attester le rôle majeur que l'Eglise Catholique joue en tant qu'acteur
de la société Civile.
4.1.3.1.1. L'observation
des élections par « Justice et Paix »
Le Service National Justice et Paix a reçu en 2001 des
évêques du Cameroun le mandat d'observer au nom de l'Eglise
Catholique les élections au Cameroun, et de manière
générale, de suivre le processus démocratique. Ceci en vue
de se rassurer que tout se déroule conformément aux règles
en vigueur et au respect des droits des différents acteurs qui y sont
impliqués. Comme l'ont affirmé les évêques
eux-mêmes dans leur communiqué de 2004 : « Le
mandantest confié à Justice et Paix pour savoir siles
règles qui yprésident (aux élections) ainsi que les droits
des uns et des autres sont respectés par les divers acteurs
électoraux»282(*).
C'est ainsi qu'il s'engagea dans le suivi dudéroulement
des scrutins dès 2002. Premieracteur de la société civile,
Justice et Paix ouvrait ainsi la voix à nombre de ses collaborateurs qui
suivront, dans ce champ du combat démocratique. Selon J.Mabouth, pour
une plus grande efficacité du suivi du processus électoral,
l'action de « Justice et Paix » se situe à trois
principaux moments : « Avant, pendant et après les
élections »283(*).
Avant les élections, le rôle principal de Justice
et Paix a toujours été la formation des observateurs ; Il
s'agit de la formation des membres du SNJP, des CDJP, et autres
chrétiens intéressés par la chose, sur le
déroulement du scrutin, les méthodes de fraudes jusque-là
détectées et les voix de les contrecarrer. A ce stade, un autre
rôle majeur de Justice et Paix est l'observation
pré-électorale, à travers laquelle elle se rassure que
tout se prépare conformément au code électoral et à
la loi en générale : les inscriptions sur les listes
électorales, la distribution des cartes d'électeur, le
déroulement de la campagne électorale etc. A ce même stade,
justice et paix demande des accréditations du MINAT pour ses
observateurs.
Pendant les élections, c'est le déploiement sur
le terrain des observateurs catholiques,aux côtés des autres
observateurs de la SC, des partis politiques, des observateurs internationaux
etc. L'Eglise Catholique joue un rôle majeur dans cette observation, car
elle est la seule organisation, en dehors de l'Etat, à déployer
ses observateurs sur l'ensemble du territoire national ;ceci, en raison de
sa vaste étendue sur l'ensemble du Cameroun et des démembres des
CDJP qui couvrent les 25 Diocèses du Cameroun.
Après l'élection, Justice et Paix, joue un
double rôle, dont le principal est la rédaction des rapports
d'observation qu'il doit déposer auprès des évêques
de la CENC ;afin qu'en s'y référant, ils puissent dire ce
que pense l'Eglise de l'échéance concernée, du processus
électoral en général et qu'il puissent donner aux acteurs
concernés des recommandations pour une bonne marche des
élections. Une autre action, pas de moindre importance est sa
participation aux débats post électoraux, lequel a souvent
été porté d'avantage par les évêques eux
même.
Au vu de tout ceci, il devient évident de retenir que
l'Eglise, à travers Justice et Paix, joue un rôle majeur dans le
processus démocratique. Pour des raisons évidentes :
Premièrement, Justice et Paix a été le
premier acteur de la société civile à participer
àl'observation des élections en 2002. C`est suite à cette
initiative que les autres OSC se sont aussi impliquées. Comme l'affirme
J.Mabouth coordonnateur du SNJP, « nous avons
été les premiers à ouvrir la voie à l'observation
civile des élections en 2002 »284(*).
Deuxièmement, en comparaison avec les autres acteurs
civils de ce processus, il a déployé le plus grand nombre
d'acteur aux échéances électorales de 2002 à
2007285(*).
Troisièmement, leurs rapports d'observation est le plus
attendu, le plus médiatisé et ayant lepoids sociopolitique le
plus lourd ; pour la simple raison qu'ils sont portés par la voix
des évêques qui sont une grande autorité morale dans le
pays.
La formation et le déploiement sur le terrain des
observateurs chrétiens des élections traduit la volonté
manifeste de l'institution à contribuer à la restructuration du
jeu politique camerounais.Ainsi, lorsqu'on parle de la participation de
l'église catholique du Cameroun au processus de construction de la
démocratie, il convient de retenir cette action de justice et paix comme
l'une des actions majeures de l'église en la matière ;
après bien évidemment les prises de position des clercs sur la
vie politique du pays.
Au vu du nombre d'observateurs que Justice et Paix a
déployé sur le terrain lors des quatre dernières
échéances électorales, on a plus besoin d'autres preuves
pour attester que l'église est un acteur majeur du processus
électoral.
4.1.3.1.2. La proposition
d'un code électoral par Justice et Paix
Pour avoir travaillé dans le processus électoral
depuis le scrutin de 2002a Rome en 2007, le SNJP analysait le code
électoral et faisait ce constat : « Il s'agit des
morceaux de texte juxtaposé sans une cohérence véritable,
qui sert de code électoral pour le déroulement des scrutins au
Cameroun »286(*) ; c'est alors qu'en tant qu'acteur de la
société civile il produisit avec l'aide de ses experts en la
matière un code électoral qu'il proposait au gouvernement.
Lors de la rencontre de la CENC et du Conseil Pontifical
Justice et paix, Mgr R. Pirenne alors président de la Commission
Episcopale Justice et Paix de la CENC affirmait à ce sujet :
« Entre Septembre et Décembre 2005, le
Service National «Justice et Paix » s'est attelé
àamender les lois qui régissent les élections au Cameroun.
Il a constitué à ce propos un comité d'experts
triés sur le volet et comprenant toutes les couches sociopolitiques du
pays. Ce comité a rédigé deux avant-projets de lois, l'un
portant sur le code électoral unique, et l'autre créant un organe
indépendant chargé de conduire le processus électoral. Ces
documents ont été approuvés par les évêques
lors de leurs séminaires annuels de mi-janvier 2006 à
Nguelemendouka (Doume/Abong-Mbang). Ils ont recommandé de les porter
à la connaissance du premier ministre et du ministre chargé des
élections»287(*).
Une telle proposition relève de cette volonté
manifeste de l'Eglise de contribuer à la construction du processus
démocratique au Cameroun ;notamment à la restructuration du
jeu politique afin que tous les acteurs en compétition aient les
mêmes chances d'accéder au pouvoir.
Le code électoral en vigueur était eneffet
taillé à la mesure du pouvoir en place, dans sa stratégie
de main mise sur l'ensemble de la vie politique camerounaise et de
contrôle sans erreur du processus en cours. Il était donc
évident pour ces acteurs civils qui aspirent à des changements
démocratiques, de concourir au préalable au changement des
règles de jeu qui faussaient dès la base le jeu électoral.
Au bout du compte leur proposition a porté du fruit, car, estime
J.Mabouth, « le gouvernement a pris en compte bon nombre de nos
propositions contenues dans la proposition du code »288(*).
4.1.3.1.3.
« Justice et Paix » et la lutte contre la
corruption
Il n'est plus à démontrer quela corruption est
un obstacle véritable à l'avènement de la
démocratie. Jean Paul II l'avait déjà identifié
comme la source de beaucoup de problèmes en Afrique:«
l'Assemblée synodale a reconnu que beaucoup de problèmes du
continent sont la conséquence d'une manière de gouverner souvent
entachée de corruption»289(*).
C'est pourquoi, Justice et Paix a estimé que pour qu'il
ait une démocratievéritable la lutte contre la corruption est
l'une des voix les plus indiquée. S'engageant auprès des
populations avec ses partenaires nationaux et internationaux, elle contribue
à travers des ateliers, desdébats, sensibilisations de la masse
etc., à la lutte contre la corruption et les détournements des
deniers publics.
L'un de ses moyens de lutte a souvent été son
magazine « le lien NkengShalom», qui lui avait
d'ailleurs consacré son premier numéro en Juillet
2001: « Des Camerounais en guerre contre la
Corruption»290(*).
Outre cela, ce sont des ateliers qu'organise Justice et Paix
en partenariat avec d'autres acteurs notamment de la société
civile pour penser, former et sensibiliser non seulement sur les
stratégies de corruption que développent les acteurs
concernés, mais aussi sur les moyens de lutte contre elle.
4.1.3.1.4. Justice et Paix
et la défense des droits de l'homme
L'action de Justice et Paix pour la défense des droits
de l'homme est multiforme. Elle va de l'assistance juridique aux
différents plaidoyers pour les victimes d'injustice, afin que leurs
droits soient reconnus et respectés. C'est en ce sens que se situe
l'action de CAVT291(*) ,
qui s'investie dans la sensibilisationet l'assistance juridique des populations
riveraines des zones d'exploitation industrielle, afin que leurs droits
d'autochtones soient respectés. Cependant, « Justice et
Paix » n'étant pas une armée, son action dans le cadre
des droits de l'Homme est davantage celui de sensibilisation sur les droits
humains,ce que nous abordons dans la partie sur l'éducation à la
citoyenneté.
Outre cette action de Justice et Paix portée par le
CAVT, une autre de grande importance est portée par les CDJP de Douala
et de Yaoundé. Il s'agit entre autres :
Ø Des formations en droit de l'homme, en droit de la
femme et de l'enfant ;
Ø L'assistance judiciaire aux détenus et aux
autres justiciables démunis ;
Ø Le règlement pacifique des conflits à
l'amiable292(*) ;
Ø Les séminaires sur les conflits conjugaux et
fonciers, les problèmes d'héritages, les différends de
travail, etc.
4.1.3.1.5.
« Justice et Paix » et l'éducation à la
citoyenneté
Justice et Paix accorde beaucoup d'importance à
l'éducation à la citoyenneté, notamment à la
sensibilisation pour les inscriptions électorales et pour le vote
citoyen. Comme le font les évêques à la veille de chaque
scrutin, Justice et paix organise des campagnes pour sensibiliser les citoyens
dans ce même sens de participation électorale ;laquelle est
indispensable pour l'avènement d'une démocratie véritable.
Prenons cet exemple pour illustration : dans son rapport électoral
de Juin 2002, le SNJP répondait à cette question des
camerounais : « face à la fraude électorale
organisée, devant un système électoral comme le
nôtre, susceptible d'être falsifié à la base, est-il
encore nécessaire d'aller voter ? »293(*).Et il mobilisait cette fois
encore des ressources religieuses pour stimuler à la participation
électorale:
« Si Jésus avait été
visiblement présent au Cameroun en 2001...L'Eglise qui est le signe
visible de sa présence a donnéune réponse affirmative aux
hésitations des uns et des autres, face à leur devoir
civique : oui allez voter. Mais avant, pendant et après les
élections, éviter les pratiques de magouille, respecter les
prescriptions légales en matières électorales. Leur ont
dit les évêques en ordonnant au Service National Justice et Paix
de procéder à la sensibilisation de masse sur le thème
voter, c'est choisir librement, et d'organiser la formation des observateurs
chrétiens des élections »294(*).
La sensibilisation au vote s'organise ainsi au niveau des
CDJP. Pour ce qui concerne nos deux archidiocèses ici concernées,
elles ont organisé à leur niveau des sensibilisations des
milliers de Camerounais lors dechacun des scrutins tenus depuis 2002.
L'éducation à la citoyenneté de Justice
et Paix s'est étendueaussi et plus largement sur les droits juridiques,
civiques et politiques des camerounais ; à travers des ateliers et
des séminaires organisés par les différentes Commissions
Justice et Paix.La logique à l'intérieur de
laquelle ils s'inscrivent ici est celle de la contribution de l'Eglise à
la construction de l'ordre temporel ;c'est-à-dire pour
l'avènement du bien commun295(*). C'est dans ce sens que nous pouvons lire cette
affirmation du SNJP, mobilisant un extrait de l'exhortation apostolique Christi
fidèles laïc :
« Le manuel d'éducation à la
citoyenneté démontre clairement du début à la fin,
la vérité sur le fait que nous ne pouvons jamais établir
une dichotomie entre `'d'un côté la vie spirituelle avec ses
valeurs et ses exigences ; et de l'autre, la vie dite
`'séculaire`', c'est-à-dire la vie de famille, de travail, des
rapports sociaux, d'engagement politique, d'activités
culturelles''296(*) »297(*).
Examinons un instant cette contribution du manuel
d'éducation à la construction de la démocratie. Elle est
en réalité une production discussive de l'institution religieuse
sur le processus démocratique. Nous avons pu, dans le cadre de l'analyse
documentaire répertorier les différentes thématiques sur
lesquels les camerounais sont éclairés et
sensibilisés,pour attester cette contribution. Le tableau suivant nous
en livre un aperçu illustratif.
Tableau n° 11: Thématiques
abordées dans le manuel d'éducation à la
citoyenneté
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Source : Par nos soins.
Comme nous pouvons le constater, il y est abordé les
principes même de la démocratie telle que nous l'avons
défini plus haut. De plus, l'accent y est mis sur la
société civile, thématique auquel le SNJP consacre 67
pages, soit 63% de l'ouvrage.
Une autre dimension de la formation à la
citoyenneté de Justice et Paix est la formation des représentants
des CPJP298(*). Il est
en effet organisé par les CDJP de Douala et de Yaoundé, chaque
mois des ateliers de formation. Cette photo illustre une séance de
formation.
Photo n°2 : Atelier CDJP
Yaoundé sur la formation à la citoyenneté
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Source : archives de la CDJP
Yaoundé
Nous trouverons en annexe un exemple de programme de ces
ateliers. Il détaille les différents sujets sur lesquels sont
formés ces représentants des CPJP.
Ainsi, l'objectif de « Justice et Paix »
est de participer à la formation d'un laïcatresponsable et
engagédans la lutte pour la dignité et le développement de
l'homme camerounais,telle a d'ailleursété le rôle
quejustice et paix du Congo a joué dans la sortie de la dictature
mobutiste. Makiabo affirme à ce sujet :
« A notre avis, c'est dans les structures de
base comme les commissions diocésaines Justice et Paix qu'ont
germéla contestation et le désir de changement qui ont fini par
démystifier le pouvoir dictatorial de Mobutu. C'est aussi dans ces
structures de base, revivifiées par une formation pratique, qu'est
née une démocratie de la lucidité, de la
responsabilité et de la mobilisation de toutes les forces vives pour des
changements durables et irréversibles au
Zaïre »299(*).
4.1.3.2. LES AUTRES
TRUCTURES CATHOLIQUES DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUES CAMEROUNAIS
Depuis Vatican II, l'Eglise a apporté des changements
importants à la structure d'Eglise, notamment en passant d'une structure
ecclésiale pyramidale à une structure communautaire. Des mesures
ont été prises pour accompagner et concrétiser ces
changements idéologiques. Entre autres, il s'est agi de promouvoir la
place des laïcs dans l'Eglise à partir des associations et
communautés de base chrétienne, et des Mouvements d'action
Catholique. C'est pourquoi, dès le début des mutations
sociopolitiques des années 65, l'Eglise,notamment des prélats
comme Mgr Bonneau, et plus tard Mgr Ndongmo et Mgr Mongo, ont commencé
l'organisation des fidèles en communauté de vie. Ceci afin
qu'à travers leurs initiatives, ils puissent apporter des changements
nécessaires pour la bonne marche du Pays. C'est en ce sens que nous
abordons ici quelques-unes d'entre elles, afin de déceler dans leur
vécu leur contribution au processus de changements en cours au
Cameroun.
4.1.3.2.1. Les
médias catholiques
Les média jouent presque le rôle central en
démocratie. Acteur majeur de l'espace public, ils assurent la
communication entre les acteurs politiques et civils, entre les candidats et
les électeurs, et permettent par conséquent, non seulement la
formation de l'opinion publique, mais aussi l'influence de la politique du
pays. C'est en ce sens que S.Ulbrich affirme :
« Les médias
libres et indépendants sont un pilier important de chaque
démocratie. Lecontrôle des moyens d'information est de nos jours
presque synonyme de contrôle de la prise de décision dans une
démocratie. Les médias jouent un rôle crucial dans la vie
quotidienne des démocraties, que ce soit les journaux, la
télévision, la radio, l'industrie de divertissement et
naturellement l'Internet»300(*).
L'Eglise Catholique depuis Vatican II a bien compris ce
rôle des médias dans les déterminations des politiques des
nations. C'est pourquoi elle a préconisé la mise en place des
médias catholiques et la promotion de la communication sociale. Jean
Paul II n'a pas manqué d'y revenir en ces termes :
« En de nombreux endroits également, des
règlements gouvernementaux imposent un contrôle indu dans ces
domaines. Tous les efforts possibles devraient être mis en oeuvre pour
lever ces obstacles: les médias, qu'ils soient privés ou publics,
doivent être au service des personnes sans exception. C'est pourquoi
j'invite les Églises particulières d'Afrique à faire tout
ce qui est en leur pouvoir pour que cet objectif soit
poursuivi. »301(*)
Bon nombre de médias ont été
créées au Cameroun, parmi lesquels nous avons retenus celles les
plus en vue et les plus impliquées dans le processus démocratique
camerounais. Il s'agit notamment de « l'effort
Camerounais », de la « Radio Veritas », de
l' « Horizon diocésain », de« le lien
NkengShalom », de la « radio Jeunesse » ;
dont il convient ici de dégager l'intérêt et la
contribution au processus démocratique en cours.
Pour ce qui est de la presse audio, ils organisent souvent des
émissions au cours desquelles ils font intervenir aussi bien des experts
invités pour instruire sur les questions sociopolitiques que les
auditeurs qui peuvent intervenir via des appels téléphoniques en
direct. Dans ce sens, comme nous l'a confié A.Ngwanshi,Radio Veritas a
deux émissions à caractère sociopolitique.
Quant à la presse écrite, elle les consacre
aussi des articles comme des numéros en leur intégralité
aux mêmes questions, afin d'indiquer à chaque moment fort de la
vie politique du Cameroun, ce qu'en pense l'Eglise.
Le tableau suivant donne un aperçu des
différents numéros de cette presse, qui ont été
consacrés aux questions sociopolitiques camerounaises.
Tableau 12 : quelques titres de
la presse catholique sur les questions politiques au Cameroun
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Source : Par nos soins.
Ce tableau atteste l'implication indubitable de la presse
catholique dans le processus de restructuration du jeu politique
camerounais.
A travers cespublications, cette presse catholique entend
influencer le processus démocratique en cours au Cameroun, selon les
recommandations de l'Eglise. Comme nous l'a confié
A.Ngwanshi : «Notre objectif est de contribuer au changement
du Cameroun, à travers l'enseignement social du Cameroun.Nous
mettons l'accent sur la morale publique »302(*).
4.1.3.2.2. Les ONG
Catholiques non Camerounaises
Nous avons dit plus haut que l'Eglise Catholique a mis sur
place toute une machine de changement social. Au nombre des structures qui y
sont impliquées figurent en bonne place les ONG catholiques
internationales dont nous analysons ici le rôle de celles qui oeuvrent au
Cameroun.
Dans ce travail d'accompagnement de la démocratie
camerounaise par l'Eglise Catholique, les ONG catholiques non camerounaises
jouent un important rôle d'arrière-plan : il s'agit par
exemple du CRS et de Miserior, ONGs respectives des conférences
épiscopales des USA et d'Allemagne. Ce rôle
d'arrière-plande grande importance est celui de fournir les fonds ou du
moins de trouver des bailleurs de fond aux structures catholiques en
particulier et aux ONG camerounaises en générale. Il suffit dans
ce sens que l'ONG concernée monte un projet allant dans le sens du
développement social ou économique, le leur soumettent et qu'ils
lui trouvent des fonds nécessaires ou des bailleurs, ou encore des
experts en la matière. Ainsi, dans le cadre de sa collaboration avec
Justice et Paix Cameroun, le CRS finance entre autre le service de
communication du SNJP dont l'un des fruits est la production trimestriel du
magazine le Lien NkengShalom. Miserior quant à lui finance le projet
pétrole du SNJP, pour lequel il a fourni un expert, ThorstenNigels qui
travaille depuis un an, en collaboration avec l'ITIE et PWYP, comme observateur
catholique pour la transparence de l'extraction pétrolière au
Cameroun ;la démocratie économique voulant que les
populations soient impliquées dans la gestion des richesses de leur pays
et que des autochtones des grandes zones d'exploitation minières soient
elles aussi bénéficiaires des richesses que produisent le sol et
le sous-sol de leurs localités.303(*)
Cette analyse nous a permis jusqu'ici de montrer que la
participation de l'Eglise au processus démocratique s'inscrit
premièrement dans une logique de restructuration du jeu politique
camerounais. Il convient maintenant d'analyser les dessous de cette
participation, afin d'en ressortir les contrastes qu'elle renferme et qui font
d'elle une participation mitigée.
4.2. LES FACTEURS
DECONTRADICTION DE LA PARTICIPATION INSTITUTIONNELLE DE L'EGLISE CATHOLIQUE AU
PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS
En vued'analyser les contradictions de l'action
institutionnelle de l'Eglise pour la promotion de la démocratie
camerounaise, nous avons organisé notre argumentaire sur deux points
principaux : Le souci de sauvegarde l'héritage culturel de l'Eglise
et le souci de sauvegarde des rapports de l'institution avec le pouvoir
politique.
4.2.1. LE SOUCI DE
SAUVEGARDE DE L'HERITAGE CULTUREL DE L'EGLISE
Nous avons certes reconnu avec J. Calvez etH. Tincq304(*) que l'Eglise Catholique a
fait des avancées considérables dans l'acceptation et la
promotion de la démocratie. Nousne pouvons cependant pas ignorer le fait
que cette institution très conservatrice sur certaines questions
conserve encore beaucoup d'éléments dans sa doctrine et dans sa
structure, quine sont pas favorables à l'émergence d'une
véritable culture des libertés et des droits humains ; mais
qui entravent en réalité laparticipation de celle-ci au processus
de construction de la démocratie.Nousnous proposons dans ce sens
d'examiner ici sa théologie de la charité et le défaut de
démocratie dans l'Eglise, pour montrer comment ces deux
réalités participent à la configuration de la
participation mitigée de l'Eglise.
4.2.1.1.
Lathéologie de la charité et les libertés
démocratiques
Le débat sur la théologie de la charité
en rapport avec les libertés démocratiques concerne le discours
catholique sur les libertés et les droits de l'homme. La
théologie de la charité a été
systématisée par Jean Paul II ; elle met la charité
au fondement de l'ordre social. C'est du moins la vision qu'en livre Jean Paul
II dans ses deux encycliques politico-religieux RedemptorisHominis et
Divers in misericordia qu'il consacre d'ailleurs à la
charité, de manière à n'aborder la question des droits de
l'homme qu'accessoirement. Elle traduit l'attitude de l'Eglise dans le champ de
démocratisation. En effet, à travers cette théologie
l'Eglise pense que c'est par la conversion des coeurs, la bonté des uns
et des autres que l'on pourra parvenir à l'instauration d'un
règne de Justice et des libertés. Par conséquent, elle se
désolidarise de la doctrine même des droits de l'homme qui
défend les libertés inconditionnelles de l'homme et fonde la
lutte pour leur respect.
C'est en ce sens que, analysant le discours politico-religieux
de Jean Paul II au Cameroun, KengnePokam met en exergue :
« D'une part sa volonté manifeste de
vouloir vaille que vaille substituer à la doctrine des droits de l'homme
une théologie de la charité et d'autre part sa condamnation sans
équivoque de la théologie de la libération»305(*).
Au vu de cette préférence de l'église
pour la théologie de la charité au détriment du combat
démocratique, il devient évident de comprendre que l'Eglise
notamment le Vatican et ses représentants d'Amérique latine se
soient opposésau mouvement de démocratisation qu'on a
nommé théologie de la libérationen Amérique latine.
Ce qui a opposé fondamentalement ce
mouvement théologico-politique à la hiérarchie
catholique, c'est sa récupération de la doctrine marxiste qu'il
entendait mettre au service du combat politique pour des changements
significatifs. J.Rollet affirme d'ailleurs à ce sujet :
« Il est reproché aux théologiens
latino-américains de réduire le message chrétien de la
rédemption à une libération socio-politique des pauvres
identifiés au prolétariat. Leur analyse est trop
dépendante du marxisme conçu comme analyse scientifique de la
réalité, alors que celle-ci est indissociable de
l'athéisme de Marx et d'Engels. »306(*)
En effet, ces théologiens de la libération
critiquaient la démarche des théologiens européens,
particulièrement celle de Metz à qui ils reprochaient une trop
grande abstraction due à un manque d'ancrage dans la
réalité socio-politique307(*). Les réalités socio-politiques
brutales d'Amérique de Sud, marquées par la domination de
pauvres,a été pour eux le ferment de production d'un discours
chrétien plus pertinent. Gustavo traduit la substance de cette
théologie en ces termes :
« La théologie de la libération
veut partir de l'engagement pour abolir la situation actuelle d'injustice et
construire une société nouvelle. Cette théologie doit
trouver sa vérification dans la pratique decet engagement, qui se
réalise par la participation active et efficace à la lutte que
les classes sociales exploitées ont entreprise contre leurs
oppresseurs»308(*).
Ce positionnement du Vatican au détriment de la
théologie latino-américaine de libération permet de
comprendre la position même de l'Eglise Catholique dans le champ de
démocratisation. Fidèle assidu du Vatican, l'Eglise Catholique du
Cameroun a adopté la théologie de la charité du Vatican
dans sa participation pour la construction de la démocratie ; ne
mettant pas en avant les luttes pour les libertés mais des discours
d'appel à la conversion.
Ainsi, dans sa mission de promotion de la démocratie,
l'Eglise Catholique serait départagée entre sa théologie
de la charité etladoctrine des droits de l'homme qui est au fondement de
toute démocratisation. Nous ne sommes d'ailleurs pas seul à
constater cette réalité,P.Valadier l'avait déjà
signifié lorsqu'il écrivait :
«Il est à peine besoin d'insister sur le fait
historique que la proclamation des droits de l'homme s'est faite hors de la
sphère religieuse, et par conséquent hors, voire contre le
domaine de la charité [...] l'incompatibilité n'est pas seulement
accidentelle»309(*).
Si cette opposition de la doctrine des droits de l'homme
à la théologie de la charité avait conduit l'Eglise
à s'opposer farouchement au mouvement des libéralités des
« lumières »310(*), acceptant plus tard la promotion des droits humains
qui émanaient de Dieu seul, l'Eglise n'a pas changé sa
théologie de la charité qui reste presque incompatible avec la
doctrine des droits de l'homme.
Ces propos de Mgr. Helder Camara, l'un des principaux
tenants de la théologie de la libération, mettent en exergue ce
positionnement paradoxal de l'Eglise dans le champ du combat pour la
démocratie. « Lorsque je donne à manger aux pauvres
on dit que je suis saint, mais quand je demande pourquoi ils sont pauvres on me
traite de marxiste ». Le prélat exprimait ainsi son
approche de la lutte contre les injustices, qui est celle du combat
initié par la théologie de la libération et qui est
rejetée par les tenants de la théologie traditionnelle
occidentale, notamment la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui
lui reprochaient son affiliation marxiste dans la lutte contre les dictatures
sud-américaines.
Le discours des évêques du Cameroun pour la
promotion de la démocratie répond donc, à cette
théologie de la charité ;comme nous allons le voir dans la
suite de cette section. Prêchant la paix et priant pour la conversion des
hommes politiques les évêques entendent obtenir des changements
à travers la conversion de ceux-ci, et s'inscrivent contre tout
mouvement ouvert de protestation contre la dictature politique instauré
par le parti au pouvoir. Le discours catholique de paix que partage l'Eglise
avec les pouvoirs politiques au Cameroun trouve ses fondements dans cette
théologie de la charité.Tel est le fondement de sa participation
contrastée ou mitigée.
En ce sens, l'on a tendance à se demander si l'Eglise
n'est pas au service du statu quo plutôt qu'au service d'une
véritable démocratisation.Les théologiens africains dela
« Black Théology »311(*)pensent que c'est au service
du statu quo qu'est l'Eglise. Soucieuse du devenir du continent noir, ceux-ci
estiment que l'Eglise en Afrique est une Eglise des blancs qui n'est pas encore
mise au service de la libération des noirs qui y sont. On peut
d'ailleurs lire dans le manifeste qui a institué cette théologie:
« La foi chrétienne telle qu'elle est
propagée par les Eglises dominées par les blancs, a montré
sans le moindre doute qu'elle est au service du statu quo, c'est-à-dire
pour les noirs, de l'oppression »312(*).
Tout ceci nous permet de donner raisonà E. Durkheim
qui, mettant l'accent sur la dimension intégrationniste de la religion
la présentait comme institution garant de l'ordre social,
défendant notamment le statu quo313(*).
En outre, cet attachement de l'Eglise Catholique à sa
théologie de la charité explique le changement de camp de
l'Eglise face aux mouvements indépendantistes camerounais des
années 1960. Après avoir en effet contribué à la
formation de la conscience nationaliste des camerounais, l'Eglise s'est
opposée à l'UPC à la veille de l'indépendance du
Cameroun, au profit du pouvoir colonial. L'UPC avait adopté en face du
pouvoir colonial une politique de lutte acharnée pour la conquête
de l'indépendance. C'est de là qu'est venue son affiliation au
Communisme, doctrine politique qui à son avis collait le mieux à
une telle lutte. La doctrine des communistes étant donc aux antipodes de
cette théologie de la charité, l'Eglise a pris le camp des
colons314(*).La logique
de l'Eglise avait été que les camerounais attendent que
l'indépendance soit gracieusement donnée par ce pouvoir colonial.
Dans une telle perspective, peut-on attendre que l'Eglise
elle-même connaisse la démocratie en son sein ?
4.2.1.2. Le défaut
de démocratie dans l'Eglise : un obstacle à l'action de
l'Eglise pour la démocratisation
Comment une institution comme l'Eglise Catholique peut-elle
prétendre contribuer à la démocratisation des
sociétés africaines alors qu'elle-même n'est pas encore
acquise au principe de contradiction qui est au fondement même de la
démocratie? Comment l'Eglise Catholique peut-elle prétendre
accompagner le processus démocratique à travers le concours de
ses clercs les monarques ? Telles sont quelques-unes des interrogations
fondatrices de cette recherche ; interrogations que nous avons
soulevées dans la problématique.
En effet, toute étude sur l'Eglise Catholique ne manque
pas de révéler le déficit de démocratie dans
l'Eglise. Ses clercs sont des tous puissants face à une masse de
fidèles qui n'a pas droit à la parole ;une masse qui est
loin de participer à l'édification de l'Eglise et de sa
mission ; car dans l'Eglise, un seul connait : c'est le prêtre.
C'est une Eglise où il faut nécessairement être clerc pour
avoir droit à la parole. Il s'avère en réalité que
l'Eglise dans sa socialisation n'a pas toujours taché de responsabiliser
ses fidèles, ceci dans le but d'entretenir le cléricalisme en
vogue dans l'Eglise depuis le Moyen-âge. C'est ce qui a amené J.
M. Ela à affirmer :
« Les missionnaires n'ont pas toujours
cherché à susciter des éveilleurs et des ingénieurs
d'âmes, des conducteurs des hommes et des libérateurs, mais ils
ont formé des chrétiens passifs, traités en mineur, comme
des grands enfants»315(*).
Nous avons partagé dans le cadre de cette recherche
avec des étudiants qui font des études de théologie
à l'Université catholique St. Jérôme de Douala. Tous
ont souligné le fait que les prêtres sont réfractaires
à leur insertion dans les activités pastorales des paroisses.
Compte tenu du fait qu'ils sont aussi formés comme ces prêtres,
ceux-ci sont considérés comme une menace,car ils semblent
partager avec le prêtre les privilèges qui lui sont
réservés de manière exclusive.
L'Eglise est un champ de violation flagrante et permanente des
droits humainscomme le champ politique africain. Elle n'est pas un
modèle de champ de liberté sur lequel l'on puisse se
référer pour construire un régime des libertés. On
peut noter à ce sujet comment y est entretenu la
médiocrité humaine comme spirituelle. L'institution en
réalité n'est pas favorable à l'émancipation
spirituelle ni humaine. Elle entretien ses adeptes à demeurer
d'éternels enfants, incapables de penserpar eux-mêmes ce qui est
bien pour eux ; mais toujours prompts à avaler ce que le
prêtre leur dit. Après vingt ans dans l'Eglise, on est toujours
comme celui qui vient d'y entrer, sans aucune maturité dans les
réalités qu'on a pourtant vécues depuis longtemps. On doit
toujours se tourner vers le prêtre, aussi médiocre soit-il. On ne
peut le contredire car, en tant qu' « alter
Christus »316(*), il est l'incarnation du savoir religieux. Tout ceci
constitue des obstacles à l'action de l'Eglise pour la démocratie
dans la société, laquelle n'a pas besoin d'éternels
enfants, mais des citoyens libres de penser, matures et responsables.Comment un
chrétien habitué à la soumission deviendrait-il subitement
dans le champ politiqueun acteur assez émancipé pour contribuer
à la construction de sa nation, par ses actions en vue des changements
politiques? En ce sens la participation de l'Eglise à la promotion de la
démocratie est limitée et même contrastée.
Qui plus est, le régime démocratique en vogue
dans le monde aujourd'hui est né dans une Europe chrétienne, qui
a nécessité que l'on se débarrasse de la tutelle de
l'Eglise, et notamment de l'Eglise Catholique317(*), afin de mettre sur pied une culture des
libertés. L'Eglise,quoi qu'elle ait un peu changé en ce
sens318(*), porte encore
les traces de sa culture moyenâgeuse. On peut en effet aujourd'hui encore
entendre ces paroles dans l'Eglise :
« C'est Dieu qui rend l'homme libre, ce n'est pas
l'homme qui va à la conquête de sa liberté. La
liberté est un don de Dieu et la vraie liberté, c'est la
liberté vis-à-vis du péché et non les
libertés civiques et politiques ».
Voilà un discours catholique fondamentalement
antidémocratique, qui n'a pas beaucoup changé malgré les
évolutions que l'Eglise a connu sur les questions de
démocratie ; ou bien, s'il a un peu changé dans le discours
officiel de l'Eglise, il reste tel quel dans les mentalités de la masse
des fidèles supposés être des agents catholiques de la
démocratisation ; comme nous le verrons au chapitre 6.
Tout ceci a fait dire à cet interviewé319(*) sur notre recherche :
« On ne peut pas parler d'engagement de l'Eglise
dans le processus démocratique ;puisque l'Eglise ne se reconnait
pas dans le combat démocratique. Elle vous dira qu'elle est là
pour prêcher la paix, l'harmonie sociale».
Cette approche catholique de la démocratisation est
favorable à la politique du statu quo du pouvoir en
place ; ce qui renforce les rapports de l'Eglise avec ce pouvoir et rend
sa participation politique de plus en plus mitigée.
4.2.2. LE SOUCICONSTANT DE
SAUVEGARDE DES RAPPORTS DE L'INSTITUTION AVEC LE POUVOIR POLITIQUE
L'action de l'Eglise Catholique en faveur de la
démocratisation camerounaise est aussi entravée par le souci de
conserver ses rapports avec le pouvoir politique en place depuis 30 ans. Elle
recèle par conséquent de nombreuses faiblesses et contradictions
dont il convient ici de lever le voile sur quelques-unes.
4.2.2.1. L'autorité
vaticane et l'Etat camerounais : deux partenaires fidèles du
processus de démocratisation camerounais.
Lorsque nous parlons de la faiblesse de la participation de
l'Eglise au processus démocratique camerounais, cela concerne d'abord
les autorités religieuses du Vatican. En effet, lors de leur multiples
visites au Cameroun qu'ont dit ou faitles papes pour changer la situation des
camerounais ?Les souverains pontifes se sont plus préoccupés
de leur bonne relation diplomatique avec le Cameroun, entre-elles
élites, etloin des préoccupations d'un monde d'en bas sombrant de
plus en plus. Prenons un exemple :Dans son discours d'au revoir à
l'aéroport international Nsimalen, BenoîtXVI s'était certes
prononcé sur les questions de crises africaines lorsqu'il
affirmait par exemple: « En réalité, qu'y
a-t-il de plus dramatique, dans le contexte sociopolitique et économique
actuel du continent africain, que le combat souvent sanglant entre groupes
ethniques ou peuples frères»320(*). Cependant pour ce qui concerne le régime
politique camerounais proprement dit, le pape n'a rien dit. Il n'a non plus
rien dit des émeutes de la faim qui ont opposé les masses de
citoyens camerounais en févriers 2008, soit une année avant son
arrivée. Il n'a rien dit de la modification de la constitution par le
Président Paul Biya qui l'accueillait.
Or on a vu les papes et surtout le pape Jean Paul II en guerre
ouverte contre les dictatures dans le monde. N'est-ce pas à ce pape que
l'on attribue aujourd'hui la chute du Communisme ? Comment comprendre
alors qu'au Cameroun il n'ait pas fait mention de la dictature du régime
Biya,de la pratique de corruption et de détournement des deniers publics
que les barons du pouvoir ont instauré au Cameroun ? Tout ceci nous
amène à comprendre que, l'Eglise Catholique n'est pas
résolue dans sa lutte pour la démocratie au Cameroun. Quoi
qu'elle ait initié des actions pour accompagner le processus de
démocratisation.
4.2.2.2. La CENC et l'Etat
camerounais : Une collaboration harmonieuse dans le processus
démocratique camerounais
Les évêques réunis au sein de la CENC pour
parler au nom de l'Eglise et en faveur de la démocratisation du
Cameroun, ne l'ont pas toujours fait avec la détermination qu'ils ont
fait attendre d'eux. Lorsque la masse des Camerounais gémissant sous le
poids des structures de domination politique attendaient de ceux-ci une
dénonciation sans réserve de cette oppression, ils n'ont pas
toujours été satisfaits. Une telle lecture ne fait pas de notre
recherche une originalité quelconque. J. L.Maroleauavait
déjà fait ce constat. Lequel a fait dire à Ludovic Lado
dans la préface de son ouvrage :
« Maroleau semble suggérer, et avec
raison, que les Eglises chrétiennes auraient pu faire mieux sur le
terrain de la lutte contre l'injustice structurelle, ces structures
sociopolitiques de péché, qui continuent à engendrer la
pauvreté au Cameroun. Mais il leur a parfois manqué le courage
prophétique»321(*).
A la question de savoir si l'Eglise Catholique en
générale et celle du Cameroun en particulier est engagéede
façon déterminée dans le combat démocratique, l'on
a de la peine à répondre de façon affirmative. Si l'on
admet que l'Eglise Catholique accompagne le processus démocratique
camerounais, il faudrait reconnaitre aussitôt qu'elle le fait avec autant
de faiblesse que le régime politique en place dont elle est d'ailleurs
le collaborateur le plus proche de la société civile ; vu le
soutien multiforme qu'il lui accorde, vu les relations des dirigeants avec les
hommes d'Eglise et le partage de l'Eglise avec l'Etat de sa mission
sociale322(*). Dans tous
les cas, rien ne nous permet de soutenir au-delà les affirmations
idéologiques de l'Eglise que la promotion de la démocratie est sa
mission fondamentale et qu'elle y est dévouée de façon
déterminée. Par contre, l'on peut affirmer avec aisance, moult
preuves à l'appui,que la mission de l'Eglise est spirituelle, et qu'elle
s'attelle plus à sauver les âmes qu'à instaurer sur la
terre un règne de justice et de paix, qui selon la doctrine sociale est
sa seconde mission.
Or, l'instauration d'un tel régime des libertés
et de la justice ne peut être faite qu'à travers un combat
déterminé en ce sens. L'histoire politique du monde nous montre
justement que là où il y a la démocratie, là a
existée au préalable le combat démocratique,ce que nous
nommons engagement politique ;que ce soit dans l'Europe des
lumières, qui a vu naitre les premiers régimes
démocratiques ou dans les Amériques323(*). Ce sens du combat
démocratique fait défaut à l'Eglise qui prétend
être déterminée pour l'instauration d'un règne de
Justice et dePaix.
De plus, la position de l'Eglise sur les principes
démocratiques au Cameroun demeure paradoxal : réunis au sein
de la CENC en 1993,les évêquesaffirmaient: «le
souhait des évêques estque [...] les camerounais se disposent
à accepter et à intérioriser le principe de l'alternance,
surtout après l'avènement du multipartisme de fait au
Cameroun »324(*). Comment donc comprendre que18 ans plus tard ces
évêques célèbrent avec le président
éternel son accession au pouvoir pour la 7e fois
consécutive, alors qu'il a monopolisé le système politique
depuis 30 ans au point de tailler la constitution à sa mesure? Comment
comprendre le silence complice des évêques en 2007 où cette
« voix des sans voix » n'a rien dit lorsque le
Président candidat modifiait la constitution pour se représenter
à vie ?
La controverse qui a eu lieu au sein du clergé
camerounais en 2011 mettait en exergue ces contradictions de la participation
de l'Eglise à la démocratisation du Cameroun. Le P. Ludovic Lado
s'interrogeait sur le rôle de la CENC : soutien à la
dictature, ou promotion de la démocratie ? Les évêques
venaient en effet de célébrer la victoire triomphale d'un
candidat dit démocrate qui accédait au pouvoir pour la
septième fois consécutive. C'est cette proximité de la
CENC avec le pouvoir qui rend sa participation mitigée dans le processus
démocratique.
Compte tenu de cette tergiversation des positions de l'Eglise
sur l'évolution de la démocratisation du Cameroun, concluons que
l'Eglise manque de détermination à contribuer à
l'avènement de la démocratie véritable au Cameroun ;
car elle est Plus préoccupée à sauvegarder ses rapports
avec le pouvoir et ses détenteurs, questions de préserver ses
intérêts garantis par ces détenteurs de la
« mangeoire » nationale. Ainsi, l'Eglise Catholique se
préoccupe peu de ladictature politique que subissent les citoyens sousle
joug du parti-Etat, de la misèred'un peuple à qui la politique du
renouveau politique, des grandes ambitions et aujourd'hui des grandes
réalisations n'ont apporté que plus de crise, de chômage,
de cherté de la vie.
Dans une approche comparative avec le cas de la RDC, on voit
pourtant que de manière radicale l'Eglise du Congo s'était
prononcé contre la dictaturemobutisteet s'était engagée du
côté des populationspour accompagnerla transition
démocratique.C.Makiabo nous rejoint dans ce senslorsqu'il
affirme : «l'Eglise Catholique du Zaïre a su
éviter le piège du silence complice avec le président
Mobutu et son régime de type dictatorial»325(*).
4.2.2.3. Les organisations
catholiques et le pouvoir politique camerounais : entre subordination et
action de veille citoyenne
Les contextes politique et socioéconomique dans
lesquels émergent les organisations catholiques sont déterminants
pour leur action. En effet, celles-ci ne sont pas imperméables aux poids
des structures de dominations politiques ni des structures de pauvreté
qui constituent sans aucun doute un véritable frein à leurs
actions. Comme disait Bourdieu, ces structures sociales travaillent les
mentalités des acteurs catholiques et conditionnent la faiblesse de leur
action en vue de la démocratisation. Le pape Jean Paul II avait
déjà perçu le poids de ces structureslorsqu'il parlait des
structures de péché qui entravent le salut des fidèles.
De prime abord, ces acteurs ne peuvent pas s'exprimer
librement par peur de dire ce qui dérange et par conséquent, de
dégrader les relations harmonieuses que l'Eglise entretien avec l'Etat,
et qui lui sont si chères et bénéfiques. Nos entretiens
avec eux nous ont permis de déceler qu'ils se situent dans la même
logique de la prudence que priorise tant l'Eglise dans ses prises de position
sur les questions sociopolitiques de notre société.
En conséquence, l'action de ces organisations est si
faible qu'elle est même à peine visible, même dans l'Eglise.
Ce tableau illustre fort bien cette réalité : un très
faible pourcentage des chrétiens, indépendamment de leur
degré d'attachement à l'Eglise, connaissent Justice et paix par
exemple. Mais cette réalité est plus patente à Douala,
ville de la débrouillardise et de la lutte pour la survie, comme nous le
verrons plus loin.
Tableau 13 :Connaissance de
« Justice et Paix » selon la fréquence à la
messe
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Source : Par nos soins.
Les limites de Justice et Paix se traduisent aussi par le
retard de publication de leur rapport d'observation électoral. En effet,
le rapport de Justice et Paix a souvent assez trainé avant publication.
Parfois, il ne surgit que lorsque le débat post électoral s'est
apaisé. Il est à noter d'ailleurs que le rapport d'observation
des présidentielles de 2011 n'est jusqu'aujourd'hui pas publié.
Retard qui terni considérablement l'action de ce dernier sur la
scène électorale. Comme l'atteste JulesFongang,
Vice-président de l'UFP : « les rapports des
élections de Justice et Paix étaient très attendus par les
camerounais, aujourd'hui, les gens ne s'y intéressent plus assez,
« Justice et paix » ne dit plus rien à personne. Il
a perdu son blason. »326(*)
Un tel retard est à expliquer par le fait que
« Justice et Paix » n'est pas une structure autonome, mais
totalement subordonnée de la CENC, sous la tutelle de qui il travaille.
Par conséquent toutes ses activités sont conditionnées par
celles-ci, et donc la publication de ses rapports d'observation
électorale aussi ;laquelle constitue l'apogée de l'action de
Justice et Paix dans le processus démocratique. Une fois les rapports
collectés des 25 CDJP du Cameroun, le SNJP en fait une synthèse
qu'elle remet à la CENC. C'est alors que celle-ci, en fonction de ses
stratégies dans le champ démocratique le publie à des
échéances qui lui conviennent. Telle est la réalité
quia amené cet interview membre de Justice et Paix
d'affirmer : « Les évêques prennent
toujours les rapports et s'assoient dessus, pour les publier quand ils
veulent»327(*).
Ce schéma traduisant la hiérarchisationde
l'action catholique pour la démocratisation permet de comprendre cette
dépendance de Justice et Paix vis-à-vis de la CENC.
CENC
251635712Figure n°3:
hiérarchisation des structures catholiques engagées dans le
processus démocratique camerounais.
251644928251641856
SNJP
251636736
CDJP Douala
251639808
CDJP Yaoundé
251637760
CPJP
251638784
CPJP
251640832
Comité scolaire JP
251645952
Comité scolaire JP
Source : Par nos soins.
Nous pouvons retenir de ce schéma que les
décisions comme les directives d'action vont de la CENC, jusqu'aux
comités scolaires Justice et Paix, en passant bien évidement par
le SNJP et les CDJP respectives. En retour, le rapport sur le travail fait par
justice et paix à ses différents niveaux fait chemin retour
jusqu'à la CENC.
En sommes, nous pouvons retenir de ce qui
précède que la participation del'Eglise Catholique dans le
processus démocratique contribue à la structuration du jeu
politique Camerounais, mais tout en cherchant à conserver ses rapports
harmonieux avec l'Etat et son héritage culturel. Ce qui donne à
cette participation un caractère mitigé.
CHAPITRE 5:
UNE INTERVENTION DISCORDANTE DES CLERCS CATHOLIQUES DANS LE
CHAMP DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN
L'objectif de ce chapitre est de rendre compte de la
participation politique différenciée et controversée des
clercs catholiques dans le processus de démocratisation du Cameroun.
Nous l'abordons sous l'angle des interventions discordantes de ces clercsdans
le champ démocratique camerounais. Il se structurera sur des axes aussi
variés que l'absence d'une ligne de conduite politique dictée par
l'Eglise sur l'action de l'Eglise pour la démocratisation, les formes de
rationalité des clercs catholiques, le poids des contextes
sociopolitiques sur ces rationalités, et les types de rapport de ces
clercs au pouvoir politique,sans oublier la responsabilité du
régime lui-même dans cette différenciation de la
participation des clercs.
5.1. L'absence d'une ligne
de conduite politique dictée par l'église sur l'action de
démocratisation
Notre postulat dans cette analyse est que l'absence d'une
ligne de conduite dictée par l'Eglise ouvre la voie à
l'émergence des rationalités qui oriente les trajectoires
politiques des clercs catholiques dans le champ de démocratisation. A
l'analyse de la doctrine sociale de l'Eglise qui est la vision catholique de
l'ordre social et politique, on se rend aisément compte de sa souplesse.
Il s'agit en effet d'une doctrine qui selon le Pape Jean Paul II n'est ni
:
« Une troisième voie" entre le
capitalisme libéral et le collectivisme marxiste ni une autre
possibilité parmi des systèmes moins radicalement
marqués : elle constitue une catégorie en soi. Elle n'est
pas non plus une idéologie, mais la formation précise des
résultats d'une réflexion attentive sur les
réalités complexes de l'existence de l'homme dans la
société et dans le contexte international, à la
lumière de la foi et de la tradition
ecclésiale»328(*).
La doctrine de l'église stipule en outre que
l'église n'a pas de régime politique à
proposer ;comme on peut le lire de cette affirmation de Jean Paul
II :
« L'Eglise (...) ne propose pas des systèmes
ou de programmes économiques et politiques (...). Mais l'Eglise est
« experte en humanité », et cela la pousse
nécessairement à étendre sa mission religieuse aux divers
domaines où les hommes et les femmes déploient
leursactivités à la recherche du bonheur, toujours relatif, qui
est possible en ce monde, conformément à la dignité de la
personne»329(*).
Ces propos montrent que l'Eglise n'a pas un régime
politique à proposer à quelque société que ce soit,
mais cherche Juste à accompagner les peuples sur les chemins de la
recherche d'un mieux-être-collectif. C'est pourquoi elle a souscrit
à la démocratie, non pas comme régime qu'elle voudrait
instaurer, mais comme régime qui donne la possibilité aux nations
de définir leur propre destin, et à travers lequel elle les
accompagne.
En ce sens, l'Eglise ne dicte pas une ligne d'action à
ses clercs sur leurs interventions dans le champ politique. Elle dit juste que
son rôle est d'accompagner les peuples dans leur construction. C'est
pourquoi, bien qu'une doctrine politique catholique soit élaborée
et proposée à toutes les Eglises particulières, il est
clairement indiqué que c'est chaque Eglise locale qui,
« avec une référence particulière à
la réalité locale »330(*), saura faire une application
des principes politico religieux contenus dans cette doctrine.
Aussi faut-ilnoter que si l'Eglise Catholique est certes une
institution très centralisée et au discours très souvent
monolithique, ce monolithisme selon lequel tous doivent s'aligner sur ce que
dicte la haute hiérarchie, notamment le Vatican, ne concerne que les
questions doctrinales de l'Eglise et précisément ses
dogmes331(*). Par
contre, pour ce qui concerne les questions sociales, L'Eglise laissent une
grande marge de manoeuvre à ses clercs comme à ses
fidèles, mais à condition que leur positionnement n'entrave en
rien l'enseignement de l'Eglise, notamment les dogmes et lesgrands principes
moraux qu'elle édite.
Il est donc évident qu'à l'intérieur de
l'Eglise les clercs ne tiennent pas la même parole au sujet du processus
démocratique en cours. Cette réalité n'est pas une
spécificité camerounaise. En analysant cette diversité de
l'action de l'église en générale pour la
démocratisation, D. Philpott écrivait :
« L'Eglise est aussi le peupledeDieucomme la
posé le concile Vatican II, et incluttout un ensemble de
laïcs : électeurs, protestants, collaborateurs,partie
chrétien démocrate, communauté de base qui assistent les
nécessiteux et aristocrateconservateurqui ont tous une
approchedifférenteet souvent opposé de la
démocratisation »332(*).
Dans notre entretien avec lui, le Professeur M. Ndongmo,
théologien moral à l'UCAC et expert des questions
« Eglise et politique » confirmait cette vision de
la chose lorsqu'il affirmait au sujet de cette intervention discordante :
« L'Eglise n'est pas là pour l'endoctrinement. Elle
n'impose rien, ni ne s'ingère dans les consciences»333(*).
Loin donc d'être monolithique, l'action des clercs
catholiques dans le processus démocratique revêt une telle
diversité dont il convient de rechercher le sens aussi bien dans les
formes de rationalité des ceux-ci que dans les contextes sociopolitiques
à l'intérieur desquels ils se meuvent.
5.2. Les formes de
rationalitécléricales :moteur de la divergence des agir
politiquesdes clercs dans le champ de démocratisation
camerounaise
L'absence d'une ligne de conduite dictée par l'Eglise
sur les interventions des clercs catholiques dans le champ politique ouvre la
voie à l'émergence des formes de rationalités qui
sous-tendent ces interventions. Il s'agit ici de la mise en exergue des
stratégies par ces clercs pour se positionner dans le champ
sociopolitique, en tenant compte des contraintes du champ et des
possibilités qui lui laisse une certaine marge de manoeuvre.
On peut ainsi regrouper à la suite de M. Weber deux
formes principales de rationalité motivant ou orientant les conduites
sociopolitiques de ces clercs : les rationalités par rapport aux
fins à atteindre et les rationalités par rapport aux
valeurs334(*) que l'on
défend335(*).
L'Analyse des discours sociopolitiques des clercs nous permet de situer chacun
d'eux dans l'un ou l'autre de ces registres normatifs de leurs agir
politiques ;quoi que d'autres aient des conduites sociopolitiques plus
complexes,c'est-à-dire que leurs stratégies dans le champ
politique soient plus mitigées.
A ces deux formes de rationalités se rattachent,
toujours selon la sociologie wébérienne, deux formes
d'actions : l'action rationnelle par rapport à un but (l'acteur
conçoit clairement le but et combine les moyens en vue d'atteindre
celui-ci) ; etl'action rationnelle par rapport à une valeur
(l'acteur accepte tous les risques, non pour obtenir un résultat
extrinsèque mais pour rester fidèle à l'idée qu'il
se fait de l'honneur)336(*). En réalité, des formes d'action
décrites par Weber, ce sont ces deux quinous paraissent les mieux
à même d'expliquer la divergence des actions sociopolitiques des
clercs catholiques. Le sociologue Matt écrivait à ce
sujet : « Pour le sociologue, l'action par rapport
à un but et l'action par rapport à une valeur sont les plus
intéressantes car elles sont rationnelles. »337(*)
5.2.1. Les
rationalitéspar rapport au but visé.
Cette première catégorisation à
l'intérieur de laquelle on peut classer certaines formes de production
discursive du clergé catholique concerne les logiques d'acteurs qui
partent de leur conception du rôle de l'Eglise dans le processus
démocratique.
Dans cette catégorie, nous pouvons ranger tout discours
catholiquede maintien du statu quo. L'objectif de ces acteurs iciest
d'atteindre un but ; celui de la tranquillité publique, de la
cohésion sociale et l'ordre public. Les changements radicaux ici ne sont
pas leurs buts visés. Ils ne sont pour autant pas contre des
changements, mais ils pensent que l'histoire suit son cours et que les
changements viendront progressivement. De plus les changements sont
subordonnés à leurs intérêts.
Il est évident que les clercs catholiques inscrits dans
cette logiques tacherons de s'engager dans des débat de soutien au
pouvoir en place, car le pourvoir est un partenaire pour atteindre ce but
visé. Aussi, ils adhèreront à la vision du pouvoir qui, ne
compromettant pas leurs intérêts cherchera aussi à
maintenir le statu quo, pour sauvegarder leurs intérêts, voire
pour les promouvoir.
L'objectif visé ici n'est pas seulement le statu quo,
mais aussi et par conséquent la sauvegarde des rapports de l'institution
avec le pouvoir ;en tant qu'il est garant de cet ordre et distributeur des
richesses ou des retombées de ce statu quo. Dans ce sens, les
acteurs ici concernés concevant clairement ce but, combinent les moyens
en vue de l'atteindre ; et mettent en jeu les ressources ou les capitaux
qu'ils disposent à cet effet.
Ils peuvent être rangés dans cette visée,
les discours politico religieux de Mgr jean Zoa, de Mgr. TonyeBakot dont il
convient d'analyser quelques-uns ici pour en déceler cette forme de
rationalité.
En 1990, face à la pression de l'opposition qui
exigeait l'organisation d'une conférence nationale, le Chef de l'Etat
Paul Biya y voyait une menace ; car cette conférence devait
s'inscrire dans les bouleversements sociopolitiques qui ont
caractérisé l'entrée du pays dans la vague
démocratique. En ce sens, le discours politique de Mgr. Jean Zoa,
constituait un soutien au pouvoir.Voulant contribuer à la
pérennisation du régime, il allait jusqu'affirmer à la
télévision nationale que : « le terme
conférence nationale n'existe nulle part dans le dictionnaire
français»338(*). Ce soutien du prélat au refus de la
conférence nationale par le Régime du Renouveau s'inscrivait dans
la suite de ses multiples soutiens qui l'avaient historiquement opposé
à ses pères Anglos-bamilékés de la CENC ;que
ce soit avec Mgr.Ndongmo, Mgr. André Wouking qu'avec le Cardinal
Christian Tumi339(*).
Deuxièmement, le cas de Mgr.TonyeBakot est similaire.
Lorsqu'en 2004, à l'issue des élections il félicitait le
président vainqueur malgré toutes les controverses post
électorales sur les conditions de déroulement de ce scrutin, il
s'inscrivait dans une logique de sauvegarde des rapports de collaboration
Eglise-Etat. C'est pourquoi il a fait fi des pratiques de fraudes grâce
auxquelles le RDPC a pu obtenir la victoire de son candidat ; commenous
verrons plus loin. Dans une telle perspective, les acteurs politico-religieux
mobilisent dans le corpus de la doctrine catholique de la politique, les
ressources qui sont favorables à leurs stratégies de
positionnement sur le champ politique et donc aux rationalités qu'ils
mettent en oeuvre. De même que dans les évènements qui
surviennent dans le processus ils ne mobilisent que ceux qui leurs sont
favorables. En ce sens, au cours les multiples controverses qui ont eu lieu
après les présidentielles de 2011 sur le rôle de l'Elise
dans le processus démocratique camerounais, Mgr TonyeBakot a produit un
opuscule sous le titre « Quel aréopage pour l'Eglise
Catholique ? Une approche des rapports
Eglise-Etat ». L'auteur, faisant intervenir ici la
doctrine de l'Eglise, n'en mobilise que les éléments favorables
à la bonne collaboration que Vatican II préconise entre
l'Eglise et la Communauté politique. Il part du constat suivant :
« On reproche aux évêques de
n'avoir pas dénoncé les supposés fraudes
électorales lors de l'élection présidentielle, de n'avoir
pas soutenu l'opposition dans son projet de contestation publique, d'avoir
célébré les cultes interreligieux et des messes d'action
de grâce, de s'être tus quand ils auraient dû
parler»340(*).
Puis il aboutit à cette réplique :
« Le concile Vatican II, en faisant cette
nécessaire distinction entre l'Eglise et l'Etat, prescrit à ces
deux institutions une saine coopération pour le bien de tous : Sur
le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l'Eglise sont
indépendantes l'une de l'autre et autonomes, mais toutes deux, quoique
à des titres divers sont au service de la vocation personnelle et
sociale des mêmes hommes. Elles exerceront d'autant plus efficacement ce
service pour le bien de tous qu'elles rechercheront d'avantage entre elles une
saine coopération, en tenant compte également des circonstances
de temps et de lieu»341(*).
Ainsi, mobilisant cet extrait de Vatican II,celui-ci
justifie l'action de soutien qu'il apporte au régime en place et qui les
rapproche l'un de l'autre pour une « saine
coopération ».
Il est tout aussi important de préciser à ce
stade que l'action de soutien du pouvoir due à ces clercs dont la
logique se rapproche plus de celle de l'institution elle-même ne
s'inscrit pas initialement dans une logique de gain des faveurs multiformes.
Elle s'inscrit initialement dans une logique de protection de son
héritage culturel. L'Eglise comme toute religion d'ailleurs est
fondamentalement conservatrice, en raison du fait que les vérités
qu'elle a élaborées au fil de son histoire et qu'elle brandi
comme étant des vérités éternelles ne doivent en
aucun cas être remise en cause. C'est dans cette perspective que l'Eglise
se rencontre avec l'Etat qui à son tour voudrait préserver
l'ordre qu'il a établi et qui lui est favorable parce que garantissant
ses intérêts.
Au vue de cette alliance de l'Eglise et de l'Etat, il est
évident de comprendre que dans bien de cas où l'un a voulu
initier des changements, parce que l'ordre établi ne lui est pas/plus
favorable, il a souvent eu l'autre comme obstacle. Il s'est souvent agi d'un
nouveau groupe politique qui accède au pouvoir par une
révolution ; et qui voulant tout révolutionner fait face
à l'Eglise qui tient à protéger ses intérêts
et privilèges multiformes. Ce fut le cas avec le franquisme en
Espagne342(*).
En outre, pour comprendre cette discordance, il faut partir de
la nature même de la démocratie ; ence sens que, non
seulement la démocratie est le règne de la contradiction
où chacun donne ses opinions, mais aussi du fait que même les
experts les plus fuités ne se sont pas accordés sur ce qu'il
convient d'appeler démocratie. Elle tient aussi à la
variété des activités démocratiques ;
variété qui permet aux acteurs de s'engager dans des
activités qui nécessite des logiques d'actions différentes
et parfois divergentes. En ce sens, D. Philpott écrivait :
« La complexité marque également un certain nombre
d'activités démocratiques dans lesquelles divers acteurs de
l'Eglise peuvent s'engager. Certains se posent ouvertement en
contestataires. »343(*)
Dans ce sens, les clercs à rationalités
orientés vers des fins s'intéressent plus aux résultats
des scrutins tels que proclamés par la cour constitutionnelle qu'au
déroulement même de ce scrutin.
5.2.2. Les
rationalités par rapport aux valeurs
Il est question ici d'analyser une seconde
catégorie de rationalités qui meuvent les clercs catholiques.
Elle concerne ceux dont l'intervention dans le champ de démocratisation
répond à des logiques de respects de certaines valeurs qu'ils
pensent qu'il doit être au fondement de l'action de
démocratisation. Ceux-ci n'ont pas pour soucis premier la sauvegarde des
rapports Eglise-Etat, mais ils estiment que l'action de démocratisation
doit être orientée vers le respect de principes
démocratiques. Comme l'alternance, le respect des normes
électorales. C'est en cela que les actions sont orientées par
rapports aux valeurs ; et selon la théorie de M. Weber, ils peuvent
faire d'énormes efforts, au nom de ces valeurs qui sont pour eux
l'essentiel.
On peut classer dans cette catégorie les productions
discursives des clercs Comme Christian Cardinal Tumi, comme Ludovic Lado, comme
Samuel Kelda etc. Le point commun de ces trois clercs est qu'ils insistent sur
le respect des principes démocratiques, telles que la loi
électorale qui n'est pas respectée, l'alternance politique que
plusieurs générations de camerounais n'ont pas connu, le respect
de la souveraineté du peuple que compromettent les manigances
électorales etc.
Comme les premiers catégories d'acteurs, ceux-ci
mobiliseront aussi bien les ressources doctrinales que contextuelles qui leur
sont favorables. Recourant à la doctrine sociale de l'Eglise, ils ne
mobiliseront pas le principe de la « saine coopération
Eglise-Etat que préconise Vatican II, mais ils
s'intéresseront au rôle prophétique de l'Eglise
« Voix des sans voix » comme affirme Jean Paul
II : «L'Église doit continuer à jouer son
rôle prophétique et à être la voix des sans-voix
»344(*).
A l'analyse de la lettre ouverte de Ludovic Lado aux
évêques du Cameroun, on peut le constater avec aisance. Il
s'adresse aux évêques en ces termes :
« Comme vous le savez, les Camerounais, et pas
seulement les chrétiens catholiques, attendent de vous un leadership
prophétique dans ce pays malade d'injustices multiformes. (...)La
Conférence épiscopale est devenue la énième section
du RDPC. Pendant sept ans, vous avez observé, comme moi, le Parti-Etat
utiliser les voies légales pour faire reculer notre jeune
démocratie. Comme corps, vous n'avez jamais dit un seul mot publiquement
pour soutenir l'opposition, certes morbide, et la société civile
qui s'évertuaient à demander un système électoral
plus équitable, notamment le scrutin à deux tours ainsi que le
bulletin unique. Vous avez préféré garder le silence pour
ne pas gêner le régime en place où certains d'entre vous
ont de précieuses et généreuses
relations(...)»345(*).
Comme nous pouvons le constater, cette production
discursivemet en exergue les deux formes de rationnalisés ici
analysées et qui opposent les deux catégories de Clercs dans
leurs interventions dans le champ démocratique. Ludovic Lado s'y inscrit
notamment dans une logique de défense des principes démocratiques
dont il cite d'ailleurs quelques-uns, lorsqu'il fait allusion aux injustices et
au système électorale. Il y fait également
référence à la norme sociale qui voudrait que l'Eglise
soit le porte étendard d'un peuple qui gémi sous le poids
d'injustices multiformes sur lesquels s'est bâti le régime
politique en place346(*) ; et à la CENC, il rattache la seconde
forme de rationalité et les actions qui les
sous-tendent : « vous avez préféré
gardé le silence».
Abordant le cas de Tumi, nous pouvons nous rendre compte qu'il
s'inscrit dans cette même logique :
« Selon le rapportque j'ai reçude nos
observateurs catholiques, ils me disent qu'il faut qualifier ces
échéances...ce scrutin comme une mascarade électorale. Ce
sont eux qui étaient sur le terrain et ils étaient agrées
par l'Etat ».
Répondait ainsi le cardinal Christian Tumi à
Christophe Bouabouvier, Journaliste de RFI347(*). Voilà ce qui résume la lecture d'un
haut prélat d'un long processus électoral qui s'est soldé
par la victoire évidente du président candidat du Parti-Etat qui
a tout monopolisé à son compte. L'intérêt qu'un tel
clerc porte sur les détails du scrutin et non sur les résultats
qui ne surprennent aucun observateurnational comme international vient du fait
qu'il s'inscrit dans une logique selon laquelle le respect des normes
démocratiques constitue le véritable sujet qui mérite l'
attention.
Dans cet entretien, le Cardinal s'inscrivait dans une logique
de lutte et de combat démocratique, de dénonciation des fraudes
électorales et non de collaboration avec le pouvoir comme traduisent les
interventions multipliées de TonyeBakot sur la scène
médiatique Camerounaise. Si l'attention de ce prélat est
portée vers les principes électoraux, celui de Bakot est
porté vers les résultats du scrutin. C'est en ce sens que,
soutenant qu'il n'y a pas de discordance dans les affirmations de ces deux
prélats, le professeur J. P.Messina déclarait lors de notre
entretien : « Les deux ne parlent pas de la même
chose»348(*).
Quoique les avis de cet interviewé ne concordent pas avec les
nôtres, en raison de l'analyse pacifiste qu'il fait des relations
Eglise-Etat, il faudrait reconnaitre que cette affirmation va dans le
même sens que notre analyse.
En effet, en raison des logiques d'action
différenciée qui caractérisent leurs agir sociopolitiques,
chacun des prélats catholiques exploitent la piste qui lui est
favorable. Ainsi, les clercs dont la logique d'intervention est celle de
collaboration parleront de la proclamation des résultats par la cours
constitutionnelle qui est belle et bien légale, comme nous l'avons
montré plus haut.Ceux inscrits dans une logique d'opposition et de lutte
pour des changements démocratiques se réfèrent au
déroulement du scrutin. Reprenons à titre d'illustration cet
entretien de Tumi. Dans cette interview avec Christophe Bouabouvier, Tumi ne
s'intéresse pas à la proclamation des résultats qui
donnait Paul Biya candidat du RDPC vainqueur avec 70.92% de voix. Bien au
contraire, il s'intéressait plutôt aux conditions dans lesquelles
s'est déroulé le scrutin. C'est pourquoi il affirmait sur
RFI: « Il y' a des gens qui multiplient des problèmes
inutiles pour empêcher des gens de voter. Il y' a des quartiersici
à Douala qui n'ont pas pu voter parce qu'on sait bien qu'ils sont de
l'opposition ». Il n'est plus besoin de plus grande preuve de
soubassements moraux des interventions médiatiques de ces clercs.
Dans cette scène de grande controverse qui opposeces
clercs catholiques, les journalistes, acteurs majeurs de la scène
médiatique ne jouent pas un rôle de moindre importance. Percevant
les différentes formes de rationalité qui motivent chaque clerc,
ainsi que leur positionnement stratégique sur le champ politique,
ceux-ci accentuent la discordance, en mettant l'accent sur ce qui opposera les
deux clercs. Lorsqu'ils vont voir Tumi, c'est pour mettre l'accent sur ce qui
l'oppose à l'autre, ils n'iront pas vers les autres prélats. De
sorte que ce sont aussi les « journalistes du pouvoir » qui
iront très souvent vers là pour mettre en exergue le soutient
qu'ils apportent au pouvoir. Ainsi, on assiste à une instrumentalisation
de l'Eglise par les médias camerounais ;cause aussi d'une faiblesse
de communication de l'Eglise Catholique qui n'arrive pas à assurer une
bonne couverture médiatique des interventions publiques des clercs.
C'est ce qui a amené Marceline Manga à soutenir :
«Les médias catholiques sont presque absents de la
scène, ce sont encore les médiats publics qui véhiculent
le mieux les discours des évêques et en font ce qu'ils
veulent »349(*)
Ce tableau montre justement que ce sont les médias publics
qui communiquent le plus les interventions médiatisées de
l'église.
Tableau 14 : médiatisation
des interventions politiques des clercs

Source : Par nos soins.
Selon ce tableau, 45% de fidèles affirment qu'ils
suivent les sorties médiatiques des évêques à
travers les médias publics. Ce qui montre qu'après l'Eglise, les
medias publics constituent le moyen par lequel les fidèles catholiques
sont informés de ces sorties médiatiques des
évêques.
5.3. L'influence des
contextes sociopolitiques sur les comportements politiques contrastés
des clercs catholiques
Si l'intervention publique de chaque clerc est orientée
par les formes de rationalités qui le motivent dans le champ de
démocratisation, il faut reconnaitre que ceux-ci pensent tel qu'ils sont
socialement positionnés et donc, que les contextes sociaux à
l'intérieur desquels ils se meuvent sont déterminants pour la
production de ces rationalités qui orientent leur trajectoire dans le
champ politique.
En effet, les rationalités produites par ces clercs
émanent de leurs interprétations des jeux et enjeux du champ de
démocratisation. Or, Cette construction du sens par les acteurs
impliqués dans le processus de démocratisation ne se fait pas
seulement entre des individus qui seraient considérés comme des
atomes sociaux isolés, mais dans un contexte social dont l'importance
n'est pas négligeable. Le sens de toute chose est en fait donné
par son contexte de production. C'est pourquoi Hower Becker l'un des piliers de
l'interactionnisme symbolique soutient qu'il est nécessaire d'examiner
« minutieusement les activités effectives, en tentant de
comprendre les circonstances dans lesquelles agissent tous ceux qui sont
concernés»350(*).C'est de là que
vientl'intérêt que nous accordons ici aux situations et aux
contextes sociopolitiques à l'intérieur desquels évoluent
ces acteurs catholiques, et avec lesquelles ils interagissent tout en
construisant le sens de leurs actions. Ce sont tous ces éléments
qui contribuent à façonner et refaçonner l'identité
politico-religieuse de ceux-ci, laquelle est importante dans la production
sociale de leur rôle de démocratisation.
En ce sens, pour comprendre d'avantage les interventions
discordantes des clercs catholiques, il faut partir des villes de Douala et de
Yaoundé ici concernées, où ils ont politiquement et
socialement positionnés.
5.3.1. L'influence du
contexte sociopolitique de Douala
Le contexte sociopolitique de Douala, l'avons-nous
montré plus haut, est caractérisé par les mouvements de
protestation qui ont fini par donné à cette ville l'image d'une
« ville d'opposition ». En réalité,
Douala est historiquement le fief de l'opposition depuis les mouvements
indépendantistes. Ce climat historique a amené la majeur partie
de l'opposition à s'y installer et à pérenniser cette
image depuis l'ouverture démocratique. Cette ambiance vient aussi de ce
que Douala est la capitale économique du pays et en ce sens, draine
à travers des courants migratoires une masse importante des populations
rurales et expatriées. Or la situation économique du pays ne rend
pas possible la satisfaction de ces masses de population venues à la
recherche de l'emploi ; ceci pour deux raisons : la crise
économique de la fin des années 80 n'a fait que sombrer davantage
ces populations et la politique de l'emploi n'a pas permis de réduire le
taux de chômage qui va au-delà de 13%. Finalement frustrés
et révoltés,ces populations se tournent contre le politique qui
non seulement a la responsabilité première de pourvoyance
d'emploi, mais qui n'est pas frappée par cette crise. En effet, les
pratiquesde détournement des deniers publics351(*) et les hauts salaires des
hauts cadres de l'administration Biya352(*)mettant ceux-ci à l'abri de la
paupérisation généralisée, même en contexte
de la crise économique.
En ce sens, cette ambiance sociale et politique travaille les
mentalités aussi bien des populations que des leaders sociaux. C'est
pourquoi, les clercs catholiques de la ville de Douala, n'étant pas des
atomes sociaux isolés mais des membres à part entière de
cette ville d'opposition, feront des interventions publiques qui ne sont pas
à la faveur du régime mais qui, répondant aux logiques
sociales de leur milieu, prennent un accent de critique et d'opposition au
régime en Place. Les avis de Christian Cardinal Tumi prennent justement
ce ton,comme nous l'avons vu plus haut.
Ces logiques sociales d'opposition ne s'expriment pas
seulement à travers les rationalités propres de ces clercs en
tant qu'ils sont socialement positionnés, elles répondent aussi
aux formes d'exigences populaires des fidèles de Douala qui attendent de
leur Clercs qu'ils les défendent de la dictature d'un régime qui
les a privés de la « manne nationale ».
Par conséquent, puisque l'Eglise vit de ces populations
qui survivent à partir de leur débrouillardise, du contournement
des impôts, elle est obligée de se soumettre à leur souhait
afin d'attendre d'eux leur aides multiformes, notamment financières.
Les industriels et les hommes d'affaires constituent une autre
source importante d'influence des rationalités d'opposition des clercs
catholiques de Douala. En raison des conflits historiques qui opposentles
pouvoirs politiques aux leaders économiques de Douala, ces derniers
attendent de leurs clercs qu'ils les soutiennent dans cette opposition. Or
puisque ce sont ces derniers qui font vivre l'Eglise, à travers leurs
contributions multiformes pour la construction des édifices religieux,
pour l'achat des véhicules des clercs et bien d'autres, ceux-ci se
doivent en retour de les soutenir dans leur opposition à leurs
adversaires du pouvoir public. La presse de l'opposition, numériquement
plus importante que toute et fortement concentrée dans cette ville joue
aussi un rôle très important. Acteur majeur de la scène
publique, elle a une influence déterminante sur les discours publics
des clercs catholiques qu'elle sanctionne à chaque circonstance.
Fustigeant violement ceux qui ont une allure de soutien du pouvoir, elle ne
manque pas de célébrer ceux qui ont une allure d'opposition,
comme elle l'a toujours fait avec les sorties médiatiques de Christian
Tumi, prélat catholique « le plus vertueux », tel
que l'habille ces médiats.
5.3.2. L'influence du
contexte sociopolitique de Yaoundé
Le contexte sociopolitique de la ville de Yaoundé est
déterminé par le statut politique de cette ville. Capitale
politique et par conséquent siège des institutions politiques de
la République, Yaoundé est le fief du parti au Pouvoir. En ce
sens, son influence sur les attitudes politiques prédisposent ses
habitants plus à une participation de soutien qu'à une
participation contestataire comme nous l'avons vu avec la ville de Douala.
En référence aux travaux des constructivistes
qui ont créé des passerelles entre les éléments
structurant, (poids des conditionnements sociaux) et les subjectivités
individuelles (rationalités d'acteurs individuels), nous pouvons donc
comprendre que l'action de soutien du régime par les acteurs de
Yaoundé soit conditionnée aussi par le climat politique de cette
ville.
En réalité, du fait de la proximité des
structures catholiques avec les institutions politiques, les clercs catholiques
de l'archidiocèse de Yaoundé sont plus portés à un
discours de collaboration, de soutien des efforts fourni par le régime.
Contrairement à ceux de Douala qui sont dans une ville de la survie, de
la débrouillardise et donc d'opposition.
Cette orientation du discours politico-religieux des clercs
de Yaoundé vient du fait que ce sont les hauts cadres de
l'administration Biya qui font vivre l'Eglise de Yaoundé ; qui
financent le fonctionnement des structures catholiques de cette ville comme ils
apportent des aides multiformes aux leaders catholiques individuellement. Les
Clercs de Yaoundé se sentent donc avec une dette morale d'apporter
à ceux-ci leur soutien dans la lutte pour la pérennisation de
leur statut sociopolitique. En ce sens, l'action de ces derniers s'inscrirait
dans une logique de sauvegarde de leurs intérêts, comme l'est
d'ailleurs celle des Clercs de Douala. Il n'est plus besoin de revenir sur le
contenu des discours politico-religieux de ces clercs pour le
démontrer ; nous l'avons déjà fait plus haut.
Le tableau suivant montre justement que les fidèles
catholiques de Yaoundé sont favorables aux régimes en place,
tandis que ceux de Douala lui sont défavorables.
Tableau 15 : Jugement sur le
régime Biya selon la ville.
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Source : Par nos soins.
On peut retenir de ce tableau que le chrétiens
catholiques de Yaoundé, plus que ceux de Douala ont un avis favorable de
l'action du Régime en place.
Dans cette perspective, il est évident de comprendre
que l'action politique catholique dépende descontextes socio politiques
à l'intérieur desquels émergent les acteurs politiques
catholiques. Elle ne dépend pas uniquement de ses fondements
idéologiquestelles que véhiculées par la Doctrine Sociale
de l'Eglise. Ceci explique pourquoi l'action politique catholique ne soit pas
monolithique mais varie d'un pays à l'autre commed'un contexte socio
politique à l'autre, selon les conjonctures, les nouveaux acteurs qui
entrent en scène avec leurs rationalités propres. En ce sens,
J.-Y.Calvez a pu écrire : « si elle (l'Eglise) a
été plus combative en Pologne qu'en Hongrie, par exemple cela
tient naturellement à des raisons nationales, historiques, culturelles,
spécifiques aux divers pays »353(*).C'est fort d'une telle
réalité que S.Rojo soutenait que l'Eglise n'est pas
« un corps hermétique à l'abris des mutations
socioéconomique de la société»354(*).
Au delà du poids déterminant de ces contextes
sociaux, notons que dans certaines circonstances, il peut y avoir une
prédominance des rationalités individuelles sur les contextes
sociaux, de sorte que l'action d'un membre du groupe donné
réponde à ses rationalités propres, plutôt qu'aux
logiques d'action en vogue. C'est le cas du P. Ludovic Lado qui, bien
qu'émergeant en contexte politique de Yaoundé a gardé une
connotation d'opposition. Ce cas d'exception peut s'expliquer entre autres par
la trajectoire politique propre de l'acteur social concerné, comme par
son affiliation avec d'autres groupes desquels il tire ses rationalités
d'action. Ici, on peut voir l'affiliation de Lado avec l'opposition
camerounaise ou avec le groupe tribal anglo-bamiliké, comme nous allons
le montrer dans la section suivante.
5.4. Les logiques tribales
d'action cléricales et les types de rapport au pouvoir
Pour comprendre le positionnement des archidiocèses de
Yaoundé et de Douala vis-à-vis du pouvoir en place, il faut
explorer aussi les rapports qui unissent l'autorité ecclésiale
qu'incarnent ici les prélats avec ce pouvoir politique, ainsi que les
logiques tribales de l'action politique de ces clercs.
5.4.1. Les logiques
tribales d'action cléricales
La scène politique camerounaise comme la scène
sociale elle-même est caractérisée par la prégnance
des logiques tribales qui y sont en cours. L'Eglise et notamment ses clercs
n'étant pas hermétiques aux logiques sociales qui structurentle
vécu camerounais est profondément imprégnée de
cette réalité. Il est important de comprendre comment l'Eglise
répond aux mêmes logiques sociales en vogue dans la
société.
L'Eglise est une institution sociale comme toutes les autres.
En tant qu'institution religieuse, elle est certes caractérisée
par son positionnement entre le spirituel et le temporel, et ce n'est que cette
double source de formation de son identité sociale qui fait sa
particularité. Sinon, bien qu'elle prétende être une super
institution qui s'inscrit hors du temps et de l'espace et qui veut avoir une
origine non sociale ni culturelle, mais transcendantale, elle reste une
institution comme toutes les autres et par conséquent, elle
répond aux logiques sociales qui meuvent l'ensemble de la
société. Son action ne peut par conséquent être
comprise que dans le contexte général de la société
à l'intérieur de laquelle elle évolue. Il n'y adonc rien
de surprenant que l'action de démocratisation des clercs catholiques
s'inscrivent dans le débat idéologico-tribale qui
caractérise la démocratie camerounaise.
La fameuse lettre de TonyeBakotau doyen de la faculté
des sciences sociales s'inscrivait justement dans cette logique tribale, ainsi
quetoutes les parties impliquées dans cette production discussive qu'a
suscité cette lettre ;que ce soit la lettre accusatrice que celle
réactionnaire de Ludovic Lado. En effet, les camerounais pensent et
agissent tels qu'ils sont ethniquement positionnés. Le sentiment
d'appartenance tribal est si fort au Cameroun qu'il travaille les
mentalités des camerounais ; de la plus basse couche sociale
à la plus haute autorité, c'est-à-dire à la
tête même de l'Etat. C`est ce qui a amené le professeur
MoukokoPrisoà affirmer que : « de sa construction
idéologique à sa fonctionnalité concrète, l'Etat
camerounais a été construit sur des bases tribales à
travers des processus de routinisation et de banalisation de sa
tribalisation. »355(*)
Emboitant le pas à ce dernier, J.-B.Kenmogne estime que
le mot d'ordre des Eglises au Cameroun est devenu : « Chacun
pour sa tribu, Dieu pour tous »356(*) ; soutenant que les
institutions religieuses sont à l'image de la société
camerounaise et par conséquent sont alimentées par sa logique de
fonctionnement tribaliste qu'y véhiculent ses membres.
Sous l'influence d'une telle tribalisassions de la vie
sociopolitique au Cameroun, l'Eglise est devenue une instance de reproduction
des logiques tribales au point que son rapport au pouvoir comme à la
politique en soit déterminé. C'est fort d'une telle
réalité que Bayart a affirmé :
« Les rapports entre les Eglises et l'Etat sont
de nature politique et bien des égards institutionnels. Mais il est
impossible de les comprendre si on ne tient pas compte de leurs composantes
ethniques et familiales »357(*).
Examinons les chiffres de ces graphiques qui montrent
justement que les avis que les chrétiens catholiques portent sur le
processus démocratique au Cameroun dépendent de leur appartenance
tribale.
Graphique 1:Regroupement tribal et
jugement sur le processus démocratique
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Source : Par nos soins.
Le groupe tribal « Béti » qui forme
l'alliance Centre-Est -Sud, occupe la première place pour juger passable
le processus démocratique en cours, suivi de ceux qui se rapproche le
plus d'eux, les « Bassa » ou de manière plus
générale ceux du littoral. Ce rapprochement tribal se traduit
justement dans l'action politico-cléricale par le rapprochement de Bakot
du régime Biya. Les Anglos-bamilékés quoi que constituant
la population la plus importante de cette étude358(*) occupe la 3è
place. Avec 47% de choix de la modalité passable, contre 10% pour
bien, 29% pour mal et 13%pour très mal. Cela est caractéristique
des formes de désapprobation de contestation qui caractérisent la
ville de Douala, fief de l'opposition et dont les prises de position de Tumi
traduisent l'expression. J.F. Bayart ne s'était donc pas trompé
lorsque parlant de Douala comme ville « réputée
réticente contre le régime »359(*). Il indiquait les fonctions
tribuniciennes des prélats qui y ont été à la
tête de l'Eglise Catholique. La controverse qui a opposé Christian
Tumi et Jacques FameNdongo360(*) au sujet de « la confiscation du
pouvoir par les bétis » répond à cette
même logique de la tribalisation des rapports Eglise-Etat au
Cameroun361(*). Ce qui
traduit en même temps le clivage ethnique qui règne au sein de
l'Eglise Catholique. Le mémorandum des prêtres de Douala
adressé au Pape Jean Paul II contre la
« bamilékalisation » du clergé de Douala et
celui de l'association du clergé indigène de Bafoussam en
réaction à ce premier est l'une des scènes les plus
illustratives de la « tribalisassions » des
rapports sociaux dans l'Eglise. Le même scenario s'est
répété lorsque les chrétiens catholiques de
Yaoundé se sont opposés au transfert de Mgr. André Wouking
comme archevêque de Yaoundé en 1999.
5.4.2. Les types de
rapport au pouvoir
Au-delà des logiques socio-tribales ou suite à
celles-ci, nous estimons que l'intensité comme l'orientation de la
participation des clercs Catholiques au processus démocratique est aussi
fonction des rapports de ceux-ci avec le pouvoir, et par conséquent de
leur histoire, comme de leurs trajectoires dans le champ sociopolitique. Ces
rapports dépendent prioritairement des privilèges que le pouvoir
accorde aux autorités ecclésiales.
Si le clergé de Yaoundé bénéficie
de nombreux bienfaits de l'Etat comme nous l'avons vu plus haut, et que celui
de Douala est victime de désavantage du régime comme le
révèle Tumi lui-même dans son livre362(*)ou encore l'effort
camerounais au sujet de l'arrêt de l'éclairage public des
alentours de la cathédrale de Douala363(*), il est évident que la participation de ces
diocèses soit respectivement pour le pouvoir et contre le pouvoir. Les
autorités ecclésiales de Yaoundé sont dans ce cas
portées à faire une participation de soutien, contrairement
à ceux de Douala. Ce qui est une évidence sociologique et ne fait
pas du Cameroun une originalité.
En réalité, la participation politique de
l'Eglise a très souvent varié en fonction des types de relations
que l'Eglise entretien avec l'Etat. Par exemple, dans les pays où
l'Eglise s'est démarquée de l'Etat pour soutenir les populations
et la Société Civile dans leur lutte contre les abus du pouvoir,
cela a très souvent fait suite à l'effritement des rapports
Eglise-Etat. Prenons quelques exemples :
L'action de l'Eglise dans la sortie de la dictature mobutisme
a été suite à la politique d'authenticité de
Mobutu, qui s'attaquait au christianisme, trouvant qu'il était une
religion importée et devait se soumettre à la politique
d'africanisation qu'il avait initiée. C. Makiabo a écrit
d'ailleurs à ce sujet : « le pouvoir s'engagea contre
tout l'héritage culturel du Christianisme au
Zaïre»364(*).
En outre, n'est-ce pas parce que les rebelles franquistes
s'attaquant à l'Eglise allaient jusqu'à fusiller des
prêtres que l'Eglise s'est engagée dans une lutte farouche contrer
Madrid,au point « d'inciter les fidèles à se
soulever contre Madrid et à verser leur sang pour défendre
l'Eglise»365(*)?
Par conséquent, on peut comprendre que pendant la
période de monolithisme,la distance qui séparait l'administration
Ahidjodu clergé catholique aitfragilisé la participation de
soutien de celle-ci. Nous l'avons vu avec J.L. Moroleau366(*). Il est aussi évident
que l'accession du « fils de l'Eglise » à la
magistrature suprême lui a redonné l'occasion de reprendre
l'alliance éternelle Eglise-Etat.
Le concile Vatican II en initiant le soutien de l'Eglise pour
la promotion de la démocratie n'avait-il pas au préalable
indiqué que l'Eglise devait renoncer à tout soutien aux
régimes dictatoriaux ? Preuve que l'action de l'Eglise en faveur de
la démocratie ne peut être effective que si l'Eglise se
démarque de l'Etat, car des relations harmonieuses avec un Etat
dictateur l'Eglise n'a construit rien de grand.
C'est pourquoi, se posant la question de savoir quel type
d'Eglise Catholique peut s'épanouir dans le monde politique moderne,
dans la lutte vigoureuse contre les injustices, D.Philpott indique justement
que c'est celle qui respecte la double tolérance, et
« met en pratique l'enseignement du magistère catholique
sur la justice dans le monde politique moderne »367(*).
Par contre, une Eglise qui tient à sauvegarder ses
rapports avec le pouvoir, se verra toujours instrumentalisée par ce
dernier pour fragiliser son action de promotion des peuples. Ce que nous
abordons dans cette sous-section.
5.5. La
responsabilité de l'Etat dans la discordance de l'action politique des
Clercs catholiques
Dans cette participation discordante du Clergé du
Cameroun à la construction de la démocratie camerounaise, l'Etat
camerounais a une grande responsabilité. En effet il dispose des
stratégies pour étendre sa monopolisation jusqu'au sein de
l'Eglise. A travers des actions aussi variées que le financement des
structures d'Eglise et la nomination des prélats catholiques dans son
administration.
5.5.1. Les
disparités des allocations de financement des structures
catholiques
Plusieurs sources lors de nos entretiens nous ont
révélé que l'archevêque de Yaoundé est
impliqué dans des affaires foncières et des dettes qui ont
nécessité le secours du la présidence du Cameroun. Ce cas
n'est que l'un des multiples exemples qui montrent que l'archidiocèse de
Yaoundé comme plusieurs autres diocèses du Cameroun est
financièrement dépendant du pouvoir en place ; ce qui fonde
la nécessaire collaboration entre ces deux instances.
Les rapports de proximité entre les hommes du pouvoir
et certains hommes d'Eglise au Cameroun, expliquent le soutien de l'Eglise au
pouvoir en place. L'Eglise vit des bienfaits de ces derniers qui depuis la
mangeoire ne manque pas de donner à l'Eglise sa
« part », à travers moult contribution à la
vie de l'Eglise, construction des édifices, achats des véhicules
et des enveloppes de toutes sortes. Il n'est plus besoin de démontrer
que le citoyen camerounais moyen ne survivant qu'à peine avec ce qu'il
gagne, ne peut être à l'origine de ces prestigieux édifices
de l'Eglise Catholique. Au contraire, ils sont construits avec un important
soutien des hommes et des femmes qui se taillent une grande part des caisses
publiques.
Il devient évident de comprendre que ces derniers
attendent quelque chose en retour. Or qu'est-ce que ces hommes d'Eglise peuvent
leur apporter de mieux que ce dont ils ont le plus besoin :
légitimer leur pouvoir auprès du peuple, à travers des
messes d'action de grâce de suite de nomination, des sermons sur le
respect de l'autorité etc.
Du camp des partisans de la participation contestataire, le
scénario est le même. Ce sont leurs affiliations avec les agents
économiques en guerre contre ceux qui ont monopolisé le pouvoir
qui les disposent à une participation de contestation par soutien
à ceux-ci. De même que ceux du pouvoir font vivre l'Eglise de
Yaoundé, les hommes d'affaire de Douala font vivre celle de Douala. Rien
de surprenant donc à l'action de Tumi qui a fait dire à,
C.Ngadjifna : « Dans le versant politique de son engagement
au service de la nation, Mgr Christian Tumi, aura maille à partir avec
les autorités politiques»368(*).
Le cas deTonyeBakot de Yaoundé est similaire ;
soucieux de préserver ses rapports avec le pouvoir, il aura une
participation qui aille dans le sens de la politique du Renouveau. Le quotidien
Mutations faisait justement allusion à lui dans son soutien au pouvoir
en place pour brandir le message de la paix devenu un « argument
de chantage électoral »369(*). On peut y lire notamment :
« L'Eglise se doit d'ailleurs d'entretenir sa
communication sur la Paix. Pourtant, elle devient suspecte et passable d'une
instrumentalisation lorsque le martellement, l'orientation des sources et les
messagestant bien impressifs que marqués, tendent à entretenir
l'opinion dans une sorte de psychose. »370(*)
En ce sens, le pouvoir instrumentalise notamment l'Eglise pour
véhiculer son message de paix qui est devenu presque un argument de
chantage politique du RDPC. Le président Paul Biya a taillé le
système à sa mesure et a d'ailleurs modifié la
constitution pour pouvoir se représenter à vie ;avec la
certitude que l'issue de tout scrutin lui sera toujours favorable, car il
détient la clé du système électoral. Dans une telle
situation, le peuple ayant perdu toute possibilité d'exercer son pouvoir
de manière légale par les urnes, risquera de prendre un jour
d'autres voies, mais cette fois des voix peu orthodoxes. L'idéologie de
la paix devenue l'hymne de toutes les élections au Cameroun
répond à cette crainte qui hante le pouvoir. L'Eglise, dans sa
mission d'encadrement des masses à opter aussi pour cette
idéologie, confirmant ainsi son expertise pour le maintien du statu
quo.
5.5.2. La nomination des
prélats Catholiques dans l'administration Biya : une source de
discordance
La nomination par décret présidentiel de
Mgr.BefeAteba au Conseil National de communication et de Mgr. Dieudonné
Watio au Conseil électoral n'était pas dénuée de
tout intérêt politique. Après les discordances qu'on a
observées au sein même du clergé camerounais,notamment
cette dernière décennie, une telle nomination vient renforcer le
soutien de l'épiscopat et rendre plus accentué les discordances.
En effet, ces prélats nommés dans l'administration ayant
prêté serment s'aligneront toujours derrière les
affirmations gouvernementales. Ce qui les distanciera davantage des autres qui,
comme Tumiseront toujours distant du pouvoir. Cette nomination relève
donc des stratégies que met en place le régime pour rendre plus
audible et visible le soutien de l'Eglise Catholique et fragiliser la voix
prophétique de celle-ci. C'est pour quoi, le socio-politiste
M.E.OwonaNguini, a soutenu qu'à travers cette nomination, «
Le régime exploite l'Eglise pour légitimer son emprise sur la
société »371(*). En effet, dans les sociétés fortement
christianisées, le pouvoir exploite habituellement certains leaders des
confréries pour légitimer et justifier son emprise sur la
société, compte tenu de l'emprise morale de ces derniers sur la
société.
Il s'avère donc qu'au Cameroun le régime Biya a
opté pour cette instrumentalisation de l'Eglise Catholique en nommant
ces deux dignitaires religieux. Cette lecture nous fait rejoindre d'ailleurs
J.F.Bayart qui soutient que « le modèle de substitution
camerounais est original pour l'Afrique tant les Eglises camerounaises sont
à bien des égards, les héritières de la gauche
libérale absorbée ou détruite par le
régime »372(*).
Au terme de ce chapitre, nous pouvons retenir que dans leurs
interactions avec le champ de démocratisation, les clercs catholiques
élaborent des rationalités qui orientent leurs trajectoires dans
ce champ. Rationalités qui ne relèvent pas exclusivement des
subjectivités propres à ceux-ci mais qui répondent aussi
au poids des conjonctures politiques et tribales. Dans ce sens leur
positionnement dans ce champ est stratégique, selon qu'ils situent leurs
actions à l'intercession des motivations religieuses et logiques de
préservation de leur influence sur la société comme leurs
rapports au pouvoir en place.
CHAPITRE 6:
FIDELES CATHOLIQUES ET
PARTICIPATION DE L'EGLISE AU PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS
Ce chapitre vise à faire une analyse des attitudes des
fidèles catholiques vis-à-vis des préoccupations
sociopolitiques de l'Eglise. En d'autres termes, il s'agit d'évaluer
leur propre participation à l'action de construction de la
démocratie camerounaise, telle qu'elle est initiée par leur
Eglise.
La consécration d'un chapitre à l'analyse des
attitudes politiques des chrétiens catholiques de la base a un double
intérêt : la démocratie étant une affaire de la
masse et donc des citoyens lambda, il est intéressant de voir comment la
masse catholique s'intéresse au processus démocratique, notamment
à l'action initiée par leur Eglise en vue de contribuer à
sa construction. En plus, la démocratie ne pouvant être
consolidée que par une culture politique de la masse, il faut saisir
l'attachement de cette masse aux valeurs démocratiques.
Deuxièmement, l'Enseignement Social de l'Eglise Catholique stipule que
l'action politique incombe aux fidèles laïcs et que l'Eglise doit
former ses fidèles de sorte qu'ils puissent s'impliquer dans les
affaires politiques de leur pays, afin de les transformer à partir de
leurs valeurs catholiques373(*). Il faut donc voir dans cette partie comment ces
fidèles laïcs, non seulement se réapproprient de
cetEnseignement Social de l'Eglise, mais aussi comment ils se positionnent face
aux crises multiformes que connaissent leur pays.
Ainsi, notre analyse sera axée principalement sur des
centres d'intérêts aussi variés que : les
représentations du champ politique par ces fidèles, leurs
réception et perception des préoccupations sociopolitiques de
l'Eglise, leur participation politique en vue des changements
démocratiques, la participation des CEV et enfin les enjeux
sociopolitiques de la foi catholique.
6.1. LES REPRESENTATIONS
DU CHAMP POLITIQUE PAR LES FIDELESCATHOLIQUES DE DOUALA ET DE
YAOUNDE
Pour comprendre la réappropriation par les
fidèles catholiques des préoccupations sociopolitiques de leur
Eglise, il faut partir de leur vision du champ politique, laquelle est
très déterminante pour celle-ci.
Dans leurs interactions avec le champ politique, les
fidèles catholiques de Doualaet de Yaoundé élaborent une
certaine vision du champ politique, qui leur permet de définir leur
rapport à la politique.
Une analyse de cette vision nous a permis de mettre en exergue
leur vision des différents facteurs du champ politique.
6.1.1. Les
représentations de la politique et des Hommes politiques
L'image très répandue selon laquelle la
politique serait « une mauvaise chose » est très
répandue dans les mentalités des fidèles catholiques. Les
résultats de terrain l'attestent fort bien.
Tableau16 :
Représentations de la politique chez les catholiques.

Source : Par nos soins.
Selon ce tableau, 48,8% des fidèles catholiques
perçoivent la politique comme étant une « mauvaise
chose ». Si l'on y ajoute le pourcentage des indécis on
obtient 68,4% de fidèles qui ne jugent pas la politique comme
étant une bonne chose.
Comment comprendre ces chiffres ? Le contexte politique
du pays a donné à ceux-ci l'image que la politique, loin
d'être un moyen de construction est celui de la destruction. Les
pratiques des hommes politiques engendrent chez ceux-ci des frustrations que
traduisent cesreprésentations de la politique.Ces représentations
sociales sont donc les fruits conjugués des comportements des hommes
politiques et des interprétations de la dictature politique. Le
graphique suivant indique justement que l'image que ces fidèles se font
des hommes politiques est semblable à celle de la politique. Il a
été obtenu à partir des réponses à la
question de savoir comment ils jugent l'action des hommes politiques du
Cameroun.
Graphique 2 : Jugement sur
l'action politique des hommes politiques

Source : Par nos soins.
Sur un total de 120 fidèles de Yaoundé, 58
jugent mal l'action des hommes politiques et 28 personnes la jugent très
mal, contre 32 personnes uniquement qui la jugent passable et bonne. Quand
à Douala, sur 130 fidèles, 83 jugent mal et très mal
l'action des hommes politiques conte 45 qui la jugent passable et bonne. Ce qui
traduit le manque de confiance de ces fidèles aux hommes politiques, et
de manière plus générale la désaffection politique
que ces représentations engendrent.Cette réalité avait
d'ailleurs été notée par N. Soffack lorsqu'il affirmait :
« Il y a une méfiance traditionnelle des
chrétiens par rapport au politique. C'est la réalité la
plus massive actuellement, malgré les évolutions récentes
et les multiples encouragements de la hiérarchie. Le non engagement
politique du chrétien va donc de l'abstention politique au mépris
de la vie politique, en passant par l'inertie. Le jugement que certains
chrétiens portent sur la politique est foncièrement
négatif : arrivisme, idolâtrie du pouvoir »374(*).
Le tableau qui suit met en exergue cette perte de confiance. A
la question de savoir d'où peut venir des changements sociopolitiques au
Cameroun, nos enquêtés ont montré qu'ils n'ont aucune
confiance aux hommes politiques qui ont échoué leur mission
d'organisation de la cité pour un épanouissement collectif.
Tableau17 : jugement sur
l'origine des changements politiques suivant la profession.

Source : Par nos soins.
Il ne faut pas voir dans ces autres chiffres375(*) le fait que les
fidèles attribuent la responsabilité politique aux citoyens. Ils
signifient plutôt qu'ils ne croient pas que des changements puissent
venir des hommes politiques, vue le manque de confiance qu'ils placent en eux.
C'est pourquoi, indépendamment de leur profession, 213 personnes pensent
que les changements ne peuvent venir que d'une action concertée entre
citoyen et politicien.
Il faut reconnaitre que l'image très répandue
selon laquelle la politique est salle ne viendrait pas seulement de la pratique
ni de l'idée qu'on ne peut pas faire de la politique sans se salir les
mains. Elle viendrait aussi des constructions mentales de ces fidèles
qui veulent bien se détourner du champ politique, et serait l'expression
de leur protestationcontre la politique. Il faut reconnaitre également
quetout les prédispose dans ce champ à l'apolitisme.
L'environnement politique les aide à se construire cette image de
l'inutilité de la pratique politique. L'environnement économique
les dispose à se détourner du politique pour s'inscrire dans les
logiques de survie, dans un contexte où l'Etat s'est démis de ses
fonctions ou a pénétré en brousse comme l'avait
déjà remarqué J.M. Ela376(*), et où les exigences du quotidien
compromettent leur vie. Ils identifient le champ politique comme la source de
leurs maux, et s'en détournent pour rechercher d'autres moyens de
gestions de cette crise.
6.1.2. Les
représentations de la participation politique
Un autre élément de ces représentations
concerne l'attitude des fidèles catholiques du système politique
général. Examinons ce tableau pour voir ce que ces fidèles
pensent du système politique camerounais.
Tableau18 : Jugement des
catholiques sur la démocratie camerounaise

Source : Par nos soins.
A la question de savoir comment ils jugent l'état
actuel de la démocratie au Cameroun, grand nombre de fidèles
(135/250) estime que la démocratie est passable au Cameroun,
indépendamment de leurs âges ;tandis qu'une autre proportion
de 93 la jugent mal et très mal. Ce qui signifie que seul 22
fidèles sur 250 sont satisfaits du système politique en place.
En effet, si le régime Biya a pris un tournant de
libéralisation politique à l'aube des années 90, 20 ans
plus tard, il n'a pas conduit à un système politique
satisfaisant, qui mobilise l'intérêt des citoyens. Par contre, il
constitue aujourd'hui encore un facteur de découragement ou de
désintérêt politique, même chez ces fidèles
que les motivations religieuses ne disposent pas à la participation.
Tableau 19:Participation politique
comme facteur de changement social et politique.

Source : Par nos soins.
Plus de la majorité des fidèles catholiques de
Douala et de Yaoundé estime que la participation citoyenne peut
permettre aux citoyens de changer leur pays ; mais 123 fidèles,
soit près de la moitié de l'échantillon pensent que cela
ne peut se faire que difficilement. Seront-ils donc prêt à
s'engager dans une si lourde tâche ? Nous le verrons plus loin.
Ici encore, les résultats de ce tableau nous permettent
de constater que l'école n'est pas un facteur d'influence du jugement
politique. Du primaire au supérieur, les tendances sont quasiment les
mêmes : peu de personne pense que la participationpolitiquene sert
à rien, puis le nombre augmente progressivement avec les
modalités qui s'en suivent.
6.1.3. La Foi et la
participation politique
Les interrelations qu'ils tissent entre la foi et la
politiqueconstituent un autre facteur de construction de leur vision du champ
politique. Les fidèles catholiques de Douala comme ceux de
Yaoundé ont ainsi une vision de l'incompatibilité entre la foi et
la politique ;quoi que cette incompatibilité soit relative, ce que
vient attester le graphique suivant :
Graphique 3 :
Compatibilité foi et politique, selon la fréquence
à la messe.

Source : Par nos soins.
Ce graphique donne à voir que les fidèles
catholiques, indépendamment de leur fréquence à la messe
jugent que la foi et la politique sont incompatibles : soit un effectif de
41 oui contre 24 non pour les « journalière », 72
non contre 65 oui pour les « hebdomadaire », 1 oui contre 8
non pour les « annuelle » et 11 oui contre 28 non les
« occasionnelle ». Dans tous les cas, à chaque fois
que la question de la compatibilité entre la foi et la politique est
posée, la majorité juge toujours que ces deux
réalités entretiennent des liens d'incompatibilité.Ce qui
permet de comprendre alors que la foi perçue comme quelque chose de
« sain » ne saurait aller avec la politique que ceux-ci
perçoivent comme « sale », comme nous l'avons vu
plus haut.
Dans la même perspective, à la question de savoir
si la participation politique est un devoir chrétien, les
résultats suivants ont été recueillis du terrain.
Tableau 20 : Jugement sur la
participation comme devoir chrétien

Source : Par nos soins.
Cet autre tableau montre au contraire que les avis sur la
participation comme devoir chrétien sont presque équitablement
repartis. Quoi que le `'non'' l'emporte toujours sur le `'oui'' (128 contre
122). Cette tendance positive s'explique par le travail que font l'Eglise et la
société civile pour mobiliser les citoyens en vue d'une
éventuelle alternance politique par le biais des élections, bien
que le comportement citoyen ne suive toujours pas cette tendance.
Il ne fait plus de doute que les représentations de la
chose politique ne sont pas positivement perçues par les fidèles
catholiques de Douala et de Yaoundé. Ce qui permet déjà
d'avoir une idée générale de leur manque d'adhésion
aux réalités sociopolitiques de l'Eglise. Cependant, il faut
reconnaitre que cette réalité est relative. Ce qui atteste de la
complexité des questions sociopolitiques au sein de l'Eglise, lesquelles
sont loin de faire l'unanimité.
6.2. LA RECEPTION ET LA
PERCEPTION DES PREOCCUPATIONS SOCIOPOLITIQUES DE L'EGLISE PAR LES FIDELES
CATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE
Nous avons vu plus haut au sujet des fondements
idéologiques de la participation démocratique de l'Eglise que la
doctrine sociale de l'Eglise accorde une place prépondérante aux
laïcs à qui « il revient, d'une manière
générale, d'éclairer tous les réalités
temporelles»377(*). Plus précisément, elle stipule que
cette participation de l'Eglise repose en priorité sur ces derniers.
Pour comprendre le fait que ces fidèles soient moins impliqués
dans ce processus, il faut partir de la diffusion effective de ce discours
politique de l'Eglise, avant de voir par la suite qu'au-delà de cette
diffusion, les représentations politiques de ceux-ci ne les disposent
pas à une réappropriation effective de ces préoccupations
sociopolitiques.
6.2.1. La réception
de l'enseignement social de l'Eglise par les fidèles
catholiques
L'une des faiblesses de l'Eglise à ce niveau est la
diffusion de son enseignement social. Au-delà de son discours
idéologique de l'implication de ses fidèles, des mesures
efficaces ne sont pas prises à cet effet.
L'organisation des ateliers et conférences sur les
problèmes de la sociétéest un moyen pour l'Eglise
d'assurer la socialisation politique de ses fidèles,de les socialiser
à sa doctrine sociale, notamment à travers une lecture
chrétienne des réalités sociopolitiques à
l'intérieur desquelles ils émergent. Or, de nos enquêtes de
terrain il ressort non seulement que ces ateliers ne sont pas toujours
organisés mais quand elles le sont, les fidèles catholiques en
leur grande majorité n'y prennent pas toujours part, comme le stipulent
les résultats d'enquêtes suivants :
Tableau 21 : Fidèles
catholiques et participationGraphique 4: Fidèles
« journalier » et aux
conférences sociopolitiques
participation aux conférences sociopolitiques
 
Source : Par nos soins. Source : Par
nos soins.
Selon le tableau, plus de la moitié des fidèles
avoue n'avoir pas encore pris part à une telle conférence
à l'Eglise. Tandis que 29 personnes disent n'avoir pas encore entendus
parler de l'organisation de ces conférences. Une autre chose à
remarquer c'est que le degré d'attachement à l'Eglise, que
traduit la fréquence à la messe n'influe pas sur cette
réalité : de ceux qui vont à l'Eglise chaque jour
à ceux qui y vont occasionnellement, la réalité est quasi
identique. Ce qui traduit déjà que ces conférences
n'occupent pas une grande place à l'Eglise.
En nous intéressant de près au cas des plus
réguliers à la messe, on voit que c'est la même tendance.
Comme on peut le constater sur le graphique ci-dessus : Seuls 24% de
fidèles journaliers reconnaissent y avoir déjà pris part,
contre 48% qui ne l'on jamais fait, et 17% qui n'en ont jamais entendus
parler.
Compte tenu aussi du fait que l'organisation de ces
conférences sociopolitiques n'est pas régulière comme
celle des retraites spirituelles, nous pouvons conclure que la diffusion de ses
préoccupations sociopolitiques par l'Eglise n'est pas effective.
Lors de nos entretiens sur le terrain, il nous a
été indiqué que cette socialisation politique se fait
aussi par les médias catholiques. Dans ce sens Augustin Windungde Radio
Veritas nous indiquait que la mission de cette radio est la diffusion de la
vision catholique de la société, notamment de son enseignement
sur l'éthique sociale. Examinons à travers ces tableaux
l'intérêt que les fidèles accordent à ces
médias catholiques.
Tableau 22 : fréquence
d'écoute des médias catholiques.

Source : Par nos soins.
Graphique 5 : fréquence
d'écoute des médias catholiques.

Source : Par nos soins.
On peut constater à l'aide de ces tableaux que
très peu de chrétiens suivent les médias catholiques qui
sont supposés les socialiser aux préoccupations sociopolitiques
de l'Eglise. Soit : 8,6% de fidèles les suivent
régulièrement, 30,3%, les suivent par occasion 11,4%ne les
suivent jamais et49.3% ne les connaissent même pas. En outre, une lecture
croisée de ces tableau nous donne à constater que le lien
NkengShalom du Service National Justice et Paix qui est la pressecatholique la
plus concernée par cette question est le moins lue de tous. Avec 84,4%
de fidèles qui affirment ne pas la connaitre et seul 1,2% qui disent la
lire régulièrement. Pourtant, il s'agit d'une presse gratuitement
distribuée378(*).
Tout ceci nous permet de comprendre que l'invitation de
l'Eglise à une implication des fidèles dans la vie politique
n'est pas effective, car si l'enseignement social de l'Eglise demande que les
fidèles s'engagent dans la vie politique, ce n'est déjà
pas la majorité des fidèles qui en est informée.
Comment comprendre que ces fidèles ne sont pas aux
courants de ces préoccupations sociopolitiques de l'Eglise ? La
réponse réside entre autres dans la structure même de
l'Eglise. Le fossé qui sépare la masse des fidèles
catholiques de leur élite n'est pas favorable à la diffusion vers
le bas d'un discours qui est élaboré depuis le haut. La forte
hiérarchisation de l'Eglise Catholique, nous l'avons vu dans les limites
de l'action de l'Eglise pour la démocratisation, constitue un frein
à cette implication du laïcat. En réalité, cette
forte hiérarchisation a pour conséquence directe le fait que les
préoccupations de l'institution restent une affaire de
l'élite ; et donc, la masse ne peut s'en approprier facilement,
car, celles-ci ne sont pas perçues comme les concernant.L'Eglise
Catholique, nous le savons, est réputée pour le fossé
qu'elle entretien entre ses clercs et la masse de ses fidèles. Par
conséquent toute politique de divulgation de son discours est
limitée. La seule véritable occasion qui les met en contact c'est
la messe ; or cette occasion est consacrée aux
préoccupations qui sont d'avantage spirituelles.
Les préoccupations intellectuelles de l'Eglise,
notamment les évolutions politico-théologiques du siècle
dernier sont méconnues de manière caractérisée par
la masse des fidèles catholiques de la base. Portées par une
minorité de l'élite catholique, elles n'ont aucun impact sur le
vécu de la vie chrétienne qu'elles sont pourtant supposées
changer, voire mêmerévolutionner. Par contre, loin de ces
questions intellectuelles que Benoit XVI a pourtant tenté aussi de
prôner en milieu catholique africain379(*), le quotidien des chrétien est fortement
marqué par les préoccupations de fuite du monde, les imaginaires
populaires, les questions de sorcellerie, de misère, et un
fétichisme exacerbé qui caractérise la mentalité
africaine et stimule en milieuecclésial les pratiques des sacrements et
de sacramentaux ( eau, sel et huiles bénis, neuvaines et veillés
de prière, exorcisme etc.) auxquels semble se réduire finalement
la vie chrétienne. Dans cette pérennisation d'un catholicisme
folklorique et fétichiste, les agents catholiques de socialisation que
sont notamment les clercs ont fini par joué ce même jeu, en
répandant un discours qui répond davantage à ces imageries
populaires et renforce ce caractère aliénant du vécu
catholique.
Cette difficulté de vulgarisation des
préoccupations sociopolitiques de l'Eglise est une réalité
propre à toutes les EglisesCatholiques d'Afrique. C. Makiabo avait
déjà fait un tel constat en RDC lorsqu'il affirmait :
« Notre exposé a démontré
l'important travail d'élaboration des textes fournis par la
conférence épiscopale du Zaïre mais ce travail est encore
trop peu connu à cause d'un manque de mode de diffusion adaptée
aux réalités du pays.[...] A notre avis, le manque de moyen de
vulgarisation des déclarations et lettres pastorales des
évêques du Zaïre réduit considérablement leur
efficacité sur le vécu des communautés
chrétiennes. »380(*)
Dans cette même perspective, un colloque
organisé à Abidjan en 1993 par l'institut catholique J.Maritain
sur « éthique et développement », se
concluait par ce constat : « L'enseignement socio pastoral
de l'épiscopat africain n'est point connu du grand
public »381(*)
Deux raisons de ce manque de réappropriation des
préoccupations sociopolitiques de l'Eglise par les fidèles
peuvent être retenues ici : Le manque de détermination du
clergé (notamment le bas clergé ou le clergé paroissial)
à divulguer l'enseignement social de l'Eglise, etles rationalités
qui conduisent ces fidèles catholiques à adhérer à
la foi chrétienne.
Pour ce qui est du manque de détermination de l'Eglise
à divulguer cet enseignement, notons qu'habituer à parler du
« Ciel », les clercs ont de la peine à
intégrer dans leurs sermons la « terre » (questions
sociales et politiques). Ces sermons sont généralement
consacrés aux questions essentiellement spirituelles. Il est donc
évident que si les fidèles ne suivent pas les questions
sociopolitiques à l'Eglise même, où ils sont le plus au
rendez-vous, il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils les suivent ailleurs.
Pourquoi ne pas divulguer l'Enseignement Social de l'Eglise à partir
dusermon ? Plusieurs clercs nous ont répondu que le sermon n'est
pas fait pour cela, et que des structures catholiquescomme les Commissions
Justice et Paix doivent s'en charger. Or ces structures ne comptent qu'un
nombre très limités de fidèles. C'est du moins ce que nous
indique le tableau suivant :
Tableau 23:Répartition des
fidèles catholiques selon leur Mouvement d'Action Catholique et la
ville

Source : Par nos soins.
Ce tableau indique le manque d'adhésion des
fidèles au mouvement à vocation social. Quoique l'on puisse noter
que les fidèles de Douala s'y intéressent plus que ceux de
Yaoundé. Ce qui s'explique par l'ambiance sociopolitique de cette ville
d'opposition. Par contre, il traduit un engouement des fidèles
catholiques pour le mouvement à vocation spirituelle. Ce qui donne
respectivement un total de 19 fidèles contre 118. Cet engouement pour le
mouvement spirituel traduit les raisons d'intégration de ces
fidèles auCatholicisme.
Si les fidèles catholiques adhèrent moins aux
préoccupations sociopolitiques de l'Eglise, c'est en raison du fait que
ce sont les motivations spirituelles qui les conduisent au catholicisme. Ce qui
fait qu'une invitation à l'action politique de ceux-ci est moins
accueillie qu'une invitation à la pratique spirituelle. Prière,
retraite spirituelle, messe,sacrement etc. Le graphique suivant indique
l'intérêt des fidèles catholiques pour ces
réalités.
Graphique 6: participation aux
conférences sociopolitiques et aux conférences spirituelles

Source : Par nos soins.
Ce graphique donne à voir cette prédominance de
la socialisation religieuse sur la socialisation sociopolitique au sein de
l'Eglise. En effet 64,8% de fidèles catholiques ont pris part plusieurs
fois à une retraite spirituelle, ou campagne
d'évangélisation, contre 15,2% de fidèles ayant pris part
plusieurs fois à une conférence ou un atelier d'ordre
sociopolitique organisé à l'Eglise. Aussi, on peut constater que
le pourcentage de fidèles catholiques qui n'ont jamais entendu parler
d'une conférence organisée par l'Eglise sur les questions
sociopolitiques est important ; soit 11,6 % contre 0% pour les questions
spirituelles. Ce qui permet davantage de comprendre que les fidèles
catholiques ne soient pas socialisés aux préoccupations
sociopolitiques de l'Eglise.
Il convient maintenant d'analyser la perception de ces
questions sociopolitiques par ces fidèles.
6.2.2. La perception de
l'enseignement social de l'Eglise par les fidèles
catholiques
Le fait qu'on devient catholique pour rechercher le salut de
son âme, à l'abri de toute déception du monde porte les
fidèles à n'attendre de leur clerc qu'un discours spirituel. De
sorte que lorsqu'un discours leur est adressé comme celui de la doctrine
sociale de l'Eglise, ils ne sont pas disposés à le suivre,
parfois d'autres le rejettent, sous prétexte que l'Eglise n'a pas
à se mêler des questions politiques. Ces scènes
vécues lors de nos enquêtesde terrain attestent cela : une
chrétienne à qui nous nous présentons pour soumettre notre
questionnaire nous crie dessusaprès lecture du thème de
recherche : « C'est vous qui avez gâté l'Eglise
avec la politique. Il est écrit où dans la bible que l'Eglise
doit se mêler de la politique ? Vas avec ta malchance je ne remplis
pas »382(*).
Un second cas est celui d'une chrétienne qui nous
rapporte le sermon d'un prêtre le 20 Mai
2012 : « il n'a que parlé de la politique
pendant l'homélie ; ou que l'intégration nationale est
montée, c'est descendue. Il n'a rien dit sur les lectures qu'on a lues.
L'Eglise fait maintenant la politique au lieu de suivre les pas du
Christ»383(*).
Ces deux scènes traduisent l'attitude de nombreux
chrétiens vis-à-vis du discours politique de l'Eglise. Si les
prêtres n'en parlent pas toujours, ceux qui en parlent ne sont pas
toujours favorablement écoutés.
En effet, après une longue période d'une
évangélisation
« désincarnée»384(*) qui a consisté à détourner les
chrétiens de la terre pour le ciel, l'Eglise a de la peine à
arrimer ses fidèles aux évolutions politiques qu'elle a connues
le siècle dernier. Ceci, non seulement parce que ceux-ci ont
été habitué à attendre autre chose d'elle, mais
aussi parce que son discours valorise encore fortement le spirituelle, au
détriment du temporel. Dans ce sens, J.M. Ela affirmait :
« Le Dieu qui a été annoncé
à l'homme africain dans le contexte précis de la situation
coloniale est un Dieu étranger au temps, indifférent aux
évènements politiques, sociaux, économiques et culturels.
Sans perspective d'engagement inhérente à
lapromesse»385(*).
Ainsi, les fidèles catholiques ne perçoivent pas
la participation politique comme relevant de leur foi. A la question de savoir
si la participation politique est un devoir pour le chrétien, les
résultats ont été les suivants :
Tableau 24: Participation politique
comme devoir chrétien

Source : Par nos soins.
Il existe donc encore près de la moitié (48,8%)
de fidèles qui perçoivent la participation comme n'étant
pas une exigence de la vie chrétienne. Ceci malgré l'appel
répété des évêques depuis leur lettre
pastorale de 1988 sur « l'engagement des laïcs dans la vie
de nation » où ils affirmaient
notamment : « Si nous ne travaillons pas pour
élire des hommes et des femmes capables de porter nos aspirations et
surtout d'oeuvrer pour le bien de toute la nation, nous en porterons
nous-mêmes la responsabilité »386(*). Ou encore cette affirmation
de Jean Paul II sur la vocation et la mission des fidèles laïcs
dans l'Eglise et dans le monde :
« les fidèles laïcs ne peuvent
absolument pas renoncer à la participation à la politique,
à savoir l'action multiforme, économique, sociale,
législative, administrativequi a pour but de promouvoir organiquement et
par les institutions le bien commun.[...]Tous et chacun ont le droit et le
devoir de participer à la politique ; les accusations d'arrivisme,
d'idolâtrie du pouvoir, d'égoïsme et de corruption, qui bien
souvent sont lancées contre les hommes du gouvernement, du parlement, de
la classe dominante, des partis politiques, comme aussi de l'opinion assez
répandue que la politique est un lieu de danger moral, tout cela ne
justifie pas le moins du monde ni le scepticisme ni l'absentéisme des
chrétiens pour la chose politique»387(*).
Cette invitation à la participation par l'Eglise n'est
cependant pas un élément à lui seul suffisant pour obtenir
l'implication des laïcs dans le politique, ou leur changement de
mentalité sur la chose politique. Il existe bien d'autres qui doivent
accompagner cette invitation, pour qu'on obtienne une adhésion de ces
derniers : la culture politique388(*), qui nécessite un minimum de socialisation
politique. Le contexte socioéconomique doit les y aider aussi, sans
oublier que leur foi doit les prédisposer non pas à la fuite du
monde389(*), mais
à l'engagement socio politique.
Or, à analyser point par point ces différents
facteur de cette réappropriation, nous voyons qu'ils sont tous de nature
à défavoriser leur implication plutôt qu'à la
stimuler.La priorisation des activités spirituelles sur celles
proprement sociopolitiques par les fidèles catholiques de Douala et de
Yaoundé peut être justifiée, nous l'avons dit plus haut,
par les raisons même pour lesquelles ils deviennent catholiques. Si les
fidèles adhèrent à la foi catholique pour protester contre
la prégnance des réalités sociopolitiques asservissantes,
il est inadmissible pour eux que l'Eglise les y renvoie encore. Surtout que
l'image qu'elle a historiquement donné d'elle-même et qui a
stimuler leur intégration est celle de l'offre d'un abri face à
l'aliénation des structures asservissantes du monde. Celles que Jean
Paul II a qualifiées de « structures de
péché, qui entravent le plein épanouissement
de ceux qu'elles oppriment de différentes
manières »390(*) . La thèse marxiste sur la religion va
justement dans ce sens en soutenant que celle-ci est « le soupir
de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans coeur, comme
elle est l'esprit des conditions sociales d'où l'esprit est
exclu»391(*).
Même si les fidèles catholiques jugent qu'il
existe une exigence de l'action politique de l'Eglise, elle incombe au Haut
clergé (les prélats). En tant qu'ils constituent une
autorité morale à coter des autorités politiques face
à qui elle doit jouer un rôle de contre poids. Comme l'attestent
les chiffres de ce tableau.
Tableau 25: Jugement sur
l'intervention des évêques en politique selon la tribu.

Source : Par nos soins.
Selon ce tableau, les fidèles catholiques de Douala et
de Yaoundé jugent à grande majorité que l'intervention
sociopolitique des évêques fait nécessairement avancer la
démocratie (Soit 160/250) ;quoi que les Anglo-Bami y croient le
moins (Soit 27/45 pour « ça ne peut rien changer »
et 19/45 pour « ça ne les regarde pas »), en raison
de l'affiliation de l'institution avec un pouvoir face auquel ils se sont
positionnés comme opposant.
Au vu de tout ceci, il convient maintenant d'analyser la
participation proprement dite des fidèles catholique comme
réponse de ceux-ci à l'appel de l'Eglise et comme participation
à l'action catholique de démocratisation du Cameroun.
6.3. LA PARTICIPATION
POLITIQUE DES FIDELES CATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE
Le champ de la participation politique est immense. Il va du
simple intérêt politique du citoyen jusqu'à son engagement
partisan dans la lutte pour la conquête du pouvoir. Nous examinons ici,
juste quelques aspects de cette participation, pour comprendre l'implication
des fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé, au processus de
gestion collective de la chose publique que nous nommons ici
démocratie.
6.3.1.
L'intérêtpolitique chez les fidèles catholiques
L'intérêt politique est le point de départ
de la participation car c'est après elle que le citoyen s'engage dans
d'autres formes de participation. En vue de rendre compte de
l'intérêt que les fidèles catholiques accordent à la
politique, nous avons interrogé ceux-ci sur la fréquence avec
laquelle ils suivent les informations politiques ou autres émission
politiques. Les résultats sont contenus dans le tableau qui
suit :
Tableau 26: fréquence de suivi
des émissions et informations politiques

Source : Par nos soins.
Les chiffres que nous livrent ces tableaux doivent
êtreanalysés dans le contexte politique à
l'intérieur duquel a été menéenotre enquête
de terrain,à savoir que nous l'avons faite à la veille des
sénatoriales camerounaise, et que toute l'opinion nationale était
rivée vers cette nouvelle donne de la politique camerounaise. C'est ce
que traduit le nombre important de fidèles catholiques qui suit
régulièrement des informations ou émissions politiques,
soit 96/250 individus. Cependant notons que l'intérêt politique
malgré cela est toujours faible. Si plus de la moitié de ces
fidèles (soit 137/250) suivent occasionnellement l'actualité
politique, c'est-à -dire probablement sans intérêt
particulier, cela traduit toujours un apolitisme avéré de la
couche socio-catholique. Sans oublier que le pourcentage de ceux qui ne la
suivent jamais est énorme, à savoir 17/25 fidèles, soit
68%. Cet apolitisme doit être compris à partir du manque de
confiance placé aux hommes politiques et de la désaffection
politique que nous avons abordé dans le cadre de la
représentation catholique du champ politique.
Une lecture croisée de cette variable avec le niveau
d'étude donne à constater que le niveau d'instruction n'influence
pas fondamentalement l'intérêt politique du fidèle
catholique. Plus le niveau d'instruction augmente, le rapport à la
politique reste standard. Ce qui traduit les réalités d'une
société ou les instruits et les non instruits font face au
même sort qui les maintient dans l'apolitisme.
6.3.2. Les inscriptions
sur les listes électorales
Il existe une véritable interpellation des citoyens
camerounais pour les inscriptions sur les listes électorales. Les partis
politiques, les OSC et surtout les évêques catholiques, tous se
mobilisent pour encourager les citoyens à s'inscrire sur les listes
électorales. Nous nous sommes intéressés à la
réaction des fidèles catholiques à cette vive
interpellation.
Tableau 27: Inscription sur les listes
électorales, suivant la fréquence à la messe

Source : Par nos soins.
On peut justement comprendre que la majorité des
fidèles catholiques (soit 155/250) se soit déjà inscrite
sur les listes électorales, notamment les listes biométriques
dont les inscriptions ont été récemment initiées
par ELECAM. Ceci parce qu'il ya progressivement une prise de conscience du
devoir civique au Cameroun ;quoi que ce devoir civiquese limite à
la participation électorale que mobilisent les candidats en vue
d'instrumentaliser l'électorat aux fins politiques égoïstes.
Cependant, le pourcentage de ceux qui ne se sont jamais inscrit reste
considérable. 26/250, (soit 10.4%) reste considérable et traduit
la résistance citoyenne à cette invitation des élites
sociale et politique du Cameroun. Une résistance qu'A. Lancelot a
analysé dans le cadre de la participation politique en contexte africain
en termes de « modes de résistances culturelles à
la participation politique» 392(*)et qui traduit ici le manque de culture politique des
fidèles catholiques.
En outre, il faut reconnaitre une fois de plus ici que
malgré les interpellations des évêques à la
participation, la religion ne stimule pas les inscriptions sur les
électorales. Le tableau ci-dessus montre en effet que du plus
régulier à l'Eglise au plus irrégulier, le rapport aux
inscriptions sur les listes électorales reste quasiment le
même.
6.3.3. Le vote des
fidèles catholiques
En distinguant dans cette analyse du vote catholique
l'intensité de son orientation comme le font la quasi-totalité
des études de sociologie électorale393(*), nous nous limitons ici
à son intensité, que nous analysons à partir des
données de ce tableau :
Tableau 28: Participation des
fidèles catholiques aux échéances électorales de
2002 à 2011

Source : Par nos soins.
On peut constater que les fidèles catholiques ont une
faible participation électorale. Le taux moyen de participation à
toutes les échéances ici concernées est en effet de 18,3%
contre 81,7% d'abstention électorale. Tandis que le pourcentage de
fidèles qui n'ont jamais participé à une
échéance électorale est de 53,6%,preuve d'une abstention
avérée. Cette abstention généralisée peut
être expliquée par la même désaffection politique qui
caractérise nos enquêtés. En effet, si les fidèles
catholiques ne perçoivent pas l'intérêt de leur vote, ils
n'ont aucune motivation à aller voter. On peut donc parler dans ce cas
de « l'auto exclusion » de ces derniers, qui font face aux
manipulations politiciennes du vote. C'est dans cette perspective que,
analysant l'abstention politique des français,J. Lecal'explique
parl'auto exclusion qui « peut être due àun
sentiment de scepticisme méfiant envers un système
corrompu »394(*). Par leur abstention, ces fidèles se
soustraient de l'aliénation et des manipulations du système
électoral. C'est dans ce sens que J. Leca affirmait que
« les règles d'un système politique ne sont pas
négligeables dans l'étude de la participation car elles affectent
l'intensité et la signification de la
participation »395(*).
En outre, cette attitude peut être saisie comme
réaction à une exigence de la participation envisagée
comme « un schème culturel imposé d'en haut et du
centre, dans un mouvement d'intégration des comportements
périphériques»396(*) ; c'est-à-dire qui ne relève pas
des préoccupations concrètes de ces fidèles. Par
conséquent, n'étant pas déjà à l'abri du
besoin primaire, ceux-ci s'inscrivent plutôt dans des logiques de
survie.Il faut dans ce cas moins s'attendre d'eux qu'ils s'intéressent
aux questions sociopolitiques tandis qu'ils ont faim. C'est tout ce qui va dans
le sens de cette survie qui a pour eux un intérêt. Même leur
adhésion à la foi chrétienne répond à cette
même logique de survie, une double survie qui est à la fois
temporelle et éternelle. Temporelle, l'Eglise les aidera à
protester contre la misère de la société, à y
donner un sens et à aspirer à un ordre autre que cet ordre
temporel. K. Marx va dans ce sens en disant : « La religion
est la théorie générale de ce monde, [....] sa raison
générale de consolation et de justification. C'est la
réalisation fantastique de l'essence humaine, parce que l'essence
humaine n'a pas de réalité véritable»397(*). Eternelle, l'Eglise leur
offrira un ciel où ils seront pour l'éternité dans le
bonheur, à l'abri de la misère de ce monde.
Revenant aux référentielsreligieux, on se rend
compte qu'ils n'influent pas beaucoup la participation électorale des
fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé. C'est du moins ce
qu'attestent les chiffrescontenus dans ce tableau.
Tableau 29: Participation des
fidèles catholiques à l'élection 2011 et fréquence
à la messe

Source : Par nos soins.
Ce tableau montre que les fidèles catholiques se sont
abstenus de la participation électorale du 09 Octobre 2011 plus qu'ils
n'y ont participé ;ceci, indépendamment de leur degré
d'intégration religieuse que traduit ici la fréquence à la
messe. Des fidèles les plus réguliers (fréquence
`' journalier'') aux plus irréguliers (fréquence
`' occasionnelle''), l'écart entre le nombre de participants et
celui des abstenus est presque le même.Ce qui s'explique par le fait que
l'Eglise au Cameroun n'a pas encore assuré une forte socialisation
religieuse de sorte que le comportement politique de ses fidèles en
dépende.Contrairement au constat fait en France selon lequel «
l'intégration maximum au groupe catholique [...], à une
structure symbolique qui unit étroitement la représentation du
divin, notion du salut, prescription éthique et conception
sociopolitique, se traduisent par un vote massivement orienté à
droite »398(*), le vote catholique camerounais est le même
(en intensité) malgré la variation du degré
d'intégration religieuse.
Ce vote catholique s'inscrit ici dans le vaste mouvement
d'indifférence qui caractérise la société et dont
la raison est à rechercher dans les conditions historiques et
sociopolitiques, qui font de la politique une réalité
importée et sans ancrage socioculturel, et des politiciens des
égoïstes à la quête d'un électorat pour
parvenir à leurs intérêts égoïstes.
6.3.4. Les fidèles
catholiques et l'engagement partisan
L'engagement partisan s'inscrit dans la même logique
d'abstention ; mais avec un taux d'abstention plus prononcé comme
nous pouvons le constater dans le tableau qui suit.
Tableau 30:Participation
électorale des fidèles catholiques suivant le regroupement
tribal

Source : Par nos soins.
Si le taux d'engagement partisan est le plus faible de toutes
les formes de participation ci-dessus analysées, c'est justement parce
qu'il s'agit-là d'une forme de participation plus exigeante. Inscrite
dans une longue durée, elle nécessite une motivation plus grande.
Or, sinos fidèles catholiques ici concernés ne peuvent pas
déjà aller voter, il faut moins attendre d'eux qu'ils aient un
engagement partisan important.
6.4. La participation des
Communautés Ecclésiales Vivantes
Nous nous sommes intéressés aussi aux CEV, pour
comprendre comment ces communautés de la base portent et vivent en leur
sein les préoccupations sociopolitiques de leur milieu.
L'intérêtque nous portons ici sur ces CEV vient
de ce qu'elles ont été créés par l'Eglise pour
permettre aux chrétiens de la base de s'organiser en communauté
de quartier afin de mieux se connaitre et de mieux transformerleur milieu de
vie à partir de l'Evangile. Les CEV sont nées dans un contexte
sociopolitique très tendu ;celui de l'Amérique latine
où les tenants de la théologie de la libération
entendaient impliquer au maximum les chrétiens au processus de
transformation par l'Evangile de leur condition de vie. Si le Vatican a
combattu de toutes ses forces ce mouvement théologico-politique, il a du
moins récupéré cette forme d'organisation
ecclésiale qui selon lui semble plus favorable à l'instauration
de l'Eglise communautaire qu'a préconisée le concile Vatican
II : une Eglise de structure communautaire qui permettra de
résoudre le problème du fossé qui sépare les clercs
des fidèles, et favorisera l'implication de ces derniers dans la mission
de l'Eglise. Si l'expérience des CEV a été
bénéfique en Amérique latine pour reprendre les
préoccupations sociopolitiques de la théologie de la
libération, qu'en est-il du cas camerounais ?
A tous les membres délégués et
responsables des CEV que nous avons enquêtés et dont la liste des
noms figure dans les annexes, nous avons posé la question de savoir ce
qu'ils font lors de leur séance de CEV, les réponses ont
été presque similaires :
Ø Un chant d'ouverture,
Ø La prière,
Ø La lecture de l'Evangile du dimanche
précédent ou de l'Evangile du jour399(*),
Ø Le partage sur l'Evangile (chacun dit ce qu'il a
compris du texte lu, ou ce qu'en a dit le prêtre le dimanche
précédent),
Ø Une petite quête400(*) pour les cas d'urgence,
Ø Les nouvelles des paroisses ou des membres de la
CEV.
A l'analyse de cet ordre du jour des séances des CEV,
il s'est avéré que les CEV ne consacrent pas du temps aux
questions proprement sociopolitiques qui touchent pourtant fondamentalement
leur vie de quartier ;ou du moins ils ne le font pas directement.
Cependant notons le cas de la CEV Ste Véronique qui, avons-nous
constaté s'est intéressé déjà quelques fois
aux problèmes sociaux de leur quartier ;comme l'attestent ces
propos de Odette Kengne :
« Nous avons saisi une fois le chef de quartier
à cause d'un voisin qui laissait ses toilettes couler en route et le
problème a été résolu...Nous nous préparons
aussi à acheter du matériel pour réparer les parties de
laroute qui sont trop gâtées»401(*).
Outre cela, nous avons constaté dans la vie des CEV un
intérêt pour les personnes malades, et les familles
endeuillées à qui celles-ci apportent souvent du
réconfort. Ce qui s'inscrit dans la tradition caritative de l'Eglise
Catholique. Plus précisément, les CEV peuvent être saisies
dans ce cas comme des machines de reproduction de l'action caritative de
l'Eglise, à l'intérieur desquels les membres s'initient à
la charité chrétienne. Il devient dès lors plus
compréhensibleque, conformémentà l'approche de l'Eglise
concernant les défavorisés de la société ces CEV
s'intéressent à la charité vis-à-vis de ceux-ci
plutôt qu'à l'action politique dont le but est de convertir les
structures qui produisent la marginalisation dans la société.
Ainsi, dans leur socialisation religieuse, les membres des CEV mettent plus
d'accent sur l'aide qu'il faut apporter aux défavorisés
plutôt qu'à l'action sociopolitique pour l'instauration de la
justice.
Il convient de retenir des CEV de Douala comme de
Yaoundé que loin d'être des centres ou des foyers de
réappropriation des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise
comme ce fut le cas en Amérique latine, elles sont des mouvements comme
les autres, consacrés à la reproduction du discours spirituel de
l'Eglise. Discours qui, dans sa vulgarisation néglige la dimension
sociopolitique qui stimulerait le sens de participation de ces CEV.Comment
rendre compte d'une telle faiblesse de l'action politique dans les
CEV ?
Dans son ouvrage sur le rôle de l'Eglise dans les
mutations sociopolitiques en RDC, C.Makiaboécrivait au sujet de
l'engagement socio politique de la base: « tous ces groupes
et associations constitués de l'ensemble du laïcat sont à la
base de la contestation grandissante de l'ordre politique établit par
Mobutu depuis la radicalisation de son pouvoir en 1972»402(*).
Il faut avouer que les CEV au Cameroun sont encore loin de
refléterun tel engagement ;leur action n'ayant pas encore atteint
une ampleur qui leur permette de stimuler un véritable engagement des
populations pour des changements démocratiques.A observer la
réalité des communautés chrétiennes de la base
à Douala et à Yaoundé, on se rend compte que leur
vécu est loin de se mêler des questionsproprement politiques,
sinonelle se limite à leur protestation à travers un abandon sans
réserve au spirituel ou encoreun apolitisme très
prononcé.
Comment comprendre ce vécu des communautés de
base catholique au Cameroun ?Le contexte politique du Cameroun est plus
à même d'en rendre compte.
Il faut avouer que dans leur pastorale sociale, ce ne sont pas
tous les prêtres qui promeuvent les CEV. Par conséquent, non
seulement celles-ci n'existent pas dans tous les quartiers où est
implantée l'Eglise, mais aussi, là où elles existent leurs
membres ne sont pas nombreux. On compte en effet une moyenne de 15 membres
réguliers aux séances de CEV. Leur connaissance par les
Chrétiens est tout de même très limitée comme le
révèle notre enquête sur le terrain : 60,8% de
fidèles catholiques ne connaissent pas ce qu'on appelle
Communauté Ecclésiale Vivante.
Tableau 31 : Connaissance des
CEV

Source : Par nos soins.
Pour ce qui est du vécu de la foi dans ces CEV, il faut
noter que, comme toute association catholique, elles se consacrent plus aux
questions spirituelles qu'à cellesproprement sociales, encore moins
politiques. En effet, une observation sociologique du vécu dans les
Mouvements d'Action Catholique nous a permis de comprendre que la raison
d'être de ceux-ci est prioritairement spirituelle ;quoi que
l'enseignement catholique dise que cette raison doit êtreàla fois
spirituelle et temporelle. En ce sens que l'Eglise ne doit pas seulement aider
les chrétiens dans leur vie spirituelle, mais doit les conduire à
un épanouissement intégral : « Donner
leur vous-même à manger ». Telle est le passage de
la bible que nous a cité le professeur Ombionolors d'un entretien, pour
justifier l'intérêt que doit avoir l'église pour les
questions temporelles. Puis il poursuivait :
« En s'adressant ainsi aux apôtres qui
voulaient que Jésus renvois les foules restées à son
écoute toute la journée pour trouvér de quoi manger
ailleurs, Jésus recommandait à l'Eglise de ne pas se contenter de
prêcher le salut mais de concourir à la promotion des conditions
de vie des hommes. »403(*)
Revenons à travers ce tableau, sur le timing des CEV
tel qu'exposé plus haut pour comprendre la place accordée aux
questions sociales.
Tableau 32 : timing des
activités des CEV404(*)

Source : Par nos soins.
A la lecture de ce tableau, nous comprenons que le temps
accordé aux questions sociales est très limité. Si
seuls18% du temps total est accordé aux nouvelles des membres et que
c'est à l'intérieur des 18% qu'il faut estimer celui
accordé quelques fois aux problèmes du quartier ou aux divers sur
les faits de société, il devient évident de se rendre
compte que ces CEV n'accordent presque pas du temps aux questions
sociopolitiques.
6.5. Les enjeux
sociopolitiques de la foi chez les fidèles catholiques de Douala et de
Yaoundé.
Pour terminer ce chapitre, il convient d'examiner les enjeux
sociopolitiques de la foi de ces fidèles. L'interrogation porte sur la
praxis sociopolitique des fidèles catholiques en tant qu'ils sont des
« homo religicus »,c'est-à-dire des individus unis
au monde à partir de leurs croyances religieuses, qui constituent un
élément non négligeable de leur vision du monde.
La réalité est patente.Il existe une telle
dichotomie entre le vécu de la foi catholique et les
réalités sociopolitiques. Si ces deux champs entretiennent des
rapports, ce sont des rapports d'antinomie. Le vécu de la foi
chrétienne est caractérisé par la protestation des
réalités sociopolitiques, par un recourt ou un refuge vers la
foi, à l'abri des pratiques politiciennes qui asservissent, des
réalités sociopolitiques brutales405(*).Les tableaux sur la
compatibilité foi/ politique et sur la perception de la participation
politique comme un devoir chrétien l'ont fort bien attesté.Cette
interrogation de J.B. Talla face à la misère qui mine
l'Afrique va dans ce sens:
« ... Des lors que faire ? Faut-il fuir le
monde identifié par certains puristes au mal ? C'est en effet la
solution à laquelle recourent certains de nos concitoyens qui
recherchent leur sanctification en se détournant des
préoccupations sociales. Pour se préserver de toute souillure,
ils côtoient dans un silence complice la misère du peuple,
laissant à Dieu le soin de rétablir l'ordre dans son
monde »406(*).
Dans ce sens, les fidèles catholiques sont loin de
constituer le ferment des changements de la société. Ces propos
de J.B. Talla attestant ce dualisme de la vie chrétienne :
« En effet, nous sommes nombreux à
participer par habitude aux messes du dimanche et autres
cérémonies chrétiennes et à vivre les autres six
jours de la semaine en complice en pensée, en acte et en omission des
maux qui minent l'Afrique et ternissent l'image de Dieu dans notre
continent»407(*).
Il faut reconnaitre qu'on est ici dans une
société à christianisme de façade comme le
catholicisme camerounais, où la foi catholique loin d'être un
idéal de vie est plutôt une ressource mobilisée selon la
circonstance, où les valeurs catholiques sont plus des valeurs
prônées que des valeurs vécues. Par conséquent, il
faut moins s'attendre à ce que ces derniers s'y réfèrent
pour construire leurs interactions quotidiennes surtout en milieu non
catholique dont la prédominance revient aux valeurs propres du milieu.
C'est le cas avec les pratiques politiques en milieu partisan au Cameroun. Ils
prédominent là des logiques d'ordre tribales et de luttes
d'intérêt. Examinons le fondement d'une telle
réalité :
A la question de savoir pourquoi il n'existe pas de mouvement
social ou politique catholique, ou du moins chrétien au Cameroun, Mgr.
Antoine Ntalou408(*)
répondait lors de notre entretien: « On n'a pas besoin des
partis chrétiens au Cameroun. On sait que les chrétiens sont dans
tous les partis politiques. On attend d'eux qu'ils les changent à partir
de là »409(*).
Ils y sont effectivement. Ce ne sont pas les bouddhistes, ni
seulement les musulmans qui sont dans les partis politiques camerounais, ce
sont bien sûr les chrétiens, et dont les catholiques. Cependant,
ils n'y sont pas en tant que catholiques, témoins et porteurs des
valeurs catholiques, ou encore, en tant que « ferments des
changements sociopolitiques » selon les recommandations de
l'Enseignement Social de l'Eglise. Non, ils y sont en tant qu'autre chose, en
tant que simples membres de ces partis comme tous les autres et
répondant de ce fait aux exigences du parti, aux logiques d'actions qui
y sont mis en exergue. Il est donc évident que si le RDPC, parti au
Pouvoir est composé en sa grande majorité des chrétiens et
même d'anciens séminaristes, cela n'exclue pas le fait qu'il soit
un parti qui a mis sur pied les techniques les plus malicieuses et
antichrétiennes pour conserver le pouvoir depuis 30 ans. F.
EboussiBoulaga faisait déjà ce constat lorsqu'il
affirmait:
« Du point de vue du respect dans la vie
publique, des commandements cardinaux `'tu ne mentiras pas,tu ne voleras pas'',
du sens du bien commun, rien ne montre qu'on ait affaire à des
chrétiens. Les enfants de Choeur d'hier sont devenus des fauves dans la
jungle ou simplement des païens se livrant aux orgies et aux bacchanales
du sang, du sexe, du vin, de l'argent fou, du pouvoir déchainé,
recourant aux nécromanciers, aux astrologues, invoquant toutes les
puissances de l'obscur. »410(*)
Ce qui montre que le catholicisme camerounais est encore
à son stade folklorique, sans ancrage socioculturel véritable.
Lorsqu'on est dans une société où le christianisme a un
ancrage socioculturel considérable, il est évident que l'agir
chrétien réponde aux normes chrétiennes
prônées et vécues. C'est évident par exemple en
Europe de constater à l'issue des élections que les catholiques,
notamment les catholiques pratiquants réguliers, votent majoritairement
à droite. En raison de la compatibilité de leurs valeurs avec les
idéologies conservatrices de droite. Comme le soutiennent Luc Michelat
et Michel Simon :
« L'intégration maximum au groupe catholique
[...], à une structure symbolique qui unit étroitement
représentation du divin, notion du salut, prescription éthique et
conception sociopolitique, se traduisent par un vote massivement orienté
à droite »411(*).
Il n'est plus besoin de rappeler ici à la suite de
nombre d'auteurs l'impact du christianisme sur la formation de la culture
occidentale contemporaine412(*),ni que c'est cette influence du catholicisme sur la
société qui rend possible cette orientation du comportement
politique de ses adeptes.
Une autre raison de la dichotomie qui caractérise le
vécu de la foi chrétienne réside dans l'enseignement de
l'Eglise. Il existe en effet une contradiction dans cet enseignement ;une
contradiction qui n'est pas souhaitée ou avouée, mais qui
découle implicitement de cet enseignement. Cet enseignement non pas tel
qu'il est pensé et élaboré, mais tel qu'il est transmis et
reçu, tel qu'il se situe à l'intérieur du discours
général de l'Eglise sur le monde. Cette contradiction vient de ce
qu'avant le discours social de l'Eglise qui veut déboucher sur l'action
catholique, précède un autre qui prédispose le catholique
à l'indifférence à l'action au nom de sa foi ;une
indifférencetelle que M. Weber a analysé dans l'éthique
protestante et l'esprit du capitalisme. En comparaison de l'éthique
protestante avec le catholicisme camerounais analysé ici, l'autonomie
reconnue à la société telle qu'elle se présente
n'est pas complète. Les catholiques croient davantage à une main
invisible qui y agit, parfois pas à leur avantage ; mais ils
espèrent qu'avec leur prière cette main selon le gré de
Dieu qu'ils « prient sans cesse », agira en leur faveur.
Ils sont moins convaincus que leurs actions soient porteuses pour
améliorer leurs sorts. D'ailleurs, pour beaucoup d'entre eux, exception
faite d'une petite minorité ; le bonheur est en haut, quant
à la société « on faitavec » ; en
attendant l'avènement de Dieu.C'est pourquoi nous estimons que le moyen
âge religieux s'est réfugié en Afrique. Ne trouvant plus en
Occident une terre fertile pour sa survie, il a trouvé dans l'Afrique
des mythes, des mystères et des superstitions une terre propice à
son développement. C'est la raison pour laquelle le christianisme y
gagne abondamment du terrain.
De nombreuses autorités se
plaisent à dire du Cameroun comme de l'Afrique, qu'il est le patrimoine
spirituel du monde. Cependant, au vu des réalités de l'Afrique,
peut-on dire que cela puisse constituer la joie ou l'orgueil des
africains ? Aucune analyse sociologique sérieuse ne peut faire de
la religiosité africain un atout pour l'Afrique. Loin de là !
Lamentalité magico-religieuse voire fétichiste qui fait de
l'Afrique le patrimoine spirituel du monde ne peut être analysée
comme constituant un atout pour le développement des peuples
africains ; au contraire, elle est un obstacle à son
émergence. La mentalité africaine est encore loin des
idéaux démocratiques de libertés, d'émancipation,
de contradiction, de rationalité qui ont été les bases de
la fondation de toutes les démocraties du monde. Or, cette
mentalité est plus favorable à la soumission, aux
émotions, à la négation de la raison, etc. Elle fait qu'en
Afrique, on voit dans la victoire du Président l'oeuvre de ses marabouts
et non les mécanismes de fraude électorale et de dictature mis en
place. Si la religiosité africaine était comme
lareligiosité américaine ou la « religion
civique »413(*) qui a fait des USA la « Nouvelle
Jérusalem » et des citoyens américains les
« bénis de Dieu », avec pour mission de civiliser
l'Humanité, elle serait un atout pour son émergence. Or, la
religiosité africaine n'est rien d'autre que celle qui fait de l'Afrique
le réceptacle des idéologies religieuses les plus
démagogiques de ce monde, et en quête de marchés pour leur
vulgarisation. Celle des sectes maçonniques et rosicruciennes, cellede
l'islam violent, celledu pentecôtisme aliénant, celle du
catholicisme dogmatique, etc. En ce sens, la mentalité religieuse
africaine est un malheur et non une chance pour l'Afrique. En effet, si de
l'immense richessedont dispose l'humanité (haute technologie,
économie du savoir, énergie nucléaire, gratte-ciel etc.),
la part de l'Afrique consiste en des croyances magico-religieuses, de quoi
doivent se réjouirces millions d'africains sombrant chaque jour
dans la famine, l'irrationalité, l'aliénation,la dictature, les
guerres politico-religieuses, le SIDA, le chômage et
l'analphabétisme ?
Dans cette perspective, l'Afrique en général et
le Cameroun en particulier nécessite un vaste mouvement de
laïcité ; une laïcisation qui permettra de relayer cette
mentalité rétrograde à la sphère de la conscience
individuelle, afin de laisser l'espace public à la pensée logique
et à l'action rationnelle pour la construction d'une Afrique
émergente et démocratique.
CONCLUSION
La présente recherche posait le problème de la
participation différenciée et controversée de l'Eglise
Catholique dans le processus démocratique au Cameroun. Nous sommes
partis de l'évolution des positions de l'Eglise sur les questions de
démocratie et des libertés humaines pour parvenir à cette
question principale qui a constitué le fil d'Ariane de notre
recherche : comment rendre compte de laparticipation
différenciée et controversée de l'EgliseCatholique au
processus démocratique au Cameroun, en dépit de sa volonté
manifeste à contribuer à la construction de cette
démocratie ?
Ce qui nous a conduits à l'analyse des
différentes formes de sa participation politique, aussi bien celle de
l'acteur institutionnel que celles des acteurs individuels que sont les clercs
et les fidèles.
A cet effet, nous avons inscrit notre analyse principalement
dans les champs de la sociologie politique, de la sociologie des religions et
de la sociologie critique. Ce qui nous a permis de mettre en exergue les
interrelations qui se tissent entre le politique et le religieux à
travers les discours politico-religieux des acteurs catholiques. La sociologie
critique a rendu possible la démystification des non-dits de cette
participation et des formes d'aliénation politique et religieuse qui
l'entravent. A partir de ces champs sociologiques, nous avons
élaboré un cadre théorique constitué aussi bien des
paradigmes interactionnistes et constructivistes que des théories de
l'interactionnisme symbolique et du constructivisme social. A l'aide de ces
théories, nous avons analysé de nombreux documents catholiques,
les faits, dits et attitudes politiques d'un échantillon de 20 leaders
sociaux (catholiques, politiques et civiles) et de 250 fidèles
catholiques de Douala et de Yaoundé.
Cette analyse nous a conduits aux résultats que nous
pouvons sommairement présenter de la manière suivante :
v A travers ses interactions avec le champ politique,
l'institution ecclésiale ici en question parvient à produire un
discours politico-religieux, dans le but de contribuer à la
restructuration du jeu politique camerounais. C'est ce que traduisent les
nombreuses lettres pastorales des évêques comme les autres
documents officiels de l'Eglise en la matière. Dans le même
sillage, les organisations catholiques, dont principalement Justice et Paix
sont engagées auprès des autres organisations de la
société civile pour la veille citoyenne. Cependant, cette
participation institutionnelle de l'Eglise n'est pas parfaite mais
limitée par les stratégies mises en oeuvre par celle-ci. En
effet, voulant à la fois accompagner le processus et sauvegarder aussi
bien ses rapports avec le régime monopolisateur en place que ses propres
valeurs non démocratiques, celle-ci ne contribue qu'avec peu de
zèle à la construction de la démocratie camerounaise.
Le type de rapport de l'institution à l'Etat est aussi
déterminant pour l'orientation et l'intensité de cette
participation. Si l'Eglise Catholique avait une participation plus
prononcée au début des années 1990, c'est parce que la
CENC était présidée par des évêques dit de
l'opposition. Des évêques « Anglo-Bami » qui
étaient par exemple le Cardinal Christian Tumi et Mgr André
Wouking et dont les discours politiques étaient des discours de
contestation. L'arrivé des « évêques du
pouvoir » a donné à cette participation en cette
dernière décennie une orientation qui va davantage dans le sens
du soutien du pourvoir en place. Ce rapport de l'institution au pouvoir permet
de rendre compte du caractère mitigé de la participation
institutionnelle de l'Eglise.
v Dans la même perspective, la différenciation de
la participation des clercs répond à la fois aux logiques
d'actions qui les conduisent dans leurs trajectoires politiques, et aux
contextes sociopolitiques à l'intérieur desquels s'inscrit cette
participation. Au sujet des formes de rationalité, il existe d'une part
des rationalités par rapport au but visé, à travers
lesquels certains clercs orientent leur participation dans le sens du soutien
du pouvoir en place. Ce qui se fait en vue de garder leur bonne collaboration
avec celui-ci. Dans ce premier cas peuvent être classés des clercs
tels que Mgr. Jean Zoa et Mgr.TonyeBakot, dont les discours politico-religieux
sont favorables au régime en place. D'autres parts, il existe des
rationalités par rapport aux valeurs que défendent les clercs
catholiques. En référence au rôle
« prophétique de l'Eglise »,
c'est-à-dire à ses fonctions tribuniciennes ; elles opposent
dans la plupart des cas les clercs ici concernés au pouvoir politique.
Dans cette deuxième catégorie sont classés les clercs tels
Cardinal Christian Tumi, Samuel Kléda, Ludovic Lado, dont le
discours-religieux revêt davantage un caractère de contestation du
pouvoir politique.
En outre, ces rationalités sont socialement construites
dans des contextes d'incitation politique et tribale différents. Par
conséquent, ces contextes influencent leur formation ; selon qu'on
est à Yaoundé qui est le siège des institutions
politiques, ou plutôt à Douala, le fief de l'opposition. Ainsi, la
participation politique des clercs est le produit d'un mélange des
incitations sociales et des logiques d'action qui meuvent ceux-ci. Ce qui
permet de comprendre que cette participation soit différente en fonction
des clercs et de leur positionnement politique et tribal dans le champ
sociopolitique.
v Concernant les attitudes des fidèles catholiques de
la base vis-à-vis des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise,
leur manque de réappropriation de celles-ci s'explique par plusieurs
facteurs. D'abord, les représentations de la chose politique par ceux-ci
sont caractérisées par la désaffection qui traduit les
attitudes politiques de l'ensemble de la société. Ceux-ci
estiment en plus que la participation n'est pas une exigence de leur foi, mais
peut néanmoins être admise comme un devoir civique. Leur
connaissance des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise est
très limitée. Ce qui s'explique par la faiblesse de l'institution
ecclésiale à diffuser l'enseignement social de l'Eglise. Elle
s'explique également par le fossé qui sépare
l'élite catholique dépositaire du savoir religieux de la masse
des fidèles. Ce fossé rend difficile la transmission d'un
discours du haut vers le bas. Leur perception de ces préoccupations
sociopolitiques déjà peu connues est marquée d'un
désintérêt, car ils se sentent moins concernés par
celles-ci mais s'occupent davantage d'autres choses : la lutte pour la
survie. C'est pourquoi, ils sont plus intéressés par un discours
qui leur permet de protester contre la prégnance des
réalités sociopolitiques asservissantes et de se mettre à
l'abri de celles-ci. Les motivations de leur intégration religieuse sont
davantage d'ordre spirituel et répondent à une logique de fuite
du monde. Par conséquent, ayant perdu toute confiance dans le
système politique et, en raison de la faiblesse de leur culture de
participation, ils ont une participation politique très faible, qui ne
fait pas d'eux des cas particuliers mais qui traduit le climat
général de la société dans laquelle ils vivent.
Ainsi, l'Eglise Catholique n'a pas encore assuré une
assez grande socialisation de ses fidèles de sorte que leurs
comportements sociopolitiques en dépendent. Le catholicisme camerounais
est encore un catholicisme de façade. C'est pourquoi le vécu de
la foi catholique, loin d'être un idéal de vie, reste une
ressource à laquelle l'on recourt, selon les circonstances.
Quant aux Mouvements d'Action Catholiques ou Association de
base Catholique, leur participation politique est moins visible. Plus
attachées aux préoccupations de spiritualité, celles-ci
s'inscrivent dans des dynamiques de gestion psycho-spirituelles de la
frustration perpétrée par la domination politique et de l'impact
des crises sociopolitiques sur leur vécu. C'est ainsi que, dans ce
milieu marqué d'un apolitisme relatif, les problèmes politiques
sont convertis ou stigmatisés comme étant des problèmes
spirituels que la vie du groupe consiste à résoudre. On a par
conséquent à faire au péché et non pas directement
à la corruption, la mal gouvernance, la domination politique etc.
Au vu de tout ceci, le rapport de ces résultats
à nos hypothèses de départ est le suivant :
L'hypothèse générale était
la suivante : « la participation des acteurs catholiques dans le
processus démocratique est orientée par le champ de participation
et les différentes formes de rationalité socialement construites,
qui les motivent lors de leurs interactions de sens avec le champ
politique».Au regard de tous ces résultatsprésentés
ci-dessus, nous pouvons dire que cette hypothèse a été
confirmée.
L'hypothèse spécifique 1 était la
suivante : « Le caractère mitigé de la
participation de l'institution catholique au processus démocratique
camerounais relève de son souci à contribuer à la
restructuration du jeu politique camerounais tout en conservant son
héritage culturel et les intérêts qu'elle tire de ses
rapports harmonieux avec le pourvoir politique ». Au vu de nos
résultats sur la participation institutionnelle de l'Eglise Catholique,
il s'avère que l'hypothèse a été
corroborée.
L'hypothèse spécifique 2 était la
suivante : « Les interventions discordantes des clercs
catholiques dans le processus démocratique camerounais sont
orientées par les logiques d'actions de ceux-ci, et leurs rapports au
champ politique avec lesquels ils interagissent ». Au vu de nos
résultats sur les interventions discordantes des clercs catholiques dans
le processus démocratique camerounais, il s'avère que cette
hypothèse a été validée.
L'hypothèse spécifique 3 était la
suivante : « Le manque d'adhésion des fidèles
catholiques aux préoccupations sociopolitiques de l'Eglise s'explique
par la construction par ceux-ci des rapports d'incompatibilité entre le
politique et le religieux, dans un contexte de déficit de socialisation
politique». Au vu de nos résultats sur les attitudes politiques des
fidèles catholiques de la base, il s'avère que cette
hypothèse a été validée.
Au bout du compte, à partir de ces résultats
auxquels nous a conduit cette recherche, nous pouvons faire un certain nombre
de recommandations en fonction des catégories d'acteurs
politiques ou ecclésiales ici concernées par elle.
Ø Au Vatican,
Au regard de l'influence de l'autorité vaticane sur
l'Afrique, nous recommandons au Vatican de mettre en place des
stratégies efficaces de conversion du christianisme africain. De
mettredes moyens multiformes (financier, politiques etc.) pour la vulgarisation
de l'Enseignement Social de l'Eglise en milieu populaire catholique. Ceci,
pourra se faire à travers l'organisation des campagnes de
sensibilisation à cet effet, comme cela se fait abondamment pour la
socialisation spirituelle.
Ø Au Clergé Catholique
Au haut clergé (les prélats), nous recommandons
de renforcer leurs luttes pour la démocratie camerounaise, en
élaborant un véritable programme d'action pour accomplir les
fonctions tribuniciennes qui incombent à l'Eglise. En d'autres termes,
il s'agit de l'élaboration d'un programme de restructuration
systématique du jeu politique camerounais, à travers des prises
de position ouvertes sur le processus en cours, et des actions de
dénonciation des stratégies de destruction de la jeune
démocratie camerounaise.
Au bas clergé (le clergé paroissial), nous
recommandons la prise de conscience de la mission sociale de l'Eglise, de se
former davantage sur la Doctrine Sociale de l'Eglise, d'intégrer dans
leurs sermons d'Eglise la dimension sociopolitique du vécu de la foi
catholique. Puisque la messe qu'ils président est le seul
véritable rendez-vous où se rend la grande majorité des
fidèles, elle serait le lieu indiqué pour les socialiser à
l'Enseignement Social del'Eglise. C'est dont ils ont besoin pour la conversion
des « structures de péchés»414(*)qui les a pris en otage et
les asservissent.
Ø Aux fidèles catholiques
A ceux-ci nous proposons de sortir de leur logique de dualisme
spirituel/temporel comme le recommande Vatican II415(*),afin d'accéder
à une foi incarnée qui inclue à la fois la dimension
spirituelle et la dimension sociopolitique du vécu
chrétien ;de porter dans leurs associations de base (CEV, MAC etc.)
des réflexions sur les enjeux sociopolitiques de la foi
chrétienne. Ceci leur permettra de transformer leur
société à partir de leurs valeurs chrétiennes, qui
sont favorables pour la plupart, à l'avènement du bien commun,
d'une société de «Justice, Paix et
Réconciliation »416(*). En effet, la fuite du monde ne les soustraira
jamais de la prégnance des réalités sociopolitiques
brutales de leurs pays,comme l'a d'ailleurs reconnu l'Abbé
J.M.Ela417(*). C'est
pourquoi nous les invitons à s'engager dans un véritable combat
de démocratisation de leur pays, parce qu'une véritable action
politique de la masse de citoyens est plus à même de conduire un
pays à des changements radicaux.
Ø A l'Etat Camerounais.
A l'Etat Camerounais, nous recommandons de remplir ses
fonctions de socialisation politique de ses citoyens. Cette étude nous a
en effet permis de mettre en exergue le déficit de socialisation
politique de ces fidèles-citoyens. Or, il n'y a pas de démocratie
sans citoyens responsables, et il n'y a pas de citoyens responsables sans une
véritable culture de la participation. De même qu'il n'y a pas de
culture de la participation sans socialisation politique. En outre, nous
recommandons à l'Etat de respecter le principe de la laïcité
à travers lequel la constitution du Cameroun préconise la
distance des Eglises vis-à-vis de l'Etat. Il en va de la capacité
de celles-ci à assurer leurs fonctions de contrepoids en vue d'un
équilibre des forces dans la société et donc de
l'avènement d'une véritable démocratie au Cameroun.
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JOURNAUX
Ø L'EFFORT CAMEROUNAIS
N°236 du 19 au 25 Octobre 2000
N°513 du 28 Septembre au 11 Octobre 2011
N°520 du 11 au 17 Janvier 2012
L'info N°118 du 16 Novembre 2011
No511 du 31 aout au 13 septembre 2011
No498 du 02 au 15 mars 2011
No550 du 27 mars au 09 avril 2013
No512 du 21 octobre 2011
No 514 du12 au 25 octobre 2011
No508 du 20 juillet au 02 aout 2011
No497 du 09 au 22 février 2011
No505 du 08 au 21 juillet 2011
No513 du 28 septembre au 11 octobre 2011
No506 du 22 juin au 5 juillet
Edition spéciale mai 2010
Edition spéciale octobre 2011
LE JOUR
No985 du 27 juillet 2012
No 1050 du 27 octobre 2011
No9946 du 12 octobre 2011
No9964 du 8 novembre 2011
Ø MUTATION
No2972 du 27 aout 2011
Ø HORIZON DIOCESAIN
No005 de juillet 2011
Ø LE LIEN NKEN SHALON
No0003 de juin 2002
No0004 d'Aout 2003
No0005 de novembre 2003
No0007 d'Aout 2005
No0014 de décembre 2012
No0010 de février 2008
No0001 de juillet 2001
PADIC infos
N°008 Octobre-Novembre-Décembre 2011
Ø LE MESSAGER
N°1737 du jeudi 21 Octobre 2004
Ø CAMEROUN TRIBUNE
N°4675 du 22 Octobre 2004
No9946 du 12 octobre 2011
No9964 du 8 novembre 2011
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démocratisation en Afrique : Un mariage à négocier
entre tradition et modernité », Thèse de
doctorat-Ph.D en sociologie politique, Université de Yaoundé I,
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dans le littoral camerounais entre 1945 et 1995 : essaye d'analyse
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city.com, le 26.06.12. 10 :49
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www.enssib.fr/bibliotheque/documents/travaux/cdi2.pdf:,
le 26.06.12. 10 :49
DOCUMENTS AUDIOS ET VIDEOS
Emission radio de Mgr. Samuel Kledacrtv, 15/11/11,
13 h20.
Emission télévision Equinoxe, 14/5/12, 21h21.
Journal Rfi, Cardinal Christian Tumi,
http://www.rfi.fr, 12/02/13, 15h12
Support vidéo de l'atelier de formation des agents
accompagnateurs du projet PPPE (Participation des Populations au Processus
Electoral),Mai 2010.
AUTRES DOCUMENTS
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Cameroun, Loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de
la Constitution du 02 juin 1972, 1996, 19P.
J.B.Kenmogne et J. D.Nguebou, Rapport sur la situation des
défenseurs des droits de l'Homme au Cameroun, Yaoundé, Renapddho,
2012, 26 P.
La Grande Palabre, Rapport de la conférence
débat surle thème : La démocratie à
l'épreuve d'un tribalisme multiforme, 2013, 14P.
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1 : Cartes de la ville de Douala et de
Yaoundé.
Annexe 2 :les photos de quelques clercs
catholiques.
Annexe 3 : Liste des entretiens.
Annexe 4 : Le processus conduisant à la
fuite du monde l'abstention politique des fidèles catholiques.
Annexe 5 : Protocole d'interview avec les leaders
catholiques.
Annexe 6: questionnaire sur la participation politique
des fidèles catholiques.
Annexe 7 : Protocole d'interview avec les autres
acteurs du processus démocratique.
Annexe 8 :Lettre du père Ludovic Lado aux
évêques du Cameroun.
ANNEXE 1 : CARTES DE LA VILLE DE DOUALA ET DE
YAOUNDE
Fig.1.Carte de la ville de Douala

Fig.2.Carte de la ville de
Yaoundé

ANNEXE 2 : LES PHOTOS DE QUELQUES CLERCS
CATHOLIQUES.

251613184

251614208
Photo n°3 : Pape Jean Paul II, visite le
Cameroun en 1985 et en 1995, où il présente l'exhortation
apostolique post synodale Ecclésia in Afira.
Photo n°4 : Pape Benoit XVI,
Visite le Cameroun en 2009, où il remet l'instrumentumlaboris
pour la préparation de la 2e assemblée
spéciale du synode pour l'Afrique.

251617280

251618304
Photo n°5 : Cardinal Christian Tumi,
archevêqueémérite de Douala, ancien président la
CENC.
Photo n°6 : Mgr. André Wouking, ancien
archevêque de Yaoundé, ancien président de la CENC.

251621376

251622400
Photo n°7: Mgr. TonyeBackot. Ancien
archevêque de Yaoundé, préside la CENC de 2003 à
2007.
Photo n°8 : Mgr. Jopseph. Archevêque de
Bertoua, préside la CENC de 2007 à 2013
251624448

251625472

251626496
Photo n°9 : Mgr. Samuel Kléda.
Archevêque de Douala, président de la CENC depuis Avril 2013.
Photo n°10 : Mgr. Antoine Ntalou. Archevêque de
Garoua, Président de la Commission Episcopale Caritas et
développement.

251629568

251630592
Photo n°12 : Mgr. Dieudonné Watio,
Evêque de Bafoussam, membre du Conseil électoral (administration
camerounaise)
Photo n°11 : Mgr. Joseph BefeAteba.
Evêque de Kribi, Président du Conseil National de la Communication
(administration camerounaise)

251633664
Photo n°13: P. LudovicLado. Ancien Vice-doyen de la
Faculté des sciences sociales de L'UCAC, auteur de la lettre ouverte aux
évêques du Cameroun, suite à la messe d'action de
grâce pour la victoire du Président Paul Biya aux
présidentielles de 2011.
ANNEXE 3 : LISTE DES ENTRETIENS CLES

ANNEXE 4 :fig.4: PROCESSUS CONDUISANT A LA FUITE
DU MONDE ET L'ABSTENTION POLITIQUE DES FIDELES CATHOLIQUES DE DOUALA ET DE
YAOUNDE
Institution
|
Acteurs
|
Actions
|
Structures de sa reproduction
|
objectifs
|
cibles
|
Facteurs favorables
|
Résultats
|
251661312251662336
251665408Eglise Catholique
251672576
251673600
251663360251664384Etat Camerounais
|
251666432Clercs catholiques
251683840
251684864
251669504Gouvernants du Cameroun
|
251667456
Endoctrinement par la catéchèse et les
activités de spiritualité
251668480verrouillage du système politique,
monopolisation de l'ensemble des sphères sociales
|
251685888Groupe de catéchèse, groupe de
prière, sermon des clercs et imaginaires sociaux
251692032structures de péchés (corruption,
fraude, mal gouvernance, etc.)
|
251687936
251688960
Aliénation religieuse
251691008
251689984
251686912Domination politique
|
251679744251670528
Fidèles catholiques
251675648
251674624
251677696
Citoyens camerounais
251682816251671552
|
Quête du sens de la vie
251676672
251678720
251693056
Paupérisation généralisée
|
251680768
survalorisation du salut éternel, dévalorisation
de la praxis sociale et donc, abstention politique
251681792
|
ANNEXE 5 : PROTOCOLE D'INTERVIEW AVEC LES LEADERS
CATHOLIQUES

251696128
Ministry Of Higher Education
***************
University of Douala
***************
Faculty of Arts and Social Sciences
***************
Department of Sociology
***************
SociologyLaboratory
Ministère de l'Enseignement
Supérieur
***************
Université de Douala
***************
Faculté des Lettres et Sciences
Humaines
***************
Département de Sociologie
***************
Laboratoire de Sociologie
ENQUETE DE TERRAIN POUR LA REDACTION D'UN MEMOIRE DE
MASTER EN SOCIOLOGIE POLITIQUE
Thème : L'Eglise Catholique
et le processus démocratique au Cameroun : Une analyse de la
participation politique des archidiocèses de Douala et de
Yaoundé
PROTOCOLE D'INTERVIEW AVEC LES LEADERS
CATHOLIQUES
Par : Magloire Ndongmo
Dans le but d'analyser la participation de l'Eglise Catholique
dans le processus de construction de la démocratie camerounaise, nous
sollicitons cet entretien avec vous ; question de recueillir les
informations relatives à ce sujet. Nous vous garantissons de la
confidentialité de vos affirmations, et vous remercions d'avance pour
votre collaboration.
FICHE SIGNALETIQUE
Nom : (facultatif)
Genre :
Fonction : Statut dans l'Eglise :
Région d'origine :
AXE I : LA PARTICIPATION INSTITUTIONNELLE
DE L'EGLISE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE AU CAMEROUN
1.1. Que pensez-vous de l'état actuel de la
démocratie (bonne gouvernance, élections transparentes etc.) au
Cameroun ?
1.2. Que fait l'Eglise pour accompagner le processus
démocratique au Cameroun (parlez-nous de quelques une de ses actions
pendant ces dix dernières années)
1.3. Que pensez-vous de la compatibilité des
libertés civiles et politiques (libertés d'expressions,
d'association, etc.) avec les valeurs catholiques ?
AXE II : LA PRODUCTION DISCURSIVE DU CLERGE
DANS LE DEBAT PUBLIQUE CAMEROUNAIS
2.1.Parlez-nous des prises de positions des clercs catholiques
sur la vie politique du Cameroun.
2.2. Cette intervention dans le débat publique
camerounais contribue-t-elle à construction de la démocratie au
Cameroun ? Pourquoi ?
2.3.Que fait l'Eglise pour la vulgarisation des
préoccupations sociopolitiques en milieu Catholique, pour une grande
implication des laïques dans le processus de construction de la
démocratie Camerounais ?
2.4.Quelle est votre appréciation des prises de
positions discordantes des clercs catholiques sur la vie politique du
Cameroun?
AXE III : LA PARTICIPATION DES
ORGANISATIONS CATHOLIQUES DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE
CAMEROUNAIS
3.1. Parlez-nous de l'action de justice et
Paix dans ce processus démocratique camerounais
3.2. Que font les Communautés
Ecclésiales Vivante (CEV) pour accompagner les chrétiens de la
base dans leurs préoccupations sociopolitiques ?
3.3. Quel est le rôle des
médiats Catholiques dans ce processus de démocratisation du
Cameroun ?
Nous vous remercions une fois de plus pour votre
collaboration.
ANNEXE 6: QUESTIONNAIRE SUR LA PARTICIPATION POLITIQUE
DES FIDELES CATHOLIQUES

251699200
Ministry Of Higher Education
***************
University of Douala
***************
Faculty of Arts and Social Sciences
***************
Department of Sociology
***************
SociologyLaboratory
Ministère de l'Enseignement
Supérieur
***************
Université de Douala
***************
Faculté des Lettres et Sciences
Humaines
***************
Département de Sociologie
***************
Laboratoire de Sociologie
ENQUETE DE TERRAIN POUR LA REDACTION D'UN MEMOIRE DE
MASTER EN SOCIOLOGIE POLITIQUE
Thème : L'Eglise Catholique
et le processus démocratique au Cameroun : Une analyse de la
participation politique des archidiocèses de Douala et de
Yaoundé
QUESTIONNAIRE SUR L'ENGAGEMENT POLITIQUE DES FIDELES
CATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE
Par : Magloire NDONGMO
Dans le but d'analyser la participation de l'Eglise Catholique
dans le processus de construction de la démocratie camerounaise, nous
vous soumettons ces questions en vue de recueillir les informations relatives
à ce sujet. Nous vous garantissons de la confidentialité de vos
affirmations, et vous remercions d'avance pour votre collaboration.
N.B. cochez la bonne case(?)
1. FICHE SIGNALETIQUE
1. 1. Sexe : masculin ? féminin?
1. 2. Tranche d'âge : 20 à
30ans ?31 à 40ans ?41 à 50ans ?51 à 60ans ?61 et plus ?
1. 3. Niveau d'étude :
primaire?secondaire 1er cycle ?Secondaire 2nd cycle ?Supérieur?
1.6. Catégorie
socioprofessionnelle :employé?employeur?cadre?Sans
emploie?autres?
1.5. Fréquence à la
messe : journalière?hebdomadaire?annuelle?occasionnelle?
1.8.
Paroisse......................................................
1.4.Votre Mouvement (groupe) dans
l'Eglise : ........................................ Aucun?
1.7. Région
d'origine :...........................................
2. LES REPRESENTATIONS DU CHAMP POLITIQUE CHEZ LES
FIDELES CATHOLIQUES
2.1. Comment jugez-vous l'état actuel de
la démocratie au Cameroun ?
a) Très bien ? b) bien ? c) passable ? d) mal ? e)
très mal ?
2.2. Que pensez-vous de la politique ?
a) Une bonne chose ? b) une mauvaise chose? c) ça
dépend ?
2.3. S'engager dans la politique peut-il servir
à changer votre pays ?
a) Non ça ne sert à rien? b) Oui certainement ? c)
Oui mais difficilement ?
2.4. Qui peut apporter des changements dans
votre pays ?
a) Les hommes politiques seulement
?b) Les citoyens ? c) Les hommes politiques
et les citoyens ?
2.5. Comment jugez-vous l'action des hommes
politiques de votre pays ?
a) Bonne ? b) passable ?
c) Mal ? d) Très mal ?
3. RECEPTION ET PERCEPTION DES PREOCCUPATIONS
SOCIOPOLITIQUES DE L'EGLISE
3.1. Foi et politique sont-elles
compatibles ? a) OUI? b)NON ?
3.2.L'engagement politique est-il à votre
avis un devoir pour le chrétien ?
a)Oui?b)Non ?
3.3. Avec quelle fréquence
suivez-vous ces médias catholiques?Cocher la bonne case avec une
croix (x)
L'effort camerounais
|
Le lien NkengShalom
|
Horizons Diocésains
|
Radio Veritas
|
Radio jeunesse
|
a)régulièrement
|
a)régulièrement
|
a)régulièrement
|
a)régulièrement
|
a) régulièrement
|
b) Par occasion
|
b) Par occasion
|
b) Par occasion
|
b) Par occasion
|
b) Par occasion
|
c) Jamais
|
c) Jamais
|
c) Jamais
|
c) Jamais
|
c) Jamais
|
d) je la connais pas
|
d) je la connais pas
|
d) je la connais pas
|
d) je la connais pas
|
d) je la connais pas
|
3.4. Par quels moyens êtes-vous informer
des interventions des évêques sur la vie politique du Cameroun?
a)à l'église ? b) dans la
rue ? c)par les médiats catholiques?
d)par les médias publics ou non
catholiques ? e)je ne les suis jamais?
3.5. Etes-vous au courant que les
évêques insistent pour que les chrétiens s'engagent dans la
vie politique de leur pays ? a) OUI? b) NON?
3.6. Que pensez-vous de ces interventions des
évêques sur la vie politique du Pays ?
a)Ça fait avancer la
démocratie?b)ça ne peut rien changer
?c)ça ne les regarde pas ?
3.7. Qu'attendez-vous que l'Eglise face
pour vous et pour votre pays?
a) Une aide spirituelle
seulement?b) une aide spirituelle et
sociale?c) une aide spirituelle et sociopolitique?
4. LA PARTICIPATION POLITIQUE DES FIDELES
CATHOLIQUES
4.1. Etes-vous membre ou sympathisant d'un parti
politique ou d'une ONG ?
a)Oui je suis membre d'un parti?
b)Oui je suis sympathisant d'un parti ?
a)Oui je suis membre d'une ONG ?
c)Non aucun?
4.2. Etes-vous inscrit sur les listes
électorales (biométriques)?
a)Non? b)Oui?
c)Jamais fait?
4.3. A laquelle de ces élections
avez-vous voté?
a)législatives et municipales 2002
?b) présidentielles 2004?
c)législatives et municipales2007
?d)présidentielles 2011 ?e)aucune?
4.4.Suivez-vous souvent des émissions
radio ou télévisées portant sur la politique ?
a)régulièrement
?b)Occasionnellement?c)jamais?
4.5.Laquelle de ces structures catholiques
connaissez-vous ?
a)Justice et Paix ?b)Jeunesse
Ouvrière Catholique ?c) les groupes du Sacré
Coeur ?
d)Le renouveau charismatique?
e)la CEV (Communauté Ecclésiale Vivante) ?
4.6. Avez-vous déjà pris part aux
ateliers, conférences ou séminaires organisée à ou
par l'Eglise, ou par Justice et Paix sur la société ou sur la
politique ?
a) Oui plusieurs fois?b)Oui une
foi? c) Non pas encore ?c)Non jamais entendu?
4.7.Avez-vous déjà pris part
à une campagne d'évangélisation, une retraite spirituelle,
récollection ou autre sensibilisation sur la foi organisée
à ou par l'Eglise (catholique)?
a) Oui plusieurs fois?b)Oui une
foi? c) Non pas encore ?c)Non jamais entendu?
Nous vous remercions une fois de plus pour votre
collaboration.
ANNEXE 7 : PROTOCOLE D'INTERVIEW AVEC LES AUTRES
ACTEURS DU PROCESSUS DEMOCRATIQUE
Ministry Of Higher Education
***************
University of Douala
***************
Faculty of Arts and Social Sciences
***************
Department of Sociology
***************
SociologyLaboratory
Ministère de l'Enseignement
Supérieur
***************
Université de Douala
***************
Faculté des Lettres et Sciences
Humaines
***************
Département de Sociologie
***************
Laboratoire de Sociologie
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251702272
ENQUETE DE TERRAIN POUR LA REDACTION D'UN MEMOIRE DE
MASTER EN SOCIOLOGIE POLITIQUE
Thème : L'Eglise Catholique
et le processus démocratique au Cameroun : Une analyse de la
participation politique des archidiocèses de Douala et de
Yaoundé
PROTOCOLE D'INTERVIEW AVEC LES AUTRES ACTEURS DU
PROCESSUS DEMOCRATIQUE
Par : Magloire Ndongmo
Dans le but d'analyser la participation de l'Eglise Catholique
dans le processus de construction de la démocratie camerounaise, nous
sollicitons cet entretien avec vous ; question de recueillir les
informations relatives à ce sujet. Nous vous garantissons de la
confidentialité de vos affirmations, et vous remercions d'avance pour
votre collaboration.
FICHE SIGNALETIQUE
Noms (facultatif) :
Organisation :
1. Que pensez-vous de l'état actuel de la
démocratie (bonne gouvernance, élections transparentes etc.) au
Cameroun ?
2. Au nombre des acteurs de la société civile
impliqués dans le processus démocratique camerounais, figure en
bonne place l'Eglise Catholique. Quel rôle à votre avis y
joue-t-elle? Et qu'en pensez-vous ?
3. Parlez-nous des prises de position des clercs catholiques
sur la vie politique du Cameroun.
4. Quelles sont les réactions de votre organisation aux
interpellations de ces clercs catholiques
5. Parlez-nous de vos rapports avec les acteurs catholiques
dans le processus démocratique.
6. Quels sont vos attentes au sujet de la participation de
l'Eglise Catholique au processus démocratique au Cameroun ?
Nous vous remercions une fois de plus pour votre
collaboration.
ANNEXE 8 : LETTRE DU PERE LUDOVIC LADO AUX EVEQUES
DU CAMEROUN
Messeigneurs,
Je vous prie d'abord de ne pas vous offusquer de ce qu'un de
vos fils, un simple prêtre, vous écrive par ce canal, et sur un
ton auquel vous n'êtes pas habitués.
Ce n'est point par manque de respect à l'égard
de la hiérarchie ecclésiale, mais bien au nom de
l'évangile de Jésus Christ que, d'ailleurs, vous connaissez mieux
que moi, et dont nous sommes tous censés témoigner dans ce pays
qu'est le Cameroun. Vous m'excuserez aussi de généraliser, c'est
pour les besoins de la cause. Comme vous le savez, les Camerounais, et pas
seulement les chrétiens catholiques, attendent de vous un leadership
prophétique dans ce pays malade d'injustices multiformes. Mais, que nous
servez-vous depuis près de deux décennies sur la scène
publique ? De l'incohérence et de la cacophonie ! Je m'explique.
Il y a une dizaine de jours, alors que je prenais part
à une rencontre sur les conditions de possibilité de la
renaissance de la démocratie au Cameroun, il a été
question à un moment dans les échanges de la mobilisation de
toutes les forces démocratiques au Cameroun. Un des participants a
évoqué la nécessité de travailler avec les forces
religieuses, y compris la Conférence Episcopale Nationale du Cameroun.
Un autre, intellectuel Camerounais dont on connait la force des convictions
souvent relayées par les médias, a rétorqué avec un
brin d'humour : « La Conférence épiscopale est devenue la
énième section du RDPC ». Cette remise en cause de la
neutralité de la hiérarchie de l'Eglise catholique dans le jeu
politique entre le parti au pouvoir et l'opposition camerounaise, m'a
donné à réfléchir, car elle rejoignait certaines de
mes préoccupations.
La présente lettre ouverte, provocatrice à
dessein, nous permettra, je l'espère, d'ouvrir un débat sur le
positionnement de l'Eglise catholique sur la scène publique au Cameroun.
Je souhaite, en effet, qu'elle soit inscrite au registre d'un débat
d'idées pouvant améliorer la contribution de l'Eglise catholique
à l'assainissement de la pratique politique au Cameroun, aussi bien dans
les milieux du pouvoir en place que ceux de l'opposition. Car il n'y a pas de
véritable démocratie sans une véritable opposition. Je
parle de débats d'idées, parce que, après tout, nous
sommes à l'école de la démocratie. Et quand les
évêques se mêlent de la politique ou de la chose publique,
ils doivent accepter de laisser l'argument d'autorité à la
sacristie pour s'ouvrir au débat d'idées qui permet de construire
la cité, surtout qu'ils sont pour la plupart des intellectuels.
Je sais que certains d'entre vous n'ont pas
apprécié l'une de mes récentes sorties médiatiques
où je formulais quelques réserves sur l'opportunité de la
nomination de deux évêques à des fonctions publiques, l'un
à ELECAM et l'autre au Conseil Constitutionnel. Permettez, messeigneurs,
de préciser, qu'en réalité, je n'étais pas contre
le principe d'une telle implication. J'avais simplement un problème avec
le timing ! Pendant sept ans, vous avez observé, comme moi, le
Parti-Etat utiliser les voies légales pour faire reculer notre jeune
démocratie. Comme corps, vous n'avez jamais dit un seul mot publiquement
pour soutenir l'opposition, certes morbide, et la société civile
qui s'évertuaient à demander un système électoral
plus équitable, notamment le scrutin à deux tours ainsi que le
bulletin unique. Vous avez préféré garder le silence pour
ne pas gêner le régime en place où certains d'entre vous
ont de précieuses et généreuses relations.
Vous auriez pu vous taire sur toute la ligne, que l'on vous
aurait reproché seulement l'indifférence. Mais vos
récentes sorties médiatiques ont prouvé qu'il s'agissait
bien d'un silence très éloquent. Que nous dit-il, ce silence
stratégique ? Notez bien que c'est à deux mois d'une
élection visiblement mal préparée que vous adressez une
lettre pastorale aux Camerounais où vous les invitez à s'inscrire
sur les listes électorales et à aller voter, sans jamais poser
véritablement le problème de l'iniquité du système
électoral en vigueur. Vous faites, certes, des recommandations allant
dans le sens du progrès de la démocratie, mais trop tard. Par
ailleurs, vous n'avez pas manqué de reprendre en refrain le discours de
campagne du parti au pouvoir sur la paix, lequel était devenu un
véritable chantage. La paix à tout prix, oui la paix, même
au prix de la démocratie. Et pourtant le magistère social de
l'Eglise catholique que nous avons tous étudié nous rappelle
qu'il n'y a pas de véritable paix sans justice. Si vous voulez vraiment
une paix durable au Cameroun, engagez-vous pour la justice et payez-en le prix
! Le Maître nous dit: «Heureux les persécutés pour la
justice, le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5, 10).
Pendant la campagne et pendant les élections, vous
avez gardé le silence, comme si tout allait bien. Pourtant on voyait
bien venir la mascarade. Comme par le passé, le parti-Etat a mis les
ressources étatiques au service du RDPC, en mobilisant les hauts cadres
de l'administration pour sa campagne. Mais après les élections,
le 20 octobre, vous avez de nouveau réagi, avec une
célérité étonnante, en appelant les Camerounais
à rester sourds à l'appel des leaders d'opposition qui invitaient
à des manifestations de rue pour protester contre les résultats
qui se profilaient à l'horizon. Entre autres, vous avez dit : «
tout mot d'ordre de manifestation donné par les leaders de certains
partis politiques est irresponsable » ou encore « la force de frappe
du votant, c'est le bulletin de vote. Le choix des électeurs se passe
dans les bureaux de vote et non dans la rue. C'est un combat des urnes et non
un combat de rue».
Parlant d'irresponsabilité, Messeigneurs, c'est facile
pour vous de qualifier ainsi l'opposition. Mais vous semblez ne pas voir que
c'est le bâclage de l'organisation des élections qui est vraiment
irresponsable. Ça fait sept ans qu'on sait qu'il y aura élections
présidentielles en 2011, mais on les a quand même
précipitées, exposant le Cameroun à la violence.
Voilà la vraie irresponsabilité, et vous devez le dire au chef de
l'Etat. Mais vous avez préféré le silence, un silence
très éloquent. Venons-en maintenant aux urnes et à la rue.
N'oubliez pas que les gens en viennent à la rue parce que chez nous, le
combat des urnes est encore une farce. La récente présidentielle
l'a encore démontré. L'un de vous, l'un des rares à avoir
encore le courage de la vérité, le confirmait encore
récemment dans une interview sur les ondes de RFI : « Selon le
rapport que j'ai reçu des observateurs catholiques, il me dit qu'il faut
qualifier ces élections, ce scrutin, comme une mascarade
électorale. Ce sont eux qui étaient sur le terrain, et ils
étaient agréés par l'Etat. » Pourtant, on n'a pas
senti dans votre déclaration postélectorale un brin de sympathie
pour l'opposition ainsi que pour tous ces milliers de Camerounais
frustrés par les travers de notre système électoral. En
fait, vous invitiez les Camerounais à accepter les résultats,
quels qu'ils soient, au profit de la paix. Quelle paix ?
Et comme si cela ne suffisait, vous voilà au lendemain
des résultats dans les couloirs du palais pour célébrer la
victoire, la victoire d'un système injuste sur la soif de justice du
peuple camerounais. Mais la cerise sur gâteau aura été la
célébration oecuménique à la cathédrale de
Yaoundé au lendemain de la prestation de serment. Dans une liturgie
fabriquée de toutes pièces, on a vu la crème de la
hiérarchie catholique introniser le prince. On se croirait au moyen
âge où les évêques intronisaient les rois.
Messeigneurs, depuis quand êtes-vous aumôniers de la
Présidence de la République du Cameroun ? Et à supposer
que vous l'étiez, la neutralité politique de l'Eglise aurait
demandé un minimum de réserve et de discrétion dans un
contexte comme le nôtre où les Camerounais sont divisés sur
la légitimité de la victoire de votre protégé. Mais
cette liturgie concoctée pour la circonstance était retransmis en
direct par les médias d'Etat tout aussi pris en otage par le parti-Etat.
Avions-nous vraiment besoin de cette mise en scène ? Je me demande ce
que vous avez demandé à Dieu dans vos prières.
Certainement la paix, oui encore la paix. Mais voyons, Dieu ne peut pas nous
donner la paix sans justice. Dieu ne peut pas écouter ces prières
si vous ne dites pas la vérité au Président de la
République sur les injustices de son régime. Les Camerounais
souffrent. Regardez seulement nos écoles et nos hôpitaux, si vous
vous y soignez. Vous aurez beaucoup à lui dire sur les milliards qu'on
dépense sous ce régime pour des futilités ou qu'on
détourne impunément.
Messeigneurs, que l'on se comprenne bien : je ne suis pas
contre le principe de prier pour un chef d'Etat, qu'il soit démocrate ou
pas. Tout être humain a droit aux prières et st Paul, qui a
témoigné de l'Evangile à une époque où
l'Eglise était particulièrement persécutée par les
dirigeants politiques, le recommande vivement : « J'insiste avant tout
pour qu'on fasse des prières de demande, d'intercession et d'action de
grâce pour tous les hommes, pour les chefs d'État et tous ceux qui
ont des responsabilités, afin que nous puissions mener notre vie dans le
calme et la sécurité, en hommes religieux et sérieux.
Voilà une vraie prière, que Dieu, notre Sauveur, peut accepter,
car il veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à
connaître pleinement la vérité. » (1Tm2, 1-4) Mais
cette charité spirituelle doit se déployer sur fond de
vérité sur les injustices dont souffrent les Camerounais. Car
nous vivons sous un régime subtilement violent qui a réussi
à avilir les cadres de l'administration publique en en faisant les
esclaves du système. Alors, ils ne sont plus au service d'un pays, mais
d'un système, d'un parti, d'un homme qui les fait et les défait
à volonté. On ne peut pas bâtir un pays avec des
esclaves.
Messeigneurs, rappelez-vous souvent qu'aux postes de
responsabilité que vous occupez, vous représentez une
institution, l'Eglise catholique ainsi traînée dans la boue. Il
est temps que vous preniez vos distances par rapport à tout
régime politique, celui d'aujourd'hui et ceux à venir, pour
assumer votre fonction prophétique que nous rappelle le prophète
Jérémie en ces termes : « Chaque fois que j'ai à dire
la parole, je dois crier, je dois proclamer : `Violence et pillage !' A
longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l'injure et la
moquerie. Je me disais : `Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus
en son nom.' Mais il y avait en moi comme un feu dévorant, au plus
profond de mon être. Je m'épuisais à le maîtriser,
sans y réussir » (Jr 20, 8-9).
Messeigneurs, sachez que vos incohérences
cacophoniques sur la scène publique embrouillent et divisent les
chrétiens. Je vous prie de revoir votre manière de naviguer entre
Dieu et César. C'est désastreux pour notre Eglise. Je ne saurais
terminer sans m'excuser de vous avoir agacé avec cette imposture. Je
vous prie de croire en ma bonne foi. Et si je me trompe, n'hésitez pas
à me corriger dans ce débat d'idée que je lance sur le
rôle du clergé catholique dans le progrès de la
démocratie au Cameroun. Que Dieu bénisse le Cameroun et ses
dirigeants politiques et religieux !
TABLE DES MATIERES
DEDICACE..................................................................................................................................2
REMERCIEMENTS...................................................................................................................3
SOMMAIRE
..................................................................................................4
RESUME
......................................................................................................5
ABSTRACT
.......................................................................................................6
LISTES DES SIGLES ET ABREVIATIONS
..........................................................7
LISTES DESTABLEAUX, FIGURES, GRAPHIQUES ET PHOTOS
...............................9
EPIGRAPHE
...............................................................................................12
INTRODUCTION
13
PARTIE
1 :
CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE DE LA
RECHERCHE
20
CHAPITRE 1
:
CONSTRUCTION DE LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
ET REVUE DE LA LITTERATURE
21
1.1. LA
CONSTRUCTION DE LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
21
1.1.1. LECONSTAT DE
LA RECHERCHE
21
1.1.2. LE PROBLEME
DE RECHERCHE
24
1.2. LA REVUE DE LA
LITTERATURE
25
1.2.1. LE POINT DES
TRAVAUX RELATIFS A LA PARTICIPATION DE L'EGLISE CATHOLIQUE AU PROCESSUS
DEMOCRATIQUE
25
1.2.1.1. Les
travaux relatifs à la participation politique
25
1.2.1.2. Le point
des connaissances sur le processus démocratique
26
1.2.1.3. Le point
des travaux sur le rapport religion/participation politique
28
1.2.1.4. Revue des
travaux sur le rapport Eglise/démocratie
31
1.2.2. L'ANALYSE CONCEPTUELLE
32
1.2.2.1. Le
processus démocratique
33
1.2.2.2. La
participation politique
34
1.2.2.3. L'Eglise
Catholique
35
CHAPITRE
2:
LA CONSTRUCTION DU CADRE THEORIQUE ET
L'ELABORATION DE LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
38
2.1. LA
MOBILISATION DES CHAMPS SOCIOLOGIQUES
38
2.1.1. La
sociologie politique
38
2.1.2. La
sociologie des religions
38
2.1.3. La
sociologie critique
39
2.2. LA
CONSTRUCTION DU CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE
39
2.2.1. Les
paradigmes interactionnistes et constructivistes
40
2.2.2. Les
interactions de sens des acteurs catholiques avec le champ de
démocratisation camerounaise.
40
2.2.3. La
construction sociale de la participation de l'Eglise catholique dans le
processus démocratique camerounais.
42
2.3. L'ELABORATION
DE LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
44
2.3.1. La
construction des hypothèses
45
2.3.1.1.
L'hypothèse générale
45
2.3.1.2. Les
hypothèses spécifiques
45
2.3.2. Les
objectifs de la recherche
46
2.3.2.1. L'objectif
général
46
2.3.2.2. Les
objectifs spécifiques
46
2.3.3. La
méthode de recherche
46
2.3.4. La
délimitation du terrain de recherche
48
2.3.5. La
population et échantillon de l'étude.
49
2.3.6. LES OUTILS
DE COLLECTE DES DONNEES
52
2.3.6.1. La
recherche documentaire
52
2.3.6.2. Les
entretiens individuels
53
2.3.6.3.
L'enquête par questionnaire
53
2.3.7. LA METHODE
D'ANALYSE DESDONNEES
54
2.3.8. LES
DIFFICULTES RENCONTREES
55
2.3.9. LIMITES DE
LA RECHERCHE
56
PARTIE
2 :
L'ANALYSE DE LA PARTICIPATION DIFFERNECIEE
DE L'EGLISE CATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE AU CAMEROUN
57
CHAPITRE
3 :
ANALYSE DU CONTEXTE DE DEMOCRATISATION ET
PROBLEMATIQUE DE L'INTERVENTION DE L'EGLISE DANS LE CHAMP SOCIOPOLITIQUE
CAMEROUNAIS
58
3.1. L'ANALYSE DU
CONTEXTE DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN
58
3.1.1. Une
brève histoire de la démocratisation du Cameroun
59
3.1.1.1. Les luttes
indépendantistes camerounaises
59
3.1.1.2. Le
monolithisme politique au Cameroun
60
3.1.1.2.1. Le
régime politique d'Ahmadou Ahidjo et l'instauration du monolithisme
61
3.1.1.2.2. Le
régime politique de Paul Biya et la pérennisation du
monolithisme.
62
3.1.1.3.
L'ouverture démocratique de 1990
63
3.1.2. LES FACTEURS
CONTEXTUELS DU PROCESSUS DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN
64
3.1.2.1. Le
contexte socioéconomique : la prégnance de la
précarité économique
65
3.1.2.2. Le
contexte culturel : déficit d'ancrage culturel de la
démocratie
66
3.1.2.3. Le
contexte politique : déséquilibre du poids politique des
acteurs
68
3.1.2.4. Le
contexte religieux : la revanche de Dieu
70
3.2. LA
PRESENTATION DE L'EGLISE CATHOLIQUE DU CAMEROUN
71
3.2.1.
L'archidiocèse de Yaoundé
71
3.2.2.
L'archidiocèse de Douala
72
3.2.3. La
Conférence Episcopale Nationale du Cameroun
72
3.3. L'ANALYSE DE
LA PROBLEMATIQUE DE L'INTERVENTION DE L'EGLISE DANS LE CHAMP POLITIQUE
CAMEROUNAIS.
73
3.3.1. Du principe
de la laïcité
73
3.3.2. De la
laïcité au Cameroun
75
3.3.3. L'Eglise
Catholique et la laïcité au Cameroun
77
3.3.4. L'Eglise
Catholique et la démocratie : un bref aperçu historique
78
CHAPITRE
4:
UNE PARTICIPATION MITIGEE DE
L'INSTITUTIONCATHOLIQUE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS
85
4.1. L'ACTION
INSTITUTIONNELLE DE L'EGLISE POUR LA RESTRUCTURATION DU JEU POLITIQUE
CAMEROUNAIS
86
4.1.1.L'EGLISE UNIVERSELLE ET LA
DEMOCRATISATION CAMEROUNAISE
86
4.1.1.1. Jean Paul
II : L'invitation à la démocratisation
86
4.1.1.2. Benoit
XVI : l'appel à la réflexion sur la vie politique.
88
4.1.1.3.Le Conseil Pontifical Justice et
Paix et la promotion de la démocratie en Afrique
89
4.1.2. LES LETTRES
PASTORALES DE LA CENC SUR LA VIE SOCIOPOLITIQUE CAMEROUNAISE
90
4.1.2.1. Lettre
pastorale des évêques sur la crise économique dont souffre
le pays (1990)
90
4.1.2.2. Lettre
pastorale des évêques du Cameroun aux chrétiens et à
tous les hommes de bonne volonté sur le tribalisme (1996)
93
4.1.2.3. La lettre
pastorale des évêques à tous les fidèles et tous les
citoyens de bonne volonté sur le droit et le devoir de vote (2004)
94
4.1.2.4. La lettre
pastorale des évêques du Cameroun à l'occasion de
l'élection présidentielle de 2011
95
4.1.3. LES
ORGANISATIONS CATHOLIQUES ET LA VEILLE CITOYENNE AU CAMEROUN
96
4.1.3.1.
« Justice et Paix » dans le Processus
démocratique au Cameroun
96
4.1.3.1.1.
L'observation des élections par « Justice et
Paix »
97
4.1.3.1.2. La
proposition d'un code électoral par Justice et Paix
99
4.1.3.1.3.
« Justice et Paix » et la lutte contre la
corruption
99
4.1.3.1.4. Justice
et Paix et la défense des droits de l'homme
100
4.1.3.1.5.
« Justice et Paix » et l'éducation
à la citoyenneté
100
4.1.3.2. LES AUTRES
TRUCTURES CATHOLIQUES DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUES CAMEROUNAIS
103
4.1.3.2.1. Les
médias catholiques
103
4.1.3.2.2. Les ONG
Catholiques non Camerounaises
105
4.2. LES FACTEURS
DECONTRADICTION DE LA PARTICIPATION INSTITUTIONNELLE DE L'EGLISE CATHOLIQUE AU
PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS
106
4.2.1.LE SOUCI DE SAUVEGARDE DE L'HERITAGE
CULTUREL DE L'EGLISE
106
4.2.1.1. La
théologie de la charité et les libertés
démocratiques
107
4.2.1.2. Le
défaut de démocratie dans l'Eglise : un obstacle à
l'action de l'Eglise pour la démocratisation
110
4.2.2. LE
SOUCICONSTANT DE SAUVEGARDE DES RAPPORTS DE L'INSTITUTION AVEC LE POUVOIR
POLITIQUE
112
4.2.2.1.
L'autorité vaticane et l'Etat camerounais : deux
partenaires fidèles du processus de démocratisation
camerounais.
112
4.2.2.2. La CENC et
l'Etat camerounais : Une collaboration harmonieuse dans le processus
démocratique camerounais
113
4.2.2.3. Les
organisations catholiques et le pouvoir politique camerounais : entre
subordination et action de veille citoyenne
115
CHAPITRE
5:
UNE INTERVENTION DISCORDANTE DES CLERCS
CATHOLIQUES DANS LE CHAMP DE DEMOCRATISATION DU CAMEROUN
118
5.1. L'absence
d'une ligne de conduite politique dictée par l'église sur
l'action de démocratisation
118
5.2. Les formes de
rationalité cléricales : moteur de la divergence des agir
politiques des clercs dans le champ de démocratisation camerounaise
120
5.2.1. Les
rationalités par rapport au but visé.
121
5.2.2. Les
rationalités par rapport aux valeurs
124
5.3. L'influence
des contextes sociopolitiques sur les comportements politiques
contrastés des clercs catholiques
127
5.3.1. L'influence
du contexte sociopolitique de Douala
127
5.3.2. L'influence
du contexte sociopolitique de Yaoundé
129
5.4. Les logiques
tribales d'action cléricales et les types de rapport au pouvoir
130
5.4.1. Les logiques
tribales d'action cléricales
131
5.4.2. Les types de
rapport au pouvoir
133
5.5. La
responsabilité de l'Etat dans la discordance de l'action politique des
Clercs catholiques
134
5.5.1. Les
disparités des allocations de financement des structures catholiques
135
5.5.2. La
nomination des prélats Catholiques dans l'administration Biya : une
source de discordance
136
CHAPITRE
6:
FIDELES CATHOLIQUES ET PARTICIPATION DE
L'EGLISE AU PROCESSUS DEMOCRATIQUE CAMEROUNAIS
138
6.1. LES
REPRESENTATIONS DU CHAMP POLITIQUE PAR LES FIDELESCATHOLIQUES DE DOUALA ET DE
YAOUNDE
139
6.1.1. Les
représentations de la politique et des Hommes politiques
139
6.1.2. Les
représentations de la participation politique
141
6.1.3. La Foi et la
participation politique
143
6.2. LA RECEPTION
ET LA PERCEPTION DES PREOCCUPATIONS SOCIOPOLITIQUES DE L'EGLISE PAR LES FIDELES
CATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE
144
6.2.1. La
réception de l'enseignement social de l'Eglise par les fidèles
catholiques
144
6.2.2. La
perception de l'enseignement social de l'Eglise par les fidèles
catholiques
149
6.3. LA
PARTICIPATION POLITIQUE DES FIDELES CATHOLIQUES DE DOUALA ET DE YAOUNDE
152
6.3.1.
L'intérêt politique chez les fidèles
catholiques
153
6.3.2. Les
inscriptions sur les listes électorales
154
6.3.3. Le vote des
fidèles catholiques
155
6.3.4. Les
fidèles catholiques et l'engagement partisan
157
6.4. La
participation des Communautés Ecclésiales Vivantes
157
6.5. Les enjeux
sociopolitiques de la foi chez les fidèles catholiques de Douala et de
Yaoundé.
161
CONCLUSION............................................................................................150
BIBLIOGRAPHIE
170
ANNEXES.................................................................................................162
TABLE DES MATIERES
195
* 1 F. EboussiBoulaga, la
démocratie de transite, Paris, Harmattan, 1997, 456 P. ; Z.
Ngnigman, Cameroun, la démocratie emballée,
Yaoundé, Clé, 1993, 315 P.
* 2S. C., Abega,
Société civile et réduction de la
pauvreté, Ed., Clé, Yaoundé, 1999, P.6.
* 3 D.Philpott montre en
effet que, Catholicisme et démocratie s'étant violement
heurtés sur les principes démocratiques, l'Eglise et l'Etat
démocratique ont fini par s'accepter mutuellement à travers cet
accord qu'Alfred Stephan nomme « double tolérance»:
L'Etat reconnait à toutes les Eglises le droit de pratiquer et
d'exprimer sa foi et de participer à la vie politique ;
pareillement, les Eglises, notamment l'Eglise catholique) reconnaissent la
liberté religieuse des citoyens de toutes confessions ( et sans
confession) et ne revendiquent aucun privilège constitutionnel d'aucune
sorte. Les religions du monde et la démocratie, PP.147-148.
* 4 J.- I. Calvez et H.
Tincq, l'Eglise pour la démocratie, Paris PUF,1992, P.07.
* 5 Jean Paul II, Encyclique
Centesimusannus, 46: AAS 83 (1991) 850.
* 6 D. Philpott, «la
vague catholique», in «les religions du monde et la
démocratie», Paris, Nouveaux Horizons, 2008, P.148.
* 7 Jean Paul II,
Ibid., P.149.
* 8 Dont les valeurs
coïncident pour une bonne part aux valeurs de la démocratie, Ou
mieux, dont les valeurs sont fondatrices des valeurs de la démocratie
(si on se réfère à certains auteurs sur le christianisme
et la culture occidentale comme M. Weber).
* 9 Uneencyclique est une
lettre adressée par un pape aux évêques, au Clergé,
aux fidèles de tous les pays ou d'un pays, à propos d'un
problème de doctrine ou d'actualité. Cf. Dictionnaire Universel,
Ed. Hachette, 2000.
* 10 Le Conseil Pontifical
Justice et Paix l'a condensé dans un ouvrage intitulé :
Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, Rome, Libéria Editrice
Vaticana, 2004.
* 11 On peut parler
alternativement d'Enseignement social de l'Eglise ou de Doctrine sociale de
l'Eglise.
* 12 Autorité
ecclésiale constituée du pape, évêques et la
tradition de l'Eglise
* 13 Voir la Doctrine
sociale de l'Eglise.
* 14 CPJP, Compendium de
la doctrine sociale de l'Eglise, 566, qui cite la congrégation pour
la doctrine de la foi. Note doctrinale concernant certaines questions sur
l'engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique, 4.
* 15 CPJP,
op.cit.
* 16 Christian Pialot,
L'Action Catholique, Yaoundé, AMA-CENC, 2000, P.7.
* 17 L'action Catholique c'est
quoi, 2010
* 18 Cette médiation
concernait précisément l'UPC et le Gouvernement et était
assurée successivement par deux prélats Mgr Thomas Mongo et Mgr
Albert Ndongmo. Qui furent accusés de complicité avec le
gouvernement pour le premier et avec l'UPC pour le second qui fut pour cette
raison condamné à mort puis dispensé et exilé au
Canada.
* 19 J. P. Messina, «
l'Eglise et l'indépendance du Cameroun », Yaoundé,
PUCAC, 2010. ; KengnePokam, « les Eglises Chrétiennes
face à la montée du nationalisme camerounais »,
Yaoundé, Clé, 1987.
* 20 Il s'agit de Mgr
BefeAteba nommé au conseil national de Communication, et de Mgr
Dieudonné Watio nommé au Conseil Electoral. Tous deux,
nommés par décret présidentiel.
* 21 P. Berger,
« le christianisme: un panorama mondial », in L. Diamond,
(dir.),Les religions du monde et la démocratie, Paris, Nouveaux
Horizons, 2008, PP. 202-211.
* 22 E. Durkheim, les
formes élémentaires de la vie religieuse. Le système
totémique en Australie, Paris, Puf, 5e édition,
1968, 647 P.
* 23 M.Weber, L'Ethique
protestante et l'esprit du capitalisme, Paris, PUF, 4e
éd., 2002, 155 P.
* 24L. P Ngongo,
L'histoire des forces religieuses au Cameroun, Paris, Karthala, 1982,
304 P.
* 25 A., Mbembe,
Afriques indociles. Christianisme, pouvoir et Etat en société
postcoloniale, Paris, Karthala, 1988, 220P.
* 26J.-F Bayart,
« La fonction politique des Églises au Cameroun »,
Revue française de science politique,
23eannée, n°3, 1973. PP. 514-536.
* 27J.M.Ela, Le cri de l'homme africain. Questions
aux chrétiens et aux Eglisesd'Afrique, Paris, l'Harmattan, 1980, 173
P.
* 28 F. Weabey, L'Eglise
et la politique en Afrique, Paris, l'Harmattan, 2009, 138 P.
* 29 C.Makiabo, Eglise
Catholique et mutations sociopolitique au Congo-zaïre, Paris,
l'Harmattan, 2004, 264 P.
* 30 F. EboussiBoulaga,
La démocratie de transit au Cameroun, Paris, Harmattan, 1997, 456
P.
* 31E. Poulart, Catholicisme, démocratie et
socialisme, Tournai, Casterman, 1977, 562 P.
* 32 J.P. Messina,
l'Eglise Catholique face à l'indépendance du Cameroun sous
administration française (1949-1960), Yaoundé, Clé,
2010, 175 P.
* 33J.P. Messina,
Op.cit.
* 34 J.L. Maroleau, Eglise
Catholique, Etat et Société Civile au Cameroun de 1984 à
nos jours, Yaoundé, PUCAC, 2010.
* 35 `'Effort Camerounais''
N°506 de Juin 2011, `'Le jour'' N°985 du 25 Juillet 2011, Cameroun
Tribune N°9964 du 08 Novembre 2011 etc.
* 36L. Diamond et
al.,Op.cit., P.1.
* 37 K. Marx, Contribution
à la critique de la philosophie du droit de Hegel 1848. Classiques
.uqac.ca_Karl/citique_droit_hegel, le 05/01/12, à 14h25
* 38L. Diamond et Al.,
Op.cit., P. 205.
* 39 J.M. Ela, Le cri de
l'homme africain, Paris, l'Harmattan, Op.cit.
* 40 P. Costopoulos,
Op.cit., P. 52.
* 41 P. Costopoulos,
Ibid.
* 42 P. Costopoulos,
Ibidem.
* 43 La Commission
Episcopale Justice et Paix.
* 44 Le Service National
Justice et Paix.
* 45 La Commission
Diocésaine Justice et Paix.
* 46 Le Conseil Paroissial
Justice et Paix.
* 47 ONG caritative de la
Conférence épiscopales des USA.
* 48 Journal Rfi, Cardinal
Christian Tumi,
http://www.rfi.fr, 12/02/13, 15h12.
* 49 C'est du moinsce que
livre le contenu de la lettre ouverte du P. Ludovic Lado aux
évêques camerounais.
* 50A.
Lancelot et D.Memmi, Participation et comportement politique, Paris
PUF, 1987, P.318.
* 51A.
Lancelot et D. Memmi, Ibid. P.323.
* 52A.
Lancelot et D. Memmi, Ibidem., P. 322.
* 53 A.
Coulon,L'ethno-méthodologie, Paris, PUF, 1987.
* 54Leca, J.,
« Réflexion sur la participation politique des citoyens en
France », in Meny Y., (dir.), Idéologie partis politique
et groupes sociaux, Paris, Presse de la Fondation des sciences politiques,
1985, PP.43-70.
* 55N. Mayer, Sociologie
des comportements politiques, Paris, U-Colin, 2010, P.37.
* 56 Publié aux
Horizons Nouveaux en 1990.
* 57 D. Larry et al,Les
religions du monde et la démocratie, Paris, Nouveaux Horizons,
2008P.1.
* 58 D. Larry et al.,
Ibid. P.25.
* 59 JP Cot et JP Mounier,
Pour une sociologie politique, Paris, Seuil, 1974, Tome
1, PP.36-37.
* 60B. Kipoh ,
« l'ONEL et la recherche de la consolidation démocratique
au Cameroun : avancée et
écueils. »,Mémoire de DEA en science politique,
soutenu à l'Université de Yaoundé II- SOA en Septembre
2006.
* 61B. Kipoh,
Op.cit. P. 2.
* 62C.
Lefort,« Pour une sociologie de la
démocratie », in Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 4, 1966. pp.
750-768.
* 63 C. Lefort,
Op.cit. P.755.
* 64 T.B. Bottomore,
Introduction à la sociologie, Paris, Payot, 1974, P. 244.
* 65K.Marx, Contribution
à la critique de La philosophie du droit de Hegel, 1844.
* 66 E. Durkheim, les
formes élémentaires de la vie religieuse. Le système
totémique en Australie, Paris, Puf, 5e édition,
1968, 647 P.
* 67M. Weber,L'Ethique
protestante et l'esprit du capitalisme, Paris, 2002, P.247.
* 68 Il s'agit en
particulier de la religion catholique qui est mise en exergue ici.
* 69L. Michelat et M. Simon,
Classe, religion et comportement politique, Paris, Presse de la
Fondation nationale des sciences politiques et Editions sociales,
1977, P.384.
* 70L. Michelat et M. Simon,
Ibid. P.388.
* 71J.M. Ela, (1980), Le
cri de l'homme africain, Paris, l'Harmattan,P.15.
* 72J.M. ELA, Repenser
la théologie africaine, Paris, Karthala, 2003, 447 P.
* 73 J.M. ELA,
Ibid., P.8.
* 74 J.-F. BAYART,«La
fonction politique des Églises au Cameroun », In: Revue
française de science politique, 23e année, n°3, 1973, PP.
514-536.
* 75 J.-F. Bayart,
Ibid., P.514.
* 76J.Onana,
« La sociologie politique du phénomène religieux en
Afrique subsaharienne : trajectoires paradigmatiques », in
revue Information sur les sciences sociales, 2002, SAGE publications
Londre, Thousand Oaks.CA New Delhi PP.327-358.
* 77J.Onana, Ibid.,
P.330.
* 78L. P. Ngongo,
Histoires des forces religieuses au Cameroun, Paris, Karthala,
1982.
* 79 L. P. Ngongo,
Ibid., P.12
* 80 L. P. Ngongo,
Ibidem., P.11.
* 81S.C. Abega,
Société civile et réduction de la
pauvreté, Yaoundé, Clé, 1999, P.150.
* 82J.P. Messina,
L'Eglise Catholique face à l'indépendance du Cameroun sous
l'administration française, Yaoundé, Ed. Clé, 2010,
* 83D. Philpott, 2008,
P.151.
* 84E. Durkheim, 1883,
Op.cit, P.34.
* 85 M.Grawitz., 1986, P.
583.
* 86 Y. Alpe, (dir.),
Lexique de sociologie, Paris, Dalloz, 2005, P.57.
* 87Y. ALPE, (dir.),
Ibid.
* 88 Cité par C.
Lefort, sociologie de la démocratie, Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 4, 1966. P.750.
* 89L. Diamond et al.,
(2008), Les religion du monde et la démocratie, Paris, Nouveaux
Horizons, PP.23-24.
* 90 G. Ferréol et
al. , Dictionnaire de sociologie, Paris, Armand Colin,
1995,P.59.
* 91 G. Ferréol et
al., Ibid.
* 92 Y. Alpe et
al.,Op.cit., P.192
* 93A.
Lancelot et D. Memmi, Op.cit., P.312.
* 94 A.
Lancelot et D. Memmi, Ibid.
* 95F. BarbeyWeabey.,
Eglise et politique en Afrique, Paris, l'Harmattan, 2009, P.44.
* 96E. Durkheim, les
formes élémentaires de la vie religieuse. Le système
totémique en Australie, Paris, Puf, 5e édition,
1968, P. 65.
* 97 E. Durkheim,
Ibid., P.6.
* 98 Concile
OEcuménique Vatican II, Const.Dogm. Lumen gentium,
n°31.
* 99 Voir à ce sujet
la sociologie politique du phénomène religieux en Afrique
subsaharienne de Janvier Onana.
* 100 L. P.
Ngongo, Op.cit.
* 101 J.-P. Cot et J.-P.
Mounier, op.cit.,P8.
* 102 ALPE Y. et
al.,Op.cit., P219.
* 103 J.M. Ela, le cri de
l'homme africain, Op.cit.
* 104 L. P. Ngongo,
« Pouvoir politique occidental dans les structures de l'Eglise en
Afrique », in Civilisation Noire et Eglise Catholique,
Paris, Présence Africaine, 1977, PP. 37-66.
* 105A. Comte,
Op.cit., Pp.14-15.
* 106 P. Corcuff, Les
Nouvelles sociologies, Paris, Nathan, 1995, PP.8-15.
* 107
Garfinkel, cité par A.Coulon, P.20.
* 108 P.
Corcuff, Op.cit, PP.12-13.
* 109A.Coulon,
L'Ethnométhodologie, Paris, Puf, PP.10-11.
* 110
http://rsa.revues.org/180?lang=en,
le 23/01/13.
* 111 Howard Saul Becker,
cité par Y. Alpes, Op.cit. PP. 134-135.
* 112 P.L. Berger et T.
Luckmann, la construction sociale de la réalité, Paris,
Méridiens Klincksie, 1992, P. 288.
* 113 P.L. Berger et T.
Luckmann, op.cit., P.64.
* 114P.L. Berger et T.
Luckmann, Ibid. P.56.
* 115 P. Corcuff,
Op.Cit.
* 116 P. Bourdieu, la
reproduction, Paris, Minuit, 1970.
* 117 P.Corcuff,
ibid.
* 118 R. Quivy et
Campernhoudt, Manuel de recherche en sciences sociales, 1995,
P.149.
* 119 J. L. LoubetdelBayle,
Op.Cit. P.20.
* 120B. Dantier, dans sa
présentation de l'extrait du texte de «Boudon Raymond, dans Holisme
et individualisme méthodologiques.»
* 121B. Dantier, Boudon
Raymond, dans Holisme et individualisme méthodologiques.» Paris,
PUF, 1982, PP.12-23
* 122 Cité par
J.L.Loubetdel Bayle, Op.cit. P.15.
* 123 M. Weber,
L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme, Paris, 2002.
* 124M.- L.
Eteki-Otabela,le totalitarisme des Etats africains : le cas du
Cameroun, paris, l'Harmattan, 2001, P.20.
* 125R. Quivy et al.,Manuel de recherche en
sciences sociales, Paris,Dunod, 1995, P. 145.
* 126 Blanchet et Gotman,
Op.cit.
* 127 R. Ghiglonr etB.
Matalon, Les enquêtes sociologiques, Paris, Armand Colin, 1978,
P.38.
* 128Combessie, la
méthode en sociologie, Paris, La Découverte, 1999, P.194.
* 129 Presse de la
Conférence épiscopal du Cameroun et principale presse catholique
du Cameroun.
* 130 Quotidien gouvernemental
du Cameroun.
* 131Magazine trimestriel
du Service National Justice et Paix.
* 132 Quotidien
d'informations du Cameroun.
* 133J.L.LoubetDel Bayle,
Introduction aux méthodes des sciences sociales, Toulouse,
Priva, 1978, P.37.
* 134 J.L. Loubet Del
Bayle, Op.cit.P.112.
* 135 Pour plus de
détails sur ces différentes approches, voir J.L. Loubet del
Bayle, Op.cit. PP.113-114.
* 136Statistical Package for
the Social Sciences.
* 137 Contribution à
la critique de La philosophie du droit de Hegel, Op.cit.
* 138 Les formes
élémentaires de la vie religieuse, op.cit.
* 139 Repenser la
théologie africaine, Op.cit. ; Le cri de l'homme africain,
Op.cit.
* 140 Afriques indociles.
Christianisme, pouvoir et Etat en société postcoloniale,
Op.cit.
* 141 Comme le
reconnaissent la totalité d'auteur sur la recherche en science social et
de l'épistémologie ou sociologie de la connaissance, toute
objectivité parfaite du Chercheur est impossible. Le Chercheur
étant en réalité un acteur social interagissant dans un
univers de ses avec les auteurs et ne pouvant saisir le monde qu'à
partir du système de valeur à l'intérieur duquel il a
été socialisé.
* 142Il s'agit entre autres
de : E.Mveng, dans l'Histoire du Cameroun ; Mongo Bétis, dans
Main basse sur le Cameroun ; L. P. Ngongo, dans l'histoire des
forces religieuses au Cameroun ; E.FopoussiFotso, dans Le tribalisme
est-il une fatalité en Afrique ? Le cas du Cameroun etc.
* 143 Parlant des luttes
des camerounais pour la prise en main des affaires de leur pays contre les
puissances coloniales, Segnu Etienne estime d'ailleurs « qu'il n'y a
pas une seule période de l'histoire du Cameroun, depuis la signature du
traité germano douala en 1884, où on ne retrouve les Camerounais
en lutte contre les puissances étrangères. », in
«Le nationalisme camerounais dans les programmes et manuels
d'histoire : réalités et enjeux », P.1.
* 144Segnou Etienne,
«Le nationalisme camerounais dans les programmes et manuels
d'histoire : réalités et enjeux »,
mémoire de master en sociologie politique, Université de Douala,
2009, P.01.
* 145KengnePokam
déroule à ce propos tous les mouvements de contestations des
hommes et femmes camerounais contre le régime des travaux forcés
qui leur était imposé pendant la colonisation.
* 146 Ce qui était
la raison du combat de l'UPC qui en plus de vouloir une unification du pays
voulais aussi une prise en mains des affaires du pays. Voir à ce sujet
la réception de la doctrine sociale au Cameroun de L. Tchouabou, PP.50
et suivantes.
* 147L. Tchouabou,
Idem.
* 148 Expression
empruntée à J. François Bayart qui désigne ainsi
les ambitions d'Ahidjo de s'ériger en un Tout puissant de la
scène politique camerounaise, L'Etat au Cameroun, Op.cit.,
P.120.
* 149 J. François
Bayart, Op.cit. P.109.
* 150L. Tchouabou. P.
51.
* 151
http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_contemporaine_du_Cameroun,
consulté le 28/03/13
* 152 Le
général Max Briand était ancien d'Indochine où il a
commandé le 22ebaitaillon et donc la méthode
d'opération consiste en des bombardements et destruction des villages et
des regroupements des villages dans des camps.
* 153 Mongo Béti,
Main basse sur le Cameroun, cité par L.Tchouabou,
Op.Cit., P.58.
* 154 M.- L. Eteki-Otabela,
Op.Cit., P.15.
* 155 L. Tchouabou,
Ibidem.
* 156L. Tchouabou,
Op.Cit., P.61.
* 157 M. E.OwonaNguini,
Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé- Le conservatisme politique du
Renouveau: Entre instinct, intérêt, censure et expression,
http://germinalnewspaper.com/index.php?option=com_content&,
27/03/2013, 15:04.
* 158 M. Heungoup,
« Le BIR et la GP dans la politique de défense et de
sécurité du Cameroun. Socioanalyse du rôle
présidentiel, des concepts stratégiques et d'emploi des
forces », Master en gouvernance et politiques publiques,
Université catholique d'Afrique centrale.
* 159 Il s'agit du
Président fondateur du SDF, principal parti d'opposition
camerounaise.
* 160 J.E. Lantier,
Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé- Le Cameroun, malade de sa
justice,
http://www.germinalnewspaper.com/index.php?option=com_content&v
le 08/04/2013, 16:50.
* 161J.E. Lantier,
Op.Cit. P. 6.
* 162 M.-L. Eteki-Otabela,
Op.Cit. P.11.
* 163 Document de
Stratégie de Réduction de la Pauvreté que le MINEPAT a
produit pour présenter la vision du développement à long
terme du Cameroun, ses stratégies de mise en oeuvre et les menaces,
risques et hypothèques qui y sont attachés, en vue de son
émergence en 2035.
* 164 MINEPAT, Cameroun
Vision 2035, P.5.
* 165J.M. Ela estime
à ce sujet dans leurs occupations de l'espace urbains les ressortissant
des différents se regroupes par affinité tribales. (La ville
en Afrique Noire, Paris, Karthala, 1983) Ainsi, on aura dans la ville de
Douala, des quartiers bamilékés, (Bepanda, et
Maképé), des quartiers Haoussa (New bell) etc. de Même dans
la ville de Yaoundé, on aura des quartiers Haoussa (Mokolo),
Bamiléké etc.
* 166 Gilles Ferréol
et al., Dictionnaire de sociologie, P.50.
* 167 J. P. Cot et J.P.
Mounier, Pour une sociologie politique, Tome II, P.380.
* 168 Selon que J. P. Cot
et J.P. Mounier s'interrogent sur ces fondements culturels d'un régime
démocratique. Op.cit., P.36.
* 169 Jacqueline Nkoyok,
Les processus de démocratisation en Afrique : Un mariage
à négocier entre tradition et modernité, P.11.
* 170 J. Nkoyock,
Op.cit., P.5.
* 171J.F.Bayart, l'Etat
en Afrique, Paris, Fayard, 1989.
* 172 M.-L. Eteki-Otabela,
le totalitarisme des Etats africains : le cas du Cameroun, paris,
l'Harmattan, 2001, P.15.
* 173E. Durkheim, le
suicide, 1897.
* 174 J.P. Cot et J.P.
Mounier, Op.Cit. P.37.
* 175J. Nkoyock, Op. Cit., P
54.
* 176 J.P. Cot et J.P.
Mounier, ibid., P.13.
* 177 M.E.OwonaNguini,
Cameroun: autopsie d'un Etat naufragé- Le conservatisme politique du
Renouveau: Entre instinct, intérêt, censure et expression,
http://germinalnewspaper.com/index.php?option=com_content&,
27/03/2013, 15:04.
* 178 M. E. OwonaNguini,
Ibidem
* 179 M.-L. Eteki-Otabela,
op.cit., P.14.
* 180 J.B. Kenmogne et J.D.
Nguebou, Rapport sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme
au Cameroun, Yaoundé, 2012, P.12.
* 181M. Heungoup,
Op.cit., P.4.
* 182Lire à ce sujet
J.F.Bayart dans l'Etat en Afrique, et F. EboussiBoulaga, dans la
démocratie de transite
* 183 L. Tchoubou,
Op.cit., P.25.
* 184 Résultats
partiels, à titre illustratif.
* 185 ONG française
implantée au Cameroun par cet homme politique camerounais Hilaire
Kamga
* 186 Présidente du
Cameroun People Party.
* 187 Expression
utilisée par le philosophe politique français Marcel Gauchet pour
qualifier le retour du religieux à travers le monde.
* 188 Une Eglise
réformée, basée aux USA.
* 189 Il s'agit d'une
division administrative de l'Eglise Catholique du Cameroun. Elle regroupe un
ensemble de diocèses, coiffé par un archidiocèse.
* 190 Sources :
http://www.diocesebafoussam.org/index.php?section=&elt=147,
le 29/04/13, 15H08.
* 191 Sources :
http://www.archidiocesedeyaounde.org/,
le 29/04/13, 12H52.
* 192 Siege administratif
de l'archidiocèse de Yaoundé.
* 193 Source, nos propres
enquêtes, recensements faits lors de l'observation.
* 194 Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Conférence_épiscopale,
le 07/10/13, 9H24
* 195 Une
problématique très indiquée que Mungala Feta J.,
soulève aussi dans son mémoire sur « Le rôle
de l'Eglise dans le processus de démocratisation en République
Démocratique du Congo (1990-2006) : Nécessité et
Perspectives », P.10.
* 196 M. Ndongmo, A la
quête d'une laïcité à l'africaine, Yaoundé,
Ed.Taf&Melson, 2010, P.11.
* 197
J.-C. Barreau,
Collectif, sous la direction de
Jacques Myard, La
Laïcité au coeur de la République, Le Harmattan, 2003,
P. 26, cité par Wikipédia, le 17/04/13, à 13h54.
* 198
J.-M. Ducomte,
Collectif, sous la direction de
Jacques Myard,
Op.Cit. P.29.
* 199 Relatif à
l'Eglise.
* 200 Pour plus de
détails, voir J.-P. GRASSET, Histoire de la laïcité,
http://amopa-33.over-blog.com, le
17/04/13, 10h35.
* 201 Relatif au
clergé (la hiérarchie de l'Eglise).
* 202 Entendu ici comme ce
qui ne relève pas de la religion. E. Durkheim parlerait de Profane, par
opposition au sacré.
* 203 M. Ndongmo,
Op.Cit. P.14.
* 204 Voir http :
www.Wikipédia.org/ histoire de la laïcité,
Op.Cit.
* 205 C.Greffre, le
Christianisme au risque de l'interprétation, éd. Du Cerf, Paris,
1988, P.239, Cité par M.Ndongmo, Op.Cit., P.12.
* 206 M. Ndongmo, A la
quête d'une laïcité à l'Africaine, Yaoundé,
Ed.Taf&Melson, 2012, P.7.
* 207L. P. Ngongo,
Op.cit.
* 208
Maud Lasseur, Religions
au Cameroun : A qui profite la laïcité ?, www.cameroun.infos.org,
12/03/13, 12 :56
* 209 J.P. Messina,
Op.cit., P.24.
* 210 Cité par
Maud Lasseur,
Op.cit.
* 211M.A. Glele,
Religion, culture et politique en Afrique noire, Paris, Economica /
Présence africaine, 1981, Cité par
Maud Lasseur,
Op.cit., P.26.
* 212J.F. Bayart, Op.cit.,
P.153.
* 213 Les fondements de la
laïcité, c'est-à-dire les bases historiques ayant permis
plus tard l'émergence de la laïcité, sont par bien des
points issus en premier lieu du sein même de l'Église. Comme nous
l'avons vu plus haut.
* 214 Lire à ce
Sujet TonyeBakot, Quel aréopage pour l'Eglise Catholique ?un
approche des rapports entre l'Eglise et L'Etat, P.4.
* 215
www.wikipédia.org /Histoire_de_la_laïcité_en_France.htm.
* 216 Vatican II, les seize
documents conciliaires, GS76, 3.
* 217 zenit.org
[http://www.zenit.org/], le 25/04/13 15h54.
* 218 J. Y. Calvez et H.
Tincq, Op.cit., PP.16-17.
* 219 D. Philpott,
« la vague Catholique », in Les religions du monde et la
démocratie, P.147.
* 220 Cité par Y.
alpes et al. Lexique de sociologie, P.219.
* 221 Crise des vocations
signifie que les chrétiens ne veulent se donner aux fonctions de
prêtres et de religieux dont l'Eglise a besoin pour reproduire sa
structure.
* 222 J. M.Rosay, Op.,
P.19.
* 223 Allocution de Pie XII
à l'occasion de la fête de Noel 1944, cité par J.Y. Calvez
et H.Tincq, Op.Cit. P.30.
* 224Dialogue ou
échange entre les différentes confessions chrétiennes.
* 225J. MUNGALA, Le
rôle de l'Eglise dans le processus de démocratisation en
République Démocratique du Congo, Mémoire de DEA en Droits
de la Personne et de la Démocratie, Université
d'Abomey-Calavi-Bénin, 2009, 164 P.P.14.
* 226 J.Y. Calvez et H.
Tincq, Op.Cit.P.44.
* 227 J.Y. Calvez et H.
Tincq, Ibid. P.46.
* 228 J.P. Messina,
Op.Cit., P.48.
* 229Ecclésia in
Africa, N°112.
* 230Nous conseillons
utilement à ce sujet la lecture de Malik Tahar Chaouch, « La
théologie de la libération en Amérique latine »,
Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 138 | avril -
juin 2007, mis en ligne le 05 septembre 2010, consulté le 01 juillet
2011. URL : http://assr.revues.org/4822.
* 231 Pour reprendre la
célèbre formule de Mgr Ndongmo : «Il ne faut pas
envoyer les gens au ciel comme si la terre n'existait pas». Qui signifie
que la recherche du salut éternel de l'homme doit aller avec son
développement intégral : économique, psychologique,
politique, culturel etc.
* 232J.M.Ela, Le cri de
l'homme africain, Op.cit., P.43.
* 233J.M.Ela, (2003),
repenser la théologie africaine le Dieu qui libère,
Op.cit.
* 234 E. Poulat,
catholicisme, démocratie et socialisme, Tournai, Casterman,
1977, 562 P.
* 235 C. Paillot,
Initiation à l'Action catholique, P.4.
* 236 G. Mouthe,
« libéralisation des ondes et construction de l'espace
publique radiophonique chrétien au Cameroun : Dynamiques,
identité, ambivalences ». Mémoire de master en
Communication à l'Université de Douala.
* 237 L.P. Ngongo,
Op.cit.
* 238 L.P. Ngongo,
Op.Cit.P.194.
* 239J.P.Messina,
L'Eglise face à l'indépendance du Cameroun sous
administration française, Op.cit.
* 240J.-F. Bayart,
« La fonction politique des Églises au Cameroun »,
Revue française de science politique,
23eannée, n°3, 1973. PP. 517.
* 241 J. P. Messina,
Op.cit., PP.50-55
* 242 C.
WiyghansaïShaaghan Cardinal Tumi, les deux régimes politiques
d'Ahmadou Ahidjo, de Paul Biya et Christian Tumi, prêtre, P.9.
* 243 F. constantin et Coulon,
Religion et transition démocratique. P.199, cité par J. L.
Maroleau, Op.cit., P.85.
* 244 J. Mungala Feta,
Op.cit., P.15.
* 245 J. F. Bayart, la
fonction politique des Eglise au Cameroun, Op.cit., p.514 :
« L'Eglise catholique se situe moins par rapport au
système politique camerounais que par rapport à une
communauté extra ou supranationale la chrétienté, le
Vatican...».
* 246KengnePokam l'avait
déjà affirmé en 1987, parlant de l'invitation du Pape Jean
Paul II de 1985 par le Président camerounais Paul Biya, Voirles
Eglises chrétiennes face à la montée du nationalisme
camerounais, Op.cit., P.7.
* 247 Jean Paul II,
Ecclésia in Africa, Op.cit.
* 248Jean Paul II,
Ecclésia in Africa, n°112.
* 249 Cité par
cameroun-infos.net, le 28/09/08.
* 250 Qui signifie Document
de travail.
* 251
http://www.cameroon-info.net/stories/0,23834,@,visite-de-benoit-xvi-pourquoi-le-pape-vient-au-cameroun.html,
le 22/05/13, à 10h00.
* 252AfricaMunus,
n°81.
* 253Jen Paul II.,
Ibidem.
* 254 Qui est un symposium
de tous les évêques africains et malgaches, une sorte de
conférence épiscopale du continent africain.
* 255 Cf. Encyclique
Spesalvi n°32-48.
*
256Op.Cit.n°106.
* 257 A la
conférence de présentation de la DES en Afrique en 2009.
* 258 J.B. Talla, (2009),
« Le compendium et l'engagement des fidèles laïcs en
Afrique », in Vers une évangélisation de la
société africaine. P.184.
* 259 Vers une nouvelle
évangélisation de la société africaine, P.17.
* 260 Expression
empruntée de J.-Y. Calvez dans l'avant-propos de l'Eglise pour la
démocratie, Op.cit., P.7.
* 261 J.-Y. Calvez,
Op.cit., P.11.
* 262Paul VI, Encycl.
Populorumprogressio, 13: AAS 59 (1967) 263.
* 263 C. Makiabo,
Op.cit., P.173.
* 264 C. Makiabo,
Ibid., P.217.
* 265 A.
Dieckhoff, « logiques religieuses et construction
démocratique », in P. Michel, Op.cit.,
P.318.
* 266 CENC,
Enseignement Social d'évêques du Cameroun,2005, P.151.
* 267Jean Paul II,
SollicitudoRei sociales : la sollicitude de l'ordre social
n° 36 Edition polygylvaticana p.70.
* 268 P. Michel,
Op.cit. , P.14.
* 269 Cf. P. Michel,
Ibid., P.10.
* 270 CENC,
Enseignement social des évêques du Cameroun, 2005, p.
199.
* 271 Bible de
Jérusalem, Ga.3.7 28.
* 272 CENC,
Op.cit., P.204.
* 273 L'enseignement social
des évêques du Cameroun, P. 295.
* 274 CENC,
Op.cit., P.296.
* 275 CENC,
Ibid.
* 276 CENC, Lettre
pastorale des évêques à l'occasion de l'élection
présidentielle de 2011, P.04.
* 277CENC, Ibid.,
P.5.
* 278 CENC,
Ibidem, P.6.
* 279CENC,
Ibidem., P.7.
* 280 CENC,
Ibidem., P.8.
* 281 Constitution
Apostolique Pastor Bonus, art. 142.
* 282 CENC, l'enseignement
social des évêques du Cameroun, P.296.
* 283 Entretien fait dans
son bureau à la CENC, le 23 Avril 2013 à 10h00.
* 284Entretien fait dans
son bureau à la CENC, le 23 Avril 2013 à 10h00.
* 285 Voir le rapport des
élections de 2007.
* 286 Soutien Justin
Mabouth, Op.cit.
* 287 Allocution de Mgr,
Rome, le 21 Mars 2007.
* 288 Entretien fait dans
son bureau à la CENC, le 23 Avril 2013 à 10h00
* 289 Ecclésia in
Africa, n°110.
* 290 Bulletin semestriel
N°0001 de Juillet 2001.
* 291 L'un des
départements du Service National Justice et Paix, travaillant avec les
autres partenaires de l'ITIE.
* 292 Pratique de la
palabre africaine, de régulation des litiges.
* 293 Rapport de la
conférence épiscopale nationale du Cameroun sur l'observation des
élections municipales et législatives du 30 Juin 2002, P.10.
* 294 SNJP, Manuel
d'éducation à la citoyenneté, Op.cit., P.12.
* 295 Que l'Eglise
défini comme « cet ensemble des conditions sociales qui
permettent, tant qu'aux groupes qu'à chacun de leurs membres,
d'atteindre leur perfection d'une façon plus totale et plus
aisée. » (Guadium et Spes, n°26).
* 296 Jean Paul II,
Chistifideleslaici, n°59.
* 297SNJP,
Op.cit., P.9.
* 298Qui sont des
démembrements paroissiaux de Justice et Paix.
* 299 SNJP, Ibid.,
P.174.
* 300 Susanne Ulbrich,
(2002), Démocratie : représentation et participation,
http:/hipatia/.ss.uci/fox.html, le 13/04/13, à 21h58.
* 301 Jean Paul II,
Ecclesia in Africa, Op.cit., n°125.
* 302 Entretien
réalisé à Bépanda- Douala le 12/05/13 à
15h30.
* 303 C'est du moins le but
du projet Pétrole de la SNJP, lequel entre en droite ligne avec le
projet ITIE.
* 304J. Ives Calvez et H.
Tincq, Op.cit., P.07.
* 305KengnePokam, Les Eglises
Chrétienne face à la montée du nationalisme camerounais,
Op.cit., P.8
* 306 J.Rollet, Religion et
politique.Le christianisme, l'islam, la démocratie,Paris, Grasset, 2001,
P.186
* 307 J. Rollet, Op.cit.,
P.185
* 308Gustavo Guitierrez,
Théologie de la libération, Ed. Lumen Vitae, Bruxelles 1974,
P.187, Cité par KengnePokam, Op.cit., P.10.
* 309 P. Valadier,
Droit de l'homme : défis pour la
charité,cité par KengnePokam, Op.cit., P.8.
* 310 Siècle des
luttes pour les libertés en Occident.
* 311Traduction
française : la théologie noire.
* 312 Cité par
KengnePokam, Op.cit., P.11.
* 313 Voir E. Durkheim,
les formes élémentaires de la vie religieuse, Op.Cit.
* 314KengnePokam,
Ibid., PP. 25-30.
* 315J.M.Ela, (1980),
le cri de l'homme africain, Paris, Harmattan, P.43.
* 316 Par alter Christus,
C'est-à-dire « autre christ », la doctrine
catholique stipule que le prêtre est l'identité même du
christ qu'il incarne. Par conséquent, c'est lui qui fait ce que Christ
aurait fait ou mieux, c'est à travers lui que Christ réalise ses
volontés dans l'Eglise.
* 317 Voir à ce
sujet la « la vague catholique » de D.Philpott, in Religion
du monde et la démocratie
* 318 J. I. Calvez et
H.Tincq, Op.cit., P.07.
* 319 Expert des questions
politiques au Cameroun, dont l'anonymat a été conservé.
Entretien réalisé à l'université de Douala le
09/05/13 à 15h00.
* 320
Cérémonie de congé à l'aéroport
international Nsimalen de Yaoundé (20 mars 2009).
* 321 L. Lado,
préface de J. L. Maroleau, Eglise Catholique, Etat et
Société Civile au Cameroun de 1884 à nos jours,
Yaoundé, PUCAC, 2010, P.7.
* 322 Santé,
éducation, média, pourvoyance de sens à travers les
sermons des clercs et la catéchèse, l'encadrement social à
travers les mouvements d'Action Catholiques, etc.
* 323 Ce qui nous fait dire
que si les grecs de l'antiquité ont pensé la démocratie et
que les démocrates moderne l'ont instauré, c'est parce que, en
plus de la pensée, ces derniers ont initié le combat
démocratique.
* 324 Enseignement sociale
des évêques du Cameroun, P.154.
* 325 C. Makiabo,
Op.cit., P.13.
* 326 Entretien eu dans son
bureau, sis au Carrefour Jouvence, Yaoundé, le 18/04/13 à
14h30.
* 327 Entretien tenu
à la CENC le 28/03/13 à 14h00 et dont le concerné a
gardé l'anonymat.
*
328SollicitudoReiSocialis, 1987, P.14
* 329 Jean Paul II,
Ibid.
* 330DES, no 539.
* 331 C'est pourquoi, le
Concile Vatican I ayant défini le dogme de l'infaillibilité
papale face à la pression sociopolitique du XIXe siècle
européen, l'Eglise a fait vite de préciser que cette
infaillibilité du Pontife ne concerne que les questions proprement
doctrinales et morales de l'Eglise, et non pas les questions sociopolitiques
dont la complexité ne permet pas à l'Eglise de réclamer le
monopole de l'expertise en la matière.
* 332 D.Philpott,
Op.cit. P.153.
* 333 Entretien eu le
07/05/13 à 10H30 à l'UCAC.
* 334 Nous pouvons
définir la valeur ici avec Guy Rocher comme « une
manière d'être ou d'agir qu'une personne ou une
collectivité reconnaissent comme idéale et qui rend
désirables ou estimables les êtres ou les conduites auxquelles
elle est attribuée», Introduction à la sociologie
générale, Tome I Paris, HMN, 1998, P.72.
* 335 Voir à ce
sujet M. Weber, l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme,
Op.cit.
* 336 M. Weber,
Op.cit.
* 337Matt,
Rationalité et esprit du capitalisme,
http://www.skyminds.net/economie-et-sociologie/croissance-developpement,
consulté le 17/03/2013, à 19:45.
* 338 Cité par J.L.
Maroleau, Op.cit., P.86.
* 339 Voir à ce
sujet J.L. Maroleau, Op.cit.
* 340Mgr. Victor Tonya
Bakot, Op.cit. P.2.
* 341 Mgr.
TonieBakot,Ibid., P.6.
* 342S.HernanRojo,
Eglise et Société, Paris, l'Harmattan, 2000,
Op.cit.
* 343 D. Philpott,
Op.cit. P.153.
* 344 Jean Paul II,
ecclésia in Africa, n°106.
* 345 Lettre ouverte aux
évêques du Cameroun,
http://www.camfaith.org/actu-98,
consulté le 17/03/2013 à 20:51.
* 346 Nous livrons en
annexe, l'intégralité de cette lettre ouverte aux
évêques.
* 347 Lire à ce
sujet le messager n°1737 qui reportait cet entretien le 21 Octobre
2004.
* 348 Entretien fait le
07/05/13 à 12H30 ; à l'UCAC.
* 349 Entretien
réaliséà Mvolyé le 03/05/13 à13h20.
* 350 H. S. Becker,
cité par Y. Alpes, Op.cit. , PP.134-135.
* 351 M.-L. Eteki-Otabela,
Op.cit.
* 352 J. M. Ela, Le cri
de l'homme africain, Op.cit. ; F. EboussiBoulaga, la
démocratie de transit, Op.cit.
* 353J. I. Calvez et H. Tincq,
Op.cit, P.25.
* 354 J. I. Calvez et H.
Tincq, Ibid.., P.10.
* 355Rapport de la
conférence organisée à l'occasion de la 22e édition
de La Grande Palabre, le jeudi 27 septembre 2012par le groupe Samory au
Djeuga Palace hôtel sur le thème : « La
démocratie à l'épreuve d'un tribalisme
multiforme », P.2.
* 356J.-B. Kenmogne,
Op.cit., P.3
* 357J. F. Bayart,
Op.cit.,P.520
* 358 Soit 47% de
l'échantillon totale, voir supra, tableau 7.
* 359 J. F. Bayart,
Op.cit. P.528.
* 360 Alors chargé de
la communication gouvernementale.
* 361 Lire à ce
sujet l'article du Journaliste-Politologue Vincent Sosthène FOUDA sur le
thème « Tribalisme d'Eglise et Tribalisme d'Etat au
Cameroun»,
http://www.cameroon-info.net/stories,
consulté le 17/03/2013, 20:33.
* 362 Les deux
régimes politiques d'Ahmadou Ahidjo, de Paul Biya et de Christian Tumi,
Prêtre
* 363 No520 du
11 au 17 Janvier 2012.
* 364C. Makiabo,
Op.cit., p.93
* 365S. Rojo,
Op.cit., P.98.
* 366 J.L. Maroleau,
Op.cit.
* 367 D. Philpott,
Op.cit.,PP.158-159.
* 368C. Ngadjifna,
Cardinal Christian W.S.Tumi, Mgr Samuel Kleda : Une énigme
éternelle. p.25
* 369 A la une de Mutation
du Mercredi 17 aout 2011.
* 370 Le quotidien
Mutation, Op.cit., P.3.
* 371 Entretien tenu
à la fondation Paul AngoEla.
* 372 J. F. Bayard,
Op.cit., p.527.
* 373 Jean Paul II,
centisimusannus, n° 46.
* 374N. Soffack, (2002), L'affaire Cardinal Tumi
d'Octobre 2000 : Un débat revisité Pour comprendre le
rôle politique de L'Eglise dans un Etat laïc, 105 P. 95-96.
* 375 213 fidèles
sur 250 jugent que les changements politiques viendront de l'action
concertée des citoyens et des hommes politiques.
* 376J.M. Ela, Quand l'Etat pénètre
en Brousse Les ripostes paysannes à la crise, Paris, Karthala, 1990, 265
P.
* 377 DES, cité par
J. B. Talla, « Le compendium et l'engagement des fidèles
laïcs en Afrique », inCPJP, Vers une
évangélisation de la société africaine, 2009,
P.180.
* 378 Elle est en effet
financée par le CRS pour distribution gratuite.
* 379AfricaeMunus, 2009
* 380 C. Makiabo,
Op.cit., P.150.
* 381 Revue Elma1, (1993),
P.23, cité par Makiabo, Ibid.
* 382 Propos recueillis
d'une chrétienne catholique commerçante à proximité
de la cathédrale Sts. Pierre et Paul de Douala.
* 383Propos recueilli d'une
chrétienne catholique de Bépanda.
* 384 Qui n'intègre
pas la dimension pratico-sociale du vécu catholique.
* 385 J.M. Ela, le cri de
l'homme africain, Op.cit., P.42.
* 386 L'enseignement social
des évêques du Cameroun, P. 295.
* 387 Jean Paul II,
Exhortation apostolique sur la vocation et la mission des laïcs dans
l'Eglise et dans le monde, n°42
* 388 En effet, selon Larry
Diamond et al., La culture démocratique est un élément
fondamental qui permet le maintien du système démocratique, et
doit se traduire par l'attachement des masses aux principes
démocratiques, Op.cit. P.24.
* 389 Comme M. Karl estime
que le discours idéologique de l'Eglise lesprédispose à
cette fuite.
* 390 Jean Paul II,
Centicimusannus, n°28.
* 391K. Marx, K.,
Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel,
1844.
* 392A. Lancelot,
Op.cit. P.322.
* 393 J.,
Leca ,« réflexions sur la participation politique des
citoyens en France », in idéologie partis politiques et
groupes sociaux, Paris, Paris, Presses de la Fondation nationale des
sciences politiques, 1991.
* 394 J. Leca,
Opcit., P.52.
* 395 J. Leca,
Opcit.
* 396 A. Coulon,
L'ethno-méthodologie, Paris, PUF, 1987, P.25.
* 397 Karl Marx,
Op.cit.
* 398L.Michelat et M.
Simon, Op.cit., P.384.
* 399 Selon le choix de
chaque CEV.
* 400 Collecte libre et
volontaire faite par les membres des CEV.
* 401 Entretien eu avec
elle à son domicile le 12/05/13 ; 13H20.
* 402 C. Makiabo,
Op.cit., P174.
* 403 Entretien
réalisé le 21/04/13 à 15h10 à
Obobogo-Yaoundé.
* 404 Il s'agit ici de la
moyenne du temps consacré par toutes les CEV concernées.
* 405 J.M. Ela, 2003,
Op.cit.
* 406 J.B. Talla,
Op.cit., P.176.
* 407 J.B. Talla,
Ibid., P.182.
* 408 Evêque de Garoua
et président de la Commission Episcopale camerounaise dont fait partie
« Justice et Paix ».
* 409 Mgr. Antoine Ntalou,
entretien réalisé le 23/04/13 à 18h00 à la CENC.
* 410 F. EboussiBoulaga,
Op.cit., PP.393-394.
* 411 L. Michelat et M. Simon,
classe, religion et comportement politique, P.384.
* 412 Voir à ce sujet
par exemple M. Weber, l'éthique protestante et l'esprit du
capitalisme, Op.cit.
* 413 Elise Marienstras,
« Nation et religion aux Etats-Unis », in Patrick Michel
(dir.), Religion et Démocratie, Op.cit., PP.275-293.
* 414 Jean Paul II, Jean
Paul II, Sollicitude Rie sociales : la sollicitude de l'ordre social
n° 36 Edition polygala vaticane p.70.
* 415 Voir Jean Paul II,
Exhortation apostolique post synodale Christi fideleslaici, sur la vocation et
la mission des fidèles laïcs dans l'Eglise et dans le monde,
n°5.
* 416 Thème majeur
de toutes les réflexions officielles de l'Eglise depuis plus d'une
décennie.
* 417 J.M. Ela, Repenser la
théologie Africaine, Op.cit., P.9.
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