Le respect des droits de l'homme dans la procédure d'extradition( Télécharger le fichier original )par Rachid Mahamane Oumarou Université catholiquede l'Afrique de l'ouest - Master en sciences juridiques et politiques option droit public 2012 |
Chapitre II : La protection a posteriori de l'individuPar protection a posteriori, il faudrait voir les règles conditionnant le traitement de l'individu extradé après sa remise. Il s'agit donc d'une série de règles assurant une protection des droits de celui-ci contre les irrégularités dans l'Etat requérant, par le truchement du principe de la spécialité d'une part (Section I) et du droit à un procès équitable d'autre part (Section II). Section I: Le principe de la spécialitéProclamé par la quasi-totalité des conventions en matière extradition et les lois internes, ce principe est un élément substantiel incontournable. Il est l'un des soubassements de la protection de l'individu en matière extraditionnelle, et piliers majeurs du droit extraditionnel classique. Pour s'en apercevoir réellement, faudrait-il en avoir une vision approfondie. Ceci, nous sera possible en l'examinant (§1) ainsi que les contours de son application (§2). Paragraphe 1 : L'Examen du principeL'Etude portera sur l'examen du contenu du principe d'une part(A), et des exceptions dont il est assorti d'autre part(B). A. Le Contenu du principeEntre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui libère dit-on. En effet, le rapport existant entre l'extradé et l'Etat requérant où il se retrouve des suites de son extradition n'est pas équilibré, et si on laisse à l'Etat demandeur la latitude d'en disposer à sa guise, il ya risque de péril pour l'individu. A cet égard, il faudrait parer à tout potentiel abus par l'observation de règles qui limitent considérablement le pouvoir de l'état requérant sur l'individu147(*).C'est pour ce faire que les traités d'extradition, ainsi que les lois y relatives ont, avec soin, assortis l'extradition d'effets à l'observation desquels sont inconditionnellement assujettis les Etats, à quelques exceptions près. C'est ainsi qu'apparait le principe de spécialité qui, gouverne les effets de l'extradition148(*) et qui en est de plano un principe constant consacré depuis longtemps par la coutume internationale149(*). Son contenu est très simple et tout à fait cohérent avec les principes généraux du droit international. Il trouve donc application dans tout rapport de droit extraditionnel, même en l'absence d'un traité. Il consiste dans l'idée de limiter les faits pour les quels l'extradé sera jugé après sa remise au pays requérant à ceux ayant motivé sa remise. Il est proclamé partout, légalement et/ou conventionnellement, qu'il nous semble universalisé. Sa formulation légale et conventionnelle résulte chez nous de l'art. 21 de la loi du 10 mars qui dispose en son alinéa 1 que « L'extradé ne peut être poursuivi ou puni pour une infraction antérieure à la remise, autre que celle ayant motivé l'extradition », ainsi que de l'article 20 de la convention d'Abuja. Nonobstant une certaine convergence sur son contenu, ce principe s'avère pourtant hétérogène, aussi bien dans le temps que dans l'espace. Temporellement, nous pouvons relever qu'il n'a pas actuellement les mêmes énonciations que celles d'antan. En effet il était destiné à la protection d'auteurs de délits politiques150(*). Il s'agissait naturellement d'éviter que l'Etat requérant, après avoir obtenu la remise de l'individu réclamé en fondant sa demande d'extradition sur une infraction de droit commun, n'engage contre l'extradé une poursuite relative à des faits politiques151(*). De nos jours il a une énonciation qui l'élargit à tout type d'individu, indifféremment de l'acte ayant motivé son extradition. Spatialement, en dépit de sa reconnaissance universelle, il est paradoxal de constater que les pays n'en n'ont pas la même conception. Ainsi, Certains pays en ont une conception restrictive. C'est le cas notamment de la Belgique152(*) et de la Suisse153(*) qui admettent la poursuite d'autres infractions prévues par la convention générale d'extradition ainsi que celles connexes à celles ayant motivé l'extradition (voir en exemple l'art.6 de la loi belge de 1833). Cependant d'autres s'en font une interprétation plus extensive. C'est notamment le cas de la France et du Burkina Faso qui appliquent la règle à tous les faits antérieurs à la remise de l'extradé154(*). Il en est de même dans le système américain où les Etats, outre le fait de reconnaitre l'applicabilité du principe aux infractions antérieures à la remise, l'étendent aux crimes et délits antérieurs à la décision et à la demande d'extradition155(*). Nonobstant ces disparités interprétatives sur le principe, celui-ci comporte ses atouts et ses tares intrinsèques. Ainsi, de prime abord, relevons que le principe n'est d'application qu'en cas d'extradition stricto sensu, même volontaire156(*), à l'exclusion des voies de remises informelles157(*), c'est-à-dire parallèles. Ensuite, le principe interdit à l'Etat requérant de reprocher à l'extradé des crimes ou délits commis avant sa remise, pour les quels il est réputé absent158(*), car de toutes les façons si une condamnation intervenait dans pareille hypothèse, elle serait nulle et de nulle effet159(*). En tout état de cause, ce principe constitue une restriction inhérente à toute extradition. Il nous apparait bien astreindre l'Etat requérant au respect de ses obligations conventionnelles160(*) et s'inscrit fort bien dans la dynamique de protection de l'individu contre les abus de l'Etat sous la juridiction duquel il se trouve. Ainsi, sa raison d'être s'aperçoit aisément car sans lui il serait facile à l'Etat bénéficiaire de la remise de contourner la règle qui exclut l'extradition des infractions d'une certaine nature161(*). Pour ce qui est de son application, retenons qu'elle incombe essentiellement aux tribunaux chargés de juger l'extradé162(*). Enfin, notons que malgré les prohibitions qu'implique le principe, rien n'empêche à ceux-ci de modifier la qualification de l'infraction extraditionnelle163(*) à la condition que celle-ci puisse donner lieu à extradition164(*), de retenir des circonstances aggravantes ou des excuses légales non contenues dans l'acte d'extradition, mais ressortissant des débats165(*). Aussi, le principe comporte cependant certaines exceptions. * 147 Pour les détails de cet argument, V. Philippe RICHARD, « Droit de l'extradition et terrorisme. Risques d'une pratique incertaine : du droit vers le non-droit », in AFDI 1988, op.cit, P656 * 148 Pierre BOUZAT et Jean PINATEL, Traité de droit criminel. Op.cit, n°1753, p.1336. * 149 V. CA criminelle anglaise, 6 novembre 1930, Journal de droit international, 1935, p.1054. * 150 En témoigne les articles 6 de la loi belge du 13 novembre 1833, 7 de la loi luxembourgeoise du 13 mars 1870 sur l'extradition des malfaiteurs, ou encore la section 3 de l'extradition act de 1989 au Royaume-Uni. * 151 Cf. Dominique PONCET et PAUL GULLY-HART, « le principe de la spécialité en matière d'extradition », in RIDP 1991, op.cit, p. 201. * 152 V. La loi de 1874. Ce fut cependant le fruit d'une évolution législative qui départit la Belgique de la loi de 1833. * 153 V. Rapport du conseil de la confédération helvétique Suisse de Berne sur sa gestion, de 1925 p.227-228. * 154 Cf. art 2 de la loi de 1927, ou encore l'art 60 de l'accord franco-burkinabè en matière d'extradition. * 155 V. à titre illustratif l'art.3 du traité entre les Etats-Unis et l'Italie de 1868, ou encore l'art.24 al. 1 de la convention de Montevideo du 19 mars 1940 entre les Etats sud-américains. * 156 Yves CHAUVY, « L'extradition ». Paris, Puf, Que sais-je ?, 1981, p. 36. * 157 C.A de Colmar, 12 novembre 1948, JCP 1949.II.4977, note Magnol. * 158 Ch. crim 30 octobre 1962, Bull n° 296. * 159 Ch. crim 14 Janvier 1986, bull n°1 à propos de l'extradition de M. tavitian. * 160 L'acte d'extrader résulte d'un accord de volonté, entre les Etats partenaires à l'occasion duquel ceux-ci posent les bases de leur coopération en termes de droits et d'obligations aux quelles ils seront liés. * 161 Henri DONNEDIEU DE VABRES, Droit criminel. Paris, Sirey, 1923, n°1814, p.1015. * 162 Roger MERLE et André VITU, Traité de droit criminel. Paris, CUJAS, 1967, n°241, p. 236. * 163 CH. crim 15 juillet 1937, DP, 1939.1.60. * 164 V. pour détails, art. 20.2 de la convention d'extradition de la CEDEAO et 14.3 de celle de l'union Européenne. * 165 - V. Ch. crim 28 avril 1933, D.1934.1.400. T. - T. Corr. Seine, 1er mars 1943, JCP 1943.II.2317, note Garraud. |
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