1.2 Les dispositifs de l'Agrocité : une
agriculture locale sans pesticides et sans pétrole
52 Constantin Petcou et Doina Petrescu, « Agir l'espace
», Multitudes 31, no 4 (2007): 101, doi:10.3917/mult.031.0101.
53 « Stratégie | R-Urban ».
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Quels sont les dispositifs concrets de l'Agrocité
conçus pour répondre aux multiples crises que nous avons
évoqué?
Sur la parcelle cohabite deux espaces en devenir qui se
répondent et se complètent: le bâtiment et le jardin.
(Plan du bâtiment en photo) Le bâtiment sera, en
théorie, prêt pour début septembre 2013. Sa construction a
été assurée par l'entreprise Logica Bois et grâce au
travail des salariés, stagiaires et bénévoles occasionnels
ainsi que par l'aide de certains habitants qui ont participé au chantier
d'auto-construction. Initialement ce bâtiment devait être bien plus
modeste. Mais au fur et à mesure des réflexions et du fait de
certaines règlementations contraignantes liées entre autres
à l'urbanisme ( comme la nécessité par exemple de
construire le bâtiment sur pilotis, la zone étant
considérée comme inondable ), le bâtiment à
intégré de nouveaux aménagements qui n'étaient pas
prévus au départ. La plupart de ces nouveaux dispositifs sont
d'ordre écologiques. De la même façon que le projet cherche
à créer un cercle vertueux autour de circuits courts,
l'Agrocité et les autres unités sont conçues avec le
même raisonnement. L'objectif était de construire un
bâtiment pouvant être autonome sur le plan
énergétique.
Les dispositifs sont de différentes natures:
· Récupération et réutilisation de
l'eau de pluie: Stockée dans un bassin de quatorze mètres cubes
sous le bâtiment, l'eau récoltée est acheminée dans
des cuves surélevées qui, grâce à la force de la
gravité, permettent d'irriguer la majeure partie du jardin.
· Récupération de l'énergie
solaire: des panneaux solaires disposés sur une partie du toit
permettent de récolter une grande partie de l'électricité
nécessaire au fonctionnement du bâtiment et ainsi de fournir une
source d'énergie renouvelable et d'éviter le recours au
nucléaire
· Une toiture et des gouttières
végétalisée de part et d'autres du bâtiment afin de
développer la biodiversité du site et de contribuer à
l'esthétique du bâtiment aussi bien au niveau du sol que depuis
les tours environnantes.
· Un bassin de phyto-épuration qui permet le
traitement des eaux « grises » du bâtiment grâce à
l'action des plantes. L'implantation de toilettes sèches permet à
la fois de ne pas avoir à traiter « d'eaux noires » et de
fournir du compost sur le long terme.
· Un chauffage compost qui pourra chauffer une partie du
bâtiment durant les mois d'hiver.
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Quant au jardin il accueille plusieurs dispositifs qui visent
à répondre aux enjeux du changement climatique, à la fin
du pétrole bon marché et à l'érosion de la
biodiversité :
· Production de compost: trois « bacs à
compost » assurent à la fois un tri des déchets organiques,
du jardin et de certains habitants du quartier ayant ou non une parcelle, et
permettent un « enrichissement de la terre » pour une meilleure
productivité du sol.
· Le lombri-compost qui se situe au fond du jardin
permet « d'affiner » le compost provenant des trois bacs. Les
lombrics digèrent et améliorent la composition du
mélange.
· Aucun pesticide n'est utilisé pour aucune
opération de maraîchage afin de garantir des produits sains, de
protéger la santé des habitants comme des personnels de
l'association et de protéger le milieu ambiant (eau et air).
· Les graines proviennent pour la plupart d'associations
de protection de la biodiversité : Kokopelli, Biau Germe. A chaque
montée en graines celles ci sont récupérées.
· Refus d'utiliser des outils fonctionnant avec des
énergies fossiles : pas de tondeuses par exemple
· De même, cultiver sur un terrain qui a accueilli
des activités polluantes de par le passé montre qu'il ne faut pas
céder à la fatalité.
Tous ces dispositifs concrets ont trois objectifs
déclarés :
· Démontrer la faisabilité technique et
financière de tels aménagements en pleine ville. ( Il a par
exemple été complexe de réaliser une
phyto-épuration en ville au vu des textes de loi contraignants sur le
sujet).
· Créer un « circuit court » à
l'intérieur même de la structure, qui puisse à la fois
alimenter le réseau des trois unités. (Par exemple des
légumes produits à l'Agrocité pour le Recyclab et des
objets utilisables à l'Agrocité pour le Recyclab).
· Montrer l'intérêt, sur le court comme sur
le long terme, de ces installations sur le plan écologique comme
éducationnel.
Ce bâtiment, une fois terminé, doit accueillir
trois espaces distincts qui auront des fonctions complémentaires. Chaque
espace n'aura néanmoins pas un rôle très strictement
déterminé puisque les lieux sont conçus pour être
à usages multiples. Ces trois espaces ont été
pensés pour être autonomes les uns des autres.
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Le premier espace, le plus proche de l'entrée a
été pensé pour être une salle de réunion, de
projection et de débats sur les enjeux de l'Agrocité.
L'idée est de pouvoir inviter des intervenants extérieurs en
même temps qu'initier une dynamique d'éducation populaire et
citoyenne qui ne se limite pas à la population locale. En effet
l'Agrocité à vocation à devenir un lieu
d'expérimentation sur une échelle suffisamment large pour
créer un cercle vertueux au niveau du quartier. Ensuite l'objectif
affiché de l'expérimentation R-urban est de pouvoir être
répliquée, selon les contextes, dans d'autres villes.
Le second espace, plus petit et séparé du
premier par l'entrée du bâtiment, sert à la fois de
cuisine, de salle d'exposition pour les différents objets vendus dans la
boutique et d'un lieu de rencontres. Il pourra également servir de lieu
de distribution pour l'Association pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne
(AMAP) qui sera bientôt mise en place. Basée en Ile de France,
celle ci sera complétée par la production du jardin afin de
proposer des légumes locaux à des prix justes.
Le dernier espace, le plus proche de l'entrée
destinée aux livraisons, servira de «cabane» pour les
jardiniers partageant les parcelles comme ceux de l'association.
L'Agrocité, comme l'ensemble du projet R-urban est
basée sur une dynamique initiée par des porteurs de projets:
« R-Urban propose des outils et des aménagements pour faciliter
cette implication citoyenne en accompagnant notamment des projets
émergents à échelle locale et régionale qui
s'inscrivent dans cette direction. ». A l'Agrocité Yvon est
responsable depuis près d'un an du compost et du lombri-compost. Il
vient régulièrement pour donner des conseils sur l'entretien et
l'utilisation du compost destiné à l'Agrocité. Il a suivi
une formation de maître composteur et entend permettre de donner des
cours à des aspirants maitre composteurs ou a des habitants qui
souhaiteraient s'initier à cette pratique.
Les porteurs de projets donne une cohérence plus grande
au projet en impliquant des habitants et en apportant une visibilité au
site. Certains projets peuvent également devenir
générateurs d'emplois ou du moins d'un revenu.
De même, les enjeux d'une Agriculture urbaine sont
considérables. Un des pays modèles actuellement en la
matière est Cuba. A la suite de l'effondrement du bloc soviétique
le pays s'est trouvé dans un marasme économique presque d'un jour
à l'autre. L'Union Soviétique fournissait entre autres des
pesticides, à base de pétrole, et la majeure partie des outils
mécanisés utilisés pour l'agriculture. Pour nourrir ses
citoyens l'Etat a du recourir à la
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création d'unités agricoles autonomes
fonctionnant au coeur des villes et sans pesticides. Cette alimentation saine
et bon marché permet aux habitants de ce pays sobre de se nourrir
correctement. Selon les critères de l'ONU cuba est actuellement le seul
pays respectant les critères du développement durable. Avec un
Indice de développement humain (IDH) très élevé et
une utilisation des ressources basses, Cuba est le seul pays au monde à
respecter les critères du développement durable54. Ce
pays est pourtant isolé sur la scène internationale. Comme nous
l'avons vu cette production au centre des métropoles pourrait être
une des façons de résoudre la crise environnementale, sociale et
économique.
Elle permet également de créer des lieux
où les individus s'investissent pour leur communauté au quotidien
en échangeant. Mais cette pratique n'est pas nécessairement
productrice d'un changement social global comme on pourrait le penser. La
participation active des habitants apparaît comme un préalable
à une prise de conscience des enjeux globaux et de la remise en cause du
système actuel.
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