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FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES ET
POLITIQUES Département des sciences sociales et des sciences du
travail
Année académique 2012 - 2013
« LA SANTÉ COMMUNAUTAIRE DANS LA
RÉGION DES SAVANES, TOGO. UNE ÉTUDE DE CAS SUR LES COMMISSIONS
SANTÉ DANS LES DISTRICTS SANITAIRES DE KPENDJAL, TANDJOUARÉ ET
TïNE »
Alexander DOYLE
Mémoire présenté en vue de l'obtention du
grade de Master en Sciences de la Population et du Développement
à finalité spécialisée
Directrice : Mme le Professeur D.V. JOIRIS Assesseur : Mr le
Professeur P. LANNOY
ii
REMERCIEMENTS
Avant tout, je tiens à remercier vivement l'ensemble
des personnes qui ont contribué à l'élaboration de ce
mémoire.
Je souhaite adresser ma reconnaissance à Mme Joiris
pour avoir accepté la direction de ce présent mémoire et
à Mr Lannoy pour ses précieux conseils.
Mes remerciements les plus sincères s'adressent
à mes parents pour m'avoir donné le goût du voyage et de la
découverte. Leur patience et leur compréhension furent un soutien
de poids tout au long de mon parcours académique.
À ma mère, pour son dévouement hors du
commun, sa douceur et sa générosité. À mon
père, pour m'avoir toujours donné envie de me surpasser.
À ma tendre Zosia, qui est restée à mes
côtés durant toutes ces épreuves, m'ayant apporté
réconfort, amour et dévotion.
Je suis très reconnaissant envers 3ASC de m'avoir
accueilli à bras ouverts, association sans laquelle je n'aurais pu vivre
cette expérience. Grande est ma gratitude envers tous les
collègues de 3ASC et en particulier ceux de la cellule Santé
Communautaire qui par leur bienveillance et leur précieux rôle de
traducteur, lors de toutes mes sorties sur le terrain, m'ont permis de mener
à bien cette recherche approfondie. Tous les moments passés en
compagnie de mes collègues au quotidien furent une source permanente de
réflexion critique, d'inspiration pour ma recherche mais aussi
d'échanges d'une grande richesse sur le plan humain. Il me tient
à coeur de remercier Athanase, Honoré, Gilbert, Christophe,
Sylvain, Abel, sans oublier Alex Ahadji, sans lesquels mon séjour
à Dapaong n'aurait jamais été aussi riche. Un tout grand
merci aussi à Aimé, Joseph, Arsène, et Rachel Oulesse.
Sans oublier bien sûr, le coordinateur Jean de la Croix
YANGNENAM sans qui rien de ceci n'aurait été possible.
Par ailleurs, j'aimerais également remercier toutes les
Commissions Santé qui se sont mobilisées pour répondre
à mes questions et m'ont accordé des moments
privilégiés, ainsi qu'à tous mes interlocuteurs et aux
personnes qui m'ont soutenu de près ou de loin en m'acceptant comme un
des leurs.
Enfin, merci à mes amis et à tous ceux qui ont pris
part à cette aventure.
iii
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS II
SIGLES ET ACRONYMES VI
INTRODUCTION 1
PRÉSENTATION GÉOGRAPHIQUE 2
INTERACTIONS DES ACTEURS 4
I. CADRE DE L'ANALYSE ET APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
5
1. CADRE DE L'ANALYSE 5
1.1. Choix du sujet 5
1.2. Question de départ 10
1.3. Problématique 12
1.3.1. Objectifs 13
2. CONSTRUCTION DU MODÈLE D'ANALYSE 14
2.1. Approche conceptuelle 15
2.2. Question de recherche 16
2.3. Hypothèses 18
3. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE 19
3.1. Démarche 19
3.2. Collectes des données 20
3.3. Échantillon 21
3.3.1. Représentativité de l'échantillon
21
3.3.2. Composition de l'échantillon et Groupes
Investigués 23
3.4. Entretiens 24
3.4.1. Contextes des entretiens 25
3.4.2. Nombres d'entretiens 28
3.4.3. Type d'entretiens 29
3.4.3.1. Entretiens formels 29
3.4.3.2. Échanges informels 32
3.4.4. Structures des entretiens 33
3.5. Questionnaires 34
4. LIMITES DE L'ÉTUDE ET CONTRAINTES
ÉPISTÉMOLOGIQUES 35
4.1. Orientation de l'étude 36
4.2. La position du chercheur 37
4.3. Les biais rencontrés 38
II. PRÉSENTATION DU MILIEU D'ÉTUDE
42
1. LE SYSTÈME DE SANTÉ PUBLIQUE 42
1.1. La situation sanitaire 42
1.1.1. Le Togo 43
1.1.2. La région des Savanes 46
1.2. Les politiques de santé publique 49
1.2.1. La conférence d'Alma--Ata 49
1.2.2. L'Initiative de Bamako 50
1.2.3. La gestion du système de santé : constats et
difficultés 51
1.3. L'organisation du système de santé
52
1.3.1. Le système pyramidal 52
1.3.2. Le district sanitaire 54
1.3.3. Organisation du système de santé dans les
districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône 55
1.3.3.1. Les Unités de Soins Périphériques
55
2. iv
LES COMMISSIONS SANTÉ 58
2.1. Historique 60
2.1.1. La création des Commissions Santé 60
2.1.2. Réunion de présentation du projet 62
2.1.3. Sélection des effectifs 63
2.2. Présentation 64
2.2.1. Définition 64
2.2.2. Composition 64
2.2.3. Rôles d'une CS 66
2.2.4. Rôle des membres des CS 68
2.2.5. Activités réalisées par les CS 69
3. CONCLUSION 70
III. ÉTUDE DE CAS : LES COMMISSIONS SANTÉ,
CONFIGURATIONS EXTERNES ET
ADAPTATIONS INTERNES 71
1. MANQUE D'EFFICACITÉ ET DYSFONCTIONNEMENTS 71
1.1. Les dysfonctionnements internes 73
1.1.1. La supervision 74
1.1.2. Les compétences et formations 80
1.1.3. La médecine « traditionnelle » 83
1.1.4. La motivation 89
1.1.5. Les actions et activités 92
1.1.6. Les ressources matérielles 96
1.1.7. Les facteurs externes 98
1.2. Conclusion 100
2. ADAPTATIONS ET « MÉCANISMES DE DÉBROUILLE
» 101
2.1. Autofinancement 102
2.2. Relations de proximité 104
2.3. Consternation 106
2.4. Utilisation de leur statut 107
2.5. Conclusion 108
IV. DISCUSSION 109
V. CONCLUSION GÉNÉRALE 112
VI. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
114
VII. ANNEXES 119
A1. DESCRIPTION DE L'ONG 3ASC 119
A2. TABLEAU DES ENTRETIENS ET ENREGISTREMENTS 122
A3. QUESTIONNAIRES 123
A4. PRINCIPAUX PROBLÈMES DE SANTÉ AU TOGO 136
A5. FORMATIONS SANITAIRES PAR RÉGIONS ET PAR TYPES 137
A6. CONFÉRENCE D'ALMA--ATA DE 1978 : QUATRE
THÉMATIQUES 138
A7. ACTEURS DE LA PYRAMIDE SANITAIRE 140
A8. ACTEURS DU NIVEAU PÉRIPHÉRIQUE 141
A9. ACTEURS SOUS LA CHARGE DE L'USP 142
A10. UNITÉS DE SOINS PÉRIPHÉRIQUES :
CONTEXTUALISATION 144
A11. LE PLURALISME THÉRAPEUTIQUE EN QUESTION 158
V
TABLE DES FIGURES
FIGURE 1 : PRÉSENTATION SCHÉMATIQUE DES
INTERACTIONS ENTRE L'ENSEMBLE DES ACTEURS DE LA
SANTÉ PUBLIQUE EN RELATION AVEC LES COMMISSIONS
SANTÉ. 4
FIGURE 2 : « LES NIVEAUX DE RÉFLEXIONS SUR LES
FAITS DE DÉVELOPPEMENT » 13
FIGURE 3 : EFFECTIFS DU PERSONNEL DE SANTÉ DANS LE
DISTRICT SANITAIRE DE KPENDJAL 48
FIGURE 4 : PART DES FINANCEMENTS AUX ACTIVITÉS DE
SANTÉ DANS LE DISTRICT SANITAIRE DE TÔNE
EN 2010 51
FIGURE 5 : LES ACTEURS DU SYSTÈME DE SANTÉ
PUBLIQUE AU TOGO 53
FIGURE 6 : ORGANIGRAMME DE L'USP DE KOURIENTRE, TÔNE
57
vi
SIGLES ET ACRONYMES
ASC : Agent de Santé Communautaire
BM : Banque Mondiale
CHP : Centre Hospitalier Préfectoral
CHR : Centre Hospitalier Régional
CHU : Centre Hospitalier Universitaire
CMB : Cellule Mutualiste de Base
COGES : Comité de Gestion
COSAN : Comité de Santé
CPE : Comité de Parents d'Élèves
CPN : Consultation Prénatale
CTA : Combinaisons Thérapeutiques à base
d'Artémisinine
CS : Commission Santé
CVD : Comité Villageois de Développement
DGS : Direction Générale de la Santé
DPS : Direction Préfectorale de la Santé
FMI : Fonds Monétaire International
FS : Formation Sanitaire
GAVI : Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination
GI : Groupes Investigués
GPC : Groupement de Producteurs de Coton
HD : Hôpital de District
IB : Initiative de Bamako
IDH : Indice de Développement Humain
IPH : Indice de Pauvreté Humaine
JARC : Jeunesse Agricole Rurale Catholique
MEG : Médicaments Essentiels et
Génériques
MS : Ministère de la Santé togolais
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
Développement
PAS : Programmes d'Ajustement Structurel
PEV : Programme Élargi de Vaccination
PF : Planification Familiale
PIB : Produit Intérieur Brut
PMA : Paquet Minimum d'Activités
PNDS : Plan National de Développement Sanitaire
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
RFS : Responsable de la Formation Sanitaire
SSP : Soins de Santé Primaires
TDR : Test de Diagnostic Rapide
USP : Unité de Soins Périphérique
1
INTRODUCTION
Le présent mémoire porte sur la «
santé communautaire » dans la région des Savanes. Plus
précisément, il met au centre de sa thématique un organe
villageois intitulé « Commissions Santé » qui sera
analysé à travers le filtre méthodique d'une étude
de cas. Il est utile de préciser dès maintenant que la notion de
« santé communautaire », terme communément admis dans
le décor sanitaire ouest-africain, s'inscrit dans un processus
fondé sur l'intégration des populations villageoises à
l'effort de santé, en vertu d'une dynamique « participative
».
Pour prendre part aux initiatives « communautaires »
qui en découlent, des « Commissions Santé » furent
créées en 2008 dans le cadre du « Projet
Intégré de santé dans la région des Savanes »
sous la tutelle de l'ONG togolaise 3ASC.
Notre étude se propose d'examiner d'un oeil critique,
suivant une démarche empirique, l'insertion d'un dispositif
« projet » exogène sur la scène sanitaire locale,
à travers l'exemple des « Commissions Santé ».
Dans une première partie, nous procèderons
à l'élaboration du cadre de notre analyse socio-anthropologique
suivant une posture déconstructiviste. Notre problématique
consistera à mettre en évidence le conflit entre les parties
prenantes, à savoir les tenants du projet développementiste et
les agents locaux chargés de son exécution. A cette fin, nous
orienterons les termes de notre recherche selon une méthodologie
rigoureuse.
Dans une seconde partie, nous présenterons, le
système de santé publique et décrirons plus
particulièrement les Commissions Santé, tant du point de vue
historique que de leur fonctionnement.
Par ce procédé, ayant acquis les outils
nécessaires pour investiguer ce dispositif
développementiste, nous analyserons dans une troisième
partie, les maintes difficultés causées par la mise en place
d'une dynamique « projet » bureaucratique sur cet organe local.
Suivant cette perspective, après avoir considéré les
dysfonctionnements en présence, nous démontrerons les «
mécanismes de débrouille » initiés par les
Commissions Santé pour assurer une forme de continuité du projet
face à la situation en présence.
Enfin, afin de clôturer notre cheminement analytique,
nous terminerons par une discussion questionnant l'efficacité de la
dynamique « participative » sur une toile de fond
institutionnelle.
2
PRÉSENTATION GÉOGRAPHIQUE
![](La-sante-communautaire-dans-la-region-des-savanes-Togo-Une-etude-de-cas-sur-les-commissions-san2.png)
![](La-sante-communautaire-dans-la-region-des-savanes-Togo-Une-etude-de-cas-sur-les-commissions-san3.png)
DISTRICTS SANITAIRES ENQUÊTÉS :
![](La-sante-communautaire-dans-la-region-des-savanes-Togo-Une-etude-de-cas-sur-les-commissions-san4.png)
District de l'Oti
Aires sanitaires enquêtées
Aires sanitaires non-enquêtées
District de Tône
GHANA
Yembour
District de l'Oti
Aires sanitaires enquêtées
Aires sanitaires non-enquêtées
Chef lieu de Tandjouaré
CARTE DU DISTRICT SANITAIRE DE TANDJOUARÉ
Doukpelou TANDJOUARÉ
Bogou Lokpanou
Nassongue
CARTE DU DISTRICT SANITAIRE DE KPENDJAL
BURKINA FASO
Papri
Pogno
BÉNIN
District de Tône
MANDOURI
Kwampit-Bong Namoundjoga
Naki-Est
Chef lieu de Kpendjal
CARTE DU DISTRICT SANITAIRE DE TÔNE
Aires sanitaires enquêtées
District de Tandjoare
BURKINA FASO
Kourientre
Sanfatoute
GHANA
Bougou
Nanergou Korbongou
DAPAONG
District
de Kpendjal
Aires sanitaires non-enquêtées
Chef lieu de Tône et de la région des Savanes
N.B.: Carte du district sanitaire de Tône avant la
séparation avec le district sanitaire de Cinkassé
3
4
INTERACTIONS DES ACTEURS
Figure 1 : Présentation schématique des
interactions entre l'ensemble des acteurs de la santé publique en
relation avec les Commissions Santé.
![](La-sante-communautaire-dans-la-region-des-savanes-Togo-Une-etude-de-cas-sur-les-commissions-san5.png)
THÉRAPEUTES TRADITIONNELS
Acteurs du niveau central Acteurs du niveau intermédiaire
Acteurs du niveau périphérique
Soutien de l'ONG «3ASC»
Intervenants externes
Acteurs du développement sanitaire local sous la
tutelle de l'USP
Relations informelles
Relations entre les acteurs de la santé publique et les
populations villageoises
COMMISSIONS SANTÉ (CS)
CELLULES MUTUALISTES DE BASE (CMB)
LOUVAIN COOPÉRATION
ONG «3ASC»
HÔPITAUX DE DISTRICT
(HD)
COMITÉS DE GESTION (COGES)
UNITÉS DE SOINS PÉRIPHÉRIQUES (USP)
MINISTÈRE DE LA SANTÉ(MS)
DIRECTION PRÉFECTORALE DE LA SANTÉ (DPS)
DIRECTION RÉGIONALE DE LA SANTÉ (DRS)
DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ (DGS)
AGENTS DE SANTÉ COMMUNAUTAIRES
POSTES DE SANTÉ
DIRECTEUR DE CABINET
CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL (CHR)
CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE (CHU)
CENTRE HOSPITALIER PRÉFECTORAL (CHP)
MATRONES
POPULATIONS VILLAGEOISES
5
I. CADRE DE L'ANALYSE ET APPROCHE
MÉTHODOLOGIQUE
1. CADRE DE L'ANALYSE
Le cadre d'analyse s'avère une première
étape primordiale dans la construction de notre sujet d'étude,
rattaché au champ de la socio-anthropologie de la santé. Il nous
permet de comprendre véritablement le cheminement intellectuel, nous
amène à nous positionner dans notre problématique,
à définir une question de recherche opérationnelle et
à établir des hypothèses construites en
conséquence.
1.1. Choix du sujet
Le Togo est un petit pays d'Afrique de l'Ouest. Sous l'emprise
de la dynastie Gnassingbé depuis 1967, cet État fut marqué
au cours des années 1980 et 1990 par des récessions
économiques successives entrainant des coupes budgétaires
dramatiques, notamment dans le secteur de la santé publique. La
dévaluation du FCFA, la mauvaise gouvernance et les Programmes
d'Ajustement Structurel (PAS) dictés par le Fonds Monétaire
International (FMI) ainsi que la Banque Mondiale (BM) eurent des
répercussions négatives, tant sur la couverture sanitaire que sur
la qualité des soins de base proposés dans le pays. Ces
politiques top-down n'ont pu assurer la mise en place de Formations
Sanitaires (FS) de qualité en termes d'infrastructures, de
matériels et de ressources humaines.
Des politiques de décentralisation, explicitement
revendiquées dans la convention de Lomé IV1, furent
mises en place à travers l'ensemble du pays, notamment en matière
de santé. Par ce biais, l'État amorça son
désengagement vis-à-vis du domaine public et politique qui se
répercuta inévitablement sur le fonctionnement de la santé
ainsi que sur la prise en charge de ses populations en termes sanitaires.
Cependant, « les réformes se sont succédées, les
propositions se sont multipliées : et, pourtant, une grande
insatisfaction persiste, tant du point de vue des populations que des
intervenants. Le sentiment est désormais largement partagé qu'une
grande partie des problèmes vient de l'offre publique de santé
»2.
1
http://ec.europa.eu/europeaid/where/acp/overview/lome-convention/lomeitoiv_fr.htm
(Page consultée le 25/07/2013).
2 Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, J.-P.,
2003a, « Pourquoi et comment de telles enquêtes sur un tel sujet ?
», in Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, J.-P., Une
médecine inhospitalière. Les difficiles relations entre soignants
et soignés dans cinq capitales d'Afrique de l'Ouest, Karthala,
Paris, p. 10.
6
- Intégration de la dimension participative
dans le domaine sanitaire
Dans le contexte actuel des années 2010, l'objectif
premier de l'Etat togolais en matière de santé est
l'amélioration véritable de l'accessibilité des
populations à des soins de santé décents. De ce fait, pour
permettre au secteur sanitaire de se relever, le Togo et d'autres pays
africains - avec l'appui de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et
le soutien d'acteurs internationaux participant au développement
sanitaire local - décidèrent d'intégrer les populations
locales dans ce processus. Ces mesures s'inscrivent dans les lignes directrices
de la Conférence d'Alma Ata (1978) et de l'Initiative de Bamako
(1987)3 organisée par l'OMS, jetant les bases des Soins de
Santé Primaires (SSP) et du recouvrement des coûts. Les
orientations institutionnelles en vigueur, inscrites dans le cadre des
politiques de décentralisation de la santé publique, voient dans
ces mesures un moyen pour l'état de « se décharger d'une
partie de sa fonction de protection au profit d'acteurs
périphériques »4. Cette conception
bottom-up hissa les « acteurs du bas » au centre de toutes les
préoccupations ; ce fut l'essor de la santé dite «
communautaire ».
Toutefois, le fonctionnement administratif et organisationnel
des bailleurs de fonds internationaux et celui des instances nationales
semblaient différer largement, ce qui amena des désaccords
profonds et une « dynamique de balkanisation du pays »5.
Sur ce fond de décor institutionnel pluriel, les ONG locales de
développement prirent une part active dans l'insertion des «
communautés » afin d'accroître le sentiment d'appropriation
quant au devenir de leur état de santé. Dans cette vision «
nouvelle » du développement, la mobilisation communautaire
devenait une condition sine qua non pour obtenir l'aval et l'aide
financière des bailleurs ; cette image permettant ainsi de
s'écarter de cette vision unilatérale de l'aide, excluant toue
forme d'acculturation. « Globalement, le « communautaire » est
une conditionnalité (et donc une obligation rhétorique) pour
capter les ressources nécessaires à la mise en oeuvre de projets
sanitaires et/ou politiques, personnels ou factionnels »6. En
ce sens, on peut parler de « mythe du communautarisme
»7.
3 Gruénais, M.-E., 2001a, « Un
système de santé en mutation : le cas du Cameroun »,
Bulletin de l'APAD, 21, pp. 1-7.
4 Gruénais, M.-E, 2001b, «
Communautés et État dans les systèmes de santé en
Afrique », in Hours, B., (dir.), Systèmes et politiques de
santé. De la santé publique à l'anthropologie,
Karthala, Paris, p. 79.
5 Gruénais, M.-E., 2001a, ibid., p.
4.
6 Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, 2003b,
« Un diagnostic socio-anthropologique : des centres de santé
malades... » in Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, J.-P., Une
médecine inhospitalière. Les difficiles relations entre soignants
et soignés dans cinq capitales d'Afrique de l'Ouest, Karthala,
Paris, p. 77.
7 Jacob, J.-P. & Lavigne Delville, Ph. (sous la
direction de.), 1994, Les organisations paysannes en Afrique :
organisations et dynamiques. Karthala, Paris, p. 13.
7
- Émergence des Commissions
Santé
Sous cette égide institutionnelle, de nouveaux
protagonistes locaux ont émergé rapidement dans un décor
neuf. Suivant ce processus, les Unités de Soins
Périphériques (USP) - structures de soins les plus
avancées reconnues par l'État - se sont progressivement
consolidées sur le territoire.
Pour les soutenir, l'ONG belge Louvain Coopération
(LC), en partenariat avec l'ONG togolaise « Association d'Appui aux
Activités de Santé Communautaire »8 (3ASC), dont
le siège se situe à Dapaong, région des Savanes, a
établi un « Projet Intégré de santé dans la
région des Savanes ». Ce dernier aboutit en 2008 à la
création des « Commissions Santé » (CS).
Ces groupements, inspirés de multiples
expériences de divers pays d'Afrique de l'Ouest, sont composés de
personnes issues des populations villageoises et des prestataires des USP. Ils
ont pour mission première d'offrir « un cadre de réflexion
et d'échange entre les différents protagonistes issus de la
sphère locale, concernant les problèmes de santé relatifs
à leur aire sanitaire » 9 . Les principaux problèmes
évoqués sont les suivants : l'éloignement et
l'accessibilité géographique des centres de santé, le
coût des prestations et médicaments prescrits et la nature des
relations en vigueur entre les populations locales et les représentants
de la sphère sanitaire officielle.
Sous la tutelle de l'ONG 3ASC, chargée de soutenir et
d'encadrer ces groupements, leurs assignations présumées se
cantonnent à engendrer des résultats positifs quant à
l'offre et la qualité des soins promulgués au sein des centres de
soins avancés. Mais aussi à s'ériger en tant que
représentants des populations villageoises locales et à faire
valoir les préoccupations de ces derniers pour accroître leur
participation à l'effort de santé.
Cinq ans après l'élaboration de ce type de
groupement dit « communautaire », plusieurs questions importantes
méritent toutefois d'être posées. Quels sont les impacts de
ces politiques de décentralisation sur la sphère sanitaire locale
? Cette vision participative, présente-elle au final des
considérations plus amples pour les bénéficiaires de ces
soins ? S'agit-il toujours d'un modèle imposé de
l'extérieur ou assistons nous à un véritable processus
participatif, dans lequel les outils sont non seulement utilisés mais
aussi contrôlés par les premiers concernés ?
8 Voir en annexe (A1. Description de l'ONG 3ASC).
9 Document 3ASC, 2008, « Projet
Intégré de santé dans la région des Savanes.
Processus de mise en place des Commissions Sante. (Distinction des tâches
CS-COGES) ».
8
- De la conception externalisée au
modèle « participatif »
La diversité de projets en tous genres
s'insérant sur la scène locale, fait transparaître ce
désir constant de satisfaire les attentes des populations locales mais
suivant des schémas établis de l'extérieur. La conviction
grandissante reflétant à tort une forme de certitude quant
à la nécessité de l'importer sur la scène locale
est-elle justifiée, et surtout assistons-nous à une application
adaptée ? N'y a t-il pas là une forme de transposition
systémique n'appartenant qu'à un type de logique ? «
Même si l'émergence des organisations endogènes est
antérieure aux discours construits à leurs propos, ces discours
ne jouent-ils pas un rôle dans leur multiplication actuelle, dans leur
logique d'institutionnalisation ? »10.
Suivant cette perspective, nous pouvons résolument
admettre que nous sommes en présence d'un « dispositif », au
sens foucaldien du terme. Même s'il n'existe aucune définition
exacte de ce que ce terme recouvre, nous pouvons toutefois en donner la version
établie par Foucault lors d'un entretien en 1977, qu'Agamben
résume en 2006 en trois points dans son ouvrage « Qu'est-ce qu'un
dispositif ? » : « 1. Il s'agit d'un ensemble
hétérogène qui inclut virtuellement chaque chose, qu'elle
soit discursive ou non : discours, institutions, édifices, lois, mesures
de police, propositions philosophiques. Le dispositif pris en lui-même
est le réseau qui s'établit entre ces éléments. 2.
Le dispositif à toujours une fonction stratégique concrète
et s'inscrit toujours dans une relation de pouvoir. 3. Comme tel, il
résulte du croisement des relations de pouvoir et de savoir
»11.
À cet effet, Chauveau intègre cette
dernière notion dans le domaine du développement : « le
dispositif de développement désigne ainsi non seulement les
structures concrètes et organisées de conception et
d'administration des interventions mais aussi un ensemble complexe de
représentations et de normes acquises structurant les manières de
percevoir, de penser et d'agir des agents de développement
»12.
Cette « configuration développementiste
»13 se « réfère classiquement, à
l'ordre légal-rationnel et bureaucratique caractéristique de la
culture occidentale et à « l'artificialisme » découlant
du système de valeurs individualiste et positiviste. Le
développement rural n'est, à ce niveau que le transfert de la
croyance en l'ingénierie sociale que la culture occidentale s'est
d'abord appliquée à elle-même (É) et qu'elle a
ensuite mise en oeuvre dans les territoires
10 Jacob, J.-P. & Lavigne Delville, Ph., op.
cit., p. 12.
11 Agamben, G., 2007, Qu'est-ce qu'un dispositif
?, Éditions Payot & Rivages, Paris, pp. 10-11.
12 Chauveau, J.-P., 1994, « Participation
paysanne et populisme bureaucratique. Essai d'histoire et de sociologie de la
culture du développement », in Jacob, J.-P. & Lavigne Delville,
Ph. (sous la direction de.), Les organisations paysannes en Afrique :
organisations et dynamiques, Karthala, Paris, p. 40.
13 Olivier de Sardan, J.-P., 1995a,
Anthropologie et développement. Essai en socio-anthropologie du
changement social, Karthala, Paris.
9
coloniaux »14. En effet, l'« approche
participative » tant valorisée, mêlant santé
et défense des intérêts locaux, paraît se calquer sur
un modèle organisationnel prédéfini par les bailleurs de
fonds et appliqué par les ONG locales. Ainsi, il semble légitime
de se questionner par rapport au fait de savoir s'il s'agit
véritablement d' « un pouvoir local représentatif, comme le
souhaitent les tenants de la décentralisation ? »15.
L'adaptation des acteurs locaux ou « dérives »16
à ce type de configuration bureaucratique, suivant une perspective
wébérienne, laisse entrevoir de multiples
phénomènes qui devront être soumis à l'analyse.
« Dans bien des cas, cette standardisation communautaire
empêche la prise en compte d'initiatives pragmatiques locales
»17 au profit d'un idéal-type18 qui
se révèle défaillant à maints égards : les
qualifications et les compétences des CS ne sont pas suffisantes au
regard des fonctions qui leurs sont attribuées, leur travail est
bénévole et constitue une activité secondaire pour la
grande majorité d'entre eux, ils ne sont pas soumis à une
discipline stricte et homogène et ils ne subissent pas un contrôle
suffisant de la part de la direction administrative19, pour ne citer
que quelques insuffisances rencontrées.
Cet « appareil bureaucratique »20 bancale
impose une vision soi-disant utilitariste aux acteurs concernés mais ne
reflète que fort peu leurs perceptions intrinsèques. Les
divergences qui en découlent biaisent toutes constructions communes
jusqu'à exclure hors de ce dispositif des protagonistes
considérés pour nombre des ces populations «
bénéficiaires » comme intrinsèquement liés
à la situation sanitaire en présence. A cet égard, nous
faisons référence aux thérapeutes traditionnels, inclus
dans le décor mais non reconnus de la sphère sanitaire
officielle, et ainsi délaissés de toutes décisions
porteuses d'impacts.
Afin d'éclaircir ces questionnements, notre analyse
devra inclure une série d'acteurs issus de la scène locale, pour
comprendre la complexité de l'insertion des CS dans ce décor
pluriel. Une étude relative à l'implication effective de ces
dernières permet d'évaluer le degré d'insertion
supposé des populations locales, des prestataires des USP, des acteurs
du développement local, des représentants de la médecine
« traditionnelle », et enfin des responsables des pouvoirs publics en
présence, tous agissant dans ce paysage complexe et multiple. En outre,
notre analyse spécifique et approfondie, portant sur un type
d'acteurs
14 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 42.
15 Jacob, J.-P. & Lavigne Delville, Ph. op.
cit., p. 12.
16 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p.
196.
17 Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, 2003b,
op. cit., p. 77.
18
http://pedagogie2.ac-reunion.fr/ses/textes/Weber/burau.htm#debut
(page consultée le 27/07/2013).
19 Ibid.
20 Ibid.
10
intégrés dans la « santé
communautaire » de la région des Savanes au Togo, cherche à
mettre en évidence les tenants de ce processus « participatif
» sur la scène locale.
Par-dessus tout, cette étude veut représenter un
moyen exemplaire de concilier deux champs divergents sous une même
bannière, à savoir l'anthropologie et le développement.
Une expérience réflexive de ce type peut être entreprise au
coeur du débat sur l'interdisciplinarité d'un tel champ
d'actions. Il est vrai que les procédés mis en oeuvre par les
deux enseignements précités diffèrent sur certains
aspects. Toutefois, les domaines de recherches s'entremêlent à
maints égards. Il y a donc nécessité de faire converger
leurs techniques respectives et de créer un apprentissage commun
à condition que « du point de vue de l'action, l'intervention de
développement soit dissociée de la croyance positiviste en
l'ingénierie sociale »21. Un véritable dialogue
fondé et construit s'avère nécessaire pour trouver le
juste milieu entre « production de connaissances fondamentales et savoir
applicable
»22.
1.2. Question de départ
La contribution « communautaire » dans le domaine
sanitaire en Afrique engendra une abondante littérature
socio-anthropologique. Afin de comprendre les conséquences des
politiques de décentralisation sur la santé publique en Afrique,
il peut être utile de se référer à Brunet-Jailly
(2000), Gruénais (2001) et Médard (2001). Des auteurs tels que
Chauveau (1994), Jacob et Lavigne Delville (1994), Lavigne Delville (2011), ont
analysé les préceptes de l'approche participative et les effets
néfastes engendrés par des actions de développement sur
des collectivités locales. Dans le but de percevoir les logiques et
stratégies que les acteurs de la scène locale déploient
face à ces mesures exogènes, des chercheurs comme Olivier de
Sardan (1995), Joiris et Bigombe Logo (2010) se révèlent fort
éclairants. Par ailleurs, une étude hautement pertinente fut
menée par Jaffré et Olivier de Sardan (2003) concernant les
relations entre les personnels de santé et les patients en Afrique de
l'Ouest. Enfin, un angle de vue se voulant emic, suivant Dozon (1987)
et Fassin (1993, 2006), est selon nous d'un recours indispensable dans le champ
de l'anthropologie médicale.
Tout en tenant compte de « la logique structurelle du
système de l'aide »23, une littérature
prioritairement axée sur des groupements villageois participant à
l'effort de santé ou plus largement s'intéressant plus largement
à la « participation communautaire » dans le domaine
21 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 54.
22 Fassin, D., 2006, Quand les corps se
souviennent. Expériences et politiques du sida en Afrique du Sud.
La Découverte, Paris, p. 17.
23
http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-6349.html
(page consultée le 27/07/2013).
11
de la santé, et en particulier au Togo, devrait
à notre sens se fonder sur des recherches plus abouties et
avancées.
Le point de départ de cette étude avait pour
ambition de rendre compte de l'appropriation véritable des enjeux
sanitaires par les populations au travers des réalisations
effectuées par les CS. Il s'agissait de comprendre les
préoccupations premières des populations villageoises et de
percevoir quels étaient les moyens déployés au niveau
local pour satisfaire une telle situation. Cela étant, nous voulions
rendre compte des implications réelles des CS et des
répercussions qu'elles étaient susceptibles d'engendrer sur la
sphère sanitaire locale. Toutefois, cette perspective se voulant «
populiste » ne pouvait exclure une série d'éléments
indubitablement intégrés en son sein.
Afin d'effectuer une étude sur un organe
inséré sur la scène locale, nous devions intégrer
une dimension plus élargie, à savoir l'inclusion de l'ONG 3ASC
dans cette dynamique « participative ». Ce faisant, nous
étions en mesure de percevoir une série de ramifications
engendrées par de telles actions. Pour préciser l'orientation de
notre recherche, notre question de départ s'était
présentée comme suit :
« Suivant quels procédés,
l'insertion des Commissions Santé dans ce dispositif
participatif, permet-elle un réel changement dans l'offre et la
qualité des soins de santé auprès des populations
villageoises de la région des Savanes ? »
Toutefois, par souci méthodologique, il fut question de
valoriser davantage les obstacles rencontrés et les moyens
déployés par les CS - pour satisfaire cette demande
exogène - et non les solutions apportées par les groupements
impliqués dans le projet, face à la situation en présence.
En ce sens, nos préoccupations analytiques se sont concentrées
sur les difficultés relatives à la mise en place effective de ces
groupements et l'appropriation du processus participatif par les acteurs
concernés.
Nous nous pencherons donc pleinement sur cet aspect de notre
réflexion pour ce qui est de la construction du modèle d'analyse.
Toujours est-il que l'état de notre question de départ nous a
permis de jeter les bases d'une telle orientation analytique. L'ensemble de ces
prémisses se révèlera d'une utilité certaine dans
notre problématique soulevée.
12
1.3. Problématique
L'établissement des CS doit donc s'inscrire dans une
vision structurelle, laissant entrevoir des divergences entre les politiques
publiques régionales, les représentants de l'aide au
développement sanitaire local et les populations directement
concernées et affectées par ces mesures. À cette
dimension, une vision conjoncturelle doit être intégrée,
reflétant les « logiques et stratégies d'acteurs
»24 qui sont effectivement appliqués. Il s'agit ici
« d'une interaction entre des acteurs sociaux relevant de mondes
différents (du type développeurs/développés), dont
les comportements sont sous-tendus par des logiques multiples
»25. Ces tendances laissent transparaître une «
confrontation entre le mode de gouvernance et la façon dont celui-ci est
approprié par les destinataires »26.
Pour confronter ces profondes divergences, Olivier de Sardan
(1995), précise les différentes postures que l' « analyste
» est susceptible d'emprunter au regard des interventions qui sont
réalisées dans le champ du développement : en ce sens, la
discussion amenée touche à une « position instrumentale,
populiste ou déconstructiviste »27.
De plus, ce même auteur développe trois niveaux
d'analyse qui peuvent être appliqués aux politiques
interventionnistes en matière sanitaire au sein de la région des
Savanes, à savoir :
« Le niveau rhétorique (modèles,
motivations de l'intervention, conventions, etc.), le niveau de la pratique
projet (les termes de référence du projet, les intentions
concrétisées dans un document de projet, les moyens
libérés, etc.) et le niveau de la pratique « locale »
(analyse pragmatique de l'effet du développement sur les « groupes
cibles » et sur les autres groupes qui entrent en interaction avec le
projet, des logiques et stratégies (L & S) déployées
par ces derniers vis-à-vis de la politique de développement)
»28.
24 Joiris, D., V., & Bigombe Logo, 2010,
Gestion participative des forêts d'Afrique centrale,
Éditions Qu3/4, Versailles, p. 29.
25 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit.,
p.125.
26 Joiris, D., V., & Bigombe Logo,
Ibid.
27 « Le chercheur adopte une position «
instrumentale » lorsqu'il oriente ses recherches essentiellement en vue de
contribuer à la mise en oeuvre d'une politique ; il réalise des
travaux de type « populiste » lorsqu'il endosse les points de vue et
les revendications des communautés enquêtées ; enfin, il
s'engage dans une perspective « déconstructiviste » lorsqu'il
pose une analyse critique sur les mécanismes de développement
». Vu sur : Joiris, D., V., 2010-2011, Anthropologie du
développement et de l'environnement (cours ULB SOCA-D-443), p.
23.
28 Joiris, D., V., Ibid.
13
Figure 2 : « Les niveaux de réflexions sur
les faits de développement »29
![](La-sante-communautaire-dans-la-region-des-savanes-Togo-Une-etude-de-cas-sur-les-commissions-san6.png)
Légende
L & S : Logiques et stratégies d'acteurs
Suivant ces préceptes, au-delà d'une vision
strictement « populiste » se voulant davantage «
déconstructiviste », nous nous concentrerons sur le point d'impact
entre les « activités proposées aux populations cibles
» et les « logiques et stratégies »
déployées par les populations locales. De plus, il sera question
d'illustrer différentes conceptions emic en matière de
soins, d'éclaircir des aspects propres aux savoirs endogènes et
de rendre compte des interactions en vigueur, berçant les configurations
actuelles entre les différentes entités existantes.
1.3.1. Objectifs
Quel est donc l'objet de ce mémoire ? Il cherche
à présenter une analyse de la « gestion communautaire »
de la santé dans la région des Savanes au Togo. En ce sens, notre
recherche se focalisera sur la « participation » des CS dans les
districts sanitaires de Tône, Tandjouaré et Kpendjal en examinant
la dimension « projet » qui sous-tend l'existence de ces groupements
« communautaires ».
En guise de clarification, il est nécessaire de
préciser que nous ne nous cantonnerons pas à illustrer les
problèmes existants dans les aires sanitaires investiguées et
à faire-valoir les solutions correspondantes. Par contre, ce à
quoi nous nous attacherons en particulier c'est de
29 Joiris, D., V., 2010-2011, op. cit., p.
23.
14
présenter la mise en place d'un système
« projet » au sein d'un groupe défini - les CS - et de mettre
en évidence les complications rencontrées ainsi que les
mécanismes d'adaptations engendrés par ces acteurs, suite
à l'installation d'un dispositif externe au sein d'un
groupuscule local constitué à cet effet.
Soulignons aussi que notre étude socio-anthropologique,
portant sur le thème de la « santé communautaire », se
fondera sur le concept de « populisme bureaucratique
»30.
D'où la nécessité d'affiner notre analyse
plus particulièrement comme suit :
-- Percevoir les mécanismes qui sous-tendent
l'élaboration des CS ;
-- Visualiser les conséquences engendrées par
l'attribution de nouvelles normes
exogènes envers les CS et les incartades qu'elles
provoquent ;
-- Rendre compte de l'adaptation, de l'autonomisation et du
développement de
« logiques et stratégies »
déployés par les CS ;
-- Définir et illustrer la nature même et l'impact
effectif de cette contribution analysée.
Il s'agira en ce sens, de faire-valoir le manque
d'intentionnalité « participative » au sein de ce
dispositif.
2. CONSTRUCTION DU MODÈLE D'ANALYSE
« Une démarche « scientifiquement valide
» ne peut être définie dans l'absolu, c'est-à-dire,
faisant abstraction des postulats et des cadres épistémologiques
partagés par une communauté scientifique qui se reconnaît
dans l'exercice et les pratiques de la recherche qualitative
»31.
Il devient donc nécessaire, à ce stade-ci,
d'élaborer un modèle analytique qui nous accompagnera tout au
long de notre étude empirique. Cela étant, ces
procédés nous permettront d'acheminer les termes et les constats
visant à apporter des réponses construites sur les propos
énoncés.
30 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 45.
31
http://www.recherche-qualitative.qc.ca/revue/hors_serie/hors_serie_v5/savoie_zajc.pdf
(page consultée le 14/07/2013).
15
2.1. Approche conceptuelle
Comme précédemment évoqué, le
concept de « populisme bureaucratique » 32 a
été retenu pour orienter strictement notre analyse. De ce fait,
à travers l'insertion des CS dans le décor sanitaire des
districts investigués, il sera question de comprendre les tenants du
« populisme bureaucratique » sur le « Projet
Intégré de santé dans la région des Savanes ».
Avant de développer ce point, il est nécessaire de définir
précisément ce que le concept en question revêt en son
sein.
Nous nous appuierons sur la définition du «
populisme bureaucratique » mise en avant par J.-P. Chauveau (1994) comme
étant « l'idéal-type de l'autorité et de la
légitimité caractéristique des valeurs de la culture du
développement ». Un tel concept « prétend en
définitive concilier les vertus de l'efficacité
dépersonnalisée de la bureaucratie (entendue comme
idéal-type d'organisation) et les vertus de la communauté, de la
solidarité et des particularismes qui sont censés régir
les [groupements associatifs africains]. Dans ce dispositif de connaissance et
d'action, le populisme légitime, en outre, le statut et l'action des
opérateurs de développement »33.
Chauveau précise les nombreuses contradictions
inévitablement engendrées, en s'efforçant de combiner des
« valeurs bureaucratique et communautaire »34. De plus,
ces tentatives de transferts génèrent immanquablement des «
dysfonctionnements [sur les] structures locales de développement [et]
sont attribuées au particularisme des sociétés et cultures
locales, et corrigées par davantage de règles et de
contrôle. (É) La lutte contre les dysfonctionnements du populisme
bureaucratique alimente la croissance de la bureaucratie en même temps
qu'elle nourrit les stratégies (É) de « détournement
» des objectifs bureaucratiques »35.
De ce fait, nous sommes confronté à un cercle
vicieux, nous amenant à constater un recommencement continuel des
actions. « Les efforts de correction de ces effets pervers par le
dispositif populiste-bureaucratique conduisent simultanément à la
reproduction sans fin des contradictions et au renforcement de ce dispositif,
dès lors que sa légitimité n'est pas remise en cause
»36. Paradoxalement, la structure semble se renforcer devant
une accumulation d'échecs ; avec pour arme principale l'instruction,
faisant figure de poids et d'autorité devant l'incompréhension.
Car par le renforcement des « capacités » des « acteurs
du bas », la situation est supposée ne pouvoir que
s'améliorer. Cela explique en quoi et comment le mythe
32 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 45.
33 Chauveau, J.-P., Ibid.
34 Chauveau, J.-P., Ibid.
35 Chauveau, J.-P., Ibid.
36 Chauveau, J.-P., Ibid., p. 47.
16
de l'action de développement, tant vantée,
court-circuitant tous ceux ayant perdu espoir, élargit son emprise.
Enfin, Chauveau convient de rappeler que « la
routinisation occulte la répétitivité de l'argumentaire et
protège de toute remise en cause les schémas conceptuels de la
culture du développement, au moyen de l'argumentaire des effets pervers
ou, si besoin est, de la réinvention de sa tradition. On dit souvent que
les développeurs n'ont pas de mémoire. Mais ce n'est pas un
défaut du système, c'est précisément la marque d'un
habitus culturel qui en garantit la reproduction »37.
2.2. Question de recherche
-- Réflexions
Il y a donc une évidente récupération des
enjeux sanitaires locaux par des organismes de développement qui
assurent, théoriquement, la pérennité des actions
entreprises. Au niveau de l'aire sanitaire, des groupements sont mis en place
pour garantir une certaine « gestion participative » des populations
locales. Ces mesures restent a fortiori, l'initiative d'agents
externes. Une telle situation représente un pari risqué, ne
laissant entrevoir aucune certitude a priori, dans
l'éventualité où les moyens viendraient à manquer
pour transmettre correctement - suivant une vision « idéal-typique
» - les outils nécessaires, et ainsi garantir aux acteurs
concernés l'autonomie recherchée et la capacité d'agir en
toute indépendance.
Toutefois, les protagonistes du développement local
s'attèlent à valoriser les résultats positifs et visibles,
effectués dans le domaine de la santé auprès des
populations locales, tant sur le plan matériel, structurel que dans les
mentalités. De plus, cette démarche vise la
réappropriation des problèmes et des enjeux sanitaires locaux par
les populations villageoises de la région. Cette
récupération des discours institutionnels illustre le bon-vouloir
de leurs actions afin « de permettre aux populations de prendre une part
plus grande dans la planification et dans la gestion des activités et
des ressources consacrées à leur santé
»38, comme le souligne le Ministère de la Santé
togolais.
Mais quand bien-même une volonté propre de la
part des représentants de la société civile se fait
entendre, trouvent-ils refuge dans les faits ? Peut-on considérer que
cette dynamique « communautaire » et « participative »
inclut l'ensemble des acteurs en présence ? En effet, il
37 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 52.
38 Ministère de la santé, Direction
Générale de la santé, « Normes du district sanitaire
au Togo », République Togolaise, Février 2001, p. 4.
17
apparaît qu'une certaine réalité des faits
ne semble pas suffisamment bien perçue par les protagonistes du
développement sanitaire local.
-- Construction de la question de
recherche
Dans un premier temps, il s'agissait donc de porter la
réflexion sur l'intégration de l'ONG 3ASC sur la scène
sanitaire locale à travers son implication dans l'amélioration de
la qualité des soins de santé proposée dans les USP. En
même temps, il était question de percevoir si les agents
répondaient aux exigences de base des populations villageoises.
Par la suite, nous nous sommes intéressé
à l'insertion des CS dans ce dispositif. Nos questionnements se
sont concentrés sur le lien de causalité entre les CS et
l'amélioration de l'état de santé des populations
villageoises. Cet organe, élaboré de l'extérieur, est-il
en mesure d'agir en tant qu'agent de sensibilisation et susceptible de
représenter correctement les intérêts sanitaires des
populations villageoises ? L'état de santé des populations
s'est-il amélioré de façon qualitative et quantitative
depuis l'existence des CS ? L'organe des CS est-il le mieux disposé
à répondre aux attentes de la population, ou d'autres organes
locaux existants - indépendamment ou non de la sphère officielle
- sont-ils susceptibles d'apporter des résultats plus concluants et plus
encourageants ? Est-ce que l'ensemble des acteurs participant au processus
d'amélioration sanitaire dans les districts étudiés, tant
du point de vue biomédical que traditionnel, est suffisamment
représenté ?
Suivant cet intérêt, nous fûmes enclin
à considérer un dernier aspect qui s'avère être de
taille et non négligeable : les outils administrés à ces
groupements répondent-ils à des considérations internes ?
Il s'agissait de se questionner par rapport aux intérêts
implicites ou explicites qui supposent de telles actions.
Telles sont les questions qui nous préoccupaient.
Cette réflexion élargie mérite donc un
recadrage rigoureux. Par conséquent, par souci de rigueur, de
formulation et de façon à clarifier les termes en usage, notre
question de recherche principale s'énonce, finalement comme suit :
« Dans quelle mesure, l'insertion des Commissions
Santé sur la scène sanitaire locale Ð à travers l'ONG
3ASC Ð permet-elle l'élaboration d'une dynamique «
participative » véritablement endogène ? »
18
L'orientation de la question de recherche étant
définie, il devient primordial de mettre sur pied les hypothèses
s'intégrant dans son cadre.
2.3. Hypothèses
De façon à pouvoir développer un cadre
analytique susceptible de répondre correctement et concrètement
à la question de recherche, deux hypothèses ont ainsi
été formulées pour dissocier les différents termes
que recouvre notre position. Notre démarche de nature
hypothético-déductive voit dans ces hypothèses l'occasion
d'illustrer l'insertion des CS dans le décor sanitaire à travers
cette dimension « projet ». De cette façon, elles
définissent l'orientation empirique de notre étude analytique.
Nos hypothèses sont les suivantes : -
Hypothèse n°1 :
« Les Commissions Santé font preuve d'un
manque d'efficacité - dans le cadre du « Projet
Intégré de santé dans la région des Savanes »
- suite à des dysfonctionnements internes »
- Hypothèse n°2 :
« En réponse aux dysfonctionnements
relevés, les Commissions Santé s'adaptent à la situation
et développent des initiatives dans le souci d'assumer leur
responsabilité sur la scène sanitaire locale »
Chacune de ces hypothèses tente de mettre en avant un
aspect que recouvre l'ambition de notre analyse. L'étude consiste,
in fine, à rendre compte d'une part, du manque d'efficience des
CS en raison des déficiences intrinsèques propres au
dispositif établi. D'autre part, face aux difficultés
auxquelles elles se heurtent, il s'agira de témoigner des «
mécanismes de débrouille » déployés par les CS
face aux enjeux sanitaires auxquels sont confrontées les populations
villageoises.
L'analyse confirmera, ou non, de telles suppositions
analytiques.
19
3. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
Selon Berthelot, « La fonction de la méthodologie
n'est pas de dicter des règles absolues de savoir-faire, mais surtout
d'aider l'analyste à réfléchir pour adapter le plus
possible ses méthodes, les modalités d'échantillonnage et
la nature des données à l'objet de sa recherche en voie de
construction »39.
Dans un premier temps, nous nous sommes
intéressé à définir précisément notre
sujet d'étude. Par la suite, il était question d'expliquer le
cadre analytique dans lequel cette recherche s'inscrit. Enfin, il fut
nécessaire de spécifier comment s'orientait notre analyse.
Cette étape, essentielle en tout point, présente
le contexte et les outils empruntés pour effectuer une recherche
empirique susceptible de correspondre à nos propos analytiques. Notre
approche méthodologique sera définie au travers des instruments
et des moyens techniques privilégiés.
Ce faisant, notre démarche méthodologique fut
soumise à un procédé en deux temps : -- Une recherche
bibliographique
-- Une enquête de terrain
3.1. Démarche
A l'issue d'une étude de terrain de trois mois
basée à Dapaong, région des Savanes, Togo, notre
démarche méthodologique générale a pris appui sur
des observations, signalées comme insertions personnelles, à
partir desquelles nous avons établi un réel de
références. Une politique d'investigation qualitative
éclectique fut appliquée, telle que préconisée par
J.P. Olivier de Sardan40, c'est-à-dire en combinant un
certain nombre d'entretiens semi-dirigés et d'entretiens sous forme de
conversations, d'interactions, de récits et de consultations, le but
étant d'essayer de rendre compte au maximum du point de vue de
l'acteur.
Les données collectées ont été
entrecroisées avec celles qui proviennent de l'observation participante
résultant de prises de notes retranscrites chaque jour. Nous avons
également utilisé toutes les données provenant de sources
écrites qui furent mises à notre disposition, et
39
http://www.recherche-qualitative.qc.ca/revue/hors_serie/hors_serie_v5/savoie_zajc.pdf
(page consultée le 14/07/2013).
40 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, La rigueur du
qualitatif - Les contraintes empiriques de l'interprétation
socio-anthropologique, Bruylant-Academia, p. 11.
20
établi un recensement diachronique et synchronique des
lieux et du nombre de personnes sous forme de tableaux, schémas, plans
et chiffres. D'autres sources bibliographiques ont été
utilisées. Enfin, notes et réflexions personnelles ont
donné lieu à maintes pistes de réflexions et nous ont
permis d'affiner notre cadre de recherche tout au long de cette étude de
terrain.
3.2. Collectes des données
Les données collectées destinées à
établir une analyse construite sur les implications des CS dans le
paysage communautaire peuvent être subdivisées en plusieurs
parties.
Dans un premier temps, nous avons effectué de
nombreuses lectures générales et thématiques de
façon à acquérir une vision élargie du sujet et de
la problématique qui furent mis en place. Ensuite, après avoir
défini le cadre théorique de notre recherche, nous avons
réalisé un stage de trois mois dans l'ONG 3ASC au sein de
laquelle un travail de terrain de cinq semaines consécutives fut
accompli dans un total de quinze aires sanitaires (le détail sera
précisé dans le point : I. 3.3.1.
Représentativité de l'échantillon). Durant ce temps,
le matériel récolté se compose principalement d'entretiens
(détails dans le point I. 3.4. Entretiens) et de
documentations, rédigés par les acteurs faisant l'objet de cette
étude et par le personnel de l'ONG 3ASC. Ces sources écrites,
pouvant être définies comme appartenant davantage à la
littérature grise, sont considérées comme des
données complémentaires et informatives ; en ce sens, elles n'ont
pas été utilisées comme pouvant constituer la base d'une
réflexion approfondie sur la matière investiguée. Par
ailleurs, une multitude de données informelles furent retenues. Il
s'agit principalement de conversations off the record obtenues en
dehors du contexte conventionnel des entretiens (voir I. 3.4.3.2.
Échanges informels). En effet, les rencontres furent multiples. De
nombreuses informations furent donc récoltées dans des bars, dans
des maquis, autour d'une calebasse de tchakpalo (bière locale
à base de mil), lors de visites impromptues chez des amis, informateurs
privilégiés ou encore chez de simples inconnus. Autant que faire
se peut, il était nécessaire de retranscrire aussi rapidement que
possible l'ensemble des informations intéressantes qui furent
dévoilées de façon aussi complète que notre
mémoire nous le permettait.
Il est toutefois nécessaire de mentionner qu'une partie
considérable des informations récoltées s'inscrit dans une
recherche qui se veut à part entière mais indubitablement
liée à ce sujet de mémoire. Nous détenions une
position particulière, de par notre statut de stagiaire envoyé
par LC auprès d'un de leurs partenaires du sud, afin de réaliser
une étude dont le but était de capitaliser les activités
menées par LC et 3ASC « en matière de structuration
communautaire vis-à-vis de l'offre des soins de santé
dispensés au niveau des Centres de
21
santé, grâce aux Commissions santé ».
Cela nous permit d'acquérir une quantité d'informations
importante qui n'aurait pu être accessible sans cette insertion
professionnelle. Toutefois, en ce qui concerne les biais, difficultés et
contraintes épistémologiques que cela peut représenter,
ils seront, par souci de cohérence, exprimés dans le point I.
4. Limites de l'études et contraintes
épistémologiques.
3.3. Échantillon
3.3.1. Représentativité de
l'échantillon
Le cadre de l'analyse s'intègre au sein de
l'environnement sanitaire dans lequel baignent les CS. Il s'agit, en outre, des
USP où de nombreux groupements villageois se retrouvent et prennent une
part active. De plus, les villages incorporés dans les aires sanitaires
investiguées seront insérés dans notre cadre analytique,
de par le fait que nombre d'acteurs influents et nécessaires à
considérer pour la réalisation de cette étude y sont
présents.
Pour obtenir une vision suffisamment représentative de
l'insertion des CS dans le décor sanitaire, un échantillon
comprenant deux tiers des aires sanitaires où sont implantées les
CS a été retenu (sachant que l'on retrouve une USP par aire
sanitaire). Il convient de préciser qu'il n'est pas toujours aisé
de définir a priori, au sein d'une étude qualitative, le nombre
de personnes ou de groupes à inclure dans l'échantillonnage. Il
n'existe pas de paramètre statistique ce qui rend la décision
s'avère souvent arbitraire. Mais afin de rendre l'objet d'étude
opérationnel, il fut nécessaire d'inclure une certaine rigueur en
termes de représentativité, de diversification et de saturation.
Toutefois, des critères d'ordre logistique ont été
inévitablement inclus dans la prise de décision : le transport,
l'accessibilité, l'emploi du temps des traducteurs, les
échéances de la recherche, la disponibilité des Groupes
Investigués (GI), les différents coûts, etc. Ce faisant,
à défaut de pouvoir investiguer les vingt-deux aires sanitaires
où s'insèrent les CS, nous avons estimé que deux-tiers
d'entre elles suffiraient à rendre compte correctement de la situation
en présence. En guise de précision, la dimension de cet
échantillon, en termes de distance géographique,
représente un rayon approximatif de 60 km autour de Dapaong,
ville-siège de 3ASC.
Dans un premier temps, de façon à obtenir une
vue d'ensemble, voici un descriptif détaillé, par district
sanitaire, de l'ensemble des CS qui furent retenues lors de la mise en place du
« Projet Intégré de santé dans la région des
Savanes »41.
41 Document 3ASC, 2008 « Projet
Intégré de santé dans la région des Savanes.
Processus de mise en place des Commissions Sante. (Distinction des tâches
CS-COGES) ».
22
-- District sanitaire de Kpendjal :
sur les 14 aires sanitaires existantes, 5 furent sélectionnées
pour le projet (Kwampit-Bong, Naki-Est, Namoudjoaga, Papri, Pogno).
-- District sanitaire de Tandjouaré
: Sur les 16 aires sanitaires existantes, 10 furent
sélectionnées pour le projet (Bogou, Doukpelou, Lokpanou, Loko,
Mamproug, Nassongue, Natigou, Nayergou, Tandjouaré, Yembour).
-- District sanitaire de Tône :
Sur les 19 aires sanitaires existantes, 7 furent sélectionnées
pour le projet (Bougou, Kantindi, Korbongou, Kourientre, Nanergou, Polyclinique
Dapaong, Sanfatoute).
Dans un deuxième temps, afin d'avoir un aperçu
général de l'échantillonnage de cette recherche, voici un
descriptif détaillé de l'ensemble des CS qui furent
sélectionnées :
- District sanitaire de Kpendjal : Sur
les 5 CS existantes, toutes les 5 furent retenues pour cette étude
(Kwampit-Bong, Naki-Est, Namoudjoaga, Papri, Pogno).
- District sanitaire de Tandjouaré
: Sur les 10 CS existantes, 5 furent sélectionnées
pour le projet (Bogou, Doukpelou, Lokpanou, Nassongue, Yembour).
- District sanitaire de Tône :
Sur les 7 CS existantes, 5 furent sélectionnées pour le projet
(Bougou, Korbongou, Kourientre, Nanergou, Sanfatoute).
Afin de visualiser plus aisément les aires sanitaires
investiguées, nous incitons le lecteur à se référer
aux cartes des districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et
Tône en page 3.
La phase d'enquête se divise, quant à elle, en
deux temps. Tout d'abord, les quinze aires sanitaires
sélectionnées furent visitées en dix-neuf jours (du
27/11/2012 au 21/12/2012). Ensuite, après avoir engagé une
seconde phase de réflexion, suite à l'acquisition d'une
quantité importante de données de terrain, nous avons
entamé une seconde phase d'enquêtes au début du mois de
janvier 2013 afin d'extraire et d'affiner des informations
complémentaires, sur des thématiques spécifiques, enclines
à un approfondissement plus détaillé. Cette étape
de l'enquête ne s'est volontairement pas exécutée sur la
base stricte des questionnaires préalablement retenus. Il s'agissait
bien davantage de collecter des informations, tout en restant ouvert et en
engageant des dialogues à tendance informelle.
23
Grâce à cette méthode
complémentaire non seulement des rencontres plus diversifiées ont
été possibles mais il en est ressorti un approfondissement plus
poussé de notre analyse.
3.3.2. Composition de l'échantillon et Groupes
Investigués
L'échantillon s'est composé de quatre Groupes
Investigués (GI) qui représentent la majorité des
enquêtes effectuées, à savoir les membres des CS, les
prestataires des USP, les patients rencontrés dans les USP et les
villageois des aires sanitaires correspondantes.
Afin de clarifier nos propos, voici une présentation
relative à la composition de l'échantillon et du nombre
d'entretiens effectués par GI :
- GI 1 : les Commissions Santé
29 interviews (toutes aires sanitaires confondues).
- GI 2 : les Prestataires (le
personnel soignant - principalement les Responsable de la Formation Sanitaire
(RFS) et/ou les plus hauts représentants hiérarchiques).
17 interviews (toutes aires sanitaires confondues).
- GI 3 : les Patients des USP
10 interviews (toutes aires sanitaires confondues).
- GI 4 : Les Villageois
18 interviews (toutes aires sanitaires confondues).
Bien entendu, nous devions porter notre choix sur des
personnes précises lors de notre arrivée sur un lieu de
rencontre. Cela ne fut pas toujours évident mais quelques facteurs ont
facilité la prise de décision. Nous nous tournions vers des
personnes possédant un statut élevé, au sein de la
catégorie investiguée, en sorte de valoriser la qualité de
l'information obtenue. Par ailleurs, les critères de
personnalité, de vieillesse et d'influence furent de mise dans nos choix
impromptus. Nous recherchions, dans la mesure du possible, des personnes ayant
une bonne capacité à s'exprimer (en français ou non),
détenant un certain « bagage », des notions amples sur la
matière investiguée ou tout simplement désireux de
participer de façon proactive à nos interviews. Bien entendu, de
nombreux entretiens furent effectués « à l'improviste
». Toutefois, la matière utilisée dans le cadre de
l'analyse, tendait à rejeter une bonne partie de ces derniers,
jugés inintéressants ou redondants.
24
De plus, il semble nécessaire de mentionner que les
catégories de ces personnes ne sont pas fixes. Elles doivent rester
souples car leurs limites sont perméables. En effet, certaines personnes
rencontrées ne peuvent être désignées exclusivement
comme appartenant à un GI spécifique, elles
bénéficient parfois d'une identité multiple. Les
questionnaires s'en virent alors modifiés. Par exemple, nous nous
aperçûmes qu'une personne endossant le statut d'aide-soignant dans
l'USP de Kourientré, Tône, était en même temps membre
de la CS de cette même aire sanitaire. Toutefois dans de tels cas il n'y
eut qu'un seul enregistrement. Il s'agissait de personnes hautement
intéressantes à entendre, de par leur point de vue élargi,
voir ambigu.
3.4. Entretiens
Selon Olivier de Sardan, « la production par le chercheur
de données à base de discours autochtones qu'il aura
lui-même sollicités reste un élément central de
toute recherche de terrain. D'abord parce que l'observation participante ne
permet pas d'accéder à de nombreuses informations pourtant
nécessaires à la recherche : il faut pour cela recourir au savoir
ou au souvenir des acteurs locaux. Et ensuite parce que les
représentations des acteurs locaux sont un élément
indispensable de toute compréhension du social. Rendre compte du «
point de vue » de l'acteur est en quelque sorte la grande ambition de
l'anthropologie »42.
L'entretien est une relation complexe qui nécessite un
juste équilibre entre les protagonistes en vigueur. L'enquêteur
doit tenir les rênes tout en livrant un espace de confiance, où
l'interlocuteur se sent libre de s'exprimer sans crainte ni contrainte externe.
« Le problème du chercheur (É), c'est qu'il doit à la
fois garder le contrôle de l'interview (É) tout en laissant son
interlocuteur s'exprimer comme il l'entend et à sa façon
»43. Pour ce faire, l'enquêteur a pour mission de se
rendre sur les lieux de l'intéressé, afin d'opérer dans
l'habitat « naturel » de ce dernier et doit tenter de maximiser, de
tirer au mieux parti de ce pour quoi il est venu : obtenir des informations qui
alimenteront le coeur de son sujet. Cependant, l'enquêteur ne se trouvant
pas dans son habitacle, risque de rencontrer certaines difficultés pour
rester naturel et guider avec aisance une relation de confiance. Il doit
également trouver ses marques et plus il est éloigné de
son lieu d'origine, et dans un univers distinct du sien, plus le temps
d'acclimatation peut sembler long. C'est pourquoi, une multitude d'entretiens
peut sembler nécessaire, d'une part pour que l'enquêteur soit
mieux à
42 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit.,
p. 54.
43 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid., p.
62.
25
même de mener avec plaisance les questions qu'il anime
et, d'autre part, pour obtenir une bonne qualité d'information requise
dans toute enquête sérieuse d'ordre socio-anthropologique. Au
final, les termes employés par Olivier de Sardan résument
à eux seuls, l'ambition première recherchée au travers de
ces entretiens : « rapprocher au maximum l'entretien guidé d'une
situation d'interaction banale quotidienne, à savoir la conversation,
est une stratégie récurrente de l'entretien
socio-anthropologique, qui vise justement à réduire au maximum
l'artificialité de la situation d'entretien et l'imposition par
l'enquêteur de normes méta-communicationnelles perturbantes
»44.
Il est important de rappeler que le cadre d'analyse propre
à cette étude tend à se recentrer au maximum sur les
discours et représentations des acteurs. Du fait de cette vision «
actor-oriented »45, la majorité des données
extra muros qui seront traitées dans ce mémoire
proviennent du discours des acteurs dans le cadre d'entretiens effectués
exclusivement dans leur environnement naturel. Durant cet exercice fastidieux,
nous nous sommes livré à une observation participante visant
à récolter des informations relatives à leur
environnement, leur cadre de vie, leurs pratiques, leurs perceptions, leurs
attentes ainsi qu'à leurs discours et représentations. « De
telles séquences de vie constituent des données précieuses
parce qu'utilisables à divers niveaux : comme corpus primaire soumis
à analyse comparative, comme éléments d'études de
cas, ou comme exemples illustratifs ou démonstratifs dans le texte final
»46.
3.4.1. Contextes des entretiens
« L'entretien de recherche est une interaction : son
déroulement dépend évidemment aussi bien des
stratégies des deux (ou plus) partenaires de l'interaction, et de leurs
ressources cognitives, que du contexte dans lequel celle-ci se situe
»47.
Avant de narrer le contexte dans lequel se sont
déroulés les entretiens, il est toutefois nécessaire de
mentionner un fait notoire, qui a influé sur une grande partie des
interviews effectuées avec les membres des CS et les prestataires des
USP visitées. Le jour de notre arrivée au sein de l'ONG 3ASC,
démarra « l'atelier de recyclage des CS » qui n'est autre que
leur formation annuelle destinée à remettre à jour leurs
objectifs et compétences. Ce fut l'opportunité idéale pour
rencontrer, en l'espace de six jours et dans un même lieu, plus de
deux-cents membres des CS que nous fûmes amené à
côtoyer tout au long de notre période
44 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit.,
p. 58.
45 Long, N., 1992, « Introduction », In
Long, N., Long, A., (eds), Battlefields of Knowledge. The Interlocking of
Theory and Practice in Social Research and Development, London, Routledge, p.
9.
46 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid., p.
56.
47 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid.
26
d'enquête. Nul doute que cette circonstance constitua
d'emblée un véritable tremplin et qu'elle nous permit nous
consacrer sans délai à l'essentiel de notre étude. Nous
fûmes directement en position de saisir les termes, les aspects
innombrables, nuances, variétés, complexités,
problèmes et enjeux de la situation en présence. Cette semaine de
formation nous donna également l'occasion d'acquérir un panel
d'informations et de témoignages de la part des membres des CS qui nous
servirent de guide pour l'orientation de nos questionnaires. En nous immergeant
de la sorte, nous pûmes intégrer rapidement de ce «
langage-projet »48 propre à 3ASC, afin de saisir, a posteriori
les interactions en vigueur entre cette institution de
développement et ses « représentants » sur la
scène locale. Ce préambule eut sans aucun doute une influence
favorable sur notre terrain proprement dit car nous fûmes accueilli avec
les plus grands honneurs partout où nous nous rendîmes. Les
interactions et le dialogue furent des plus évidents. Cette aisance
relationnelle constitua une plus-value certaine qui se répercuta
à notre sens sur la qualité des enquêtes
effectuées.
Lors de cette formation, nous eûmes également
l'occasion de mettre à jour toutes les coordonnées de l'ensemble
des membres des CS présents. Une liste comprenant tous les contacts et
les numéros de téléphones existants des membres des CS fut
mise à notre disposition à l'issue de cette semaine de formation,
ce qui nous permit de prendre directement des rendez-vous, après nous
être assuré de la disponibilité des personnes
contactées.
Durant la première phase de terrain, nous passions la
matinée dans une USP et l'après-midi dans un à deux
village(s) environnant(s) suivant les rencontres effectuées et la
durée des entretiens. Au cours de nos rencontres au sein de ces USP,
nous interviewions des individus concordant aux GI 1, 2 et 3. Par contre, dans
les villages, nous tentions de converser principalement avec des personnes
correspondant au GI 4, et par la suite nous nous dirigions vers les GI 1 et 3.
De ce fait, nous pûmes obtenir un panel d'informations suffisamment
diversifiées, ce qui nous permit de dégager une esquisse se
voulant exhaustive de la situation. Comme mentionné dans la section
I. 3.3.1. Représentativité de l'échantillon, au
cours de la deuxième phase d'enquêtes, effectuée durant le
mois de janvier 2013, nous ne nous sommes pas cantonné à un cadre
strict. Grâce à cette souplesse nous fûmes dans la position
d'effectuer, à souhait, des va-et-vient constants entre la
littérature, le terrain et l'analyse suivant les informations qui nous
étaient nécessaires.
48 Olivier de Sardan distingue le «
langage-développement » du « langage-projet ». Cette
première notion se réfère à « l'univers
langagier des institutions de développement » (Olivier de Sardan,
1995a : 165). « La forme concrète, sur le terrain, que prend le
langage-développement quand il devient opérationnel et
incarné dans une institution au contact de populations locales, est ce
qu'on pourrait appeler le « langage-projet » ». Vu sur : Olivier
de Sardan, J.-P., 1995a, op. cit., p. 166.
27
Néanmoins, les rendez-vous obtenus au préalable
avec les CS avaient lieu généralement très tôt dans
la matinée, car le personnel était pris par nombre
d'activités durant le reste de la journée. Toutefois, ces
mêmes horaires correspondaient à la forte période
d'affluence dans les USP. Nous privilégiions donc, dans un premier
temps, les entretiens avec les membres des CS par souci de loyauté.
Cependant, le désavantage de cette façon de procéder est
que, dans certains cas, les rencontres pouvaient durer plusieurs heures
jusqu'à ce que le soleil fût au zénith, moment où
les couloirs de l'USP tendent à se vider littéralement, ne
laissant plus âme qui vive si ce n'est une brise ardente
remplaçant les ventilateurs endommagés ou tout simplement
absents. Dans ce cadre précis, il nous était difficile de
rencontrer des patients encore présents ou suffisamment aptes à
répondre à nos questions, une fois la rencontre avec les membres
des CS achevée. Nous avons donc dû, dans certains cas, opter pour
des solutions alternatives, lorsque la route et l'emploi du temps de nos
traducteurs nous le permettaient. Soit nous nous rendions aux aurores dans les
USP, afin d'avoir le temps de rencontrer des patients disposés à
être interviewés, soit nous décalions tout simplement
l'heure de rendezvous suivant nos disponibilités respectives.
Concernant les prestataires, nous avons également
tiré profit de leur présence à la semaine de formation des
CS ; les rencontres suivantes furent en tout point confortables et nous
n'eûmes aucun problème à prendre le temps de les
interviewer. Malgré une certaine ouverture d'esprit, leurs points de vue
se cantonnaient fortement à une vision pro-biomédicale et ils ne
se montraient pas suffisamment ouverts au dialogue avec les autres
protagonistes de la « santé communautaire » dans la
région, émanant des réseaux informels. Enfin, en vue
d'interroger des villageois, nous nous rendions, le plus souvent à
l'improviste ou accompagné d'un membre d'une CS, hors des axes
principaux. Le but étant de chercher à rencontrer des personnes
de façon aléatoire. Nous devons souligner un point quant à
cette dernière catégorie d'acteurs : nous fûmes dans de
nombreux cas merveilleusement bien accueilli et charmé par la
diversité de discours que nous avons été amené
à entendre.
Un aspect essentiel de l'entretien concerne l'environnement
dans lequel celui-ci se déroule. Nous faisons principalement
référence à la possibilité de pouvoir s'exprimer
librement sans qu'un acteur d'un autre GI soit en mesure de pouvoir entendre
les propos de l'interlocuteur en question. En effet, une des
intentions-même des questionnaires qui furent établis,
était de rendre compte de la nature des relations que les
différents GI entretiennent les uns avec les autres. A titre d'exemple,
un entretien de groupe fut effectué avec des patientes à la fin
d'une séance de vaccination dans la salle d'attente de l'USP de
Nassongue, Tandjouaré. Cependant, durant l'entièreté de
cet échange, le RFS était présent dans un coin de la
salle.
28
Malgré notre délicate insistance pour qu'il
s'absentât, il persista à faire des allers-retours, troublant
ainsi en permanence le dialogue encouru ; cette situation engendra un biais de
premier ordre empêchant toute possibilité de critiques à
l'égard du dispensaire et de ses prestataires. De ce fait, nous prenions
soin, tant que faire se put, d'interroger nos interlocuteurs en dehors de
l'USP, à l'ombre d'un rônier ou d'un manguier, dans le souci
d'obtenir un cadre d'expression neutre et optimal.
3.4.2. Nombres d'entretiens
Il nous paraît quelque peu difficile de comptabiliser le
nombre exact de conversations réalisées dans le cadre de cette
étude, formelles et informelles confondues. Néanmoins, nous
affirmons avoir effectué quatre-vingt-cinq enregistrements propres
à nos enquêtes de terrain. En effet, certaines interviews de
groupes sont comptabilisées comme un seul et unique entretien. D'autres
interactions enregistrées concernent des discussions avec des personnes
ayant une double casquette.
Comme précisé précédemment, de
nombreuses discussions totalement informelles ne furent pas
dénuées d'intérêts mais ne font pas partie de
quatre-vingt-cinq enregistrements préalablement mentionnés, car
nous ne disposions pas de critères valables pour les quantifier
objectivement. Lorsque les informations obtenues étaient de
qualité, nous avons réussi à convaincre certaines de ces
personnes à se soumettre à un entretien enregistré,
suivant le canevas d'enquête préétabli, toutefois
adapté. Ces rencontres ultérieures dans le cadre de
l'enquête donnent le plus souvent lieu à une mise en confiance et
à un accueil d'une plus ample qualité. Elles permettent
également de revenir sur des points précédents
non-élucidés ou qui ont suscité des réflexions
suite à une première rencontre fortuite.
Dans ce contexte, parmi les quatre-vingt-cinq enregistrements
mentionnés, septante-quatre furent accordées à l'ensemble
des quatre GI. Concernant les onze entretiens restants, cinq furent
effectués avec des membres du personnel de 3ASC chargés de hautes
responsabilités et détenant un point de vue bien tranché
sur des questions relatives à la « santé communautaire
» dans la région des Savanes. De plus, nous avons participé
à deux émissions pour la « Radio Communautaire des Savanes
» au sujet du paludisme et des mutuelles de santé, avec la
participation d'un médecin du CHR de Dapaong, le RFS de Naki-est,
Kpendjal ainsi qu'avec un Agent de Santé Communautaire (ASC) de
Namoudjoga, Kpendjal. Ce fut très stimulant de converser avec des
représentants des différents niveaux hiérarchiques de la
santé publique, sur des sujets sensibles qui nécessitent la
responsabilisation et l'entendement de chacun, et ce dans les débuts de
notre étude. Il ne s'agit donc pas d'interviews que nous avons
personnellement guidées, néanmoins nous devons admettre que cette
expérience fut
29
bénéfique pour percevoir les connaissances et la
position de ces différents acteurs. Par ailleurs, nous avons
échangé nombre de propos avec des pharmaciens, des ASC, des
membres de certains Comités de Gestion (COGES) et Cellule Mutualistes de
Base (CMB), ainsi qu'avec d'autres personnes sans qualifications
précises mais accoutumées au monde de la « santé
communautaire » dans la région. Deux de ces conversations furent
enregistrées. Enfin, nous avons rencontré six thérapeutes
traditionnels. Cependant quatre de ces échanges se firent sans l'aide
d'un dictaphone, ce qui nous empêcha certes, de retirer des informations
précises et détaillés mais, d'un autre côté
nous permit de vivre ces moments avec une certaine plénitude, tant leur
discours était foncièrement authentique et passionnant.
Pour visualiser le détail des entretiens
effectués (par types et par lieux), nous invitons le lecteur à se
rendre en annexe (A2. Tableau des entretiens et enregistrements).
3.4.3. Type d'entretiens
Suivant les propos établis par Olivier de Sardan, il
n'est pas communément admis « qu'il y ait de « techniques
» d'entretien. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y ait pas de
« savoir-faire ». Plus exactement, on pourrait parler d'une politique
de l'entretien »49.
3.4.3.1. Entretiens formels
Cette recherche a clairement privilégié
l'entretien semi-directif, en ce qu'il s'agit d'interviews ayant fait l'objet
d'une préparation au préalable via la création de
questionnaires. Toutefois ces derniers furent préparés dans le
but de servir principalement de « canevas » - et non de « guide
»50. En ce sens, il s'agissait de maintenir le dialogue sous
une forme de discussion semi-libre en orientant les thèmes à
aborder.
- Entretiens de groupe ;
De par notre expérience dans le domaine, nous nous
étions dans un premier temps, préparé à effectuer
des entretiens exclusivement individuels. Cependant, durant les premiers temps
de notre enquête, des séances de groupes (principalement avec les
CS) se sont quelque peu imposées d'elles-mêmes. En effet, ayant
obtenu des rendez-vous au préalable, le mot s'est vite
ébruité, et l'ensemble des membres se faisait un plaisir de nous
honorer de leur présence.
49 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit.,
p. 55.
50 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid., pp.
59-60.
30
Il n'eut pas été rationnel d'effectuer une
dizaine d'entretiens individuels, en dépit du temps qui nous
était imparti et du risque d'obtenir des informations trop redondantes,
et par ailleurs il eut été indécent d'exclure certaines
personnes de façon purement aléatoire. Étant dans un cadre
participatif, l'entretien de groupe a constitué une bonne alternative.
Toutefois, nous nous sommes vite aperçu que la qualité des
informations différait radicalement de ce que nous pouvions obtenir avec
des entretiens en tête-à-tête. Nous avons donc limité
le recours à cette formule de groupe.
Dans un autre cas de figure, lors de nos visites dans des
villages, nous nous sommes retrouvé à discuter
généralement avec un ou deux villageois, en essayant d'incorporer
au maximum les questions de notre canevas d'entretien tout en maintenant un
côté naturel à la conversation. Rapidement, des villageois
affluaient autour de nous, intéressés par la venue d'un
étranger, blanc qui plus est, dans leur coin reculé.
Malgré cette présence grandissante, la plupart restaient
silencieux, simplement curieux d'assister à une situation inhabituelle.
Nous maintenions généralement le dialogue avec la ou les
personnes avec qui nous avions engagé cette rencontre. Dans ce cas
précis, la présence du nombre ne fut pas considérée
comme contraignante.
Ceci, il va sans dire, nous amène à nous
positionner par rapport à l'attitude que des agents externes doivent
adopter en présence de ces « groupements communautaires ». Le
type de médiation mis en place est soumis à une certaine
ambivalence. En tant que chercheur, nous arrivons armé d'outils et de
techniques spécifiques propre à analyser une thématique
particulière. L'adaptation au terrain est une stricte
nécessité, quelles que soient les circonstances. Comme le
rappelle volontiers Olivier de Sardan, « la principale forme de
l'entretien de groupe (É), est impromptue, involontaire, non
sollicitée par le chercheur. Elle est liée au fait que le
socio-anthropologue travaille en « situation naturelle »
(naturalistic setting) »51. Imposer le recours
à des rencontres individuelles est un modèle qui semble aller
contre toute logique participative. Les tendances actuelles vantant les
bienfaits du communautarisme s'avèrent - à travers ce type de cas
précis - contraires à leurs applications pratiques. Plus
concrètement, ces entretiens de groupe, ne seraient-ils pas de la «
participation communautaire » en acte ?
Malgré certains avantages que l'entretien individuel
est susceptible de nous apporter, l'entretien de groupe est sujet à
élargir la discussion, prenant ainsi la forme d'un
échange-débat participatif. En effet, au fur et à mesure
de notre étude de terrain, notre connaissance en la matière
devint plus ample. Nous avons pu constater de nombreuses situations
défaillantes et aperçues des stratégies
intéressantes déployées par certains cas isolés.
Cela étant, ces points
51 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit.,
p. 64.
31
particuliers devaient être portés, à notre
sens, à la connaissance de tous ; cette façon de procéder
s'est donc montrée plus efficace. Des adaptations novatrices pourtant
restées dans l'ombre car non-formalisées ou simplement mal
interprétées par ces groupements ne pouvaient être que
bénéfiques.
En guise d'illustration, la présidente de Nanergou,
Tône récapitule notre débat-entretien à ses
collègues sur une thématique bien spécifique : les
activités collectives.
« Il nous faisait savoir, dans nos activités, dans
notre travail. On doit faire des activités de groupe, au début on
nous a pas dit ça, mais c'est une idée qu'il a émit que
ça c'est très important. Il nous dit qu'on doit aller dans les
villages, en groupe, mobiliser les gens, causer avec eux. Donc ce qu'il a dit,
on n'avait pas fait ça, actuellement c'est très bon. Il y en a
qui nous connaissent, mais d'autres qui nous connaissent pas. Il y a certains
villages qui n'ont pas de membre de la Commission Sante. Si nous, nous allons
dans ce quartier là, en groupe, pour les réunir, causer avec eux,
et leur montre la valeur, l'importance des Commissions Santé, c'est
très bon. Comme ça on va voir beaucoup de personnes qui vont
fréquenter le centre. Donc, il a émis ce problème
là que nous avons, j'ai beaucoup acclamé l'idée, ça
m'a beaucoup intéressé. Parce que si nous restons sur place, que
chacun a eu ses problèmes, ce n'est pas bon. Il faut que nous allions
vers la population, ensemble, pour pouvoir discuter de ça. Que chaque
fois nous serons plus à savoir quoi dire, à chaque fois on aura
des idées à mûrir et puis discuter avec la population,
comme ça le travail va bien marcher. Ça c'est très bon
» [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].
- La durée des entretiens ;
Concernant la durée des entretiens à proprement
parler, ils oscillaient en moyenne entre une demi-heure et une heure. Ceci
étant, en fonction de notre intérêt porté par leurs
propos, certains échanges furent interrompus après une quinzaine
de minutes, d'autres en revanche atteignirent quasiment les deux heures
d'interviews, notamment lorsque nous fûmes confronté, comme
mentionné précédemment, à des personnes ayant un
statut-pluriel.
- L'utilisation de la langue française et le recours
à un traducteur-interprète ;
L'entièreté des entretiens effectués avec
les prestataires des USP se fit en français. Concernant les CS, une
majeure partie d'entre eux était en mesure de s'exprimer dans la langue
officielle. Dans certains cas, nous dûmes être assisté par
un traducteur-interprète travaillant pour 3ASC, afin de nous assurer de
la qualité de leurs discours. A propos des patients et des villageois
interrogés, nous avons, la majorité du temps, eu recours
également à
32
un traducteur-interprète. Les biais susceptibles
d'être engendrés de part l'assistance d'un tiers seront
mentionnés dans le point I.5. Limites de l'étude et
contraintes épistémologiques.
La catégorie sociale et l'âge constituaient deux
facteurs quant à la connaissance de langue française. En effet,
les fonctionnaires d'État et autres personnes travaillant ou ayant
travaillé en zone urbaine étaient mieux aptes à s'exprimer
dans la langue de Molière. Par ailleurs, l'école primaire est
aujourd'hui gratuite dans les écoles publiques du Togo ; selon
l'UNICEF52, le taux d'alphabétisation des jeunes de 15-24 ans
pour la période 2005-2010 est de 85 % pour les hommes et de 68 % pour
les femmes. De plus, suivant cette même source, le taux net de
fréquentation scolaire dans le primaire pour la période 2005-2010
est de 86 % en zone rurale et 94 % en milieu urbain. Ces chiffres semblent nous
autoriser à estimer que la connaissance du français, chez les
jeunes générations n'est plus un problème majeur, surtout
lorsque que l'on s'aperçoit que la part de Togolais âgés de
moins de 15 ans représente 40,8 % de la population entière pour
l'année 201253.
3.4.3.2. Échanges informels
Ces rencontres diverses avec des personnes n'appartenant pas
à nos quatre GI défini a priori mirent en
évidence l'existence de groupes « invisibles » ou «
extérieurs », point essentiel pour répondre à ce
besoin de triangulation54. Il s'agit principalement de personnes
travaillant de façon directe pour 3ASC (personnel de l'ONG) ou indirecte
(collaborateurs indépendants, ASC, membres du COGES ou du CMB, etc.)
mais également d'individus pouvant être désignées
sous la dénomination de « thérapeutes traditionnels
».
Ces interactions multiples nous ont donné la
possibilité de soutirer des informations complémentaires et
d'intégrer des notions ou données supplémentaires sur la
problématique investiguée. Elles n'en étaient pas moins
intéressantes et utiles à la compréhension globale de
notre cadre d'étude.
Soulignons que les thématiques abordées sont
intimement liées au sujet de ce mémoire mais le canevas
méthodologique ne fut pas forcément respecté (ou
adapté) et se rapporte clairement au domaine de la conversation.
52
http://www.unicef.org/french/infobycountry/togo_statistics.html#90
(page consultée le 7 mai 2013).
53
http://www.statistiques-mondiales.com/moins_de_15_ans.htm
(page consultée le 7 mai 2013).
54 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit.,
pp. 81-82.
33
3.4.4. Structures des entretiens
Il est évident que les mêmes sujets furent repris
dans les différents questionnaires. Par contre, l'angle tendait à
différer pour pouvoir observer, recueillir et enfin analyser les
différents points de vues rencontrés suivant une
thématique semblable. Quelques logiques transversales propres à
l'ensemble des interviews semblaient se dégager. Tout d'abord, chaque
entretien s'attardait à retracer le cadre dans lequel les interlocuteurs
s'insèrent, il s'agit de la part descriptive. Ensuite, il était
question de définir les difficultés et les changements
observés inhérents à leur situation individuelle et
collective. Par la suite, il s'agissait de faire émerger des
propositions envisageables, à travers leurs doléances, pour
améliorer leur situation et élaborer une mise en contexte des
relations qu'ils entretiennent vis-à-vis des autres GI. Enfin, un
complément d'informations plus personnel fut apporté sur la
vision que chacun de ces interviewés détenait quant aux recours
thérapeutiques alternatifs face à la structuration de l'offre des
soins dans la région des Savanes.
Pour maintenir l'angle de notre recherche dans une perspective
holistique, nous avons dû élaborer des « stratégies
» d'entretiens. Nous les avons envisagées suivant deux perspectives
distinctes, afin d'être en position de recouper, trianguler et amorcer un
panel de points de vue suffisamment conséquents. Ces perspectives de
recherche proviennent des deux niveaux d'entretiens élaborés par
Olivier de Sardan55 : « la consultation »
et « le récit ».
Les techniques d'entretiens utilisées recoupent donc
différents procédés. Tout d'abord, nous avons
invité nos interlocuteurs à mentionner leurs perceptions et leurs
pratiques suivant une vision synchronique, cherchant une forme de
systématisation de certains de leurs agissements pour en comprendre les
défaillances intrinsèques. Ensuite, pour illustrer certains de
leurs propos et pour en extraire une forme de fiabilité, nous nous
sommes étendu, suivant une perspective diachronique, sur certaines
questions circonstancielles qui tendent à remettre en contexte, et sous
forme de récits, les acteurs dans le cadre de leurs interactions.
Grâce à cette méthode nous fûmes en
mesure de récolter des contradictions et des incohérences entre
leurs propos et la réalité vécue, nonobstant
l'unité intrinsèquement voulue au sein de chaque groupe
investigué ; d'une part « en interne », c'est-à-dire
des informations propres à la réalité de chacun, et
d'autre part, « en externe », c'est-à-dire entre les
différents membres d'un même GI, ou plus largement entre des
personnes issues des GI différents.
L'inconvénient de ce type d'approche est le travail
fastidieux qu'il représente. En effet, à défaut de vouloir
rendre compte, suivant un procédé exhaustif, des
réalités de chacun, cette
55 Olivier de Sardan, J.-P., 1995b, « La
politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie
». In Les terrains de l'enquête, s.l.d. de Passeron, J.-C, Edition
Parenthèses, Marseille.
34
façon de procéder peut s'avérer
extrêmement longue, tant durant la récolte des données que
lors de la phase de décortication des données
précédant l'analyse. Il s'agit, en outre d'un processus de longue
haleine nécessitant patience et rigueur.
De plus, les discours des acteurs furent, dans un premier
temps, évoqués à la première personne du singulier
pour qu'ils mentionnent leurs pratiques et leurs représentations
à un niveau personnel. Dans un deuxième temps, il s'agissait
d'élaborer une tendance au pluriel, d'une part à la
première personne, pour exprimer l'importance du groupe, autrement dit
du « nous », et d'autre part à la troisième personne,
pour que les interviewés émettent un avis quant à cette
configuration multiforme dans l'interaction et le dialogue.
Enfin, concernant l'obtention d'informations allant plus dans
le sens de la « controverse », nous prenions la peine de saisir le
moment opportun, estimé au deux-tiers de l'interview.
3.5. Questionnaires
Quatre questionnaires56 ont été
élaborés pour représenter au mieux le discours de chaque
GI. Les canevas d'entretiens furent structurés en fonction des
thèmes abordés. Mais ils furent soumis à un
perpétuel remaniement tout au long de notre processus d'enquête.
Ils servirent donc plus de support que de référence-type. En
effet, vu l'abondance d'informations, il est important de mentionner que les
entretiens ne pouvaient suivre entièrement un parcours
prédéfini. Ils furent donc adaptés, selon les
rebondissements dus à telle ou telle intervention de
l'enquêté. Cette pratique de la reformulation ou formulation de
nouvelles questions revient à « la récursivité de
l'entretien de terrain, en ce qu'il s'agit de s'appuyer sur ce qui a
été dit pour produire de nouvelles questions. Ces questions
induites par des réponses sont aussi bien des « questions qu'on se
pose » (niveau stratégique de l'évolution de la
problématique) que des « questions qu'on pose » (niveau
tactique de l'évolution du canevas d'entretien) »57.
Partant du principe que chaque personne a un background
différent, les questions devaient être ajustées pour
chaque interlocuteur, selon son appartenance sociale, ses expériences et
sa trajectoire personnelle. Soucieux de laisser libre cours au discours de
chacun mais également de pointer du doigt certains faits précis,
nous avons décidé de combiner un ensemble de questions ouvertes
et fermées que chacun serait libre d'interpréter comme bon lui
semblait.
56 Les quatre questionnaires se trouvent en annexe
(A3. Questionnaires).
57 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit.,
p. 61.
35
Par ailleurs, nous avons éprouvé une certaine
difficulté à établir des guides d'entretiens-type.
Même s'il est évident que le discours s'adapte selon
l'interlocuteur, les personnes ne correspondaient pas forcément à
nos groupes investigués préalablement sélectionnés.
La réalité transgresse les limites.
Au final, aurions-nous écrit nos questions en
espérant retrouver un certain type de personne ? Par souci de
réflexivité et d'objectivité, la question mérite
d'être posée.
4. LIMITES DE L'ÉTUDE ET CONTRAINTES
ÉPISTÉMOLOGIQUES
Il semble essentiel de clarifier les frontières de
cette étude au strict sens du terme. Ceci étant, il nous
importera de définir notre perspective opérationnelle. Il s'agit
donc de reconnaître ses propres limites et d'inclure dans notre objectif,
la représentation des délimitations de notre recherche.
Par ailleurs, il nous paraît indispensable, par souci de
réflexivité, de mettre à plat les contraintes et
difficultés épistémologiques qui se sont
présentées lors de notre insertion professionnelle sur le
terrain. Nombre de concepts et notions nous étaient connus jusqu'ici
uniquement dans un contexte strictement académique. Mais en apparaissant
soudain sur la scène de la vie quotidienne, ils prirent un sens
réel, concret et clairement enrichi. La théorie rejoignit le
monde empirique. Ce fut une occasion sans précédent de nous
familiariser avec le milieu professionnel, en appliquant directement moult
notions qu'il nous avait été permis d'acquérir tout au
long de notre cursus universitaire.
Quelles furent nos préoccupations premières
après nous être confronté pour la première fois avec
notre cadre d'étude ? Au fur et à mesure de l'avancement de nos
enquêtes, nous avons tenté d'extraire « à chaud »
les idées principales qui ressortaient de nos sorties sur le terrain.
Toutes les réflexions qui nous ont accompagné
durant la phase de terrain seront présentées dans les points
suivants. Cette sous-partie sera divisée en trois sous-sections. Tout
d'abord, il s'agit de présenter l'orientation de l'étude
ci-présente, ensuite il sera question de mettre en avant notre position
dans l'interaction et enfin, nous mentionnerons toute une série de biais
rencontrés au fur et à mesure de nos enquêtes
effectuées.
36
4.1. Orientation de l'étude
Tout d'abord, il convient de préciser qu'il ne s'agit
nullement d'une évaluation destinée à produire un bilan
complet de la situation sanitaire dans la région des Savanes, loin de
là. Nous cherchons plutôt à rendre compte d'une certaine
réalité, qui affecte la raison même des CS dans ce
décor. Bien sûr, nous fûmes amené à rencontrer
des situations qui ne peuvent être soumises à la critique et qui
ne seront pas mentionnées dans ce mémoire. De nombreux constats
et difficultés sur lesquels nous nous attarderons sont récurrents
et il semble nécessaire de les souligner. D'autres seront simplement des
cas isolés mais qui nécessitent toutefois notre attention. De ce
fait, nos prospections se sont davantage intéressées aux
problèmes et difficultés rencontrés au sein des CS et les
conséquences engendrées par cette situation déficiente sur
la scène locale. Nous n'avons donc pas hésité à
souligner les points négatifs rencontrés, sans pour autant
négliger les apports et les améliorations observées.
Cette étude constitue donc un état des lieux
non-exhaustif des CS dans les districts sanitaires de Kpendjal,
Tandjouaré et Tône de la région des Savanes. Plus
concrètement il s'agit d'un recoupement de données de grande
importance, tendant à démontrer l'implantation d'un projet
exogène sur un groupement « communautaire » propre au domaine
de la santé.
Nous ne sommes concerné en aucune manière par
une étude quantitative, une sorte d'inventaire qui se fonderait sur des
sondages ne servant, de façon trop évidente, qu'à
informer, au travers de chiffres abstraits, des problèmes majeurs
recensés au sein de chaque CS. Il ne s'agit pas non plus d'une
étude délibérément technique, ressassant les
différents procédés pratiques à mettre en place
pour appuyer les CS. Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que nous nous
sommes principalement concentré sur une analyse reflétant les
implications de certains protagonistes issus du secteur public. Nous
n'analyserons pas la situation en vigueur dans le domaine privé.
Toutefois, nous nous attarderons à rendre compte des liens de
causalité existants entre ce dernier et la sphère informelle.
Nous nous sommes bien plus attaché à comprendre
en profondeur les conditions dans lesquelles sont amenés à
travailler les membres des CS et la perception de chacun,
entremêlée par maints facteurs qui caractérisent la
situation actuelle de cet organe. Or, la grande majorité des
informations recueillies se présentent comme des données
non-quantifiables et non-mesurables. Ce à quoi tend essentiellement
notre présent mémoire, fondé sur une approche
socio-anthropologique sur le thème de la « santé
communautaire », c'est de comprendre, partager et percevoir les
contraintes ainsi que d'examiner les enjeux de l'ensemble des acteurs
impliqués.
37
4.2. La position du chercheur
Un point fondamental qu'il est nécessaire d'aborder est
le rôle du chercheur à proprement parler. Quelle est l'essence
même de son insertion dans un milieu d'étude qu'il ne
connaît à aucun égard, si ce n'est sa découverte sur
le terrain ? Quelle peut-être la plus-value de son insertion dans un
univers étranger, tentant de s'intégrer, malgré toutes ses
croyances intrinsèques ?
Certes, la dimension d'objectivité peut sembler
être un atout pour maintenir un regard externe sur l'environnement qui
l'entoure. Mais qu'en est-il lorsque le chercheur se fait « avoir »
par son milieu, quand l'extraordinaire devient soudain banal ? C'est pourquoi
il lui revient d'extraire un maximum d'informations et de constats et de
retranscrire l'évolution de son parcours avant que son oeil et son
esprit ne risquent de le tromper. Car ce qui peut sembler hors du commun dans
un premier temps finit par devenir trop rapidement évident et habituel.
Cela dit, pour en arriver à ce point, le cap de la confrontation
première avec le cadre d'étude doit être largement
dépassé.
Quoi qu'il en soit, un étranger éprouve des
difficultés certaines à percevoir correctement son milieu
d'étude. Quelle est donc, dans un premier temps, son utilité face
à des acteurs clairement intégrés dans ce domaine depuis
un temps certain ?
En vue de réagir à ces questionnements, une
petite explication s'impose. L'ONG 3ASC est exclusivement togolaise et
l'ensemble des acteurs qui y travaillent sont des autochtones. Ils ont de
grandes capacités, maintes connaissances, une expérience
indiscutable et de solides acquis. Ils sont en tous points familiarisés
avec leur domaine d'action et tout ce qu'ils voient relève pour eux de
l'évidence. Ils connaissent parfaitement la « réalité
du terrain » et les populations locales. Ils parlent également la
langue vernaculaire dominante. Cependant, leur vision s'inscrit indubitablement
dans une perspective « projet » et ils sont amenés à
exercer un discours sur lequel il n'ont que fort peu d'emprise : le «
langage-développement »58. Ils s'insèrent
directement au sein de ce dispositif et « n'obéissent
qu'aux devoirs objectifs de leur fonction »59.
A contrario, notre présence
intégrée au sein de la structure de l'ONG 3ASC, avait pour
ambition de percevoir l'ensemble de ses rouages tout en visualisant les
faiblesses intrinsèques à ce dispositif. Ne devant
rendre de compte à personne, nous pûmes plus aisément
maintenir une forme d'objectivité. Par ailleurs, notre statut d'homme
blanc nous conférait sans aucun doute un rôle particulier, vu la
connexion directe établie, par nos interlocuteurs, avec les bailleurs de
fonds. Clairement, aux yeux de personnes enquêtées, nous
étions devenu la voix
58 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit.,p.
153.
59
http://pedagogie2.ac-reunion.fr/ses/textes/Weber/burau.htm
(page consultée le 27/07/2013).
38
et le représentant de LC. D'un côté, nous
avons rapidement compris que nous pouvions en tirer partie, que ce «
pouvoir » qu'ils nous attribuaient nous donnait une entrée certaine
et un droit de regard sur le terrain. D'un autre côté, nous
prîmes conscience de la cruelle nécessité de prendre du
recul par rapport à cette position différenciée,
frôlant celle d'un dominateur social. En effet, la perception que
certains détenaient à notre égard pouvait être
à l'origine d'un handicap sérieux : amener des résultats
biaisés dans le cadre de notre recherche. Ainsi, nos interlocuteurs
avaient tendance à insister davantage sur les difficultés
imposées par le dispositif, que sur les moyens d'adaptation mis
en place pour le contourner.
Enfin, nous devons mentionner un aspect supplémentaire
et non négligeable de notre position dans cet univers. Nous
n'étions pas une personne issue du corps médical, chargée
d'apporter des soins aux populations locales. Cette raison d'être de
notre présence a certainement influé l'ensemble de nos
interactions.
4.3. Les biais rencontrés
« La « participation » du chercheur induit
évidemment des biais personnels et subjectifs, que les savoir-faire
socio-anthropologiques ont justement pour but de minimiser, de contrôler
ou d'utiliser »60.
Cet aspect de la démarche soulève de nombreuses
réflexions d'ordre épistémologique. Ces dernières
ne seront pas explorées en détail mais simplement
dévoilées afin de donner un bref aperçu du contexte et de
notre vision des faits :
- La distance de l'anthropologue : entre objectivité
et affection
Le chercheur doit faire preuve d'un esprit de synthèse,
d'un recul évident ; il doit se montrer compréhensif, rester
à l'écoute tout en étant contraint de maintenir une
certaine « distance rapprochée ». Il est donc mis au
défit par un « rapport complexe, fait d'attirance et de
méfiance »61 lors duquel il est amené à
lire par dessus l'épaule des indigènes62,
pour s'immiscer au plus proche de son sujet d'étude sans pour autant se
sentir trop rapproché et prendre position.
60 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p.
53.
61 Vidal, L., 2009, « L'anthropologie de l'aide
humanitaire et du développement. Entre exigences méthodologiques,
ambition épistémologique et souci éthique », in
Atlani-Duault, L. & Vidal, L., (sous la direction de.) Anthropologie de
l'aide humanitaire et du développement. Des pratiques aux savoirs, des
savoirs aux pratiques. Armand Colin, Paris, p. 235.
62 Geertz, C., 1983, Bali :
Interprétation d'un culture, 1973,
trad. fr. 1973, rééd.
Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines ».
39
Notre insertion au sein de l'ONG 3ASC a certainement
influé sur notre comportement et notre compréhension du milieu.
En étant pleinement intégré en son sein, nous avons du
faire face à un phénomène d' « encliquage
»63. Suivant cet état des faits, il nous a semblé
difficile, dans un premier temps, de prendre du recul face au dispositif
qui sous-tend la dimension « projet » de notre cadre
d'étude.
- La barrière de la langue et les difficultés
causées par le recours à un traducteur
Le passage via un traducteur constitue un biais. Les
réactions premières de l'interlocuteur ne sont pas perçues
correctement. L'échange est compromis et se déroule
automatiquement via un tiers. Il est rare d'établir des affinités
particulières, mais cela reste toutefois possible dans certaines
circonstances. Le langage des signes et les expressions faciales transgressent
toutes les barrières sémantiques.
Enfin, nous devons souligner que bon nombre de nos entretiens
se sont déroulés avec des personnes dont le niveau de
français était très approximatif. Dans un tel cas de
figure, la qualité de l'information en ressort mitigée. La
présence d'un traducteur, fait que certaines informations peuvent
être traduites dans un lexique et suivant une formulation plus
aisée à comprendre par l'interlocuteur. En effet, parfois, nos
questions semblaient manquer de sens et de clarté aux yeux de
l'interviewé. Donc le fait de ne pas traduire à la lettre mais
bien
d' « interpréter », comme il est de coutume
de le dire au Togo, constitue est un biais positif. Cela enrichit le dialogue
et permet d'obtenir des informations qui n'auraient pas pu être obtenues
sans l'aide d'un tiers. A d'autres occasions, notre traducteur reprenait notre
question en français mais en adaptant les termes et les tournures de
phrases dans un vocabulaire plus limité et mieux adapté. Il est
vrai qu'à certains moments, il est nécessaire de
considérer l'« interprète, (É) dans sons sens le plus
plein puisqu'il s'agit de traduire plus qu'une langue : une culture.
»64. Parfois, il ne faut tout simplement pas omettre que nous
sommes un étranger et qu'il faut impérativement adapter son
discours à chaque personne, et ce sans concession. Il est vrai que les
personnes ayant « fréquenté» comme on le dit
communément au Togo, ont un français admirable, avec des
expressions et des termes qui ne sont plus en usage dans la langue
française, du moins telle qu'elle est pratiquée actuellement en
Europe. Cela enrichit leur propos. Mais dans les villages, nous ne savions
jamais exactement à qui nous avions affaire. En outre, certains termes
de vocabulaire ou expressions ne sont plus utilisés en Europe alors
qu'ils peuvent être encore très courants en Afrique francophone,
et vice-versa. Il
63 Olivier de Sardan, 2008, op. cit., p.
93.
64 Fassin, D., 1999, Pouvoir et maladie en
Afrique. Anthropologie sociale dans la banlieue de Dakar. Paris,
Collection les Champs de la Santé, Université de France, p.
33.
40
faut donc impérativement prendre connaissance de toutes
ces subtilités du langage pour optimaliser la discussion.
Parfois, indéniablement, le « moba », qui est
la langue vernaculaire dominante de la région, détient en son
sein des variantes en fonction des villages dans lesquels les interviews
étaient effectuées. Il est donc apparu, à certains
moments, difficile, voire impossible, de traduire correctement des proverbes et
citations, car le traducteur, n'étant autre qu'un jeune citadin,
n'était pas en mesure de comprendre entièrement les propos du
villageois. La traduction peut perdre de sa saveur originelle au profit
d'interprétations qui perdent en richesse et subtilité.
Par ailleurs, nous avons eu le sentiment, dans les premiers
temps de notre enquête, de lasser notre traducteur, qui aurait
préféré se retrouver ailleurs, en posant des questions qui
pouvaient sembler banales pour une personne issue du milieu. Certaines
questions pouvaient paraître tellement évidentes à ses yeux
qu'ils prenait l'initiative d'y répondre sans même se soucier de
traduire la question à l'interviewé. À tel point que dans
certaines situations, nous nous sommes senti contraint d'abréger
l'entretien. Également, de par notre intérêt qui
dépassaient le cadre strict de notre étude sur les CS, nous avons
pu à certaines occasions observer chez notre traducteur un certain
degré d'incompréhension devant la teneur de nos questions.
-- La véracité des propos de nos
interlocuteurs
Nul ne peut jamais se fier complètement aux
informations recueillies. Trop souvent, nous fûmes amené à
croire sur parole ce que les interviewés nous disaient, quitte à
recevoir une information contradictoire par la suite. Toutefois, dans une telle
éventualité, nous fûmes généralement
contraint « d'accorder crédit aux propos de [notre] interlocuteur
(É), et de l'écouter avec sympathie, approbation ou connivence
»65.
A titre d'exemple, une des plus grandes divergences
observées lors de nos interviews relève du nombre
d'activités accomplies durant l'année 2012 par les CS. Il est
rare et difficile de faire correspondre l'ensemble des réponses au sujet
du nombre d'activités effectuées. Personne ne s'accorde sur les
chiffres. Même les secrétaires des CS chargés de relever
l'ensemble des agissements, n'écrivent pas forcément tous ces
faits dans leur cahier de charges. Il est donc, dans de nombreux cas, difficile
d'obtenir des réponses claires et souvent, nous avons eu le sentiment
d'acquérir des informations à l'aveuglette. « C'est
là un vrai dilemme. Comment combiner empathie et distance, respect et
sens critique ? »66. C'est
65 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit.,
p. 62.
66 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid., p.
63.
41
pourquoi, il est nécessaire de rappeler que le principe
de triangulation s'avère être une des notions les plus
élémentaires de toute enquête d'ordre socio-anthropologique
pour s'assurer des informations obtenues de nos interlocuteurs.
La présentation relative au cadre analytique,
méthodologique et épistémologique de notre étude
étant achevée, le juste moment est venu maintenant de tenter
d'exposer tout d'abord le contexte et le fonctionnement de la santé
publique au Togo, très précisément dans la région
des Savanes, et ensuite de présenter les CS en tant que telles.
42
II. PRÉSENTATION DU MILIEU D'ÉTUDE
Afin de percevoir l'ensemble des ramifications propre au
dispositif établi, il est nécessaire d'être
détenteur de certaines notions relatives au système de
santé publique au Togo et plus particulièrement de la
région des Savanes. Ce faisant, nous diviserons ce chapitre en deux
parties conséquentes. Dans un premier temps, nous nous attèlerons
à exposer quelques unes de ses composantes. Dans un second temps, nous
présenterons scrupuleusement les différentes
caractéristiques représentatives des CS.
L'objectif de cette présentation est d'aboutir à
une vision rigoureuse des multiples aspects qui s'exercent en son sein.
1. LE SYSTÈME DE SANTÉ PUBLIQUE
Selon l'OMS, « un système de santé englobe
l'ensemble des organisations, des institutions et des ressources dont le but
est d'améliorer la santé. La plupart des systèmes de
santé nationaux sont composés d'un secteur public, d'un secteur
privé, d'un secteur traditionnel et d'un secteur informel. Les
systèmes de santé remplissent principalement quatre fonctions
essentielles: la prestation de services, la création de ressources, le
financement et la gestion administrative »67.
Cette présente partie sera exposée en trois
temps. Tout d'abord, au regard du contexte sanitaire actuel, ensuite via les
politiques directives qui ont guidé le pays au cours de ces
dernières décennies et enfin via une présentation de ses
caractéristiques institutionnelles et organisationnelles, à
l'échelle nationale et régionale.
1.1.La situation sanitaire
Avant d'entreprendre une présentation, à
caractère quantitatif, de la situation sanitaire actuelle du Togo et
plus précisément de la région des Savanes, nous invitons
le lecteur à interpréter ces données avec la plus grande
précaution. En effet, nonobstant le fait que les informations ci-dessous
évoluent très rapidement, rares sont les données
statistiques fiables qui ne se contredisent pas en tout points. Nous nous
sommes donc limité - dans la mesure du possible - à un
recensement d'informations provenant d'instituts statistiques internationaux.
Toutefois, nous avons, dans certains
67
http://www.who.int/topics/health_systems/fr/
(page consultée le 05/06/2013).
43
cas, utilisé les données du Ministère de
la Santé togolais (MS), ces derniers étant le seul moyen
d'obtenir des informations concernant des faits plus détaillés.
Cela dit, elles tendent à se distinguer largement des autres sources
obtenues ; elles seront donc minimisées, mais toutefois
mentionnées dans le but de clarifier certains éléments
susceptibles de permettre une meilleure compréhension globale de
l'état des faits.
1.1.1. Le Togo
-- Données quantitatives
La population togolaise s'élève en 2012 à
6.961.049 habitants dont 43 % vivent en zone urbaine (2010)68.
L'espérance de vie à la naissance, en 2009, était de 57
ans pour les hommes et de 61 ans pour les femmes69 pour un taux de
fécondité, en 2012, de 4,64 enfants par femme en âge de
procréer et un taux d'accroissement naturel de 2,74%70. Le
pays est classé 159e suivant l'Indice de Développement
Humain (IDH) pour un Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant
avoisinant les 900 $ US en valeur PPA en 201171. L'Indice de
Pauvreté Humaine (IPH), s'élevait quant à lui, à
38,3%72 en 2010, avec une grande disparité régionale.
Le pays se subdivise en 6 régions sanitaires (Lomé-Commune,
Maritime, Plateaux, Centrale, Kara, Savanes) qui se conforment aux divisions
administratives en vigueur dans le pays - à l'exception de
Lomé-Commune, de par son statut particulier (capitale du pays avec une
densité élevée).
De nombreux indicateurs relèvent toujours une situation
périlleuse nécessitant des mesures drastiques pour endiguer ce
phénomène sanitaire. Cependant, selon le MS la part du PIB
national destinée en 2011 à la santé représente en
tout et pour tout 4 %73. Les principales causes de
décès74 se caractérisent toujours par des
maladies infectieuses et parasitaires avec une prédominance pour le
paludisme et le péril fécal. On retrouve également parmi
les autres causes importantes de morbidité : les plaies et traumatismes,
les maladies diarrhéiques et les infections respiratoires aiguës
75 . Par ailleurs, selon l'UNICEF, le pourcentage de la population
totale utilisant des installations d'assainissement améliorées en
2008 atteint les 12
68
http://www.statistiques-mondiales.com/togo.htm
(page consultée le 07/05/13).
69
http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/44857/1/9789242564440_fre.pdf
(page consultée le 08/05/13).
70
http://www.statistiques-mondiales.com/togo.htm
(page consultée le 07/05/13).
71
http://www.statistiques-mondiales.com/togo.htm
(page consultée le 07/05/13).
72
http://www.tg.one.un.org/index.php?option=com_content&view=article&id=108&Itemid=57&lang=fr&22dee
d25c3d823d8a03393a3e7f6efd7=8fb7d9d4730cd3cc9085fe1e2822ace8 (page
consultée le 18/05/13). 73
http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3,
(page consultée le 06/05/2013).
74 Voir en annexe (A4. Principaux problèmes
de santé au togo).
75
http://main-tendue.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=99:apercu-de-la-situation-sanitaire-du-togo&catid=48:en-detail&Itemid=93
(page consultée le 07/05/13).
44
% dont 3 % pour les zones rurales76. Le manque
d'accessibilité à l'eau potable est également
extrêmement problématique, particulièrement en zones
rurales. Suivant les données de la BM, le pourcentage de la population
ayant accès à des sources d'eau potable améliorées
revient à 61 % en 201077. Néanmoins, un grand
décalage persiste entre l'accessibilité dans les zones urbaines
(82 %) et celles dans les zones rurales (46 %)78.
- Infrastructures sanitaires
Le MS recense 1265 formations sanitaires en vigueur dont 895
selon les normes nationales, suivant les principaux indicateurs de santé
pour l'année 201179. Nonobstant cette situation, la
qualité même des infrastructures en question reste souvent
à désirer. Elles sont en grande partie vétustes et
inadéquates. Le manque d'équipements est criant et une
insuffisance logistique règne à toutes les strates
hiérarchiques du système de la santé publique. Il y a
également un problème relatif à la maintenance et à
l'entretien du matériel utilisé au sein des FS. Les moyens et les
outils mis à la disposition des Programmes Élargis de
Vaccinations (PEV) ne sont pas suffisamment opératoires.
Un tableau reprenant toutes les FS existantes par
région sanitaire, selon les principaux indicateurs de santé
établis par le MS pour l'année 2011 se retrouve en annexe
(A5. Formations Sanitaires par région et par types). A cet
effet, il peut être utile, de prêter une attention
particulière aux données correspondant à la région
des Savanes.
- Effectifs
Le Togo est victime d'un problème de disparité
au niveau de ses effectifs. Les ressources humaines intégrées
dans le secteur de la santé publique sont insuffisantes pour consentir
aux besoins de l'ensemble de la population. A ce jour, 80% des personnes
qualifiées se retrouvent en zone urbaine, principalement dans les
agglomérations de Lomé, Kara et Sokodé. La
conséquence directe de cette « coexistence de sur-effectifs et de
sous-effectifs »80 réside en l'iniquité
d'accès des populations aux services de qualité surtout à
l'échelle locale. Une des solutions directes mises en place par les
dispensaires est le recrutement de personnes locales
76
http://www.unicef.org/frdench/infobycountry/togo_statistics.html#88
(page consultée le 07/05/13).
77
http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SH.H2O.SAFE.ZS
(page consultée le 08/05/13).
78
http://main-tendue.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=99:apercu-de-la-situation-sanitaire-du-togo&catid=48:en-detail&Itemid=93
(page consultée le 07/05/13). 79
http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3
(page consultée le 06/05/2013).
80 Jaffré, Y. & Olivier de Sardan, 2003b,
op. cit., p. 80.
45
formées « sur le tas » pour accompagner le
personnel soignant compétent dans leurs tâches. Ce fait
établi a un impact direct sur la qualité des soins
dispensés et renforce les disparités sur le plan de la
santé entre les zones rurales et urbaines. A titre d'exemple, selon les
statistiques sanitaires mondiales 2009 de l'OMS, le Togo, comprend 349
médecins pour la période 20052010. Ce qui représente
approximativement un médecin pour 20.000 habitants (selon l'OMS, la
norme actuellement en vigueur est de 1/10000). En guise de comparaison, la
population belge compte, pour la même période, un médecin
pour 332 habitants81. Bien évidemment, ces données ne
prennent pas en compte les disparités importantes qui persistent entre
les différentes régions administratives à l'échelle
nationale.
Cependant, selon le rapport du MS intitulé « Les
principaux indicateurs de santé pour l'année 2011 »
82, le Togo compte 415 médecins. De plus, celui
précise que le pays compte un médecin pour 8478 habitants. Or, en
observant la situation de plus près, on constate que la population
globale mentionnée, s'élevant à 6.366.984 citoyens,
correspond à un ratio médecin/population de 1/15342. En comparant
ces données avec celle de l'OMS, une erreur de calcul est à
déplorer. Par ailleurs, le pays tout entier, comprend 1937 personnels
infirmiers et sages-femmes représentant une moyenne de 4 ä (ce qui
est considéré comme la norme actuelle suivant les critères
établis par l'OMS).
-- Disponibilité des médicaments
Concernant les fournitures de médicaments essentiels et
leur accessibilité le secteur pharmaceutique est sujet à de
nombreuses défaillances en interne ainsi qu'à une corruption
certaine ; sans mentionner le marché informel de médicaments
fortement implanté et devenu incontrôlable. De plus, on peut
remarquer également, un manque fâcheux de programmes de
sensibilisations vis-à-vis des agents de santé et de terrains
pour faire mieux connaître les méfaits sur la santé
liés à certains produits ou substances consommés et
établir un usage contrôlé de ces médicaments.
En santé publique, le cadre juridique et institutionnel
relève bon nombre d'insuffisances et peine à se pencher
correctement sur les nécessités réelles de ses habitants.
Une coordination plus efficace de ses agissements doit encore être mise
sur pied. En effet, pour ce qui est de la mise en oeuvre de programmes et de
projets dans le secteur de la santé, le MS fait face à des
81
http://www.who.int/whosis/whostat/FR_WHS09_Table6.pdf
(page consultée le 08/05/13). 82
http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3
(page consultée le 06/05/2013).
46
difficultés certaines à identifier, programmer,
investir, exécuter et gérer de façon opérationnelle
les projets relatifs à son domaine. La pérennité des
actions n'est pas toujours assurée et une dépendance excessive se
maintient vis-à-vis de partenaires internationaux.
1.1.2. La région des Savanes
-- Données générales
La région des Savanes se situe à l'extrême
nord du Togo. Sa population avoisine les 850 000 âmes. Elle est
divisée en cinq préfectures (Cinkassé, Kpendjal,
Tandjouaré, Tône et Oti). Son chef-lieu, Dapaong se situe dans la
préfecture de Tône. Cette région aride est la plus pauvre
du Togo. Son orientation économique est majoritairement rurale, la
culture attelée et l'élevage bovin y sont les deux
activités les plus considérées. Son niveau
socio-économique est atypique pour le pays qui y enregistre une
incidence de pauvreté qui dépasse les 90% pour l'année
200983. La région se caractérise également par
un brassage multiethnique. Le peuple le plus représenté est celui
des Moba-Gourma. Font suite les Tchokossi, les NgamGam, les Mossi et les Peuls.
La région est un lieu à la croisée des chemins. Les
échanges y sont omniprésents et les contacts frontaliers
constants. En effet, cette région se situe à proximité de
diverses frontières : le Ghana à l'ouest, le Burkina Faso au nord
et le Bénin à l'est. Le réseau routier est très peu
développé. Beaucoup de villages et de FS sont très
difficiles d'accès, particulièrement durant la saison des
pluies.
La situation sanitaire de la région des Savanes semble
bénéficier d'une légère amélioration au
regard des indicateurs préalablement émis. Ceux-ci sont
fixés autour de quelques thématiques bien précises : la
santé de la mère et de l'enfant, la santé des adolescents,
l'IST/VIH/SIDA/MST, le diabète, le paludisme, l'hyper-tension
artérielle, etc. À titre d'exemple, la couverture en
planification familiale semble s'améliorer quelque peu : il y a quatre
ans, cela concernait 4-5% de la population, en 2012, elle atteint les 12% sur
le plan régional84. Par ailleurs, au sujet des Consultations
Prénatales (CPN), l'objectif national est de 80%, il s'avère que
certains centres de santé isolés voient leur taux de
fréquentation de CPN dépasser ce taux. Cela reste toutefois rare,
étant donné qu'une CPN complète comporte quatre
séances. Peu de femmes vont effectivement aux quatre consultations
recommandées85.
À l'instar du pays tout entier, le paludisme reste
à ce jour la première cause de consultation dans la
région. Néanmoins, les statistiques officielles recensent sous
une même toile les cas suspects et les cas confirmés de paludisme.
Cela est notamment dû au manque de
83
http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/scr/2010/cr1033f.pdf
(page consultée le 18/05/13).
84 Témoignage anonyme, employé de
3ASC.
85 Ibid.
47
moyens pour détecter correctement les symptômes
de cette maladie infectieuse. En effet, la plus grande partie des FS de la
région se voient démunies de laboratoires capables d'effectuer
des analyses approfondies. Les moyens manquent, mais au travers du protocole
national et suite à l'appui du Fonds mondial, des campagnes
poussées dans ce domaine ont pu être réalisés ;
d'une part, en vulgarisant les Test de Diagnostic Rapide (TDR) et les
Combinaisons Thérapeutiques à base d'Artémisinine (CTA),
et d'autre part, en effectuant des sensibilisations massives. Par cette
stratégie, les cas de paludisme ont pu être confirmés avant
d'être traités.
Cette situation a permis d'améliorer les diagnostics et
de révéler de façon plus précise les
symptômes des malades se rendant dans un centre de santé. Entre
temps il est vrai, que nombre de structures sanitaires en
périphérie sont en rupture de stock et ne peuvent plus
émettre un diagnostic aussi précis. En conséquence, par
mesure de prévention ou à défaut d'autres
possibilités de traitements, nombreux sont les patients qui se verront
traités comme des cas de paludisme par le seul fait qu'ils
développent des symptômes relativement similaires.
Néanmoins, la situation globale ne semble pas s'être
améliorée : les dommages sont toujours aussi importants. Le poids
des us et coutumes doit également être pris en compte pour une
meilleure compréhension des agissements de chacun.
-- Infrastructures
Les conditions dans lesquelles se trouvent les centres de
santé avancés ne sont pas dignes de leur nom. La rareté de
l'eau potable et de l'électricité pose un problème
partout. Les forages ne sont pas règle commune et dans certains cas on
demande même aux patients, notamment aux femmes sur le point d'accoucher,
de se présenter au centre de santé avec leur propre
réserve d'eau. Quelques dispensaires sont dotés de plaques
solaires reçues par diverses ONG dans le passé. Cependant, elles
ne sont plus toutes fonctionnelles aujourd'hui, problème dû
notamment au manque de moyens pour les entretenir. L'hygiène y est
minime et hors-norme. Les équipements sont précaires, le manque
de moyens et de matériels n'étonne plus personne, le nombre de
lits est très restreint et dans un état insalubre, les ambulances
se comptent sur les doigts d'une main pour l'ensemble de la région des
Savanes et les systèmes logistiques sont fort peu
développés.
Suivant les derniers recensements du MS togolais de
2010-201186, il existe un hôpital, secteur privé et
publique confondus, pour 124.843 togolais. Suivant les mêmes
données, les
86
http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3.
(page consultée le 20/05/2013).
habitants de la région des Savanes,
bénéficient d'un hôpital pour 141.957 personnes. Toutefois,
en incluant les USP et les Cabinets médicaux privés, on retrouve
une FS conforme aux normes en vigueur pour une moyenne de 10500 habitants dans
la région des Savanes. A l'échelle nationale, les mêmes
données présentent une FS pour une population supérieure
à 7000 habitants. Au regard du tableau des Formations Sanitaires par
régions et par types (A5. Tableau des Formations Sanitaires par
régions et par types)87, il est constatable que la
région des Savanes est celle qui est le moins bien desservie par des FS
conformes aux normes.
-- Effectifs
Selon les données du MS, la région des Savanes
possède 14 médecins88 à son actif. La
région des Savanes est celle qui détient le moins de
professionnels qualifiés dans le domaine de la santé. Les aides
soignants font toutefois exception au schéma actuel : avec un total de
119 personnes en exercice, la région des Savanes est celle qui en
accueille le plus grand nombre.
À titre d'exemple, voici deux graphiques relatifs au
district sanitaire de Kpendjal reprenant d'une part, la proportion du personnel
qualifié et non qualifié dans le district sanitaire de Kpendjal
en 2009 (à gauche) et d'autre part l'évolution du personnel
qualifié de 2004 à 2009 (à droite) :
Figure 3 : Effectifs du personnel de santé dans le
district sanitaire de Kpendjal89
![](La-sante-communautaire-dans-la-region-des-savanes-Togo-Une-etude-de-cas-sur-les-commissions-san7.png)
48
87
http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3.
(page consultée le 20/05/2013).
88 Ibid.
89Dr. TCHALLA, A., M.-Essoh (DPS Kpendjal), Rapport
des activités du district sanitaire de Kpendjal, document 3ASC, 2009, p.
11.
49
1.2.Les politiques de santé publique
Il est aujourd'hui admis que les politiques publiques en
matière de santé sont principalement régies par les
instances de l'OMS. Elles se positionnent en première ligne dans
l'identification et l'élaboration de solutions dites techniques, aux
problèmes de santé publique90.
1.2.1. La conférence d'Alma-Ata
La conférence d'Alma-Ata en 1978 est
considérée comme le point de départ de la marche à
suivre concernant l'ensemble des réformes en matière de
santé, notamment en Afrique Subsaharienne. Cet
événement-phare, en matière de politique de santé,
préconisé par l'OMS, avait pour ambition d'apporter un autre type
de solutions aux problèmes généraux de santé qui
persistaient dans cette région en redéfinissant « les
groupes cibles, les activités prioritaires, et le rôle de la
participation de la population dans le processus de développement
»91.
A l'issue d'Alma-Ata, dix recommandations constitueront les
termes fondamentaux de toutes stratégies sanitaires dans les pays
concernés, et notamment au Togo. Ce faisant, ces termes repris dans des
cas de figures fort divers peuvent être définis suivant quelques
thématiques bien précises : « les soins de santé
primaires, les programmes verticaux, la constitution d'un système de
santé pyramidal et le recouvrement des coûts »92.
Le contenu de ces quatre thématiques est développé en
annexe (A6. Conférence d'Alma-Ata de 1978 : quatre
thématiques).
De manière générale, Alma-Ata ne peut
avoir pour mérite que l'audace d'avoir souligné la
nécessité de changer l'orientation politique en matière de
stratégie sanitaire. Car, pour le reste, « la faible performance du
modèle populiste des soins de santé primaires n'a pas permis de
pallier la faillite du système de santé d'États qui
étaient d'autant moins capables d'assurer cette fonction protectrice
qu'ils entraient dans une zone de turbulence économique et politique qui
s'amplifiait à partir des années 1980 »93.
90 Brunet-Jailly, J., 2000. « La politique
publique en matière de santé dans les faits en Afrique de l'Ouest
francophone, in Gruénais, M.-E. & Pourtier, R., « La
santé en Afrique : anciens et nouveaux défis », Afrique
Contemporaine, 195, p. 192.
91 Van Lerberghe, W. & De Brouwere, V., 2000,
« État de santé et santé de l'État en Afrique
subsaharienne ». In Gruénais, M.-E. & Pourtier, R.,
« La santé en Afrique : anciens et nouveaux défis »,
Afrique Contemporaine, 195, p. 182.
92 Brunet-Jailly, J., Ibid.
93 Gruénais, M.-E., 2001a. op. cit.,
p. 2.
50
1.2.2. L'Initiative de Bamako
Les PAS engendrant le conditionnement de l'aide au
développement, gangrénèrent principalement le secteur de
l'éducation et de la santé publique en Afrique de l'Ouest, ce qui
rendit le système de santé dysfonctionnel, aux niveaux aussi bien
matériel, structurel, financier qu'humain. Cette situation amena
progressivement les acteurs de la scène locale à compenser leurs
pratiques au travers d'autres moyens se voulant de circonstances. De ce fait,
la conception de nouvelles mesures s'imposait. En 1987, l' « initiative de
Bamako » (IB)94 fut l'occasion de proposer une nouvelle
stratégie : « la fourniture de médicaments essentiels pour
tous (É) couplée à l'autofinancement local
»95.
L'implication des collectivités locales dans le domaine
de la santé devint vite une des clefs de voûte dans ce processus.
La participation humaine et financière à l'effort de santé
se vérifia par une certaine amélioration de la situation tant en
termes d'accessibilité que de qualité des soins. En 2002,
83,2%96 des dépenses relatives au secteur de la santé
publique étaient assurées directement par les ménages,
devenant ainsi les premiers contributeurs dans ce domaine, devant
l'État. Les seuls financements alloués par le gouvernement
central suffisent aux salaires des prestataires reconnus par l'État, et
dans certains cas à l'eau et l'électricité des FS. Le
reste des dépenses est géré en interne via les ressources
obtenues grâce aux recouvrements des coûts, établis lors de
l'IB.
En guise d'illustration, voici un schéma reprenant la
part des différents types de financements des activités de
santé dans le district sanitaire de Tône en 201097 :
94 Les principes phares de l'Initiative de Bamako sont
:
- « Donner priorité au développement des
dispensaires du milieu rural pour offrir des soins au plus près
des populations ;
- Introduire les médicaments essentiels et
génériques et les rendre disponibles dans ces dispensaires ;
- Associer la population à l'organisation des
activités de santé ;
- Faire participer la population au financement des soins (les
recouvrements de coût) ;
- Associer la population à la gestion des ressources
destinées aux activités de santé ».
Vu sur :
http://www.memoireonline.com/12/09/3023/m_Gestion-Financiere-et-Comptable-du-Systeme-de-
Sante-au-Togo2.html (page consultée le 11/06/13).
95 Van Lerberghe, W. & De Brouwere, V., op.
cit., p. 187.
96
http://www.who.int/management/working_paper_7_fr_opt.pdf
(page consultée le 17/07/2013)
97 Revue annuelle 2010, Direction Préfectorale
de la Santé de Tône, ECD Tône, 2011.
51
Figure 4 : Part des financements aux activités de
santé dans le district sanitaire de Tône en
201098
![](La-sante-communautaire-dans-la-region-des-savanes-Togo-Une-etude-de-cas-sur-les-commissions-san8.png)
30%
11%
59%
Communauté Etat
Partenaire
1.2.3. La gestion du système de santé :
constats et difficultés
Selon Gruénais, « décentralisation,
autonomie financière et de gestion, participation communautaire, sont
devenus les maîtres-mots des nouveaux systèmes de santé
à développer »99. En effet, « l'importance
du niveau local dans l'organisation du système de santé n'a
cessé de croître depuis la Conférence d'Alma Ata.
Aujourd'hui, plus que jamais, dans la gestion locale de la santé, la
mobilisation communautaire doit être encouragée, entre autres par
la participation de représentants des communautés à des
comités de santé »100 en visant à terme de
passer d'une cogestion à une autogestion101, penchant ainsi
la balance en faveur d'une vision plus horizontale de la santé
publique.
Toujours selon le même analyste, « ces idées
semblent faire leur petit bonhomme de chemin parmi la technocratie et dans
certains pays. Si les gouvernements réussissent à créer
les conditions politiques nécessaires de paix, de stabilité, de
démocratisation, de décentralisation cela donnerait aux
systèmes de santé la possibilité de s'organiser pour
permettre aux citoyens d'exercer ce droit. (É) On ne peut aller de
l'avant si on continue à considérer les populations seulement
comme des « cibles » de l'action sanitaire »102.
Néanmoins, même si les grandes lignes des
politiques à suivre ont bel et bien été tracées en
matière de réorganisation sanitaire et de décentralisation
aux niveaux inférieurs de la pyramide, de nombreux aspects en
matière d'offre et de qualité des soins au niveau
périphérique restent encore à entreprendre. « Les
structures sanitaires sont peu entretenues, et la réduction des
ressources contribue au manque de maintenance, avec pour conséquence
une
98 Document 3ASC, 2010, Revue annuelle 2010, Direction
Préfectorale de la Santé de Tône, ECD Tône, 2011.
99 Gruénais, M.-E., 2001a, op. cit.,
p. 3.
100 Gruénais, M.-E., 2001b, op. cit., p. 69.
101 Médard, J.-F., 2001, « Décentralisation du
système de santé publique et ressources humaines au Cameroun
», in Gruénais, M.-E.,. « Un système de santé en
mutation : le cas du Cameroun », Bulletin de l'APAD, 21, p. 44.
102 Van Lerberghe, W. & De Brouwere, V., op. cit.,
pp. 189-190.
réduction importante de la proportion des structures
sanitaires fonctionnelles. Il est bien difficile alors de parler de
qualité des soins et services, surtout dans un système de
recouvrement des coûts qui semble exclure la partie de la population la
plus démunie, et où la participation communautaire est faible
»103.
1.3.L'organisation du système de santé
« L'organisation du système de santé met en
jeu plusieurs acteurs des secteurs public, paraétatique, privé
à but lucratif, associatif et confessionnel, informel et traditionnel
»104. Nous nous attèlerons à présenter les
protagonistes majeurs, incorporés strictement dans le secteur public.
1.3.1. Le système pyramidal
En matière de santé publique, une
hiérarchie est clairement établie dans ce domaine pour coordonner
l'ensemble des activités menées tant sur le plan
fédéral que sur les entités fédérées.
A cet effet, « les systèmes de santé en Afrique, à
l'instar des autres secteurs d'intervention des projets de développement
et des politiques publiques, font l'objet, depuis plusieurs années, de
mesures de décentralisation et de redéfinition des relations
entre le centre (l'État, ici représenté par les
administrations centrales des ministères de la santé), et la
périphérie (les structures de soins de première ligne et
les acteurs locaux du développement) »105. On retrouve
donc une pyramide, correspondant à ce schéma, subdivisée
en trois parties - centrale, intermédiaire et périphérique
-, permettant de se rendre compte clairement des attributions de chacun.
52
103 Okalla, R., & Le Vigouroux, A., 2001, « Cameroun :
de la réorientation des soins de santé primaires au plan national
de développement sanitaire », in Gruénais, M.-E.,. « Un
système de santé en mutation : le cas du Cameroun »,
Bulletin de l'APAD, 21, p. 22.
104
http://www.who.int/management/working_paper_7_fr_opt.pdf
(page consultée le 17/07/2013)
105 Gruénais, M.-E., 2001a, op. cit., p.1.
53
Figure 5 : Les acteurs du système de santé
publique au Togo
![](La-sante-communautaire-dans-la-region-des-savanes-Togo-Une-etude-de-cas-sur-les-commissions-san9.png)
COMITÉS DE GESTION (COGES)
UNITÉS DE SOINS HÔPITAUX DE DISTRICT CENTRES
HOSPITALIERS
POSTES DE SANTÉ PÉRIPHÉRIQUES (USP)
(HD) (I ET II) PRÉFECTORAUX (CHP) (I ET II)
N.B: Chaque région accueille une DRS, un CHR et un
CHU en son sein
CELLULES MUTUALISTES DE BASE (CMB)
CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL (CHR)
DIRECTION RÉGIONALE DE LA SANTÉ
(DRS)
DIRECTION PRÉFECTORALE DE LA
SANTÉ
(DPS)
DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ
(DGS)
NIVEAU INTERMÉDIAIRE
NIVEAU PÉRIPHÉRIQUE
MINISTÈRE DE LA SANTÉ (MS)
NIVEAU CENTRAL
DIRECTEUR DE CABINET
CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE (CHU)
AGENTS DE
SANTÉ COMMUNAUTAIRES (ASC)
COMMISSIONS SANTÉ (CS)
Il est nécessaire de préciser qu'au sein de
cette pyramide, le niveau périphérique n'illustre pas l'ensemble
des acteurs existants. Il relève uniquement des protagonistes sous la
charge, d'une part de la DPS, et d'autre part des USP des districts sanitaires
investigués.
Nous invitons le lecteur à se rendre en annexe (A7.
Acteurs de la pyramide sanitaire), pour obtenir une explication
approfondie relative aux acteurs mentionnés ci-dessus.
Selon Médard, « la distinction entre les niveau
central, intermédiaire et périphérique, correspond grosso
modo à une distinction entre les niveaux stratégique, technique
et opérationnel. Si l'on trouve au niveau provincial, des hôpitaux
de province, et au niveau central, des hôpitaux centraux et de
référence, c'est autour du district de santé que se
concrétise véritablement la politique de décentralisation
»106.
106 Médard, J.-F., op. cit., p. 36.
54
De ce fait, étant donné la situation en
présence, « comment, concrètement, à l'échelle
locale, l'ensemble des composantes constitutives des districts sanitaires,
désormais l'unité privilégiée des systèmes
de santé, se positionnent-elles ? »107.
1.3.2. Le district sanitaire
Lors de la Conférence de Harare en 1987, l'OMS parvint
à recadrer le débat autour de la notion de « district de
santé ». Celui-ci peut-être défini comme suit : «
le district sanitaire est l'unité opérationnelle du
système de santé permettant la mise en oeuvre des soins de
santé primaire. Il regroupe l'ensemble des structures sanitaires
publiques et privées sur son territoire qui offre aux populations des
soins essentiels dans l'équité et la justice. Il est
également l'unité planificatrice qui détermine et organise
les activités nécessaires à la prise en charge optimale
des problèmes de santé des populations avec leur pleine
participation. Il dessert une population bien définie vivant dans une
zone administrative et géographique précise qu'elle soit urbaine
ou rurale »108.
La valorisation du district, en tant qu'acteur de plus en plus
autonome, dans le cadre des politiques de décentralisation, était
estimée comme acceptable d'un point de vue strictement financier. De
plus, cette disposition permettait une forme de stabilité contre le
climat d'incertitude instauré par des crises récurrentes et une
dépendance continuelle vis-à-vis des investisseurs
étrangers. « L'enjeu des réformes est donc de mettre en
place, sur l'ensemble du territoire national, des systèmes de
santé locaux autonomes et dispensant des soins de qualité,
organisant notamment la référence entre des structures de soins
situées à différents niveau de la pyramide sanitaire, et
qui gèrent eux-mêmes les recettes provenant des consultations, des
examens et de la vente des médicaments génériques
»109. Ces « centres de santé intégrés
» furent considérés comme les seules structures pouvant
répondre aux attentes des populations en matière de soins de
santé de base.
Le district de santé se divise lui-même en
plusieurs aires sanitaires, qui se définissent comme des zones
géographiques composées de quelques villages, gravitant autour
d'un centre de santé reconnu par l'État, avec une population
moyenne de 5000 à 15.000 habitants.
Comme le précise Gruénais, « un des
instruments essentiel de ces nouvelles politiques de santé est
l'établissement d'une carte sanitaire au sein de laquelle on identifie
des aires de santé, devant être desservies par des centres de
santé dits « intégrés », regroupées au
sein d'un district de santé dont la structure de référence
est l'hôpital de district »110.
107 Gruénais, M.-E., 2001a, op. cit., p. 3.
108
http://persocite.francite.com/districtsanitaire/presentation.html
(page consultée le 09/06/2013).
109 Gruénais, M.-E., 2001a, Ibid., p. 2.
110 Gruénais, M.-E., 2001a, Ibid., p. 5.
55
1.3.3. Organisation du système de santé
dans les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône
Les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et
Tône, détiennent respectivement quatorze aires sanitaires (pour
une population estimée à 120.000 habitants en 2009), seize aires
sanitaires (pour une population évaluée à plus de 125.000
habitants en 2011) et dix-neuf aires sanitaires (pour une population avoisinant
les 300.000 personnes en 2010). Ce dernier accueille en son sein le chef-lieu
de la région des Savanes, Dapaong. Parmi ces trois districts
l'accessibilité géographique des FS est estimée entre 40%
et 45%111.
Suivant la description établie dans le système
pyramidal, les DPS ont sous leur charge plusieurs structures de soins agissant
à l'échelle la plus retreinte : les Centres Hospitaliers
Préfectoraux (CHP), les Hôpitaux de District (HD), les USP et les
Postes de Santé. A l'exception des USP, des précisions concernant
l'ensemble de ces différentes structures se retrouvent en annexe
(A8. Acteurs du niveau périphérique).
1.3.3.1. Les Unités de Soins
Périphériques
Les Unités de Soins Périphériques sont
les premiers niveaux de soins qui se veulent professionnalisées et
représentent généralement le seul lien qui soit entretenu
par les populations rurales avec un centre de soins reconnu par l'État.
En ce qui concerne « l'option stratégique de renforcement des soins
de santé primaires, l'Unité de Soins Périphérique
est appelée à jouer le rôle d'interface entre la
communauté et les services de santé et à servir de cadre
de dispensation de soins intégrés, continus et globaux
»112.
Voici un descriptif relatif à l'environnement sanitaire
des USP suivant, notamment, les principes établis par la DGS en
février 2001 dans un document intitulé « Normes du district
sanitaire au Togo »113.
Au sein de chaque district, on retrouve deux types d'USP qui
se définissent en fonction d'un certain nombre de critères,
à savoir :
-- USP I : Ce dispensaire déploie ses activités
sur une population comprise entre 5.000 et 15.000 habitants. On y retrouve
habituellement cinq lits, dont quatre sont destinés à la
maternité. Généralement, il s'agit d'un seul et unique
bâtiment destiné aux soins
111 Dr. TCHALLA, A., M.-Essoh (DPS Kpendjal), Rapport des
activités du district sanitaire de Kpendjal, document 3ASC, 2009, p. 11.
112
http://www.aho.afro.who.int/profiles_information/index.php/Togo:Context_and_background_of_the_health_s
ystem/fr (page consultée le 04/06/2013).
113 Ministère de la santé, Direction
Générale de la santé, « Normes du district sanitaire
au Togo », République Togolaise, Février 2001.
56
curatifs, à la planification familiale, à la
maternité et à la pharmacie. À cela s'ajoutent, en
principe, les logements du personnel et les annexes qui se retrouvent
également sur le site du dispensaire. Officiellement, le personnel se
compose d'infirmiers d'État, d'une accoucheuse auxiliaire, d'un
assistant d'hygiène et d'un aide-soignant. Dans les faits, cette
assignation est nettement moins bien définie. Un panel de prestataires
ont subi des formations pratiques « sur le tas » et sont, de toute
évidence, sous-qualifiés au regard des responsabilités
qu'ils ont à encourir au quotidien.
-- USP II : Cette structure de soins est un centre
médical, placé dans le meilleur des cas, sous la direction d'un
médecin. Il est conçu pour une population supérieure
à 15.000 habitants avec une moyenne de 16 lits à l'attention des
soins curatifs et de la maternité. L'agencement de l'espace est
destiné aux services de soins. Toutefois, un bloc supplémentaire
à destination de la Planification Familiale (PF) et de la
maternité est mis sur pied. S'y ajoute, a priori, un
laboratoire, un dépôt de médicaments et une unité de
mise en observation des malades. Officiellement, le personnel se compose d'un
médecin (ou assistant médical à défaut), d'un
infirmier (dont un infirmier diplômé d'État), d'un infirmer
auxiliaire, d'une sage-femme, d'un laborantin, d'une accoucheuse auxiliaire et
d'un manoeuvre.
Il est à mentionner que le Paquet Minimum
d'Activités (PMA) qui y sont déployées - dans les deux
types d'USP - se réfèrent à des soins :
-- Préventifs (vaccination, CPN, assistance à
l'accouchement, consultation postnatale, consultation des nourrissons,
prévention des épidémies) ;
-- Promotionnels (planification familiale, lutte contre
IST/VIH/SIDA, hygiène et assainissement de base, organisation de la
participation communautaire et du partenariat) ;
-- Curatifs (prise en charge des malades, examens
complémentaires de diagnostic, assistance psychosociale).
Excepté les prestataires reconnus par l'État (se
limitant le plus souvent au RFS), le personnel soignant de l'USP est
rémunéré uniquement par les fonds
générés par les activités mêmes du
dispensaire. Le COGES est l'organe chargé de la gestion
financière de l'USP.
Bien que la composition du personnel de santé varie
d'une USP à l'autre, voici l'organigramme de l'USP (de type I) de
Kourientre, Tône afin de visualiser plus concrètement le statut de
l'ensemble des prestataires en présence :
57
Figure 6 : Organigramme de l'USP de Kourientre,
Tône
![](La-sante-communautaire-dans-la-region-des-savanes-Togo-Une-etude-de-cas-sur-les-commissions-san10.png)
Dans ce cadre, l'USP ne peut
entreprendre l'ensemble des tâches qui lui reviennent. C'est pourquoi une
pléthore d'acteurs - au même titre que les CS - agit au niveau
local pour être, a priori, en étroite et directe relation
avec les populations villageoises. Tous ces protagonistes furent mis sur pied
au travers des initiatives gouvernementales, en partenariat avec des bailleurs
de fonds internationaux ayant délégué
l'élaboration, la prise en charge et le suivi à des ONG locales,
telles que 3ASC. Ces agents de développement apparaissent comme le lien
nécessaire entre ces projets exogènes et les populations «
bénéficiaires ». « C'est par eux que les institutions
de développement, qui sont leurs employeurs, passent pour s'adresser
« en bout de chaîne » aux destinataires du
développement. Ce sont eux qui doivent faire passer le « message
technique » aux « populations-cibles » ou qui sont
chargées, de façon plus générale et plus vague, de
« sensibiliser » ou de « conscientiser » les «
communautés villageoises ». C'est en grande partie à leur
niveau et par leur intermédiaire que le monde des «
développés » et celui des « développeurs »
entrent en interaction »114.
L'ensemble de ces « représentants » sous la
tutelle de l'USP se retrouve dans la section II. 1.3.1. Le système
pyramidal au niveau périphérique. Pour obtenir une
brève explication quant à ces différents types d'acteurs,
leurs fonctions et leur participation dans le domaine sanitaire nous incitons
le lecteur à se rendre en annexe (A9. Acteurs sous la charge de
l'USP).
Pour obtenir davantage d'informations sur les USP
visitées, un document descriptif relatif à l'environnement
observé de ces Unités de Soins Périphériques se
trouve en annexe (A10. Unités de soins périphériques :
contextualisation).
Les activités de coordination de l'ensemble des
structures existantes en périphérie semblent fonctionner
correctement. Sur une base mensuelle et annuelle, chaque district se
réunit en présence des RFS de chaque USP, du Directeur
Préfectoral de la Santé (DRS) et éventuellement avec
l'équipe cadre du district. Chaque RFS présente ses rapports
d'activités,
114 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 154.
58
incluant des données et des statistiques sur
l'organisation de son USP. Ces réunions sont l'occasion de mettre au
grand jour les difficultés techniques et organisationnelles au niveau du
district.
A un niveau plus large, en plus des réunions mensuelles
de coordination des activités de la santé, une réunion
annuelle rassemblant toutes les institutions publiques de la région
axées dans le domaine de la santé a lieu dans le but de
présenter leurs activités et bilans passés ainsi que les
programmes à venir. De plus, de par la situation géographique de
la région des Savanes, des réunions transfrontalières se
tiennent entre les USP frontalières et des centres de santé des
pays limitrophes confrontés à des problèmes communs.
Sachant que les populations villageoises frontalières sont
amenées à fréquenter les USP de part et d'autre de la
frontière, suivant les avantages que cela apporte, des stratégies
communes et des concertations sont nécessaires pour une meilleure
coordination de leurs actions.
Il n'est sans rappeler que parallèlement aux services
déployés par les services de la santé publique, on
retrouve également des infrastructures issues des domaines
privés, confessionnels et - dans une certaine mesure - informels.
Il s'agit, à ce stade ci, de présenter la
genèse des CS ainsi que leur situation actuelle, principalement à
travers l'implication de l'ONG 3ASC, dans le but de comprendre, a
posteriori, les difficultés rencontrées et les «
coping stratégies »115 déployées par
cet organe sur la sphère sanitaire locale.
2. LES COMMISSIONS SANTÉ
Afin d'avoir une vision synthétique du positionnement
des CS dans l'arène sanitaire locale ainsi que de leur rôle et
fonctionnement propre, nous proposons le schéma sur la page suivante.
Celui-ci sera d'un appui fondamental au cours de la présentation des CS
et tout au long de notre analyse.
115 Olivier de Sardan, J.-P., 2003, « Pourquoi le malade
anonyme est-il si « mal traité » ? Culture bureaucratique
commune et culture professionnelle de la santé », in Jaffré,
Y. & Olivier de Sardan, J.-P., Une médecine
inhospitalière. Les difficiles relations entre soignants et
soignés dans cinq capitales d'Afrique de l'Ouest, Karthala, Paris,
p. 292.
Figure 7 : Présentation schématique des CS
au sein du « Projet Intégré de Santé dans la
région des Savanes »
Sensibilisation
Construction de latrines
Participant
Mobilisateur
Stratégies
avancées & PEV
Conflits
intercommunautaires
Activités
champêtres
Villages
Amélioration de l'offre et la qualité des soins de
santé
Représentation villageoise
Villages oubliés
Facteurs externes
Réunions
Conseiller
Secrétaire
Président
Membres
Rôles
Éloignement géographique
Construction de cuisines
USP
Activités
Entretien
Fonctionnement interne
Compétences et formations
Actions et activités
USP
Dysfonctionnements internes
Médecine
«traditionnelle»
Supervision
CS
Motivation
LC
3ASC
Intervenants externes
Soutien aux USP
Consternation
Raisons
Autofinancement
«Mécanismes de débrouille»
Réappropriation des tâches du COGES
Perspective historique
CPE
Relations de
proximité
Double statut
ASC
GPC
Problèmes et difficultés
JARC
Utilisation de leur statut
CVD
COGES
Acteurs impliqués
Abandon
(retrait, décès)
Membres des CMB
Thérapeutes traditionnels
Composition des effectifs
Mauvaise
compréhension
des objectifs du projet
RFS
Autorités
administratives et locales des cantons
Club des mères
Représentativité non exhaustive
Mauvaise répartition
Assitant 3ASC
![](La-sante-communautaire-dans-la-region-des-savanes-Togo-Une-etude-de-cas-sur-les-commissions-san11.png)
59
60
Nous proposerons, à ce stade-ci, de mettre en avant
l'ensemble des caractéristiques qui régissent les CS. En allant
des aspects historiques jusqu'à à la situation actuelle, nous
nous attèlerons à illustrer l'ensemble des composantes qui font
vivre cet organe.
2.1.Historique
2.1.1. La création des Commissions
Santé
Ces CS ont été constituées fin 2008 dans
le cadre du « Projet Intégré de Santé dans la
région des Savanes » élaboré par LC et piloté
par l'ONG 3ASC. Ces groupements sont venus en appui direct aux prestataires de
vingt-deux USP de la région des Savanes. Comme mentionné
précédemment, la mise en place de ce nouveau dispositif
avait notamment pour ambition de concilier les difficultés
relatives à la santé des populations villageoises et les
préoccupations locales en matière de représentation des
intérêts de ces habitants. Pour ce faire, la création d'un
organe susceptible de répondre à ces deux axes est apparue
nécessaire aux yeux de 3ASC.
Ces groupements s'inspirent amplement des expériences
passées :
« Il y avait un programme qui travaillait sur ces aspects
là, de l'appui aux activités de santé communautaire
surtout dans la préfecture de Kpendjal, c'était financé
par Louvain-développement. Il fallait que les villages soient
organisés pour participer surtout à la prise en charge de
résolution des problèmes qui se posent à eux. (É)
Il fallait sélectionner les villages en question pour encadrer ce
programme là, et après leur sélection, il fallait un
processus de mise en place de ces comités villageois qu'on appelait les
COSAN. Il fallait procéder à ce qu'on appelle un diagnostique
participatif avec les villageois avec une méthode qu'on appelait la
méthode MARP116, c'est-à-dire la méthode
accélérée de recherche participative. Donc c'était
avec ces outils qu'on amenait les populations à comprendre qu'ils
avaient des problèmes de santé dans leur milieu et qu'il fallait
s'organiser pour pouvoir régler ces problèmes qui se posent
à eux. (É) Avec ces outils, on les amenait à comprendre
qu'avant même de s'attendre à des appuis il fallait que les
populations soient organisées, donc ça suppose qu'il fallait
mettre en place un comité qui devrait pouvoir vraiment accompagner tout
ce processus de résolution des problèmes de santé dans les
villages. C'est comme ça qu'on est
116 « La vague des méthodes de diagnostic
participatif (É) - et en particulier celle des PRA/Marp - offre une
magnifique illustration de la pertinence du concept de populisme bureaucratique
et de l'enjeu de la prise en compte de l'économie politique de
l'exclusion et de la participation cachée. L'émergence de ces
méthodes se veut une réponse au développement «
descendant », ignorant les réalités locales ». Vu sur :
Lavigne Delville, Ph., « Du nouveau dans la « participation » ?
Populisme bureaucratique, participation cachée, et impératif
délibératif », in Jul-Larsen, E., Laurent, P.-J., Le Meur,
P.-Y., Léonard. (Éds), Une anthropologie entre pouvoirs et
histoire. Conversations autour de l'oeuvre de Jean-Pierre Chauveau,
Paris/Marseille/Uppsala, Karthala-IRD-APAD, p. 169.
61
parvenu à mettre en place à l'époque, ces
groupements, dans quarante villages dans la préfecture de Kpendjal.
(É) Ils prenaient en charge tout ce qui est problème de leur
milieu. Ils devaient travailler avec les populations, par rapport à tout
ce qui est sensibilisation, mobilisation, avec les ASC, les accoucheuses
traditionnelles et aussi ils travaillaient aussi avec la structure sanitaire,
(É) l'entretien des locaux, projets de construction en tout genre,
latrines, cuisines, les points d'eau, etc. (É) Le projet devait aussi
former ce comité là à leur rôle. Des modules ont
été conçus pour voir comment on pouvait renforcer leurs
compétences par rapport au secteur de la santé parce que tout
seul pris comme ça ils ne s'y connaissaient pas, donc même le
concept de santé, c'était pas certains qu'ils maîtrisaient
ça, donc il fallait leur expliquer l'Initiative de Bamako (É),
donc c'est dans cet esprit que Louvain à financé ce projet.
(É) La différence avec les Commissions, c'est que COSAN se
retrouvait au niveau du village, les Commissions au niveau de l'aire sanitaire,
donc un certain nombre de villages qui se retrouvent. Donc si vous voulez,
c'est des Comités Santé qui se retrouvent dans la Commission
Santé au niveau maintenant de la Formation Sanitaire, mais il n'y a
jamais eu coexistence (É) Par après, je pense que le projet a
été repensé un peu, on a trouvé que les COSAN de
l'époque ne se retrouvaient pas fondus dans un organe capable de
discuter avec les prestataires de soins, donc c'était une faiblesse
constatée. Comme ils étaient nombreux et éclatés
dans les villages, c'était difficile à coordonner. Ils
étaient pas très proches des Formations Sanitaires »
[Anonyme, employé de 3ASC].
Suite à la disparition des COSAN, ces
responsabilités furent imputées aux COGES, eux-mêmes
élaborés à travers les mesures qui furent ratifiées
dans le cadre de l'IB. Cependant, les tâches qui leurs furent
attribuées lors de leur création, ne leur permirent pas de
s'impliquer dans de nouvelles applications, telles que l'identification, la
sensibilisation et la résolution de problèmes de santé en
étroite collaboration avec les populations locales. Ce faisant, pour
répondre à ce manque de représentativité
supposé, des CS furent implantées dans le décor sanitaire
suivant l' « existence d'un centre conventionné avec les Mutuelles
de Santé »117 (à l'exception des centres
confessionnels qui ont un autre système de gestion). Toutefois, le
président de la CS de Bogou, Tandjouaré réagit en
mentionnant que « c'est un problème que l'ensemble des aires
sanitaires n'aient pas de CS. Elles deviennent en retard par rapport aux
autres, il doit y avoir des CS dans toutes les aires sanitaires du district
» [Président de la CS de Bogou, Tandjouaré].
117 Document 3ASC, 2008 « Projet Intégré de
santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des
Commissions Santé. (Distinction des tâches CS-COGES) ».
62
2.1.2. Réunion de présentation du
projet
Dans le but de démarrer le projet, vingt-deux
réunions furent organisées représentant les vingt-deux
aires sanitaires retenues, visant à sélectionner et
présenter ces nouveaux protagonistes aux différentes populations
de la région et ainsi obtenir leur adhésion. Cela se produisit en
valorisant d'emblée la place croissante des «
bénéficiaires » dans le processus de décision et de
leur prise en charge médicale. Les séances furent
réalisées en partenariat avec les RFS, le personnel de terrain de
3ASC chargé d'assurer le bon déroulement des activités et
les autorités administratives et locales des cantons. De plus, une
pléthore de groupements prit place dans ce processus.
Lors d'une rencontre avec la CS de Nanergou, Tône, les
membres présents expliquèrent leur vision des
événements qui aboutit à la création de ces
groupements :
« C'est 3ASC qui a envoyé un assistant pour qu'on
installe ça, il est venu nous expliquer pourquoi on veut installer
ça : pour appuyer le COGES, nous n'avons pas le même rôle
qu'eux mais c'est pour les appuyer, c'est pour ça qu'on veut installer
ça, parce que il remarque que un peu partout dans les villages, il y a
des malades qui sont cachés, qui ne veulent pas se présenter au
centre, donc s'il y a ces Commissions Santé, ça peut changer. On
a pris un membre dans chaque quartier de chaque village pour former. Pour
former, ça n'a pas été facile, les gens n'ont pas compris
pourquoi. Pour avoir ce comité, c'était pas facile » [Propos
recueillis par la présidente et le secrétaire de la CS de
Nanergou, Tône].
Sur base de ces propos, il est constatable que les personnes
présentes ont éprouvé quelques difficultés à
percevoir les raisons même de la création d'un tel groupement. Ce
projet exogène semblait rencontrer des complications lors de son
implantation locale. « Un savoir-faire « prend » difficilement
dans un système de sens qui lui est étranger, et selon des
mécanismes fort peu prévisibles a priori »118.
« Interviennent aussi des logiques d'ordre symbolique ou cognitif, de
nature plus implicite. Les malentendus et incompréhension entre
institutions de développement et populations relèvent pour une
part d'un registre de « conceptions latentes » ou de «
représentations sous-jacentes ». Il ne s'agit pas là de
« visions globales du monde » respectivement cohérentes qui
s'affronteraient mais de « blocs culturels particuliers » ou de
« configuration spécifiques de représentations » qui
seraient en décalage (É). Plus simplement et plus
prosaïquement, certaines notions évidentes pour les «
développeurs » ne sont pas partagées par les
développés. [Nous entendons] évidemment par là des
notions qui jouent un rôle direct ou indirect important quant à la
conception ou la mise
118 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 141.
63
en oeuvre d'une action de développement : peu importe
au fond les différences de « conception du monde » (É)
dès lors qu'elles ne sont pas au principe de comportements divergents
autour d'actions de développement (É) Il y a par contre certains
malentendus notionnels qui interviennent directement dans les interactions
entre intervenants et populations »119.
Toutefois, le conseiller de la CS de Bogou tient à
préciser formellement que « son utilité c'est d'aider la
population : de sensibiliser la population pour qu'ils viennent vers le centre
de santé pour se soigner et aider aussi l'infirmier dans sa tâche
de vaccination et de stratégies avancées » [Conseiller de la
CS de Bogou, Tandjouaré].
À la lecture de ces mots, il est admissible de
mentionner que le message du dispositif en place fut, au final, bien
transmis ; sous couvert d'actes philanthropiques, ils servent prioritairement
les intérêts du système en place.
2.1.3. Sélection des effectifs
La CS de Nanergou poursuit son explication en précisant
le processus de mise en place au sein de leur aire sanitaire :
« L'élection n'a pas été très
facile, parce qu'il fallait choisir parmi chaque organisation, chaque
structure, c'est-à-dire, les COGES, GPC [Groupement de Producteurs de
Coton], JARC [Jeunesse Agricole Rurale Catholique], club des mères, les
maraichers, les chefs de villages, groupements de femmes, les CVD
[Comité Villageois de Développement], les Comité de
Parents d'Élèves (CPE), ASC, il y avait un tas de groupements de
personnes, mais c'était pas facile, et pas de distinctions d'ethnies, il
y avait les peuls même. C'est au cours d'un travail organisé, sous
ce manguier là, on décortiquait le maïs quand le
représentant de 3ASC est arrivé. Il était obligé de
faire arrêter nos activités pour qu'il fasse son travail, parce
qu'il y avait beaucoup de monde qu'on a invité d'un peu partout, parfois
de très loin même. [É] Là on a commencé par
choisir les gens un à un, dès fois par rapport à leur
affiliation à d'autres groupes, il y avait les volontaires, on a fait un
vote, on a défini le président, secrétaire, conseiller.
Normalement, chaque village devait être représenté par un
membre mais ce n'était pas toujours le cas. On nous a choisi, on a
accepté, et le travail c'est nous-même qui l'avions
organisé, c'est comme ça qu'on a choisi les membres »
[Propos recueillis par la présidente et le secrétaire de la CS de
Nanergou, Tône].
119 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 139.
64
À l'issue de ces réunions consultatives, les
membres de ces différentes CS ont été formés
à leurs rôles et au concept des SSP dans sa composante
intitulée « gestion communautaire ».
Cette dernière sous-entend une implication des
populations des aires sanitaires dans la résolution des problèmes
de santé au niveau des USP et dans les villages environnants. De ce
fait, le nouvel organe avait pour but premier d'être « le pont entre
l'infirmier et la population » [Conseiller de la CS de Bogou]. Ainsi,
suivant les dires de 3ASC « ils contribuent directement à la
recherche de solutions durables pour une amélioration de l'état
de santé dans les communautés locales. Ils deviennent les
premiers acteurs du changement et se sentent davantage concernés quant
à l'amélioration de la qualité des services au niveau des
FS de leur aire sanitaire »120.
2.2.Présentation
Les vingt-deux CS furent actives, dès décembre
2008, au sein de leur aire sanitaire respective, sur la base des
critères mentionnés ci-dessous.
2.2.1. Définition
L'ONG 3ASC définit une CS de la façon suivante :
« La commission Santé est un organe mis en place
autour d'une formation sanitaire dont le but est de réfléchir et
de discuter des questions liées aux problèmes de la formation
sanitaire dans l'offre des soins des clients ».
2.2.2. Composition
En théorie, la taille d'une Commission Santé
s'échelonne de 5 à 15 membres suivant le nombre de villages dont
dispose l'aire sanitaire. En pratique, il s'avère que cette situation
est loin d'être respectée. De nombreux villages ne sont pas
représentés et semblent laissés à l'écart de
toutes prises de décisions les concernant directement. Il ne nous a pas
été possible d'observer une CS où le nombre de membres
correspondait au nombre de villages représentés dans l'aire
sanitaire en question : les villages éloignés sont la cible d'une
non-intention.
« Il y a certains villages qui n'ont pas de Commissions
Santé, eux ils ne savent pas qu'il y a ce comité-là, donc
si nous organisions des groupes pour aller dans chaque village au moins
120 Document 3ASC, 2008 « Projet Intégré de
santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des
Commissions Sante. (Distinction des tâches CS-COGES) ».
65
une fois dans le mois ou chaque deux mois ils devraient nous
connaître » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].
« Moi je trouve que cette Commission Santé est
trop restreinte, si on pouvait au moins avoir encore plus de membres. Il
faudrait que chaque village, au moins, soit représenté dans cette
Commission Santé. C'est autour du centre que cette CS a
été créée, alors que nous avons des villages
à plus de quatorze kilomètres d'ici, moi je trouve que ce n'est
pas bien comme ça, qu'on est seulement les membres qui sont autour du
centre, alors que le grand problème c'est dans la communauté qui
se trouve très très très éloignés des CS, si
on pouvait élargir un peu. C'est-à-dire, ici quand tu parles avec
et tu vis avec la même personne, là ça se passe. Si ce
n'est pas le cas, c'est beaucoup plus difficile » [RFS de l'USP de Papri,
Kpendjal].
Toutefois selon un employé de 3ASC, une solution
alternative tente d'être élaborée.
« Le problème se pose parce que les Commissions
santé, ça varie quand même le nombre mais quoi qu'on dise
ça ne prend toujours pas en compte le nombre de villages qui constituent
l'aire sanitaire. Mais ce qui se passe, c'est qu'on leur permet de façon
à demi-pratique de déléguer des personnes pour
représenter tous les villages. (É) Mais honnêtement, avec
les Commissions, on ne s'arrête qu'au niveau de l'aire sanitaire, on ne
voit les ramifications au niveau du village. Alors que quoi qu'on dise, il faut
franchement qu'on sente la présence de cet organe à la cellule
villageoise, c'est très important, parce que c'est les villages, la
cellule de base, c'est à ce niveau qu'on doit veiller à la
structuration et puis remonter. La Commission Santé devrait arriver
après qu'on a réussi à asseoir le Comité de
Santé. Moi je pense que si on veut réussir franchement, il faut
qu'au niveau du village ça soit représenté. Et puis les
chances que les Commissions Santé réussissent dépendront
vraiment, si les Comités de Santé aient réussi. Si on peut
revenir à ça, ça peut être quelque chose de
très bien » [Anonyme, employé de 3ASC].
Dans tous les cas, ces groupements se composent toujours d'un
nombre impair de membres, en raison de cette volonté démocratique
permettant aux votants de se départager lors de la prise d'une
décision. De plus, il est constaté une déficience sur le
plan numérique, suite à l'abandon, au retrait ou au
décès de certains depuis la création des CS en 2008. En
guise d'illustration la présidente de la CS de Nanergou, Tône
exprime son mécontentement vis-à-vis d'un ancien membre, dont ils
ont dû se détacher :
« Aujourd'hui c'est toujours les mêmes membres,
sauf quatre personnes qui se sont désistées et deux qui sont
arrivées en cours de route. Il y en a un, il travaillait au CHR,
à chaque fois qu'on voulait se retrouver il ne venait pas, à
chaque fois qu'on lui dit qu'il y a
66
réunion, il est de garde, à chaque fois qu'on
lui parle, il est de garde, mais le moment où on lui dit qu'on a besoin
de lui deux jours pour un recyclage, il est pas de garde, il vient là,
il s'assied deux jours, il prend son argent, il part [le déplacement
durant l'atelier de recyclage étant pris en charge par 3ASC]. C'est un
opportuniste, ça me gêne beaucoup, ça ce n'est pas bien. Il
faut faire d'abord un travail de groupe. Si tu viens au recyclage, tu dois
savoir ce qu'on a fait durant l'année. Aujourd'hui il est parti »
[Présidente de la CS de Nanergou, Tône].
Mis à part le RFS, considéré comme le
responsable du groupement, de nombreux membres à part entière
cumulent une double fonction, qu'elle soit officielle ou non. Nombre d'entre
eux sont intégrés au sein d'un autre groupement villageois
(COGES, CVD, ASC, etc.) ou d'un autre organisme de développement tel que
la Croix-Rouge. D'autres font partie du personnel de santé de l'USP de
leur aire sanitaire, ou encore certains exercent une fonction de
thérapeute traditionnel en parallèle.
Suivant ce dernier aspect, les propos institutionnels à
l'ordre du jour revendiquent ardument une dynamique participative et
représentative qui s'attèle à insérer l'ensemble
des protagonistes inclus dans cette mouvance « communautaire » de la
santé. Même si 3ASC mentionne la faible collaboration en vigueur
avec les thérapeutes traditionnels, cette composante, ne semble
toutefois pas inscrite à l'ordre du jour : aucune mesure actuelle ne
semble vouloir les intégrer dans ce processus. D'un autre
côté, ne sont-ils pas d'une certaine façon des «
experts de la santé locale » ? Suivant ces propos, ne serait-il pas
d'une indubitable nécessité d'intégrer ces
thérapeutes traditionnels parmi les porte-paroles des populations
villageoises ? Nous reviendrons sur ce point dans la section III. 1.1.3. La
médecine « traditionnelle ».
2.2.3. Rôles d'une CS
Le travail attribué au CS se définit suivant
deux axes distincts, considéré par le dispositif comme
intrinsèquement lié : d'une part, l'amélioration de
l'offre et de la qualité des soins et d'autre part, le travail de
représentation visant à défendre les intérêts
et les besoins sanitaires des populations villageoises. En ce sens, l'objectif
affiché est « de renforcer leurs ressources [et] leur pouvoir de
négociation ou de décision (cf. en anglais la notion de
empowerment) »121.
« La Commission Santé existe pour recenser
certains des problèmes qui existent au niveau de l'USP et dans la
communauté. Il y a des difficultés que les patients rencontrent
avec le personnel de l'USP, le personnel aussi a des problèmes avec les
malades. Nous faisons des
121 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 138.
67
efforts pour aider le centre et pour aider nos frères
pour la sensibilisation » [Conseiller de la CS de Bogou,
Tandjouaré].
Les tâches qui leur reviennent sont
énumérées par 3ASC de la façon
suivante122 :
- Elle organise et anime les réunions villageoises ;
- Elle identifie les problèmes de santé avec les
populations ;
- Elle analyse, collabore et trouve des approches de solutions
aux différents problèmes rencontrés dans son aire
sanitaire ;
- Elle traite les problèmes de santé au niveau
communautaire en collaboration avec l'équipe de l'USP ;
- Elle négocie les solutions aux problèmes de
santé à tous les niveaux (USP, District, Région,
Associations/ONG et autres bonnes volontés) ;
- Elle rend compte régulièrement à la
communauté de la situation ;
- Elle cherche toujours ce qui pourrait améliorer la
qualité des soins des populations et sensibilise les communautés
villageoises dans ce sens ;
- Elle appuie les prestataires de soins dans l'organisation
des sensibilisations, des stratégies avancées, les campagnes de
vaccination, etc. ;
- Elle élabore des plans d'actions pour la promotion de
la qualité des soins au niveau de l'aire sanitaire ;
- Elle assiste aux réunions mensuelles de la FS en
fonction de l'ordre du jour ; - Elle produit des rapports à l'issue des
réunions.
« Nous sommes là pour travailler en collaboration
avec le personnel de la santé pour aider à diffuser l'information
au niveau de la communauté et ça va nous permettre à
collecter certains problèmes dans les villages pour ramener au sein du
dispensaire pour qu'il y ait des changements au niveau des prestations, des
malades et pour qu'il y ait un changement aussi au sein du dispensaire, pour
qu'il y ait une grande amélioration de notre aire sanitaire »
[Membre de la CS de Sanfatoute, Tône].
Nous sommes en présence d'une part, de la transmission
d'un message défini unilatérale en provenance du système
en place. D'autre part, pour répondre à cette dynamique «
participative » et « communautaire » au centre du « projet
», une diffusion des attentes des « communautés » se doit
d'être véhiculée.
122 Document 3ASC, 2008 « Projet Intégré de
santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des
Commissions Santé. (Distinction des tâches CS-COGES) ».
68
2.2.4. Rôle des membres des CS
Sur base du document « Projet intégré de
santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des
Commissions Santé »123 rédigé par 3ASC,
voici les différentes fonctions en vigueur au sein d'une CS :
-- Le président
Il convoque et dirige les réunions qui se déroulent
actuellement tous les deux mois. Il est le délégué de la
CS au niveau de la FS.
-- Le secrétaire
Le secrétaire est responsable de la rédaction des
procès-verbaux de réunions, de l'élaboration et de la
conservation des documents administratifs. Il organise, avec l'aide du
président les thématiques abordées lors des
réunions mensuelles.
-- Le mobilisateur
Il élabore avec le RFS le programme d'information,
d'éducation et de sensibilisation de la population et le soumet à
l'adoption au cours de la réunion de la CS. Il coordonne toutes les
activités à base communautaire de l'aire de responsabilité
de la FS.
-- Le conseiller
Il assiste les membres de la CS en leur donnant des conseils
pratiques et veille au bon fonctionnement de l'organe.
-- Les membres
Ils participent et appuient le bureau dans la réalisation
des activités de la CS.
Il est à constater que certains membres des CS
interrogés se proclament eux-mêmes : rapporteur ou encore
trésorier. Cette dernière attribution prendra sens dans la
section III. 2.1. Autofinancement.
D'autres en revanche, ne sont en mesure d'exprimer correctement
leur position. Lors d'un entretien avec un membre de la CS de Bougou,
Tône, notre traducteur apporte une précision :
« Lui il dit, il est là pour contrôler
l'USP, j'ai dit tous les membres sont là pour contrôler mais son
rôle c'est quoi ? Il est président, secrétaire, il est quoi
? Mais il ne répond pas. (É) Il dit hein, qu'on l'a choisi mais
qu'on ne lui a pas montré son rôle ! Il travaille mais il ne
123 Document 3ASC, 2008 « Projet Intégré de
santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des
Commissions Santé. (Distinction des tâches CS-COGES) ».
69
connaît pas son rôle ! » [Traduction de
propos tenus pas un membre de la CS de Bougou, Tône].
2.2.5. Activités réalisées par les
CS
-- Réunion des CS
Initialement, lorsque les formations des CS eurent lieu,
chacune d'entre elles avait retenu une date mensuelle au cours de laquelle les
membres se réuniraient et discuteraient des problèmes
identifiés et des solutions envisageables. Actuellement, les
réunions ne se déroulent plus qu'une fois tous les deux mois.
Mais toutes ne respectent pas les mêmes exigences temporelles : la CS de
Sanfatoute, Tône avait évoqué l'idée d'effectuer des
réunions sur une base trimestrielle.
« On est en train de voir, est-ce qu'il faut faire
ça mensuellement ou trimestriellement. L'année passée, on
faisait des réunions chaque 28 du mois, mais maintenant... (É)
Bon c'est une idée émise, parce que on a pas encore
rencontré tous les membres pour savoir est-ce que c'est bon comme
ça ou pas. (É) La raison, c'est par rapport aux
préoccupations de tout un chacun de nous qui a fait qu'on a émis
l'idée, mais c'est pas encore assuré que ça peut
être comme ça, mais on a pas encore fait la réunion
mensuelle pour rencontrer tous les membres pour voir si ce sera appliqué
» [Membre de la CS de Sanfatoute, Tône].
La CS de Bougou, Tône n'a pas hésité
à mettre cette décision en pratique : elle a effectué
quatre réunions en 2012. Durant les réunions, les CS se penchent
sur un problème particulier inscrit à l'ordre du jour et
planifié dans le plan d'action. Elles élaborent des
activités à mener lors de leurs sorties dans les villages, et
font le bilan de celles qui furent déjà effectuées. Elles
discutent également de la gestion des problèmes ponctuels de
santé et de l'assainissement dans la communauté. Elles dressent
un procès-verbal qui est consigné dans un cahier de rapports.
« Auparavant c'est chaque mois que nous nous retrouvions,
maintenant c'est une fois tous les deux mois. Nous discutons des
problèmes que nous rencontrons. Il manque telle chose, telle chose, nous
marquons tout ça dans le cahier au cours de la réunion où
le responsable est là. Actuellement nous n'avons pas
d'incinérateur par exemple, il faut aller incinérer les choses
jusqu'à Naki-Ouest. Aussi, nous demandons le logement du personnel
depuis ouh.. Vous voyez-là, c'est un logement ça. Jusqu'alors
nous demandons mais ça ne passe pas. Donc chaque année nous
posons nos doléances mais rien ne change » [Secrétaire de la
CS de Nanergou, Tône].
70
-- Activités au sein des
villages
Suivant le plan d'action établi, les CS se penchent sur
l'organisation des activités à mener au sein de l'USP et dans les
villages. Pour ce faire quelques points doivent être clarifiés. Le
conseiller de la CS de Bogou, nous explique le processus qu'ils ont
établi lors de leurs sorties dans des villages de leur aire sanitaire
:
« Avant de sortir, il faut d'abord une réunion
préparatoire. Quand vous préparez la réunion, vous avez le
thème que vous allez aborder avec la population. Maintenant, avant
d'aborder la population, il faut les aviser. Quand nous sortons, les
responsables ont été informés, le centre est
informé comme on travaille en collaboration. Dès fois, nous
sommes accompagnés d'un ASC du village pour nous appuyer. [É] On
aborde des thèmes différents, ça dépend.
Aujourd'hui on peut parler de la consultation prénatale, pourquoi faire
la consultation prénatale ? Pourquoi se faire consulter à
l'hôpital quand on a une grossesse ? Pourquoi il ne faut pas accoucher
à la maison ? Tout ça est abordé. Demain on aborde un
autre thème, le paludisme, la planification familiale, la mutuelle, tout
ça là » [Conseiller de la CS de Bogou,
Tandjouaré].
De plus, les CS organisent et participent aux activités
d'entretien de leur USP et des autres lieux publics (marchés, routes,
les lieux de réunions).
3. CONCLUSION
L'étude du système de santé aux niveaux
national et régional - à travers une remise en contexte de
l'état sanitaire actuel du Togo et de la région des Savanes, une
esquisse des différentes politiques publiques menées en
matière de santé et une vision d'ensemble de l'organisation du
système ainsi que des politiques de santé - nous a permis de
faire émerger les causes et les défaillances relatives à
la situation sanitaire actuelle. Par ailleurs, nous nous sommes
attaché à présenter l'organe intitulé «
Commissions Santé » au travers de quelques illustrations pour faire
vivre cet organe se voulant « participatif ».
A cet effet, nous pouvons nous considérer comme
satisfait quant au fait de détenir une compréhension
générale sur les difficultés auxquelles se heurte le
système d'offre et de qualité de soins, mis en place à
l'attention des populations villageoises. De plus, nous estimons être en
possession d'outils suffisants pour mener plus avant notre orientation
analytique.
71
III. ÉTUDE DE CAS : LES COMMISSIONS
SANTÉ, CONFIGURATIONS EXTERNES ET ADAPTATIONS INTERNES
Dans ce chapitre, il sera question, à travers nos
hypothèses, de répondre à notre question de recherche,
préalablement posée (voir I. 2.2. Question de recherche)
et qui fut définie en ces termes :
« Dans quelle mesure, l'insertion des Commissions
Santé sur la scène sanitaire locale Ð à travers l'ONG
3ASC Ð permet-elle l'élaboration d'une dynamique «
participative » véritablement endogène ? »
Pour évaluer l'implication des CS dans le décor
sanitaire, nous nous efforcerons donc de percevoir la mise en oeuvre effective
du « Projet Intégré de santé dans la région
des Savanes ». Pour ce faire, nous analyserons d'une part, les nombreuses
complications auxquelles se heurtent les CS en raison du caractère
dysfonctionnel du projet, d'autre part, en réponse à la situation
en présence, nous tenterons de faire apparaître les «
mécanismes de débrouille » déployés par cet
organe en guise de solution « adaptative ».
À cette fin, nous diviserons notre chapitre en deux
parties conséquentes, relatives à nos deux hypothèses,
pour subdiviser l'analyse en fonction des différents aspects
abordés.
1. MANQUE D'EFFICACITÉ ET DYSFONCTIONNEMENTS
Nous souhaitons maintenant examiner l'insertion des CS sur la
scène sanitaire locale à travers le « Projet
Intégré de santé dans la région des Savanes »
piloté par 3ASC. Nous avons pris connaissance dans la section II.
2.2.3. Rôle d'une CS, des implications normatives qui leur furent
assignées lors de leur création. Les CS sont donc d'une certaine
manière contraintes de répondre à une telle demande
exogène, qui voit en elles « l'interface incontournable entre [le]
« projet » et ses « destinataires »
»124.
124 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 153.
72
Cette première partie aura donc pour but de
refléter notre première hypothèse, qui fut
présentée de la façon suivante (voir I. 2.3.
Hypothèses) :
« Les Commissions Santé font preuve d'un
manque d'efficacité - dans le cadre du « Projet
Intégré de santé dans la région des Savanes »
- suite à des dysfonctionnements internes »
Selon Weber125 « dans tous les domaines
(État, Église, armée, entreprise économique,
groupement d'intérêts, association, fondation, etc.), le
développement des formes « modernes » de groupement
s'identifie tout simplement au développement et à la progression
constante de l'administration bureaucratique ». Les CS semblent n'y
échapper sous aucun prétexte : leurs membres sont «
personnellement libres, n'obéissent qu'aux devoirs objectifs de leur
fonction ; dans une hiérarchie de la fonction solidement établie
; avec des compétences de la fonction solidement établies ; en
vertu d'un contrat (en principe) sur le fondement d'une sélection
ouverte selon : la qualification professionnelle (É), [elles]
travaillent totalement « séparées des moyens
d'administration » et sans appropriation de leurs emplois ».
Cependant, certaines conditions ne semblent pas remplies pour coïncider
concrètement avec cette vision « idéal-typique » : le
fait de toucher un salaire - ils sont en effet bénévoles -, de
traiter « leur fonction comme unique ou principale profession » - ils
sont en très grande majorité paysans ou agriculteurs -, de voir
« s'ouvrir à eux une carrière, un « avancement »
selon l'ancienneté ou selon les prestations de service, ou encore selon
les deux », et enfin d' « être soumis à une discipline
stricte et homogène de leur fonction et à un contrôle
», se traduisant dans le cas présent par une forme d'encadrement de
leurs activités.
Ce dispositif présente une situation
périlleuse, qui ne remplit pas l'ensemble des conditions
nécessaires pour que les décisionnaires du développement
local aient sous leur charge des individus capables d'assumer les
responsabilités qui leurs ont été allouées. Ainsi,
les intervenants externes, à la base de leur création, tentent de
dégager une fonctionnalité dans ces groupements, en dépit
des moyens limités et ressources insuffisantes dont ils disposent.
Cette « configuration développementiste
»126 tente quelque peu de limiter les « écarts
»127 entre les actions menés et les résultats
véritables. Du moins, cette dimension vise à les
125
http://pedagogie2.ac-reunion.fr/ses/textes/Weber/burau.htm
(page consultée le 27/07/2013)
126 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit.
127 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 47.
73
« interpréter sans que soit remis en cause le
système de valeurs du populisme bureaucratique »128.
Il s'agira de rendre compte des dysfonctionnements qui
résultent de l'application d'une vision bureaucratique,
vulnérable sur bien des points. « Certains thèmes «
marchent », d'autres ne « marchent » pas. La cohérence
technique des projets (É) sous forme de « paquets techniques »
est donc ainsi quasi systématiquement désarticulée, ce qui
entraîne éventuellement un certain nombre « d'effets pervers
», qui neutralisent l'efficacité des améliorations
proposées ou sont même franchement négatifs
»129.
Le « Projet Intégré de santé dans la
région des Savanes », accompagné d'un « univers
langagier [propre] aux institutions de développement
»130 cherche à s'insérer sur la scène
locale. Mais son emprise est ressentie comme difficile parmi ses nouveaux
« représentants ». Nous parlons ici de la confrontation entre
deux mondes qui peinent, dans nombre de cas, à trouver un terrain commun
qui satisfasse véritablement les acteurs de développement externe
à la configuration locale. « Les « développés
» n'ont pas les mêmes références culturelles et
professionnelles, et sont soumis à de toutes autres contraintes que les
« développeurs ». C'est le paradoxe du
langage-développement que d'être censé s'adresser aux
développés alors qu'il ne concerne que les développeurs
»131. Il s'agit de la rencontre entre un dispositif
exogène et un système de pensée endogène.
« C'est autour de tentatives de transferts de savoir-faire
que ces deux ensembles de savoirs et de significations entrent en relation : le
développement consiste en effet à tenter de transférer
certains savoir-faire associés aux systèmes de sens propres aux
opérateurs de développement vers des populations dotées de
systèmes de sens différents »132.
1.1.Les dysfonctionnements internes
Divers dysfonctionnements rencontrés dans le cadre du
« Projet Intégré de santé dans la région des
Savanes » seront maintenant présentés. Ceux-ci sont au
nombre de sept : supervision, compétences et formations, médecine
« traditionnelle », motivation, actions et activités,
ressources matérielles et facteurs externes. À travers ces cas
spécifiques, nous tenterons de comprendre les logiques ayant
amené à la situation en présence.
128 Chauveau, J.-P., op. cit., 47.
129 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 133.
130 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 165.
131 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 166.
132 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 141.
74
1.1.1. La supervision
L'ONG 3ASC est chargée de superviser
régulièrement les activités menées par les diverses
CS, et ce pour deux raisons : d'une part, pour les encadrer et évaluer
les progressions réalisées par les CS sur la base des plans
d'actions annuels élaborés ex ante et d'autre part, pour
rendre compte de la situation actuelle à LC.
Cependant, la supervision « (ou « monitoring »)
» 133 appliquée aux CS se heurte à certaines
difficultés perçues par ces dernières comme
passagères avant la reprise d'un fonctionnement routinier. De plus, elle
peut être confrontée à une « culture bureaucratique
commune (« chacun-pour-soi-isme », absence de sanctions et de
promotions au mérite, clientélisme, renoncement de la
hiérarchie, etc.) »134.
Toutefois, suivant les attentes du « Projet
Intégré de santé dans la région des Savanes »,
un certain encadrement paraît utile pour une amélioration tangible
de la situation sanitaire locale. Cependant, il est à constater deux
problèmes majeurs qui influent très nettement sur l'organisation
et la réalisation même des activités effectuées par
les différentes CS : le personnel compétent et les moyens
financiers alloués à ce dispositif sont insuffisants
pour encadrer convenablement cet organe.
Une telle situation amène 3ASC à se contraindre
à un double objectif : d'un côté de satisfaire les attentes
de leurs partenaires, et de l'autre, de mener des actions soutenues dans la
limite des moyens à disposition. Dans le cas du projet relatif aux CS,
les critères initiaux n'incluaient pas suffisamment de moyens pour que
les attentes soient toutes remplies et satisfaites. Le travail et les objectifs
se voyaient donc soumis à de nombreuses imperfections et à un
laxisme évident.
Au regard des propos mentionnés, il est concevable de
percevoir - suivant les termes d'Olivier de Sardan - « plusieurs niveaux
de cohérence en partie contradictoires »135 car devant
se plier à des exigences distinctes qui ne peuvent être
aisément conciliées.
De ce fait, il nous paraît légitime de nous
interroger sur les facteurs qui ont pu contribuer à l'état actuel
de cette situation. Pour ce faire, avant d'analyser les problèmes et les
difficultés résultant de ce manque de supervision, voici une
présentation du système de supervision actuellement en
vigueur.
133 Olivier de Sardan, 2003, op. cit., p. 293.
134 Olivier de Sardan, 2003, Ibid.
135 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 130.
75
- Présentation
Fin 2008, lors de la création même du projet, un
processus de soutien fut élaboré. Trois personnes étaient
chargées de former et de suivre à « plein temps » le
travail des CS. Ils assuraient « la modération et le
secrétariat des réunions des CS » [Anonyme, employé
de 3ASC, chargé de la supervision des CS] sur une base mensuelle. Ils se
rendaient au sein des villages pour mener à bien le fonctionnement
même du projet. D'après les propos récoltés, la
supervision semblait plus soutenue durant la phase de mise en oeuvre. Les
critères établis envers les CS étaient plus rigoureux et
les activités s'en voyaient apparemment renforcées.
A partir de 2011, un suivi fut établi, en moyenne une
fois tous les trois mois. Les raisons officielles expliquant le passage d'un
suivi mensuel à un suivi trimestriel est que les CS étaient
considérées comme :
« Suffisamment outillées pour mener seules les
activités. Parce que de un, ils connaissent bien leur rôle, de
deux, c'est eux-mêmes, ils ont élaboré leur plan d'actions
avant de venir à l'atelier de planification, ils avaient
déjà des idées sur ce qu'ils devaient faire pour
l'année prochaine. Et ils savent comment le faire déjà
donc nous pensons qu'ils sont... les plaidoyers, ils le font, s'il y a un
problème, comment procéder pour arriver à un consensus sur
la résolution de ce problème donc ils sont.... moi je pense
qu'ils sont suffisamment outillés » [Anonyme, employé de
3ASC, chargé de la supervision des CS].
Concernant leur degré de compétences, le constat
est plus ambigu.
« [Est-ce qu'ils sont, d'après vous, suffisamment
compétents pour faire leur travail ?] OuiÉpas suffisamment, parce
que nous sommes toujours derrière eux pour la régularité
donc c'est ça, sinon notre présence ne vaudrait plus la peine.
Mais il faut voir aussi que les résultats de leurs activités sont
qualitatifs, il n'y a pas de quelque chose de calculs, des chiffres à
voir, comme ça par rapport aux résultats des activités,
donc c'est difficilement perceptible. On perçoit assez difficilement
mais quand même, nous pensons qu'ils obtiennent des résultats par
rapport à l'amélioration de l'état de santé de
leurs zones respectives et aussi par rapport à l'amélioration des
prestations » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la
supervision des CS].
« Pour être francs, je pense qu'ils ne sont pas si
fonctionnels que ça. Bon il y a des résidus qui nous donnent
l'impression que ça fonctionne mais concrètement on ne sait pas
ce qu'ils font » [Anonyme, employé de 3ASC].
76
Aujourd'hui, la seule supervision qui soit
opérationnalisée à ce jour pour l'ensemble des vingt-deux
CS est menée par deux, parfois trois personnes. De ce fait, les RFS qui
furent associés au projet, sont employé comme « relais
», en termes de supervision pour s'assurer que ces groupements ne soient
pas entièrement livrés à eux-mêmes. Cela, il va sans
dire, se rajoute aux nombreuses responsabilités qui leurs sont
déjà assignées.
Dans les faits, force est de constater que cette supervision
est exempte de rigueur est loin de respecter les exigences initialement
fixées ; le précepte du suivi rapproché est remis en
question. Le seul encadrement, auxquelles les CS ont droit, se produit lors des
réunions bimestrielles. À cette occasion, les agents de terrain
dirigent ou « coachent » les CS. Ils les orientent suivant les
thèmes et les discussions de circonstance. Une vérification et un
bilan sont menés par rapport au plan d'action qui avait
été établi au départ de chaque phase. Ils assistent
à l'élaboration des nouvelles stratégies mises sur pied
par les CS. Les réunions sont menées par le président de
la CS ainsi que par les RFS car :
« C'est eux la communauté, c'est eux qui
connaissent la communauté, nous on va pour nous assurer que les
activités se mènent conformément à ce qui est
prévu » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la
supervision des CS].
Cette intervention illustre une difficulté propre
à la réalisation concrète des objectifs attribués
aux CS : l'ONG 3ASC s'efforce de visualiser les résultats aboutis «
conformément » au plan préalablement rédigé.
En s'inscrivant dans cette vision linéaire, les initiatives locales
semblent écartées et encore moins encouragées. Il faudrait
plutôt repenser « ce rôle de suivi-évaluation à
fin de proposer une adaptation des projets de développement aux
dérives qu'ils subissent de la part des clients »136.
Les agents du dispositif semblent omettre que « la «
dérive » est un phénomène normal, qu'il serait
illusoire de vouloir éliminer. C'est le produit nécessaire et
intentionnel de l'entrecroisement de la complexité des variables en jeu
dans les réactions d'un milieu social face à une intervention
volontariste extérieure »137.
- Les cahiers de charges
Voici une illustration des conséquences
provoquées par le manque de suivi des agents de 3ASC à travers un
cas spécifique : les cahiers de charges.
136 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 198.
137 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 197.
77
Un problème constaté relève de la prise
de notes par le secrétaire de la CS. Les procès-verbaux des
réunions se tiennent dans un cahier A5 aux pages non détachables.
Ils se résument en une page détaillant la liste de personnes
présentes, la date, le lieu, le thème de la réunion, les
problèmes rencontrés, les solutions envisagées et les
signatures du président, du secrétaire et éventuellement
du RFS. Les points essentiels sont effectivement répertoriés,
cependant le principal problème relève de l'aspect restreint de
l'information relevée. Entre une et trois lignes sont consacrées
à chaque point de la réunion. Il s'agit d'une information
beaucoup trop condensée, sinon redondante, qui donne peu de
clarifications sur le travail effectué et à accomplir.
Le secrétaire de la CS de Nanergou, Tône lit un
extrait à haute voix, des notes retranscrites dans son cahier de charges
de la réunion qu'ils ont tenue le 20 novembre 2012:
- « Activités : sensibiliser le
personnel,
- Activités réalisées :
le personnel est sensibilisé,
- Résultats obtenus : la
fréquentation est bonne,
- Sensibiliser la communauté : la
communauté est sensibilisée,
- Sensibiliser les leaders : les leaders sont
sensibilisés,
- Culture maraîchère : le
maraîchage est pratiqué,
- Faire la promotion des mutuelles de
santé : beaucoup sont adhérés aux mutuelles »
[Secrétaire de la CS de Nanergou, Tône].
Certains détails méritent d'être inscrits
parmi les activités et les possibilités concrètes pour
améliorer la santé au sein de leur aire sanitaire. Aucune date
prévue n'est inscrite quant aux activités à
réaliser. De façon à uniformiser les
procès-verbaux, un prototype a été remis en février
2012, à toutes les CS pour s'assurer de la qualité des
informations recueillies. Celui-ci tend à être respecté. Le
problème se situe davantage au niveau de la qualité même du
procès-verbal faisant office de modèle. Il est beaucoup trop
réduit pour développer un planning, des activités et
discuter de l'ensemble des problèmes rencontrés. De plus, les
informations ne relèvent ni observations, ni difficultés
rencontrées, ni suggestions et aucune formation à ce niveau n'a
été effectuée.
« Quelque part la Commission Santé, personne n'a
jamais fait des PV avant, il est élu secrétaire parmi la
commission, vraiment quand tu le laisses faire le PV, il va écrire mais
quand tu vas venir pour viser leur cahier, tu ne comprendras rien, parce qu'il
y a une procédure dans le PV, tu vois, s'il y a un ou deux jours
où on pourra expliquer au secrétaire comment faire le PV, ce
serait une bonne chose » [Membre de la CS de Sanfatoute, Tône].
78
L'information ne fut pas répandue correctement. De
plus, l'insertion de dispositif exogène sur ces CS produit des
sentiments de frustrations parmi les membres. Étant en recherche d'une
forme de reconnaissance, certains désirent se plier à ce
fonctionnement mais peinent à en comprendre les logiques internes.
Certaines CS continuent d'écrire dans le cahier de
charges, d'autres sur les feuilles consacrées à cet effet. Pis
encore la CS de Sanfatoute, Tône, n'écrit même plus les
compte-rendus des réunions.
« Au fait quand on fait la réunion mensuelle, le
secrétaire est là, c'est que les deux derniers mois
passés, le secrétaire a trouvé un boulot à Dapaong,
il est parti, donc il est plus avec nous. Donc à la réunion, on
avait proposé qu'il faille chercher un nouveau secrétaire.
(É) Donc comme le secrétaire n'était pas là, on a
rien noté » [Membre de la CS de Sanfatoute, Tône].
Même si le message semblait avoir été bien
transmis par 3ASC, ce ne fut apparemment pas le cas en réalité.
Certains ont cru bien faire en photocopiant par leurs propres moyens l'unique
copie que 3ASC leur avait remise pour être en mesure d'écrire
durant les réunions à même la feuille. Selon la CS de
Kourientre, Tône :
« Ils avaient dit qu'ils viendraient les ramasser.
Anonyme [Employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS] est
venu en juin, elle a dit de laisser et après elle va revenir et
après elle a été empêchée jusqu'au
aujourd'hui. Mais on continue à remplir mais personne ne lit »
[Membre de la CS de Kourientre, Tône].
D'une façon ou d'une autre, un malentendu sur la
question est à relever. Il convient de dire que suivant le point de vue
de 3ASC, il n'avait pas été prévu que ces
procès-verbaux fussent récupérés pour une analyse
a posteriori. Ils devaient seulement servir de canevas pour la
rédaction dans leur cahier. L'avantage avancé par 3ASC au sujet
de la rédaction des procès-verbaux dans leur cahier est que c'est
un moyen plus sûr de ne pas perdre l'ensemble des données
retranscrites. Ces dernières seraient vérifiées par le
superviseur durant sa visite.
En d'autres termes, et afin de clarifier la situation
actuelle, en dehors du bilan des activités annuelles
rédigé lors de l' « atelier de recyclage », aucun
document écrit quel qu'il soit n'a jamais été remis par
une CS à 3ASC. Pis encore, aucun document n'a jamais fait l'objet d'une
réclamation de la part de 3ASC.
79
Cet exemple vient appuyer les propos énoncés
ci-dessus, à savoir, l'insuffisance de suivi rapproché de la part
de 3ASC envers les CS. Ces dernières tendent à se sentir
délaissées et insuffisamment reconnues pour tous les efforts
poursuivis, notamment en termes de motivation. Le fait qu'elles sont
livrées à elles-mêmes traduit-il véritablement un
esprit de confiance ou est-ce tout simplement par manque de moyens qu'elles se
trouvent dépossédées de tout et remises à leur
propre destin ? La deuxième hypothèse semble plus en
adéquation avec la réalité. Dans le cadre de ce projet,
une prise en charge optimale est indispensable pour qu'un réel
changement de fond puisse avoir lieu.
« Nous ne savons pas si ce que nous sommes en train de
faire si c'est bon ou ce n'est pas bon. Nous ne savons pas si nous sommes dans
la bonne direction, dans les normes, voilà. [É] Il faut qu'on
revoie ce problème ensemble avec notre responsable. Parce que
l'année est terminée, il doit venir sûrement, s'il arrive,
on doit faire une réunion et parler de ce problème »
[Présidente de la CS de Nanergou, Tône].
Cette situation défaillante laisse transparaître
des difficultés entravant la possibilité d'évaluer
correctement les agissements des CS dans le décor local. Suivant la
situation en présence, il est aisé de reporter le « manque
d'efficacité » du projet sur les CS, devant le peu de
résultats observables.
Toutefois, avant de clore cette section portant sur la
supervision des CS, nous devons émettre deux constatations :
- Toutes les CS, sans exception, se
plaignent du manque de participation de la part des représentants de
3ASC. Un sentiment d'abandon s'est clairement fait sentir au cours de
nombreuses interviews. La fréquence du suivi actuel est clairement
à reconsidérer. À titre d'exemple et ils sont nombreux, la
dernière visite que la CS de Kourientre, Tône, a reçu d'un
agent de terrain date de février 2012. Depuis, aucun suivi à leur
encontre n'a été effectué excepté pour la mise en
place de la supervision des ASC en juin 2012 (voir III. 1.1.4. La
motivation). En 2012, il a été extrêmement rare voire
inexistant que des agents qualifiés fassent l'objet d'un réel
suivi dans des villages afin d'analyser le déroulement des
activités menées par les CS. Toutefois, les personnes en charge
de la supervision des CS s'entendent pour dire que :
« Dans le trimestre nous faisons quand même un
effort pour aller les visiter au moins une fois, certaines peuvent être
visitées deux fois s'il y a un problème et s'ils nous sollicitent
aussi pour les appuyer pour certaines activités, on peut les visiter.
Mais au moins une fois, elles sont visitées par trimestre »
[Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS].
80
En lui expliquant, l'exemple de Kourientre, Tône, il rit
avant de nous répondre ceci :
« Oui il y a un relâchement, oui c'est ça,
par rapport à la disponibilité. Sinon quand même moi
à Tandjouaré je fais un effort pour les visiter une fois dans le
trimestre et s'il me sollicite, et que je trouve ça pertinent, je fais
quand même un effort pour les voir. Ce sont des gens qui ont besoin
d'être soutenus, motivés pour faire leurs activités »
[Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS].
- Le constat est unanime : les personnes en
charge de la supervision des CS n'assument pas correctement leur
responsabilité. On peut toutefois se questionner quant aux raisons d'une
telle situation. La réponse semble se situer du côté de la
multiplication des tâches qui leurs incombent. En effet, sur les trois
personnes couvrant cette fonction, deux sont RFS des USP de Korbongou,
Tône, et de Nano, Tandjouaré (cette dernière, au passage,
ne détient pas de CS dans son aire sanitaire), et la troisième,
responsable de la cellule « santé communautaire » au sein de
l'ONG 3ASC, a sous sa charge de nombreuses activités à
réaliser et une équipe d'une dizaine de personnes à
coordonner. Dans ce contexte, il peut paraître logique que le temps
restant disponible pour la supervision soit restreint. Néanmoins, il
paraît nécessaire de signaler qu'étant seul
(accompagné d'un interprète), nous avons pu, en moins d'un mois,
parcourir pas moins de quinze aires sanitaires et être reçu par
des dizaines de CS. Dans un tel état de choses, ne peut-on conclure
à un manque de volonté de la part de l'ONG, voire même
à sa négligence ? Suivant ce constat et face à la
défaillance de la supervision actuelle, il y a certes de nombreux
éléments à reconsidérer. Cependant, nous pouvons
résolument admettre que les moyens consacrés à cet organe
sont limités et en quelque sorte « bloqués » devant
l'absence de résultats.
En clair, face aux exigences auxquelles les CS sont
confrontées, elles semblent - suivant la dimension « projet »
- ne pas répondre suffisamment aux desiderata exposés
par 3ASC. Cependant, en inscrivant les groupements dans une démarche
bureaucratique, l'ONG en question ne semble pas avoir outillé ses
responsables à la mesure de la perspective affichée.
1.1.2. Les compétences et formations
Les CS ont été dotées d'un statut
particulier, se trouvant en interface avec deux mondes distincts qui
éprouvent, non sans peine, des difficultés de
compréhension mutuelle. Elles sont pourvues, a priori, d'une «
double fonction de « porte-parole » des savoirs
technico-scientifiques et de médiateur entre ces savoirs
technico-scientifiques et les savoirs populaires.
81
Ce double rôle n'est pas sans relever de l' «
injonction contradictoire » (double bind) : d'un
côté l'agent de développement doit prôner les savoirs
technico-scientifiques contre les savoirs populaires, de l'autre il doit les
« marier » l'un à l'autre »138. Le
problème étant que les agents n'ont pas toujours les
compétences requises pour prétendre à exercer cette
fonction. Davantage, ils n'ont jamais été formés
correctement par 3ASC à cet effet. Ainsi, certains CS ne
perçoivent pas l'utilité réelle de leurs agissements et
finissent par se sentir inutiles, d'autant plus qu'elles se trouvent sous
l'emprise de 3ASC ; les RFS, n'ayant au final, qu'une existence fort
abstraite.
La multiplication des rôles qui leurs ont
été attribués, à l'aune de différents
savoirs, les soumet à des pratiques qui sont concrètement,
difficilement réalisables. De ce fait, « tout « message
technique », tout projet de développement, toute intervention sont
des packages, des ensembles de mesures coordonnées et prétendent
à la cohérence. Aucun ensemble proposé n'est jamais
adopté « en bloc » par ses destinataires : il est toujours
plus ou moins désarticulé par la sélection que ceux-ci
opèrent en son sein »139. Dans ce cadre, les CS, bien
que sollicitées pour des brèves formations, peinent à
s'intégrer au monde de la conception bureaucratique - qui n'est pas le
leur - et à remplir les attentes escomptées par les intervenants
externes. « On voit mal par ailleurs comment les cultures professionnelles
locales pourraient être modifiées « par en haut » de
façon technocratique : on sait les échecs des réformes
multiples qui ont été mises en place en Afrique depuis vingt ans,
à travers les administrations de la santé ou à travers les
« projets » »140.
Toutefois, en 2008, après la mise en place des CS, la
validation des enquêtes et sondages, l'identification des
problèmes de santé des aires sanitaires et l'élaboration
des plans d'actions de résolution de ces problèmes, les CS ont
été formées quelque peu à leurs fonctions. Il
s'agissait de leurs enseigner différents aspects concernant la
qualité des soins et à leur nouveau « rôle » de
« représentants » des populations villageoises. Depuis, 3ASC
organise chaque année un « atelier de recyclage » de deux
jours à destination des CS dans le but de renouveler leurs
connaissances, notons toutefois que les thématiques abordées sont
identiques chaque année. La première journée se
résume en un « brainstorming-exposé »141, se
voulant participatif, consistant à rappeler les attributions des CS et
« les différents aspects de la qualité des soins
»142. La deuxième journée, quant à elle,
se déroule autrement : chaque CS se regroupe, formule en interne le
bilan annuel des activités menées et élabore le «
plan d'actions » pour l'année à venir. Elles consignent
l'ensemble des faits sur une simple feuille
138 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., pp. 155-156.
139 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 133.
140 Olivier de Sardan, 2003, op. cit., p. 293.
141 Document 3ASC, 2008, Recyclage des membres des
Commissions Santé et des ICP, Termes de
références.
142 Document 3ASC, 2008, Ibid.
82
A4. Le caractère réducteur de ce processus est
de mise. À la fin de cet atelier, chacun vient prendre son dû et
rentre dans son village respectif ; le cycle peut recommencer pour les CS.
Les accomplissements ne sont pas récompensés, les
échecs ne sont pas sanctionnés. Aucune
répercussion n'est à mentionner ; les activités sont
simplement reprogrammées pour l'année suivante. Face à ce
constat, 3ASC devrait impérativement fixer « des objectifs et non
pas seulement (É) des actions »143.
Un des problèmes majeurs de ces formations est qu'elles
se cantonnent à une vision « vulgarisatrice ». En d'autres
termes, elles n'intègrent aucunement « la culture professionnelle
locale (É). Les formations apparaissent alors comme des «
parenthèses » où l'on discourt gentiment des normes
officielles, avant de revenir aux routines habituelles de la vie
professionnelle réelle »144. À notre demande, un
tour de parole recensant les difficultés que les CS sont amenées
à rencontrer fur opéré. En l'absence de ce dernier, cette
formation n'eut été que la simple transmission d'un message sous
sa forme la plus passive.
Il convient également de se pencher sur le
fonctionnement effectif de ces formations. Il paraît nécessaire de
rendre compte du langage qui y est déployé. L'exposé
PowerPoint est exclusivement en français. Cependant, un nombre
important de personnes présentes ne pratique pas l'usage de cette
langue, d'autres sont illettrées. Malgré tout, ces séances
se font conjointement en français et en moba. Mais par delà la
simple traduction, nous sommes face à une « mise en rapport de
champs sémantiques différents, de différentes
façons de découper ou penser la réalité
»145. Nous sommes résolument en présence d'un
« langage-projet »146 qui valorise les bienfaits de son
dispositif. De ce fait, « le problème de la transmission
d'un « message technique » aboutit toujours à cette fameuse
confrontation de deux systèmes de sens, au coeur de laquelle l'agent de
développement se trouve placé »147. Autrement
dit, le « langage-projet » ne trouve résolument pas sa place
en interne. Cependant, il « est indispensable à la reproduction du
projet et à la perpétuation des flux de financement : c'est lui
qui définit à l'intention des bailleurs de fond la «
personnalité » du projet (É). [Le « langage-projet
»] est également une des composantes de l'identité
professionnelle des cadres du projet, qui affirment en l'utilisant
régulièrement leur position propre dans la configuration
développementiste locale, et légitiment grâce à lui
leur compétence et leur utilité sociale »148.
143 Muller, J-D., 1989, Les ONG ambiguës. Aides aux
Etats, aides aux populations ?, L'Harmattan, Logiques sociales, Paris, p.
197.
144 Olivier de Sardan, 2003, op. cit., p. 293.
145 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 158.
146 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 166.
147 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 158.
148 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 169.
83
Il faut admettre que les critères de sélection
qui furent mis en avant lors du processus de mise en place des CS
n'étaient pas suffisamment stricts. Le niveau d'instruction ne fut pas
retenu comme un élément décisif. En conséquence,
nonobstant le fait que les formations se déroulent en «
langage-projet », le contenu ne peut-être que foncièrement
basique. En ce sens, les formations ne peuvent porter sur la
présentation de programmes trop spécialisés ou
l'étude de maladies spécifiques ; ce qui - suivant une
perspective projet - aurait été nécessaire pour un travail
de sensibilisation pointilleux et ciblé.
Mais que les choses soient claires, « si on n'a pas
« appris » aux agents de développement à être des
médiateurs, cela ne signifie en rien qu'un tel rôle n'existe pas,
ou qu'il ne soit pas indispensable : cela signifie simplement qu'il est mal ou
très mal rempli (É). Ne disposant pas des compétences
nécessaires à la médiation entre savoirs, les agents de
développement assurent cette médiation de façon
inappropriée ou unilatérale »149.
De ce fait, ces CS sont résolument en présence
de ce qu'Olivier de Sardan nomme une « triple fonction
»150, remplie d'antinomies et d'incohérences, qui
s'avère à bien des égards, difficile à
réaliser :
- « la défense de leurs propres
intérêts personnels,
- la défense des intérêts
de l'institution,
- la médiation entre les divers
intérêts des autres acteurs et des factions locales
»151.
De ce fait, devant une situation si équivoque, les
nouveaux « représentants » éprouvent bien des
difficultés à s'insérer véritablement dans le
décor sanitaire.
1.1.3. La médecine « traditionnelle
»152
En tant que « représentants » et «
porte-paroles » des intérêts locaux, les CS se doivent de
prendre pleine connaissance des parcours thérapeutiques pluriels
susceptibles d'être empruntés par les populations villageoises. Ce
faisant, il semble nécessaire d'apporter un éclairage sur un
autre aspect, trop souvent minimisé voir écarté : «
les thérapeutes traditionnels ».
Aucune dimension participative vis-à-vis des «
thérapeutes traditionnels »153 ne fut émise lors
de l'élaboration des CS. L'absence de considération suffisante et
d'intégration des
149 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 156.
150 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 159.
151 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid.
152 Une réflexion autour du pluralisme
thérapeutique se trouve en annexe (A11. Le pluralisme
thérapeutique en question).
153 Une personne pratiquant la médecine «
traditionnelle » recouvre des significations multiples
(tradithérapeute, tradipraticien, guérisseur, herboriste, nganga,
rebouteux, féticheur, sorcier, charlatan, marabout, etc.). Même
si
84
« charlatans » dans ce projet, empêche toute
représentativité sincère des villageois par les CS. En
effet, suivant une vision holistique, les présupposés «
communautaires » mis en avant dans ce « Projet Intégré
de santé dans la région des Savanes » semblent
dénués d'une de ses composantes fondamentales : la
médecine dite « traditionnelle ».
Toutefois, ce ne fut pas toujours le cas. Comme
évoqué précédemment, lorsque les COSAN
étaient en vigueur, cette dynamique « participative »
vis-à-vis des accoucheuses traditionnelles était de mise.
Toutefois, selon un employé de 3ASC, la disparition de ce «
partenariat » put causer quelques répercussions :
« Je pense qu'ils ont été un peu
déçus qu'on n'ait plus voulu parler des accoucheuses
traditionnelles, il y a eu une évolution. On a dit que dans les
principes, même dans les normes, OMS et autre, un accouchement
assisté, ça doit être un accouchement maintenant qui est
réalisé par disons une sage-femme, une infirmière
d'État ou un médecin. Donc en bas de ça, on ne
considère pas ça comme étant un accouchement
assisté. Donc c'est une disposition, une loi qui est prise même
par les grandes institutions comme l'OMS et autres. Donc ce qui fait qu'on est
obligé d'aller avec cette nouvelle formule. Or à l'époque
ce qui donnait un peu d'enthousiasme, un peu de motivation à travailler
c'était la présence de ces entités là : accoucheuse
traditionnelle et les agents villageois de santé. Maintenant qu'ils ont
été amputés, ça démotive un peu. Mais alors
qu'est-ce qu'on fait des accoucheuses traditionnelles et tout, parce qu'ils
sont toujours là. Et bien on dit qu'ils peuvent aider à la
mobilisation, à la sensibilisation et à référer les
femmes enceintes mais ils n'ont plus cette mission de faire les accouchements
».
Or, c'est précisément leur rôle.
Sensibiliser et référer les malades vers les centres de
santé reconnus par l'État, semble, a priori aller à
l'encontre de leur logique propre.
Au regard des interviews effectuées avec les patients
et les personnes rencontrées dans les villages environnants les USP, il
est indiscutable que le recours privilégié est le centre de
chaque terme peut se définir suivant des
considérations spécifiques, les appellations tendent à se
confondre dans le langage courant, recouvrant une vision visant à
s'opposer aux personnes exerçant la bio-médecine. De ce fait,
nous utiliserons conjointement ces différents termes afin de varier
notre langage. De plus, il convient de préciser que le terme «
charlatan » est communément utilisé dans la région
des Savanes, et ne relève aucunement une vision péjorative. Quant
au terme « marabout », il paraît fort peu probable de trouver
une définition spécifique, comme il se présente sous une
forme plurielle. En effet, « aucun terme désignant une
catégorie d'hommes de savoir n'est entouré d'une confusion de
sens comparable au mot marabout » (Fassin, 1999 : 73). Néanmoins,
l'islam semble être la référence commune à toutes
les différentes formes que peut reprendre ce terme. Outre la religion,
les liens avec la magie, le sacré, le surnaturel, le spirituel et la
divination semblent étroits. « La fonction médicale n'est
que l'une des fonctions du marabout qui a, par ailleurs, la charge de
délivrer le message divin, d'organiser prières et rituels, de
rendre la justice, d'enseigner le Coran, d'accomplir des miracles » (vu
dans : Fassin, D., 1999, Pouvoir et maladie en Afrique. Anthropologie
sociale dans la banlieue de Dakar. Paris, Collection les Champs de la
Santé, Université de France, p. 73).
santé. Nous pouvons toutefois nous questionner par
rapport à notre statut et notre influence face aux résultats
obtenus, mais le constat est tel.
Même si les propos qui suivent ne peuvent-être
représentatifs de la tendance générale, il est remarquable
qu'un nombre conséquent de personnes interrogées ont recours aux
deux types de médecines en vigueur dans la région, afin d'obtenir
un double point de vue.
« Oui ils consultent [les guérisseurs].
Premièrement, ils vont d'abord à l'hôpital, quand ça
ne va pas maintenant, ils consultent le guérisseur, ou ils vont à
l'hôpital et en même temps ils consultent quoi pour voir qu'est-ce
qui ne va pas, peut-être dans la famille s'il y a une
cérémonie à faire, ils le font, c'est pas pour les
mêmes causes. (É) Il a pris l'exemple d'une femme enceinte, quand
elle est enceinte, ils vont d'abord à la CPN et aussi ils vont aller
consulter, voir le guérisseur et le jour qu'elle va accoucher, si elle
va à l'hôpital et elle traîne elle ne va pas vite, ils vont
aussi aller consulter et voir s'il y a des cérémonies à
faire, ils le font et souvent même quand ils font les
cérémonies, la femme accouche. Ou bien même si la femme
accouche à l'hôpital, elle revient là, ils doivent aussi
aller consulter un féticheur, voir bon, faire des
cérémonies (É) C'est l'homme qui va et la femme ne va pas,
c'est son mari qui va pour consulter. (É) Le guérisseur, il ne
donne pas les soins, mais quand tu y vas, il te dit de prendre telle poule,
telle poule, aller tuer chez son grand-papa, aller tuer chez tel aïeul, et
ça passe, mais il ne donne pas des comprimés ou bien des choses
à boire, non il ne donne pas ça, il donne seulement des
consignes. (É) C'est pour assurer la santé de la maman et de
l'enfant, c'est pour ça qu'ils vont consulter (É) Il dit, aller
chez un tradithérapeute, un charlatan, c'est la tradition, c'est la
coutume, c'est la croyance, donc il doit quand même faire les deux, tout
le monde dans le village fait les deux. (É) Il n'y a pas de
guérisseur dans le village ici, c'est loin d'ici, c'est plus loin que
l'USP » [Traduction d'un villageois de l'aire sanitaire de Korbongou,
Tône].
Comme l'énonce Fassin, « tout l'éventail
symbolique et thérapeutique est mis à
contribution pour la recherche de la meilleure
efficacité. Aucune contradiction n'est perçue entre les
différents registres auxquels il est fait appel : la logique est celle
de la guérison »154.
La conviction dans les types de traitements proposés
dans les centres de santé reconnus par l'État semble
insuffisante, tandis que les us et coutumes restent pour beaucoup
prédominants dans les schèmes de pensée locaux. Le recours
aux « guérisseurs », demeure courant et la croyance en leurs
bienfaits continue à être bien ancrée ; une croyance
profonde persiste.
85
154 Fassin, D., 1999, op. cit., p. 115.
86
En combinant ces deux pratiques, ils tendent à se
sentir davantage rassurés. Même si la médecine «
moderne » s'avère prépondérante, il est
communément admis que le recours à des «
tradithérapeutes » n'est ni une question de moyens financiers, ni
une question de distance. De plus, ces derniers semblent être
consultés pour des raisons qui dépassent le cadre strict de la
guérison. Les causes de la maladie doivent être recherchées
sous un angle extérieur. Elles peuvent être attribuées
à un sortilège, un envoûtement, un empoisonnement ou encore
un acte de sorcellerie. De ce fait, « quand il y a un malade dans la
maison, il faut d'abord savoir d'où vient la maladie » [Villageois
de l'aire sanitaire de Papri, Kpendjal].
Nous ne débattrons pas plus longuement de l'attachement
de ces croyances dans la sphère locale, ni du poids que
représentent ces pratiques, en tant que recours thérapeutiques
mais des relations en vigueur entre les CS et les « guérisseurs
» : elles ne sont que fort peu pratiquées, voire le plus souvent
inexistantes.
Il nous est vite apparu que les CS servaient principalement
d'appui aux USP et ne semblaient pas suffisamment se soucier de
représenter activement les intérêts des populations
villageoises. Cependant, un cas particulier évoqué ex-ante
a retenu une nouvelle fois notre attention : le commissionnaire-marabout
de Bougou, Tône.
- Un cas particulier : le commissionnaire-marabout de
Bougou, Tône
Sous ses grands airs, cette interviewé craignait de
dévoiler une fonction qui lui était propre. L'entretien fut des
plus faussés pendant les cinquante-trois premières minutes de
notre rencontre, moment où il admit, sur un revirement de situation,
être aussi un « marabout ». Et ce après avoir
dénigré pendant presque une heure les « tradipraticiens
», insistant qu'ils devaient disparaître155 :
« Ceux qui vont chez les tradithérapeutes, c'est
l'ignorance (É), il dit que s'il était l'autorité, ha
là il dit qu'il faudrait les renvoyer, pour pouvoir laisser la
médecine moderne faire son travail ».
Cinq minutes plus tard, après que le commissionnaire a
retourné sa veste, le traducteur nous tient ces propos :
« Bon certains souffrent de maladies, ils sont allés
à l'hôpital, ils n'ont pas eu gain de cause, ils sont
arrivés chez lui, ils ont eu gain de cause. Il a ajouté que ceux
qui font la
155 Les extraites d'entretiens qui suivent ont tous fait l'objet
d'une traduction simultanée : [Traduction du commissionnaire-marabout de
la CS de Bougou, Tône].
87
tuberculose, la toux quoi, les gens sont partis à
l'hôpital avec leur toux, ils n'ont pas été guéris,
ils sont arrivés chez lui, lui les a guéris ».
Mais peu après notre commissionnaire-marabout
n'hésite pas à préciser, qu'il est « contre les
guérisseurs qui mentent » en précisant que lui fait du bon
travail. De plus, il demande sur un ton amusé « de ne pas le
renvoyer, de le laisser travailler en tant que tradipraticien ! ».
Il tente de nous expliquer que son travail de « marabout
» n'entrave pas celui de la CS, car il parvient à départager
les cas qu'il est en mesure de soigner :
« Il dit que, eux les vieux, ils savent qu'ils n'arrivent
pas à traiter toutes les maladies et quand ces malades viennent
là, ils les réfèrent au niveau des USP. Les
médecins aussi savent qu'il y a certaines maladies qu'ils ne peuvent pas
traiter et quand ils reçoivent ces cas qu'on les réfère
aussi vers les vieux. Il dit qu'entre eux, les vieux et les médecins,
qu'ils collaborent, ils discutent ensemble. Mais il précise que ce n'est
pas le cas de tous les vieux, mais c'est son cas à lui (É) Si
quelqu'un est atteint de la tuberculose par exemple, la médecine moderne
ne peut pas le soigner, donc il faut que la personne, elle vienne chez lui et
quand elle vient chez lui, elle a la satisfaction, il guérit, pas besoin
d'aller à l'USP. Si quelqu'un a été mordu pas un serpent,
la médecine moderne ne peut pas le guérir et donc la personne
elle vient chez lui. Si la personne, elle vient chez lui, ça va aller
mieux dans l'immédiat. Pour les morsures, il y a une poudre, tu bois et
la partie qui a été mordue là, il fait trois cicatrices
là, trois traits comme ça, il prend la poudre là, il met
dedans et c'est fini, tu bois aussi, c'est guéri ».
Petit à petit son discours change, et il nous
dévoile de plus en plus d'informations : il fait également des
accouchements. Tout en se rendant compte de l'incohérence de ses propos
face à ses responsabilités en tant que commissionnaire, il
poursuit:
« Les femmes qui veulent accoucher là et que c'est
difficile, là aussi il a des produits, il prend ça, il donne
à la femme, la femme boit quelques minutes après, l'enfant sort
facilement ».
Face à notre incompréhension, nous
réitérons nos propos : n'est-ce pas incompatible d'être
« marabout » et membre d'une CS ? Sur un ton incertain mais
amusé, notre traducteur tente tant bien que mal de narrer ses
interventions :
« Par exemple si une femme est enceinte, elle ne sait pas
qu'elle est à terme, qu'elle a été surprise, elle va
accoucher et elle n'a pas pu venir jusqu'à l'USP, on lui fait appel et
là, lui va. Mais normalement il ne fait pas ça, il dit d'aller
à l'USP mais quand on l'appelle, il vient (É) Pour les morsures
de serpent, comme il sait que c'est extrêmement mortel, quand
quelqu'un
88
vient chez lui, il le soigne tout de suite au lieu de le
référer, parce qu'il sait ce qu'il doit faire. Il a
remarqué, quand les gens viennent au centre ici, on les traite,
après la partie s'enfle. Or chez lui, quand quelqu'un vient pour les
morsures, il cicatrise, il donne le produit, il boit et ça
disparaît en même temps. Bon à l'hôpital, il y a quand
même certains ça réussit, mais chez lui c'est
automatiquement ».
Pour conclure, « il dit qu'il préfère que
les gens se fassent soigner au niveau de l'USP ».
Suite à cette interview interpellante, nous
décidons de comparer ce point de vue avec celui de la matrone de l'USP
de cette même aire sanitaire. Après une brève explication,
nous lui demandons de surenchérir :
« Oui je sais qu'il est guérisseur.
[Vous trouvez ça normal, qu'un membre de la Commission
Santé soit guérisseur ?]
Non mais... quand on lui pose la question, il dit que c'est
l'héritage de son papa. Lui il
soigne et puis après tout il dit, il faut ajouter la
médecine. Il soigne.
[Mais pour certains types de maladies, comme les morsures de
serpent, parfois il ne
réfère pas les malades vers l'USP]
Il a dit ça ? Ça veut dire qu'il soigne. Je sais
qu'il a déjà soigné la tuberculose.
[Donc ça marche, il ne faut pas forcément venir
à l'USP pour se faire soigner de la
tuberculose ?]
Je ne sais pas ! [Elle rit] Je ne sais pas ! Il ne peut pas
être Commission Santé et être
thérapeute.
[Mais si, c'est exactement ce qu'il est]
Oui mais normalement il faut le laisser et prendre un autre, il
est vieux c'est pour ça je dis
il faut prendre un jeune qui a au moins de l'intelligence dans la
tête.
[Mais il est très intelligent, ce n'est pas ça le
problème, c'est juste qu'il a une autre façon
de penser - ne sachant que répondre, elle rit]
Ha il est bon hein. (É) Mais toutes les femmes là
n'accouchent pas à la maison, là il
connaît, là il ne blague pas pour ça. Mais si
quelqu'un est malade là-bas, il soigne, si ce
n'est pas tellement grave, il n'amène pas à
l'hôpital, donc c'est ça ».
[Propos recueillis par la matrone de l'USP de Bougou,
Tône]
Une forme de profonde contradiction est donc à relever.
Cette dualité omniprésente fait partie du tableau quotidien.
Autant dans les USP que les CS, les prestataires admettent et acceptent une
telle antinomie, tout en marquant, officiellement leur désaccord face
à cette ambiguïté. Il s'avère difficile de recueillir
des propos n'émettant aucune forme de
89
contradiction. De fait, le discours tenu par la
majorité de nos interlocuteurs semblait indiquer en filigrane une
certaine forme de reconnaissance des « tradithérapeutes ».
Cette double réalité, il va sans dire, ne rentre
aucunement dans la logique du dispositif commanditée par 3ASC.
Cependant chacun semble conscient de la coexistence de deux médecines et
ferme les yeux, reconnaissant implicitement son impuissance (voir son absence
de souhait) d'empêcher que continue à se pratiquer la
médecine « traditionnelle » et plurielle. Tout le monde semble
accepter l'inclusion d'un « marabout » au sein de la CS et chacun
estime qu'il aura la sagesse de faire les choix appropriés suivant les
circonstances.
1.1.4. La motivation
Plusieurs formes de motivation peuvent être mises en
avant. Tout d'abord, le suivi est une forme de reconnaissance morale et
psychologique pour l'ensemble des efforts encourus par les agents sanitaires.
Des formations leur permettent de remettre leurs connaissances à jour et
les stimulent longuement. L'apport d'outils et de matériels paraît
hautement bénéfique. Mais malgré tous ces moyens, la
motivation principale reste l'argent, et cette technique n'a pas encore
été en tout point utilisée à ce jour. Cependant,
« cela conduit à introduire, au sein d'une organisation publique,
une logique de type marchand en jouant de la demande du consommateur comme
incitatrice de l'offre » 156 . Mais suivant « l'idéal-type de
la bureaucratie »157 de Weber, la dimension financière
est un facteur qui doit être intégré au sein de ce
processus, agissant comme signe de reconnaissance quant aux actions
entreprises.
En théorie, les membres des diverses CS
interrogés sont sensibles à l'amélioration de la
santé dans leurs villages. Ils ont conscience de la situation à
laquelle ils sont confrontés et aimeraient développer nombre
d'outils pour contrer cette précarité sanitaire. Ils veulent
faire face à tous les problèmes ambiants et estiment que c'est
leur devoir d'agir. Ils ont bien conscience de la tâche qui leur incombe
et de l'importance de se mobiliser pour trouver des solutions envisageables,
indépendamment d'une motivation financière. « Parce que
comme dit le proverbe, un seul bras ne peut pas entourer le baobab »
[Président de la CS de Bougou, Tône]. Les CS semblent avoir bien
compris la pertinence de leurs activités et ne paraissent pas
forcément attendre une aide extérieure pour se stimuler.
« De mon côté, je suis là pour aider
la population, je suis là pour aider les gens. Il ne faut pas attendre
quelque chose pour faire ton travail, il faut faire, c'est la
bénédiction que Dieu va te donner. Si tu dis que tu attends
quelque chose, le travail ne se fera jamais. (É) Franchement
156 Médard, J.-F., op. cit., p. 41.
157
http://pedagogie2.ac-reunion.fr/ses/textes/Weber/burau.htm
(page consultée le 27/07/2013).
90
ce qui m'a motivé c'est pour aider nos parents à se
sortir des malheurs » [Membre de la CS de Bogou, Tandjouaré].
Mais n'y a-t-il là que le bien-être de la
communauté ? N'y a-t-il aucun autre type de motivation à
mentionner ? Nous observerons à ce propos, une forme de
réutilisation de leur statut à des fins plus personnelles (ce
point précis sera abordé dans la section III. 2.4.
Utilisation de leur statut).
Toutefois, dans notre cadre précis, un des plus gros
problèmes relatifs au fonctionnement même des CS se situe aux
fondements même de leur création. Lors de l'élaboration du
projet, aucune motivation financière ni matérielle n'a
été prévue à leur égard. En d'autres termes,
après la mise en place des CS et l'attribution des rôles de
chacun, en dehors d'un suivi plus ou moins soutenu dans un premier temps, peu
d'outils ou de motivations concrètes leur ont été
apportés.
Les contraintes à leur égard ne sont pas
très élevées car « ils se sacrifient
déjà » [Employé de 3ASC]. C'est donc pour cette
raison que l'on ne peut pas établir de « critères de
performances » les concernant. Donc s'il n'y a pas de motivation, ils
risquent de ne pas effectuer correctement leur travail. Il est difficile
d'évaluer leur apport en tant que tel, aucun résultat ne peut
être validé, mais aucune sanction non plus n'est émise
à leur égard. De ce fait, tout continue à être
reprogrammé comme avant, jusqu'à l'arrêt des financements.
Il s'agit donc d'un cercle vicieux que seule une motivation plus
conséquente pourrait rompre. La productivité de leurs
activités s'en verrait tout de suite améliorée.
Cette motivation est intimement liée aux initiatives
entreprises par 3ASC. Sans l'appui de ses agents de terrain, les CS ne semblent
pas consentir à des efforts soutenus. Dans de nombreux cas, il est
à constater un problème d'initiative, de leadership et
de responsabilisation rendant toute forme de réalisation difficile et
soumise à une lenteur indescriptible. « L'idée de
responsabilité (accountability) du personnel recouvre deux
dimensions : la responsabilité vis-à-vis des autorités
(par le haut), la responsabilité vis-à-vis du public, c'est
à dire par le bas, auxquelles pourraient être ajoutée la
responsabilisation morale vis-à-vis de sa conscience, c'est à
dire la responsabilisation du dedans »158.
Par ailleurs, nous avons été amené
à constater un réel problème d'absentéisme,
dû notamment à la multiplicité des activités et
fonctions des membres des CS - en dehors du cadre strict de cet organe.
158 Médard, J.-F., op. cit., p. 38.
91
De façon générale, les CS semblent
être motivées par la simple conviction que la « santé
communautaire » est bénéfique. Néanmoins, de nombreux
témoignages laissent entendre qu'elles ne se sentent pas suffisamment
récompensées pour les efforts fournis. Tout ce qu'elles
entreprennent comme actions, c'est au nom de la population, mais leurs membres
en tant qu'individus, se sentent délaissés ; ils estiment que
personne ne vient les soutenir concrètement dans leurs démarches,
« pour eux, qui se sacrifie ? » [Employé de 3ASC].
- Le Ç Poug'ri » ;
Le « Poug'ri » est un terme communément
utilisé dans le langage vernaculaire pour désigner une
contribution reversée lors d'un événement ou d'une
célébration. Il est perçu comme une assistance et tend
à avoir une connotation péjorative. Il s'agira d'un acte infime
qui sera destiné à alléger les dépenses de la
personne concernée.
Dans ce cadre précis, ce terme a fait l'objet d'un
transfert de langage pour signifier une motivation financière. En
réalité, le « Poug'ri » fait référence
aux « primes de déplacement » attribuées aux ASC. Elles
consistent en une remise financière purement symbolique mais qui suffit
à motiver à l'élaboration d'une tâche. Aussi, elle
donne le sentiment à ses auteurs que le travail a été
remarqué, pris en compte, qu'il fait l'objet d'un suivi et d'un
encadrement et de ce fait, n'est pas passé inaperçu. « C'est
juste pour les encourager » [Employé de 3ASC].
En juin 2012, une nouvelle attribution fut assignée au
CS par 3ASC : « le suivi des ASC ». Il s'agit d'un programme
spécifique. Sur la base d'une grille d'analyse constituée de
« critères de performances », les CS avaient pour objectif
d'évaluer elles-mêmes le travail effectué par les ASC.
Concrètement, elles sont chargées d'assister les ASC, de
consulter leurs cahiers de charges et de les superviser sur des thèmes
comme la couverture vaccinale, les accouchements assistés et la
sensibilisation par rapport aux CPN. Au cas où l'ASC faillit à
ses obligations, la CS en vigueur a pour mission de l'interpeller et de le
rappeler à l'ordre, suivant le contrat préétabli. Ensuite,
elles ont pour obligation de valider les données récoltées
par l'ASC, en collaboration avec le RFS, afin de vérifier son travail,
avant que tous ces éléments ne soient collectés par 3ASC.
Si les CS mènent à bien leur travail, une somme de 1000 FCFA (1,5
€) par mois leur sera remise. L'inconvénient est que l'observation
en question dépend de l'accomplissement du travail par les ASC en
premier lieu, faute de quoi, il ne pourra y avoir de récompense. En
outre, dans le cas où des problèmes de communication ou
d'harmonisation surviennent entre les ASC et les CS, ces derniers ne pourront
les évaluer suivant les attentes qui leurs ont été
formulées. De ce fait, nombre de rapports d'ASC semblent ne pas
être remis aux CS dans les temps, ce qui rend leur tâche d'autant
plus difficile.
92
« Les ASC ne nous donnent pas complètement les
rapports qu'il faut, donc c'est difficile de faire le travail correctement. Par
exemple, nous n'avions pas les fiches à notre niveau à temps.
Sauf qu'une première fois, qu'il a envoyé les fiches et les ASC
ont refusé de remplir les fiches et de donner les rapports parce qu'on
ne leurs a pas donné leur prime, leur poug'ri » [Présidente
de la CS de Nanergou, Tône].
Tout cet ensemble montre bien la dynamique bureaucratique
actuelle : seuls les résultats sont récompensés. De plus,
les CS sont d'une certaine façon victimes de la non-motivation des ASC.
Il faut que les efforts fournis de part et d'autre soient distincts et
n'influent en aucune manière sur l'autre type d'acteur.
Dans les faits, il a fallu six mois avant que le «
Poug'ri » ne se concrétise en acte. Ce n'est que fin
décembre 2012 que les membres des CS ont été
conviés à se présenter au bureau de 3ASC pour
récupérer leur dû. Notons que certaines aires sanitaires se
trouvent à plus de 60 km de distance de Dapaong. Rien que pour le trajet
aller-retour 2000 FCFA (3 €) - sur une moyenne de 4 litres/100- seront
nécessaires en carburant. De plus, étant donné que
l'ensemble des rapports des ASC n'a été soumis à une
vérification que jusqu'à septembre 2012, les CS ne recevront que
trois mois de récompenses, soit 3000 FCFA (4,5€). Bien que ce genre
de récompense soit extrêmement minime, il demeure un appât.
Une certaine dépense en temps, énergie et carburant est investie
pour récolter un montant aussi dérisoire.
Dans tous les cas, il s'agit d'une responsabilité
supplémentaire qui s'additionne à toutes les tâches -
bénévoles - attribués aux CS lors de leur création.
Mais, la présidente de la CS de Nanergou, Tône, tient à
valoriser une certaine philosophie qui règne parmi les membres des CS
:
« Faites le travail, et vous allez voir qu'est-ce qu'on
va vous donner à la fin. N'attendez pas qu'on vous remette l'argent
d'abord avant de faire le travail ». [Présidente de la CS de
Nanergou, Tône].
Mais les CS sont-elles vraiment compétentes pour
effectuer ce travail supplémentaire ? Cette tâche n'est-elle pas
de trop au regard de l'ensemble des activités qu'elles doivent effectuer
et peinent déjà à entreprendre ?
1.1.5. Les actions et activités
Au regard des attentes émises par le projet à
destination des CS, les activités menées à l'heure
actuelle sont loin d'être suffisamment efficaces. Elles ne permettent pas
de toucher
93
l'ensemble de la population et ce, de façon
répétée. Même si tous les acteurs du
développement local s'accordent pour dire qu'une sensibilisation active
et renouvelée permet de changer en profondeur les mentalités, les
faits ne concordent pas avec les propos tenus lors de certaines interviews. Il
est en effet fort rare de rencontrer une CS ayant visité et
effectué des activités dans l'ensemble des villages.
Comme vu précédemment, lors de la
création des CS, les réunions avaient lieu tous les mois.
Aujourd'hui les réunions s'effectuent sur base bimestrielle, dans
certains cas même trimestrielle. Plusieurs raisons expliquent ce
relâchement, notamment le manque d'actions menées et le peu de
résultats obtenus en un mois. Il n'y a pas suffisamment de
matière à discuter.
Au cours de notre visite au sein de l'aire sanitaire de
Bougou, Tône, notre traducteur révèle une information sur
la CS en question:
« Normalement, ils font quatre sorties, quatre campagnes
qu'ils ont faites. Plus quatre réunions trimestrielles. Mais il dit
effectivement que ce n'est pas suffisant. Il dit qu'il faut redoubler
d'efforts, sortir, mener les campagnes de sensibilisation » [Traduction
d'un membre de la CS de Bougou, Tône].
Notre traducteur prend les devants et pose une question de
lui-même :
« J'ai demandé, l'année qui vient, il pense
faire combien de campagnes. Il dit que cinq. J'ai dit, ils ont fait quatre
sensibilisations et ce n'est pas suffisant, et c'est quand ils vont faire cinq
maintenant que ça va tout changer ! » [Traduction d'un membre de la
CS de Bougou, Tône].
Les CS interrogées semblent pour la plupart trop
rapidement satisfaites des actions menées. Toutes au premier abord, ont
tendance à dire qu'elles ont atteint les objectifs annuels.
Par ailleurs, il semble intéressant de se questionner
sur le fonctionnement effectif des activités effectuées au sein
de leur aire sanitaire.
La CS de Namoudjoga, Kpendjal reconnaît clairement
l'intérêt de mener des actions groupées pour assurer une
certaine force de persuasion et augmenter ainsi leur impact. Elle n'a pas
attendu qu'on lui dise comment agir efficacement dans le sens du projet. De
plus, elle insiste sur le partage de connaissance entre les différents
membres de leur CS.
« Ce qui nous a amenés à aller en groupe
dans les villages, ce que ça permet à d'autres membres aussi de
s'imprégner plus sur comment faire la conversation, comment discuter.
94
Parce que si on prend trois personnes, quatre personnes, leur
animation est différente d'un autre groupe. Maintenant si vous allez
tous en groupe, d'autres vont apprendre plus. Les petits groupes s'associent
maintenant en grands groupes pour sortir ensemble et ça permet aux
petits groupes là d'avoir plus de connaissances sur ce que les autres
font quand ils sortent, c'est l'idée qui nous est venue. (É)
Parce que le paysan a plus confiance s'il voit plusieurs personnes entrain de
faire quelque chose, ils pensent que ce que ces gens là font, c'est bon.
Mais si c'est deux, trois personnes, d'autres ne prennent pas l'importance.
(É) Puis surtout que la Commission est composée de plusieurs
villages, quand on se retrouve ensemble, ça veut dire que le message est
un peu partout » [Membre de la CS de Namoudjoga, Kpendjal].
Mais, dans certains cas, les actions menées restent
à l'échelle individuelle « et chacun s'occupe de sa zone, et
à la fin du mois tout le monde se retrouve pour partager ses
expériences » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].
Il semble étonnant qu'au sein de certaines CS, des activités de
groupes n'aient jamais été effectuées pour avoir un impact
plus ample et rendre plus attrayant le contenu de leurs propos.
« Nous n'avons jamais fait ça. (É) Compte
tenu de ce qu'on nous a dit à la formation, cela n'a pas
été dit qu'on devait faire ça. On nous a dit que chacun
devait s'occuper dans son village et ensuite parler des problèmes qu'il
a dans son village » [Présidente de la CS de Nanergou,
Tône].
La force numérique est un atout de taille et certaines
CS, comme celle de Nanergou, Tône ne valorisent pas suffisamment les
intérêts propres à cet organe collectif : il doit se servir
de l'ensemble de ses capitaux humains pour engendrer des actions
renforcées ayant un impact plus conséquent.
Étant donné cette situation, il est convenable
de se questionner sur les répercussions engendrées par leur
rôle de « représentants » des populations
villageoises.
Il est à déplorer que nombre de personnes ne
sont tout simplement pas informées de l'existence des CS qui sont dans
les faits fort méconnues. En interrogeant les membres des CS, tous
étaient convaincus de leur notoriété sur la scène
locale, à l'exception des villages « éloignés
». Cependant, une question destinée aux patients
et aux personnes rencontrées au sein des villages, concernait leur
degré de connaissance sur les CS. Il est apparu que la moitié des
personnes interrogées n'avaient jamais pris acte de l'existence de ce
type de groupement. Concernant l'autre moitié, la majorité n'en
détenait qu'une connaissance partielle, ne sachant ce qu'elles
effectuent concrètement. Rares étaient ceux détenant un
savoir véritable concernant leur fonction et leurs activités.
Dès lors nous pouvons, au regard de ces
95
informations, affirmer que les CS souffrent d'un manque de
présence et de notoriété. Nous sommes donc en droit de
nous questionner par rapport à leur influence véritable sur la
fréquentation des centres de soins périphériques et de
manière générale sur les parcours thérapeutiques
des malades au sein de leur aire sanitaire respective. « Ceux qui viennent
au centre de santé, savent qu'il y a une Commission Santé ici,
mais ceux qui ne viennent pas ici ne savent pas » [Membre de la CS de
Yembour, Tandjouaré], autant prêcher un convaincu.
Mais des villageois de l'aire sanitaire de Korbongou,
Tône, infirment cette position, en précisant qu'ils
fréquentent l'USP mais n'ont jamais entendu parler de la CS,
après une brève explication, ils déclarent ceci :
« C'est très bon même, mais on n'a jamais vu
d'activités sur la santé dans notre village. (É) Il n'y a
pas d'ASC et comité ici, il faut aller à Tantoga. (É) Il
faut que ces groupements viennent dans notre village pour nous sensibiliser
parce que les gens sont encore ignorants, les gens ne savent pas qu'il faut se
soigner au centre. Nous on va au centre mais tout le monde ne va pas »
[Villageois de l'aire sanitaire de Korbongou, Tône].
Lorsque les villageois ont pris connaissance de l'existence de
ces groupements, ces deniers semblent suffisamment acceptés et
respectés. Même si les populations «
représentées » ne paraissent pas forcément
concernées ou ne s'attardent pas sur leur message, elles soutiennent
leurs initiatives, jusqu'à prendre part à leurs activités.
De façon générale, les personnes présentes lors des
séances de sensibilisation sont attentives aux messages
véhiculés. Ce qui ressort parfois, c'est l'indignation et
l'incompréhension des villageois à l'égard des dirigeants
et du gouvernement face à la stagnation ambiante. Mais cet état
de fait ne semble pas véritablement influer sur les relations entre les
villageois et les membres de CS, car ces derniers répondent que les
problèmes rencontrés ne relèvent pas de leurs
compétences, qu'ils sont simplement des intermédiaires entre les
prestataires des USP et les populations villageoises.
Lors d'une séance au sein d'un village, le chef se
permet de donner quelques consignes aux villageois, il introduit les CS et
stipule :
« Qu'ils sont là pour écouter vos
frères, s'y il a quelque chose, ils peuvent poser des questions mais
surtout pas de violence. Celui qui sait qu'il est venu pour écouter le
message que les frères ont envoyé, il n'a qu'à
écouter dans la tranquillité et dans la paix. Celui qui sait
qu'il est venu, ha, pour le tapage, il peut repartir. [É] Mais en ce
moment on a jamais eu de ces cas-là » [Président de la CS de
Bogou, Tandjouaré].
96
Par ailleurs, suivant 3ASC, les CS « analysent,
collaborent et trouvent des approches de solutions aux différents
problèmes rencontrés »159 dans le but
d'améliorer la « qualité des soins au niveau de l'aire
sanitaire », que ce soit au niveau des infrastructures sanitaires, de
l'assainissement du milieu ou de la fréquentation de ces centres en
question. Mais dans de nombreux cas, devant la grandeur des tâches
à entreprendre, qui nécessitent des fonds pour la
réalisation de travaux de grande envergure, les CS doivent se
résoudre à la rédaction de plaidoyers. Bien
évidemment, la sollicitation de contributions financières de la
part de protagonistes du secteur public peut prendre un temps
considérable, laissant en suspens la situation pendant un temps
incertain. À titre d'exemple, nous pouvons mentionner la construction ou
la réparation de forages, de latrines, de logements pour le personnel,
de laboratoires, d'incinérateurs pour les ordures, de salles de repos
pour les accouchées, d'espaces distincts destinés à la
maternité, de panneaux solaires, d'électrification de l'USP,
d'apatams160, de réfrigérateurs, de toitures, de
moyens de déplacements, etc.
1.1.6. Les ressources matérielles
Dans le cadre du « Projet Intégré de
santé dans la région des Savanes », il est à
constater que les moyens mis à disposition ne sont pas suffisants pour
améliorer tangiblement l'accessibilité et les échanges
entre les villageois et les FS.
Une quantité d'outils sont à déplorer.
Ceux-ci permettraient de modifier l'image que les populations villageoises se
font des CS. Des choses aussi simples que des stylos, des cahiers en
papier-carbone, en passant par des T-shirt, des sacs, des casquettes, des
badges, des téléphones portables, etc. pourraient aider à
les faire reconnaître, à les promouvoir et à leur inspirer
le respect.
« Mener une campagne, c'est comme aller chez une fille,
quand tu vas chez une fille et que tu as l'argent, la fille va vite t'accepter,
mais si tu viens les mains vides, la fille va te refuser » [Membre de la
CS de Bogou, Tône].
Tous les membres des CS interviewés ont
déploré le manque de moyens pour engendrer des manifestations
plus conséquentes, lors de leurs activités de sensibilisations.
Des mégaphones aux appareils de sonorisation, en passant par des
boîtes à images, tous ont
159 Document 3ASC, 2008, Recyclage des membres des
Commissions Santé et des ICP, Termes de
références.
160 « Construction légère dont le toit est
fait de végétaux. Le terme apatam viendrait du portugais
patamar "palier", "perron", "plateforme" d'après la
sociolinguiste Suzanne Lafage in Français écrit et
parlé en pays éwé (1985, SELAF) ».
Vu sur :
http://www.dictionnaire.exionnaire.com/que-signifie.php?mot=apatam#definition
(page consultée le 08/08/2013).
97
réclamé la nécessité de
détenir des outils pour attirer davantage de villageois, et par
là-même valoriser leurs actions.
« Quand on arrive dans les villages, on a rien. Aucun
outil matériel, c'est difficile de transmettre nos messages. (É)
On manque de moyens et parfois c'est difficile d'attirer l'attention. Si on
avait des moyens audios ou visuels, on arrive, on met ça en place, il
suffit de mettre un peu de musique, les gens vont se rassembler, ça va
attirer les gens, ça permet de porter loin la parole, ce serait un atout
» [Membre de la CS de Namoudjoga, Kpendjal].
Le décor actuel laisse l'impression d'un manque de
légitimité des CS qui restent trop méconnues dans les
populations et bien trop peu soutenues dans le rôle d'acteurs influents
qu'elles sont supposées exercer. Ils semblent manquer de reconnaissance
et déplore un manque de légitimité.
« Si on pouvait vraiment mettre un fonds pour les
Commissions Santé pour qu'ils puissent sortir tant de fois pour faire
des séances de sensibilisation, ce serait une bonne chose, surtout pour
les villages éloignés, qui sont trop difficile d'accès
même » [Membre de la CS de Namoudjoga, Kpendjal].
En matière de stratégies avancées, la
distance peut influer sur la quantité d'activités qui y seront
effectivement menées. En effet, les actions diverses, campagnes de
sensibilisation, réunions inter-villageoises, etc. auront tendance
à s'effectuer dans des zones plus fréquentées et
relativement proches de l'USP de l'aire sanitaire en question. Par
conséquent, les personnes se retrouvant dans les villages
supérieurs à un rayon de 5 km peuvent se sentir moins
concernées par les actions entreprises. D'autant qu'au regard des
interviews effectuées avec les membres des CS, il est à constater
que la distance influe véritablement sur les actions menées par
ces groupements.
En effet, n'ayant pas de moyens de locomotion au sein de leur
organe, il paraît fort peu envisageable de les voir se rendre
fréquemment dans les villages éloignés. Toutes les CS
interrogées réclament un moyen de déplacement parce que
« quinze km c'est loin ! Et après il y a le retour, vous comprenez
que c'est pas facile pour tout le monde » [Alain de la CS de Pogno,
Kpendjal]. Il semblerait que dans la situation actuelle, les CS ne sont pas en
mesure de se rendre dans les villages éloignés pour effectuer
leurs campagnes de sensibilisation sans que cela constitue une tâche hors
de portée au regard de la distance qui, actuellement, est parcourue
à pied.
98
« Si je devais aller avec la maman [la présidente
de la CS de Nanergou, Tône] dans tel village à quatre km ou cinq
km avec la maman, la maman ne peut pas marcher, moi aussi je ne peux pas
marcher. Si il y a des moyens de déplacements, ha maman, aujourd'hui on
va aller où ? On va aller quel village ? On va aller, hein. C'est pour
augmenter nos activités. On sera plus motivés. Et puis comme
ça les gens vont plus comprendre. Si on reste dans la même place,
parler, parler, parler, ce n'est pas bon, Il faut qu'on aille vers eux »
[Membre de la CS de Nanergou, Tône].
Une telle transformation doit inévitablement passer par
des campagnes d'informations quant à l'existence même de
groupements défendant les intérêts villageois. Une photo de
chaque membre de la CS et des autres organes relatifs à la FS pourrait
être affichée dans les couloirs de l'USP concernée. Il
serait même envisageable, avec très peu de moyens, de créer
des prospectus au sujet des CS comme étant des personnes à la
disposition de tout un chacun. Ces dépliants pourraient se retrouver
dans toutes les USP et être disponibles pour tout le monde.
Suivant cette perspective bureaucratique, lorsque que tous ces
moyens seront mis en oeuvre et que la motivation financière sera
appliquée, des « critères de performances » pourront
être élaborés, des exigences plus soutenues pourront leurs
êtres assignées. En fonction des résultats
constatés, elles obtiendront un montant correspondant aux efforts
encourus.
En l'absence des différents outils matériels qui
leurs sont nécessaires, les CS se sentent profondément
dépossédées et limitées quant à leur champ
d'actions. Elles semblent être dans l'attente pour enfin devenir
efficaces. Ce problème de dépendance des CS vis-à-vis de
3ASC n'améliore nullement la situation, il constitue même un
obstacle à toute tentative d'autonomisation de cet organe.
1.1.7. Les facteurs externes
- Les activités
champêtres
L'activité des CS est à forte propension
agricole. De ce fait, les activités champêtres passent devant
toutes les autres occupations. Il s'agit des récoltes annuelles qui ne
peuvent être reportées. De juin à octobre, les
réunions ainsi que les activités sont suspendues.
« Les gens se plaignaient que durant cette
période, ils n'ont pas le temps, c'est pour cela que les
activités cessent pendant plusieurs mois » [RFS de Pogno,
Kpendjal].
99
- Conflits intercommunautaires
Des problèmes intercommunautaires peuvent survenir dans
certaines aires sanitaires, pouvant avoir des répercussions sur le
fonctionnement même d'une CS. C'est le cas dans l'aire sanitaire de
Papri, Kpendjal. En effet, les membres de cette CS appartiennent à deux
communautés différentes et peinent à travailler ensemble.
Le RFS de l'USP de Papri nous donne sa vision des faits :
« Nous avons deux communautés qui sont en conflit
perpétuel, ça date depuis longtemps et cela même a fait
venir le Ministre de la Santé pour constater les faits. Qu'est-ce qui se
passe à Papri, on arrive pas à réhabiliter le centre ? Il
est arrivé, il a touché du doigt les réalités.
(É) C'est un conflit de chefferie traditionnel, c'est-à-dire,
même actuellement les gens sont incarcérés par rapport
à ce conflit. Donc ça date depuis fort longtemps, si bien que
ça bloque certaines activités et ça bloque
également le développement du milieu. La politique du milieu
n'arrange rien, être en conflit perpétuel ça ne peut rien
arranger » [RFS de Papri, Kpendjal].
Bien évidemment, cette situation « bloque »
également les activités menées par la CS de Papri, le RFS
continue son explication.
« Quand je suis arrivé ici en 2009, Anonyme
[Employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS] m'a
informé de la présence de la Commission Santé dans ma
localité et après on a fait une réunion à
Namoudjoga par rapport à cette Commission Santé pour faire le
bilan annuel de 2009. Mais cette Commission Santé n'était pas
fonctionnelle. Surtout par rapport à nos problèmes qui se
trouvent dans la localité que je vous disais auparavant. Parce que
là c'est une Commission divisée en deux. Parce que les membres de
la Commission sont dans les deux communautés et sincèrement, ils
ont du mal à travailler ensemble. Donc, il n'y a jamais eu de
réunions en 2010. On est retourné à la fin de 2010
à Namoudjoga pour le bilan annuel. J'avais demandé à
Anonyme si on pouvait changer les membres de cette Commission Santé
parce que je vois que ces membres, après la réunion c'est fini,
on ne peut pas se retrouver. Bon il m'avait dit que ça demandait un peu
de fonds et qu'on ne peut pas tout de suite changer. On a planifié par
rapport à 2011, finalement il n'y a eu que trois réunions.
Aujourd'hui, c'est toujours compliqué, on arrive mieux à
s'entendre mais c'est toujours compliqué » [RFS de Papri,
Kpendjal].
- Des villages oubliés
Au sein des aires sanitaires investiguées, les USP sont
effectives - officiellement - pour fournir des soins décents dans un
rayon inférieur à 5 km. Cependant, au regard de cette
100
situation, plus de 40% des villages161 de la
région ne semblent pas desservis suivant les normes préalablement
émises ; obligeant les structures de soins périphériques
à agrandir leur périmètre sanitaire.
Cette situation ne peut qu'engendrer des difficultés.
Aussi bien pour les prestataires de ces dispensaires, dans la prise en charge
optimale - en termes de durée de consultation, de matériels, de
ressources, d'infrastructures, d'espaces, etc. - vis-à-vis de
l'entièreté des patients en présence, pour les malades,
principalement en termes d'inaccessibilité géographique et de
qualité de traitements que pour les CS augmentant véritablement
le nombres d'activités à accomplir. De plus, un membre de la CS
de Sanfatoute, Tône tient à souligner un autre aspect qui n'est
pas du ressort de notre dispositif étudié mais qui
influe inévitablement sur celui-ci.
« Il y a certains villages, vous allez, ils vous diront
tout de suite qu'il ne connaissent pas la Commission Santé. Certains
villages au cours des campagnes de vaccination ont été
oubliés, entre temps. On ne sait pas s'il est au Burkina ou il est au
Togo. Quelques fois, on ne sait pas s'il est dans l'aire sanitaire de
Sanfatoute [Tône] ou Papri [Kpendjal]. Quelque part, Papri vaccine, il
laisse ce village enclavé, Sanfatoute vaccine et il laisse ce village
quelque part. Oublié ! Donc à un moment donné, bon, ce
problème était évoqué chaque temps au cours des
réunions que le major avait apporté ces informations au niveau de
la DPS. Donc le DPS de Tône et celui de Kpendjal s'étaient
retrouvés, ils ont discuté un jour, ils sont venus ensemble pour
aller sur les lieux avec le major d'ici et celui de Papri et donc maintenant,
il y a certains villages qui sont retournés à l'USP de Sanfatoute
et d'autres sont partis à Papri. Donc aujourd'hui, je peux vous dire que
c'est la zone-là, d'abord, qui n'est pas encore bien sensibilisée
sur la Commission Santé » [Membre de la CS de Sanfatoute,
Tône].
1.2.Conclusion
Notre première partie de l'analyse étant
achevée, nous pouvons résolument admettre avoir pleinement
exposé les dysfonctionnements intrinsèques au « Projet
Intégré de Santé dans la région des Savanes ».
Ceux-ci conditionnent l'existence même des CS. En réaction, elles
se voient contraintes de faire face aux difficultés, malgré leur
impact limité. De plus, elles servent la plupart du temps, de
bouc-émissaire lorsqu'il est question du non-fonctionnement des
objectifs du projet. « A partir de là, se déroule un
processus de « malentendu productif » et d'ajustement sans fin entre
les stratégies [des groupements locaux] (révélant bien
évidemment l'hétérogénéité sociale et
économique du milieu [des
161
http://main-tendue.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=99:apercu-de-la-situation-sanitaire-du-togo&catid=48:en-detail&Itemid=93
(page consultée le 04/06/2013).
101
membres de ces groupements]) et les stratégies des
opérateurs de développement (révélant le
caractère politique et contraignant de leur action ainsi que l'existence
de pratiques très éloignées des règles formelles de
l'organisation rationnelle). La lutte contre les dysfonctionnements du
populisme bureaucratique alimente la croissance de la bureaucratie en
même temps qu'elle nourrit les stratégies [des groupements locaux]
de « détournement » des objectifs bureaucratiques
»162. À cet effet, certains « mécanismes
» seront mentionnés dans la deuxième partie de notre
analyse, destinée à illustrer les tactiques de «
débrouille » érigées par les CS, comme étant
apparemment leur unique moyen de s'ajuster à la conjoncture en
présence.
2. ADAPTATIONS ET « MÉCANISMES DE
DÉBROUILLE »
En réponse à la première partie de notre
analyse, nous signifierons à présent du caractère complexe
des moyens déployés par les CS pour répondre aux objectifs
qui leur furent assignés a priori.
Les CS parviennent dans une certain mesure, à assurer
une forme de continuité au « Projet Intégré de
santé dans la région des Savanes », malgré tout les
aspects abordés ci-dessus. Les CS développent, dans certains cas
des procédés ou stratégies, dont 3ASC ne semble
pas toujours informé. En ce sens, ce deuxième aspect
reflète ce qu'Olivier de Sardan nomme une « dérive
»163, autrement dit un décalage entre
les buts assignés et les réalisations
effectuées.
Ceci résulte d'une forme d' « adaptation »
à la conjoncture en présence. « C'est en effet dans le cadre
cognitif et normé du populisme bureaucratique que les acteurs
construisent leurs intérêts et élaborent alors des
stratégies pour les promouvoir. Ces stratégies sont alors
dépendantes de variables telles que la conjoncture, l'organisation
hierarchique des organisations de développement, les
particularités nationales ou la « culture d'organisation »
»164.
Ceci étant, nous nous appuierons, sur notre
deuxième hypothèse, de façon à orienter le canevas
de notre analyse. Celle-ci fut formulée dans les termes suivants (voir
I. 2.3. Hypothèses) :
162 Chauveau, J.-P., op. cit., pp. 45-46.
163 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 140
164 Chauveau, J.-P., Ibid., p. 50.
102
« En réponse aux dysfonctionnements
relevés, les Commissions Santé s'adaptent à la situation
et développent des initiatives dans le souci d'assumer leur
responsabilité sur la scène sanitaire locale »
Certains comportements innovants, permettent de faire face aux
difficultés survenant dans l'exercice de leur fonction. Malgré
les entraves du dispositif actuel, ces acteurs tendent à
affirmer leur « capacité de résilience »165.
Pour ce faire, nous rendrons compte de ces « mécanismes de
débrouille » qui furent portés à notre attention. Il
s'agit principalement de cas particuliers rencontrés au cours de nos
entretiens qui méritent, à notre sens, d'être mis en
lumière.
2.1.Autofinancement
Il fut décidé au sein de la CS de Bougou,
Tône, que lors de chaque réunion, l'ensemble des membres reversait
une somme convenue à la collectivité pour subvenir aux
dépenses relatives à leur groupement. De plus, une forme de
pénalité fut imposée aux retardataires. De ce fait, afin
de récolter et conserver les fonds sans difficulté, ils
décidèrent de choisir en interne un trésorier. Cette
initiative permit de pallier un autre problème majeur : la
dépendance financière vis-à-vis des bailleurs de fonds et
de l'ONG 3ASC.
« On a dit que pendant les réunions, c'est
important que tout le monde soit à l'heure, parce que quand on arrive
pas à l'heure on peut pas parler. Et on avait dit que celui qui vient en
retard, il doit payer 50 francs, parce que les autres, ils ont laissé
leurs travaux, ils sont à l'heure, et toi tu es dans tes travaux, tu
n'arrives pas à l'heure. Donc on fait ça. Les gens, ils viennent
à l'heure maintenant. Bon et sinon on avait dit que à chaque
réunion, chacun doit donner cent francs, parce que des fois, il y a des
déplacements, on peut payer comme ça vers Dapaong ou là,
parce que des fois, on te demande, comment on va aller ? Il faut se
déplacer. Bon pour les déplacements, où il faut trouver
ça ? La personne ici n'en a pas dans sa poche, donc il est obligé
puisque sinon il ne peut pas aller. On a choisi un trésorier, chaque
réunion, chacun donne 100 francs, 100 francs, on note, on donne au
trésorier, il garde ça. À chaque réunion, 700
francs pour la Commission et on garde. Mais bon, celui qui arrive en retard, il
peut donner 150 francs, donc ça peut monter » [Président de
la CS de Bougou, Tône].
Par ailleurs, la CS de Nanergou, Tône a
décidé récemment d'appliquer le même système
:
165 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 52.
103
À chaque réunion, tous les deux mois, nous
mettons maintenant de l'argent dans une cagnotte, cent francs, deux cents
francs par personne, selon les moyens, le 20 de chaque deux mois nous
récoltons des petits fonds. Comme ça en cas de problème,
nous pouvons utiliser cet argent, avec ça maintenant on peut
démarrer. C'est de l'argent de notre poche, mais on considère que
ce n'est pas grand chose. Comme on n'a pas de moyens, on doit faire quelque
chose, chaque deux mois, on met quelque chose. Comme ça, si on vous
appelle à une réunion très urgente, et il doit venir, avec
quoi maintenant il va aller ? Si il y a l'argent maintenant, on peut prendre
dedans, mille francs ou mille cinq-cents francs pour lui remettre, il va
prendre un zem [moto-taxi], aller-retour, c'est bon » [Membre de la CS de
Nanergou, Tône].
Il continue son explication par rapport au manque de moyens
pour superviser correctement le travail des ASC.
« Concernant les fiches de rapport des ASC. On nous remet
une fiche et nous on va photocopier ça à nos frais et puis
partager ça aux ASC, or il y a une photocopieuse à 3ASC. Vous
voyez, ce n'est pas normal. On ne nous donne pas l'argent pour aller faire
ça. On doit toujours mettre la main à la poche, alors qu'il y a
des moyens. C'est pour ça, par exemple, qu'on a mis en place ce
système de cagnotte » [Membre de la CS de Nanergou].
La CS de Namoudjoga, Kpendjal, tente quant à elle, de
mettre en place des initiatives génératrices de revenus, en
partenariat avec les populations de son aire sanitaire afin d'utiliser ces
ressources financières a posteriori pour se rendre vers le
centre de santé et augmenter les adhésions à la mutuelle
de santé, et ainsi bénéficier de soins de santé de
plus ample qualité.
« Il dit, c'est toujours le même problème de
moyens financiers que la population rencontre, mais quand même il arrive
souvent qu'ils appuient la population à mener des activités
génératrices de revenus afin de pouvoir subvenir à leurs
besoins, ils leurs donnent des conseils sur le jardinage, sur les
activités champêtres, qui peuvent leur permettre d'avoir un peu de
sous pour pouvoir s'adhérer à la mutuelle et venir plus vite vers
le centre. C'est aussi un rôle qu'ils mènent et ils auraient bien
besoin de l'appui pour faire la promotion de cette initiative, de ces
activités génératrices de revenus. Ceci pourrait augmenter
les revenus de la population et par conséquent augmenter le taux de
pénétration de la mutuelle de santé » [Traduction
d'un membre de la CS de Namoudjoga, Kpendjal].
Par ailleurs, un membre de la CS de Sanfatoute, Tône a
effectué un plaidoyer pour détourner une certaine somme d'argent
destinée à un autre effet pour améliorer les conditions
matérielles du centre.
104
« Moi j'ai fait aussi un plaidoyer au niveau de Bonfonden
la semaine passé et que, ça a marché quand même.
Parce que chez nous à Bonfonden là-bas, chaque mois il y a le
parrainage des enfants qui arrive. Bon, et moi j'avais dit, les mois
passés, on a acheté les nattes et tout pour le jardin d'enfants
qui nous entoure, cette fois-ci on a eu aussi un parrainage, mais l'argent
n'était pas beaucoup, c'était 28.000 [42 €] comme ça.
Mais au cours des propositions, j'ai dit bon, est-ce qu'il ne pourrait pas
appuyer l'USP avec quelque matériel pour que ça nous aide. Les
gens ont compris la proposition, et on a décidé d'acheter 20
litres de pétrole pour la chaîne de froid pour garder bien les
produits, on a proposé d'acheter aussi 10 litres d'alcool au moins pour
déposer à la salle de pansements, comme ça quand les gens
ils viennent on peut essayer de nettoyer aussi leurs plaies, ensuite le coton
et les bandes. Donc aujourd'hui le président du COGES est parti
là-bas, il est membre aussi de la Commission, ils vont acheter ça
demain matin pour l'USP, bon c'est un pas, une petite chose. Ça peut
aller » [Membre de la CS de Sanfatoute].
Ces différentes mesures mentionnées ci-dessus
témoignent d'une volonté propre de la part des CS de subvenir
à leurs propres besoins de commissionnaires face aux problèmes
financiers qui les touchent. De telles initiatives permettent une forme de
continuité, du moins tendent-elles à résoudre certaines
difficultés quotidiennes et ainsi à répondre à
quelques unes des tâches qui leur incombent.
2.2.Relations de proximité
En dehors des relations établies, nombreuses sont les
interactions auxquelles les CS prennent part, et notamment entre des
groupements villageois en tous genres. De ce fait, les membres de ces CS
prennent place dans le paysage et appliquent des procédés divers,
via les connexions qui sous-tendent les réseaux existants. Ces relations
leur sont bénéfiques car elles leur permettent de
développer des procédés propres à réaliser
certaines des actions qui sont à leur programme. Nous en
énumérerons quelques unes qui nous furent narrées au cours
de nos interviews.
- Réunion avec les thérapeutes
traditionnels
Lors de réunions de sensibilisation au alentour de
l'USP, la CS de Bougou, Tône à pris l'initiative de faire jouer de
ses réseaux pour inviter des thérapeutes traditionnels à
se joindre à leur réunion. Le président de la CS de
Bougou, Tône témoigne de son expérience :
« On avait fait quelques réunions de
sensibilisation ici, on avait appelé les guérisseurs même,
ils étaient venus ici avec nous. On a appelé tout le monde qu'on
connaissait. Tous, tous. On a posé les questions, qu'est-ce que vous
pouvez guérir ? Qu'est-ce que vous ne
105
pouvez pas guérir ? On leur a demandé comment
vous guérissez les gens ? Et chacun explique en fonction des maladies.
Ils donnent leurs impressions, comment ils font. Et le major a donné
aussi comment on peut guérir les gens ici. On voit que eux aussi ils ont
des besoins pour soigner les gens. On a beaucoup échangé. On voit
que beaucoup de gens vont les voir donc on essaye de parler, de se comprendre.
Parce qu'on veut tous une meilleure santé. (É) Mais moi je ne
vais pas les voir, j'essaye d'expliquer au gens de venir à l'USP mais
les gens continuent d'aller les voir. C'est comme ça. Donc on fait ces
réunions. On échange. (É) Ils doivent être là
quand même, ils soignent. Après tu entends qu'il est malade et il
est déjà parti chez le guérisseur donc tu n'as pas le
droit d'aller le tirer de là-bas pour l'amener ici, tu es obligé
de le laisser faire ça. S'il croit qu'il a été
envoûté, il va aller chez un guérisseur, mais
c'était peut-être un abcès, mais pour lui c'est seulement
en allant chez le guérisseur que ça peut guérir. Donc il
faut que les guérisseurs connaissent un peu » [Président de
la CS de Bougou, Tône].
Un membre de la CS de Kourientre, Tône nous explique
qu'ils ont établi un système pour que la référence
vers des centres de santé puisse se faire correctement.
« On a mis au point des étapes, si c'est le palu
ou les infections respiratoires, s'il y a des signes en particulier, il faut
qu'ils réfèrent eux-mêmes » [Membre de la CS de
Kourientre].
- Relations avec les membres des CMB
Les contacts avec les différents groupements
rattachés à l'USP peuvent être bénéfiques.
Nombreux sont ceux qui se côtoient au quotidien. De plus, ils utilisent
leurs relations à d'autres fins :
« Avec l'animatrice du CMB de Nanergou, Julienne
[spécialisée dans l'adhésion de nouveaux membres à
la mutuelle de santé], d'abord quand elle vient, c'est à mon
niveau et puis moi je les invite et je les assiste. Je connais le rôle de
chacun. La présidente, elle ne sait pas écrire, donc c'est le
secrétaire qui tient le livret pour les collectes. Certaines femmes
viennent à mon niveau, je collecte et puis je vais leur remettre. Elles
sont motivées selon le nombre de personnes qui adhèrent. Donc
comme elles savent que je connais beaucoup de personnes et qu'on
m'écoute je les aide et puis elles m'aident, vous comprenez ? (É)
Et puis on s'aide aussi pour les villages, vous voyez, on ne peut pas aller
partout. Donc quand elles vont quelque part, elles m'informent et puis moi
j'informe les membres de la Commission comme ça on va ailleurs, on
essaye d'aller dans le plus d'endroits possible comme ça »
[Présidente de la CS de Nanergou, Tône].
106
L'utilisation de leurs réseaux est fondamentale pour
mener à bien leurs activités et dépasser les exigences
formelles qui leurs sont assignées. En ayant recours à ce type de
relations de proximité, elles satisfont davantage ce
présupposé de « représentativité »
qu'elles se doivent de valoriser.
2.3.Consternation
Lors d'un entretien de groupe, le débat s'est
orienté autour des prix en vigueur dans les USP ainsi que de
l'amplification du phénomène des mutuelles de santé dans
le paysage. Malgré son affiliation à la mutuelle, la
présidente de la CS de Nanergou, Tône nous explique son
scepticisme passé :
« Tu payes si bien croyant que tu es mutualiste, plus
même. Mais plus maintenant, avant c'était comme ça. Les
frais augmentent plus vite quand tu es mutualiste, ce n'est pas normal. Il y en
a qui dépensent jusqu'à 15.000 francs, mais un non-mutualiste on
ne va pas lui faire payer ça. On a prescrit à une femme
jusqu'à 15.000, le mari est venu auprès de moi, il me dit :
c'était trop dur. Je suis venu ici, j'ai dit d'aller me prendre le
carnet. On me dit qu'on ne me remet pas le carnet, on ne va pas me remettre le
carnet. Je me dis c'est grave, on va voir le produit qu'on a prescrit, et
finalement quand Julienne [spécialisée dans l'adhésion de
nouveaux membres à la mutuelle de santé] est venue, j'ai
expliqué, Julienne a pris le carnet, on nous a dit que c'est le
médecin-conseil qui dit quand ça dépasse 15.000, de ne pas
diviser, Julienne est partie soulever le problème là-bas. Le
médecin-conseil a dit que non, que lui n'a pas dit ça et il a
photocopié le produit même qu'il a prescrit et dit qu'il n'a pas
conseillé à l'USP, le produit qui a été prescrit
n'a pas été conseillé !? » [Présidente de la
CS de Nanergou, Tône].
Une rencontre avec une patiente de l'USP de Naki-est, Kpendjal
vient corroborer cette constatation :
« Elle dit, l'année passée elle est
rentrée dans la mutuelle et cette année elle est ressortie.
L'année passée quand elle n'était pas dans la mutuelle,
quand elle venait en consultation elle dépensait... le plafond
c'était deux mille. Maintenant, quand elle est rentrée dans la
mutuelle le plafond jusqu'à cinq mille et au delà. Elle dit,
c'est presque le même soin mais maintenant le plafond va à cinq
mille. Donc quand elle est dans la mutuelle les soins reviennent plus cher.
Elle trouve que maintenant, c'est comme si... comme elle est dans la mutuelle,
on se dit que, on l'aide donc c'est un avantage pour elle, donc le centre veut
maintenant profiter de ça pour augmenter les coûts de prestations
» [Traduction d'une patiente de l'USP de Naki-est, Kpendjal].
107
Devant cette difficulté, la CS de Nanergou a
décidé de prendre des mesures :
« On a vu ça, on s'est dit qu'est-ce qu'il faut
faire ? Il faut qu'on se renseigne là-bas pour voir le prix de chaque
médicament, et on note chaque prix, on fait un tableau, on met ça
chez l'infirmier, quand tu viens, tu crois que c'est pas correct, bon allez
voir ce que tu as acheté là, c'est pas la même somme qu'il
y a écrit ici ? Donc là aussi, les gens ont dit que ça va
» [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].
L'influence décisionnelle couplée aux
réseaux informels permet de telles actions. Les CS ont certes une forme
d'autorité au sein de leur aire sanitaire respective.
2.4.Utilisation de leur statut
Au-delà de la dimension « projet », les CS
bénéficient d'une forme de légitimité sur la
scène locale. Nous nous concentrerons, dans l'exemple qui suit, sur
l'utilisation de leur statut de commissionnaire à des fins diverses.
Lors d'une interview avec un membre de la CS de Bougou,
Tône, nous l'avons questionné sur les changements qu'il aurait pu
constater sur le plan personnel, depuis son insertion dans cet organe. Notre
interprète nous explique les propos tenus :
« Il dit que sa vie a changé. Quand il
n'était pas membre du comité là, il se faisait soigner
difficilement. Depuis qu'il est membre, quand il vient là, c'est
rapidement qu'on le prend en charge et on fait tout pour lui. (É) Mais
on ne le privilégie pas, celui qui est venu premièrement, c'est
obligé, c'est lui qui passe avant, mais on le soigne bien, c'est tout,
c'est plus facile qu'avant » [Membre de la CS de Bougou, Tône].
Par ailleurs le rapporteur de la CS de Bogou,
Tandjouaré, nous explique que son appartenance à des groupements
divers lui attribue une position particulière :
« Donc depuis que j'ai commencé à
m'impliquer, j'ai été secouriste, ASC, Commission Santé,
je suis aussi de la Croix-Rouge. Donc en tout cas quand je passe quelque part,
on sait que je suis venu dans le domaine de la santé. Quand les gens on
des problèmes, ils viennent vers moi pour m'expliquer par exemple en
saison des pluies quand il y a une inondation, les maisons sont tombées
ou bien il y a des choses à enlever... en tout cas on m'informe parce
que je suis le point focal de Bogou, il faut qu'on m'informe pour que je puisse
enregistrer leur nom et remettre ça au coordinateur ou président
préfectoral. Donc en tout cas je suis écouté, si je dis
que je suis pas écouté, c'est pas juste. Je transmets toujours
les informations. (É) Après
108
on peut me remercier, on peut me donner à manger, une
pintade... » [Rapporteur de la CS de Bogou, Tandjouaré].
Parfois, il s'agit simplement d'une explication simpliste
quant à l'influence dont certains commissionnaires peuvent
bénéficier lors de ces interactions.
« Il dit qu'il entretient de bonnes relations avec sa
communauté, et j'ai demandé quelles relations ? Il dit
maintenant, tout ce qu'il dit à la communauté, les gens acceptent
facilement. On l'accueille bien quoi, on le respecte plus qu'avant »
[Traduction d'un membre de la CS de Bougou, Tône].
Tous ces dires témoignent d'une forme d'utilisation de
leur statut de commissionnaire pour étendre leur influence et leur
« pouvoir » dans le paysage local. En s' « appropriant »
cette responsabilité, ils bénéficient d'avantages divers
grâce aux réseaux qu'ils mobilisent.
2.5.Conclusion
Cet ensemble de « mécanismes de débrouille
» observés et ci-dessus relatés, nous permet d'affirmer que
les CS ont élaboré leur propre forme d'adaptation au «
Projet Intégré de santé dans la région des Savanes
» pour établir le lien entre le modèle importé et la
réalité du terrain. Pour autant, nous nous sommes principalement
intéressé à une série de « dérives
» apparues dans le sens de la continuité du projet.
Face aux contraintes qui sous-tendent la dynamique «
projet », deux aspects essentiels ressortent pour notre discussion : en
premier lieu les CS démontrent qu'elles sont contraintes de trouver les
moyens de surmonter les obstacles à la réalisation de leurs
objectifs premiers ; mais par cette adaptabilité-même, elles font
preuve d'une réelle capacité à élaborer des
stratégies susceptibles d'améliorer leurs conditions.
109
IV. DISCUSSION
L' « approche participative » a marqué d'une
certaine façon l'ensemble des initiatives prises en matière de
développement, en réponse aux PAS élaborés dans les
1980. Toutefois, la dynamique actuelle laisse entrevoir un décalage
grandissant entre les discours et les réalisations effectives. Ces
dernières, à maints égards institutionnalisées et
instrumentalisées par les protagonistes du développement local,
ne semblent pas refléter véritablement les discours
endogènes. Mais selon Lavigne Delville, des nouvelles configurations
s'invitent dans les schémas développementistes actuels, visant
à renouveler la notion même de « participation ».
En s'étant appliqué à analyser, suivant
une perspective diachronique et synchronique, l'action du « Projet
Intégré de santé dans la région des Savanes »,
nous pûmes nous atteler, dans le sens de Jean-Pierre Chauveau, à
« une déconstruction en règle des conceptions naïves de
la participation »166. Pour preuve, nous avons relevé
les dysfonctionnements étudiés dans le cadre de cette recherche,
lesquels nous permirent de faire apparaître de nombreuses contradictions
en interne, aboutissant le plus souvent à un renforcement des dynamiques
coercitives entre les responsables du projet et les personnes en charge de son
application.
La présente étude, vouée à une
méthodologie strictement définie, suivant une démarche
empirique, nous a amené à souligner, dans le cadre du «
Projet Intégré de santé dans la région des Savanes
», une dissonance criante entre les objectifs revendiqués
et les pratiques appliquées. L'un des résultats de la
posture affichée est de ne faire ressortir que bien davantage les
faiblesses de la dynamique actuelle en matière sanitaire dans la
région des Savanes. Plus loin, nous pûmes mettre en lumière
une série de « mécanismes » mis en oeuvre par les CS
pour s'adapter à la conjoncture en présence.
De ce fait, tout au long de notre analyse, il s'est agi de
répondre à notre question de recherche présentée,
ex ante, en ces termes : « Dans quelle mesure,
l'insertion des Commissions Santé sur la scène sanitaire locale
Ð à travers l'ONG 3ASC Ð permet-elle l'élaboration d'une
dynamique « participative » véritablement endogène ?
».
A fortiori, notre analyse s'est astreinte à
vérifier les sous-tendus de cette dynamique « participative »
revendiquée dans le cadre du projet étudié. Par
delà la rencontre avec un dispositif déficient, le
projet en question déploie en guise de remède une persuasion
aveugle visant à renforcer ses structures initiales, elles-mêmes
à l'origine de ses déficiences. Le
166 Lavigne Delville, Ph., op. cit., p. 162.
110
concept de « populisme bureaucratique »
initié par Chauveau est toujours applicable. En ce sens, ce
dispositif bureaucratique développementiste, axé sur la
« participation », qui fait vivre le « Projet
Intégré de santé dans la région des Savanes »
ne semble pas caractérisé par une forme
d'indépendance endogène. Il continue à
revendiquer ses prérogatives sous des airs bienfaisants. Même si
des améliorations tangibles apparaissent sur la scène,
celles-là résultent uniquement d'accomplissements dirigés
par des acteurs externes. Leur but principal semble être de chercher
à justifier, à travers les résultats, les raisons de leur
présence et donc à la pérenniser. Bien davantage, les CS
tendent à devenir elles-mêmes les « diffuseurs » de
cette vision développementiste. Dans ce contexte, alors qu'aucun
réel changement de fond n'est tangible, les efforts considérables
qui sont déployés pourraient être résumés en
trois mots : un éternel recommencement.
Ceci étant, devrions-nous nous arrêter à
un constat aussi pessimiste, et exclure toute approche en matière de
« participation communautaire » dans la région des Savanes ?
Les CS n'ont-elles aucun avenir dans cette constellation ? En s'inscrivant dans
une « rhétorique réactionnaire » au sens de Hirschmann,
la posture déconstructiviste n'est-elle pas condamnée «
à l'inanité, à la perversité ou même aux
dangers de l'approche participative quant aux objectifs fondamentaux du
développement »167 ?
Si une position de rupture n'est pas souhaitée, une
perspective alliant dispositif institutionnel et prises de
décisions émises à la base, par des instances locales,
pourrait peut-être en définitive, aboutir à davantage de
changements de fond ? Concrètement, grâce à une
collaboration plus efficiente, axée sur des négociations
transformationnelles et aspirant à une construction commune ? Mais, il
va sans dire, le risque de céder aux schémas passés est
grand et toute nouvelle initiative encourt le sérieux risque de rester
vaine. De plus, cette perspective ne devrait pas ignorer les effets
indésirables causés par une action structurante, qui
elle-même détermine les comportements des protagonistes
concernés. « Les rapports entre contexte socio-politique,
volonté des commanditaires et des animateurs, et procédures sont
au coeur d'une telle analyse, visant à comprendre les modalités,
les enjeux et les effets des dispositifs participatifs »168.
Alors que le complexe dispositif mis en place semble,
à maints égards, inébranlable, il apparaît qu'une
forme d'ouverture, fondée sur la volonté d'« utiliser les
procédures, les règles, les dispositifs pour produire des
déplacements partiels et ouvrir des espaces de débat
167 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 30.
168 Lavigne Delville, Ph., op. cit., p. 182.
au profit de certains acteurs »169,
permettrait d'initier des changements notoires. Mais au-delà de cette
dimension, sujette à polémique, « l'approche participative
est d'abord et avant tout un mode historique de « gouvernementalité
» » 170 . C'est pourquoi, au-delà d'une vision «
déconstructiviste », il semblerait nécessaire de «
déconstruire » la notion même d' « approche
participative » vouée à une justification continuelle de son
authenticité, permettant ainsi une redéfinition en aval des
principes mêmes de son action.
111
169 Lavigne Delville, Ph., op. cit., p. 177.
170 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 30.
112
V. CONCLUSION GÉNÉRALE
L'objet principal de ce mémoire aura été
d'examiner en profondeur la dynamique « participative » des
Commissions Santé au sein de la région des Savanes, Togo. Pour ce
faire, nous avons analysé les tenants du dispositif «
projet » et les répercussions causées par l'apport d'outils
exogènes sur des groupements villageois.
Dans un premier temps, afin de procéder à notre
étude de cas sur les Commissions Santé dans les districts
sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône, nous nous sommes
attelé à présenter le concept de « populisme
bureaucratique », développé par Chauveau suivant une
perspective déconstructiviste. Ensuite, soucieux de procéder
à une analyse qualitative empiriquement vérifiée, nous
avons élaboré une méthodologie rigoureuse visant à
percevoir les principes et aboutissants du processus « projet »
coordonné par 3ASC. Après avoir circonscrit les limites de notre
recherche et effectué une présentation détaillée de
son cadre, nous avons tenté de mettre en évidence les
dysfonctionnements inhérents à une telle situation. En effet, le
fait de l'appartenance des Commissions Santé de la région des
Savanes à un vaste appareil bureaucratique, mais aussi l'existence des
limites auxquelles elles sont soumises - suivant une direction qui
écarte la globalité de la problématique, notamment
certaines composantes propres à la réalité du terrain -
sembleraient expliquer leur relatif échec dans de nombreux cas.
Devant cette « impossibilité » de mener
à bien le projet institutionnalisé, perpétuellement
axé vers les résultats, les Commissions Santé sont
amenées à développer des « dérives »,
pour aller au-delà d'une telle politique et faire vivre une dynamique
endogène assurant ainsi une certaine continuité de la
volonté « participative ».
Selon nos observations, les Commissions Santé ont fait
preuve d'un esprit constructif en s'initiant à diverses
mécanismes pour assurer la continuité des
présupposées interventions qui leur ont jusqu'ici incombé.
En d'autres termes, par delà les difficultés de communication et
d'incompréhension entre les défenseurs du dispositif et
les agents locaux de développement, nous avons assisté à
une réelle qualité d'adaptation au sein de cet organe.
Toutefois, nous pûmes en tous points constater que la
dynamique « participative », tant clamée, se résume le
plus souvent à une illusion de façade où la connivence
factice se réinvente sans cesse pour dissimuler la mainmise
réelle, en arrière plan, des décideurs extérieurs.
Les Commissions Santé n'ont qu'une marge de manoeuvre restreinte. Elles
doivent intégrer le « langage-projet » pour être
reconnues par le système, intitulé à tort «
santé
113
communautaire » et ainsi faire porter leur voix. De par
ce simple fait, l'intervention endogène semble ne rester qu'une
intention formulée.
D'un autre côté, se complaire devant
l'échec des « développeurs », en s'appliquant à
la critique sincère, qui se résume le plus souvent à la
passivité des acteurs locaux, serait un aboutissement insuffisant de
notre recherche.
Devant cette impasse, une dynamique nouvelle pourrait surgir.
La notion même de « participation » revêt une
ambiguïté et cette confusion est source de convoitise. Elle peut
être aussi bien réutilisée par les décideurs de
l'extérieur en guise d'instrumentalisation, que
réappropriée par les acteurs sur le terrain à des fins de
contestation171. Les frontières sont perméables. Il
est toutefois dangereux de voir la solution dans la combinaison des valeurs. En
ce qui nous concerne, le dénouement est à envisager dans une
perspective socio-anthropologique.
Dans le sens de Dozon, nous espérons que notre
étude aura modestement contribué à « rendre
intelligible le cadre de l'action de développement »172
en Afrique de l'Ouest à travers l'exemple des Commissions Santé.
Toutefois, s'il est vrai que la meilleure façon de rendre ce cadre
saisissable est de le définir comme un « champ politique
»173, nécessaire à décrypter, une telle
prise de conscience ne peut-elle ouvrir les horizons de toutes les parties
prenantes y compris de la socio-anthropologie ?
Ainsi paradoxalement, grâce à la question du
développement tant critiquée, un champ d'application s'offrirait
à la socio-anthropologie, trop longtemps cantonnée à l'
« observation participante ». Un nouveau « champ du possible
» 174, fondé sur l'action, se dessinerait. Le rôle
de « tiers entre développeurs et développés »
175 que pourrait jouer cette discipline lui ouvrirait ainsi une perspective
nouvelle allant dans le sens d'une science appliquée. En ralliant la
connaissance à l'action - tout en gardant le recul nécessaire
à toute science - la socio-anthropologie du développement ne
pourrait-elle envisager de s'engager sur la voie de l'action participante ?
171 Lavigne Delville, Ph., op. cit., p. 182.
172 Dozon, J.-P., 1991, « Le dilemme connaissance-action :
le développement comme champ politique », Bulletin de l'APAD [En
ligne], 1, mis en ligne le 23 juin 2006. (Page consultée le 10
août 2013).
Vu sur :
http://apad.revues.org/291.
173 Dozon, J.-P., Ibid.
174 Dozon, J.-P., Ibid.
175 Dozon, J.-P., Ibid.
114
VI. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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(page consultée le 10/08/2013) -
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(page consultée le 05/06/13).
119
VII. ANNEXES
A1. DESCRIPTION DE L'ONG 3ASC
« Association d'appui aux Activités de
Santé Communautaire » (3ASC) est une Organisation Non
gouvernementale (ONG) de droit togolais qui fut fondée le 28
février 1996. Il s'agit d'une Association Sans But Lucratif (ASBL) qui
vit le jour grâce à une initiative de l'ONG flamande
Vredeseilanden, plus connue en français sous le nom de « Îles
de Paix ». L'initiative de base de cette nouvelle association togolaise
était de poursuivre, de développer et de pérenniser les
actions de Soins de Santé Primaires (SSP) entreprises par cette ONG
belge à travers une structure nationale.
Cette ONG exclusivement togolaise, dont le siège se
situe à Dapaong, dans la région des
Savanes, a pour ambition d'améliorer l'offre de
santé des communautés locales dans la région
la plus septentrionale du Togo. Pour cela, ses interventions se
divisent en différents volets :
- Santé communautaire ;
- Lutte contre les IST/VIH/SIDA ;
- Eau, l'hygiène et l'assainissement du milieu ;
- Promotion des mutuelles de santé ;
- Appui à l'amélioration de la qualité des
soins dans les FS;
Cette petite ONG intervient dans les cinq districts existants
de la région des Savanes (Cinkassé, Kpendjal, Oti,
Tandjouaré et Tône). Elle tend à délimiter ses
actions sur certains groupes cibles particuliers qui se trouvent être les
populations rurales, les groupements villageois, les femmes et les enfants.
De surcroît, elle valorise un procédé
pluridisciplinaire via la contribution d'une multitude d'acteurs issus de
background fort différents. On retrouve au sein de son
personnel des infirmiers, assistants médicaux, sociologues,
géographes, spécialistes de la santé publique, etc. Cet
esprit de collaboration visant une démarche holistique favorise
l'interdisciplinarité de son champ d'action, à savoir la «
santé communautaire ».
Sur le plan local, 3ASC, grâce au soutien de LD et de
ses autres partenaires, s'avère être une ONG fort
appréciée dans les districts sanitaires qu'elle épaule,
pour son appui technique, matériel médico-technique, en
médicaments, en termes de formations et de supervisions.
120
- Discours
La vision explicitée par 3ASC, principalement à
travers sa brochure et les propos généraux du coordinateur,
s'attache à valoriser l'« accroissement des capacités de
l'être humain, de son énergie créatrice et physique, dans
un processus de développement dont le facteur essentiel est la promotion
de la santé communautaire fondée sur l'implication des hommes et
des femmes en vue de l'amélioration de leur état de santé
». Cela passe obligatoirement par un renforcement des SSP destiné
à améliorer l'environnement des populations villageoises des cinq
districts sanitaires existants.
Suivant les dires de l'association, leur méthode
d'intervention s'élabore « à travers la planification des
actions en fonction des besoins exprimés par les
bénéficiaires et ceci dans la dynamique d'une approche
participative et la mobilisation des communautés pour leur autopromotion
».
- Actions
3ASC valorise certains domaines d'actions particuliers qui
semblent essentiels à l'amélioration des conditions de vie et de
santé des zones rurales de la région des Savanes. Quatre domaines
d'actions justifient ses activités :
· Santé et Nutrition : elle participe
à l'amélioration des soins curatifs, préventifs et
promotionnels et contribue au développement du système
d'approvisionnement en médicaments dans les FS ;
· Lutte contre la pauvreté : elle vise
à l'amélioration de l'accès aux soins de santé,
notamment grâce aux mutuelles de santé et mène des
campagnes d'information et d'éducation sur les problèmes de
santé, en particulier les IST/VIH/SIDA ;
· Infrastructures communautaires : elle
réalise des puits, latrines, citernes, cases de santé,
maternités, dispensaires, etc. ;
· Renforcement des capacités : elle forme
des agents endogènes (Agents de Santé Communautaires - ASC et
Accoucheuses Traditionnelles - AT), et met en place et forme des Commissions
Santé (CS) et des Comités de Gestion (COGES) ;
- Caractéristiques
institutionnelles
3ASC comporte 4 organes à son actif, à savoir :
· L'assemblée Générale, qui se compose
de 35 personnes physiques et morales ;
· Le conseil d'Administration qui compte 7
administrateurs et veille à l'application des orientations
définies par l'Assemblée Générale ;
· Le Commissariat aux comptes, avec deux personnes
élues ;
· La Coordination : comme son nom l'indique, cet organe
coordonne et dirige l'ensemble des activités de l'institution et la
représente devant les tiers. Elle dispose d'un service administratif et
financier ; elle est appuyée par un comité de coordination
composé des responsables des différents volets.
- Ressources financières
3ASC tente de développer des activités
génératrices de revenus. Cependant ses ressources
financières proviennent majoritairement de la cotisation de ses membres,
des legs et dons mais surtout de l'ensemble des financements en provenance de
ses partenaires et bailleurs de fonds.
Voici ses principaux partenaires et bailleurs de
fonds176 :
Partenaire
|
Type de partenaire
|
Nature du partenaire
|
PNUD
|
Étranger
|
Financier
|
UNICEF
|
Étranger
|
Financier
|
LOUVAIN-
DÉVELOPPEMENT
|
Étranger
|
Financier et Matériel
|
Vredeseilanden
|
Étranger
|
Financier, Matériel et Technique
|
IRHA
|
Étranger
|
Financier
|
DGCD
|
Étranger
|
Financier
|
DRS/Savanes
|
National
|
Technique
|
DRH/Savanes
|
National
|
Technique
|
DRPAT/Savanes
|
National
|
Technique
|
121
176
http://www.ong-togo.tg/fiche.php?page=15&menu=4
(page consultée le 10/08/2013)
GSH1 (CS) GSH2 (Prestataires) GSH3 (Patients) GSH4
(Villageois) 3ASC Autres Total
Kpendjal
Naki-est 0 3 (deux infirmiers + sage-femme) 2 (patientes) 1
(femme du chef d'un village) 2 (Radio Communautaire) 8
Namoudjoga 1 (groupe) 1 (RFS) 0 2 (Village de Natare) 4
Pogno 0 1 (RFS) 1 (Patiente) 3 (deux villageoises + ASC) 5
Papri 1 (ASC &CS) 1 (RFS) 2 2 6
Kwampit 3 (Président + 2 membres) 1 (Aide soignant) 0 1
5
Tandjouaré
Bogou 3 (Président, conseiller, membre) 1 (Infirmier
stagiaire) 0 1 (Imam) guérisseur 6
Nassongue 4 (Président, secrétaire, conseiller,
membre) 1 (Aide-infirmier) 1 (Groupe) 0 6
Yembour 3 (Président, informateur, membre & COGES) 1
(RFS) 1 1 6
Doukpélou 1(Informateur) 1 (RFS) 1(ménagère)
0 3
Lokpano 3 (Président, membres) 1 (RFS) 0 2 groupe
(pharmacien,CMB & COGES) 7 T8ne
Korbongou 3 (2 + 1groupe) 1 (Infirmier) 1 1 (groupe)
guérisseur 7
Bougou 3 (CS & guérisseur, président, membre) 1
(Matrone) 0 0 4
Sanfatoute 1 (groupe) 2 (Accoucheuse, aide-soigant) 0 2 5
Kourientré 2 (Président, Membre) 1 (Infirmier) 0 1
5
Nanergou 1(groupe) 0 1 1 groupe ASC
4 Dapaong
Bureau 3ASC / / / / Anonymes 4 Total
29 17 10 18 5 6
85
122
A2. TABLEAU DES ENTRETIENS ET ENREGISTREMENTS
![](La-sante-communautaire-dans-la-region-des-savanes-Togo-Une-etude-de-cas-sur-les-commissions-san12.png)
123
A3. QUESTIONNAIRES
- Questionnaire 1 : Les CS (GI 1)
1. Comment vous appelez-vous et de quel village venez-vous ?
2. Pouvez-vous me décrire votre rôle et votre
parcours au sein de la CS ?
3. Pouvez-vous m'expliquer à quoi servent les CS ? Quelle
est leur utilité première ?
4. Pourquoi avez-vous décidé de devenir membre CS
? Quelle est votre motivation ?
5. Selon-vous, qu'est-ce qui a changé depuis 2008 (depuis
la création) ?
6. Trouvez-vous que la qualité des soins s'est
améliorée ces cinq dernières années ?
7. Trouvez-vous que l'USP est suffisamment
fréquentée ?
8. Pouvez-vous m'expliquer comment se déroulent vos
réunions mensuelles ?
9. Que pensez du suivi actuellement mis en place ?
10. Avez-vous le sentiment que vos doléances sont
suffisamment entendues par 3ASC et les agents de terrain ?
11. Trouvez-vous que les communautés villageoises et les
leaders d'opinion participent suffisamment au travail de sensibilisation
concernant l'amélioration de la santé ?
12. Avez-vous le sentiment de vous faire écouter de tous
? Que tout le monde vous respecte ?
13. Comment faites-vous lorsque que quelqu'un n'est pas
intéressé par ce que vous avez à dire ? Quels arguments
mettez-vous en avant ? Comment vous y prenez vous pour sensibiliser des
adhérents potentiels ? D'après-vous y a-t-il toujours un
problème d'ignorance dans l'aire sanitaire ?
14. Combien de villages y a t-il dans l'aire sanitaire ?
Est-ce que vous vous êtes rendu dans tous les villages depuis l'existence
des CS ?
15. Combien de membres êtes-vous ? Ratio ? Ne serait-il
pas important d'avoir un membre par village ?
16.
124
Pouvez-vous m'expliquer en quoi consiste votre travail ? Comment
se déroule une activité de sensibilisation ? A combien
sortez-vous ?
17. Vous manque-t-il des moyens pour mener à bien vos
activités ?
18. Qu'est-ce qui vous motiverait à être plus actif
en tant que membre de la CS ? A ce que votre message soit mieux entendu/compris
?
19. Trouvez-vous que l'organisation CS fonctionne bien ?
Qu'est-ce qui pourrait être amélioré, selon-vous ? Quelles
sont les difficultés que vous rencontrez ?
20. Combien de villages avez-vous vus en 2012 ? Combien
d'activités de sensibilisation avez-vous effectuées en 2012 ?
21. Est-ce suffisant ?
22. Avez-vous des contacts avec les CMB/COGES ?
23. Quels étaient vos objectifs principaux pour
l'année 2012 ?
24. Avez-vous le sentiment d'avoir atteint vos objectifs
fixés lors pour l'année 2012 ?
25. Êtes vous satisfait quant au degré atteint ?
26. Est-ce que tout le monde vous connaît dans l'aire
sanitaire ?
27. Éprouvez-vous le sentiment que votre vie a
changé depuis que vous êtes membre CS ? Avez-vous l'impression
d'incarner un nouveau statut au sein de la communauté ? Est-ce que vos
rapports avec les autres membres de la communauté ont changé ?
28. Que pensez-vous du fait d'être bénévole
?
29. Y a-t-il une bonne entente entre les membres de la CS ? Y
a-t-il des problèmes à ce niveau là ?
Présent/passé ?
30. Tout le monde est-il d'accord sur la façon de mener
vos activités ?
31. Pour quelles raisons, selon vous, les villageois peuvent-ils
être réticents à l'idée de se rendre dans une USP
?
32. Avez-vous déjà entendu des plaintes de la part
des villageois quant à leur prise en charge dans les USP ? Mauvais
accueil, etc ?
33.
125
Trouvez-vous qu'il est facile de s'orienter lorsque l'on se
présente dans l'USP pour la première fois ?
34. Pensez-vous que les patients sont suffisamment
informés du coût des prestations ?
35. Quelle est votre appréciation des
services/prestations fournis par votre formation sanitaire ? Êtes-vous
satisfaits de la qualité des services?
36. Quelle est votre opinion du personnel ? (Pensez-vous que
les prestataires des USP font bien leur travail ? Si non, pourquoi ?)
37. Pensez-vous qu'il y a des abus, qu'ils profitent de leur
situation pour faire des choses qui ne sont pas complètement dans les
règles ?
38. Que pensez-vous des conditions d'hygiène de l'USP
?
39. Selon-vous quelles sont les principaux
éléments de qualité que l'on devrait trouver dans une
Formation Sanitaire ?
40. Que pensez-vous de l'influence des
tradithérapeutes dans l'aire sanitaire ? Quels effets ont-ils sur la
fréquentation de l'USP ?
41. D'après-vous, pour quelles raisons les villageois se
rendent-ils chez les tradithérapeutes ?
42. Pour quels types de maladies les villageois se rendent-ils
à l'USP/pour quels types chez un tradithérapeute ?
43. Parlez-vous aux guérisseurs de l'importance de
référer les patients à l'USP lorsqu'ils ne sont pas en
mesure de les soigner, que le problème les dépasse ?
44. En excluant systématiquement la qualité des
soins des tradipraticiens et en favorisant l'importance de se rendre dans les
USP, ne sommes nous pas en train d'encourager la perte de la médecine
traditionnelle ? Est-ce une bonne chose selon-vous ? Pour une meilleure
santé au Togo, faut-il qu'elle disparaisse ?
45. D'un point de vue culturel, est-ce une bonne chose que les
tradithérapeutes disparaissent ? Au risque de perdre tout un pan des
traditions ancestrales, des coutumes encore en vigueur aujourd'hui ?
46. Que pensez des aires sanitaires qui ne possèdent pas
de CS ?
47.
126
Connaissez-vous des organisations de solidarités au
sein de votre village ? Tontine, CVD, club des mères, comités
d'eau, etc. ? Si oui, développez.
48. Selon-vous, les ASC font-ils bien leur travail ?
49. De façon générale, que pensez-vous
du travail de sensibilisation effectué dans votre communauté par
rapport à l'adhésion à une mutuelle ou à
l'importance de se rendre dans les soins de santé ? Est-ce que le
problème de l'ignorance persiste ?
50. Quelles suggestions aimeriez-vous faire pour
améliorer la qualité des soins dans les USP et les relations
USP/populations? Pour améliorer le fonctionnement ?
- Questionnaire 2 : Les Prestataires (GI
2)
1. Comment vous appelez-vous et de quel village venez-vous ?
2. Pouvez-vous me décrire votre rôle et votre
parcours au sein de l'USP ?
3. Quel est votre horaire de travail ?
4. Uniquement au responsable en charge :
Serait-il possible de me donner une estimation pour ceci :
> Nombre de prestataires ?
> Nombre de villages que regroupe l'aire sanitaire ?
> Quelle est la population de l'aire sanitaire ?
> (Combien y-a-t-il de docteurs dans le district
?)
> Nombre de patients/jour ?
> Accouchements/mois ? Croyez qu'aujourd'hui, plus de femmes
accouchent à
domicile ou à l'USP ?
> Consultations Prénatales/jour ?
> Maladies prépondérantes ? > Les horaires de
l'USP ?
5. 127
Que pensez-vous de l'organisation/des conditions de l'USP ?
Pouvez-vous me décrire des
problèmes/difficultés que vous avez rencontrés dans
l'exercice de votre travail.
6. Avez-vous des problèmes relatifs au matériel,
manque d'espace et de personnel ?
7. Comment gérez-vous vos déchets ?
8. Trouvez-vous que l'USP est suffisamment
fréquentée ?
9. Trouvez-vous que la qualité des soins s'est
améliorée ces cinq dernières années ?
10. Pensez-vous que les patients sont suffisamment
informés du coût des prestations ?
11. Quel genre de relations avez-vous avec vos collègues
de travail ?
12. Faites-vous des réunions sur une base
régulière ?
13. Que pensez-vous des conditions d'hygiène de l'USP
?
14. Uniquement à l'Infirmier-Chef de poste :
· Est-ce que tous les prestataires de l'USP ont les
qualifications requises ?
· Vous est-il déjà arrivé de
sanctionner un des membres du personnel de l'USP ? Pourquoi ?
15. Pensez-vous qu'il est facile pour un patient de s'orienter
lorsqu'il se présente dans l'USP pour la première fois ? Quelles
sont les modalités qu'il doit remplir à son arrivée ?
16. Quel est le temps moyen d'attente ?
17. Uniquement à l'Infirmier-Chef de poste :
· Pouvez-vous m'expliquer comment se déroule une
consultation
· Combien de questions lui posez-vous
· Combien de temps dure une consultation ?
· Expliquez-vous au patient ce dont il souffre ?
18.
128
Que dîtes-vous aux patients qui n'ont pas suffisamment
d'argent pour être traité ou pour payer tous les
médicaments requis ?
19. Autorisez-vous la vente de « demi-traitements »
?
20. Sensibilisez-vous vos patients quant à l'importance
de terminer les traitements prescrits ?
21. En dehors de l'aspect financier, pensez-vous que certaines
personnes puissent être réticentes à l'idée de se
rendre dans les USP ? Si oui, pourquoi ?
22. Vous arrive-t-il de faire des consultations privées
ou des prestations à domicile ?
23. Vous est-il déjà arrivé d'appliquer un
traitement de faveur à certains patients (parents, amis, connaissances)
?
24. En guise de remerciement, vous arrive-t-il de recevoir des
cadeaux de la part des patients ? Si oui : Avez-vous tendance à traiter
ce patient comme un privilégié ?
25. Que pensez-vous du rôle des CS dans
l'amélioration de la qualité des soins, de vos conditions de
travail ?
26. Que pensez-vous du rôle des CS en tant qu'agent de
sensibilisation? Les villageois sont-ils moins ignorants qu'avant,
d'après-vous ?
27. Quels changements avez-vous constatés depuis la
création des CS au sein de la formation sanitaire ?
28. Selon vous, ces organes sont-ils fonctionnels ? Points
à améliorer ? Font-ils bien leur travail d'après vous ?
29. Quelles sont les relations que vous entretenez avec les
membres de la CS (que vous en soyez vous-même membre, ou non) ?
30. Que pensez-vous de la supervision qui actuellement mise en
place à l'encontre des CS ? Comment se déroule le suivi ?
31. Que pensez-vous des aires sanitaires qui n'ont pas de CS
?
32. Trouvez-vous que les populations villageoises et les leaders
d'opinion participent suffisamment au travail de sensibilisation concernant
l'amélioration de la santé ?
33.
129
Trouvez-vous que les populations villageoises et les leaders
d'opinion participent suffisamment au travail de sensibilisation concernant
l'amélioration de la santé ?
34. De façon générale, que pensez-vous du
travail de sensibilisation effectué dans votre communauté par
rapport à l'adhésion à une mutuelle ou à
l'importance de se rendre dans les soins de santé ? Y a-t-il toujours
d'après-vous un problème d'ignorance persistant ?
35. Que pensez-vous de l'influence des tradithérapeutes
dans l'aire sanitaire ? Quels effets ont-ils sur la fréquentation de
l'USP ?
36. D'après-vous, pour quelles raisons les villageois
continuent-ils à se rendre chez les tradithérapeutes ?
37. Pour quels types de maladies les villageois se rendent-ils
à l'USP/pour quels types chez un tradithérapeute ?
38. En excluant systématiquement la qualité des
soins des tradipraticiens et en favorisant l'importance de se rendre dans les
USP, ne sommes nous pas en train d'encourager la perte de la médecine
traditionnelle ? Est-ce une bonne chose selon-vous ? Pour une meilleure
santé au Togo, faut-il qu'elle disparaisse ?
39. D'un point de vue culturel, est-ce une bonne chose que les
tradipraticiens disparaissent ? Au risque de perdre tout un pan des traditions
ancestrales, des coutumes encore en vigueur aujourd'hui ?
40. Êtes-vous satisfait de votre salaire ?
41. En guise de conclusion, avez-vous des
propositions/suggestions/propositions à émettre pour
améliorer vos conditions de travail (matériel, eau potable,
électricité, laboratoire, taille de l'USP, etc.), pour valoriser
davantage les relations entre prestataires et membres de la communauté,
pour une sensibilisation renforcée, pour améliorer le travail des
CS, bref pour une meilleure santé ?
42. Demander les documents relatifs à la
fréquentation de l'USP
130
- Questionnaire 3 : Les Patients (GI
3)
1. Comment vous appelez-vous et de quel village venez-vous ?
2. Pourquoi êtes-vous ici (dans l'USP) ?
3. Depuis quand êtes-vous là ? Combien de temps
avez-vous dû patienter ?
4. Combien de temps après l'apparition des
symptômes avez-vous décidé de vous rendre dans l'USP ?
5. Venez-vous souvent ici ?
6. Trouvez-vous qu'il est facile de s'orienter lorsque l'on se
présente dans l'USP pour la première fois ?
7. Pouvez-vous me raconter votre première
expérience au sein de l'USP.
8. Fréquentiez-vous un autre centre de santé avant
cela ? Ghana, Burkina Faso, etc.? Si oui, pour quelles raisons avez-vous
changé ?
9. Que pensez-vous du personnel de l'USP ?
10. Vous sentez-vous correctement traité ?
Êtes-vous satisfait de votre prise en charge ?
11. Lorsque vous vous rendez dans une USP avez-vous le sentiment
d'être entre en bonnes mains ? Que l'on s'occupe bien de vous ? Vous
sentez-vous rassuré ? Êtes-vous convaincu par la qualité
des soins obtenus dans l'USP ?
12. Le personnel soignant vous informe t-il du mal dont vous
souffrez ?
13. Avez-vous déjà rencontré des
problèmes dans l'USP ?
14. Avez-vous déjà été témoin
d'un traitement de faveur de la part des prestataires ?
15. Selon-vous, qu'est-ce qui pourrait améliorer le bon
fonctionnement de l'USP ? Les relations entre les prestataires et les patients
?
16. Trouvez-vous que la qualité des soins s'est
améliorée ces cinq dernières années ?
17. Avez-vous des enfants ? Où votre femme a-t-elle
accouchée/où est-ce-que vous avez accouché ? Consultation
Prénatale ? Combien de fois ? Comment s'est passée la prise en
charge ?
18.
131
Dans votre entourage, connaissez-vous des femmes qui accouchent
encore à domicile ?
19. Trouvez-vous que les soins coûtent trop cher ? Est-ce
que le coût des soins constitue un frein à votre
fréquentation du centre ?
20. Avez-vous le sentiment d'être suffisamment
informés du coût des prestations ?
21. Est-ce que la distance entre l'USP et votre village
constitue un frein à votre fréquentation du centre ?
22. Connaissez-vous des organisations de solidarité au
sein de votre village ? Tontine, CVD, club des mères, comités
d'eau, etc. ? Si oui, développez.
23. Connaissez-vous la CS ? Les membres ?
24. Savez-vous ce qu'ils font ? Leur travail ?
25. Que pensez-vous du rôle des CS et en tant qu'agent de
sensibilisation? Les villageois sont-ils moins ignorants qu'avant,
d'après-vous ?
26. Quels changements avez-vous constaté depuis la
création des CS au sein de la formation sanitaire (USP et votre village)
? Avez-vous le sentiment qu'ils ont aidé votre village d'une quelconque
manière ?
27. Selon vous, ces organes sont-ils fonctionnels ? Points
à améliorer ? Font-ils bien leur travail d'après vous ?
28. Quelles sont les relations que vous entretenez avec les
membres du CS ? Pouvez-vous leur parler librement ? Sachant qu'ils sont
censés vous représenter, avez-vous le sentiment qu'ils prennent
votre avis en compte ? Leurs avez-vous déjà émis des
suggestions ? Propositions ? Solutions envisageables ?
29. Que pensez-vous des aires sanitaires qui n'ont pas de CS
?
30. Trouvez-vous que les communautés villageoises et
les leaders d'opinion participent suffisamment au travail de sensibilisation
concernant l'amélioration de la santé ?
31. Vous intéressez-vous à la gestion de l'USP
?
32. De façon générale, que pensez-vous du
travail de sensibilisation effectué dans votre communauté par
rapport à l'adhésion à une mutuelle ou à
l'importance de se rendre dans les soins de santé ?
132
Les gens sont-ils suffisamment informés, quant à
l'importance de se rendre dans les USP et d'être affiliés à
une mutuelle ? Selon vous les gens sont-ils encore trop ignorants ?
33. Consultez-vous d'autres formes de médecine en
parallèle ? Vous arrive-t-il de
consulter un guérisseur, un charlatan, un
tradithérapeute, etc. ? Qui en particulier ? Pour quelles raisons ?
Si oui :
· Pouvez-vous m'expliquer quel type de soins il pratique
sur vous ?
· Pouvez-vous me raconter un problème qui vous est
arrivé, qui vous a amené à le consulter ?
Si non :
· D'après-vous, pour quelles raisons les villageois
se rendent-ils chez les tradithérapeutes ?
34. Pouvez-vous me dire, pour quel type de maladie vous vous
rendriez-vous chez un tradipraticien, et pour quel autre dans une USP ?
35. Prenez-vous des médicaments ? Ou bien optez-vous pour
d'autres types de soins, ou les deux ? Lesquels ? Automédication ?
36. A votre avis, qu'est-ce qu'il faudrait changer dans
l'organisation actuelle pour donner envie aux réticents de se rendre
dans les USP ? Pour améliorer la santé de votre village ? Pour
améliorer le fonctionnement de l'USP ?
- Questionnaire 4 : Les villageois (GI
4)
1. Comment vous appelez-vous ?
2. Combien dépensez-vous par an pour vos frais de
santé ?
3. Allez-vous parfois dans une USP ?
4. Comment gérez-vous vos dépenses pour votre
santé ? Trouvez-vous que les soins coûtent trop cher ?
·
133
Si un grave problème de santé surgit pour vous ou
l'un des membres de votre famille, comment comptez-vous réagir (quel
type de traitement, financièrement, etc.) ?
· Est-ce que le coût des soins constitue un frein
à votre fréquentation du centre ?
5. Que pensez-vous du personnel de l'USP ?
6. Trouvez-vous qu'il est facile de s'orienter lorsque l'on se
présente dans l'USP pour la première fois ?
7. Vous traites-ils correctement ? Êtes-vous satisfait de
votre prise en charge ?
8. Lorsque vous vous rendez dans une USP avez-vous le sentiment
d'être en de bonnes mains ? Que l'on s'occupe bien de vous ? Vous
sentez-vous rassuré ? Êtes-vous convaincu par la qualité
des soins que l'on vous prescrit dans l'USP ?
9. Le personnel soignant vous informe-t-il du mal dont vous
souffrez ?
10. Avez-vous déjà rencontré des
problèmes dans l'USP ?
11. Avez-vous déjà été témoin
d'un traitement de faveur de la part des prestataires ?
12. Selon-vous, qu'est-ce qui pourrait améliorer le bon
fonctionnement de l'USP ? Les relations entre les prestataires et les patients
?
13. Trouvez-vous que la qualité des soins s'est
améliorée ces cinq dernières années ?
14. Trouvez-vous que l'USP la plus proche est trop loin de votre
village ?
15. Trouvez-vous que les soins coûtent trop cher ? Est-ce
que le coût des soins constitue un frein à votre
fréquentation du centre ?
16. Avez-vous le sentiment d'être suffisamment
informés du coût des prestations ?
17. Avez-vous des enfants ? Où votre femme a-t-elle
accouché ? Où est-ce-que vous avez accouché ? Consultation
Prénatale ?
18. Dans votre entourage, connaissez-vous des femmes qui
accouchent encore à domicile ?
19. En cas de problème, pouvez-vous compter sur l'aide de
la communauté ? Les membres du village sont-ils solidaires avec vous
?
134
Connaissez-vous des organisations de solidarités au sein
de votre village ? Tontine, CVD, club des mères, etc. ?
20. Connaissez-vous la CS ? Les membres ?
21. Savez-vous ce qu'ils font ? Leur travail ?
22. Que pensez-vous du rôle des CS en tant qu'agent de
sensibilisation? Les villageois sont-ils moins ignorants qu'avant,
d'après-vous ?
23. Quels changements avez-vous constaté depuis la
création des CS au sein de la formation sanitaire (USP et votre village)
? Avez-vous le sentiment qu'ils ont aidé votre village d'une quelconque
manière ?
24. Selon vous, ces organes sont-ils fonctionnels ? Choses
à améliorer ? Font-ils bien leur travail d'après vous ?
25. Quelles sont les relations que vous entretenez avec les
membres de la CS ? Pouvez-vous leur parler librement ? Sachant qu'ils sont
censés vous représenter, avez-vous le sentiment qu'ils prennent
votre avis en compte ? Leurs avez-vous déjà émis des
suggestions ? Propositions ? Solutions envisageables ?
26. Que pensez-vous des aires sanitaires qui n'ont pas de CS
?
27. Trouvez-vous que les communautés villageoises et
les leaders d'opinion participent suffisamment au travail de sensibilisation
concernant l'amélioration de la santé ?
28. Vous intéressez-vous à la gestion de l'USP
?
29. De façon générale, que pensez-vous du
travail de sensibilisation effectué dans votre communauté par
rapport à l'adhésion à une mutuelle ou à
l'importance de se rendre dans les soins de santé ?
Les gens sont-ils suffisamment informés, quant à
l'importance de se rendre dans les USP et d'être affiliés à
une mutuelle ? Selon vous les gens sont-ils encore trop ignorants ?
30. Trouvez-vous que l'ASC fait du bon travail ? La situation
a-t-elle changé depuis qu'il est là ?
31. Avez-vous une moustiquaire ?
32. Est-ce le cas de tous les gens de votre village ?
135
33. Vous arrive-t-il de consulter un guérisseur, un
charlatan, un tradithérapeute ? Si oui :
· Pouvez-vous m'expliquer quel type de soins il pratique
sur vous ?
· Pouvez-vous me raconter un problème qui vous
êtes arrivé, qui vous a amené à le consulter ?
Si non :
· Connaissez-vous des personnes qui y vont ?
34. Pouvez-vous me dire, pour quel type de maladie vous vous
rendriez-vous chez un tradipraticien, et pour quel autre dans une USP ?
35. En excluant systématiquement la qualité des
soins des tradipraticiens et en favorisant l'importance de se rendre dans les
USP, ne sommes nous pas en train d'encourager la perte de la médecine
traditionnelle ? Est-ce une bonne chose selon-vous ? Pour une meilleure
santé au Togo, faut-il qu'elle disparaisse ?
36. D'un point de vue culturel, est-ce une bonne chose qu'ils
disparaissent ? Au risque de perdre tout un pan des traditions ancestrales, des
coutumes encore en vigueur aujourd'hui ?
37. Prenez-vous des médicaments ou optez-vous pour
d'autres types de soin, ou les deux ? Lesquels ?
38. Si vous n'auriez plus à payer pour aucun de vos frais
médicaux, pour quel type de soins opteriez-vous ?
39. Avez-vous des suggestions/propositions pour
améliorer le fonctionnement de l'USP et la satisfaction des populations
?
136
A4. PRINCIPAUX PROBLÈMES DE SANTÉ AU
TOGO
Voici un tableau représentants « les cinq
principales causes de consultations externes, au niveau national, pour
l'année 2011 » :
Rang
|
Causes
|
Nombre de consultants
|
Taux de morbidité proportionnelle
(%)
|
1
|
Paludisme
|
673745
|
38,78
|
2
|
Plaies-traumatismes
|
143403
|
8,25
|
3
|
Infections aigues voies respiratoires
|
130256
|
7,5
|
4
|
Parasitoses intestinales
|
81499
|
4,69
|
5
|
Gastro-entérite
|
32871
|
1,89
|
Source: DISER/MS177
En parallèle, au regard d'un document intitulé
« Normes du District sanitaire au Togo »178
déployé par la DGS qui mentionne les « problèmes
prioritaires de santé au Togo », on peut y apercevoir quelques
différences ; voici les cinq premiers que l'on y retrouve :
Rang
|
Problèmes prioritaires de
santé
|
1
|
Paludisme
|
2
|
Maladies diarrhéiques
|
3
|
Infections respiratoires aiguës
|
4
|
Maladies du PEV (Rougeole, Tétanos,
Diphtérie, Poliomyélite, Coqueluche, Tuberculose)
|
5
|
Malnutrition
|
Toutefois, la rigueur exige une interprétation prudente
de ces chiffres. En effet, il s'avère que la plupart des USP
visitées n'ont pas de laboratoires équipés pour octroyer
des diagnostics précis aux patients. Dans de tels cas, la qualité
des soins même apparaît douteuse.
On peut toutefois constater que le VIH/SIDA ne fait pas partie
des cinq problèmes prioritaires de santé au Togo. Toutefois,
même en n'arrivant qu'en sixième place, ce virus
177
http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3
(page consultée le 08/05/2013).
178 Ministère de la santé, Direction
Générale de la santé, «Normes du district sanitaire
au Togo», République Togolaise, Février 2001, p. 9.
137
reste fort présent, malgré un certain recul du
phénomène ces dernières années. En 2009, le nombre
de personnes, tous âges confondus, vivant avec le VIH
s'élève approximativement à 120.000 personnes. Le taux de
séroprévalence estimé par l'UNICEF pour les adultes de 15
à 49 ans et pour la même année, revient à 3,2 % de
la population totale179. À ce propos, le VIH/SIDA reste une
maladie qui concerne principalement les hétérosexuels.
A5. FORMATIONS SANITAIRES PAR RÉGIONS ET PAR
TYPES180
Type de formation sanitaire
|
Savanes
|
Kara
|
Centrale
|
Plateaux
|
Maritime
|
Lomé-Commune
|
|
|
|
|
|
|
|
CHR
|
1
|
1
|
1
|
1
|
1
|
1
|
Hôpital Spécialisé
|
0
|
0
|
0
|
1
|
1
|
0
|
Hôpital de District
|
4
|
5
|
4
|
8
|
7
|
4
|
Hôpital Privé Confessionnel
|
1
|
0
|
1
|
4
|
2
|
0
|
USP
|
71
|
126
|
84
|
201
|
127
|
37
|
CMS/Cabinet Médical Privé
|
4
|
19
|
11
|
32
|
22
|
101
|
Ensemble selon les normes
|
81
|
152
|
101
|
256
|
160
|
145
|
FS hors normes
|
4
|
4
|
5
|
23
|
132
|
202
|
Ensemble des FS
|
85
|
156
|
106
|
279
|
292
|
347
|
Officines
pharmaceutiques
|
2
|
5
|
2
|
6
|
1
|
136
|
Dépôts de pharmacie
|
6
|
14
|
7
|
20
|
14
|
3
|
179
http://www.unicef.org/frdench/infobycountry/togo_statistics.html#88
(page consultée le 07/05/13)
180
http://www.sante.gouv.tg/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid=14&Itemid=3.
(page consultée le 20/05/2013).
138
A6. CONFÉRENCE D'ALMA-ATA DE 1978 : QUATRE
THÉMATIQUES
- Les Soins de Santé
Primaires
« Les soins de santé primaires sont des soins de
santé essentiels fondés sur des méthodes et des techniques
pratiques, scientifiquement valables et socialement acceptables, rendus
universellement accessibles à tous les individus et à toutes les
familles de la communauté avec leur pleine participation et à un
coût que la communauté et le pays puissent assumer à tous
les stades de leur développement dans un esprit
d'auto-responsabilité et d'autodétermination
»181.
L'instauration de la stratégie dite des « Soins de
Santé Primaires » (SSP) officialisera la prise en compte du «
local » et la participation des « communautés » visant
à une amélioration de l'état de santé des
populations dans le but d'atteindre la « Santé pour tous en l'an
2000 »182 ; ce fut bien évidemment un échec. Le
même schéma sera tout simplement repris dans le cadre des
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) prévus
pour 2015183.
Les autres dimensions de la stratégies des SSP, quant
à elles, se résument à « la promotion de bonnes
conditions alimentaires et nutritionnelles, un approvisionnement suffisant en
eau saine et des mesures d'assainissement de base, la protection maternelle et
infantile y compris la planification familiale, la vaccination contre les
grandes maladies infectieuses, la prévention et le contrôle des
grandes endémies, la fourniture de médicaments essentiels
»184 et l'éducation à la santé.
Ce faisant, « les SSP prétendent atteindre le plus
grand nombre par un travail en profondeur auprès des communautés
locales et par l'établissement d'un vaste réseau d'unités
et d'agents sanitaires de base, capables de fournir des prestations
élémentaires de soins et surtout de promouvoir la santé
par l'éducation et l'hygiène »185. Toutefois,
dans les faits, ces stratégies se résument souvent à des
formations éparses de quelques agents de santé
181
http://www.who.int/topics/primary_health_care/alma_ata_declaration/fr/
(page consultée le 16/07/13)
182 Gruénais, M.-E., 2001a. op. cit., p.1.
183 Les OMD se rapportant à la santé sont :
(5) : Réduire la mortalité infantile et
post-infantile
(6) : Améliorer la santé maternelle
(7) : Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres
maladies.
184 Kleczkowski, B.M., Elling, R.H. & Smith, D.L., 1985,
« Appui des systèmes de santé aux soins de santé
primaires », étude basée sur les discussions techniques
tenues pendant la 34e assemblée mondiale de la santé
(1981), Cahiers de santé publique, Genève, OMS, n°80, p.
81.
185 Dozon, J.-P., 1987, « Ce que valoriser la
médecine traditionnelle veut dire », in Politique Africaine,
n°32, p.
10.
»187.
139
prodiguant de rares gestes utilitaires souvent vains. En
effet, l'insertion des communautés « pour la promotion de la
santé en tant que bien commun »186 paraîtra
limitée. « Bien souvent les relais communautaires entre la
population et les structures de soins (agents de santé villageois,
pharmacies villageoises, notamment) se sont révélés
inopérants, difficilement contrôlables, lorsqu'ils
n'étaient pas dangereux (ainsi de ces agents de santé villageois
qui dispensaient des actes médicaux pour lesquels ils n'étaient
pas formés)
- Les programmes verticaux
Cette vision verticale, deuxième grande
thématique de la conférence d'Alma-Ata, semblait séduire
les bailleurs de fonds qui ne voyaient pas dans les gouvernements la
possibilité d'un partenariat de confiance solide et durable. Rapidement,
les autorités étatiques ne firent plus le poids face aux agences
internationales de développement. Il est vrai que l'ensemble de ces
décisions, qui tendent à s'imposer suivant une vision top-down,
paraît satisfaire les grandes ONG internationales, bailleurs de fonds,
institutions de développement international et autres
coopérations bilatérales et multilatérales. Cette vision
verticale de la résolution des problèmes en matière de
santé publique, s'entête à la mise en place de
réalisations proprement techniques, en ciblant spécifiquement
quelques problèmes nécessitant une intervention de ce type. Ce
faisant, ce procédé s'applique à une meilleure
redistribution en termes matériels, personnels et de
déplacements, avec de surcroît l'aval et le consentement de
l'État qui semblait bénéficier d'une partie des
mérites de ces réformes. Suivant des moyens considérables,
une multitude de programmes alimentés par des organismes internationaux,
dirigés par l'OMS, l'UNICEF, la BM, etc. ont permis de réaliser
des exploits techniques sur de courtes périodes.
- La conception d'un système de santé
pyramidal
Le troisième trait principal reçut un engouement
certain dans la relégation des activités au niveau
périphérique, de par le déploiement des soins de base et
de première nécessité. En effet, un des niveaux essentiels
de cette politique imposée de l'extérieur est le « district
», dont les normes seront bien définies et standardisées
(cf. II. 1.3.2. Le district sanitaire).
186 Gruénais, M.-E., 2001a., op. cit., p. 2.
187 Gruénais, M.-E., 2001a. Ibid.
140
- Le recouvrement des coûts
Le quatrième et dernier grand aspect, quant à
lui, préconise « la participation financière des populations
au financement des services de santé (É) en les présentant
comme la conséquence naturelle de leur participation à la gestion
de ces services »188 ; une manière bien enrobée
pour les inclure dans le processus de financement qui semblait
inévitable. Ce type de gestion participative sous-tend une dimension
bien plus perfide, à savoir, une forme de réduction de la
responsabilité du gouvernement dans ce processus « qui [procure]
peu de bénéfices à la société dans son
ensemble »189 pour qu'ils ciblent leurs mesures et leurs
activités sur des « services qui [procurent] des
bénéfices à la société tout entière
»190.
Face aux difficultés des États à
s'imposer dans le débat et à l'accroissement des services
privés dans ce secteur, les propos promulgués lors de la
conférence d'Alma-Ata semblaient de plus en plus modérés
au sein des discours institutionnels. Malgré tout, le secteur
privé ne fut rapidement plus perçu comme une solution de taille
à toutes ces réformes. De plus, il « est vite devenu clair
que le recouvrement des coûts ne pouvait pas financer le système
des soins (É) en général il ne fournissait qu'un apport
financier marginal »191.
A7. ACTEURS DE LA PYRAMIDE SANITAIRE
En haut de cette hiérarchie, on retrouve le MS, le
Directeur de Cabinet et la Direction Générale de la Santé
(DGS) qui constituent donc le « niveau central » de la pyramide.
L'ensemble de leurs activités est secondé entre cinq directions
centrales, quinze divisions et trente-neuf services centraux, ainsi que par
différents programmes192. En termes de structures de soins,
le niveau central est reflété par « les Centres Hospitaliers
Universitaires (CHU) [dont deux à Lomé], les services
privés de soins à portée nationale, ainsi que les
spécificités à intérêt national (Institut
National d'Hygiène, Centre National d'Appareillage et
d'Orthopédie, Centre National de Transfusion Sanguine, Laboratoire
National de Contrôle de Qualité, et les Écoles de Formation
en Santé) »193.
188 Brunet-Jailly, J., op. cit., p. 193.
189 World Bank, 1987, Financing Health Services in Developing
Countries : An Agenda for Reform, A world Bank Policy Study, p. 1.
190 World Bank, Ibid., p. 2.
191 Van Lerberghe, W. & De Brouwere V., op. cit., p.
187.
192
http://www.togogateway.org/spip.php?article154
(page consultée le 05/06/13).
193 3e et 4e rapports périodiques
du gouvernement togolais sur la mise en oeuvre de la convention relative aux
droits de l'enfant, février 2010, p. 40.
141
Ensuite, le « niveau intermédiaire »
intervient dans sa spécificité régionale, étant
« chargé de faire appliquer la politique nationale de santé,
d'assurer la coordination ainsi que l'appui technique et logistique aux
districts »194. Chaque région, placée sous la
tutelle de sa Direction Régionale de la Santé (DRS) respective et
de l'ensemble des infrastructures qui y prennent part, se voit desservie par un
Centre Hospitalier Régional (CHR) et un Centre Hospitalier Universitaire
(CHU), qui représente les plus grandes structures de soins existantes
à l'échelle régionale.
Au sein du « niveau périphérique »,
dernier étage de cette pyramide, les entités régionales se
départagent en préfectures qui comprennent chacune en leur sein
une Direction Préfectorale de la Santé (DPS). Chaque
préfecture ou district sanitaire possède un Centre Hospitalier
Préfectoral (CHP). A l'échelle nationale, on y retrouve
trente-cinq districts sanitaires, étant en principe tous
représentés par un HD (dont cinq pour Lomé-Commune). De
plus, chaque district accueille des USP et des Postes de Santé,
représentant les structures de soins les plus avancées.
A8. ACTEURS DU NIVEAU
PÉRIPHÉRIQUE
-- Centres Hospitaliers Préfectoraux et
Hôpitaux de District
Le Centre Hospitalier Préfectoral (CHP) «
représente théoriquement le second niveau de contact ou structure
de référence pour le premier niveau »195. Il
existe également deux types d'HD. D'une part, les HD I, correspondant
aux zones géographiques où la population est inférieure
à 100.000 habitants et qui ne sont pas détenteurs d'un bloc
opératoire. D'autre part, les HD II sont effectifs là où
la population est égale ou supérieure à 100.000 et se
voient, a contrario, détenteurs d'un bloc opératoire. De
manière générale, on y retrouve en termes
d'infrastructures, un service de médecine, un laboratoire, un bloc
opératoire, une pharmacie et un bloc administratif. De plus, le
personnel se compose, en principe, de médecins, d'assistants
médicaux, de sages-femmes, d'infirmiers diplômés
d'État et du personnel auxiliaire196.
194
http://www.who.int/management/working_paper_7_fr_opt.pdf
(page consultée le 17/07/2013).
195 Ministère de la santé, Direction
Générale de la santé, « Normes du district sanitaire
au Togo », République Togolaise, Février 2001, p. 5.
196 Ministère de la santé, Ibid.
142
- Postes de Santé
Le Poste de Santé, inséré au sein
même du village se compose d'une case d'accouchement et d'une case de
soins. Cette petite structure, équipée d'une pharmacie, est sous
la maintenance d'une matrone et d'un ASC. Il s'agit du premier niveau de soins
non-professionnalisé.
A9. ACTEURS SOUS LA CHARGE DE L'USP -
Comité de Gestion (COGES)
Le COGES est un groupement constitué au sein de chaque
FS périphérique pour s'assurer de la gestion financière
due l'USP. La création de ces groupements, devenus aujourd'hui des
acteurs de premier ordre, résulte directement des mesures
décidées dans le cadre de l'IB. Ils comptent,
généralement entre cinq et dix membres par COGES, et assistent
directement les prestataires des FS dans l'organisation, la gestion et les
tâches administratives des centres de santé. Étant
donné que les assignations qui leurs étaient attribuées
dans le passé étaient trop élevées, les CS ont
été constituées pour servir d'appui direct à ces
groupements.
Aujourd'hui, les principales tâches des COGES
sont197 :
- La gestion des stocks de médicaments et de toutes autres
ressources générées par la FS ;
- Le réapprovisionnement en médicaments essentiels,
fournitures médicochirurgicales et
produits de laboratoire auprès de la pharmacie
préfectorale d'approvisionnement ;
- La fixation, dans les limites prescrites par le MS et le
Ministère de l'économie et des
finances, des tarifs des prestations des soins ;
- La définition de critères précis
d'admission de certains malades indigents conformément
aux principaux critères nationaux retenus ;
- L'étude et l'adoption des projets de maintenance et de
renouvellement du matériel ;
- L'élaboration et l'exécution, sur
l'initiative du RFS, du plan d'action et du projet du budget qui sont soumis
à l'approbation du Directeur Préfectoral de la santé ;
- L'examen et l'adoption des comptes de gestion de la FS ;
- La promotion de la pleine participation des populations aux
activités communautaires.
197 Document 3ASC, 2008 « Projet Intégré de
santé dans la région des Savanes. Processus de mise en place des
Commissions Sante. (Distinction des tâches CS-COGES) ».
143
-- Cellule Mutualiste de Base (CMB)
Ces groupements s'insèrent uniquement dans la logique
des mutuelles de santé. Il s'agit de comités mis en place par la
population pour appuyer le service des mutuelles. Ils tentent de faire
souscrire des nouveaux adhérents via des actions de sensibilisation. Les
personnes membres de ces organes sont officiellement au nombre de trois et sont
également choisies suite aux décisions prises dans le cadre des
réunions villageoises. Les CMB ont été mises en place pour
valoriser le bien-fondé de l'affiliation à la mutuelle de
santé. En souscrivant à une assurance maladie de ce type, les
personnes concernées sembleraient beaucoup moins réticentes
à l'idée de se rendre dans une FS. Ainsi, on observe une
augmentation du taux de visites, de vaccinations et d'accouchements, etc. De ce
fait, le principe des mutuelles de santé semblerait être une
excellente solution pour prévenir la santé des populations de la
région des Savanes.
-- Agents de Santé Communautaire
(ASC)
Ce sont les « petits infirmiers » tout en bas de la
hiérarchie propre au domaine de la santé au Togo. Ils sont
désignés par la population pour assister les malades lors des
premiers soins. Ils ont été formés sur des thèmes
précis comme le paludisme, la tuberculose ou encore la nutrition. Ils
sont capables de diagnostiquer, et éventuellement de soigner certaines
maladies comme la toux, la diarrhée, le paludisme et la malnutrition.
Travaillant en partenariat avec une matrone disposée à s'occuper
des accouchements, généralement au sein d'une case de
santé, leurs charges consistent à référer les
malades vers l'USP la plus proche, dans les deux jours si la situation de ces
derniers ne s'est pas améliorée. Par ailleurs, ils ont pour
tâche de sensibiliser les populations sur certains thèmes
précis. Ils doivent également rendre des bilans sur l'état
sanitaire des villages dont ils ont la responsabilité. Ils collaborent
avec les USP sur certaines thématiques et actions, comme les campagnes
anti-paludisme, contre la tuberculose, etc.
144
A10. UNITÉS DE SOINS PÉRIPHÉRIQUES :
CONTEXTUALISATION
1. Infrastructures sanitaires
Des infrastructures de qualité sont d'une
évidente nécessité. Elles servent à créer un
environnement adéquat et susceptible d'offrir des soins convenables et
respectueux du bien-être sanitaire des patients. Dans les faits, elles
paraissent insuffisantes et insalubres. Le caractère vétuste et
détérioré de ces infrastructures peut donc s'avérer
parfois dangereux en matière de sûreté pour les patients
des centres de santé.
Bien que la composition varie d'un lieu à l'autre, la
plupart des USP visitées se constituent généralement d'un
bâtiment unique, composé d'un grand couloir central croisé
au milieu, amenant à différentes salles aux fonctions a priori
bien définies : une pharmacie, une salle de consultation, une salle PF,
une salle d'accouchement, une salle de suite de couche comportant trois ou
quatre lits dans le meilleur des cas, et parfois un laboratoire. Les couloirs
du centre, dans lesquels souffle l'harmattan (vent chaud et sec en provenance
de Sahara amenant poussière et sable), sont desservis par des bancs en
bois où les malades patientent indéfiniment face à un
décor fait d'affiches de sensibilisation et de prévention
collées sur des murs effrités et dégradés.
La plupart des bâtiments n'ont jamais
bénéficié de réhabilitation ou sont en travaux pour
une durée incertaine.
« Nous avons ce problème de réhabilitation,
c'est un bâtiment vraiment très vétuste. Vous le voyez,
ça en Belgique on ne peut pas rentrer dedans, on ne peut même pas
passer à côté. On devait normalement réhabiliter.
C'est un bâtiment qui date de 1979 qui n'a jamais
bénéficié de réhabilitation. Peut-être c'est
les pigeons, les chauves-souris qui doivent habiter ici, mais malheureusement
nous sommes dedans. Ça doit être réhabilité,
ça doit permettre d'augmenter certains indicateurs, ça doit
attirer les gens à venir se faire consulter, sincèrement »
[RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].
A l'exception des USP de type II, qui ne sont qu'une
minorité dans les districts enquêtés, la maternité
se voit généralement rattachée au reste du seul et unique
bâtiment qui compose l'USP. Dès lors, les difficultés en
termes de places et de qualité des prestations sont nombreuses.
145
Officiellement, une femme doit rester 48 à 72 heures au
centre de santé avancé après un accouchement. Dans les
faits, il est fréquent que les femmes restent moins de 24h. Cela
s'explique notamment par le manque évident de place dans les salles
post-natales. La logique prédéfinie pour dissocier la salle PF,
la salle d'accouchement et la salle post-natale n'est pas du tout
respectée et s'adapte suivant les besoins circonstanciels.
L'espace est beaucoup trop restreint, et le nombre de lits se
compte sur les doigts d'une main. De plus, une seule et même salle peut
être utilisée à des fins différentes : « mais
on ne peut pas mettre en observation des malades et au même moment, dans
la même salle, recevoir les femmes accouchées. On n'est jamais
à l'abri de la propagation de maladies. C'est ça le
problème, vraiment, vraiment. Je ne sais pas ce qu'on peut faire »
[RFS de Papri, Kpendjal].
Le manque de matériel est criant au sein de toutes les
USP investiguées. Le matériel médico-technique est
vétuste, beaucoup d'ustensiles sont simplement inexistants ou en
très mauvais état. Cela passe par des microscopes,
télescopes, balances, TDR, jusqu'aux bottes (pour la saison des pluies,
afin d'éviter la propagation des infections) et lunettes protectrices
(pour prévenir les accouchements de femmes atteintes du VIH/SIDA), etc.
« Les femmes PTME (prévention de la transmission
mère-enfant) et les VIH, elles peuvent venir accoucher ici, on ne peut
pas les renvoyer, mais c'est à nous de nous protéger, à
travers ces moyens de barrière là, mais il n'y en a pas, donc on
se protège comme on peut mais c'est pas facile » [Accoucheuse
d'État de Sanfatoute, Tône].
-- Logement du personnel
Il faut également mentionner cet avantage de principe
que les prestataires des USP peuvent bénéficier d'un logement de
fonction aux frais de la FS, même si ce dernier est rarement dans un
état acceptable. De fait, dans nombre de cas, le personnel soignant
n'est toujours pas logé. « C'est moi quand je suis arrivé,
j'ai fabriqué mon logement à mes frais » [RFS de Papri,
Kpendjal].
-- Cuisine
Par ailleurs, les infrastructures des USP furent, de
manière générale, construites suivant une vision
strictement utilitaire. De ce fait, beaucoup de patients, et principalement des
femmes ayant accouché se plaignaient du caractère rudimentaire
des installations. En effet, devant rester un temps certain au sein de l'USP,
celles-ci étaient contrariées par l'impossibilité de
bénéficier de quelques dispositions de base, comme des cuisines.
Afin de
146
répondre à cette demande, quelques cuisines
furent mises sur pied par les CS. Les conditions d'hygiène s'en trouvent
améliorées et les femmes peuvent accoucher dans un environnement
plus favorable. Ceci profite donc tant aux prestataires qu'aux patients.
-- Électricité
Les problèmes d'électricité sont
récurrents et préoccupants. Le courant n'est en aucun cas une
garantie (même si les circuits semblent installés les USP ne sont
jamais à l'abri d'une panne soudaine). Cela peut engendrer de nombreuses
difficultés au quotidien. À titre d'exemple, de nombreux
témoignages ont rapporté des contraintes liées aux
accouchements de nuit devant s'effectuer à l'aide simple d'une lampe de
poche :
« Côté électricité, ça,
je souffre trop. Par exemple, pour faire l'accouchement, je mets la torche ici
[indiquant qu'elle la coince entre son cou et son épaule],
jusqu'à la fin de l'accouchement, laver les gants, tout, tout.
Même pour tenir, je reste comme ça, j'attends. Si c'est 15
minutes, j'attends 15 minutes. C'est comme ça, je souffre comme
ça » [Accoucheuse d'État de Sanfatoute, Tône].
Par ailleurs, les frigos fonctionnent
généralement au gaz ce qui facilite la situation. Mais à
certains endroits, des plaques solaires - bien que défectueuses -
tentent tant bien que mal de subvenir aux ressources énergétiques
nécessaires pour alimenter l'unique frigo du centre de santé. En
guise d'illustration, l'USP de Papri, Kpendjal se bat quotidiennement pour
sauver les médicaments qui doivent rester impérativement au
frais.
« Le frigo fonctionne mais pas à plein temps. Nous
sommes obligés de déplacer nos vaccins à tous moments vers
l'USP d'à côté. Nous sommes obligés de les
transférer trop régulièrement, obligatoirement. Bon, notre
frigo se décharge trop rapidement. Nous sommes obligés d'aller
chercher nos médicaments chaque matin à Tambonga, à 2 km
d'ici et le soir il faut retourner. C'est difficile, c'est vraiment très
difficile. Tout le monde sait que nous avons un problème de frigo, parce
que nos batteries ne sont pas fonctionnelles mais le centre n'a pas les moyens
pour s'acheter les batteries. Parce qu'une batterie coûte 70 000 FCFA
(106€) et nous avons besoins de huit batteries. Alors vous
voyezÉc'est complètement hors-budget. Mais on fait avec, c'est
les moyens du bord ». [RFS de Papri, Kpendjal].
147
2. Conditions sanitaires
-- Eau potable
L'approvisionnement en eau potable est un problème
général qui concerne la majeure partie des USP
rencontrées. Il est extrêmement rare de trouver une USP n'ayant
aucun problème d'eau. Ces dispensaires bénéficient, dans
le meilleur des cas, de forages à proximité, leur permettant de
s'approvisionner aisément. Néanmoins, la quantité d'eau
limitée à disposition étant limitée, les mesures
d'hygiène sont très insuffisantes.
Dans certaines USP, l'eau est au centre des
préoccupations. Certains patients sont priés de venir avec leur
propre récipient rempli d'eau pour recevoir les soins
nécessaires. Comment un accouchement peut-il se dérouler dans des
conditions décentes avec si peu de moyens mis à disposition ?
Dans le meilleur des cas, les patients ne pourront être soignés
que dans une optique de survie. Se trouvant dans une région aride,
où le sable est omniprésent, les risques liés aux
infections suite au manque d'eau et à la propagation des maladies qui en
découle sont nombreux.
-- Latrines
Les toilettes sont le plus souvent inexistantes, ou bien elles
se trouvent à l'extérieur mais dans un état tellement
insalubre qu'elles sont laissées à l'abandon. La majorité
des personnes présentes préfèrent nettement se soulager
dans la nature aux abords du centre, plutôt que dans un lieu
non-entretenu, réservé a priori à cet effet, ce qui
crée un problème d'hygiène et de pollution
environnementale supplémentaire.
148
3. Fréquentation
En guise d'illustration, voici un schéma visualisant le
taux de fréquentation des FS du district sanitaire de Tône pour
l'année 2010198.
![](La-sante-communautaire-dans-la-region-des-savanes-Togo-Une-etude-de-cas-sur-les-commissions-san13.png)
Au regard des informations répertoriées,
différents aspects relatifs au cadre de soins rencontré dans les
USP seront abordés ci-dessous.
- Prestataires
D'un point de vue qualitatif, malgré les normes
officielles relatives aux USP de type I, le nombre de personnes
diplômées d'État et en possession des qualifications
techniques nécessaires, sont généralement au nombre de
deux (l'infirmier et l'accoucheuse). Toutefois, l'USP de Lokpano,
Tandjouaré ne possède aucun diplômé d'Etat à
son actif. En effet, le responsable de l'USP s'est lui-même
qualifié d'« infirmier permanent », mais non
diplômé d'Etat. Les autres membres du personnel sont
considérés comme étant du « personnel d'appui »
formé « sur le tas ». Ces personnes, sans aucun
pré-requis dans le domaine sanitaire, ont été
identifiées dans la « communauté » comme étant
potentiellement aptes à exercer ce travail, sous le statut d'apprentis
(en fonction notamment de leur niveau d'études : CPD, BEPC, etc.).
Ensuite, avec l'accord du RFS, du Chef Canton et du Directeur
Préfectoral de la Santé, ils ont été formés
dans une USP pendant une période déterminée avant
d'être transférés vers un centre de
référence, pour y recevoir une formation pratique d'une
durée variant entre un et trois ans.
198 Document 3ASC, 2010, Revue annuelle 2010, Direction
Préfectorale de la Santé de Tône, ECD Tône, 2011.
149
Toutefois, les membres du personnel de ces USP ne sont
généralement pas directement liés avec les populations
locales, et ce pour diverses raisons. Tout d'abord, ils ont un statut
socio-économique différent, vu qu'ils ont suivi des études
supérieures dans une agglomération urbaine. Par ailleurs, le
système national chargé de l'affection des infirmiers ne se
soucie que fort peu des desiderata relatifs à la localisation
géographique de ses fonctionnaires. Ceci étant, ils se retrouvent
souvent fort éloignés de leur lieu d'origine, dans des ethnies
différentes, ce qui nécessite parfois l'apprentissage d'une
nouvelle langue vernaculaire pour pouvoir communiquer avec les populations
locales peu habituées à l'usage du français. Dans ce cadre
précis, il n'est pas difficile d'envisager que des bribes de tensions
puissent apparaitre, car l'effort des prestataires pour se rapprocher des
ethnies est souvent minimaliste. En effet, les missions qui leurs sont
assignées ne sont que de courte durée, ce qui met un frein
à de tels efforts.
Dans nombre de cas, nous avons constaté un net manque
d'intégration de la part des prestataires diplômés d'Etat
au sein des communautés locales. Malgré la présence de
quelques membres originaires de l'aire sanitaire (dans la composition du
personnel de chaque USP), ils semblent fournir un apport limité lors des
prises de décisions, notamment durant les réunions mensuelles et
annuelles du district avec les différents représentants
sanitaires au niveau préfectoral.
D'un point de vue quantitatif, la population se retrouvant au
sein d'une aire sanitaire est proportionnellement si importante que le nombre
de personnes actives dans le cadre de la FS est considéré comme
insuffisant. Les prestataires semblent trop rapidement débordés
vu le nombre de patients qui se présentent pour une consultation. Tous
les prestataires interrogés ont souligné le manque de personnel
qualifié pour les appuyer dans leur travail.
« Je suis vraiment le seul, si on veut parler de
personnes qualifiées, je suis le seul qui ait subi une formation de
l'état. Les autres c'est sur le tas, des formations de deux, trois,
quatre ans. Donc quand je suis pas là vous voyez ce que ça donne.
Je fais tout, les consultations, l'administration, tout, tout, tout ce qui
concerne le centre, c'est moi. Bon heureusement, il y a mon agent
itinérant qui est là. Si je ne suis pas là, c'est lui qui
consulte et la matrone s'occupe de la maternité, et si l'agent
itinérant n'est pas là elle aussi elle peut consulter. Mais le
plus souvent, on a plus de préoccupations administratives que curatives.
Oui sincèrement. Il faut aller à la réunion mensuelle, il
faut faire les rapports, il faut faire le bilan annuel, il faut faire ceci,
donc heureusement qu'il n'y a pas trop de patients pour l'instant » [RFS
de l'USP de Papri, Kpendjal].
De plus, cela empêche toute possibilité de
congé à l'égard de son personnel soignant.
150
« J'ai commencé à travailler depuis 2007.
Depuis 2007, jusqu'au aujourd'hui je n'ai jamais eu de congé, parce que
tu es seul, parce quand tu quittes il n'y a personne, etc. Même la
machine, on la vidange. Dès fois, tu travailles, tu demandes une
permission de deux jours, on te l'accorde pas » [RFS de l'USP de Papri,
Kpendjal].
Néanmoins, nous avons fait cette constatation criante :
les USP étaient désertées de leurs patients dès
onze heures du matin, voire plus tôt. Nous n'avons trouvé que des
USP quasiment vides avec une moyenne de 6-7 patients par jour. La surcharge de
travail tant évoquée ne fut en aucune manière observable.
« Ce n'est pas la saison », ai-je sans cesse entendu « de juin
jusqu'à novembre, on est débordés, sincèrement,
durant cet intervalle de temps, il n'y a pas de repos, même les nuits tu
ne dors pas » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal]. En effet, étant
dans une zone agraire soumise à de longues périodes de
sécheresse, les saisons rythment la vie des populations locales.
Certains facteurs peuvent effectivement rendre compte d'une certaine tendance :
par exemple, durant la période hivernale, les moustiques tendent
à disparaître réduisant le taux de personnes atteintes du
paludisme et donc la fréquentation du centre parce que selon le RFS de
l'USP de Papri, Kpendjal « plus de quatre-vingt-dix pourcent des malades
viennent à cause du paludisme » [RFS de Papri, Kpendjal].
Toutefois, cette saison est synonyme d'infections pulmonaires et respiratoires
en raison de l'apparition de l' harmattan. « Les cas de paludisme vont
diminuer mais au même moment il y aura une augmentation des cas de toux
» [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].
De ce fait, peut-on se fier qu'à cette seule
explication portant sur les tendances saisonnières ? N'est-il pas
légitime de se questionner sur les raisons d'un tel constat ? Ne faut-il
pas également mettre en avant d'autres facteurs : l'attitude du
personnel, l'accueil, la qualité des traitements, l'éloignement
géographique, les difficultés financières, la crainte,
voire même une certaine honte, due à un manque de sensibilisation
ou encore le constat d'un recours notable aux traitements thérapeutiques
traditionnels ? Ces différents aspects vont être analysés -
au regard de l'implication des CS dans cet univers - la question étant
d'examiner si des arguments peuvent être tirés, susceptibles
d'appuyer nos observations ?
- Accueil
Ce point précis a suscité maints débats
dans chaque lieu où nous nous sommes rendu. Néanmoins, chacun
s'accorde pour dire, sans exception, qu'« aujourd'hui ça va !
». Une grande majorité des personnes interrogées font
référence à des problèmes antérieurs au
sujet des personnels des centres de santé : ils ne sont pas suffisamment
à l'écoute des problèmes des patients et ne traitent pas
respectueusement ces derniers.
151
De plus, même si ces centres avancés ne sont pas
grands et qu'il n'est pas difficile de s'y repérer, les démarches
amenant à la consultation ne sont pas forcément claires aux yeux
de tous, surtout pour les illettrés. Ils ne savent pas comment
s'orienter correctement à leur arrivée et la seule façon
d'obtenir des informations se fait via d'autres patients qui attendent leur
tour de consultation dans les couloirs de l'USP.
Des bribes de tensions peuvent éclater entre le
personnel de l'USP et des patients, certains cas se rapportent à des
abus de pouvoir.
« Bon, il y avait ça avant. C'est ça qui a
fait qu'il y a eu changement, qu'il y a eu renouvellement du personnel. Il y
avait ce problème de patients qui se plaignaient à tous moments,
jusqu'à 3ASC même, parce qu'il y avait des fois des ordonnances
fictives au niveau de la maternité, même la Direction
Régionale même a été informé par rapport
à ça. Une femme qui vient pour un simple accouchement, elle
ressort avec trente mille francs [45€] de frais, alors que ce qui va
rentrer pour la Formation Sanitaire, c'est mille francs [1,5€] par exemple
(É). Vous voyez que ce n'est pas bien. J'ai photocopié certaines
ordonnances de femmes qui sont venues me voir. C'est surtout quand je ne suis
pas là que ça se fait, donc ha. Donc j'ai rendu compte à
qui de droit et la décision a été d'affecter la personne
concernée, c'est ça, celle-ci vient d'arriver, depuis août.
Sinon ça allait tuer même le centre, parce qu'il y avait moins de
fréquentation à la maternité, par mois on faisait cinq
accouchements, au mois de mai passé, maintenant on est à
quinze-vingt, ça dépend des mois. Les femmes se passaient le mot
: il y a telle personne qui travaille à la maternité, tu ne peux
pas accoucher là-bas, c'était ça le problème, mais
actuellement tout va bien » [RFS de l'USP de Papri, Kpenjal].
Pour d'autres patients, il est clair qu'ils ne sont pas pris
en charge dans des temps acceptables à tel point qu'ils se voient
obligés de quitter les lieux malgré leur état
fébrile pour se rendre dans un autre centre de santé. Il est
nécessaire de préciser qu'il s'agit de cas isolés et
qu'ils ne sont pas représentatifs de la majorité des patients
reçus au sein des USP que nous avons rencontré dans le cadre de
ces enquêtes. Néanmoins, à plusieurs reprises, des
anecdotes nous ont été fournies narrant des petits
problèmes ou bien des tensions entre prestataires et patients.
Voici un exemple dont la présidente de la CS de Nanergou,
Tône nous a fait part :
« C'était un accouchement. C'est dans la nuit, on
va, on réveille l'accoucheuse, elle dit qu'elle ne sort pas, qu'elle ne
sort pas. Et le gardien maintenant a eu des problèmes parce que,
pourquoi tu es venu me réveiller elle dit, désormais si quelqu'un
vient dans la nuit, ne me réveille plus. Ah, si le gardien était
là, il devrait témoigner aussi. Quand quelqu'un vient, le gardien
dit ah passez, allez-y en ville à Dapaong, même s'il est 0h00 il
doit continuer, il ne va pas se faire soigner ici. Donc voilà, mais
à présent, on a eu un changement, on a congédié les
deux, le major et l'accoucheuse, et on a pris deux
152
nouveaux. [É] C'est avec le chef canton, il y a eu
beaucoup de plaintes au niveau du chef canton. Même avec Commission
Santé, quand on fait le tour dans le groupe, dans les réunions,
nous faisons que discuter de ça. A chaque fois, à chaque fois,
à chaque fois. Même quand on voit les malades de Nanergou à
la polyclinique de Dapaong, le docteur demande qu'est-ce qui se passe ? Le
malade explique ce qui s'est passé. [É] Ils ont eu beaucoup de
plaintes ici, à leur niveau [É] mais on ne peut pas estimer que
l'on a été décisif dans le changement, c'était des
plaintes seulement » [Présidente de la CS de Nanergou,
Tône].
Les CS ont contribué à améliorer
l'accueil des USP. En effet, grâce notamment à leur rôle de
messagers des CS, certains prestataires ont changé de comportement face
aux diverses critiques dont ils ont fait l'objet. Celles-ci n'auraient pu
être recensées de façon officielle si des groupements
intermédiaires n'avaient été mis en place.
- Qualité des traitements
- Consultation Prénatale et accouchement
à l'USP
Le débat fait rage dans toutes les USP visitées.
Il est impossible de savoir si la majorité de femmes accouchent dans des
centres de soins ou à domicile. Au regard des interviews, les discours
disent tout et leur contraire. Certains diront, « il y a des femmes
même qui ne viennent pas, elles accouchent même à domicile,
c'est la plus grande partie même. Les femmes sont à la maison,
elles accouchent à la maison, elles ne viennent pas en consultation
prénatale, elles accouchent à la maison. Celles qui accouchent
à la maison sont plus nombreuses que celles qui viennent accoucher ici
» [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].
D'autres affirmeront que la qualité des soins a
également grandement évolué et bien plus de femmes que par
le passé viennent accoucher à l'USP la plus proche de chez eux.
Dans certains villages, on m'a même assuré que les accouchements
à domicile sont une pratique qui relève définitivement du
passé : toutes les femmes, sans exception, fréquentent l'USP la
plus proche de chez eux afin de se rendre aux CPN et d'accoucher dans les
meilleures conditions possibles. Cette amélioration est majoritairement
due aux campagnes de sensibilisation effectuées ces dernières
années.
- Séances de vaccinations
On constate clairement une amélioration des couvertures
vaccinales. Notamment au travers des PEV, des mobilisations massives ont
été menées par les CS pour sensibiliser les
153
communautés quant à l'intérêt de se
faire vacciner. Certaines femmes étaient farouchement opposées
à la vaccination de leurs enfants, car après coup, leurs enfants
semblaient avoir « le corps chaud ». Les CS ont réussi
à expliquer les bienfaits des vaccins, et les raisons éventuelles
d'une réaction à un vaccin, et les villageoises semblent avoir
compris. Pour ce faire, ils avaient sollicité un membre dans chaque
quartier de chaque village chargé d'expliquer à son entourage les
intérêts propres à cette thématique. De plus,
sachant que les vaccins lors de ces campagnes sont gratuits, l'affluence y est
très forte et rencontre un franc succès. Aujourd'hui, il semble
qu'un changement se soit opéré dans les mentalités : les
populations villageoises ont massivement recours à la vaccination pour
se prémunir d'éventuelles maladies.
- Multiplication des rôles et décalage
hiérarchique vers le haut
Ce qui mérite toutefois d'être souligné
est le fait, que lorsque les prestataires qualifiés sont absents, le
personnel d'appui prend les choses en mains. Cependant, il peut être
détenteur d'une formation minimaliste, tout en se voyant
conférée une position d'autorité qui l'autorisera à
diagnostiquer un traitement et à administrer des prescriptions sur la
base d'une consultation sans fondements véritables. On peut, dans ce
genre de cas, se permettre de douter de la qualité même de telles
consultations et du type de soins qui y sont prestés
Malgré l'absence de médecins dans les structures
de santé de la périphérie, les RFS, du haut de leurs trois
ans d'études supérieures en infirmerie, sont traités comme
tels par les patients. Ils sont généralement respectés et
obtiennent l'aval et le consentement de tous.
Il est à supposer que l'opinion générale
se satisfait de cette différence de statut : les prestataires en
question n'éprouvent aucunement le besoin de solliciter les CS en vue de
rehausser l'image qu'ils véhiculent.
- Le problème de la norme
La qualité des soins rencontrée dans ces USP est
d'un niveau utilitaire et les patients rencontrés se satisfont, le plus
souvent, d'une telle situation sans aucun autre point de comparaison ou de
référence. De ce fait, ils se contentent de consultations rapides
et superficielles. Le paradoxe est que les bénéficiaires de soins
aussi rudimentaires tendent à développer une forme de confiance
aveugle envers la personne qui les prend en charge.
154
Nous sommes donc amené à un double constat.
D'une part, l'aveuglement des patients qui s'estiment satisfaits des
infrastructures ainsi que de ce type d'accueil et de traitement. Les USP sont
le plus souvent, les centres médicaux les plus pointilleux et les plus
avancés qu'ils ont eu l'occasion de fréquenter. De l'autre, en
dépit de tous les obstacles existants, notamment la route, l'eau,
l'électricité, le manque de personnel, le peu d'ambulances, le
problème de matériel et de médicaments, les populations
villageoises fréquentant ces centres de santés ont de
réelles difficultés à définir des
améliorations qui garantiraient une meilleure prise en charge.
En effet, en interrogeant les patients sur les
problèmes relatifs à l'USP, nous constatâmes que nombre
d'entre eux se sentaient incapables de répondre à une telle
question. Souvent ils répondaient par la négative, qu'ils ne
savaient pas, qu'ils n'étaient pas en mesure de pouvoir juger, etc. Dans
de nombreux cas, les patients n'ont aucune idée de ce que devraient
être des soins de qualité. Les traitements proposés dans
les USP dépassent de loin tous les autres types de soins dont ils
peuvent bénéficier au sein de leur village. Pis encore,
au-delà des nécessités de base (eau,
électricité, etc.), rares sont les remarques, réclamations
concrètes, doléances ou suggestions pour améliorer les
centres.
-- Consultations
Mais en insistant lors des interviews, nous nous sommes
aperçu que beaucoup de patients se plaignent de ne pas recevoir, lors
des consultations, d'explications précises quant au mal dont ils
souffrent. Ainsi, incapables de comprendre les raisons de leur mal-être,
ils ne sont pas aptes à se protéger préventivement
à l'avenir. D'après les dires, il n'y a pas de problèmes
majeurs durant les consultations mais lorsque l'on approfondit la question,
l'ensemble des patients s'accordent sur leur manque de qualité : elles
durent entre cinq et dix minutes, se limitent à quelques questions
basiques, ne permettent qu'une anamnèse imprécise et une
posologie très approximative.
En vue de clore cette annexe portant sur la qualité des
traitements, il paraît respectable de mentionner que la grande
majorité des patients se déclarent satisfaits de la situation en
vigueur et se montrent inaptes à émettre le moindre avis
suffisamment critique. Le constat d'une telle situation pourrait s'expliquer
par des campagnes de sensibilisation suffisamment conséquentes
valorisant les soins prodigués au sein de ces structures de soins
reconnues par l'État. Toutefois, nous ne sommes pas en mesure de pouvoir
vérifier une telle hypothèse. Par ailleurs en dehors du cadre
spécifique de la sensibilisation, les CS semblent jouer un rôle
minime quant à leur contribution à la qualité des soins en
vigueur dans ces USP.
155
-- Situation géographique
En effet, les problèmes relatifs à
l'accessibilité de ces dispensaires restent à ce jour très
critiques, principalement pendant la saison des pluies. Nul ne peut ignorer le
manque de moyens de locomotions disponibles dans les villages pour assurer - le
cas échéant - le transport des personnes nécessiteuses,
sur des routes extrêmement endommagées.
Un des problèmes majeurs que nous avons
répertoriés, concerne l'accessibilité du dispensaire pour
tous. En effet, une USP est chargée de prodiguer des soins à
l'ensemble des habitants des villages se trouvant dans un rayon de 5 km.
Cependant, dans toutes les aires sanitaires étudiées, il est
à constater que le périmètre sous la charge d'une USP est
toujours supérieur aux normes officielles. À titre d'exemple,
l'USP de Kwampit, Kpendjal a sous sa responsabilité, une population
recensée à 9.254 habitants en 2012. Cependant, 2.759 personnes
vivent à une distance supérieure à 5 km, ce qui
représente près de 30 % de la population de l'aire de
santé. Étant donné que les moyens de transport sont chose
rare et coûtent cher en carburant, la distance peut constituer un biais
conséquent, entrainant une fréquentation moindre, par les
habitants des villages les plus éloignés. En effet, même
s'il ne s'agit que de quelques kilomètres, les routes sont dans un
état déplorable, ce qui empêche des malades gravement
atteints de s'y déplacer en toute sécurité. De plus, nous
pouvons concevoir l'état d'une femme sur le point de rentrer en phase
d'accouchement et qui tente de rejoindre péniblement le dispensaire le
plus proche. Dans le meilleur des cas, elle se trouvera à
l'arrière d'une moto qui rebondira au gré d'ornières
innombrables.
Dans un autre cas de figure, si les patients sont soumis
à un problème qui dépasse les compétences des
centres de soins avancés, et doivent être
référés à l'hôpital de leur district, la
distance peut être amplement supérieure. Ainsi, la situation s'en
trouvant hautement complexifiée, engendrant des coûts financiers
conséquents, peut être un facteur de découragement pour ce
qui est de leur présence future dans ces centres de soins.
Par ailleurs, la région des Savanes est
confrontée à une autre situation problématique : de par
leurs localisations géographiques, les districts de Kpendjal et
Tandjouaré sont à une courte distance, respectivement du Burkina
Faso et du Ghana. Étant donné la précarité ambiante
des centres de soins avancés que nous avons décrits, nombre de
personnes sont tentées de traverser les frontières et de se
rendre dans d'autres centres médicaux-sociaux, pour
bénéficier de soins et de médicaments à des prix
réputés comme plus avantageux. « Au Burkina, tu accompagnes
ta femme, en tant que conjoint, à la consultation prénatale,
d'abord la consultation elle est gratuite et on te redonne mille francs pour
ton déplacement toi qui l'as
156
accompagné. Vous voulez qu'on fasse quoi nous ici ?
Déjà quand tu viens pour la consultation, tu payes et tu n'as pas
les mille francs et c'est à quatre kilomètres que ça se
passe » [RFS de l'USP de Papri, Kpendjal].
Mais une dépréciation du phénomène
est actuellement perceptible : les malades estiment qu'ils n'est plus aussi
avantageux de se rendre dans un pays limitrophe, tant les avantages
coûts/investissement sont minimes. Un tel renversement est principalement
dû Ð en dehors de l'exemple ex ante - aux
améliorations en termes de qualité et d'offre proposées
dans les centres de soins avancés dans la région des Savanes. De
plus, il apparaîtrait qu'un nouveau phénomène confirme ce
renversement de la tendance : certaines personnes en provenance du Burkina Faso
se rendraient dans le district sanitaire de Tône pour y obtenir des
soins, notamment à l'USP de Sanfatoute.
-- Difficultés
financières
Nombreuses sont les difficultés dont nous avons
été témoins, voici quelques extraits :
« Un de nos plus gros problèmes c'était le
coût élevé. On était obligés de fixer les
prix et d'afficher de toutes les consultations et de tous les prix. Comme
ça tu achètes un comprimé de paracétamol à x
francs et tu dois le vendre à x plus 0,6 francs. C'est la direction
régionale qui nous donne ces prix, c'est comme ça. On
était obligé d'afficher, comme ça quand quelqu'un vient
pour acheter, il faut qu'il sache combien il doit payer, comme ça il n'y
a pas d'escroquerie possible et les malades ont plus confiance » [RFS de
l'USP de Papri, Kpendjal].
« On fait par rapport aux moyens de la personne, tu
prescris, si l'argent est insuffisant, tu es obligé de lui vendre un
peu, va chercher l'argent, il revient, tu complètes, mais tu fais les
premiers soins, la plupart des gens reviennent » [RFS de l'USP de Papri,
Kpendjal].
« Nous sommes dans un milieu musulman. Par exemple
quelqu'un qui a quinze enfants, deux femmes, quinze enfants mais il ne peut pas
avoir trois mille francs fois quinze, plus lui et ses femmes pour
adhérer à la mutuelle, c'est pas possible. Et pire encore les
années où les récoltes n'ont pas réussi » [RFS
de l'USP de Papri, Kpendjal].
De nombreux témoignages de prestataires mentionnent les
difficultés propres aux malades à rendre dans un centre de
santé en raison du coût qu'ils ne peuvent assumer. Beaucoup de
prestataires disent mettre la main à la poche car :
157
« Lorsque c'est un cas grave, on n'a pas le choix. Il y
en a qui viennent avec deux-cents francs ou cinq-cents francs, tu ne peux pas
leur dire, bon tu n'as pas d'argent... tu dois leur faire au moins les premiers
soins, et puis on écrit qu'on leur a avancé autant d'argent, il
doit ceci et tu dis à la personne d'aller-revenir pour acheter d'autres
médicaments. Mais bon, j'ai un carnet rien qu'avec les dettes mais il y
a des cas tu ne peux pas résister à ça. Encore l'autre
jour, il y a une femme qui est VIH, quand elle vient ici, elle n'a personne.
Vraiment, à voir sa situation, je n'hésite même pas
à demander au gérant de faire, après je paye, c'est comme
ça, c'est moi qui l'ai dépisté, et elle, elle n'a personne
comme ça, et elle a fait un enfant, c'est au cours de sa grossesse qu'on
l'a dépisté, mais on fait avec » [RFS de l'USP de Yembour,
Tandjouaré].
-- VIH/SIDA
Concernant le VIH/SIDA, le RFS de l'USP de Papri, Kpendjal
exprime son mécontentement concernant ce tabou persistant relatif
à cette maladie :
« Quand je fais une campagne de dépistage gratuite
ici, sincèrement je suis déçu de voir que c'est seulement
les impubères, si on peut dire comme ça, qui viennent se faire
dépister. Alors que les concernés mêmes sont là,
mais ne viennent pas. Sincèrement je sais pas pourquoi. Chacun se dit
qu'il a peur de ce qu'il peut être, de découvrir la
vérité sur son état. Il a peur de ce qu'on peut lui dire.
Depuis qu'on a commencé en 2009, on a eu seulement que deux cas, que
deux cas dans l'aire sanitaire. Mais actuellement nous n'avons plus de tests
pour les volontaires, seulement pour les femmes enceintes. C'est l'état
qui nous donne ces tests, c'est défini pour les femmes enceintes.
Normalement les femmes qui viennent pour la planification familiale, on devait
leur faire le test, on a commencé. Mais il y a le revers de la
médaille qui est là : les femmes ne veulent pas se faire
dépister, c'est ce que nous avons constaté. Et quand une femme
vient et que tu lui parles de VIH/SIDA et que lui exiges de faire le test avant
que tu la planifies, elle sort et elle ne revient pas » [RFS de l'USP de
Papri, Kpendjal].
158
A11. LE PLURALISME THÉRAPEUTIQUE EN
QUESTION
De plus en plus de voix semblent s'élever aujourd'hui
pour une prise en compte plus évidente de la médecine «
traditionnelle » dans les traitements thérapeutiques en vigueur
dans la région. Même si en apparence, le recours à la
biomédecine semble privilégié, il paraît inutile de
nier l'utilisation de médecines dites « traditionnelles »,
généralement plus accessibles, que ce soit en termes
géographique ou financier. En effet, malgré l'absence de mesures
concrètes, personne ne s'oppose à une forme de revalorisation de
la médecine « traditionnelle », voir à ce qu'une
réforme en matière de politique sanitaire puisse voir le jour
afin d'attribuer une plus grande légitimité aux «
thérapeutes traditionnels » dans le paysage actuel. Cette tendance
laisse sous-entendre, qu'à travers une certaine conditionnalité,
ces pratiques thérapeutiques « traditionnelles » remises au
goût du jour sembleraient disposées à répondre plus
aisément aux attentes spécifiques et aux besoins réels de
ses habitants. Comme le souligne J.P. Dozon, cette situation « semble
dénoter de la part des États africains une volonté plus
nette d'indépendance où la santé des populations
relève d'un processus endogène de développement et,
partant, requiert la mobilisation des compétences et des savoirs
disponibles »199.
La notion de « pluralisme thérapeutique » se
doit d'être précisée. J. Benoist définit cette
notion dans « Soigner au pluriel. Essais sur le pluralisme médical
» comme la « coexistence, au sein d'une même unité
sociale, de divers recours thérapeutiques répondant à des
modèles variés d'interprétation de la maladie et de ses
causes »200.
En vertu de cette définition, il devient
nécessaire de dépasser l'opposition implicite entre
médecine « traditionnelle » et « moderne ». Laissant
penser qu'il existe d'un côté des pratiques séculaires
immuables et de l'autre un savoir scientifique toujours enclin à
davantage de progrès et d'innovation201. Cette perspective
renvoie à la nécessité criante de transcender cette vision
« traditio-traditionnaliste » se traduisant par une forme
réductive quant aux apports véritables de ces traitements
thérapeutiques non suffisamment reconnus sur la sphère locale. Il
semble essentiel d'arriver à une compréhension globale des
pratiques médicales face à la pluralité des usages
simultanés de soins qui en apparence peuvent s'avérer
contradictoires. Cette pluralité est souvent la norme202.
199 Dozon, J.-P., 1987, op. cit., p. 9.
200 Benoist, J., (sous la direction de.), 1996, Soigner au
pluriel. Essais sur le pluralisme médical, Karthala.
Médecines du Monde, Paris, p. 32.
201 Fassin, D., 1999, op. cit., p. 91.
202 Benoist, J., Ibid., p. 21.
159
La pharmacopée locale est remise au goût du jour,
et depuis la conférence d'Alma-Ata et de l'IB, les traitements dits
traditionnels ne sont pas négligés ; au contraire ils
redeviennent intrinsèquement liés aux coutumes
thérapeutiques en vigueur dans les pays concernés. De plus,
« l'OMS a recommandé la prise en compte de la médecine
traditionnelle et l'implication éventuelle des « tradipraticiens
» dans la mise en oeuvre des SSP. En effet, dès lors qu'elle
conçoit les populations moins comme des usagers de l'action sanitaire
que comme des partenaires obligés travaillant à
l'amélioration de leur propre « bien-être », la
stratégie proposée paraît naturellement apte à
reconnaître ceux qui, au sein des populations, y prennent
déjà une part active - les tradipraticiens -, et plus encore
à en tirer parti pour établir ce climat de concertation
nécessaire à la mise en place des SSP »203. Il y
a donc une nécessité d'apprécier à leur juste
valeur, les ressources de ces « communautés ». Cette mise en
lumière permet la promotion d'un développement à
caractère endogène. Et donc, cette conception bottom-up
doit inclure inévitablement l'influence non-négligeable des
« tradipraticiens » sur la scène locale. Cette
réflexion reflète, indirectement, la volonté de proposer
une forme d'alternative au modèle prédominant en vigueur
actuellement, à savoir « la bio-médecine et de
considérer qu'elle répond insuffisamment à la demande des
patients ou qu'elle y répond mal »204.
Au vu de la situation actuelle, il devient nécessaire
de mettre en exergue un débat visant à une réforme
systémique de l'utilisation plurielle des traitements
thérapeutiques au Togo et plus spécifiquement dans la
région des Savanes. L'opinion générale s'accorde sur le
fait que les traitements thérapeutiques sont multiples. Néanmoins
les efforts consentis en matière sanitaire, se cantonnent principalement
à une utilisation de la bio-médecine dans le schéma
actuel. Il y a une nécessité grandissante de dépasser
cette confrontation ambiante entre les différentes médecines
à l'oeuvre. Le dialogue doit être orienté vers
l'élaboration d'une certaine compréhension mutuelle, pour que les
populations locales puissent bénéficier de cette richesse
thérapeutique sans que cette coexistence ne soit la source de discordes
intrinsèques entre les différentes techniques à l'oeuvre.
En effet, les populations « bénéficiaires » se voient
fortement partagées entre croyances locales et influences
extérieures, les troublant quelque peu dans la marche
thérapeutique optimale à suivre.
203 Dozon, J.-P., op. cit., p. 10.
204 Dozon, J.-P., Ibid., p. 11.
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