Le respect des droits de l'homme dans la procédure d'extradition( Télécharger le fichier original )par Rachid Mahamane Oumarou Université catholiquede l'Afrique de l'ouest - Master en sciences juridiques et politiques option droit public 2012 |
Paragraphe 2 : Les garanties substantiellesElles sont relatives aux conditions de détention d'une part(A) et aux conditions de la remise ou de l'extradition d'autre part. A. Les conditions de détention« Une prison, un camp ne sont pas, certes, par leur nature des lieux où les libertés ordinaires s'épanouissent. L'enfermement dans ces châteaux forts de l'ordre civil que sont les prisons, est soumis à des règles minutieuses »127(*). Cette idée traduit de manière illustrative, le caractère liberticide de toute détention et dont il est en conséquence besoin d'observer la mise en oeuvre ex lege. La détention provisoire va entrainer l'incarcération de l'individu à extrader. Il s'agit là d'une mesure très grave pour la liberté individuelle et qui parait contraire à la présomption d'innocence, l'intéressé subissant l'équivalent d'une peine sérieuse alors qu'il n'a pas été jugé128(*). La détention de l'individu dans le cadre d'une procédure d'extradition est subordonnée à sa mise sous écrou extraditionnel. Cela est corroboré par les articles 147 du code pénal burkinabè129(*) et 110 nigérien130(*). Par ailleurs, le droit à la liberté et à la sûreté, proclamé aux articles art. 6 de la charte ADHP, 3 de la DUDH, 9 du PIDCP, 5 de la Convention EDH et 7 de la CADH, garantit toute personne contre toute privation de liberté arbitraire, en subordonnant celle-ci en tant que de besoin, aux exigences de la loi et suivant la procédure prévue par celle-ci. Néanmoins, relevons que lorsque celle-ci a été régulièrement faite dans le cadre d'une procédure d'expulsion ou d'extradition en cours131(*), il n'y a pas d'arbitraire, tant qu'elle a respecté les conditions posées ex lege. Ce droit entraine logiquement des droits subsidiaires qui protègent les personnes détenues132(*). Ainsi, dans son sillage, les instruments onusien (art.9 du PIDCP), européen (art.5 de la CEDH) et américain (art. 7 de la CADH) proclament des garanties à la personne privée de liberté, en l'occurrence, celle placée sous écrou extraditionnel. Globalement, il s'agit du droit d'être informé des raisons de son arrestation, d'être traduit dans le plus court délai devant un juge et d'être jugé dans un délai raisonnable, ou libéré, droit d'introduire un recours133(*) devant un tribunal la chambre d'accusation afin qu'elle statue sur la légalité de la détention, et non sur l'opportunité de celle-ci134(*). Pour une mise en liberté, il pourra invoquer contester le caractère raisonnable de la durée de la détention135(*). Ce droit de demander la mise en liberté peut être utilisé indifféremment selon que soit ou non intervenu le décret d'extradition136(*), devant la chambre d'accusation.L'audience lors de l'examen de la demande est en principe publique, sauf demande contraire du parquet ou du comparant, et contradictoire137(*). Aussi, l'Etat requérant ne pourra en aucun cas s'opposer à une mise en liberté provisoire prononcé par la chambre d'accusation138(*). Il faut se satisfaire de ces garanties dont jouit l'individu, car elles bâtissent à notre sens un solide équilibre entre les intérêts antagonistes de la protection de la société contre la délinquance et de la liberté de l'individu. Elles écartent concomitamment tout risque résultant de velléité politique, périlleuse, ou démarche expéditive sur le sort judiciaire de celui-ci. Cette phase de détention constitue la dernière phase dans le pays requis, avant sa remise au pays requérant. * 127Jean-Marc VARAUT, Le droit au droit, pour un libéralisme institutionnel. Paris, Puf, Libre échanges, 1986,p.11. * 128 Gaston STEFANI et Georges LEVASSEUR, Procédure pénale. Paris, Dalloz, T.II, §496, p.492. * 129 Art 147 : « Sont coupables de détention arbitraire et punis d'une peine d'emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 50.000 à 600.000 les responsables des lieux de détention qui : - reçoivent un individu sans mandat ou jugement ou sans ordre du gouvernement en cas d'expulsion ou d'extradition... ». * 130 Art110 : « Les régisseurs de prison qui auront reçu un prisonnier sans mandat ou jugement ou, quand il s'agira d'une expulsion ou d'une extradition sans ordre provisoire du gouvernement [...] seront, comme coupable de détention arbitraire, punis d'une peine d'emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 10.000 à 150.000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement... ». * 131 V. Art 5.1.f de Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. * 132 Valère Eteka YEMET, Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples. Paris, l'Harmattan, 1996, p.88. * 133 Cf. Cour EDH, 21octobere 1986, Sanchez-Reisse c. Suisse, (série A n°107). Par cet arrêt, la cour a condamné la suisse pour violation du bref délai de l'art. 5-4 de la C.E.D.H. * 134 Henri-D BOISLY et Damien VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, op.cit, p.627. * 135 V. Par exemple en France, Paris, Ch.acc, 26 avril 1983, Genghini, Bull.1983, n°116, cassé par la chambre criminelle pour, résolvant ainsi les difficultés sur l'applicabilité des articles 14 et 20 de la loi du 10 mars 1927. * 136 André HUET et Renée KOERIN-JOULIN, Droit pénal international, op.cit,§ 275, p. 406. * 137 Ibidem, § 275,p. 408. * 138Crim., 11 février 1965, D.,1965, p.354. |
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