3.6.1.2. Jean-Pierre Katembue
A Lubumbashi, Katembue fut l'élève de Mwenze
Kibwanga. Son art est un témoignage éloquent du choc de
l'Académisme kinois avec la liberté picturale lushoise dont il
renouvelle la figuration linéaire.
Membre du « Groupe des libristes », il retient
l'attention du public à partir des Ateliers Dialogues de la Halle de la
Gombe (Centre Culturel Français de Kinshasa, 1999-2000).
La ligne vigoureuse, refus de la décoration, est le
répondant visuel du tempérament fougueux de Katembue. Elle est,
par ailleurs, le meilleur moyen pour l'artiste de contenir et canaliser les
impulsions binaires de ses forces spirituelles, voire nerveuses. Rare est la
polychromie, édulcorée en général à travers
les couleurs brumeuses en camaïeu, aériennes comme la rosée.
Sa palette de prédilection, que déchirent parfois de criantes
coulées larmoyantes, est la monochromie, à l'encre de Chine ou
à l'acrylique, qui rend à la ligne noire toute sa force
expressive sur le fond blanc. Qu'il s'agisse du contour des figures, toujours
schématiques et puissamment frontales, ou des méandres abstraites
qui transcrivent « les traces de l'Homme » dans sa quête
permanente d'élévation spirituelle jusqu'à l'infini.
Katembue a donc une vision linéaire du monde. Pour lui,
le monde se réduit au point et à la ligne. Cette ligne l'aide
à appréhender les personnages dans leur schéma essentiel.
Et cette réduction linéaire accentue l'expressivité de ses
personnages au regard vide, révulsé, et à la stature
hiératique.
La même ligne se déploie aussi dans un jeu des
droites, des courbes, des contre-courbes pour rendre sensibles les vibrations
subtiles qui traversent l'espace. Ailleurs cette ligne se déroule sous
une forme spiralée qui privilégie les mouvements giratoires de la
pensée conquérante de l'espace, ou génératrice des
êtres. Katembue a soif de la plénitude et de l'infinitude. Il
place sa démarche sous l'oeil vigilant du principe pensant qui voit tout
et dont le symbole, « oeil-point-ovale » est présent dans
chaque tableau et sculpture.
Toujours à la recherche du mieux-dire, le
réductionniste linéaire de Katembue a fait évoluer
l'expression de son désir de s'approprier l'espace, non vide car
traversé par l'énergie de la pensée. Il a franchi les
limites de l'art à deux dimensions, pour transposer son langage dans la
sculpture, qui lui permet de revaloriser sa vision d'un monde simple à
travers des matériaux tout aussi simples : le simili plâtre, la
barre de fer modelée, la planche laquée. Ainsi les lignes
sculptées en fer à béton dressent des personnages
ajourés sur le socle. Ailleurs, elles déroulent la pensée
ou la parole spiralée dans l'espace. Les tracés dessinés,
noires, parcourent la blancheur des reliefs concaves ou des
parallélépipèdes. L'univers linéaire crée
parfois un entrecroisement des plans agencés en des volumes sensibles ou
visuels. C'est l'étape actuelle d'autodépassement de Katembue qui
voit apparaître des personnages siamois, voire des androgynes comme
expression forte de l'aspiration à la plénitude. Ceci n'est,
certes, qu'un premier pas vers d'autres audaces encore
insoupçonnées.
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