1.1.5. Les actions et activités
Au regard des attentes émises par le projet à
destination des CS, les activités menées à l'heure
actuelle sont loin d'être suffisamment efficaces. Elles ne permettent pas
de toucher
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l'ensemble de la population et ce, de façon
répétée. Même si tous les acteurs du
développement local s'accordent pour dire qu'une sensibilisation active
et renouvelée permet de changer en profondeur les mentalités, les
faits ne concordent pas avec les propos tenus lors de certaines interviews. Il
est en effet fort rare de rencontrer une CS ayant visité et
effectué des activités dans l'ensemble des villages.
Comme vu précédemment, lors de la
création des CS, les réunions avaient lieu tous les mois.
Aujourd'hui les réunions s'effectuent sur base bimestrielle, dans
certains cas même trimestrielle. Plusieurs raisons expliquent ce
relâchement, notamment le manque d'actions menées et le peu de
résultats obtenus en un mois. Il n'y a pas suffisamment de
matière à discuter.
Au cours de notre visite au sein de l'aire sanitaire de
Bougou, Tône, notre traducteur révèle une information sur
la CS en question:
« Normalement, ils font quatre sorties, quatre campagnes
qu'ils ont faites. Plus quatre réunions trimestrielles. Mais il dit
effectivement que ce n'est pas suffisant. Il dit qu'il faut redoubler
d'efforts, sortir, mener les campagnes de sensibilisation » [Traduction
d'un membre de la CS de Bougou, Tône].
Notre traducteur prend les devants et pose une question de
lui-même :
« J'ai demandé, l'année qui vient, il pense
faire combien de campagnes. Il dit que cinq. J'ai dit, ils ont fait quatre
sensibilisations et ce n'est pas suffisant, et c'est quand ils vont faire cinq
maintenant que ça va tout changer ! » [Traduction d'un membre de la
CS de Bougou, Tône].
Les CS interrogées semblent pour la plupart trop
rapidement satisfaites des actions menées. Toutes au premier abord, ont
tendance à dire qu'elles ont atteint les objectifs annuels.
Par ailleurs, il semble intéressant de se questionner
sur le fonctionnement effectif des activités effectuées au sein
de leur aire sanitaire.
La CS de Namoudjoga, Kpendjal reconnaît clairement
l'intérêt de mener des actions groupées pour assurer une
certaine force de persuasion et augmenter ainsi leur impact. Elle n'a pas
attendu qu'on lui dise comment agir efficacement dans le sens du projet. De
plus, elle insiste sur le partage de connaissance entre les différents
membres de leur CS.
« Ce qui nous a amenés à aller en groupe
dans les villages, ce que ça permet à d'autres membres aussi de
s'imprégner plus sur comment faire la conversation, comment discuter.
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Parce que si on prend trois personnes, quatre personnes, leur
animation est différente d'un autre groupe. Maintenant si vous allez
tous en groupe, d'autres vont apprendre plus. Les petits groupes s'associent
maintenant en grands groupes pour sortir ensemble et ça permet aux
petits groupes là d'avoir plus de connaissances sur ce que les autres
font quand ils sortent, c'est l'idée qui nous est venue. (É)
Parce que le paysan a plus confiance s'il voit plusieurs personnes entrain de
faire quelque chose, ils pensent que ce que ces gens là font, c'est bon.
Mais si c'est deux, trois personnes, d'autres ne prennent pas l'importance.
(É) Puis surtout que la Commission est composée de plusieurs
villages, quand on se retrouve ensemble, ça veut dire que le message est
un peu partout » [Membre de la CS de Namoudjoga, Kpendjal].
Mais, dans certains cas, les actions menées restent
à l'échelle individuelle « et chacun s'occupe de sa zone, et
à la fin du mois tout le monde se retrouve pour partager ses
expériences » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].
Il semble étonnant qu'au sein de certaines CS, des activités de
groupes n'aient jamais été effectuées pour avoir un impact
plus ample et rendre plus attrayant le contenu de leurs propos.
« Nous n'avons jamais fait ça. (É) Compte
tenu de ce qu'on nous a dit à la formation, cela n'a pas
été dit qu'on devait faire ça. On nous a dit que chacun
devait s'occuper dans son village et ensuite parler des problèmes qu'il
a dans son village » [Présidente de la CS de Nanergou,
Tône].
La force numérique est un atout de taille et certaines
CS, comme celle de Nanergou, Tône ne valorisent pas suffisamment les
intérêts propres à cet organe collectif : il doit se servir
de l'ensemble de ses capitaux humains pour engendrer des actions
renforcées ayant un impact plus conséquent.
Étant donné cette situation, il est convenable
de se questionner sur les répercussions engendrées par leur
rôle de « représentants » des populations
villageoises.
Il est à déplorer que nombre de personnes ne
sont tout simplement pas informées de l'existence des CS qui sont dans
les faits fort méconnues. En interrogeant les membres des CS, tous
étaient convaincus de leur notoriété sur la scène
locale, à l'exception des villages « éloignés
». Cependant, une question destinée aux patients
et aux personnes rencontrées au sein des villages, concernait leur
degré de connaissance sur les CS. Il est apparu que la moitié des
personnes interrogées n'avaient jamais pris acte de l'existence de ce
type de groupement. Concernant l'autre moitié, la majorité n'en
détenait qu'une connaissance partielle, ne sachant ce qu'elles
effectuent concrètement. Rares étaient ceux détenant un
savoir véritable concernant leur fonction et leurs activités.
Dès lors nous pouvons, au regard de ces
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informations, affirmer que les CS souffrent d'un manque de
présence et de notoriété. Nous sommes donc en droit de
nous questionner par rapport à leur influence véritable sur la
fréquentation des centres de soins périphériques et de
manière générale sur les parcours thérapeutiques
des malades au sein de leur aire sanitaire respective. « Ceux qui viennent
au centre de santé, savent qu'il y a une Commission Santé ici,
mais ceux qui ne viennent pas ici ne savent pas » [Membre de la CS de
Yembour, Tandjouaré], autant prêcher un convaincu.
Mais des villageois de l'aire sanitaire de Korbongou,
Tône, infirment cette position, en précisant qu'ils
fréquentent l'USP mais n'ont jamais entendu parler de la CS,
après une brève explication, ils déclarent ceci :
« C'est très bon même, mais on n'a jamais vu
d'activités sur la santé dans notre village. (É) Il n'y a
pas d'ASC et comité ici, il faut aller à Tantoga. (É) Il
faut que ces groupements viennent dans notre village pour nous sensibiliser
parce que les gens sont encore ignorants, les gens ne savent pas qu'il faut se
soigner au centre. Nous on va au centre mais tout le monde ne va pas »
[Villageois de l'aire sanitaire de Korbongou, Tône].
Lorsque les villageois ont pris connaissance de l'existence de
ces groupements, ces deniers semblent suffisamment acceptés et
respectés. Même si les populations «
représentées » ne paraissent pas forcément
concernées ou ne s'attardent pas sur leur message, elles soutiennent
leurs initiatives, jusqu'à prendre part à leurs activités.
De façon générale, les personnes présentes lors des
séances de sensibilisation sont attentives aux messages
véhiculés. Ce qui ressort parfois, c'est l'indignation et
l'incompréhension des villageois à l'égard des dirigeants
et du gouvernement face à la stagnation ambiante. Mais cet état
de fait ne semble pas véritablement influer sur les relations entre les
villageois et les membres de CS, car ces derniers répondent que les
problèmes rencontrés ne relèvent pas de leurs
compétences, qu'ils sont simplement des intermédiaires entre les
prestataires des USP et les populations villageoises.
Lors d'une séance au sein d'un village, le chef se
permet de donner quelques consignes aux villageois, il introduit les CS et
stipule :
« Qu'ils sont là pour écouter vos
frères, s'y il a quelque chose, ils peuvent poser des questions mais
surtout pas de violence. Celui qui sait qu'il est venu pour écouter le
message que les frères ont envoyé, il n'a qu'à
écouter dans la tranquillité et dans la paix. Celui qui sait
qu'il est venu, ha, pour le tapage, il peut repartir. [É] Mais en ce
moment on a jamais eu de ces cas-là » [Président de la CS de
Bogou, Tandjouaré].
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Par ailleurs, suivant 3ASC, les CS « analysent,
collaborent et trouvent des approches de solutions aux différents
problèmes rencontrés »159 dans le but
d'améliorer la « qualité des soins au niveau de l'aire
sanitaire », que ce soit au niveau des infrastructures sanitaires, de
l'assainissement du milieu ou de la fréquentation de ces centres en
question. Mais dans de nombreux cas, devant la grandeur des tâches
à entreprendre, qui nécessitent des fonds pour la
réalisation de travaux de grande envergure, les CS doivent se
résoudre à la rédaction de plaidoyers. Bien
évidemment, la sollicitation de contributions financières de la
part de protagonistes du secteur public peut prendre un temps
considérable, laissant en suspens la situation pendant un temps
incertain. À titre d'exemple, nous pouvons mentionner la construction ou
la réparation de forages, de latrines, de logements pour le personnel,
de laboratoires, d'incinérateurs pour les ordures, de salles de repos
pour les accouchées, d'espaces distincts destinés à la
maternité, de panneaux solaires, d'électrification de l'USP,
d'apatams160, de réfrigérateurs, de toitures, de
moyens de déplacements, etc.
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