II. Diagnostic de la filière jatropha
II.1 Définition de la filière
La filière est un enchaînement des étapes
suivies par un produit depuis sa production jusqu'à sa distribution pour
satisfaire un besoin issu de la consommation.
Le terme produit utilisé dans cette définition
désigne une spéculation ou une denrée et par extension
tout produit sous ses différentes formes de transformation. Notons
cependant qu'il existe trois types de filière jatropha qui sont : la
filière locale paysanne, la filière locale agro-
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Mohamed Abdel Aziz OUEDRAOGO
Enjeu et perspectives des biocarburants au Burkina Faso : Cas
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commerciale et la filière nationale agro-industrielle.
Deux types de filière semblent aujourd'hui privilégiés.
La première « locale ou paysanne » a les
faveurs des acteurs de solidarité internationale et humanitaire. Il
s'agit d'une filière courte, avec une production paysanne, valorisant
l'huile végétale brute extraite des graines de jatropha par
pressage artisanal pour des usages domestiques, soit pour l'éclairage,
soit pour de petites activités artisanales et commerciales à
proximité par la création des plateformes multi fonctionnelles.
C'est elle qui présente la
finalité sociétale la plus évidente et
devrait apporter une contribution sensible à l'amélioration
des conditions de vie par un renforcement de l'autonomie
énergétique et une réduction des dépenses. Elle ne
présente pas de difficultés majeures de mise en oeuvre, ni
agronomiques, ni financières, ni politiques. Elle présente
également un bon profil environnemental (réduction de la coupe de
bois) et politique (faible risque de mainmise foncière) sans
nécessité de cadre législatif important.
La deuxième filière « locale
agro-commerciale » nécessite des investissements et une
structuration professionnelle plus importante et implique, en outre, une action
régulatrice de la part des pouvoirs publics (nature des contrats
d'approvisionnement, nature de statuts d'occupation foncière). Les
sociétés commerciales qui l'animent ont pour finalité
première, la fourniture d'huile végétale brute pour la
motorisation et l'électrification locale et régionale, tout en
cherchant la meilleure rentabilité économique à la
différence de la filière « locale paysanne ».
Quant à la dernière filière «
nationale agro-industrielle », sa mise en place et sa rentabilité
nécessite des investissements énormes.
II.2 Enjeu de la pourghère
Avec une superficie de plus de 5 millions d'hectare
emblavés en 2010 soit plus de la moitié des terres cultivables (9
millions d'hectare); le Burkina Faso épuiserait ses terres cultivables
à l'horizon 2030 si cette tendance de progression de superficie et de la
démographie se poursuivent; par conséquent, le ministère
de l'agriculture et de l'hydraulique est dans une lancée
d'intensification de l'agriculture burkinabè afin d'augmenter
considérablement les rendements agricoles. Cette intensification ne
pourrait se faire sans une mécanisation dans les cultures pluviales, ce
qui demanderait une consommation intermédiaire en hydrocarbures
principalement importées. En plus, au Burkina Faso, en dehors du bois et
le
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charbon de bois, les hydrocarbures représentent la
première source d'énergie avec une dépendance totale du
pays de l'extérieur. Les principaux secteurs consommateurs
d'hydrocarbures au Burkina étant : le transport avec 61% des volumes mis
en consommation, la production d'électricité avec 26 %,
l'éclairage, les applications thermiques et le transport aérien
avec 13%. Selon les statistiques de la direction des hydrocarbures, les
quantités de gasoil et de Super consommées à
l'échelle nationale ont respectivement été
multipliées par 4 et 2 au cours des quinze dernières
années et de 25% en moyenne par an entre 2008 et 2009. Les projections
montrent que les besoins en super augmenteraient de 20,38% entre 2010 et 2020.
Quant au gasoil, les besoins augmenteraient de 41,45%.
II.3 Les atouts et les opportunités du jatropha ?
Les acteurs de la filière
Quatre types d'acteurs ont jusqu'alors favorisé sa
diffusion : les élites urbaines politiques, les agents de
développement, les promoteurs agro-industriels, les mouvements
associatifs. Les premiers sont sans doute ceux dont la mobilisation, les
discours ont le plus de portée. Il en est ainsi du Larlé Naaba
Tigré, Ministre du Mogo Naaba, député à
l'Assemblée nationale. Il déclare avoir fait planter près
de 67.000 hectares par des petits producteurs familiaux. Cela représente
un potentiel de production estimé entre 12.000 et 48.000 m3, soit entre
5 et 18% de la consommation de gasoil burkinabè de 2007 et par la mise
en place d'une usine de transformation du jatropha dénommée
BELWET (Belem Wend Tiga). Des mouvements associatifs s'investissent pour la
promotion de la filière comme A.PRO.J.E.R (Association pour la Promotion
du Jatropha et de l'Energie Renouvelable) qui à travers son projet de
développement du jatropha a planté 3.500 hectares, `Vivre au
village' avec son projet «autonomie des énergies des PTF `'plates
formes multi fonctionnelles», le projet communal de Boni. Des
Organisations Non Gouvernementales (ONG) ont également
développé des actions communautaires en direction des
communautés villageoises (Fondation Dreyer, Service Laïque de
Coopération au Développement) avec des objectifs plus
modestes.
Enfin il convient de mentionner les sociétés
commerciales comme AGRITECH et la
Manufacture Burkinabè de Cigarette (MABUCIG).
? Exigence et rendement de la plante
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Les principales études (et les discours) mettent en
avant la rusticité de la plante : peu exigeante en eau (sa culture peut
être réalisée avec moins de 600 mm de pluies annuelles) et
en nutriments. Elle aurait donc une bonne capacité (et vocation)
à s'adapter aux sols pauvres, dégradés ou halophiles
sahélo-soudaniens. Enfin, elle ne demanderait qu'un faible entretien une
fois mise en terre. C'est ce discours « agro-vertueux » qui a
été, en un premier temps, tenu aux acteurs institutionnels et aux
petits producteurs avant d'être infléchi. Car, le constat
agronomique est quelque peu différent. De fait, les rendements
exigés pour une exploitation agro-industrielle plaident pour une mise en
culture de sols ayant de meilleures potentialités : sols calcaires,
relativement profonds à texture légère sablo-argileux et
argilo-sableux. D'ores et déjà, certaines structures
d'encadrement appuient la diffusion du Jatropha en milieu paysan par un appui
technique similaire à celui dont bénéficient les
coton-culteurs par une fourniture de graines sélectionnées, de
plants bouturés, labour des sols, taille des arbres tout en incitant
à irriguer pour améliorer les rendements .Par ailleurs, les
agronomes rappellent que cette capacité de résistance au stress
hydrique n'est pas intrinsèque à la plante et dépend aussi
de son mode de culture : elles est plantée de manière extensive
sous forme de haie. Pour G. WAITILINGOM, chercheur au CIRAD elle est plus
résistante qu'en verger où « l'entretien nécessaire
à la plupart des cultures s'impose aussi pour le Jatropha : arrosage,
engrais, protection contre les insectes ravageurs... ». Les entretiens de
terrain avec de futurs producteurs comme avec les promoteurs agro-industriels
montrent également que le jatropha, au cours des deux premières
années, est très sensible aux attaques des termites ou même
de criquets en fin de saison sèche lorsque la biomasse est insuffisante.
Les perspectives de rendement agronomiques du Jatropha en milieu
sahélo-soudanien ne sont pas encore parfaitement
étalonnées en raison de la grande variabilité des modes de
cultures (irrigation, fertilisation,...); et des potentialités des sols.
Ce sont eux qui, en fin de compte, conditionnent le plus fortement la
productivité. Les chiffres les plus couramment avancés, par les
entrepreneurs agro-industriels, les chercheurs du CIRAD au Burkina Faso sont de
l'ordre de 1,2 à 1,5 tonnes de graines non transformées à
l'hectare en culture pure (environ 2 kg par arbuste), dès la
cinquième année et ce pendant 40 à 50 ans. Cela correspond
environ à 0,5 litre d'huile par arbre, soit 0,15 à 0,80 m3
à l'hectare selon la densité des pieds. Ces annonces sont
à comparer avec les chiffres plus optimistes fournis pour le Mali et
l'Amérique Centrale (3,0 tonnes/ha). Les chiffres de production moyenne
par pied fournis par le Professeur Makido OUEDRAOGO sont un peu
inférieurs pour la zone sahélo-soudanienne (1,5 kg).
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Le rendement d'huile végétale pure est de
l'ordre de 1 à 4 : le pressage de 4 kilos de graines produisant au mieux
1 litre d'huile avec un matériel d'origine chinoise ou indienne (les
presses européennes permettant d'extraire un litre de 3 kg de graines
étant trop coûteuses et difficiles à rentabiliser). La
teneur en huile est comprise entre 30 et 35%, les deux-tiers des résidus
de pressage servent à la fabrication de tourteaux utilisés, soit
comme engrais après compostage, soit comme briquettes pour la cuisson
des aliments. La productivité en huile végétale brute d'un
hectare de plants de Jatropha serait donc très variable : proche de
1.000 litres en cas de monoculture intensive (avec engrais, irrigation
complémentaire sur de bons sols), inférieure à 300 litres
dans les conditions sahélo-soudaniennes de production paysanne.
? L'amélioration
socio-économique
Le jatropha pourrait améliorer l'accessibilité
financière des populations rurales aux produits alimentaires à
travers les revenus supplémentaires qu'il pourrait apporter aux
populations. En effet, une analyse des comptes d'exploitations des producteurs
en système associé montre une augmentation de leur revenu que les
céréales en culture pure avec un revenu net de l'ordre de 73.760
FCFA(CIRAD) sur un hectare de parcelle. Cette somme n'est pas
négligeable surtout si l'on ne perd pas de vue, le seuil relatif de
pauvreté fixé à 82.672 FCFA en 2003 au Burkina. La vente
des graines ou de l'huile ou du savon apporte un revenu supplémentaire
aux ménages ruraux qui sont parmi les plus pauvres au Burkina. Aussi,
grâce au jatropha au Burkina Faso des emplois ont été
créés ; chez les promoteurs plus de 200 emplois directs ont
été recensés sans compter les producteurs. Au Burkina des
études sont en cours pour déterminer les meilleurs
systèmes d'association et les interactions possibles dans un
système de culture alimentaire en association avec le jatropha. De
même, le jatropha dans son rôle de haie vive protège les
cultures contre les animaux et les vents violents, facteurs de pertes des
productions. Le jatropha s'adapte à des conditions
pluviométriques peu favorables et à des sols marginaux
c'est-à-dire dégradés. Il participe donc à la lutte
contre la désertification et l'érosion des sols et pourrait donc
être utilisé efficacement pour la récupération des
terres dégradées, toute chose pouvant favoriser la
sécurité alimentaire. En plus, les tourteaux des graines de
jatropha après l'extraction de l'huile constituent un engrais organique
de haute qualité, qui a une composition minérale comparable
à celle de la fiente de poule.
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