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Le droit de véto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

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par Cheikh Kalidou NDAW
Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal - Maà®trise 2013
  

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

Introduction :

La condition humaine est l'une des préoccupations les plus importantes du droit international. Ce n'est d'ailleurs pas fortuit qu'on l'appelle parallèlement « jus gentium » ou « droit des gens ». C'est dans cette logique qu'il faut comprendre les principes posés par la Charte des Nations Unies notamment son préambule qui énonce : « Nous, peuples des Nations unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances, à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites(...) »1.

Cette réaffirmation solennelle de la valeur et de la dignité humaines et de l'égalité souveraine des Etats, faite avec euphorie au sortir de la barbarie de la seconde guerre mondiale, promettait une ère nouvelle où le respect des droits humains serait un principe sacro-saint du droit international. Aujourd'hui, près de soixante dix années après l'entrée en vigueur de la Charte, il est à craindre que les fruits n'aient malheureusement pas tenu la promesse des fleurs. En effet, les conflits armés sont toujours présents et plus tenaces, chacun avec son lot de victimes civiles et de déplacés. De plus, une bonne partie d'entre eux, latents ou ouverts, se déroulent dans l'indifférence de la Communauté Internationale2. Les Nations Unies, malgré une volonté sans cesse croissante de «maintenir la paix et la sécurité internationales » par des moyens tant diplomatiques que militaires3 si nécessaires, peinent toujours à réaliser ce vieux voeu pieux.

Pourtant, les progrès notés dans la défense des droits humains fondamentaux sont considérables. On est loin aujourd'hui de l'époque où la souveraineté des Etats était un cocon impénétrable derrière lequel ils pouvaient s'abriter pour commettre des exactions impunies contre leurs propres populations. Il est révolu le temps où la théorie du « domaine réservé » des Etats connaissait encore sa pleine gloire. Les progrès du droit international humanitaire ont parallèlement assoupli la conception rigide de la notion de souveraineté. C'est ainsi que, sous

1 - Préambule de la Charte des Nations Unies, adoptée à San Francisco le 26 juin 1945.

2 - L'Atlas du Monde diplomatique, 2003, p.192.

3- Chapitres VI et VII de la charte des Nations Unies

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l'impulsion de Bernard KOUCHNER et de Mario BETTATI4, mais aussi du rôle considérable du CICR, on est passé de l'affirmation d'un « droit d'ingérence humanitaire » à celle d'une « responsabilité de protéger » incombant de prime abord à chaque Etat vis-à-vis de sa population et, in fine, à la Communauté Internationale si l'Etat concerné ne s'en acquitte pas pour quelque raison que ce soit. Toutefois, ces progrès seraient à relativiser. En effet, pour certains auteurs la notion de « responsabilité de protéger » bien que moins intrusive que celle de « droit d'ingérence » n'en reste pas moins qu'une « brillante invention diplomatique » qui n'a rien d'une norme internationale « nouvelle »5. Il existe alors une controverse sur la nature juridique la notion.

Aussi, il est important de noter que la Communauté Internationale agit en principe dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies qui confère à son Conseil de Sécurité « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales »6. Or, le fonctionnement voire l'efficacité du Conseil est largement tributaire du bon vouloir de ses membres permanents qui bénéficient du privilège unique du droit de veto que leur consent l'article 27 de la Charte des Nations Unies. Ils peuvent ainsi s'en servir pour bloquer systématiquement tout projet de résolution. Le débat se pose dès lors avec acuité pour ce qui est des résolutions visant à maintenir ou à rétablir la paix et la sécurité internationales. Il se pose en effet la question de savoir comment protéger des populations civiles en proie à des violations massives de leurs droits humains fondamentaux lorsque le Conseil de sécurité est paralysé par un veto.

Cette question d'une brulante complexité a été posée par le Secrétaire Général de l'ONU, Kofi ANNAN, lors de l'Assemblée générale de 1999 en ces termes : « (...) si l'intervention humanitaire constitue effectivement une atteinte inadmissible à la souveraineté, comment devons-nous réagir face à des situations comme celles dont nous avons été témoins au Rwanda

4 - B. KOUGHNER est un médecin et homme politique français né le 1e novembre 1939 à Avignon (Vaucluse, France), cofondateur de Médecins sans frontières et de Médecins du monde, ministre de différents gouvernements de gauche et de droite. Quant à M. BETTATI, né le 7 novembre 1937 à Nice, agrégé de droit et de science politique en 1974, était professeur de droit international à l'université de Paris II de 1988 à 2006. Il en est professeur émérite et doyen honoraire depuis 2006. Ensemble, ils largement travaillé sur le droit d'ingérence humanitaire dont ils constituent les pionniers. Voir leur ouvrage collectif : Le devoir d'ingérence, Denoël, Paris, 1987.

5 - DE CHAZOURNES, (L. B.) et CONDORELLI, (L.), (2006), « De la responsabilité de protéger ou d'une nouvelle parure pour une notion déjà bien établie », RGDIP n° 4, p.11-18.

6- Art. 24 § 1 de la charte des Nations Unies.

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ou à Srebrenica, devant des violations flagrantes, massives et systématiques des droits de l'homme, qui vont à l'encontre de tous les principes sur lesquels est fondée notre condition d'êtres humains? »7.

C'est pour apporter une réponse à cette interrogation que le gouvernement du Canada et un groupe de grandes fondations annonçaient en septembre 2000 la mise sur pied de la CIISE. Le rapport produit par cette commission était intitulé « la responsabilité de protéger ». D'après ce rapport, le principe de la responsabilité de protéger peut être résumé de la manière suivante : « Les États souverains ont la responsabilité de protéger leurs propres citoyens contre les catastrophes qu'il est possible de prévenir - meurtres à grande échelle, viols systématiques, famine. S'ils ne sont pas disposés à le faire ou n'en sont pas capables, cette responsabilité doit être assumée par l'ensemble de la communauté des États »8.

La mise en oeuvre de la responsabilité de protéger nécessite, en dernier recours, une intervention militaire autorisée par une résolution du Conseil de sécurité. Or, l'adoption d'une résolution au Conseil suppose une absence d'opposition de veto par un membre permanent. Le déclenchement du volet militaire de la responsabilité de protéger est, dès lors, fortement tributaire du bon vouloir des membres permanents qui doivent concilier leurs intérêts nationaux, défendus par le droit de veto, et les intérêts de l'Humanité, incarnés par la responsabilité de protéger. L'équilibre entre les deux est certes difficile à atteindre, mais sa recherche est indispensable pour la garantie de la paix et de la sécurité internationales. C'est autour de cette réflexion que nous invite notre sujet : « Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies ».

Le mot « veto » vient du latin et signifie « je m'oppose »9. Le droit de veto peut avoir plusieurs significations. D'une manière générale, elle désigne la possibilité ou la prérogative qu'a une personne d'opposer sa volonté contre une situation avec laquelle elle n'est pas d'accord. Ainsi, la volonté humaine et le libre arbitre conféreraient à tout individu un droit de veto qui lui est inhérent. Ce droit se manifesterait dès lors dans toutes nos décisions de refus souverains de telle situation ou de tel fait dont on a le contrôle.

Dans un degré plus grand et plus institutionnalisé, le droit de veto peut se comprendre comme un pouvoir discrétionnaire qu'ont certaines autorités étatiques dans l'exercice de leurs

7- CIISE, « La responsabilité de protéger », CRDI, 2001, pp. VII-VIII.

8 - CIISE, op. cit. p. VIII

9 - CORNU, (G.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, juillet 1998, p. 875

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fonctions. Ainsi, aux Etats-Unis, par exemple, le Président de la République fédérale exerce-t-il un droit de veto lorsqu'il bloque systématiquement certaines décisions du Congrès qu'il n'approuve pas. Ce constat peut d'ailleurs être élargi à tous les Chefs d'Etat et de gouvernement, tous disposent, de manière ou d'une autre, un droit de veto qui n'est rien d'autre qu'un pouvoir souverain de refus.

La doctrine n'a pas manqué de donner des définitions du veto. Ainsi, il conviendrait d'entendre par droit de veto le « pouvoir donné par la charte des Nations Unies aux membres permanents du conseil de sécurité de s'opposer par un vote négatif à l'adoption d'une résolution par cet organe »10. Pour Serge SUR, c'est une arme défensive absolue pour les membres permanents voire « un moyen de sauvegarde du système de sécurité collective et du Conseil »11.

Toutefois, la définition spécifique du droit de veto que nous retiendrons dans le cadre de notre travail est à rechercher dans la Charte des Nations Unies. Ce droit est posé par l'article 27 de la charte de l'ONU qui précise qu'outre les décisions relatives aux questions de procédure qui sont adoptées « par un vote affirmatif de neuf membres »12, « les décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents (...) ». Il serait alors une prérogative, unique en son genre, répartie exclusivement entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité afin d'éviter que les uns ne puissent faire adopter à l'organe des décisions qui iraient à l'encontre des intérêts ou de la volonté des autres. Le droit de veto est ainsi partie intégrante de la charte de l'ONU.

Il est important de comprendre que le veto a une importance à la fois historique et stratégique. En effet, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le veto devait permettre aux Alliés d'éviter que la paix, à bien des égards, fragile, qu'ils avaient réussi à obtenir ne soit ébranlée par de nouveaux affrontements entre puissances. Aussi, devait-t-il permettre à chaque membre permanent de sauvegarder ses intérêts en empêchant l'empiétement des autres puissances sur sa sphère d'influence politique ou économique ou les deux à la fois.

10 - Ibid.

11 - SUR, Serge, « Le Conseil de Sécurité : blocage, renouveau et avenir », Pouvoirs, n° 109, 2004.

12 - Le Conseil de Sécurité compte actuellement 15 membres dont 5 permanents. La procédure de vote qui y a cours distingue selon que la question discutée soit de simple procédure ou de fond. Dans le premier cas une majorité simple de 9 votes affirmatifs suffit à adopter une résolution. Dans le second il faut que la majorité inclue le vote affirmatif des membres permanents. Cependant, la pratique du Conseil ne considère pas l'abstention comme un vote négatif.

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Mais aujourd'hui le monde a changé et la doctrine est très divisée sur la question du droit de veto. En effet, pour certains auteurs comme ZAMBELLI le veto reflète un statu quo injustifié et un privilège indu qu'il conviendrait tout simplement de supprimer13. Pour d'autres, il est le garant de l'existence et de la pérennité du système onusien14 et devrait à ce titre être maintenu. Quoi qu'il en soit, il est des situations de violations massives des droits humains que la conscience humaine ne peut supporter. Ces situations outre leur caractère éminemment choquant sont aussi constitutives de menaces à la paix et à la Sécurité Internationales. Les violations flagrantes des droits de l'Homme au Kosovo, le génocide rwandais, les violences postélectorales en Côte d'Ivoire, la révolution libyenne, la crise au Darfour, le conflit soudanais, la guerre civile en Syrie sont autant de tensions qui ont, en un moment ou en un autre, foulé au pied les règles les plus élémentaires d'humanité. Paradoxalement, toutes ces crises ont mis en lumière l'écart qui existe entre la nécessité d'agir rapidement pour endiguer les massacres et la lenteur inévitable de l'action internationale causée par la menace du droit de veto.

Pour ce qui est de la responsabilité de protéger, elle se présenterait, selon SZUREK, comme « une obligation générale, de nature continue, incombant à tous, appelée à combiner un ensemble d'obligations de prévention, de réaction et de restauration dont l'objectif fondamental est la préservation de la paix civile lorsqu'elle est menacée en particulier par des violences criminelles de masse»15. En outre, elle est qualifiée comme une « nouvelle norme prescrivant une obligation collective internationale de protection, dont le Conseil de sécurité peut s'acquitter en autorisant une intervention militaire en dernier ressort, en cas de génocide et d'autres tueries massives, de nettoyage ethnique ou de violations graves du droit international humanitaire, que des gouvernements souverains se sont révélés impuissants ou peu disposés à prévenir »16. Elle pose ainsi le principe d'une responsabilité subsidiaire de la Communauté Internationale que les chefs d'Etats et de gouvernements du monde ont endossée lors du Sommet mondial de 2005. Le document final de ce Sommet disposait, entre autres préoccupations, que : « C'est à chaque État qu'il incombe de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité. (...).

13 - Le Temps du 28 avril 2005.

14 - SUR, S. op. cit.

15 - SZUREK, (S.) (2011), « La responsabilité de protéger: Mauvaises querelles et vraies questions », A.C.D.I., n. ° 4, pp. 47-69

16 - Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement. Doc. A/59/565, 2 décembre 2004, paragraphe 203. Le rapport est disponible sur le site http://www.un.org

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Il incombe également à la communauté internationale, dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies, de mettre en oeuvre les moyens diplomatiques, humanitaires et autres moyens pacifiques appropriés, conformément aux Chapitres VI et VIII de la Charte des Nations Unies, afin d'aider à protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité. Dans ce contexte, nous sommes prêts à mener en temps voulu une action collective résolue, par l'entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son Chapitre VII, au cas par cas et en coopération, le cas échéant, avec les organisations régionales compétentes, lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadéquats et que les autorités nationales n'assurent manifestement pas la protection de leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité. (...) »17.

Selon le rapport de la CIISE de décembre 2001, la responsabilité de protéger comporte trois volets essentiels : une « responsabilité de prévenir » les conflits meurtriers et autres formes de catastrophes produites par l'homme, une « responsabilité de réagir» devant des situations où la protection d'êtres humains est une impérieuse nécessité et une « responsabilité de reconstruire » qui consiste en un véritable engagement de la Communauté Internationale à contribuer à ramener une paix durable et à promouvoir la bonne gouvernance et le développement durable18.

Il faut souligner que la responsabilité de protéger est en fait le prolongement du « droit d'ingérence humanitaire ». Les années « 90 » ont été un tournant décisif dans le processus de disqualification de la notion de « droit d'ingérence humanitaire ». En effet, l'incapacité de la Communauté Internationale à réagir face au génocide rwandais (1994) et le tollé soulevé par les frappes aériennes de l'OTAN au Kosovo (1999) ont rendu nécessaire la recherche de nouveaux moyens d'intervention humanitaire. C'est ainsi qu'est apparu le concept de la responsabilité de protéger, jugé moins intrusif, au début des années 2000 avec le Rapport CISSE. La notion sera reprise par le Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau en 2004 avant que le principe ne soit définitivement endossé par les Chefs d'Etat et de gouvernement lors du Sommet mondial de 2005. Toutefois, la responsabilité de protéger se démarque du droit d'ingérence en ce sens que sa mise en oeuvre ne nécessite pas l'existence d'un conflit. Elle insiste sur la nécessité de

17 - Document final du Sommet mondial de 2005. Doc. A/60/L.1, 20 septembre 2005, paragraphes 138 et 139.

18 - CIISE, op.cit.

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prévenir les violations massives des droits de l'Homme. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le premier volet de la responsabilité de protéger est constitué par « la responsabilité de prévenir »19. Un autre facteur de différenciation des deux notions réside dans la collectivisation de la responsabilité de protéger. Celle-ci se traduit par la mise en oeuvre d'une action militaire commune sous la direction des Nations Unies, ce qui contribue à renforcer le principe de non intervention, surtout unilatérale, dans les affaires intérieures des Etats.

L'Organisation des Nations Unies est une institution internationale à vocation universelle qui regroupe des pays indépendants désireux de travailler de concert pour faire avancer la paix et le progrès social dans le monde. Elle s'est officiellement substituée à la Société des Nations le 24 octobre 1945, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, dans la perspective d'aider à instaurer la paix et d'éviter la survenance d'autres conflits. Elle regroupait alors 51 pays, considérés comme les membres fondateurs. Aujourd'hui elle compte au moins 192 Etats membres20. L'ONU a quatre buts21 dont le premier est le maintien de la paix et de la sécurité internationale. C'est à ce titre qu'il lui revient de mettre en oeuvre la responsabilité de protéger assumée par la Communauté Internationale.

Dans la tâche de protection de leurs populations, le concept de la responsabilité de protéger donne le primat aux Etats. La Communauté Internationale n'assume ce devoir que dans l'hypothèse où un Etat donné se montrerait manifestement incapable ou très peu enclin à le faire. Dans la première hypothèse, le droit de veto ne joue aucun rôle dans la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger. Celle-ci s'insère naturellement dans les missions régaliennes des Etats envers leurs populations. Par contre, dans la deuxième hypothèse, on retrouve le droit de veto au coeur du processus de décision du Conseil de sécurité. Il en résulte alors une inévitable confrontation entre les exigences de la responsabilité de protéger et les velléités du droit de veto. C'est dans ce sillage que nous nous proposons de mettre l'accent sur la responsabilité de protéger assumée par la Communauté Internationale afin de mieux saisir la portée de l'influence du droit de veto sur sa mise en oeuvre.

19 - CIISE, op. cit.

20 - Cf. « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les Nations Unies », Nations Unies, Département de l'information, New York, 2010, 72p.

21 - Art. 1 de la CNU.

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La réflexion sur un tel sujet suscite un certaines interrogations dont nous pouvons retenir quelques-unes :

Quelle est la nature des rapports que le droit de veto entretient avec la responsabilité de protéger ?

Le droit de veto entame-t-il l'effectivité de la responsabilité de protéger des Nations Unies ?

Les droits humains fondamentaux sont-ils mieux protégés avec l'affirmation de la responsabilité de protéger de la communauté internationale ?

Ces questions méritent d'être posées parce que, d'une part, les conflits internes sont de plus en plus criminels et, d'autre part, la Communauté Internationale semble incapable d'y mettre définitivement un terme à cause de son manque d'entente et de solidarité autour des questions humanitaires comme en témoigne la paralysie fréquente du Conseil de sécurité. Ainsi, ce sujet peut présenter plusieurs intérêts.

Sur le plan juridique, il peut être une opportunité intéressante pour apprécier la valeur des principes de souveraineté des Etats et d'interdiction du recours à la force dans les relations internationales à l'aune de la mondialisation des menaces de la paix et de la sécurité internationales. En effet, il est aujourd'hui admis que les violations massives des droits humains fondamentaux sont des facteurs de troubles mondiaux que la Communauté Internationale se doit d'agir pour les empêcher ou les arrêter. Aussi, le terrorisme s'est internationalisé et est devenu plus que jamais une source d'inquiétude pour la paix et la sécurité mondiales. Or, toutes ces menaces comportent des enjeux planétaires relatifs à la fois au respect dignité humaine et à l'exigence de démocratie.

Sur le plan politique, l'étude d'un tel sujet peut s'avérer capital dans le décryptage de la carte géopolitique mondiale et dans la compréhension de sa logique évolutive. L'ONU se présente aujourd'hui comme le lieu privilégié où se nouent et se dénouent les alliances stratégiques économiques ou militaires entre les Etats du monde entier. En ce sens, le Conseil de sécurité semble être devenu le sanctuaire du marchandage politique entre, d'un côté, les membres permanents forts de leur droit de veto et, de l'autre, les autres Etats moins puissants à la recherche d'une puissance protectrice. Dans ces conditions, la responsabilité de protéger risque de buter très souvent sur le droit de veto. Cette situation contribue à raviver le débat sur la

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nécessité de repenser le droit de veto en rapport avec les impératives de la responsabilité de protéger.

Dans tous les cas, force est de constater que si la protection des droits humains a connu de grandes avancées, il reste tout de même beaucoup à faire dans ce domaine. Le droit de veto reste par moment un obstacle infranchissable dressé sur le chemin de la responsabilité de protéger. Ainsi, une réforme du Conseil de sécurité et plus spécifiquement du droit de veto serait souhaitable. Toutefois, en attendant la survenance de cette hypothétique réforme, que les plus pessimistes qualifient de « vieux serpent de mer »22et à propos de laquelle certains auteurs optimistes « caressent le rêve qu'il y aura place, à plus ou moins long terme, pour une coalition à même de contrebalancer l'unilatéralisme des États-Unis »23, on ne peut que compter sur le sens de la responsabilité des grandes puissances pour permettre à l'ONU de s'acquitter de ses tâches en matière de paix et de sécurité internationales. Cela nécessiterait à coup sûr une harmonisation de la pratique du veto. L'effectivité et l'efficacité de la responsabilité de protéger passeront par cet effort.

C'est dans cette optique que nous nous proposons d'étudier le droit de veto comme un obstacle à la responsabilité de protéger (Titre Premier) avant d'analyser leur tentative de conciliation par la pratique internationale (Titre Deuxième).

22 - VEDRINE, (H.), « Réflexions sur la réforme de l'ONU », Pouvoirs n°109, 2004, pp.125-139

23- BOUTROS-GHALI, (B.), « Peut-on réformer les Nations Unies ? », Pouvoirs n°109, 2004, pp. 5-14

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

Titre Premier : Le droit de veto, un obstacle à la responsabilité de protéger

Le droit de veto et la responsabilité de protéger obéissent à des logiques différentes voire paradoxales. En effet, si le droit de veto reste un privilège unique des membres permanents du Conseil de sécurité dont il sert les intérêts, la responsabilité de protéger se veut universelle et progressiste. Seulement, la mise en oeuvre de cette dernière dans le cadre des Nations Unies nécessite le consentement des membres permanents, détenteurs du droit de veto. Cette dépendance de la responsabilité de protéger au veto en fait deux principes qui entrent souvent en conflit. Tout porte ainsi à croire que ces deux notions essentielles du système onusien moderne n'ont ni la même dynamique (Chapitre I) ni la même finalité (Chapitre II).

Chapitre I : L'antinomie de leur dynamique

Si le droit de veto est plus enclin à la défense des intérêts des membres permanents du Conseil de sécurité, la responsabilité de protéger est censée assurée la paix et la sécurité à tous les êtres humains où qu'ils se trouvent. Cela fait que le droit de veto favorise le statu quo (Section 1) tandis que la responsabilité se présente tel un gage d'humanisme dans les relations internationales (Section 2).

Section 1 : Le droit de veto, reflet d'un statu quo injustifié

Le statu quo à l'ONU favorise le maintien du droit de veto qui se présente comme un anachronisme du système onusien (Paragraphe 1) prompt à entraver la capacité de décision du Conseil de sécurité (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Un anachronisme du système onusien

Un esprit averti comme BOUTROS-GHALI a pu constater que « l'ONU est restée inchangée dans ses structures et dans ses modes de fonctionnement depuis cinquante ans, alors qu'on assistait, dans le même temps, à la fin de la Guerre froide et à une redistribution des pouvoirs au sein de la famille des nations sur fond de mondialisation »24. Ce constat reste d'actualité surtout en ce qui concerne le privilège du droit de veto qui est diversement apprécié. En effet, si historiquement sa consécration pouvait valablement se justifier, aujourd'hui cela semble être de moins en moins évident.

Sur le plan historique, la deuxième guerre mondiale avait fini de dévoiler les limites du système de sécurité collective mis en place par le Pacte de la Société des

24 - Ibid.

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nations. La consécration du droit de veto devait alors permettre aux vainqueurs de maintenir cette paix pour le moins fragile. Pour ces puissances, le veto était surtout un « moyen de circonscrire le champ du système de sécurité collective en fonction des grandes orientations de leurs politiques»25. Il matérialisait ainsi l'entente tacite et la promesse mutuelle entre les Grands qui ne pouvaient agir les uns contre les intérêts des autres. Pour Serge SUR, l'histoire de l'ONU montre que « (...) le droit de veto est à l'origine même de Charte. A Yalta, c'est la seule question relative à la future organisation qui ait vraiment intéressé les Trois Grands- en d'autres termes, pas d'ONU sans droit de veto »26. Tout cela prouve à juste titre la valeur historique du droit de veto qui apparait ainsi tel un principe fondateur du système onusien.

Cependant, il faut bien dire que le monde a évolué depuis. Les équilibres aussi. Les Grands d'hier ne sont pas forcément les puissances d'aujourd'hui. Pour illustrer ce propos, CHAPENTIER écrit : « la qualité de grande puissance, attribuée nommément par la Charte aux vainqueurs de la seconde Guerre Mondiale ; ne correspond plus nécessairement à la situation du monde contemporain, mais reste figée par les conditions de la procédure de révision »27. La nature et l'ampleur des menaces aussi ont connu des mutations notoires. Ce qui était nécessaire, il y a plus d'un demi-siècle, ne l'est forcément plus aujourd'hui. Les arguments en faveur du privilège du droit de veto semblent emportés dans ce tourbillon de mutations internationales continues et perdent progressivement leur force.

Par ailleurs, le caractère « vieillot » du droit de veto est maintenant largement admis et dénoncé par des certaines voix bien autorisées. Déjà, le Rapport du Groupe des personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement intervenu en décembre 2004 faisait remarquer à son propos : « Il reste que cet élément a un côté anachronique qui sied mal à l'institution, étant donné l'avancée de la démocratie(...) » 28 . Le veto serait donc devenu antidémocratique. Il existe, en effet, un déphasage entre l'exigence de démocratisation de tous

25 - Rapport des Facilitateurs à la Présidente de l'Assemblée générale sur la concertation sur la « Question de la représentation équitable au Conseil de sécurité et de l'augmentation du nombre de ses membres ainsi que d'autres

questions relatives au Conseil de sécurité », Nations Unies, New York 19 avril 2007.

26 - SUR, (S.), op.cit.

27 - CHARPENTIER (J.), Institutions internationales, Paris, Editions Dalloz, 2009, p.56

28 - Paragraphe 256 du Rapport du GPHN, op. cit.

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les Etats du monde incarnée par le Conseil de sécurité et l'apparent manque de démocratie que reflète le droit de veto. On note ainsi un fonctionnement par intermittence de l'organisation mondiale qui contraste fortement avec le besoin croissant d'une capacité de réaction rapide afin de répondre à des urgences causées par des violations massives des droits humains fondamentaux. Cette situation fait d'ailleurs que ZAMBELLI n'ait pas hésité à qualifier le droit de veto de « vestige d'une époque révolue » qui n'a que « déjà trop longtemps survécu au coeur même de l'architecture institutionnelle de l'ONU »29.

Il convient cependant de remarquer que l'anachronisme du veto est encore plus insupportable si l'on songe à ses conséquences fâcheuses sur la capacité de décision du Conseil de sécurité.

Paragraphe 2 : Une entrave à la capacité de décision du Conseil de sécurité

L'action des Nations Unies se déploie dans le cadre du Conseil de sécurité considéré comme « l'organe de l'ONU le plus capable d'organiser l'action et d'intervenir promptement en cas de menaces nouvelles »30. Il est vrai que cette analyse ne peut pas être entièrement remise en cause. Toutefois, elle ne semble pas prendre toute la mesure de l'influence exercée par le droit de veto sur le fonctionnement de cette instance. Elle en ferait même fi. Or, les règles d'adoption des résolutions au Conseil de sécurité sont telles qu'il suffit qu'un membre permanent oppose son droit de veto pour paralyser son action et annihiler toute chance d'intervention. Serge SUR met bien en avant ce caractère bloquant du veto lorsqu'il écrit à propos de ce droit-privilège: «(...) il est clair qu'il constitue une entrave à la capacité de décision du Conseil, qui se trouve hors d'état d'intervenir dès lors que son action ne conviendrait pas à un membre permanent, quelles que soient par ailleurs les menaces ou atteintes à la sécurité internationale »31. Le veto apparait ainsi comme un facteur de limitation de l'action du Conseil de sécurité qui est inhérent à la Charte des Nations Unies.

Il faut dire que l'inaction du Conseil de sécurité occasionnée par le vote négatif d'un membre permanent est lourde de conséquences juridiques et politiques. En effet, il est de notoriété publique que « (...) sa paralysie le renvoie à l'inexistence politique et juridique : il ne peut rien décider ni rien empêcher, et son silence rend possibles tous les comportements, même

29- ZAMBELLI, (M.), op.cit.

30- Paragraphe 247 du Rapport du GPHN, op.cit.

31- SUR, (S.), op.cit.

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les plus apparemment contraires à la Charte. »32. Cela revient à admettre que le fonctionnement du Conseil de sécurité dépend du bon vouloir de ses membres permanents.

En outre, l'histoire a montré que l'impossibilité de compter sur un consensus des membres permanents pour déclencher une intervention a souvent porté des coups insupportables aux droits de l'Homme. De telles situations ont à plusieurs reprises compromis le déploiement de la responsabilité de protéger des Nations Unies. Une illustration patente en est fournie par le génocide rwandais qui a fait plus d'un million de morts sous les yeux de l'ONU, incapable de faire cesser ces massacres qui, à tous points de vue, sapaient les fondements même de l'Organisation mondiale.

Dans un autre registre, le veto apparait non seulement comme une entrave à l'action du Conseil de sécurité, mais, pire encore, comme un motif apparent de violation de la Charte des Nations Unies. Ce cas de figure a été observé dans la crise yougoslave d'automne 1999. En effet, si ces évènements ont vu la violation flagrante, par l'OTAN, de l'interdiction de recourir à la force en dehors du cadre de l'ONU, la doctrine considère qu'elle s'est produite à cause d'un dilemme presque insurmontable. C'est du moins ce que soutient Victor-Yves GHEBALI dans son article « Le Kosovo entre la guerre et paix » cité par VALTICOS33. Il y explique en effet que la Communauté internationale avait épuisé tous les moyens diplomatiques de résolution de la crise et qu'au CS on pouvait prévoir les vetos de la Russie et de la Chine. Il considérait ainsi que « l'infraction au droit humanitaire international pesait moins au regard des mesures de déportation mises en place par Belgrade »34.Un tel raisonnement est dangereux dans la mesure où il semble faire l'apologie de l'action militaire en dehors de toute autorisation du Conseil de sécurité, ce qui est formellement interdit par la Charte des Nations Unies.

Quoiqu'il en soit, nous ne pouvons nous empêcher de constater que le droit de veto est aujourd'hui une source de blocage du Conseil de sécurité. D'ailleurs des voix se lèvent de plus en plus pour réclamer sa suppression afin de faciliter la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger qui obéit à une logique bien différente.

32- Ibid.

33- VALTICOS, (N.), « Les droits de L'homme, le droit international et l'intervention militaire en Yougoslavie. Où va-ton ? Eclipse du Conseil de sécurité ou réforme du droit de veto », RGDIP, 2000-1, p.5-18.

34- Ibid.

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Section 2 : La responsabilité de protéger, un gage d'humanisme international

La responsabilité de protéger a pour finalité la protection de l'individu contre toute sorte d'atteinte. Sa consécration participe d'un souci d'humanisation des relations internationales (Paragraphe 1). Pour se faire, elle postule le pragmatisme (Paragraphe 2) dans sa mise en oeuvre.

Paragraphe 1 : L'humanisation des relations internationales

La proclamation d'une responsabilité de protéger assumée par la Communauté Internationale répond surtout à un souci d'humanisation des relations internationales. Elle se traduit par une valorisation croissante de la place de la personne humaine dans la vie des nations.

Pour certains auteurs le concept de responsabilité de protéger n'est peut être pas aussi innovent que l'on a bien voulu le croire. Parmi eux, on peut citer CHAZOURNES et CONDORELLI qui estiment qu'il n'est qu'une « nouvelle parure pour une notion déjà bien établie ». En effet, pour eux « la dénomination change, mais les principes évoqués par la `'responsabilité de protéger» restent en substance ceux auxquels on se referait auparavant en utilisant les termes «droit d'ingérence» ou «obligation de respecter et de faire respecter» »35. Dans le même sillage, d'autres auteurs se demandent si ce n'est qu'un « un nouveau concept pour de vieilles pratiques ? »36.

Ces analyses teintées de prudence sont compréhensibles. Cependant, la responsabilité de protéger constitue sinon un aboutissement, du moins une étape supplémentaire importante franchie dans la longue quête d'humanisation de la vie entre les Etats. Concevoir la notion comme une issue serait sans doute trop risqué si l'on songe à la capacité du droit international à se réinventer continuellement. Il serait plus exact de parler d'une d'évolution, ce qui aurait le mérite de mettre plus en avant le caractère innovant de la responsabilité de protéger.

Les efforts pour donner un visage plus humain aux relations entre les Etats sont séculaires et persévérants. Un bref aperçu historique montre que la mise de la guerre hors-la-loi par le Pacte

35- DE CHAZOURNES, (L. B.) et CONDORELLI, (L.), op.cit.

36- LEMAIRE (J.), « La responsabilité de protéger : un nouveau concept pour de vieilles pratiques ? », Note d'Analyse du GRIP, 31 janvier 2012, Bruxelles.

Disponible sur http://www.grip.org/fr/siteweb/images/NOTES_ANALYSE/2012/NA_2012-01-31_FR_J-
LEMAIRE.pdf

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de Briand-Kellog, l'interdiction du recours à la force dans les relations internationales par le Pacte de la SDN puis par la Charte des Nations Unies (art. § 4) en 1945 montrent que le droit international n'a cessé de se préoccuper du sort de l'Humanité. Ces inquiétudes vont trouver un écho favorablement croissant dans des notions telles que le « droit d'ingérence humanitaire », le« devoir d'ingérence », « d'intervention humanitaire », forgées pour donner une dimension pratique à la protection des êtres humains contre toute forme d'exaction.

Ainsi, la responsabilité de protéger est venue rendre plus concrète cette volonté longuement affichée. Cela d'autant plus que « la cause du respect des droits de l'Homme est l'affaire de tous et la grande famille des Nations Unies n'est pas à cet égard divisible. Elles ont toute l'humanité en partage et il serait dommage que les buts pacifiques et humanitaires inscrits en tête de la charte soit compromise par l'absence de consensus » 37 . Face aux enjeux humanitaires et sécuritaires qu'elle présente, la responsabilité de protéger est ainsi logiquement endossée par les gouvernants du monde entier. Ces derniers se sont dits « prêts à mener en temps voulu une action collective résolue, par l'entremise du Conseil de sécurité, (...) lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadéquats et que les autorités nationales n'assurent manifestement pas la protection de leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité »38. Cet engagement pris par la Communauté Internationale lors du Sommet mondial de 2005 a été surtout matérialisé par l'intervention en Libye autorisée par la résolution 1973 (2011) du Conseil de sécurité.

Vraisemblablement, la responsabilité de protéger a pour objectif l'humanisation des relations internationales. Cela d'autant plus qu' « aujourd'hui, l'humanité atteindrait une maturité suffisante pour ne plus tolérer certaines situations sans réagir. De plus des risques mettant en danger la survie même de l'humanité réclameraient des réponses communes à tous les hommes »39. Il est vrai en effet que mondialisation effrénée s'accompagne d'une globalisation des risques de nature terroriste ou militaire. Pour relever ces nouveaux défis, la sécurité collective doit être plus prompte à se déployer. Cette philosophie de l'action inhérente à la notion de responsabilité de protéger lui confère son caractère pragmatique.

37- WECKEL (Ph.), « L'emploi de la force contre la Yougoslavie ou la charte fissurée », RGDIP 2000-1, pp. 19-36

38- Document final du Sommet mondial de 2005, op.cit.

39- DEFARGES, (Ph. M.), L'ordre mondial, Paris, Armand Colin, 2e édition, p. 165

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies Paragraphe 2 : Le caractère pragmatique de la responsabilité de protéger

La responsabilité de protéger trouve son origine et son développement dans le caractère intenable de l'impuissance prolongée de la Communauté Internationale face à des situations de violations flagrantes et massives des droits humains les plus fondamentaux. Face à l'atrocité de certains conflits internes dans lesquels les principes de la souveraineté et de la non-ingérence excluaient toute possibilité d'intervention, des réflexions pour pallier ce genre de situation ont été enclenchées. Elles devaient être aussi pratiques que possibles en répondant aux préoccupations formulées par le Secrétaire Général de l'ONU en ces termes : «... si l'intervention humanitaire constitue effectivement une atteinte inadmissible à la souveraineté, comment devons-nous réagir face à des situations comme celles dont nous avons été témoins au Rwanda ou à Srebrenica, devant des violations flagrantes, massives et systématiques des droits de l'homme, qui vont à l'encontre de tous les principes sur lesquels est fondée notre condition d'êtres humains? »40. Elles ont abouti à la formulation de la responsabilité de protéger qualifiée d'« outil de mobilisation incontestable pour une action rapide lorsque le pire se produit »41 par l'Union interparlementaire.

Face à des violations massives des droits de l'Homme, l'inaction de la Communauté Internationale ne peut qu'aggraver la situation. Srebrenica et Rwanda en sont des exemples patents. Il est donc nécessaire que la réaction internationale soit rapide dans de pareils cas. La responsabilité de protéger se propose justement d'être cet instrument d'action rapide.

Ainsi, c'est une véritable philosophie de l'action qui nourrit les racines profondes de la responsabilité de protéger. Cette dernière traduit l'état d'esprit de la Communauté Internationale qui n'entend plus laisser perpétrer des massacres sans réagir. Cela d'autant plus que, de quelque nature qu'elles soient et où qu'elles se produisent, les violations massives des droits de l'Homme constituent des menaces à la paix et à la sécurité internationales à tous les Etats du monde. Il devient alors impératif de réagir pour arrêter de telles exactions. En 2005, le Secrétaire général de l'ONU, Koffi ANNAN, soulignait cela dans son rapport intitulé « Dans une liberté plus

40- CIISE, Op.cit., pp. VII-VIII

41 - Projet de rapport sur la « responsabilité de protéger : le rôle du Parlement dans la protection des Civils » présenté par M. L. RAMATLAKANE (Afrique du Sud), Co-Rapporteur, à la 127e Assemblée de l'Union interparlementaire et réunions connexes, Québec, Canada, 21-26 octobre 2012. Document A/127/4a)-R.1 disponible sur le site www.ipu2012uip.ca

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grande » en estimant que lorsque la Communauté Internationale est confrontée à un génocide ou à des violations des droits de l'Homme à grande échelle, il est inacceptable que les Nations Unies demeurent passives et laissent les événements aller à leur terme.

Dans la même lancée, la CIISE met bien en évidence le pragmatisme inhérent à la responsabilité de protéger en rappelant la mission qui lui a été confiée. En effet, on peut lire dans son rapport le passage suivant : « En tant qu'organe indépendant, nous avions de manière générale pour mandat de favoriser une meilleure compréhension de la difficulté de concilier l'intervention à des fins de protection humaine et la souveraineté; nous devions plus précisément oeuvrer à l'émergence d'un consensus politique mondial sur la manière de passer de la polémique - souvent synonyme de paralysie - à l'action dans le cadre du système international, en particulier par l'entremise des Nations Unies »42. Cela démontre à suffisance la volonté de la Communauté Internationale de se doter d'un mécanisme pratique qui puisse contourner les obstacles de la souveraineté et du principe de non intervention. Pour se faire, il faut, par-dessus tout, une prompte capacité des membres permanents du Conseil de sécurité à s'entendre autour de l'essentiel. Or, l'essentiel, dans le cadre de la responsabilité de protéger, se résume à la sauvegarde des droits humains fondamentaux dont le droit à la vie et à l'intégrité physique.

Un autre facteur attestant du pragmatisme de la responsabilité de protéger réside dans sa division en trois composantes que sont la « responsabilité de prévenir », la « responsabilité de réagir » et la « responsabilité de reconstruire »43. En effet, cette identification de différents niveaux de mise en oeuvre de la responsabilité de protéger est de nature à permettre une meilleure adéquation de l'action à entreprendre avec la réalité de la menace considérée.

Toutefois, il faudrait signaler que l'antinomie entre le droit de veto et la responsabilité de protéger ne tient pas seulement à leur dynamique. Leur finalité, elle aussi, se prête à leur opposition.

Chapitre II : L'antinomie de leur finalité

Autant la dynamique du droit de veto est difficilement conciliable avec celle de la responsabilité de protéger autant leur finalité reste tout aussi contradictoire. Si le droit de veto

42 - Ibid. p. 2

43 - Voir le Rapport CIISE précité.

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n'est accordé qu'aux membres permanents du Conseil de sécurité, la responsabilité de protéger se veut universelle et profite à toute la Communauté Internationale. C'est ainsi que le droit de veto apparaît comme un privilège exclusif des membres permanents du Conseil de sécurité (Section 1) tandis que la responsabilité de protéger se présente telle une garante de la sécurité humaine (Section 2) qu'elle contribue à rendre plus effective.

Section 1 : Le droit de veto, un privilège exclusif des membres permanents

La Charte des Nations Unies cite nommément les cinq membres permanents du Conseil de sécurité 44 à qui elle accorde le droit de veto (art. 27 § 3). Cette « arme défensive absolue »45favorise le maintien de leur hégémonie au sein de l'ONU (Paragraphe 1) tout en leur permettant de préserver leurs intérêts stratégiques (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le maintien de l'hégémonie des membres permanents

L'hégémonie de fait de quelques Etats (principalement les Puissances Alliées pendant la seconde guerre mondiale) a été institutionnalisée par la Charte des Nations Unies en 1945. En effet, ses rédacteurs n'ont pas hésité à cristalliser les noms des vainqueurs de la guerre dans la Charte (art. 23 § 1 précité). C'est ainsi que ces puissances vont se retrouver dans l'organe exécutif de l'organisation mondiale qu'est le Conseil sécurité, chargé d'assurer une « responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales » (art. 24 § 1 de la CNU). Cette fonction va incomber principalement aux membres permanents qui bénéficient du privilège du droit de veto.

Le veto consacre la suprématie des membres permanents qui planent sur l'institution onusienne en ce sens qu'il est « une prérogative exorbitante reconnue aux seuls membres permanents, qui fait du Conseil leur otage tout en les plaçant au-dessus de la charte »46. Ainsi, les membres permanents contrôlerait l'Organisation des Nations Unies de bout en bout et orienterait son action à leur guise. Une telle opinion est partagée par Serge SUR qui, en faisant

44 - L'art. 23 § 1 de la CNU dispose : « Le Conseil de sécurité se compose de quinze Membres de l'Organisation. La République de Chine, la France, l'Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, et les Etats-Unis d'Amérique sont membres permanents du Conseil de sécurité. Dix autres Membres de l'Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de sécurité, par l'Assemblée générale (...) ». La Russie a été substituée à la défunte URSS.

45 - VALTICOS, (N.), op. cit.

46 - SUR, (S.), Op.cit.

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allusion aux membres permanents, pense qu'il faut « autant dire que, d'une part, ils sont au dessus de la Charte - on ne peut pas non plus les exclure sans leur consentement - et que, d'autre part, la Charte ne saurait fonctionner sans leur accord »47. Il existe dès lors, très clairement, une prépondérance des membres permanents dans le dispositif onusien qui est d'ailleurs prise en compte dans la répartition des charges financières réparties entre les membres de l'ONU.

L'article 17.2 de la Charte des Nations Unies dispose que « les dépenses de l'Organisation sont supportées par les Membres selon la répartition fixée par l'Assemblée générale ». Cette répartition donne une part plus grande aux cinq membres permanents et conforte ainsi, au niveau financier, leur prééminence sur les autres membres. C'est ainsi que les États-Unis, première puissance mondiale, sont les principaux contributeurs de l'ONU aussi bien pour le budget général de l'Organisation que pour celui des opérations de maintien de la paix48. Cette clé de répartition des charges financières de l'ONU garantit à l'organisation mondiale un minimum de disponibilité de ressources financières. Cependant, elle accroit aussi la dépendance de l'institution à l'égard de ces Etats et favoriserait aussi leurs écarts de comportement par rapport à Charte.

Ainsi, nous pouvons légitiment penser que l'invasion américaine de l'Iraq en 2003, sans autorisation du Conseil de sécurité, n'est pas sans relation avec cette place de choix qu'occupent les États-Unis au sein de l'ONU. Cela d'autant plus qu'aucune sanction n'a été prononcée contre ce pays pour avoir agi en dehors de la Charte des Nations Unies. D'ailleurs, il ne pouvait pas en être autrement si l'on sait qu'il « était certes établi, implicitement, dans la Charte que l'ONU ne pourrait rien entreprendre contre les grandes puissances dotées du droit de veto et engagées dans un conflit qui constituerait une rupture de la paix »49. Dès lors, le droit de veto consacre une véritable hégémonie des membres permanents du Conseil de sécurité qui sont quasiment intouchables. Ces puissances ne manquent pas, par moment, d'user voire d'abuser du privilège de leur veto pour la satisfaction de leurs intérêts propres au détriment de ceux de la Communauté Internationale.

47- Ibid.

48 - NOVOSSELOFF, (A.), « Les États-Unis et les Nations Unies », Centre Thucydide - Analyse et recherche en relations internationales, « s.d. »

49 - QUOC DINH, (N.) et al. .Droit international public, Paris, LGDJ, 8e édition, 2009, p.1097.

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies Paragraphe 2 : La préservation des intérêts des membres permanents

Dans la conduite des relations internationales, les Etats sont fondamentalement guidés par la poursuite de leurs intérêts vitaux ou stratégiques. Par le passé, cette logique débouchait bien souvent sur des guerres sanglantes et dévastatrices. L'avènement de l'Organisation des Nations Unies a certes atténué le phénomène, mais il ne l'a pas, pour autant, fait complètement disparaitre. Que ce soit au sein de l'Organisation mondiale ou en dehors de celle-ci, l'action des Etats reste tournée vers la satisfaction de leurs intérêts propres. Pour Raymond ARON, « (...) ni les blocs ni les non-engagés, ni les Grands ni les Petits ne se conduisent, aux Nations Unies, autrement qu'ailleurs. Chaque acteur y exprime des idées ou des passions et tâche d'y défendre ses intérêts »50. Ce sont donc principalement les intérêts nationaux des Etats qui motivent la conception et la conduite de leurs politiques internationales. Or, le moins que l'on puisse constater en ce domaine est qu'il y a une « absence de congruence entre les intérêts nationaux et l'intérêt collectif »51.

Dans le cadre onusien, le droit de veto reste le principal moyen mis à la disposition des membres permanents en vue de la protection de leurs intérêts stratégiques dans un monde devenu multipolaire. Compte tenu des modalités d'adoption des résolutions au Conseil de sécurité, le veto « empêche qu'une décision ne soit prise contre les intérêts d'une grande puissance qui de toute façon n'en tiendrait pas compte »52. Il leur permet alors de garder la main haute sur le jeu international.

Cette vocation défensive des intérêts des membres permanents conférée au veto est aujourd'hui largement admise. A la limite, elle ne souffre d'aucune contestation. Le Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau de décembre 2004 l'a implicitement confirmé en recommandant vivement que le droit de veto « (...) ne soit utilisé que lorsque des intérêts vitaux sont véritablement en jeu » 53 . Toutefois, nous pouvons nourrir de sérieux doutes quant à l'efficacité de cette recommandation au moins pour deux raisons.

50 - ARON, (R.), Paix et Guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 1984, pp. 549-550.

51 - GUEYE, (B.), « Réformer l'ONU », Revue EDJA n° 59, 2003, p. 85

52 - CHARPENTIER (J.), Institutions internationales, op.cit. p.56

53- Paragraphe 256 du Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau, op.cit.

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D'une part, au niveau international il n'existe aucun organisme susceptible d'apprécier le caractère vital ou pas des intérêts nationaux que protégerait un Etat en exerçant son droit de veto.

D'autre part, le recours fréquent au droit de veto, quand bien même une urgence humanitaire se présente, s'accommode mal d'une conformité avec l'esprit de cette recommandation. Autant dire qu'en cette matière les Etats sont à la fois juges et partis. Cette recommandation ne revêt aucun caractère contraignant pour les Etats qui s'en passent avec cynisme du moment que cela risque de ramer à contrecourant de leurs intérêts.

Si l'on jette un coup d'oeil à la pratique récente du Conseil de sécurité, on se rend compte que le recours au droit de veto est plus que fréquent (Cf. Annexe 2). En outre, l'ensemble des membres permanents y ont tous recours même si la Russie et la Chine l'utilisent le plus souvent. A cet égard, deux exemples peuvent illustrer à suffisance ces propos.

D'une part, les États-Unis opposent systématiquement leur veto contre tout projet de résolution condamnant l'Etat d'Israël. C'est ainsi qu'ils ont empêché l'adoption d'un projet de résolution présenté par le Qatar en juillet 2006 « condamnant les opérations militaires menées par Israël, puissance occupante, dans la bande de Gaza, en particulier l'attaque qui a eu lieu à Beit Hanoun le 8 novembre 2006, opérations qui ont fait des morts parmi la population civile et causé la destruction massive d'infrastructures essentielles et de biens palestiniens »54. Plus récemment, en 2011, une résolution soutenue par pas moins de quatre vingt Etats « condamnant la poursuite des activités d'implantation de colonies par Israël, Puissance occupante, dans le territoire palestinien occupé »55 a été aussi bloquée par les États-Unis qui ont voté contre.

D'autre part, l'actualité montre le couple sino-russe annihile toute chance d'adoption d'une résolution autorisant une intervention, au nom de la responsabilité de protéger, en Syrie. Les projets de résolution allant dans ce sens butent sur leur droit de veto en dépit des « (...) violations flagrantes et généralisées des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les autorités syriennes continuent de commettre, comme le recours à la force contre les civils

(...)

»56.

54- Document S/2006/878 du 12 juillet 2006.

55- Document S/2011/24 du 18 février 2001.

56 - Document S/2012/77 du 4 février 2012, Nations Unies.

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Dès lors, nous voyons que les jeux d'alliance au Conseil de sécurité altèrent le concept de la sécurité collective. L'inaction face à des atrocités massives allonge le lot de victimes humaines. Les grandes puissances laissent faire au nom de leurs intérêts à courte vue, qu'ils soient politiques, économiques ou stratégiques. Pendant ce temps, la sécurité humaine reste reléguée au second plan. Pourtant, on peut considérer qu'elle est une partie intégrante de la responsabilité de protéger qui contribue à sa garantie.

Section 2 : La responsabilité de protéger, une garante de la sécurité humaine

D'après la CIISE : « La sécurité humaine signifie la sécurité des gens - leur sûreté physique, leur bien-être économique et social, le respect de leur dignité et de leurs mérites en tant qu'êtres humains, et la protection de leurs droits et de leurs libertés fondamentales »57. Cette définition rend compte de l'élasticité de la notion de sécurité humaine qui est plus vaste que celle de responsabilité de protéger. Cependant, si la responsabilité de protéger « n'est pas destinée à devenir le moyen général »58d'assurer la sécurité humaine, il n'en reste pas moins qu'elle contribue largement à lui donner une réalité. En effet, la responsabilité de protéger lutte contre les atteintes à leur dignité humaine (Paragraphe 1) et constitue un moyen de préservation de la paix et de la sécurité internationales (Paragraphe 2) indispensable à la sécurité humaine.

Paragraphe 1 : La protection des individus contre les atteintes à la dignité humaine

L'exigence de respect de la dignité humaine est aujourd'hui une donnée sine qua non de la vie internationale. Le droit international y veille soigneusement. Il englobe évidemment le bannissement de toute sorte de traitement humiliant ou dégradant commis à l'encontre des individus. Presque tous les textes pertinents du droit international des droits de l'Homme le garantissent expressément. A titre d'illustration, on peut s'arrêter sur ce qu'il est convenu d'appeler de droit de Genève. Les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels témoignent de l'importance accordée au respect des droits de l'Homme.

L'article 3 paragraphe 1 commun aux quatre Conventions de Genève prévient qu'en cas de conflit armé « Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les

57 - CIISE, op.cit., p.15

58 - SZUREK, (S.), op. cit.

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membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue »59.

A cet effet, ces Conventions prohibent, entre autres exactions, « les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices » (art. 3 § 1.a) ou encore « les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants »60 (art. 3§ 1.c).

La sécurité humaine est évoquée dans le paragraphe 143 du Document final du Sommet mondial de 2005. D'après ce document, les Chefs d'Etat et de gouvernement ont estimé « que les êtres humains ont droit de vivre libres et dans la dignité, à l'abri du besoin et du désespoir (...) toutes les personnes, en particulier les plus vulnérables, ont le droit de vivre à l'abri de la peur et du besoin et doivent avoir la possibilité de jouir de tous leurs droits et de développer pleinement leurs potentialités dans des conditions d'égalité (...) »61. Ils ont ainsi adopté la conception extensive de la notion qui inclue la liberté de vivre à l'abri de la peur (freedom from fear) et du besoin (freedom from want).

Pour ce qui est d'assurer à chaque individu une vie sereine exempte de toutes formes de peur, en particulier celles résultant des conflits armés, c'est la préoccupation première de la responsabilité de protéger qui n'exclue pas le recours à la force pour rendre aux populations la pleine jouissance de leurs droits et libertés fondamentaux.

Quant à la liberté de vivre en dehors du besoin, elle est aussi accessoirement prise en compte par la responsabilité de protéger. En effet, il est aujourd'hui largement admis que la sécurité, la paix, ce n'est plus le silence des armes officielles des États, c'est aussi la paix et la stabilité à l'intérieur des États, au sein des populations. Or, de plus en plus nous assistons à des soulèvements de population contre leur gouvernement soit pour réclamer plus de démocratie soit pour exiger des conditions d'existence plus décentes. La responsabilité de protéger, par le biais

59 - L'art. 3 § 1 commun aux conventions de Genève du 12 août 1949.

60 - Ibid.

61 - Document final du Sommet mondial de 2005, op. cit. Paragraphe 143

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de la « responsabilité de prévenir » est un rempart contre ces situations concomitantes à l'état de pauvreté chronique de beaucoup d'Etats.

Il apparait alors que la responsabilité de protéger s'enchâsse dans la sécurité humaine, et se comprend par le biais de ses déterminants conceptuels. Elle s'inscrit ainsi dans la même logique protectrice des droits humains fondamentaux. Mieux, elle donne une dimension plus concrète et une valeur plus grande à la sécurité humaine en envisageant une intervention militaire en dernier ressort pour faire cesser des violations graves qui portent atteinte à la dignité humaine chère à la sécurité humaine.

Paragraphe 2 : La préservation de la paix et de la sécurité internationales

La paix et la sécurité internationales constituent des enjeux majeurs pour la Communauté Internationale. C'est ce qui justifie que parmi les objectifs assignés à l'ONU, on peut relever, en bonne place, celui qui consiste à « Maintenir la paix et la sécurité internationales »62.

Il est aujourd'hui très largement admis que les violations massives des droits humains fondamentaux, quand bien même elles ont lieu à l'occasion d'un conflit non international, constituent des menaces à la paix et la sécurité internationales. Pour rappel, l'article premier du deuxième Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux définit ces conflits comme ceux « qui se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le présent Protocole ».

Dès lors, la garantie de la sécurité humaine passe nécessairement par une prompte capacité de la communauté internationale à mettre en oeuvre sa responsabilité de protéger qui devient ainsi un élément incontournable de la sécurité collective. La moindre défaillance de cette dernière emporte des conséquences inouïes sur la sécurité de l'humanité toute entière. Cet enjeu a été bien appréhendé et rappelé par la CIISE qui fait remarquer que : « Dans un monde interdépendant où la sécurité suppose la présence d'un cadre constitué d'entités souveraines

62 - Art. 1 § 1 de la CNU.

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stables, l'existence d'États fragiles, d'États défaillants, d'États qui offrent un refuge à des individus dangereux, que ce soit par faiblesse ou par malveillance, ou d'États qui ne peuvent maintenir l'ordre interne qu'en commettant des violations flagrantes des droits de l'homme, peut constituer un risque pour tous les peuples, quelle que soit leur situation géographique »63. On assiste ainsi à une collectivisation des risques à la laquelle la Communauté Internationale, compte tenu de sa configuration actuelle, ne peut que répondre de manière imparfaite. C'est du moins ce que pensent certains auteurs qui trouvent que « la conciliation de la sécurité étatique et de la sécurité internationale au sens large exige un véritable pouvoir exécutif international. Or les Etats ne sont pas prêts à l'accepter, ce qui introduit un déséquilibre dans le mécanisme de sécurité internationale »64. A défaut de cet idéal d'organisation, la seule voie de salut semble résider dans une capacité rapide de mise en branle de la sécurité collective.

Toutefois, il faut bien reconnaitre que la paix n'est pas seulement le silence des armes. Il est désormais admis qu'elle a aussi des composantes d'ordre social et économique. Dans son « Agenda pour la paix » présenté en 1992 à l'occasion du cinquantenaire de l'ONU, le Secrétaire général d'alors, M. BOUTROS-GHALI, notait que « Les guerres et les conflits ont de profondes racines. Pour les atteindre, il nous faudra déployer tous les efforts dont nous sommes capables en vue de renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, favoriser le développement économique et social durable, si nécessaire a une prospérité plus grande, soulager la misère et réduire les arsenaux d'armes de destruction massive ou, au moins, en restreindre l'emploi»65. Il en résulte qu'il faut nécessairement jouer sur la complémentarité entre la sécurité humaine et la responsabilité de protéger pour gagner le défi de la paix et de la sécurité internationales qui, désormais, ne peut être entièrement relevé par la mise en oeuvre exclusive de l'une de ces deux notions. Chacune d'elle a son rôle à jouer dans la recherche de l'idéal de paix et de sécurité qu'incarne la Charte des Nations Unies.

Au-delà de tous ces facteurs qui illustrent une absence de congruence entre le droit de veto et la responsabilité de protéger, il est nécessaire, dans l'intérêt de toute l'Humanité, que la Communauté Internationale trouve un terrain d'entente pour les concilier. Même si la réussite n'est pas toujours au rendez-vous, elle essaie tant bien que mal de forger une pratique dans ce sens.

63 - CIISE, op. cit., pp 5-6.

64 - QUOC DINH, (N) et al. op. cit. p. 1093

65 - Rapport du SG de l'ONU, (1992), « Agenda pour la paix », Document s A/47/277 et S/24111.

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies Titre Deuxième : La tentative de conciliation par la pratique internationale

Pour résumer l'analyse de cette tentative de conciliation par la pratique internationale, on pourrait dire que l'intérêt général n'est pas forcément la somme des intérêts particuliers. Or le droit de veto et la responsabilité de protéger plongent la Communauté Internationale, surtout les membres permanents du Conseil de sécurité, dans un dilemme quasi insoluble : faut-il faire passer les intérêts nationaux avant ceux de la Communauté Internationale ou faire le contraire ? La réponse n'est jamais claire. Cela rend ainsi la conciliation mitigée (Chapitre I) et l'effectivité de la responsabilité de protéger pour le moins contrastée (Chapitre II).

Chapitre I : Le caractère mitigé de la conciliation

Du fait de l'imprévisibilité des membres permanents qui ne sont tenus à aucune modalité d'exercice de leur droit de veto, la prise de décision au Conseil de sécurité est d'un très grand aléa. Derrière chaque décision du Conseil se cache une forêt de tractations très complexes et dans lesquelles les intérêts stratégiques des uns et des autres occupent une place de choix. Cela explique la fréquence de l'usage du veto par un ou plusieurs membres permanents quand bien même il s'agit de questions humanitaires. Nous allons ainsi étudier tour à tour le caractère aléatoire de la prise de décision au Conseil de sécurité (Section 1) et la sélectivité des interventions (Section 2).

Section 1 : Le caractère aléatoire de la prise de décision au Conseil de sécurité

Deux facteurs nous semblent donner un caractère aléatoire à toute prise de décision au Conseil de sécurité. Le premier tient à ce qu'il conviendrait d'appeler « la souveraineté » du droit de veto (Paragraphe 1) et le second au jeu des alliances protectrices (Paragraphe 2) qui se constituent aux Nations Unies.

Paragraphe 1 : La « souveraineté » du droit de veto

L'exercice du droit de veto ne fait pas l'objet d'une règlementation préétablie et définitive. La Charte des Nations Unies s'est bornée à reconnaitre ce droit aux membres permanents sans en déterminer les modalités d'usage. Ce quasi vide juridique autour du droit de veto fait que ses détenteurs l'utilisent à leur guise quitte, bien souvent, à en abuser. Qu'importe, aucune autorité n'a compétence à restreindre son usage. Le droit de veto revêt alors une certaine

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« souveraineté » absolue. Encore est-il que même la souveraineté nationale a perdu de son absolutisme d'antan. Dans tous les cas, deux aspects permettent de parler d'une souveraineté du droit de veto. Ce sont, d'une part, l'absence d'obligation de justifier la décision de recourir au veto et, d'autre part, l'absence de plafonnement de son usage.

Si l'on s'attache au premier, on peut constater que la Charte des Nations Unies ne fait aucune obligation aux membres permanents de justifier le recours à leur droit de veto. Ainsi, il est loisible à tout membre permanent du Conseil de sécurité, s'il n'est pas d'accord avec un projet de résolution, de recourir à son veto pour le bloquer sans avoir à justifier son opposition. Depuis la création de l'ONU en 1945, l'usage du veto est la chose la mieux partagée au Conseil de sécurité. Serge SUR faisait fort justement remarquer que « le veto a été utilisé de façon extensive, et par tous les membres permanents même si c'est de façon inégale, l'URSS restant le champion toutes catégories »66. Aujourd'hui encore, en dépit de la fin la guerre froide et malgré la redistribution des cartes de la géopolitique mondiale, du remplacement de l'URSS par la Russie au Conseil de sécurité, le veto continue d'être utilisé de manière abusivement souveraine. D'ailleurs, cet usage « déraisonnable »67 du veto a poussé le ministre des affaires étrangères d'Allemagne, lors de la 54e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, à proposer l'introduction d'une règle exigeant que tout Etat utilisant son droit de veto en explique clairement les raisons68. On peut penser que même l'adoption d'une telle règle n'aurait pas empêché les Etats de continuer à recourir à leur droit de veto parce qu'à l'évidence les Etats trouveraient des arguments fallacieux pour se justifier. Cependant, cela aurait au moins eu le mérite d'encadrer un tant soit peu l'usage du droit de veto.

Pour ce qui est du deuxième aspect, il faut dire que l'usage du droit de veto ne fait l'objet d'aucune sorte de limitation. Là aussi, le silence de la Charte des Nations Unies est pour le moins assourdissant. Au fond, l'impression qui se dégage est, qu'au moment de sa rédaction, les auteurs de la Charte n'avaient pas pris la pleine mesure du droit de veto et les conséquences de l'éventualité de son usage abusif. Ainsi, aucun plafonnement n'a été indiqué par la Charte et la pratique du Conseil n'en a pas déterminé non plus. Les membres permanents recourent alors à

66 - SUR, (S.), Op. Cit.

67 - Le veto français contre une intervention armée en Iraq a été qualifié de « déraisonnable » par le Premier ministre britannique d'alors.

68 - Voir VALTICOS, (N.), op. cit.

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leur droit de veto autant de fois que d'envie. Cela, soit pour protéger des intérêts stratégiques soit pour s'opposer à l'adoption de résolutions contre d'autres Etats avec qui ils ont des alliances protectrices officieuses.

Paragraphe 2 : Le jeu des alliances protectrices

La guerre froide est terminée. Du moins, c'est ce que l'on veut croire. Les relations internationales demeurent marquées par des antagonismes latents ou apparents constitués autour des idéologies politiques ou des intérêts stratégiques. Comme pendant les années du conflit Est-Ouest, le monde est resté séparé en Blocs plus ou moins homogènes et idéologiquement proches. Même si l'ampleur a diminué, on retrouve toujours les Etats de tradition communiste d'un coté et ceux à orientation libérale de l'autre coté. Les Etats-Unis et la Russie, chacun avec ses alliés, ne pouvant que très difficilement parler le même langage. Le fonctionnement du Conseil de Sécurité en donne, s'il en était de besoin, une illustration patente. Certains membres permanents bloquent systématiquement toute résolution en défaveur des Etats qui sont sous leur protection quelle qu'en soit la raison. Le phénomène a pris une ampleur telle que plusieurs auteurs comme DE LACHERIERE et QUOC DINH l'ont dénoncé.

Le premier constate que « de la paralysie constitutionnelle mais limitée délibérément et réalistement inscrite dans la Charte, on passe ainsi à une paralysie généralisée au gré des alliances et des clientèles établies ou espérées »69. Cette analyse réaliste rend bien compte de la tendance à l'élargissement du bénéfice des privilèges du veto aux Etats non membres permanents.

Le second auteur met bien en exergue les conséquences de cette situation dans le cadre d'une agression armée d'un Etat contre un autre. Il écrit : « en pratique aucune contestation n'est possible si l'agresseur est l'un des membres permanents sinon même l'un des Etats protégés par eux. Le système des blocs a démesurément élargi une exception que les auteurs de la Charte avaient accepté en la limitant implicitement aux grandes puissances »70.

69- DE LACHERIERE, (G.), « Lacunes ou cohérence de la Charte » dans la Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, Economica, Paris, 1991, p. 1447-1452.

70 - QUOC DINH, (N.) et al. , op. cit. p. 1111

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Un bref coup d'oeil sur les résolutions ayant fait l'objet d'un veto au Conseil de sécurité permet de saisir l'ampleur de ce phénomène.

Ainsi, sur la période allant du 16 février 1946 au 19 juillet 201271, nous avons pu dénombrer prés de 184 projets de résolution ayant fait l'objet d'un veto au Conseil de sécurité72. Les cinq membres permanents ont tous y recours à leur veto même si c'est à des degrés divers. La Russie et la Chine totalisent, prises ensemble ou isolément, une bonne centaine de ces vetos. La France environ seize fois. Les Etats-Unis ont opposé leur veto plus de quatre vingt fois au moins. Le Royaume-Uni à une trentaine de fois. Dans tous ces vetos, ce qu'on remarque c'est qu'ils peuvent être opposés soit par un seul membre permanent soit par plusieurs à la fois. Toutefois, il convient de remarquer que les alliances se passent essentiellement entre la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ; la France et le Royaume-Uni, Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ou entre la Russie et la Chine. Jamais, pendant cette période considérée, les anciens pays de l'Est n'ont opposé un veto en collaboration avec ceux de l'Ouest. Ce qui témoigne d'une vision toujours antinomique des grands problèmes du monde entre ces deux camps. Cela prouve aussi que l'opposition entre ces anciens blocs subsiste encore. On a peut être trop vite crié à leur disparition...

Les Etats-Unis opposent systématiquement leur veto à toute résolution visant Israël qui, pourtant, de manière flagrante et continue, viole le droit international. En 2011, les Etats-Unis se sont ainsi opposés à un projet de résolution qui réaffirmait que « les colonies de peuplement israéliennes établies sur le territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, sont illégales et constituent un obstacle majeur à l'instauration d'une paix globale, juste et durable »tout en « condamnant la poursuite des activités d'implantation de colonies par Israël, Puissance occupante, dans le territoire palestinien occupé (...) »73. Parallèlement, les Russes et les Chinois s'opposent farouchement à toute résolution comportant des sanctions de type militaire contre le régime syrien et excluent toute éventualité d'une intervention armée dans ce pays.

71 - Cette fourchette a été choisie arbitrairement pour donner une simple indication du phénomène en question.

72 - Ce décompte est approximatif et ne prend pas en compte les vetos intervenus ultérieurement. Pour plus de précision, voir sur le site officiel de l'ONU www.un.org

73 - Document S/2011/24 du 18 février 2011, ONU.

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Le jeu des alliances réduit ainsi le système de sécurité collective telle une peau de chagrin. Le mécanisme de la responsabilité de protéger, lui aussi, s'en retrouve fortement mis en mal. Au même moment l'action de l'ONU devient davantage tributaire du bon vouloir des grandes puissances. Ces dernières monnaient leur responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales contre des alliances stratégiques. Les propos de DEFARGES trouvent dès lors tout leur sens lorsqu'il affirme que : « Le Conseil de Sécurité, qui pourrait être l'enceinte de la mise en oeuvre du droit d'ingérence (responsabilité de protéger), rassemble des Etats avec leurs intérêts propres de puissance ; toute décision du Conseil est un compromis entre ces intérêts et reflète plus ou moins l'équilibre politique du moment »74. C'est ainsi qu'il va régner un sentiment d'une justice à double détente dans la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger incombant à la Communauté Internationale. On aboutit dès lors à une sélectivité des interventions armées.

Section 2 : La sélectivité des interventions des Nations Unies

Toute intervention militaire à l'initiative de la Communauté Internationale est le fruit d'intenses tractations menées au sein du Conseil de sécurité. La mise en oeuvre de la responsabilité de protéger par des moyens armés ne saurait se passer du concours de la diplomatie de couloir aux issues incertaines. Il est nécessaire de rallier tous les membres permanents à la cause de l'intervention projetée pour éviter qu'un veto ne la bloque au dernier moment. Deux cas contemporains témoignent de l'ambiguïté de cette démarche qui, selon qu'elle réussit ou qu'elle échoue, occasionne toujours d'innombrables interrogations. A-t-on vraiment assisté à une intervention protectrice en Libye ? (Paragraphe 1) Sommes-nous les témoins d'une inaction historiquement coupable voire complice en Syrie ? (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'intervention protectrice en Libye ?

L'intervention en Libye revêt une connotation particulière du fait qu'elle est, pour beaucoup d'auteurs, la première matérialisation de la responsabilité de protéger. C'est en effet avec la résolution 1973 (2011) que, pour la première fois, le Conseil de sécurité autorise une intervention armée sur la base de la responsabilité de protéger assumée par la Communauté Internationale. Les attentes suscitées étaient donc très nourries. La légalité de l'intervention

74 - DEFARGES, (Ph. M.), op.cit., p.168

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armée ne souffrait d'aucun doute car celle-ci avait été avalisée par le Conseil de sécurité S. Aussi, visait-elle la protection des civils. L'autorisation donnée dans ce sens était sans ambages et consistait, pour la coalition d'Etats bénéficiaires, à « prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations et zones civiles menacées d'attaque en Jamahiriya arabe libyenne (...) tout en excluant le déploiement d'une force d'occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n'importe quelle partie du territoire libyen»75. Ainsi, les opérations se devaient d'être exclusivement aériennes ou navales et uniquement motivées par des exigences humanitaires.

A l'analyse, force est de constater que cette double exigence que comportait la résolution 1973 a été violée de manière flagrante par un changement d'objectif en cours de route. En effet, en conditionnant l'arrêt des violences au départ du colonel Kadhafi, le président américain Barack Obama, le Premier ministre britannique David Cameron et le président français Nicolas Sarkozy, malgré le fait qu'ils soutenaient mordicus que l'opération « Protecteur Unifié » n'avait pas pour but de renverser le régime, ont implicitement visé sa déchéance. Dès lors, on peut difficilement nier qu'avec cet objectif non avoué « les Occidentaux ont finalement donné à la « responsabilité de protéger » un aspect de légitimation juridique dans le dessein de s'ingérer dans les affaires intérieures libyennes »76. Un tel usage de la responsabilité de protéger est évidemment proscrit, car il ne s'inscrit pas dans la logique de protection propre à l'esprit du concept. Par ailleurs, il est de nature à augmenter la frilosité de certains Etats, déjà bien sceptiques, par rapport à la notion.

Au final, le mandat donné par la résolution 1973 (2011) a été très librement interprété. Au lieu de se limiter à la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne, les Français et les Anglais ont fini par engager des hélicoptères de guerre pour se rapprocher du sol libyen. En outre, les forces de l'OTAN se sont davantage appliquées à assister militairement les insurgés qu'à protéger les civils ; ce qui est allé à l'encontre de la résolution fondant le cadre légal de leur action. Le paroxysme aura cependant été la livraison d'armes aux rebelles libyens, symbole d'un parti pris intolérable et vraisemblablement contraire à l'éthique du droit international. Tout cela a fini par témoigner d'une interprétation largement extensible de la résolution autorisatrice.

75 - Résolution 1973 du 17 mars 2011. Document S/RES/1973 (2011).

76 - JASSON, (M.-A.), « L'intervention de l'OTAN en Libye : `'responsabilité de protéger `' ou ingérence ? », IRIS, 18 octobre 2011.

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En somme, le dévoiement de cette résolution qui était perçue comme une avancée majeure dans le fonctionnement du Conseil de sécurité, notamment avec l'abstention de la Chine et de la Russie à user de leur droit de veto, a de fortes chances de compromettre l'avenir de la responsabilité de protéger. L'idée d'un précédent libyen est de nature à susciter un recours beaucoup plus systémique au droit de veto de la part du couple sino-russe. Les effets pervers seraient d'ailleurs déjà perceptibles dans le conflit syrien qui baigne dans l'impasse et met en plein jour les lacunes du Conseil de sécurité.

Paragraphe 2 : L'inertie coupable en Syrie ?

Après deux ans de guerre civile, la Communauté Internationale ne s'est toujours pas acquittée de sa responsabilité de protéger envers le peuple syrien qui fait l'objet d'innommables exactions orchestrées par son Gouvernement. Chaque jour emporte son lot de victimes civiles comme en témoigne Robert MARDINI, chef des opérations du CICR pour le Proche et le Moyen-Orient. Il estime que : « des centaines de personnes meurent chaque jour en Syrie. Des millions ont été déplacées à l'intérieur du pays, tandis que d'autres ont fui vers des pays voisins et vivent dans une grande précarité (...). Des dizaines de milliers de personnes sont détenues ou portées disparues. Les familles qui sont sans nouvelles de leurs proches cherchent désespérément à savoir ce qu'il est advenu d'eux. Les services de santé se sont fortement dégradés, des structures médicales sont prises pour cibles et des membres du personnel de santé sont tués, menacés ou placés en détention alors qu'ils tentent de sauver des vies. Les biens et les infrastructures ont subi d'importants dégâts, et des zones entières sont en ruine »77. A cela se sont ajoutés de forts soupçons d'utilisation d'armes chimiques par le régime en place.

Aucune couche sociale n'est épargnée. En deux ans, le conflit aurait fait près cent mille victimes et plus d'un million et demi de déplacés78 c'est-à-dire beaucoup plus que la révolution libyenne Libye, qui totaliserait au moins vingt cinq mille morts79, dans laquelle les Nations Unies sont effectivement intervenues sur la base de la résolution 1973 (2011). La paralysie du Conseil de sécurité face au conflit syrien est dès lors alarmante. La Russie et la Chine s'opposent à toute idée d'intervention en Syrie et une action unilatérale, hormis son interdiction par la Charte des

77 - Communiqué de presse 13/45 du CICR, le 15 mars 2013.

78 - Le Monde du 30 mai 2013. Cf. www.lemonde.fr consulté le 3 juin 2013.

79 - Le Point du 20 septembre 2011. Cf. www.lepoint.fr consulté le 3 juin 2013

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Nations Unies, semble exclue au regard des risques de déstabilisation qu'elle présenterait pour le Moyen-Orient. Cette impuissance, à la fois complice et coupable, est bien résumée par SUR lorsqu'il analyse le blocage du Conseil de sécurité. En effet, l'auteur estime que quand ce dernier ne fonctionne pas à cause d'un veto « sa paralysie le renvoie à l'inexistence politique et juridique : il ne peut rien décider ni rien n'empêcher et son silence rend possibles tous les comportements, même les plus âprement contraires à la Charte »80. C'est ainsi qu'en même temps que prolifèrent les condamnations diplomatiques des innocents continuent de subir les affres de la guerre syrienne au quotidien.

L'inaction en Syrie pose le même problème moral que celui qu'était censé résoudre la responsabilité de protéger : la protection des civils pris à partie dans un conflit armé non international. Dès lors, on ne peut qu'être médusé devant la situation syrienne si tant est que le principe de la responsabilité de protéger de la Communauté Internationale emporte une « véritable interdépendance morale »81. Cela, d'autant plus que comme le note MBONDA : « la non intervention témoigne d'une indifférence moralement problématique, dans un monde de plus en plus globalisé et où la notion de solidarité est défendue parmi les valeurs les plus importantes de notre époque »82.

Une analyse minutieuse de la situation syrienne ne saurait passer sous silence, encore une fois, le décalage persistant de points de vue entre les membres permanents du Conseil de sécurité qui peinent toujours à s'accorder sur les dossiers les plus brûlants de la vie internationale. Toutefois, elle laisse surtout apparaitre un lien de causalité entre l'intervention en Libye (2011) et l'impasse syrienne actuelle (2011-2013). En effet, pour une bonne frange de l'opinion internationale, l'inaction en Syrie serait la conséquence directe de la mise en oeuvre, quelque peu ratée, de la responsabilité de protéger en Libye. Le projet de rapport soumis à l'Union interparlementaire en 2012 sur le rôle du Parlement dans la protection des civils soulignait sur ce point : « l'impasse est-elle en partie imputable à un mauvais usage de la responsabilité de protéger, en 2011 en Libye, sachant que beaucoup pensent que "l'intervention innovante en Libye pour protéger les civils désarmés des atrocités du régime Kadhafi" s'imposait. La question

80 - SUR, (S.), op. cit.

81 - BADIE, (B.), op. cit. p. 222

82 - MBONDA, (E.-M.), « La sécurité humaine et la `'responsabilité de protéger» : vers un ordre international plus humain ? », « s.d. »

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reste ouverte. La mort de Kadhafi et le changement de régime qui a suivi conduisent les détracteurs du concept à dire que leur vote a été dévoyé »83. Ce raisonnement est d'autant plus intéressant que les opposants à une intervention en Syrie semblent avancer les mêmes arguments en l'occurrence la Russie et la Chine. Le renversement du régime de Kadhafi, alors que tel dessein n'avait jamais été celui de la résolution 1973 (2011), n'aurait fait que renforcer la position anti interventionniste de ces Etats.

Les membres permanents du Conseil de sécurité ne parlent pas le même langage sur le cas de la Syrie. Cela se traduit par un rejet systématique des projets de résolution contre le régime syrien. Les partisans de l'intervention militaire et ses détracteurs s'accusent mutuellement parfois de manière virulente.

En dénonçant le rejet d'un troisième projet de résolution sur la Syrie S/2012/538 (2012) par la Russie et la Chine, la représentante des Etats-Unis, Mme RICE, soulignait l'échec du Conseil de sécurité et disait « espérer qu'un jour, avant que plusieurs milliers d'autres personnes ne meurent, la Russie et la Chine arrêteront de protéger M. El-ASSAD et permettront au Conseil de tenir le rôle qui lui revient au coeur de la réponse internationale à la crise en Syrie »84.

De l'autre coté, la Russie et la Chine qui ont voté contre la résolution dénonçaient des calculs stratégiques d'intérêt national et une volonté manifeste de s'ingérer dans les affaires internes d'un Etat souverain. Le représentant de la Russie, M. CHURKIN, s'indignait d'avoir affaire à des « pharisiens » qui « ont promu leurs propres objectifs géopolitiques, qui n'ont rien à voir avec les intérêts légitimes du peuple syrien ». Partant, il réaffirmait l'opposition de la Russie contre tout « document, au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui ouvrirait la voie à l'exercice de pressions par des sanctions et à une intervention militaire étrangère dans les affaires nationales syriennes »85. Pendant ce temps, la Chine, attachée à « l'égalité souveraine et la non ingérence dans les affaires intérieures des autres pays », martelait que « l'avenir et le destin de la Syrie doivent faire l'objet d'une décision indépendante du peuple syrien plutôt que d'être imposés par des forces extérieures»86. Cela montre clairement

83 - Projet de Rapport UIP, op. cit. p. 6

84 - S/PV.6810 de la 6810e séance du CS tenue le 19 juillet 2012, ONU.

85 - Ibid. 86- Ibid.

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que la Chine et la Russie n'ont aucunement l'intention d'autoriser une intervention militaire en Syrie.

Dès lors, l'on ne peut qu'avoir des regrets de constater que le système des alliances au sein du Conseil de sécurité continue de vider la responsabilité de protéger de son contenu en empêchant le déploiement de la sécurité collective. Il laisse perpétrer des tueries insupportables, ce qui est clairement contraire aux principes de la Charte des Nations Unies. Il importerait alors de modifier substantiellement le droit de veto afin de mieux asseoir l'effectivité de la responsabilité de protéger et d'éviter de donner, surtout à l'opinion internationale, l'impression d'une justice à double vitesse.

Chapitre II : L'effectivité contrastée de la responsabilité de protéger

Si les critiques adressées à la responsabilité de protéger sont nombreuses et parfois très acerbes, il reste que le concept a acquis une consécration désormais incontestable. Sa mise en oeuvre se voit facilitée par l'adaptation de la pratique internationale (Section 1) autour du droit de veto. Toutefois, l'usage qui a déjà été fait de la responsabilité de protéger en Libye et l'impasse actuelle sur la crise syrienne ont fortement conforté la position de ses détracteurs. Il se pose alors la question de sa crédibilité (Section 2) qui semble bien entamée.

Section 1 : L'adaptation par la pratique internationale

Cette adaptation n'obéit pas à une logique déterminée. Elle est faite de tractations et de concessions entre les membres permanents du Conseil de sécurité. En même temps, elle laisse une large place à volonté politique internationale de pénaliser les atteintes à la responsabilité de protéger, ce qui constitue un véritable défi de Sisyphe. Elle se manifestera alors par l'abstention à user du droit de veto en certaines circonstances graves (Paragraphe 1) et par la répression pénale des manquements à la responsabilité de protéger (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'abstention à user du droit veto en matière humanitaire

Un engagement des membres permanents du Conseil de sécurité à s'abstenir à user de leur droit de veto afin d'éviter des violations massives des droits de l'Homme semble être la clef de voûte d'une effectivité plus grande de la responsabilité de protéger. Aussi bien le rapport de la

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Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats que celui du Groupe de personnalités de haut niveau recommandent une renonciation partielle à l'usage du veto.

Selon la CIISE : « Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité devraient s'entendre pour renoncer à exercer leur droit de veto, dans les décisions où leurs intérêts vitaux ne sont pas en jeu, afin de ne pas faire obstacle à l'adoption de résolutions autorisant des interventions militaires qui, destinées à assurer la protection humaine, recueillent par ailleurs la majorité des voix »87. Pour elle, cela doit être l'un des principes à considérer lorsqu'une intervention militaire est envisagée88. Seulement, le Rapport ne précise pas ce qu'il faudrait entendre par « intérêts vitaux ». Elle ne donne pas non plus d'indication sur l'organe international qui serait apte à apprécier le caractère vital des intérêts que tel ou tel membre permanent déciderait de mettre en avant pour opposer son veto. Cela laisse penser que cette appréciation reviendrait alors souverainement aux Etats qui se retrouveraient dans une position de juges et parties. Un tel schéma ne résout pas le problème. Il ne fait que le déplacer comme le constate MBONDA pour qui : « pareille recommandation ne modifie en rien l'ordre des choses. Si les « intérêts vitaux » des membres du Conseil de sécurité constituent le critère à partir duquel ils peuvent être amenés à renoncer à l'exercice de leur droit de veto, on est très loin de la priorité accordée aux besoins des personnes qui se trouvent dans la détresse et qui ont besoin d'un secours urgent, indépendamment, précisément, des intérêts vitaux de quiconque »89.

Le Groupe de personnalités de haut niveau est allé plus loin en formulant une demande à l'intention des détenteurs du droit de veto en ces termes : « Nous demandons également aux membres permanents de renoncer solennellement, chacun en ce qui le concerne, à faire usage de leur droit de veto en cas de génocide ou de violation massive des droits de l'homme »90. Officiellement, ces recommandations n'ont jamais été suivies d'effets. La renonciation, même partielle, au droit de veto ne semble pas incluse dans le chronogramme des Etats membres permanents. Les acquiescements de principe cachent mal leur volonté de garder jalousement ce privilège qui leur sert d'arme pour défendre leurs intérêts partout dans le monde. Pourtant, cette

87 - CIISE, op.cit. p. XIII

88 - La CIISE donne quatre catégories de principes pour une intervention militaire : la définition d'un seuil de juste cause, le recours à des principes de précaution, la recherche de l'autorité appropriée et la prise en compte de principes opérationnels. Ibid. pp. XII-XIII

89 - MBONDA, (E.-M.), op. cit.

90 - Rapport du GPHN, op. cit. Paragraphe 256.

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renonciation semble indispensable au bon fonctionnement du Conseil de sécurité. D'ailleurs elle s'est souvent réalisée, dans bien des cas, par l'abstention d'un ou de plusieurs membres permanents pour permettre des interventions militaires destinées à protéger des civils. Cela a été le cas pour la Somalie et de la Bosnie-Herzégovine (1992-1993), du Rwanda (1994), du Zaïre (1996), du Timor oriental (1999), etc.

Pour la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger, l'abstention à user du droit de veto s'est notamment réalisée à deux reprises pour permettre déploiement de la « responsabilité de réagir » de la Communauté Internationale. En effet, les interventions militaires en Côte d'Ivoire et en Libye en 2011 n'ont pu se faire qu'avec l'absence d'opposition d'un droit de veto. La Communauté Internationale s'en était par ailleurs largement félicitée. Il est évident qu'à défaut d'une réforme du droit de veto ou d'une renonciation partielle à l'exercice de celui-ci, l'abstention reste le seul moyen de donner au Conseil de sécurité la possibilité de s'acquitter de sa mission de protection des civils avec rapidité. Cela donne une nouvelle envergure à la diplomatie onusienne. Dans la nouvelle structuration multipolaire des relations internationales, le dialogue permanent entre acteurs internationaux s'impose comme une exigence primordiale, car les défis sont nombreux. Parmi eux, il y a celui de la répression pénale des atteintes à la responsabilité de protéger.

Paragraphe 2 : Le défi de la répression pénale des atteintes à la responsabilité de protéger

A l'état actuel des choses on ne peut s'empêcher de reconnaitre avec DE CHAZOURNES que : « le droit international pénal est devenu un instrument à part entière dans la conduite des relations internationales »91. Un véritable ordre juridictionnel pénal s'est affirmé au cours des dernières années, mais surtout avec l'instauration de la Cour Pénale Internationale en 1998. Ce développement du droit international pénal s'expliquerait par la volonté de la communauté internationale de ne plus tolérer les violations massives des droits humains fondamentaux qui sapent les principes d'humanité les plus élémentaires. C'est dans ce sens qu'il conviendrait, par exemple, d'apprécier la création des tribunaux internationaux pour la Yougoslavie et le Rwanda, en 1993 et 1994, comme des « décisions morales, exprimant

91 - DE CHAZOURNES, (L. B.), op. cit.

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l'indignation de la communauté des nations civilisées devant les crimes commis »92. A fortiori, la mise sur pied de la CPI répond à la même logique.

Aujourd'hui, la justice pénale internationale tente tant bien que mal de s'adapter à la morphologie des relations internationales encore très complexes. Toutefois, si elle a pu glaner quelques acquis ça et là, les défis qui jalonnent son chemin restent nombreux et très difficiles.

A l'ère de la CPI, les plus grandes victoires pénales de la responsabilité de protéger restent, jusque là, la condamnation de Charles Taylor pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis en Sierra Léone, l'arrestation de l'ancien Président de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, et son transfèrement à La Haye afin qu'il réponde des exactions postélectorales commises dans son pays en 2010 ou encore la reddition de Bosco Ntaganda... Les procès en cours sont nombreux et l'activité de la Cour pénale internationale demeure foisonnante comme en témoignent les multiples mandats d'arrêt internationaux qu'elle a émis. Cela dénote d'un progrès considérable du droit pénal international et témoigne de la volonté de réprimer les atteintes graves aux droits humains fondamentaux.

En dehors de l'activité de la CPI, d'autres juridictions pénales à caractère international participent à la répression des crimes visés par le Statut de Rome. Nous ne reviendrons pas ici sur l'importante activité des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo après la deuxième guerre mondiale ni sur les tribunaux pénaux internationaux pour la Yougoslavie et le Rwanda (TPIY et TPIR). Ces questions ont largement été largement traitées93. Tout ce dispositif juridictionnel démontre à suffisance que la responsabilité de protéger a une garantie pénale conséquente qui peut être mise à profit pour dissuader et sanctionner les crimes de guerre, crimes contre l'humanité, le nettoyage ethnique et le génocide. Il peut dès lors être aberrant de constater combien le chemin de l'impunité reste à défricher pour le droit international pénal.

Emmanuel DECAUX écrivait avec raison que : « le défi éthique de la moralisation du droit international n'est pas de juger les crimes commis par le vaincus, mais de laisser impunis les crimes commis par les vainqueurs »94. L'impunité se présente comme le plus grand défi à

92 - DEFRAGES, (Ph. M.), op. cit. pp. 72-73.

93 - Voir QUOC DINH, (N.) et al. op. cit. pp. 784 et s.

94 - DECAUX, (E.), « Légalité et légitimité du recours à la force : de la guerre juste a la responsabilité de protéger », Droits fondamentaux, n° 5, janvier - décembre 2005.

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relever dans la lutte contre les violations graves et massives des droits de l'Homme. Il est nécessaire que les personnes responsables de telles d'atteintes, quelles qu'elles soient, répondent

de leurs actes devant la Communauté Internationale. Aucun statut ou privilège ne doivent s'opposer à leur traduction devant la justice. A ce niveau, il est heureux de constater que le Statut de Rome écarte toute fin de non-recevoir à la poursuite pénale internationale contre un Chef d'Etat basée sur l'immunité qu'emporte sa qualité officielle. Il dispose en son article 27 que :

« Le présent Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'État ou de gouvernement (...) n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.

Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne (...) n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne »95.

Seulement, ce Statut à vocation si étendue a une porté bien limitée parce que n'ayant pas été ratifié par certains Etats, et non des moindres, comme les Etats-Unis, la Russie, l'Israël, la

République islamique d'Iran, la Chine, l'Inde et le Pakistan, ainsi qu'une bonne dizaine d'Etats africains. A cela, s'ajoute le manque de coopération notoire des Etats avec la Cour qui est matérialisé par l'inexécution des mandats d'arrêt internationaux émis par la juridiction. Ce phénomène reste cependant accentué par « le sentiment que la Cour pénale internationale,

essentiellement chargée de demander des comptes aux coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, est une `'cour pro-occidentale et anti-africaine» »96. Il est difficile

d'ignorer de telles dénonciations si l'on sait que l'écrasante majorité des activités de la Cour pénale internationale est orientée vers l'Afrique. Hélène DUMONT trouve une manière imagée de dénoncer la soustraction de certaines grandes puissances à la compétence de la CPI et, partant, l'éventuelle impunité de leurs responsables, coupables de crimes internationaux, lorsqu'elle écrit : « on attrape plus souvent les petits poissons que les gros dans les filets du droit pénal »97.

95 - Article 27 du Statut de Rome de la CPI du 17 juillet 1998. Document A/CONF.183/9. Disponible sur www.icc-cpi.int

96 - Projet de Rapport UIP précité, p. 7.

97 - DUMONT, (H.), « Criminalité collective et impunité des principaux responsables : est-ce la faute du droit pénal ? », RSC n°1 Janv.-Mars, 2012, pp.3-18.

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Un autre défi pas moins important est relatif à la détermination de la part de responsabilité individuelle des auteurs de violations graves à la responsabilité de protéger et des peines adéquates pour les sanctionner. Cela permettrait de mieux prendre en compte les criminalités de masse. Pour DUMONT, il importe de « concevoir des règles de détermination de la responsabilité pénale individuelle qui permettent de juger ces plus hauts responsables avec des règles de participation criminelle et de responsabilité pour les actes d'autrui qui soient fonctionnelles et représentatives de leur part réelle de responsabilité dans un crime collectif et qui ne soient pas injustes au point de leur attribuer indistinctement, arbitrairement et objectivement tous les actes d'autrui »98. Cela est d'autant plus nécessaire que les instigateurs ne coïncident pas forcément avec les auteurs matériels des crimes visés par la responsabilité de protéger.

C'est une entreprise certes difficile si l'on considère l'absence d'un code pénal international, mais un effort de prévision et de répression de ces crimes internationaux dans la législation interne pourrait être d'un apport important. Pour commencer, « les Etats peuvent établir leur propre juridiction à l'égard des crimes poursuivis, en prévoyant leur incrimination et leur répression en droit interne »99. Un tel effort aurait un effet dissuasif certain et donnerait assurément plus de poids pénal à la responsabilité de protéger. Il incombe aux Etats de donner suite à une telle recommandation. Cela pourrait augmenter le crédit de la responsabilité de protéger qui semble bien entamé.

Section 2 : La responsabilité de protéger, une notion déjà discréditée ?

La responsabilité de protéger connait des fortunes diverses au sein de la Communauté Internationale. Si cette dernière est quasi unanimement d'accord sur le concept, sa pratique n'en reste pas moins décriée. La responsabilité de protéger se présente ainsi comme une notion fortement critiquée (Paragraphe 1) et une nécessité de réformer le droit de veto (Paragraphe 2) s'imposerait pour lui redorer le blason.

98- Ibid.

99 - ABESSOLO, (S.), « Responsabilité de protéger et ordre juridictionnel international: les défis de la justice pénale internationale », Colloque sur« La prévention des conflits et la sécurité humaine en Afrique : la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger », Libreville - 20 et 21 juin 2007.

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Paragraphe 1 : La responsabilité de protéger, une notion fortement critiquée

Dès sa naissance, la responsabilité de protéger a fait l'objet de critiques très vives. On lui prêtait notamment une volonté déguisée des grandes puissances de s'ingérer dans les affaires intérieures des pays plus faibles. Pour ne rien arranger aux choses, ses récentes mises en oeuvre très controversées lui ont davantage attiré les foudres de ses détracteurs. Ces derniers ne manquent jamais une occasion d'essayer de la discréditer, aux yeux de l'opinion mondiale, en invoquant divers arguments naturellement peu glorieux à son égard. On lui reproche, entre autres, son instrumentalisation par certains Etats puissants, la sélectivité de sa mise en oeuvre ou encore le caractère tardif de celle-ci.

Pour certains, il existerait des limites intrinsèques à la notion de responsabilité de protéger. Ce serait notamment le cas avec sa formulation qui est jugée trop générale et donc imprécise. C'est en tout cas ce que semble penser SZUREK quand elle écrit : « par la généralité intrinsèque de sa formulation et son indétermination, la responsabilité de protéger se prête facilement à des applications beaucoup plus diversifiées que celles des crimes internationaux dont on voudrait faire son champ matériel exclusif »100.Cette imprécision de la notion est de nature à favoriser son instrumentalisation de par une interprétation extensive des résolutions autorisant des interventions sous sa bannière. Ce risque est d'autant plus grand qu'il n'existe aucun document juridique, universellement accepté, qui détermine très exactement les modalités de la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger. Pour certains auteurs, la résolution 1973 (2011) a ainsi été détournée à sa fin initiale afin de renverser le régime de Kadhafi alors qu'elle autorisait une intervention visant uniquement la protection des Civils. Pareille situation s'était produite quelques années plutôt, en 2003, avec l'intervention américaine en Iraq. Serge SUR estimait sur ce cas que la résolution « ne se donnait pas pour objectif le changement de régime en Iraq, mais encore elle subordonnait le recours à la force à la constatation par le CS de sa violation, constatation qui, comme on le sait, n'a jamais été opérée »101. Le risque reste dès lors très grand que la responsabilité de protéger soit un moyen officieux pour servir les desseins interventionnistes de quelques Etats puissants malintentionnés.

100 - SZUREK, (S.), op. cit.

101 - SUR, (S), op. cit.

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Une autre critique adressée à responsabilité de protéger résulterait de la sélectivité notée dans son application. A ce propos, Andrea BIANCHI faisait remarquer que la responsabilité de protéger « est une arme noble en soi, mais elle est à double tranchant. Le principal danger relève de la manière sélective dont la communauté internationale risque d'appliquer le concept » et elle s'interrogeait en ces termes : « pourquoi le met-on en oeuvre en Libye et en Côte d'Ivoire et pourquoi ne le fait-on pas ailleurs où cela pourrait aussi se justifier? »102. Le cas syrien actuel, où le blocage du Conseil de sécurité empêche toute intervention, ainsi que toute situation similaire, passée ou future, sont de nature à renforcer ce sentiment de sélectivité dans la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger.

Enfin, une dernière critique consiste à dire que même si on a des interventions, afin de protéger des civils confrontés à des crimes visés par la responsabilité de protéger, celles-ci sont souvent tardives. En effet, l'intervention militaire doit être autorisée en derniers recours. La responsabilité de protéger donne la priorité à la diplomatie préventive. Cela fait que la Communauté Internationale favorise le dialogue politique entre les belligérants pour arrêter des exactions contre toute population qui en serait victime. Seulement, l'inconvénient de ce procédé est que plus on recherche une solution politique au conflit, plus une possible intervention militaire est retardée et plus le lot de victimes civiles augmente. Cela a poussé William BOURDON à penser qu'« intervenir trop tard, c'est évidemment toujours plus de morts et d'exactions. C'est prendre le risque de dresser l'acte de décès de la responsabilité de protéger »103. De plus, pour cet avocat, la responsabilité de protéger souffrirait d'une immense ambiguïté qui serait « celle d'exiger qu'une action militaire ne soit justifiée que si elle a des chances raisonnables de réussir, c'est-à-dire de faire cesser ou d'éviter des atrocités et à tout le moins, d'éviter à ce qu'elles n'aboutissent à des conséquences plus dramatiques que l'inaction »104. La responsabilité de protéger nécessiterait alors une faculté de réaction plus prompte de la des Nations Unies afin de mieux jouer son rôle. Il faut espérer que la responsabilité de protéger, à l'image du « droit d'ingérence », ne soit pas « qu'une des ultimes illusions produites par un esprit soixante-huitard à bout de souffle, un mélange de bonnes intentions et de réalisations

102 - Le Temps SA, le 13 avril 2011.

103 - Le Monde du 17 juillet 2012.

104 - Ibid.

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foireuses »105. En d'autres termes, il est nécessaire que la Communauté Internationale donne une nouvelle impulsion à la responsabilité de protéger. Dans cette perspective, une réforme du droit de veto pourrait constituer un début de solution.

Paragraphe 2 : La nécessité de réformer le droit de veto

D'après VALTICOS, la réforme du veto s'impose. Il estime, en effet, que : « le dilemme est maintenant clair : ou bien le droit de veto sera substantiellement modifié ou bien les Nations Unies, et notamment le Conseil de Sécurité, connaitront une sérieuse éclipse dès qu'une question importante se présentera (...) »106. Il est ainsi établi que le droit de veto est de nature à annihiler la responsabilité de protéger de la Communauté Internationale de par sa promptitude à bloquer le processus décisionnel au sein du Conseil de sécurité. Sa réforme pourrait dès lors avoir un effet positif sur la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger qu'elle pourrait contribuer à rendre plus effective. Toutefois, il ne s'agirait pas de réformer pour le faire, mais plutôt pour donner au Conseil de sécurité les possibilités de s'acquitter, avec diligence et efficacité, de sa responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Plusieurs propositions de réforme du Conseil de sécurité incluant inéluctablement celle de l'usage du droit de veto ont été faites par certains auteurs. Il faut reconnaitre qu'en ce domaine la doctrine est particulièrement prolixe. Toutefois, nous ne voudrions retenir, ici, que celles d'entre elles qui nous semblent être de nature à pouvoir aider à une meilleure mise en pratique de la responsabilité de protéger. Dans cette perspective, hormis un engagement des membres permanents à renoncer à l'exercice de leur veto dans certaines circonstances, la réforme du veto se présenterait sous la forme d'une alternative : soit on supprime purement et simplement le droit de veto soit on le modifie de manière substantielle.

La suppression du droit de veto est une entreprise aux lendemains incertains. Outre l'attachement marqué des membres permanents à ce privilège, l'absence de veto au Conseil de sécurité serait de nature à générer des tensions au sein de l'Organisation mondiale et pourrait même détruire le système onusien. C'est ce que pense SUR selon qui si le droit de veto n'existait pas « il serait possible à une majorité d'imposer ses décisions contre l'opposition de certains membres permanents. Mais le prix à payer serait lourd : les membres visés ne s'inclineraient

105 - DEFARGES, (Ph. M.), op. cit. p. 168

106 - VALTICOS, (N.), op. cit.

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vraisemblablement pas, et l'on aggraverait la crise au lieu de la résoudre »107. Une telle crainte peut se comprendre aisément. Elle n'est cependant pas un argument suffisant pour écarter la suppression du veto. En effet, cette suppression supposerait l'assentiment de tous les membres permanents qui, de facto, seraient d'accord à ce que les décisions se prennent à la majorité des voix. Leur propre volonté manifestée équivaudrait alors à une autolimitation qui les empêcherait de refuser les résolutions adoptées sur cette base. Il reste toutefois que même si une telle réforme du droit de veto est de nature à faciliter la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger, elle est difficile à réaliser car elle supposerait une révision de la Charte des Nations Unies. Or, cette dernière ne peut être modifiée que par des amendements qui doivent être « adoptés à la majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée générale et ratifiés, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des Membres de l'Organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité »108. Dès lors, la question reste entière car aucune révision de la Charte ne pourra être opérée sans l'accord unanime des cinq membres permanents. Décidément, l'abolition du droit de véto constitue un chemin aussi incertain que celui de Sisyphe et son rocher.

A défaut d'une suppression du droit veto, sa modification apparait comme nécessaire pour permettre au Conseil de sécurité de pouvoir s'acquitter de sa responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales avec diligence. Pour se faire, il est primordial que soient modifiées les modalités d'adoption des résolutions. Un tel argument est défendu par certains auteurs dont VALTICOS qui écrit : « un système différent, comme une méthode de vote qualifié, qui tienne compte de l'importance des Etats, calculée sur la base de plusieurs facteurs - et qui ne se contente pas, pour admettre un veto, de l'opposition d'un seul des Etats considérés - devrait pouvoir permettre au Conseil de sécurité d'éviter dans une plus grande mesure les impasses et d'assumer davantage le rôle qui lui a été assigné »109. BOUTROS-GHALI aborde dans le même sens en considérant que « l'accroissement du nombre de voix nécessaires à la décision d'intervention du conseil de sécurité peut se révéler, à l'évidence, un moyen efficace de renforcer le poids des membres non permanents en leur donnant la possibilité d'user d'un veto collectif, ce qui permettrait d'éviter qu'un seul Etat, quel qu'il soit, puisse, comme actuellement,

107 - SUR, (S.), op. cit.

108 - Art. 108 de la CNU.

109 - VALTICOS, (N.), op. cit.

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bloquer le processus décisionnel»110.Ces arguments ne s'opposent pas à l'élargissement du Conseil de sécurité à d'autres membres. Toutefois, la réforme devrait éviter de conférer le droit de veto à d'autres membres. A l'évidence, cela risquerait de rendre le processus de décision encore plus aléatoire si l'on sait déjà que les membres permanents s'en servent souvent pour la défense de leurs intérêts nationaux au mépris de certaines urgences humanitaires.

Aussi, un changement des modalités d'adoption des résolutions du Conseil est souhaité. La pratique a déjà fait un grand pas en ne considérant plus l'abstention d'un membre permanent comme un vote négatif. Cependant, il est assez problématique que l'opposition d'un seul veto puisse empêcher une intervention et laisser perpétrer des massacres qui choquent la conscience humaine. Pour donner plus de chance à la responsabilité de protéger, il serait salutaire qu'une réforme exige au moins l'opposition de deux vetos pour rejeter un projet de résolution en matière humanitaire.

De telles réformes seraient d'un apport incommensurable pour l'effectivité de la responsabilité de protéger. Elles permettraient à toute l'humanité de pouvoir vivre dans un monde plus sûr avec des libertés plus grandes, assorties de garanties plus fortes de paix. Seulement, ce ne sont pas les propositions de réforme qui manquent, mais plutôt la volonté politique de les réaliser. Les membres permanents du Conseil de sécurité ne semblent pas être trop enclins à partager leur privilège du veto encore moins à y renoncer de peur de voir leur influence dans le monde diminuer. Tout cela est de nature à renforcer le pessimisme autour d'une éventuelle réforme du Conseil de sécurité et du droit de veto. C'est pourquoi d'ailleurs certains pensent que « la réforme ne se fera pas. Elle demeurera un thème d'études et de débats, mais elle est irréalisable à échéance prévisible, ne serait-ce que parce qu'elle suppose le consentement unanime des cinq membres permanents »111. Ce qui serait bien dommage pour l'avenir de la responsabilité de protéger.

110 - BOUTROS-GHALI, (B.), op. cit.

111 - SUR, (S.), op. cit.

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Conclusion :

En définitive, le concept de la responsabilité de protéger bien que très novateur et résolument progressiste n'en reste pas moins très limité du point de vue de son efficacité. Sa mise en oeuvre est largement tributaire des calculs politiques et stratégiques menés par les membres permanents au sein même du Conseil de sécurité. Ces derniers empêchent fréquemment son déploiement en recourant à leur droit de veto. Celui-ci se présente dès lors comme le principal obstacle qui se dresse sur le chemin de la responsabilité de protéger. De plus, ces deux notions n'ont ni la même dynamique ni la même finalité. Si le premier a des allures d'un privilège exclusivement accordé aux seuls cinq membres permanents, notamment pour leur permettre de défendre leurs intérêts nationaux, le second apparait plutôt comme un concept à vocation universelle destiné à protéger l'intérêt général de l'Humanité toute entière. Leurs objectifs sont donc antinomiques. Chacune des deux notions essaie de mettre en avant les principes qui la gouvernent et l'idéal qu'elle entend servir. Quand le droit de veto se détache de toute sentimentalité pouvant l'empêcher de s'exercer pleinement, la responsabilité de protéger, elle, se pare d'un humanisme pleinement philanthropique espérant contribuer à l'avènement d'un monde meilleur.

Toutefois, la contradiction de principe qui peut être notée entre les deux notions n'annihile pas pour autant l'exercice du devoir de protéger des populations en détresse qui pèse sur la Communauté Internationale. Cette dernière arrive, quelque fois, par le biais d'intenses négociations ponctuées de concessions, à se convaincre de la nécessité d'une intervention militaire afin d'apaiser les souffrances d'une population en proie à des violations massives et systématiques des droits de l'Homme. Malheureusement, les situations de conflit armé où l'Organisation des Nations Unies n'agit pas semblent êtres plus importantes que celle dans lesquelles sa réaction est effectivement constatée.

L'inertie de l'ONU face à des crimes de masse pose de sérieux problèmes éthiques en ce sens qu'elle est de nature à saper les fondements les plus élémentaires de sa Charte et du droit international humanitaire. Il conviendrait alors de trouver des voix et moyens indiqués pour permette au Conseil de sécurité, principalement chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, de s'acquitter de ses obligations avec la rapidité qui sied. Dans cette perspective, une réforme du Conseil pourrait constituer un début de solution aux problèmes juridiques et politiques que pose sa fréquente paralysie. Pour avoir un impact positif considérable sur la responsabilité de protéger assumée par la Communauté Internationale, elle devrait, à défaut d'instaurer un système de scrutin majoritaire en supprimant le droit de veto, aller dans le sens d'exiger le vote négatif de deux membres permanents au minimum afin qu'un projet de résolution soit rejeté.

Aussi, la notion de responsabilité pourrait être réajustée et son autorité renforcée. Il est aujourd'hui largement accepté que les violations massives des droits l'Homme, où qu'elles se produisent, constituent des menaces à la paix et à la sécurité internationales. Dès lors, il serait

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souhaitable que cette responsabilité de protéger se mue en une obligation universelle de protéger qui incomberait de prime abord aux organismes régionaux afin d'éviter l'obstacle du droit de veto au Conseil de sécurité. Bien évidemment, les opérations entrant dans le champ de cette obligation de protéger devront être surveillées par l'ONU pour éviter toute tentation d'usage abusif et de détournement d'objectif. Cependant, il importe de préciser que l'efficacité d'un tel mécanisme nécessiterait l'abandon de l'autorisation préalable du Conseil de sécurité en matière d'usage de la force. Il faudrait donc décentraliser l'usage du recours à la force dans les relations internationales. Cette faculté reviendrait alors aux entités régionales ou continentales directement intéressées par une situation de conflit qui auraient ainsi la pleine capacité et toute la légitimité nécessaire pour apprécier l'opportunité et décider d'une intervention militaire.

Il serait intéressant que des études complémentaires s'intéressent à ces deux points que nous venons d'esquisser pour une meilleure protection des droits humains fondamentaux. Dans tous les cas, la responsabilité de protéger telle qu'elle est actuellement théorisée et mise en oeuvre nécessite une véritable métamorphose afin que ses impératifs puissent prendre le pas sur ceux du droit de veto. L'avenir du mécanisme de la sécurité collective semble être à ce prix.

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Annexe 1 : Paragraphes 138 et 139 du Document final du Sommet mondial de 2005.

« C'est à chaque État qu'il incombe de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité. Ce devoir comporte la prévention de ces crimes, y compris l'incitation à les commettre, par les moyens nécessaires et appropriés. Nous acceptons cette responsabilité et agirons de manière à nous y conformer. La communauté internationale devrait, si nécessaire, encourager et aider les États à s'acquitter de cette responsabilité et aider l'Organisation des Nations Unies à mettre en place un dispositif d'alerte rapide.

Il incombe également à la communauté internationale, dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies, de mettre en oeuvre les moyens diplomatiques, humanitaires et autres moyens pacifiques appropriés, conformément aux Chapitres VI et VIII de la Charte des Nations Unies, afin d'aider à protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité. Dans ce contexte, nous sommes prêts à mener en temps voulu une action collective résolue, par l'entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son Chapitre VII, au cas par cas et en coopération, le cas échéant, avec les organisations régionales compétentes, lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadéquats et que les autorités nationales n'assurent manifestement pas la protection de leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité. Nous soulignons que l'Assemblée générale doit poursuivre l'examen du devoir de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité et des conséquences qu'il implique, en ayant à l'esprit les principes de la Charte des Nations Unies et du droit international. Nous entendons aussi nous engager, selon qu'il conviendra, à aider les États à se doter des moyens de protéger leurs populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité et à apporter une assistance aux pays dans lesquels existent des tensions avant qu'une crise ou qu'un conflit n'éclate ».

Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB, 2012-2013.

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

Projets de résolutions ayant fait l'objet d'un véto au Conseil de
sécurité entre 1990 et 2012.

Date

Projet de
résolution

Procès- verbal

Question

Membre(s)
permanent(s)
ayant voté contre

19 juillet 2012

S/2012/538

6810

La situation au Moyen-Orient - Syrie

Chine, Fédération de Russie

 
 

4 février 2012

S/2012/77

6711

La situation au Moyen-Orient - Syrie

Chine, Fédération de Russie

 
 

4 octobre 2011

S/2011/612

6627

La situation au Moyen-Orient

Chine, Fédération de Russie

 
 

18 février 2011

S/2011/24

6484

La situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine

États-Unis

 
 

15 juin 2009

S/2009/310

6143

Géorgie

Fédération de Russie

 
 

11 juillet 2008

S/2008/447

5933

Paix et sécurité - Afrique (Zimbabwe)

Chine, Fédération de Russie

 
 

12 janvier 2007

S/2007/14

5619

Myanmar

Chine, Fédération de Russie

 
 

11 novembre 2006

S/2006/878

5565

La situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine

États-Unis

 
 

13 juillet 2006

S/2006/508

5488

La situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine

États-Unis

 
 

5 octobre 2004

S/2004/783

5051

La situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine

États-Unis

 
 

21 avril 2004

S/2004/313

4947

La situation à Chypre

Fédération de Russie

 
 

25 mars 2004

S/2004/240

4934

La situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine

États-Unis

 
 

14 octobre 2003

S/2003/980

4842

La situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine

États-Unis

 
 

16 septembre 2003

S/2003/891

4828

La situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine

États-Unis

 
 

Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB, 2012-2013.

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

20 décembre 2002

S/2002/1385

4681

La situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine

États-Unis

 
 

30 juin 2002

S/2002/712

4563

La situation en Bosnie- Herzégovine

États-Unis

 
 

14-15 décembre 2001

S/2001/1199

4438

La situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine

États-Unis

 
 

27-28 mars 2001

S/2001/270

4305

La situation au Moyen-Orient, y compris la question de Palestine

États-Unis

 
 

25 février 1999

S/1999/201

3982

La situation dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine

Chine

 
 

21 mars 1997

S/1997/241

3756

La situation dans les territoires arabes occupés

États-Unis

 
 

7 mars 1997

S/1997/199

3747

La situation dans les territoires arabes occupés

États-Unis

 
 

10 janvier 1997

S/1997/18

3730

Amérique centrale : efforts de paix

Chine

 
 

17 mai 1995

S/1995/394

3538

La situation dans les territoires arabes occupés

États-Unis

 
 

2 décembre 1994

S/1994/1358

3475

La situation dans la République de Bosnie-Herzégovine

Fédération de Russie

 
 

11 mai 1993

S/25693

3211

La situation à Chypre

Fédération de Russie

 

31 mai 1990

S/21326

2926

La situation dans les territoires arabes occupés

États-Unis

 
 

17 janvier 1990

S/21084

2905

Lettre datée du 3 janvier 1990, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Nicaragua

États-Unis

 
 

Source: http://www.un.org/fr/documents/sc_vetos.shtml consulté le 10 juin 2013 à 09 : 48.

Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB, 2012-2013.

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies Bibliographie :

I- Ouvrages :

- ARON, (R.), Paix et Guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy, 1984.

- CHARPENTIER, (J.), Institutions internationales, Paris, Editions Dalloz, 2009.

- CORNU, (G.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, juillet 1998

- DEFARGES, (Ph. M.), L'ordre mondial, Paris, Armand Colin, 2e édition, 2000.

- QUOC DINH, (N.), DAILLIER, (P.), FORTEAU, (M.) et PELLET, (A.), Droit

international public, Paris, LGDJ, 8e édition, 2009, 1709 pages.

- ZORGBIBE, (C.), Le droit d'ingérence, Paris, PUF, 1994, 127p.

II- Articles :

> Revues :

- ABESSOLO, (S.), « Responsabilité de protéger et ordre juridictionnel international: les défis de la justice pénale internationale », Colloque sur « La prévention des conflits et la sécurité humaine en Afrique : la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger », Libreville - 20 et 21 juin 2007.

- BOUTROS-GHALI, (B.), « Peut-on réformer les Nations Unies ? », Pouvoirs-109, 2004, p. 5-14

- DECAUX, (E.), « Légalité et légitimité du recours a la force : de la guerre juste a la responsabilité de protéger », Droits fondamentaux, n° 5, janvier - décembre 2005

- DE CHAZOURNES, (L. B.) et CONDORELLI, (L.), « De la `responsabilité de protéger'

ou d'une nouvelle parure pour une notion déjà bien établie », RGDIP, n° 4, 2006, p.11-18 - DE LACHERIERE, (G.), « Lacunes ou cohérence de la Charte » dans la Charte des

Nations Unies. Commentaire article par article, Economica, Paris, 1991, p. 1447-1452.

- GHEBALI, (V.-Y.), « Le Kosovo entre la guerre et la paix », Défense nationale, n°8-9, août-septembre 1999, pp. 62-79.

- GUEYE, (B.), « Réformer l'ONU », Revue EDJA n° 59, 2003, pp.70 et s.

- JASSON, (M.-A.), « L'intervention de l'OTAN en Libye : « responsabilité de protéger » ou ingérence ? », IRIS, 18 octobre 2011.

- LEMAIRE, (J.), « La responsabilité de protéger : un nouveau concept pour de vieilles pratiques ? », Note d'Analyse du GRIP, 31 janvier 2012, Bruxelles. Disponible sur :

Cheikh Kalidou NDAW, Mémoire de Maîtrise Droit Public, option Droit des Collectivités Locales, UFR SJP, UGB, 2012-2013.

52

Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

http://www.grip.org/fr/siteweb/images/NOTES_ANALYSE/2012/NA_2012-01-31 FR J-LEMAIRE.pdf

- MBONDA, (E.-M.), « La sécurité humaine et la «responsabilité de protéger » : vers un

ordre international plus humain ? », « s.d. »

- NOVOSSELOFF, (A.), « Les États-Unis et les Nations Unies », Centre Thucydide -

Analyse et recherche en relations internationales.

- SUR, (S.), « Le Conseil de Sécurité : blocage, renouveau et avenir », Pouvoirs, n° 109,

2004.

- SZUREK, (S.) (2011), « La responsabilité de protéger: Mauvaises querelles et vraies

questions », A.C.D.I. n. ° 4, pp. 47-69.

- VALTICOS, N., « Les droits de L'homme, le droit international et l'intervention militaire

en Yougoslavie. Où va-ton ? Eclipse du Conseil de sécurité ou réforme du droit de veto »,

RGDIP, 2000-1, p.5-18.

- VEDRINE, (H.), « Réflexions sur la réforme de l'ONU », Pouvoirs n° 109, 2004, pp.125-

139.

- WECKEL, (Ph.), « L'emploi de la force contre la Yougoslavie ou la charte fissurée »,

RGDIP, n° 1, 2000, pp. 19-36.

> Presse :

- Courrier international.

- Le Monde diplomatique.

- L'Atlas du Monde diplomatique, 2003.

- Le Point.

- Le Temps.

- Département de l'information, « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les Nations Unies », Nations Unies, , New York, 2010, 72p.

III- Rapports :

- Rapport de la Commission Internationale de l'Intervention et de la Souveraineté des Etats (CIISE), « la responsabilité de protéger », CRDI, décembre 2001.

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

- Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement : « La responsabilité de protéger », Doc. A/59/565, CRDI, 2 décembre 2004.

- Rapport des Facilitateurs à la Présidente de l'Assemblée générale sur la concertation sur « Question de la représentation équitable au Conseil de sécurité et de l'augmentation du nombre de ses membres ainsi que d'autres questions relatives au Conseil de sécurité », Nations Unies, New York 19 avril 2007.

- Document final du Sommet mondial de 2005. Doc. A/60/1, 20 septembre 2005.

- Rapport du Secrétaire général sur l'activité de l'ONU, « Agenda pour la paix », Documents A/47/277 ou S/24111, Nations unies, 17 juin 1992.

- Rapport du Secrétaire général sur l'activité de l'ONU, « Supplément à l'Agenda pour la paix », Documents A/50/60 ou S/1995/1, Nations Unies, 25 janvier 1995.

- Rapport du Secrétaire général sur l'activité de l'ONU, Document A/60/1, Nations Unies, New York, 2005.

- Rapport du Secrétaire général sur l'activité de l'ONU, Document A/64/1, Nations Unies, New York, 2009.

- Rapport du Secrétaire général sur l'activité de l'ONU, Document A/66/1, Nations Unies, New York, 2011.

- Rapport du Secrétaire général sur l'activité de l'ONU, Document A/67/1, Nations Unies, New York, 2012.

Textes juridiques :

- La Charte des Nations Unies du 26 juin 1945.

- Les Résolution du Conseil de sécurité de Nations Unies.

- Les Conventions de Genève du 12 août 1949.

- Les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève du 8 juin 1977.

- Le Statut de la CPI du 17 juillet 1998.

Sites utiles :

- www.un.org

- www.monde-diplomatique.fr

- www.lepoint.fr

- www.icc-cpi.int

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55

Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

- www.crdi.ca

- www.wikipedia.com - www.google.com

Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies Tables des matières :

Remerciements .i

Dédicaces ii

Sommaire iii

Sigles et abréviations iv

Citations . . v

Introduction . ..1

Titre Premier : Le droit de veto, un obstacle à la responsabilité de protéger 11

Chapitre I : L'antinomie de leur dynamique 11

Section 1 : Le droit de veto, reflet d'un statu quo injustifié 11

Paragraphe 1 : Un anachronisme du système onusien 11

Paragraphe 2 : Une entrave à la capacité de décision du Conseil de sécurité 13

Section 2 : La responsabilité de protéger, un gage d'un humanisme international 15

Paragraphe 1 : L'humanisation des relations internationales 15

Paragraphe 2 : Le caractère pragmatique de la responsabilité de protéger 17

Chapitre II : L'antinomie de leur finalité 18

Section 1 : Le droit veto, un privilège exclusif des membres permanents 19

Paragraphe 1 : Le maintien de l'hégémonie des membres permanents 19

Paragraphe 2 : La préservation des intérêts des membres permanents 21

Section 2 : La responsabilité de protéger, une garante de la sécurité humaine 23

Paragraphe 1 : La protection des individus contre les atteintes à la dignité humaine 23

Paragraphe 2 : La préservation de la paix et de la sécurité internationales 25

Titre Deuxième : La tentative de conciliation par la pratique internationale 27

Chapitre I : Le caractère mitigé de la conciliation 27

Section 1 : Le caractère aléatoire de la prise de décision au Conseil de sécurité 27

Paragraphe 1 : La « souveraineté » du droit de veto 27

Paragraphe 2 : Le jeu des alliances protectrices ..29

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Le droit de veto et la responsabilité de protéger des Nations Unies

Section 2 : La sélectivité des interventions de Nations Unies 31

Paragraphe 1 : L'intervention protectrice en Libye ? 31

Paragraphe 2 : L'inertie coupable en Syrie ? 33

Chapitre II : L'effectivité contrastée de la responsabilité de protéger 36

Section 1 : L'adaptation par la pratique internationale ..36

Paragraphe 1 : L'abstention à user du droit veto en matière humanitaire 36

Paragraphe 2 : Le défi de la répression pénale des atteintes à la responsabilité de

protéger 38

Section 2 : La responsabilité de protéger, une notion déjà discréditée ? 41

Paragraphe 1 : La responsabilité de protéger, une notion fortement critiquée 42

Paragraphe 2 : La nécessité de réformer le droit de veto 44

Conclusion 47

Annexe 1 : Paragraphes 138 et 139 du Document final du Sommet mondial de 2005 49

Annexe 2 : Les projets de résolutions ayant fait l'objet d'un veto 50

Bibliographie 52

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams