1.3. Problématique
L'établissement des CS doit donc s'inscrire dans une
vision structurelle, laissant entrevoir des divergences entre les politiques
publiques régionales, les représentants de l'aide au
développement sanitaire local et les populations directement
concernées et affectées par ces mesures. À cette
dimension, une vision conjoncturelle doit être intégrée,
reflétant les « logiques et stratégies d'acteurs
»24 qui sont effectivement appliqués. Il s'agit ici
« d'une interaction entre des acteurs sociaux relevant de mondes
différents (du type développeurs/développés), dont
les comportements sont sous-tendus par des logiques multiples
»25. Ces tendances laissent transparaître une «
confrontation entre le mode de gouvernance et la façon dont celui-ci est
approprié par les destinataires »26.
Pour confronter ces profondes divergences, Olivier de Sardan
(1995), précise les différentes postures que l' « analyste
» est susceptible d'emprunter au regard des interventions qui sont
réalisées dans le champ du développement : en ce sens, la
discussion amenée touche à une « position instrumentale,
populiste ou déconstructiviste »27.
De plus, ce même auteur développe trois niveaux
d'analyse qui peuvent être appliqués aux politiques
interventionnistes en matière sanitaire au sein de la région des
Savanes, à savoir :
« Le niveau rhétorique (modèles,
motivations de l'intervention, conventions, etc.), le niveau de la pratique
projet (les termes de référence du projet, les intentions
concrétisées dans un document de projet, les moyens
libérés, etc.) et le niveau de la pratique « locale »
(analyse pragmatique de l'effet du développement sur les « groupes
cibles » et sur les autres groupes qui entrent en interaction avec le
projet, des logiques et stratégies (L & S) déployées
par ces derniers vis-à-vis de la politique de développement)
»28.
24 Joiris, D., V., & Bigombe Logo, 2010,
Gestion participative des forêts d'Afrique centrale,
Éditions Qu3/4, Versailles, p. 29.
25 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit.,
p.125.
26 Joiris, D., V., & Bigombe Logo,
Ibid.
27 « Le chercheur adopte une position «
instrumentale » lorsqu'il oriente ses recherches essentiellement en vue de
contribuer à la mise en oeuvre d'une politique ; il réalise des
travaux de type « populiste » lorsqu'il endosse les points de vue et
les revendications des communautés enquêtées ; enfin, il
s'engage dans une perspective « déconstructiviste » lorsqu'il
pose une analyse critique sur les mécanismes de développement
». Vu sur : Joiris, D., V., 2010-2011, Anthropologie du
développement et de l'environnement (cours ULB SOCA-D-443), p.
23.
28 Joiris, D., V., Ibid.
13
Figure 2 : « Les niveaux de réflexions sur
les faits de développement »29
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Légende
L & S : Logiques et stratégies d'acteurs
Suivant ces préceptes, au-delà d'une vision
strictement « populiste » se voulant davantage «
déconstructiviste », nous nous concentrerons sur le point d'impact
entre les « activités proposées aux populations cibles
» et les « logiques et stratégies »
déployées par les populations locales. De plus, il sera question
d'illustrer différentes conceptions emic en matière de
soins, d'éclaircir des aspects propres aux savoirs endogènes et
de rendre compte des interactions en vigueur, berçant les configurations
actuelles entre les différentes entités existantes.
1.3.1. Objectifs
Quel est donc l'objet de ce mémoire ? Il cherche
à présenter une analyse de la « gestion communautaire »
de la santé dans la région des Savanes au Togo. En ce sens, notre
recherche se focalisera sur la « participation » des CS dans les
districts sanitaires de Tône, Tandjouaré et Kpendjal en examinant
la dimension « projet » qui sous-tend l'existence de ces groupements
« communautaires ».
En guise de clarification, il est nécessaire de
préciser que nous ne nous cantonnerons pas à illustrer les
problèmes existants dans les aires sanitaires investiguées et
à faire-valoir les solutions correspondantes. Par contre, ce à
quoi nous nous attacherons en particulier c'est de
29 Joiris, D., V., 2010-2011, op. cit., p.
23.
14
présenter la mise en place d'un système
« projet » au sein d'un groupe défini - les CS - et de mettre
en évidence les complications rencontrées ainsi que les
mécanismes d'adaptations engendrés par ces acteurs, suite
à l'installation d'un dispositif externe au sein d'un
groupuscule local constitué à cet effet.
Soulignons aussi que notre étude socio-anthropologique,
portant sur le thème de la « santé communautaire », se
fondera sur le concept de « populisme bureaucratique
»30.
D'où la nécessité d'affiner notre analyse
plus particulièrement comme suit :
-- Percevoir les mécanismes qui sous-tendent
l'élaboration des CS ;
-- Visualiser les conséquences engendrées par
l'attribution de nouvelles normes
exogènes envers les CS et les incartades qu'elles
provoquent ;
-- Rendre compte de l'adaptation, de l'autonomisation et du
développement de
« logiques et stratégies »
déployés par les CS ;
-- Définir et illustrer la nature même et l'impact
effectif de cette contribution analysée.
Il s'agira en ce sens, de faire-valoir le manque
d'intentionnalité « participative » au sein de ce
dispositif.
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