CHAPITRE III
LA COMMUNICATION DANS L'ENCADREMENT
DES JEUNES FILLES DE LA RUE PAR L'ONG
O.R.P.E.R.
INTRODUCTION
L'objectif du présent chapitre est l'analyse des
différentes fonctions que remplit la communication dans l'encadrement
des jeunes filles en rupture familiale par l'ONG O.R.P.E.R. Ce chapitre sera
structuré en trois points. A savoir : le protocole
méthodologique, l'analyse proprement dite et enfin sera proposé
une interprétation de l'analyse faite.
I. PROTOCOLE METHODOLOGIQUE
Dans l'élaboration de notre travail, la question de
recherche est celle de connaître les fonctions de la communication dans
l'encadrement des jeunes filles vivant dans la rue par l'ONG Oeuvre de
Reclassement et Protection des Enfants vivant dans la Rue. Cette question nous
amène à dégager comme hypothèse de travail que dans
le processus d'encadrement des jeunes filles vivant dans la rue par l'ONG
O.R.P.E.R. la communication remplit un bon nombre des fonctions, à
savoir la transmission de l'héritage culturel, de relation sociale, de
divertissement.
Pour mener à bien cette étude, nous avons
procédé par la technique d'entretien avec les responsables de
l'ONG. De même nous nous sommes appuyés sur la documentation
recueillie sur place. L'analyse que nous allons conduire va se dérouler
en trois phases. Nous avons transformé les questions dont nous nous
sommes servis en thèmes autour desquels nous avons organisé les
réponses recueillies. Ensuite nous avons articulé les
différents thèmes sur les fonctions de la communication
développées ci- haut. Enfin nous avons tenté une
interprétation pour valider notre hypothèse.
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II. ANALYSE PROPREMENT DITE
Thème 1 : Nombre des jeunes
encadrés par ORPER
Le rapport annuel de 2011 nous donne l'effectif de 2 352
jeunes encadrés dont 706 filles. Ces 706 filles se divisent en trois
groupes, à savoir :
a) 165 dans les foyers d'accueil ou milieu ouvert
b) 55 dans les centres d'hébergement ou milieu
fermé
c) 486 en contact permanent avec le centre mobile
Le rapport annuel s'établit à partir des
rapports mensuels. Bien que cela devient de plus en plus difficile parce que
l'enfant n'est pas toujours à mesure de donner sa vraie identité
même pour l'âge de ces enfants s'est très souvent des
estimations. Un enfant sur cinq se présente sous deux à trois
identités différentes.
Thème 2 : Activités
organisées
Il n'existe pas une liste exhaustive des activités
organisées. Dans son travail d'encadrement l'Oeuvre initie ces jeunes
à trois différents types d'activités, à savoir :
activités éducatives, culturelles et sportives, ponctuelles.
1. Activités éducatives
Dans cette catégorie, nous trouvons
l'alphabétisation, la scolarisation, l'apprentissage des métiers
(coupe et couture, esthétique, art culinaire), la remise à
niveau. A travers ses partenaires, ORPER met à disposition des
apprenants des filières des formations en menuiserie,
électronique, électricité, maçonnerie,
mécanique, peinture.
Face à ces différents métiers
d'apprentissage, l'encadré est libre de porter son choix sur tel ou tel
métier. Malgré cette liberté de choix, cela n'exclut pas
l'implication de l'encadreur dans l'orientation vers un métier
donné.
2. Activités culturelles et sportives
Ce sont des activités qui ont trait à la vie
communautaire. Dans ce second type, nous retrouvons : les journées
d'amitiés, le ballet, la danse moderne, la chorale, le football, la
lecture, le théâtre, les excursions afin d'initier les jeunes au
goût de la découverte et du savoir.
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3. Activités ponctuelles
Ces activités sont celles ramenées aux
imprévus ou même à celles qui peuvent comme ne peuvent pas
avoir lieu. Nous trouvons ici :
? Des colonies de vacances, qui donne
l'occasion aux jeunes de
s'épanouir à travers des jeux, et ces derniers
permettent aux jeunes encadrés de cultiver un esprit d'équipe et
de tolérance. A partir de ces colonies, l'encadreur arrive à
dénicher des talents.
? Des Concerts de Noël, qui constituent
un moment où les enfants font des spectacles. C'est également
un lieu pour sensibiliser la communauté sur le problème des
enfants de la rue et aussi faire savoir à tous que ces jeunes sont aussi
utiles dans la société.
? Des activités spirituelles, bien
qu'elles prennent également part dans des activités
permanentes elles peuvent être ponctuelles lorsqu'elles sont
sollicitées par une tierce personne. En l'occurrence des personnes qui
souhaitent passer des moments des prières avec les jeunes et cela sans
tenir compte des confessions religieuses cela malgré que ORPER a un
grand penchant pour le catholicisme.
Il n'existe pas des contraintes religieuses, la liberté
des opinions prime d'abord parce qu'elle joue dans le respect des droits de
l'enfant. L'Oeuvre respecte l'appartenance de chaque enfant.
Dans les années antérieures les activités
culturelles et sportives même ponctuelles se déroulaient
jusqu'à l'intérieur du pays donc dans les provinces. Avec la
crise économique qui frappe le monde, l'Oeuvre est devenu incapable
d'assurer le coût du déplacement. Les dons et legs qui font vivre
O.R.P.E.R. sont devenus insuffisants pour assumer ces déplacements.
Actuellement tout se passe à Kinshasa.
Les enfants sont éduqués grâce à
ses activités et arrivent à connaître des moments
agréables de loisir.12
12 Périodique de l'O.R.P.E.R. « L'appel de
la rue » Décembre 2001, n° 0011.
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Thème 3 : Formation dispensée
ORPER dispense trois sortes de formations d'où elle fait
recourt à l'expertise de ses partenaires.
Bien qu'il n'existe pas de convention de partenariat, l'Oeuvre
appelle partenaires ceux qui travaillent dans le champ de
rééducation des enfants de la rue.
1. Formation continue (éducation
continue)
Nous parlons de formation continue quand l'enfant
récupéré dans la rue est à l'âge de
l'école primaire. L'Oeuvre l'aide à continuer sa formation
interrompue.
2. Formation en métier
Hormis les formations en métiers proposées au
sein des différents centres d'O.R.P.E.R. dont la coupe et couture,
l'esthétique, l'art culinaire, elle fait appel aux partenaires pour
compléter cette formation et proposer de nouveaux métiers
d'apprentissage.
3. Formation en rattrapage scolaire
Pour ceux qui ont non seulement arrêté avec
l'école très tôt et aussi ont dépassé
l'âge. L'Oeuvre dispose des séances de rattrapage pour remettre
les enfants à niveau.
Thème 4 : Message véhiculé
par les encadreurs
Le message véhiculé dans la communication des
encadreurs se base sur :
? La protection : Faire reconnaître aux
jeunes qu'ils sont faibles et qu'ils
ont besoin de la protection des adultes. La rue assure en rien
leur protection au contraire elle les expose à plusieurs dangers. Par la
protection de l'adulte, l'enfant peut se retrouver.
? Les vraies valeurs humaines (valeurs
individuelles et sociales) : Leur
montrer les repères d'une bonne morale. Mettre un
accent sur les vraies valeurs de la vie humaine qui vont les aider à se
sentir comme les autres étant donné que ces derniers vivent dans
un contexte d'inversion des valeurs. Nous estimons que ces enfants qui ont
manqué d'amour et d'espoir pour un lendemain meilleur doivent apprendre
selon leur degré de maturité les vraies valeurs de la vie.
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? L'auto prise en charge : En l'approchant,
l'encadreur fait savoir à
l'encadré qu'il est utile et peut faire mieux pour son
avenir, tout n'est pas perdu.
Thème 5 : Occasion pour communiquer avec
les jeunes
Toute occasion est propice pour communiquer avec ces jeunes au
moment où ces derniers entrent en contact avec l'oeuvre. Tout commence
par le premier contact qui est précieux, déterminant et qui
conditionne la relation entre ces deux parties.
Thème 6 : Moyens de communication
utilisé
Parmi les différents moyens de communication
utilisés, ce qui prime le plus c'est le face à face à
travers les entretiens et séances d'écoute avec les enfants. Etre
écouté rend facile la communication, parce que dans la
réalité de la rue ses opinions n'ont jamais de place. Bien que le
face à face est important et essentiel, cela n'exclut pas l'apport des
autres moyens de communications. Nous avons :
1. Moyen documentaire
A partir d'un apprentissage de la lecture qui prend part dans
les activités organisées par ORPER. Celle-ci l'utilise
également pour communiquer avec les jeunes encadrés. Chaque
centre dispose d'une bibliothèque.
2. Vidéos
Projection des films, documentaires. Après la
projection sont organisés des animations autour des films
visionnés. Il en est de même pour les diapositives
projetées. Des bandes dessinées bien qu'elles sont rarement
utilisées faute de moyens et de personnes qualifiées.
Thème 7 : Difficultés
rencontrées par les encadreurs
La difficulté est liée à la nature et
à la catégorie des enfants encadrés.
? Du point de vue de la nature : ils sont des
enfants et qui dit enfant dit
une personne fragile sur le plan biologique (n'a pas encore
achevé le processus de croissance) sur plan intellectuel (sa raison est
fondée sur ce qui ne contribue pas à son développement
intellectuel) et sur le plan moral
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De sa nature d'être encore « enfant », on voit
également son âge. L'âge moyen des enfants encadrés
est de 13 ans, ce qui correspond au début de la puberté pour la
jeune fille et de l'adolescence pour le jeune garçon où on
assiste à des troubles des comportements.
? Du point de vue de la catégorie : sa
catégorie des enfants de la rue,
enfant sans repère de bonnes manières, des
comportements qu'il faut redresser.
Une des plus grandes difficultés c'est de redresser
leur comportement. Un redressement qui devient encore compliqué avec
leur caractère des enfants très mobiles (milieu ouvert)
même s'ils sont plus ou moins stables dans le milieu fermé.
Comme il s'agit d'un travail d'encadrement, il faut des moyens
adéquats, malheureusement l'Oeuvre souffre d'insuffisance des moyens
(financier, matériel, en personnel qualifié,...) qui rend le
travail difficile. La qualité du travail et la disponibilité des
encadreurs dépendent de la rémunération de ces
derniers.
Pour mener à bien ce travail, l'apport de la
société est important, les encadreurs ont du mal à
convaincre l'opinion publique que ces enfants sont comme tous les autres. Ils
ont besoin de leurs soutiens, encouragements et il suffit juste de les
rééduquer pour qu'ils redeviennent normaux comme eux pensent
qu'ils sont anormaux. Parfois les encadreurs sont taxés des complices
aux actes de vandalisme des enfants.
Thème 8 : Place ou rôle des
entretiens et séances d'écoute
Ces entretiens et séances d'écoute sont pris
comme des moyens ou techniques à travers lesquels l'encadreur obtient
des informations relatives à l'encadré individuellement ou
collectivement. Ce sont des moments propices de faire passer un message,
être compris de ces jeunes encadrés et saisir le problème
qui ronge chacun d'eux. A partir de ces entretiens et séances
d'écoute ORPER est à mesure de documenter sur un problème
concernant tel ou tel jeune. Ils donnent lieu de mener des enquêtes pour
découvrir des personnes en lien de coeur et/ou de sang avec ces jeunes
de la rue, pour faire une médiation entre les personnes
impliquées à leur problème, pour enfin les
réintégrer en famille, en société ou encore
l'intégrer professionnellement.
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Le travail d'encadrement veut qu'on identifie la personne
encadrée, connaître son problème pour bien mener des
enquêtes. De ce fait, les entretiens et séances d'écoute
organisés sont important parce qu'ils font découvrir
l'encadré, ses qualités, ses défauts, ses
compétences, ...
Thème 9 : Etablir une communication entre
encadreur et encadré
La communication n'est pas facile du premier instant parce que
le jeune recueilli n'est pas en confiance, il se méfie de tout. Tout
dépend du premier contact qui dicte à ce dernier ce qu'il attend,
dans ce premier contact nous voyons en premier l'accueil de ces jeunes par les
encadreurs s'il s'agit d'un foyer qu'il soit fermé ou ouvert et d'un
contact permanent pour le centre mobile.
Cet accueil ou contact a pour but la mise en confiance, une
fois la confiance assurée tout se fait aisément. En souvenir du
bon accueil, l'enfant peut arriver à témoigner une reconnaissance
qui facilitera la communication entre eux parce qu'il se dit et se voit
aimé des autres, ce qui n'est pas le cas dans la rue. La communication
s'établit grâce à un contact permanent avec ces jeunes de
la rue.
De ces réponses recueillies des entretiens
auprès des encadreurs puis thématisées découlent 3
fonctions de la communication dans l'encadrement des jeunes filles vivant dans
la rue soulignées dans notre hypothèse de travail. Nous avons :
la transmission de l'héritage culturel, de relation sociale et de
divertissement.
Transmission de l'héritage culturel :
La culture se définit essentiellement par ce qui est partagé et
transmis, ce que nous avons de commun avec d'autres. Il s'agit de la
transmission des normes sociales et des valeurs d'un groupe. Cette transmission
se fait à travers différentes activités organisées
et la formation dispensée.
O.R.P.E.R. met à disposition des encadrés des
activités éducatives et culturelles où nous trouvons
l'alphabétisation, la scolarisation, la lecture, le ballet,
l'apprentissage de métiers et des projections des vidéos qui
constituent des moments non seulement de détente, aussi et surtout de
culture. Le fait de partager le même monde culturel rend l'échange
entre les mêmes membres d'une culture facile.13
13 Jean C. Kapumba AKENDA, Identités
Culturelles Africaines et Nouvelles Technologies, « Identités
Culturelles Africaines comme processus d'identification croissante avec les
nouvelles exigences techno- culturelles. Thèses sur la dialectique des
éléments étrangers et authentiques dans l'unité
d'une culture d'identité », Kinshasa-Limite, Saint Paul, 2002,
p95.
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Transmission de relation sociale : Par des
colonies de vacances où l'enfant encadré crée des
relations avec les autres à travers des jeux organisés. En
même temps, il arrive à cultiver un esprit d'équipe et de
tolérance qui n'existe pas dans la rue. Par moment, O.R.P.E.R. organise
des concerts de Noël qui constituent un moment qui met un accent sur la
relation entre les enfants de la rue et la société.
Transmission de divertissement : La
communication est également destinée à amuser les
personnes. Des moments de divertissement qui passe par les organisations des
matchs de football, des excursions, de théâtre, des concerts
organisés par les enfants eux-mêmes. Occasion pour eux de
présenter des spectacles devant les gens.
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