Les pouvoirs publics camerounais et la santé des détenus: le cas des prisons de Dschang et de Mantoum, période 1960- 1992( Télécharger le fichier original )par Guy Roger Voufo Université de Dschang Cameroun - Master II en histoire 2009 |
40 A. Le Centre de Rééducation Civique de Mantoum (19621975)C'est dans une atmosphère de contestation du régime du président Ahidjo que le centre de rééducation civique de Mantoum voit le jour. Pour ses concepteurs, il fallait étouffer dans l'oeuf toute velléités d'opposition au nouveau régime. Il faut noter que c'est à la suite de la tenue de deux réunions et concertations interministérielles, respectivement les 11 et 31 janvier 1962 à Yaoundé que la décision relative à la création des Centres de Rééducation Civique est prise. Au terme des débats entre les responsables des départements ministériels convoqués à cette occasion, la convergence des points de vue aboutit à l'idée selon laquelle deux centres d'internements administratifs peuvent être créés à travers tout le territoire national. Le Bamoun et le Nord-Cameroun sont choisis pour l'occasion comme lieu d'implantation. Le calme qui règne dans ces deux régions est déterminant dans ce choix. C'est donc fort de cela que Mantoum en région Bamoun est choisi pour l'implantation d'un centre de rééducation civique. Ce choix fut motivé et guidé par la présence au gouvernement d'Arouna Njoya, Ministre de l'Intérieur et natif de la région Bamoun54. En respect des recommandations relatives à l'installation des Centres de Rééducation Civique loin des grands centres afin de favoriser le dépaysement des détenus, l'isolement constant fut ainsi évoqué pour éviter tout contact entre la population et les "assignés" taxés de "dangereux". Aussi, cet isolement brisait toute tentative d'évasion qui se compliquait avec l'hostilité de la nature, la présence de la forêt et du fleuve Mbam situé à l'Ouest de Mantoum. 54 Entretien avec Ibrahim Njoya, 48 ans, R.A.PPM, 17.08.2009.Il convient aussi de dire que de manière stratégique, les Français à l'époque coloniale avaient déjà choisit Mantoum comme lieu d'internement du Roi Njoya avant sa déportation à Yaoundé où il meurt en 1933. 41 Le Centre de Rééducation Civique de Mantoum se situe à 10 kilomètres environ de Malantouen.55 Il s'impose par son architecture et son gigantisme qui, au fil du temps, ont donné un cachet particulier à cet arrondissement. La disposition des compartiments de cette geôle à plus d'un titre permet de la scinder en deux principaux blocs : le bloc administratif et le bloc de détention. Le bloc administratif du Centre de Rééducation Civique de Mantoum est détaché du bloc de détention. Il compte quatre bureaux aux dimensions identiques. Le bureau du directeur devenu aujourd'hui celui du régisseur se trouve du côté droit de cet édifice. En face de ce bureau, nous avons le bureau de sécurité dirigé à l`époque du Centre de Rééducation Civique par un chef service de sécurité assisté d'un agent de renseignements généraux qui, sur le plan hiérarchique, dépendait du Service des Etudes et de la Documentation (SEDOC)56, principal pourvoyeur d'internés ou assignés. Les deux autres compartiments sont les bureaux réservés à l'ère du C.R.C. aux enquêtes et aux affaires financières. L'administration du centre à travers son organisation se résume à un seul rôle : s'occuper des "assignés" qui sont des détenus politiques enfermés sans aucune forme de procès. La photographie qui suit présente le bloc administratif de la prison de Mantoum. 55 Mukong, Prisoner without...., 1989, p.62. Ibrahim Njoya parle plutôt de 11 kilomètres environ. 56 Le SEDOC signifie Service des Etudes et de la Documentation, crée par le régime du président Ahidjo comme service de renseignements. C'est un organisme qui remplissait les fonctions d'une "police spéciale". Il était chargé de récolter toutes les informations pouvant nuire à la sécurité de l'Etat. Jean Fochivé fut nommé à la tête de ce service en mai 1960. A ce poste, il se montra essentiellement répressif envers les opposants au régime du Président Ahidjo. 42 Photo N° 3 : Bloc administratif du CRC de Mantoum Source: Guy Roger Voufo, 26 juillet 2010 à Mantoum 43 Le bloc de détention constitue le véritable camp de Mantoum. Détaché du bloc administratif, il est impressionnant par sa taille. Doté d'une clôture de 150 mètres de côté et 15 mètres de hauteur, le bloc de détention est constitué de deux compartiments au système d'emprisonnement en commun. De 1962 à 1975, les assignés travaillaient ensemble le jour et dormaient dans un même quartier la nuit. Pour Jacques Voulet, "c'est le système le plus simple, l'organisation de la vie carcérale y est plus facile et surtout économique"57. Etant la pièce maîtresse du dispositif, le bloc de détention dispose aussi de deux miradors de plus de 25 mètres de hauteur qui permettent d'avoir une vue aérienne de tout ce qui se passe dans le centre mais aussi à des kilomètres à la ronde58. Dans l'ensemble, le bloc de détention est constitué de 24 cellules avec une capacité d'accueil de 55 places soit 3m2 par détenu59. La hauteur maximale de chaque cellule est de 10 mètres. L'infrastructure matérielle de Mantoum se divise en deux quartiers : le quartier des hommes et le quartier des femmes. Le quartier des hommes du C.R.C de Mantoum se trouve du côté droit dès que l'on franchit le portail central. C'est un ensemble de 12 cellules qui donnent sur la grande cour intérieure dotée d'un stade de football. Les locaux de ce quartier sont construits en dur. Compte tenu du nombre assez limité des détenus femmes, certains locaux du quartier des femmes abritent le trop plein du quartier des hommes. Mais l'on veillait à une stricte séparation de ces deux catégories d'assignés. Dans l'ensemble, le quartier des hommes abritait tous les individus venant des régions où était décrété l'état d'urgence60 et ceux tombés sous le coup de 57 Voulet ; Les..., 1951, p.86. 58 Ngbayou, " Le centre de ..., "2004-2005, p.70. 59 Entretien avec Ndam Mama, 66 ans, ancien gardien du CRC de Mantoum, Njikoudou, 25.08.09. 60 L'état d'urgence se matérialise par l'ordonnance n°60-2 du 12 janvier 1960 (cf JORFC n°1351 de février 1960) et celle du 04 octobre 1961. Les décrets n°62-DF-373 du 8 octobre 1962 et n°64-DF-436 du 9 novembre 1964 (voir JORFC n°20 du 15 octobre 1962 et n°22 du 44 l'ordonnance portant répression de la subversion61. Ce sont des détenus politiques communément appelés "assignés" dont le gros était composé des upécistes interpellés dans les localités du Nyong et Kellé, la Sanaga Maritime et la Région Bamiléké62. L'ordonnance portant répression de la subversion a surtout frappé la congrégation des témoins de Jéhovah considéré par le régime Ahidjo de subversive, car ses membres remettent en cause l'ordre établi à travers le refus systématique de participer à la vie politique de la nation, notamment l'abstention au vote63. Cette forme de répression systématique se poursuit même jusqu'à l'intérieur du camp des assignés. C'est ainsi qu'en date du 19 février 1970, une punition disciplinaire de 15 jours d'enfermement cellulaire est infligée aux assignés Njicki François et Messing Martin pour injures publiques à Madame Gbetkom Salomon (gardien du CRC) pour propos subversifs en ces termes : "même si vous êtes la femme d'Ahidjo"64 le même type de punition est infligée à l'assigné Engola Abessolo Simon. Les termes accusateurs sont : Elément pro-rebelle (sic). En outre après avoir perpétré plusieurs actes d'indiscipline notoire malgré les conseils et rappel à l'ordre du directeur du centre de rééducation civique, l'intéressé est allé de l'avant en tentant de soulever les témoins de Jéhovah contre l'ancienne interdiction de prêcher à tout assigné. A cette occasion, il a publiquement déclaré qu'il était contre le régime actuel65. Toutes ces punitions montrent que la rééducation avait pour objectif d'amener les assignés à vibrer en phase avec l'ordre établi et surtout accepter 15 novembre 1964). Les départements frappés par l'état d'urgence sont : Ndé, Mifi, Haut-Nkam, menoua, Bamboutos, Nkam, Wouri, Mungo, Nyong et Sanaga, Mbam, Sanaga-Maritime, Dja et Lobo, Nyong et Kellé, Ntem, Victoria, Mamfé, Kribi, Kumba et Bamenda. 61 Ordonnance n°62-OF-18 du 12 mars 1962 portant répression de la subversion. Quelques figures politiques de cette époque ont été condamnées en vertu de cette fameuse ordonnance. Il s'agit d'André Marie Mbida, de René Guy Okala, de Théodore Mayi Matip et de Marcel Bebey Eyidi : (à propos, lire Pierre Ela ; Dossiers noirs sur le Cameroun, Paris, éditions Pyramide papyrus presse, 2002). 62 Ngbayou ; "le centre de...", 2004-2005 p.25. 63 Ibid.p.26. 64 Main courante, sécurité, C.R.C. de Mantoum, p480. 65 Ibid. P.484. 45 contre leur bonne foi le régime autoritaire du président Ahidjo en faisant une allégeance sans faille aux autorités administratives de même qu'au gouvernement fédéral et à ceux des Etats fédérés. La substance de cet objectif est contenue dans l'article 2 de l'ordonnance de 1962 qui dit : Quiconque aura par quelque moyen que ce soit, porté atteinte au respect dû aux autorités ou incité à la haine contre le gouvernement de la république fédérale ou des Etats fédérés, ou participé à une entreprise de subversion contre les autorités et les lois de ladite république ou des Etats fédérés, ou encouragé cette subversion sera puni d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 200.000 à 2 millions de francs [...]66. Cette loi, à n'en point douter, a également cloué au pilori d'autres camerounais qui n'étaient ni des sympathisants de l'Union des Populations du Cameroun, ni de la congrégation des témoins de Jéhovah, mais de simples citoyens qui exprimaient juste leur opinion sur l'environnement politique du pays ou tout simplement parce qu'ils avaient des joutes verbales avec les Camerounais originaires de la région du Nord, région de naissance du Président Ahidjo. Au camp de Mantoum, l'ambiance qui règne dans le quartier des hommes semble être différente de celle du quartier des femmes, d'ailleurs moins nombreuses parmi la population carcérale. Quant au quartier des femmes du centre ; il se trouve à gauche après l'entrée principale. Au départ, il est constitué de 6 cellules, mais l'effectif très réduit des assignées - femmes avait amené le directeur Tanebi à confiner ce quartier à une seule cellule mais spacieuse, le reste étant attribué aux hommes67. Le quartier des femmes était doté d'une cuisine, d'une douche et des latrines qui sont localisées dans un même endroit. Les femmes qui se trouvant dans ce quartier étaient en grande partie enfermées pour leurs convictions religieuses et non politiques. Elles étaient presque toutes des adeptes de la congrégation des témoins de Jéhovah qui refusaient de participer au vote, de saluer le drapeau 66 Abel Eyinga, Introduction à la politique camerounaise, Paris, L'Harmattan, 1984, p.300. 67 Ndam Mama, 66 ans, ex-gardien du CRC de Mantoum, Njikoudou, 25.08.2009. 46 national et surtout de chanter l'hymne national68. D'ailleurs, en 1968, près de 100 assignés furent libérés mais les témoins de Jéhovah surtout n'en bénéficièrent pas, car pour les autorités, leur comportement n'avait pas changé69. La seule chose qui choquait le plus souvent dans ce quartier était les coupures intempestives de courant dues au manque de carburant dans le groupe électrogène du centre. C'est ainsi que les dortoirs, en journée, n'étaient pas bien aérés tant et si bien qu'en plein jour on se serait cru dans les ténèbres de la nuit. Disposant d'une cuisine, les femmes préparaient elles-mêmes leur propre nourriture, mais la ration donnée par les responsables du centre était toujours insuffisante en quantité comme en qualité70. Une vue du quartier masculin du pénitencier de Mantoum est donnée par la photographie suivante. 68 68 Ndam Mama, 66 ans, ex-gardien du CRC de Mantoum, Njikoudou, 25.08.2009. 69 Marie Mengong, 67 ans, ex assignée C.R.C de Mantoum, Akonolinga, 03.04.2010. 70 Ibid. 47 Photo N° 4 : Une vue du quartier masculin et du stade de football de la prison de Mantoum Source : Guy Roger Voufo, 26 Juillet 2010 à Mantoum 48 B. Les autres services du pénitencierLe quartier des hommes comme celui des femmes donne sur la grande cour intérieure du pénitencier. Il faut également noter que du coté du quartier des hommes se trouve un bureau de discipline qui s'occupe du respect du règlement intérieur du centre. Après la traversée de la grande cour, l'on se trouve en face d'une infirmerie dotée d'un réfrigérateur, d'un bureau de l'infirmier et d'une salle d'hospitalisation avec de nombreux lits métalliques. Cet arsenal, à n'en pointe douter, montre que le camp de Mantoum est un véritable centre de concentration taxé par certains de "Ministère de rééducation nationale"71. L'infirmerie de la prison de Mantoum est étudiée en détail au chapitre 3 du présent travail. Le Centre de Rééducation Civique de Mantoum va ainsi exister jusqu'en 1975, année de sa transformation en prison de production en respect des nouvelles dispositions du décret de 1973 portant régime pénitentiaire au Cameroun. Cette mutation est consécutive à la disparition des activités terroristes de treize ans après l'indépendance dans plusieurs localités du pays72. Que ce soit dans la Sanaga-Maritime, dans la Région Bamiléké et dans des zones soumises à l'état d'urgence, on note une baisse considérable de l'insécurité prouvant que le régime d'Ahidjo avait anéanti, le plus souvent par des méthodes peu orthodoxes, les dernières poches de rébellion qui essaimaient sur tout le pays. Sur un autre plan, le besoin en infrastructures carcérales se faisait sentir de plus en plus. Ces raisons ont sans doute poussé le régime Ahidjo à changer son fusil d'épaule en mettant un terme à l'existence du CRC de 71 Félix Ebolé Bola "Mantoum : Le Ministère de la rééducation nationale", Les Cahiers de Mutations, N°025, octobre 2004, p.4. 72 Il s'agit des insurgés comme Yetna Leba dans l'arrondissement de Ndom et Ngambé, de Makandepouthe dans la Sanaga Maritime. Dans cette rubrique, entrent le chef Baham Pierre Kamdem Ninyim et surtout Ernest Ouandié, exécuté sur la place publique à Bafoussam le 13 Janvier 1971. 49 Mantoum qui désormais reçoit les prévenus et détenus de droit commun : c'est l'avènement de la prison de production de Mantoum. C. La prison de production de Mantoum (1975-1992)L'avènement de la prison de production de Mantoum s'inscrit dans le contexte de la baisse considérable du degré de l'insécurité dans plusieurs localités du Cameroun autour des années 1970. Selon Martin Messing," c'est la permanence de l'insécurité qui a retardé pendant un temps assez long la réalisation d'une réforme pénitentiaire au Cameroun post-indépendant"73. Ainsi, le calme et la sécurité retrouvés, le gouvernement camerounais va s'engager dans la voie du changement en réalisant sa toute première reforme pénitentiaire le 11 décembre 1973. Ce texte édicte désormais les principes et les actions devant gouverner l'exécution des sentences privatives de liberté en matière pénitentiaire au Cameroun. Bien avant cette reforme, les bases légales du régime pénitentiaire au Cameroun étaient constituées par l'arrêté du 08 Juillet 1933. Le décret n°73/774 du 11 décembre 1973 viendra donc systématiser l'institution pénitentiaire au Cameroun et au terme des dispositions dudit décret, on distingue quatre catégories de prisons parmi lesquelles les prisons de production. Alors que ces types de prisons fonctionnent sur l'ensemble du triangle national dès 1973, il faut attendre 1975 pour que la prison de production de Mantoum soit créée, ceci à la faveur de l'arrêté n°287 du 17 décembre 1975 du Ministre de l'Administration Territoriale, le Sieur Victor Ayissi Mvondo74. La prison de production de Mantoum dans son ensemble hérite des infrastructures du fameux CRC de Mantoum. Elle abrite désormais les détenus de droit commun et les récalcitrants venant d'autres pénitenciers du pays. Les pensionnaires doivent participer par leur travail, à l'effort national du développement. Dans cette optique, la prison dispose d'un champ 73 Martin Messing, 70 ans, employé de bureau à la retraite, Yaoundé, 21.04.2010. 74 JORUC n°161 du 1er Février 1976, p80. 50 communautaire qui permet de pallier aux difficultés de ravitaillement en vivres et d'autres nécessités importantes. Afin de veiller à son fonctionnement, la prison de production de Mantoum est dirigée par un régisseur. Son tout premier régisseur, Monsieur Agiam Vizenigho Ivo Engelbert, intendant des prisons, l'administre du 27 septembre 1976 au 24 octobre 197775. Après lui, six autres régisseurs suivront et ce jusqu'en 1992, année de la réalisation de la deuxième reforme pénitentiaire du Cameroun qui fait de la prison de production de Mantoum une prison principale avec pour premier régisseur le sieur Gabriel Tchameni arrivé le 16 juillet 199276. Parallèlement, de nouveaux bureaux permettant la gestion quotidienne du pénitencier sont crées et concernent aussi toutes les prisons principales du pays. Ainsi au terme de l'article 14 du titre premier, chapitre deuxième, section 3 du décret n°92/052 du 27 mars 1992, les prisons principales disposent de quatre bureaux qui sont : - Le bureau de la discipline ; - Le bureau de l'action sociale, des activités culturelles et éducatives ; - Le bureau des affaires administratives, du personnel et du greffe ; - Le bureau des affaires financières. Au terme de ce chapitre, nous sommes en droit de dire que les prisons de Dschang et de Mantoum ont connu des destins très différents même si l'objectif final de leur création était l'incarcération des déviants sociaux. Créé sous le régime colonial allemand, le pénitencier de Dschang n'a pas connu de réels changements sous l'ère coloniale française. En effet, les Français qui prennent en main le Cameroun au lendemain de la Première Guerre mondiale ne procèdent pas à la construction de nouvelles prisons. Ils s'approprient plutôt les anciennes structures allemandes. Le milieu carcéral ne déroge pas à cette règle car "pour une grande majorité d'entre elles et surtout les plus importantes, les 75 Tableau synoptique des dirigeants de la prison de Mantoum. 76 Ibid. 51 Français héritaient des prisons construites par les Allemands"77 aux fins de réduire au silence toute opposition à leur projet colonial et comme "la prison coloniale a été une réponse ou une solution au problème de la main-d'oeuvre"78, l'administration française après quelques aménagements créé de manière officielle le centre de détention de Dschang appelé "prison civile de Dschang" en 1927. Ce vocabulaire n'occulta en rien les missions premières de ce pénitencier qui devient à l'ère postcoloniale une prison de production (1973) puis principale (1992) avec la même architecture. La prison de Mantoum quant à elle est construite après l'accession du Cameroun à la souveraineté internationale pour résoudre un problème ponctuel : celui de l'insécurité orchestrée par les activistes de l'Union des Populations du Cameroun. C'est donc dans un contexte de crainte et de terreur, sous le prétexte du maintien de l'ordre et la sécurité publics, que le régime Ahidjo crée le Centre de Rééducation Civique de Mantoum en 1962 dans le but de donner une nouvelle éducation à ceux qui s'opposent à sa politique et dont l'objectif est surtout de les réduire au silence et les amener à respecter les institutions républicaines. Globalement, "cette institution était simplement et purement une prison politique au service du régime en place".79 Il Faut attendre 1975 pour que le centre de Mantoum devienne une prison de production tout en gardant la même infrastructure que celle du CRC. Avec la deuxième reforme pénitentiaire de 1992, on parle désormais de la prison principale de Mantoum qui est en réalité un bassin de réception des détenus venant d'autres prisons du territoire80. Il est par ailleurs important de signaler que le CRC de Mantoum tout comme celui de Tcholliré a réduit au silence de nombreuses vies et poussé d'autres à l'exil. C'est dans ce contexte que les propos suivants de Blaise-Pascal Talla résument le règne du président Ahidjo : 77 Alioum ; "Les prisons au ...", 2006, p.552. 78 Ibid, p.400. 79 Ngbayou ; "Le Centre de ..." 2004-2005, p.69. 80 Ibid. 81 Blaise-Pascal Talla, " Cameroun : Chronique d'une transformation politique", in Marchés nouveaux, n°13, Août 2003, p.46. 52 Lorsqu'il démissionne de ses fonctions de chef de l'Etat, le 04 Novembre 1982...des générations entières de Camerounais avaient été soit contraintes à l'exil, soit placées dans des prisons spécialement aménagées pour "redresser" les esprits indépendants qui avaient eu l'audace de s'opposer aux politiques menées par l'UNC. Des milliers d'autres "opposants assoiffés de pouvoir" - selon la rhétorique officielle de l'époque - avaient été exécutés ou avaient péri dans des conditions non élucidées81. La prison en tant qu'un milieu clos génère toujours des problèmes de santé. C'est pourquoi de nombreux textes organiques nationaux et internationaux protègent les droits des détenus à la santé. Ces instruments juridiques s'articulent autour des différentes législations nationales et internationales destinées à préserver la santé des détenus. 53
54 Les personnes incarcérées conservent leur droit fondamental à jouir d'une bonne santé, physique et mentale, et conservent par conséquent leurs droits à recevoir un niveau de soins médicaux équivalent à celui qui est fourni dans la communauté à l'extérieur de la prison. Le droit à la santé concerne tous les détenus, qu'ils soient en détention provisoire (en attente d'un procès, d'une condamnation) ou condamnés. Des instruments juridiques nationaux et internationaux protègent tous les individus, notamment les détenus contre les atteintes flagrantes à leur santé et à l'intégrité de leur personne. Le présent chapitre a pour objectif d'attirer l'attention sur le fait qu'en raison de la vulnérabilité particulière des personnes incarcérées, il existe des règles internationales et nationales destinées à protéger leurs droits aux soins de santé. I.LE CONTENU DE CES LEGISLATIONS ET CONVENTIONSL'homme emprisonné ne perd que sa liberté ; il conserve par conséquent tous les autres droits et son statut de détenu lui confère une protection supplémentaire. C'est pourquoi "lorsqu'un Etat prive les personnes de leur liberté, il devient responsable de leur santé, à la fois au niveau des conditions dans lesquelles il les détient et sur le plan des traitements individuels pouvant s'avérer nécessaires suite à ces conditions"1 Dans cette optique, la prison ne saurait constituer un lieu de non droit, car l'individu doit être traité dans cet espace avec humanisme et respect. De nombreux instruments spécifiques relevant du droit national et international protègent les droits des détenus à la santé. 1 Andrew Coyle ; Gérer les prisons dans le souci du respect des droits de l'homme ; Manuel destiné au personnel pénitentiaire, Londres, Centre International d'Etudes Pénitentiaires, 2002, p.49. 55 A. Les instruments juridiques nationauxEncore appelés instruments spécifiques de protection des droits du détenu relevant du droit interne, ils constituent le socle juridique devant jouer le rôle fondamental de protection des détenus au Cameroun. Globalement, si l'Etat camerounais décide de s'arroger le droit de priver une personne de liberté, quelle qu'en soit la raison, il doit également assumer l'obligation de faire en sorte que cette personne soit traitée de manière décente et humaine. Ainsi, en dehors des instruments qui protègent d'une manière générale les droits de l'homme au Cameroun, il existe aussi des instruments spécifiques qui protègent uniquement les droits des détenus. Au plan national on peut citer : La loi n° 96-06 du 18 Janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 Juin 1972. Cette loi qui est "la constitution de la République du Cameroun" apparaît comme une véritable source de protection des droits de l'homme et par voie de conséquence la protection des droits du détenu. Les dispositions préambulaires annoncent que : Le peuple Camerounais proclame que l'être humain, sans distinction de race, de religion, de sexe, de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés... Toute personne a le droit à la vie et à l'intégrité physique et morale. Elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité. En aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants.2 Bien avant cette loi qui dans son ensemble régit les relations entre les gouvernants et les gouvernés, l'institution pénitentiaire au Cameroun avant la réforme de 1992 était régie par deux grands textes organiques qui sont : L'arrêté du 08 juillet 1933 portant réglementation du régime pénitentiaire au Cameroun. Au terme des dispositions de cet arrêté en ses articles premier deuxième et troisième, vont en prison six catégories de détenus3 : Les indigènes incarcérés en prévision de leur traduction devant les tribunaux ; les condamnés par diverses juridictions françaises ou indigènes du territoire ; les détenus pour 2 Préambule de la loi n°96/06 du 18-01-1996 portant révision de la constitution du 02-061972. 3 JOC, n°316, 1933. p.386. 56 dettes ; les indigènes punis disciplinairement par application du décret du 8 août 1924 déterminant au Cameroun l'exercice des pouvoirs disciplinaires ; les Européens mais dans un quartier spécial et les mineurs indigènes dans une maison d'éducation surveillée ou dans un quartier spécial. Cet arrêté distingue également trois catégories de prisons dans le territoire : Les prisons ordinaires pour adultes ; les prisons spéciales pour mineurs et les centres de relégation. Le décret n°73/774 du 11 décembre 1973 portant régime pénitentiaire du Cameroun post-indépendant. Au terme du titre premier articles premier et deuxième de cette loi, vont en prison trois catégories de détenus : les personnes incarcérées à titre préventif, les personnes condamnées par les tribunaux et les gardés à vue administrative4. Quant aux prisons, elles sont classées en quatre catégories : les prisons centrales d'orientation ou de sélection, les prisons de production, les prisons- écoles et les centres de relégation5. D'autres textes relevant du droit interne reconnaissent d'importants droits aux détenus. Ce sont entre autres : La loi n°2005/007 du 27 Juillet 2005 portant code de procédure pénale ; Le code d'instruction criminelle (mis à jour en Avril 1997) ; L'arrêté ministériel n° 044/A/MINAT/DAPEN du 08 mars 1992 fixant les modalités d'attribution du pécule aux détenus ; La loi n° 97/009 du 10 Janvier 1997 modifiant et complétant certaines dispositions du code pénal camerounais ; Le décret n°92/052 du 27 Mars 1992 portant régime pénitentiaire au Cameroun. Certains de ces textes débordent le cadre chronologique de notre étude, mais leur importance s'avère nécessaire dans la mesure où ils participent, de part leur contenu, à la protection des droits des détenus. Ces droits sont également 4 Article premier du décret n°73/774 du 11 décembre 1973. 5 Article deuxième du décret n°73/774 du 11 décembre 1973. 57 reconnus en droit international par de nombreux textes dont l'importance n'est plus à démontrer. B. Les instruments juridiques internationauxCe sont les instruments spécifiques relevant du droit international. Ces normes internationales déterminent les modalités relatives à l'incarcération et permettent de comprendre que la personne détenue doit bénéficier des considérations supplémentaires. Ainsi, lorsqu'une autorité judiciaire envoie une personne en prison, "la peine imposée doit se limiter exclusivement à la privation de liberté"6. C'est donc pour veiller à l'application effective de ce principe cardinal que de nombreux textes organiques ont été élaborés pour mettre les détenus à l'abri de tout abus physique ou mental, des risques de maladies graves ou de mort suite aux conditions physiques ou à l'absence de soins adéquats. Ces textes, en grande partie centrés sur l'administration de la justice, sont les suivants : Ensemble des Règles Minima Pour le Traitement des Détenus : Adopté par le premier congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le conseil économique et social dans ses résolutions 663 (XXIV) du 31 Juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977. Ce texte, constitué de 95 règles, s'intéresse aux caractéristiques principales de la vie quotidienne en prison. Tout en clarifiant que certains aspects du traitement des détenus ne sont pas négociables et reflètent les obligations légales, ce texte constitue en un mot la pièce maîtresse de tout système pénitentiaire. Selon la règle 57 de ce texte : L'emprisonnement et les autres mesures qui ont pour effet de retrancher un délinquant du monde extérieur sont afflictifs par le fait même qu'elles dépouillent l'individu du droit de disposer de sa personne en le privant de sa liberté. Sous réserve des mesures de ségrégation justifiées ou du maintien de la discipline, le 6 Coyle ; Gérer les prisons..., 2002, p.42. 58 système pénitentiaire ne doit donc pas aggraver les souffrances inhérentes à une telle situation7. Il ressort clairement de cette règle que toute personne, bien que privée de liberté, doit être traitée avec la plus grande humanité. Autrement dit, elle doit jouir de certains droits qu'il faut admettre comme légitimes et fondamentaux. L'ERMTD, bien qu'étant le document de référence reconnaissant des droits aux personnes privées de liberté, est complété par d'autres dispositions internationales. Certains de ces textes, dont la liste n'est pas exhaustive, sont les suivants : Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus adoptés par l'Assemblée Générale des Nations Unies dans sa révolution 45/111 du 14 Décembre 1990 ; Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement adopté par l'Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution 43/173 du 09 décembre 1988 ; Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté adoptées par l'Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution 45/113 du 14 décembre 1990 ; Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée et ouverte à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 39/46 du 10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 Juin 1987 ; Principes d'éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants 7 Règle 57 de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus adoptés par les Nations Unies en 1955. 59 adoptés par l'Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution 37/194 du 18 décembre 1982 ; Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort approuvées par le Conseil Economique et Social des Nations Unies dans sa résolution 1984/50 du 25 mai 1984. Tous ces instruments militent pour la protection des Droits de l'Homme et singulièrement des droits des personnes détenues. Aussi convient-il d'analyser à présent tous les droits relatifs à la protection de la santé des détenus. Nous allons à chaque fois faire recours aux dispositions textuelles de l'Ensemble des Règles Minima pour le traitement des détenus, à l'arrêté du 08 juillet 1933 portant réglementation du régime pénitentiaire au Cameroun8, et bien sûr au décret N°73/774 du 11 décembre 1973 portant régime pénitentiaire au Cameroun. II. LES DROITS DESTINES A PRESERVER LA SANTE DES DETENUSLa santé est ce qui semble le plus précieux en prison. Le détenu doit être en état de jouir de toutes ses facultés et participer par son travail à l'effort de développement du pénitencier. Cela n'est possible que s'il est en bonne santé. Dans le cadre des conditions sanitaires, certaines exigences de base doivent être respectées si l'Etat souhaite remplir son obligation de respect de la dignité humaine des détenus. Parmi ces exigences, nous avons le droit à la santé qui accompagne d'autres tels les droits à l'hygiène corporelle, à l'habillement, à la literie, à l'alimentation et aux exercices physiques, activités récréatives et culturelles. 8 Il s'agit ici du Cameroun sous administration française. 60 A. Le droit à la santé proprement ditLe droit à la santé des détenus est reconnu et codifié par des textes internationaux et nationaux. Les règles 22 à 26 de l'ERMTD en font une préoccupation essentielle de même que les articles 26 à 29 de l'arrêté du 08 juillet 1933 et les articles 33 à 36 du décret n°73/774 du 11 décembre 1973. Si la santé du détenu est primordiale, l'accès de celui-ci aux soins médicaux est une priorité dans la mise en oeuvre du traitement pénitentiaire. C'est donc à juste titre que chaque établissement doit disposer au moins des services d'un spécialiste de la santé. A propos, la règle 22 alinéa 1 des règles minima dispose que : Chaque établissement pénitentiaire doit disposer au moins des services d'un médecin qualifié, qui devrait avoir des connaissances en psychiatrie. Les services médicaux devraient être organisés en relation étroite avec l'administration générale du service de santé de la communauté ou de la nation...9. Dans le même ordre d'idée, le principe 24 de l'Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement souligne que : Toute personne détenue ou emprisonnée se verra offrir un examen médical approprié dans un délai aussi bref que possible après son entrée dans le lieu de détention ou d'emprisonnement ; par la suite, elle bénéficiera de soins et traitements médicaux chaque fois que le besoin s'en fera sentir. Ces soins et traitements seront gratuits10. Ces dispositions sont également contenues dans les articles 33 et 34 du décret N°73/774 du 11 décembre 1973. Tous ces articles reconnaissent à toute personne détenue le droit à la santé et les autorités pénitentiaires doivent en ce qui les concerne veiller au scrupuleux respect de ce droit qui implique aussi le droit à la vie. En dehors de ce droit à la santé, d'autres éléments juridiques contribuent également à la préservation de la santé globale du détenu. Il s'agit de l'hygiène 9 Règle 22 alinéas 1 de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus 10 Principe 24 de l'Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement. 61 personnelle, de la qualité et de la propreté des vêtements ainsi que de la literie des détenus. B. Le droit à l'hygiène corporelle, à l'habillement et à la literie desdétenusLes conditions d'emprisonnement doivent permettre aux détenus de vivre décemment. C'est pourquoi les autorités des établissements pénitentiaires doivent faire en sorte que ces conditions ne soient pas néfastes à la santé physique et mentale des pensionnaires. Cela passe par une bonne hygiène corporelle, un habillement décent et une literie complète. Les droits à l'hygiène corporelle, aux vêtements et à la literie sont ainsi contenus pour les premiers dans les règles 15 et 16 de l'ERMTD et dans les articles 17, 18 et 19 pour les seconds. Ces mêmes droits sont également contenus dans les articles 22 et 23 de l'arrêté du 08 juillet 1933 ainsi que dans les articles 31 et 33 du décret du 11 Décembre 1973. La propreté personnelle du prisonnier passe nécessairement par l'hygiène quotidienne de son corps. C'est fort à propos que la règle 15 de l'ERMTD dispose qu'on doit exiger des détenus la propreté personnelle ; à cet effet, ils doivent disposer d'eau et des articles de toilette nécessaires à leur santé et à leur propreté"11. Cette disposition ne peut se réaliser que si la prison dispose de points d'eau adéquats et que les outils de toilette sont mis à la disposition des pensionnaires. La réforme camerounaise de 1973 quant à elle souligne que tous les détenus doivent prendre un bain ou passer sous la douche à l'heure chaude de la journée au moins deux fois par semaine12. La santé des détenus est aussi liée à l'état de leurs vêtements et de leur literie. Ces vêtements doivent être propres et maintenus en bon état. Il en est de même pour les divers constituants de la literie. La règle 17 alinéa 1 de 11 Règle 15 de l'ERMTD. 12 Article 33 du décret n°73/774 du 11 décembre 1973. 62 l'ERMTD relève que : " Tout détenu qui n'est pas autorisé à porter ses vêtements personnels doit recevoir un trousseau qui soit approprié au climat et suffisant pour le maintenir en bonne santé. Ces vêtements ne doivent en aucune manière être dégradants ou humiliants"13. En plus de cette disposition, les vêtements et les sous-vêtements des détenus doivent être lavés et changés régulièrement pour le maintien permanent de l'hygiène, élément incontournable pour une bonne santé. Pour la literie, la règle 19 énonce que : " Chaque détenu doit disposer, en conformité des usages locaux ou nationaux, d'un lit individuel et d'une literie individuelle suffisante, entretenue convenablement et renouvelée de façon à en assurer la propreté"14. A côté de l'hygiène personnelle, de l'habillement et de la literie qui sont des droits indispensables dans la préservation de la santé des détenus, une attention particulière est accordée à la qualité et à la quantité des aliments servis aux pensionnaires des prisons. C. Le droit à l'alimentationL'une des obligations les plus essentielles des administrations pénitentiaires est de fournir à tous les détenus une alimentation en quantité et en qualité suffisantes pour qu'ils ne souffrent pas de faim ou d'une maladie associée à la malnutrition. Le droit à l'alimentation est prévu par les textes internationaux et nationaux. On retrouve ainsi ce droit dans les dispositions de la règle 20 alinéa 1 de l'ERMTD qui stipule ceci : "Tout détenu doit recevoir de l'administration aux heures usuelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive suffisant au maintien de sa santé et de ses forces"15. 13 Règle 17 al 1 de l'ERMTD. 14 Règle 20 al 1 de l'ERMTD. 15 Ibid 63 Au plan national, ces dispositions sont contenues dans l'article 21 de l'arrêté du 08 juillet 1933 et 30 du décret n°73/774 du 11 décembre 1973. Aux termes de l'article 30 du décret de 1973 : La ration journalière doit être équilibrée et suffisante pour éviter aux détenus et condamnés toute carence alimentaire et leur donner l'énergie indispensable à leur santé et à l'exécution des travaux auxquels ils sont astreints. Cette ration se compose en principe des denrées de la localité et doit dans la mesure du possible, respecter les exigences de la coutume ou de la religion des détenus en matière d'alimentation16. La réalisation des travaux pénaux n'est rendue possible que si le pensionnaire possède de l'énergie nécessaire pour accomplir ses différentes tâches. C'est pourquoi l'alimentation donnée doit être solide et riche en calories et surtout préparée dans de bonnes conditions. C'est pour veiller à son effectivité que la règle 26 alinéa 1 de l'ERMTD dispose que " le médecin doit faire des inspections régulières et conseiller le Directeur en ce qui concerne la quantité, la qualité, la préparation et la distribution des aliments".17 Toutefois, pour une santé bien équilibrée, le droit à l'alimentation ne peut pas à lui seul cerner tous les contours du problème. D'où l'existence d'un droit à l'exercice physique, aux loisirs et aux activités culturelles. D. Le droit aux sports, aux loisirs et aux activités culturellesTous les détenus ont droit aux exercices physiques et aux activités récréatives. Les exercices physiques, prévus à la règle 21 de l'ERMTD et à l'article 60 du décret de 1973 sont indispensables pour le maintien de la santé des détenus, car ils leur permettent de rompre avec la monotonie de la vie carcérale. Ces exercices peuvent revêtir plusieurs formes telles que la gymnastique, l'athlétisme, les jeux collectifs -football, handball et autres - et peuvent se pratiquer aussi bien à l'intérieur du pénitencier qu'à l'extérieur si les mesures de sécurité sont remplies. Il est donc essentiel que les détenus aient 16 Article 30 du décret n°73/774 du 11 Décembre 1973 17 Règle 26 al 1 a de l'ERMTD 64 accès régulièrement à ces exercices physiques en plein air. C'est dans ce contexte que la règle 21 alinéa 1 de l'ERMTD dispose que "chaque détenu qui n'est pas occupé à un travail en plein air doit avoir, si le temps le permet, une heure au moins par jour d'exercice physique approprié en plein air".18 Comme nous pouvons le constater, tout prisonnier jouit d'un certain nombre de prérogatives pour maintenir sa santé physique. En plus, les instruments juridiques nationaux et internationaux lui permettent aussi de bénéficier des droits visant son épanouissement moral. C'est dans cet ordre d'idée qu'il a droit aux activités récréatives et culturelles. Ces activités consistent principalement en des lectures et atténuent chez les détenus les effets de l'oisiveté .Pour André Tatchouang, elles "concourent à occuper les détenus, à leur donner de l'épanouissement, à les éloigner de l'ennui et du désoeuvrement, à leur faire oublier leur situation tout en les rapprochant de la société libre"19. Ainsi, comme l'exige la règle 40 de l'ERMTD, "chaque établissement pénitentiaire doit avoir une bibliothèque à l'usage de toutes les catégories de détenus et suffisamment pourvue de livres instructifs et récréatifs..."20. Dans le cas d'espèce il s'agira d'ouvrages divers, de journaux, de publications à caractère pénitentiaire spécial leur permettant de développer leurs connaissances. L'organisation de ces séances récréatives incombe sous tous les angles aux dirigeants de chaque établissement pénitentiaire. Ces activités au plan du droit interne sont prévues aux articles 61, 62, 63 et 64 du décret de 1973 et se résument à des projections cinématographiques, des représentations diverses, des auditions musicales et l'écoute des émissions radiophoniques. Ces dispositions du décret de 1973 épousent dans leur totalité les points saillants de la règle 39 de l'ERMTD relatifs au contact avec le monde extérieur qui souligne que " les détenus doivent être tenus régulièrement au 18 Règle 21 al 1 de l'ERMTD. 19 Tatchouang, Techniques et stratégies..., 2004, p83. 20 Règle 40 de l'ERMTD. 65 courant des événements les plus importants..."21. Tout prisonnier a besoin, plus que jamais, d'un réconfort moral. Cependant l'expérience a montré que la privation de liberté a parfois plus d'effets dévastateurs sur le moral que sur le physique des pensionnaires, raison pour laquelle les textes applicables reconnaissent aux détenus de nombreux autres droits favorables à leur santé morale à l'instar des droits aux offices religieux, aux visites et aux correspondances. Le tableau ci-dessous renseigne globalement sur les différents droits à la santé des détenus et leurs sources respectives. Tableau N° 1 : Récapitulatif des différents droits à la santé des détenus et leurs sources respectives
source : Compilation des éléments contenus dans l'arrêté du 8 juillet 1933 portant réglementation du régime pénitentiaire au Cameroun, l'Ensemble des Règles Minima pour le Traitement des Détenus de 1955 et le décret n°73/774 du 11 décembre 1973 portant régime pénitentiaire au Cameroun. 21 Règle 39 de l'ERMTD. 66 En résumé, les détenus quelle que soit la nature de leur délit, conservent tous les droits fondamentaux qu'ils possèdent en tant que personnes humaines, y compris le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'ils peuvent atteindre. En plus de ces droits fondamentaux dont bénéficient toutes les personnes humaines, le statut de détenu leur confère des protections supplémentaires. Dans ce cas, lorsqu'un Etat prive ses citoyens de liberté, il devient responsable de leur santé à la fois au niveau des conditions dans lesquelles il les détient et sur le plan des traitements individuels pouvant s'avérer nécessaires suite à ces conditions. Les instruments juridiques internationaux (L'ERMTD et autres) et nationaux (arrêté du 8 juillet 1933, décret du 11 décembre 1973 et ses modificatifs subséquents) imposent aux Etats en général et plus singulièrement à l'Etat du Cameroun, de faire de la santé des détenus une préoccupation essentielle dans la mise en oeuvre du traitement pénitentiaire. Malgré l'existence des conventions internationales et des textes organiques nationaux, la santé des détenus des prisons de Dschang et de Mantoum est restée en deçà des attentes. Plusieurs pathologies y furent enregistrées et conduisirent à une mortalité importante au sein de la population carcérale. 67
68 Quelle que soient les conditions dans lesquelles ils sont incarcérés et vivent au quotidien, les détenus, dans leur "monde fermé", sont confrontés à de nombreux problèmes de santé qui ouvrent inexorablement la voie aux maladies. La diversité des pathologies existantes dans les prisons de Dschang et de Mantoum, au regard des sources archivistiques disponibles lors de nos descentes sur le terrain montre la profondeur des traumatismes psychologiques aux conséquences physiologiques certaines, dans le vécu des populations carcérales. Aussi, si les prisons apparaissent comme "des milieux où les conditions de vie, quel que soit le régime de détention, déteignent négativement et dramatiquement sur les détenus notamment aux plans physiques, sanitaires et psychologiques"1 , il importe dans le présent chapitre de dresser la liste des pathologies enregistrées dans les deux prisons tout au long de la période d'étude indiquée afin de mieux comprendre l'état général des consultations et des hospitalisations médicales. Nous évoquons également la place du suivi médical, ainsi que les entorses à ce suivi et au-delà, leurs conséquences sur la vie des détenus. I. INVENTAIRE DES PATHOLOGIES CARCERALESEn faisant de l'enfermement carcéral une des pénalités centrales de son dispositif de répression, le régime postcolonial a dû conséquemment faire face à la résolution des problèmes de santé de la population carcérale de Dschang et de Mantoum. L'analyse de la documentation archivistique et des entretiens oraux, principales sources d'information de ce chapitre, montre que les détenus étaient victimes de nombreuses maladies. Ainsi, dans le but de mieux appréhender dans leur réelle dimension l'étendue des pathologies, il convient de nous appesantir sur le nombre total de malades admis à des consultations médicales pendant la période d'étude indiquée, et de nous efforcer de dresser un inventaire des maladies ayant affecté les pensionnaires. 1 Alioum, "Les prisons au...", 2006, p.4. 69 A. La maladie carcéraleLes conditions de détention génèrent le plus souvent de nombreuses maladies au sein de la population carcérale. Ces maladies résultent globalement des conditions d'hygiène approximatives qui prévalent dans ces prisons. La réalité de la maladie dans les prisons de Dschang et de Mantoum se mesure ainsi au moyen de deux axes essentiels que sont les consultations et les hospitalisations médicales. 1. Les consultations médicalesElles s'effectuent en cas de maladie avérée et dûment constatée chez le prisonnier. A cet égard, les détenus qui vont en consultation médicale au titre du droit à la santé peuvent être scindés en deux catégories essentielles : Les prisonniers malades et les femmes enceintes placées en détention. a) Cas des détenus malades Selon Jacques- Guy Petit, "la connaissance de la réalité carcérale s'appuie sur l'étude des chiffres et des statistiques"2. Nous allons faire recours aux chiffres disponibles en les matérialisant par des tableaux. Ainsi, l'effectif global des consultations médicales des détenus malades des deux prisons se résume dans le tableau suivant : 2 Petit, ces peines obscures..., 1990, p.261. 70 Tableau N° 2 : Prisons de Dschang et de Mantoum : Nombre de consultations médicales des détenus malades de 1960 à 1992.
Source : Compilation faite à partir des données contenues dans les documents suivants : Main courante de sécurité CRC de Mantoum en 1970, registres d'écrou, de consultations médicales du CRC puis de la prison de Mantoum de 1964 à 1992 ; Registres de Main courante, d'écrou et de consultations médicales de la prison de Dschang de 1960 à 1992. 71 Un double constat s'impose au regard du tableau précédent : Primo, le nombre anormalement élevé des détenus consultés dans les deux pénitenciers - total de 18381 pour la prison de Dschang et 25008 pour celle de Mantoum - montre que l'état général de la santé est y essentiellement précaire. Il ne se passe pas un mois sans qu'un pensionnaire ne se fasse consulter. Ce qui manifestement témoigne de la dureté des conditions de détention. L'analyse comparée relève par ailleurs que la prison de Mantoum -prison politique - bat le record en termes de consultations médicales. Ces statistiques montrent globalement qu'à l'ère du CRC voire de la prison de production, un même assigné et plus tard détenu de droit commun peut subir de trois à quatre consultations au cours de l'année. Cette vision corrobore les thèses de Pasma Ngayou Moluh pour qui les malades sont en général négligés au CRC de Mantoum3. Quant à la prison de Dschang, bien que les conditions de détention y soient aussi déplorables, le fait qu'elle soit une prison qui reçoit les détenus de droit commun lui permet d'accorder plus d'attention aux pensionnaires qui en général sont incarcérés après un procès, ce qui est différent du pénitencier de Mantoum où les procès sont absents. Concernant toujours la prison de Mantoum, les sources archivistiques disponibles et dépouillées permettent de relever que le nombre élevé de consultations de l'année 1977 -1410 consultations- s'explique aussi par la conjugaison de deux événements qui y ont mis en péril la vie de nombreux détenus : le premier eut lieu le 27 mars 1977, le second se déroula le 07 novembre 1977 à 11h45mn. Ces évènements se sont soldés par des consultations ayant entraîné des évacuations sanitaires sur Malantouen et Foumban. Le premier est consécutif à la consommation du maïs empoisonné par plusieurs détenus. La faits sont relatés par le chef de poste de garde Jean Nkené en ces termes : 3 Ngbayou "Le centre de ....", 2004-2005, P.29. 72 A 12h 30mn, nous sommes saisis au poste qu'il y a 10 détenus qui tombent en syncope dans les cellules ; à cet effet, on a fait venir l'infirmier chef qui a constaté qu'ils ont mangé le maïs empoisonné et à l'heure où je porte note, ils ne font que vomir du sang. A 13h00, deux détenus tombent encore sur le coup et sont conduits à l'infirmerie. A 13h15 minutes, sous l'escorte du chef gardien, les victimes sont évacués (sic) sur Malantouen assistés de quatre détenus. A 14h30 minutes... les victimes sont évacués (sic) en définitive sur Foumban à l'hôpital central4. Selon Ndam Mama, cette intoxication avait provoqué la mort de six détenus malgré les efforts déployés pour les sauver5. Le second événement est relatif à la consommation de la viande contenant une substance toxique. A propos, le chef de poste souligne : Le détenu Edimo Noumbo Samuel a volé un mouton, il a préparé et vendu une quantité et nous laissons le reste dans une casserole au poste de police. L'huile ayant servi à la cuisson était contenu dans un bidon précédemment utilisé pour insecticide, ce qui fait que les détenus ayant consommés (sic) ont eu des diarrhées et des coliques et étaient transportés à l'hôpital central de Foumban6. C'est grâce à un acharnement thérapeutique à l'hôpital de Foumban que les pensionnaires intoxiqués ont pu recouvrer leur santé7. Deux constats se dégagent des deux faits énumérés ci-dessus : D'abord, les failles et les défaillances dans la surveillance des détenus. On est porté à croire que les détenus sont abandonnés à eux-mêmes et sont libres de faire tout ce qu'ils veulent sans aucune crainte du service de garde du jour. Si la surveillance était faite selon les règles de l'art, ces actes auraient pu être évités. Ensuite, le fait que les pensionnaires connaissent des problèmes de santé soulève la problématique de la difficulté à s'alimenter en milieu carcéral. Tout 4 APM, registre de Main courante commencé le 20.02. 1977. 5 Entretien avec Ndam Mama, 66 ans, ancien gardien du CRC de Mantoum, Njikoudou, 25.08.09. 6 APM, registre de Main courante commencé le 20.02. 1977 7 Entretien avec Ndam Mama, 66 ans, ancien gardien du CRC de Mantoum, Njikoudou, 25.08.09. 73 laisse donc croire qu'ils ne mangent pas à leur faim. D'où le recours à des méthodes peu orthodoxes pour avoir accès à la nourriture. Secundo, au pénitencier de Dschang, par exemple, le nombre élevé de consultations - voir 1976 avec 1113 consultés et 1984 avec 1244 consultés - s'explique par la présence d'une épidémie de gale en 1976 et en 1984 d'une diarrhée qui avait donné des sueurs froides aux autorités pénitentiaires8. Tout ceci démontre la fragilité de la santé des détenus et rend bien compte de la triste réalité carcérale au Cameroun post-indépendant et conforte les thèses selon lesquelles "la prison détruit et tue"9. Ces statistiques indiquent dans leur globalité un suivi médical rigoureux des détenus -tel qu'on peut penser- . Mais, la prison ne peut pas à elle seule résoudre tous les problèmes relatifs à la santé des pensionnaires. Ces derniers, le plus souvent, font recours à leurs familles qui sont un soutien indispensable pendant le déroulement de la maladie. D'ailleurs, selon Emmanuel Gayo "être malade en prison est synonyme d'une mort certaine, la maladie constitue pour le détenu une seconde prison car l'itinéraire emprunté jusqu'à la consultation est parsemé d'embûches. La consultation relève souvent de la bonne humeur de l'infirmier "10. Un autre éclairage sur les consultations médicales, indice par excellence de l'état de santé des détenus, est donné par la prison de Dschang et s'illustre par le tableau ci-dessous : 8 Gabriel Tsafack, 89 ans, ex-détenu, Foreké, 19.12.2009. Il ressort par ailleurs de nos entretiens avec certains détenus et ex détenus qu'une diarrhée rouge avait causé la mort d'environ 17 détenus au mois de janvier 1999 dans la prison de Dschang, pour la plupart dus au manque de soins. 9 Rapport de la médiation entre les détenus et l'administration de la prison de Dschang par Fidèle Victor Tankam, éducateur à la prison principale de Dschang, 13 Avril 2007, p.4. 10 Emmanuel Gayo, 60 ans, ex-détenu, Mantoum, 24.08.2009. 74 Tableau N° 3 : prison de Dschang : relevé de consultations médicales des détenus malades de décembre 1989 à janvier 1991.
Source : Compilation faite à partir des données contenues dans le registre de consultation et statistiques des détenus malades de la prison de Dschang, période du 27.12.1989 au 31.01.1991. A la lecture de ce tableau, un seul constat se dégage : celui de la réalité de la maladie au pénitencier de Dschang. Tout conduit à affirmer que les pensionnaires souffrent tous de maladies même si dans bien des cas, certains signes cliniques apparents n'offrent pas l'opportunité de penser qu'ils sont malades. Aussi, des 1074 malades consultés, on enregistre sur la base des sources archivistiques dépouillées un chiffre de 428 pensionnaires évacués à l'hôpital départemental de Dschang dans la même période. Ces consultations, qui permettent de scruter le taux de morbidité carcérale, donnent des indications significatives sur les difficiles conditions de détention qui en un mot débouchent sur " la précarité des conditions sanitaires"11. La prison de Mantoum n'est pas exempte des consultations médicales de ses pensionnaires. Ainsi, les détenus malades sont conduits à la visite médicale. Tel est le cas du détenu Etamé Edidié Louis, arrivé à la prison de production de Mantoum lors du transfèrement de 300 détenus de la prison centrale de Douala en date du 17 octobre 198712. Consulté pour hypertension artérielle, il décède dans la nuit du 6 au 7 décembre 1988 des suites de cette maladie. Le tableau 11 Ovalé Zé "modernisation de l'administration pénitentiaire : le gouvernement déroule sa feuille de route" in Justitia, n°001, décembre 2007, pp 28-29. 12 APM, registre de consultations médicales des détenus, 1987-1989 75 suivant renseigne sur l'itinéraire de sa consultation jusqu'au moment où il passe de vie à trépas. Tableau n° 4: Prison de production de Mantoum : Extrait des différentes dates de consultation du détenu Etamé Edidié Louis.
Source : APM, registre de consultations médicales des détenus, 1987-1989 Ces étapes de consultations médicales montrent à l'évidence que les détenus sont soumis à des consultations médicales au pénitencier de Mantoum conformément au principe 24 de l'Ensemble de Principes pour la Protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou 76 d'emprisonnement, de la règle 24 de l'ERMTD et des articles 33, 34 et 35 du décret du 11 décembre 1973 portant régime pénitentiaire au Cameroun. Aussi, elles donnent des indications sur la santé générale du détenu Etamé Edidié Louis, qui en un an et six mois s'est fait consulter 24 fois pour de multiples problèmes de santé. Malheureusement, au bout du compte, les efforts déployés par les autorités pénitentiaires et médicales pour le sauver n'ont pas donné des résultats satisfaisants. Parmi les détenus admis à des consultations médicales se trouvent des femmes, et plus singulièrement des femmes enceintes. Mais, la délicatesse de leur état physiologique justifie que des considérations particulières leur soient consacrées. b) Cas des femmes enceintes incarcérées Les différents textes organiques nationaux et internationaux relatifs à la détention accordent une place particulière aux femmes détenues. En effet, elles sont rigoureusement séparées des autres catégories pénales - cf article 4 alinéa 3 de l'arrêté du 08 juillet 1933, règle 8 alinéa a de l'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus et l'article 15 alinéa 2 du décret du 11 décembre 197313- et bénéficient, compte tenu de leur vulnérabilité, de protections supplémentaires. L'incarcération en tant que mesure de sécurité sociale, n'a pas pour effet de priver la femme enceinte de son droit légitime à une consultation médicale prénatale. Dans les prisons de Dschang et de Mantoum, les détenues enceintes ont été et sont jusqu'ici dirigées pour les premières à l'hôpital de District de Dschang et pour les secondes soit à l'hôpital d'arrondissement de Malentouen, 13L'article 4 alinéa 3 du décret du 8 juillet 1933 stipule que les femmes sont rigoureusement séparées des hommes. La règle 8 alinéa a de l'ERMTD dit que les hommes et les femmes doivent être détenus dans la mesure du possible dans des établissements différents ; dans un établissement recevant à la fois des hommes et des femmes, l'ensemble des locaux destinés aux femmes doit être entièrement séparé. L'article 15 alinéa 2 du décret su 11 décembre 1973 relève que les femmes sont rigoureusement séparées des hommes. 77 soit à l'hôpital de District de Foumban pour y effectuer des consultations prénatales. Aussi, elles y retournent au terme de leur état de grossesse pour accoucher. S'exprimant à leur sujet, Antoinette Noubouwo nous confie que durant son incarcération au pénitencier de Dschang, toutes les mesures adéquates étaient toujours prises pour assurer aux femmes enceintes placées en détention le meilleur suivi médical de leur état de grossesse14. Après leur accouchement à l'hôpital départemental, les femmes détenues sont à nouveau conduites en prison avec leurs bébés pour continuer à y purger leur peine. L'autorité pénitentiaire concernée est chargée d'établir à cet effet l'acte de naissance du nouveau bébé dans les formes légales tout en respectant scrupuleusement les dispositions textuelles de la règle 23 alinéa 1 de l'ERMTD15. Concernant les femmes enceintes incarcérées et celles qui accouchent en prison, les sources archivistiques consultées et les enquêtes orales ne permettent pas d'avoir une idée claire sur cette question. Une lecture par prison nous aurait permis de répertorier le pénitencier ayant connu fortement ce phénomène ou tout au moins celui qui a très peu reçu cette catégorie avec cet état physique. Malheureusement, les statistiques dont nous disposons ne permettent pas de faire la moindre tentative d'étude comparative de la situation des femmes ayant accouché en prison. Néanmoins, il est fait état à la prison de Mantoum en 1970 de deux détenues enceintes qui sont consultées pour "grossesse et mal de bas ventre"16. A la prison de Dschang, le registre de consultations médicales signale un seul cas de femme enceinte consultée pour son état en 198717. Dans l'ensemble, comme les autres prisonniers, les détenues enceintes et celles ayant accouché peuvent selon la gravité de leur état de santé être hospitalisées soit à l'hôpital de District de Dschang, soit à celui de Foumban. 14 Antoinette Noubouwo, 66 ans, ex détenue, Fongo-Tongo, 06.02.2010. 15 Cette règle dispose que " si l'enfant est né en prison, il importe que l'acte de naissance ne fasse pas mention". 16 APM, registre de consultations médicales, infirmerie, prison de Mantoum, 1964. 17 APD, registre de consultations médicales, 1987. 78 2. Les hospitalisations médicalesPhénomènes récurrents dans l'itinéraire sanitaire de tout individu, les hospitalisations médicales envisagées en faveur des détenus malades donnent une perception générale de l'existence des maladies aussi bien à la prison de Dschang qu'à celle de Mantoum. Le tableau ci-après nous fournit une indication des différentes hospitalisations des détenus des prisons de Dschang et de Mantoum entre les années 1960 et 1992. Tableau n° 5 : Prisons de Dschang et de Mantoum : Nombre d'hospitalisations médicales des détenus malades de 1960 à 1992.
18 Voir supra, p78 79 Source : Compilation faite à partir des données contenues dans les documents suivants : Main courante, sécurité CRC de Mantoum en 1970, registres d'écrou, de main courante et de consultations médicales du CRC puis de la prison de Mantoum de 1964 à 1992. Registres de Main courante, d'écrou et de consultations médicales de la prison de Dschang de 1960 à 1992. Le tableau ci-dessus met en évidence l'existence quasi-permanente des maladies dans les prisons de Dschang et de Mantoum et fait également ressortir le profil des évacuations sanitaires dans ces deux pénitenciers. Il renseigne également sur la constance du nombre de détenus hospitalisés qui est un indicateur important de leur état de santé et donne l'occasion de penser que les hospitalisations s'opèrent lorsque la gravité de l'état de maladie est prouvée. Aussi, si le nombre total des détenus hospitalisés évolue en dents de scie, force est de constater que le pourcentage des hospitalisations suit la même trajectoire. Mais, en règle générale, l'hospitalisation témoigne aussi du souci des autorités pénitentiaires d'assurer aux détenus leurs droits à la santé malgré les difficiles conditions de vie. Toutefois, une vue générale des statistiques montre que les détenus du CRC puis de la prison de production de Mantoum sont plus admis en hospitalisation que leurs homologues du pénitencier de Dschang-714 hospitalisés contre 620-. 18 En gros, les hospitalisations sont des mesures apparemment exceptionnelles dont la finalité est de sauver les vies de la population carcérale. Sous un tout autre angle, les véritables mobiles de ces hospitalisations émanent des différentes pathologies carcérales dont souffrent les victimes. B. La typologie des pathologies affectant les détenusLes conditions dans lesquelles les détenus sont incarcérés ont un grand impact sur leur santé et leur bien-être. Dans l'ensemble, les conditions de vie et d'hygiène, somme toutes effarantes, favorisent toutes sortes de maladies et leur propagation en prison. Tel semble être le propre des prisons de Dschang et de Mantoum où les registres de consultations et de soins disponibles montrent que 80 les pensionnaires souffrent de plusieurs types de maladies durant leur incarcération. Dresser un répertoire des maladies carcérales revient dans cette rubrique à faire un inventaire des différentes sortes de maladies auxquelles sont confrontés les pensionnaires. En fait, les détenus des prisons de Dschang et de Mantoum sont victimes de plusieurs maladies. Les données plus détaillées contenues dans le tableau suivant renseignent sur les pathologies dont sont victimes la population des détenus de la prison de Dschang. Tableau n°6 : Prison de Dschang : relevé des pathologies carcérales enregistrées du 28 décembre 1989 au 14 mars 1991.
Source : Compilation faite à partir des données contenues dans les registres de consultations médicales, prison de Dschang, 1989, 1990, 1991. pp 3, 6, 8, 10, 13, 14, 17, 21 et 23. 81 Il se dégage du tableau qui précède que les détenus de la geôle de Dschang sont confrontés à plusieurs maladies allant des plus simples aux plus graves. Il apparaît donc nettement que les maladies de la peau, le paludisme, les infections gonococciques, les fractures/entorses s'imposent comme étant les pathologies carcérales les plus récurrentes. Aussi, les rares recensements des pathologies traitées ne permettent pas d'opérer une généralisation, mais donnent la possibilité d'établir de manière assez précise les tendances quant aux maladies les plus fréquemment traitées par l'infirmier de la prison. La prédominance des maladies de la peau est très nette dans les consultations médicales -252 cas - et s'explique par les mauvaises conditions d'hygiène dans lesquelles vivent les pensionnaires. En effet, les détenus dorment dans des lits en bambou qui ne connaissent pas le plus souvent de désinfection avant toute nouvelle utilisation ; l'état des couchettes laisse à désirer. D'où la présence des poux, puces et punaises. Cette maladie de la peau est consécutive au manque du savon qui est le maillon essentiel le plus simple et le moins onéreux de l'hygiène des pensionnaires. De ce point de vue, le manque de savon pour le bain accentue la présence quasi-permanente de la gale - principale affection - et d'autres maladies de la peau au sein de la population carcérale. Les maladies paludéennes sont elles aussi liées aux conditions de couchage accentuées par le climat généralement pluvieux dans la ville de Dschang. Aussi, les détenus ne disposent-ils pas de moustiquaire et les couvertures qu'ils utilisent sont le plus souvent délabrées, ce qui les expose aux multiples piqûres des moustiques. Les infections gonococciques de même que la syphilis sont liées aux pratiques homosexuelles de certains détenus19. Marie Louise Eteki Otabela remarquait d'ailleurs que cette orientation sexuelle est également présente dans 19 Antoinette Noubouwo, 66 ans, ex détenue, Fongo-Tongo, 06.02.2010. 82 les prisons camerounaises et constitue "l'un des fléaux majeurs qui minent nos espaces carcéraux...l'un des maux les plus épiques qui minent nos prisons20". L'importance des maladies gastriques et hydriques - vers intestinaux, diarrhées, dysenterie amibienne - est à lier au régime alimentaire et aux conditions d'hygiène déplorables dans tous les aspects. Comme en témoigne également le tableau, le régime alimentaire, bien que réglementé par les textes, est particulièrement déficient au pénitencier de Dschang. D'où la permanence de la malnutrition et de l'anémie - sensiblement 12 et 28 cas - ceci est d'autant plus préoccupant quand on sait que l'alimentation, clef de voûte de la santé du détenu, peut le fragiliser à tout moment. L'enfermement de ce dernier, synonyme d'inactivité et d'ennui est au demeurant susceptible d'entraîner une dégradation rapide de son état physique et mental. C'est pourquoi, dans un tel contexte, l'équilibre alimentaire doit représenter un facteur essentiel qui permet d'éviter les risques de maladie21. Parlant de l'ampleur de la diarrhée, l'infirmier ne ménage pas sa langue : "Nous déplorons la terreur que la diarrhée continue à faire planer sur la population carcérale...pendant la nuit, les éléments de garde se hâtent d'envoyer à l'hôpital un ou deux prisonniers souffrant de diarrhée grave"22. La pneumonie et les affections de la cavité buccale sont généralement liées aux mauvaises conditions d'hygiène des locaux et du physique des pensionnaires. La pneumonie est surtout causée par l'absence des vêtements 20 Marie Louise Eteki Otabela ; le totalitarisme des Etats africains : le cas du Cameroun, Paris, l'Harmattan, 2001, p 498. 21 Au pénitencier de Dschang, cet équilibre est une denrée rare. En effet, les détenus condamnés à vie et ayant déjà purgé prés de quinze ans d'emprisonnement et certains ex-pensionnaires nous ont révélé au cours de nos enquêtes que la ration pénale est insuffisante en qualité et en quantité. Selon eux, elle se résume à une boule de couscous de maïs accompagnée d'une sauce vulgairement constituée d'eau avec de l'huile de palme sans sel. (Confère les entretiens avec Gabriel Tsafack, 89 ans, ex-détenu, Foreké, 19.12.2009. Antoinette Noubouwo, 66 ans, ex détenue, Fongo-Tongo, 06.02.2010. Jean Teumo, 60 ans, planteur incarcéré en 1986, PPD, 04.01.10.) 22 APD, registre de consultations médicales, 1990. 83 chauds chez la plupart des pensionnaires qui souffrent d'ailleurs des effets du climat toujours pluvieux qui les plonge dans l'humidité permanente. Les fractures et les entorses sont quant à elles contractées lors des corvées les plus souvent externes et aussi pendant des rencontres sportives organisées dans le cadre des activités récréatives dans l'enceinte de la prison23. D'autres pathologies comme la varicelle, la tuberculose pulmonaire, le rhume et la conjonctivite qui sont des maladies hautement contagieuses justifient la réputation de la prison de Dschang comme terrain fertile pour maladies contagieuses, du fait de la promiscuité dans les cellules et surtout de la faiblesse des soins prodigués. Concernant la prison de Mantoum, bien que les données soient parcellaires et éparses, les " assignés" souffrent aussi de nombreuses maladies. Le tableau ci-dessous donne des indications sur les pathologies carcérales sur la base des années indiquées. Tableau n°7 : Prison de Mantoum : Liste des pathologies enregistrées de 1964 à 1990.
23 Entretien avec Jean Teumo, 60 ans, planteur incarcéré en 1986, PPD, 04.01.10. 84 Source : Compilation faite à partir des données contenues dans les documents suivants : Main courante, sécurité CRC de Mantoum, 1964-1970. Registre de consultations médicales du CRC puis de la prison de production de Mantoum pour les années 1964, 1970, 1972, 1974, 1977, 1978, 1981, 1984, 1989 et 1990. Registres de main courante des mêmes années indiquées. Ce tableau montre que les pensionnaires du CRC puis de la prison de production de Mantoum sont la proie de plusieurs maladies durant leur incarcération. Une observation attentive révèle que le mal de ventre ou colique, les dermatoses, le paludisme, les diarrhées, les hémorroïdes, les plaies diverses et la blennorragie constituent les principales pathologies de cette prison dite de "haute sécurité". Dans l'ensemble, elles sont liées aux conditions de couchage, à l'hygiène approximative des locaux et des corps des pensionnaires ainsi qu'au régime alimentaire déficient sous toutes les formes. La forte proportion des détenus souffrant des coliques s'explique par la mauvaise alimentation et surtout par les incidents relatifs au maïs empoisonné et à la consommation de la viande contenant l'insecticide par les détenus - voir supra, événements du 27 mars 1977 et du 07 novembre 1977 - Etant donné que la privation de la liberté entraîne les privations sexuelles, le phénomène d'homosexualité signalé par le tableau est lié à la place que la sexualité revêt pour les individus incarcérés. A cet égard, il n'est pas étonnant que certaines situations telles que l'incarcération exposent certains détenus aux pratiques sexuelles déviantes. Le constat suivant du gardien de prison Nkoa Zouga, chef de poste descendant lors de la garde du 03 mars 1977 au pénitencier de Mantoum, en dit long sur les tendances homosexuelles en prison : A 14 heures, il est survenu une affaire : Monsieur Malam Issufou Djoumaré et Ebambou Salomon ont été surpris en train de faire la pédéracie (sic) au nouveau quartier femme par le chef cellule A. Monsieur Malam Issufou Djoumaré étant comme mari ; la vérité a été nue d'après les constats de l'infirmier chef ; les deux détenus précités sont mis en cellule disciplinaire par le gardien chef24. 24 APM, registre de main courante, 1977. Les deux détenus concernés seront par ailleurs évacués à l'hôpital départemental de Foumban le 09 juillet 1977 pour intolérance au fil de 85 Cette observation montre que l'incarcération a ainsi pour conséquence de déposséder les individus de leur liberté sexuelle en leur imposant un univers confiné qui est parfois très différent de celui dans lequel ils évoluaient avant l'emprisonnement. Ils sont donc contraints de se fabriquer une nouvelle identité conditionnée par le contexte pénitentiaire. Ainsi, l'homosexualité est la conséquence directe de la frustration sexuelle qui constitue un des principaux supplices de la prison.25 Nous ne saurons clore cette facette de la prison de Mantoum sans faire allusion aux tentatives de suicide et des violences exercées sur le personnel par certains pensionnaires. Ces actes dénotent, à n'en point douter, de la fragilité de la santé mentale des détenus et surtout des potentielles difficultés de survie dans un tel environnement. Dans la gestion quotidienne de la maladie en prison, les autorités pénitentiaires ont été confrontées aussi aux problèmes de la santé mentale qui s'est caractérisée par des formes réelles de tentatives de suicide. Les informations disponibles nous permettent de relever trois cas au pénitencier de Mantoum au cours des décennies 1970 et 1980. Le premier cas est signalé au cours du service de garde du 09 novembre 1977. Le chef de poste du jour, le gardien de prison Moïse Nkouo Abou faisait remarquer que : A 18h 25mn, on cogne à la porte de la cellule 7. Partis aux nouvelles, nous découvrons que le détenu Zougabé Paul a avalé la poudre provenant d'une bouteille écrasée. L'ayant transporté à l'infirmerie de la prison, le docteur atteste que ce n'est pas dangereux après un bref examen. Nous le ramenons dans sa cellule sans protestation de sa part. Les renseignements recueillis auprès de ces (sic) camarades de cellule. Il dis (sic) "J'en ai assez de la prison, mieux vaut que je meure"26. suture pour le premier et état carentiel pour le second. (Confère le registre de main courante de la prison de Mantoum de l'année 1977.) 25 Petit, ces peines obscures..., 1990, p.503. 26 APM, Registre de main courante, 1977. 86 Ce détenu incarcéré en date du 10 Août 1977 pour co-action de vol n'avait purgé que deux mois de sa peine de cinq ans. Son attitude désinvolte montre que "les tentatives de suicide interviennent le plus souvent au début de l'internement, lorsque des sujets en grande précarité au dehors sont brutalement privés de liberté. Ils ne supportent pas cette mise à l'index".27 Parallèlement, il y a les tentatives de suicide qui interviennent après dégradation de l'état psychologique des pensionnaires. Le deuxième cas de figure relatif à la tentative de suicide par pendaison dans sa cellule est celui du détenu Kamgué Jean-Marie. Ce dernier n'a eu la vie sauve que grâce à la vigilance de ses camarades de cellule et quelques gardiens éveillés pendant la garde du 13 mars 198128. Plus édifiants encore sont les propos ci-dessous du chef de garde sortant Pierre Brazet en date du 22 février 1985. Ils sont consécutifs aux frustrations du détenu Moussa Poutignigni. Meurtri dans sa chair, il apprend que sa lettre déposée aux responsables de la prison pour expédition à sa soeur n'a pas été envoyée comme il le souhaitait. Débordé, il tente de se donner la mort par pendaison. Ecoutons le chef de poste de garde : Etant dans le poste les détenus viennent m'appeler que le détenu Poutignigni Moussa veut se pendre. Arrivé sur le lieu, j'avais trouvé Moussa assis dans le lavabeau (sic) portant deux draps. C'est donc avec ces draps qu'il voulait se prendre. J'ai pris les draps alors qu'il avait détaché. J'ai accouru vers le gardien-chef qui est venu à l'instant. Il a appelé Moussa et l'interrogea, pourquoi il voulait se pendre ? Il dit qu'il voulait envoyer une lettre à sa soeur à Foumbot et qu'il avait remis la lettre à Ewoé, chef intérieur en ce moment, il était chef de poste qu'il devait transmettre au gardien chef. Tous les dirigeants n'étant pas sur place ce jour là, il a trouvé mieux de laisser. Une semaine après Moussa apprend que la lettre n'est pas partie.... Et toute la nuit, il ne faisait que pleurer...le chef de cellule Mama dit qu'il était dans la cuisine quand Sangué Jean l'appelle de venir voir Moussa qui veut se pendre. Quand il est arrivé, il a trouvé le pagne de Moussa attaché sur la latte et en bas du pagne, il y avait un noeud et c'est là qu'il devait mettre sa tête...29. 27 www. santé.fr/htm/détenus/rapport. Consulté le 09 mai 2010. 28 APM, registre de Main courante, 1981. 29 Ibid, 1985. 87 Il ressort de la présentation de ces différentes tentatives de suicide que les conditions de détention ont un impact important sur le bien-être mental des détenus. Ainsi, sans la vigilance des codétenus et du service de garde, la prison de Mantoum aurait enregistré des vagues de suicides de certains de ses locataires. Toujours est-il que dans cette prison, certains gardiens ont parfois été victimes des violences de la part des détenus consommateurs de drogue. Si la lutte contre la toxicomanie en milieu carcéral fait partie des préoccupations du gouvernement camerounais et participe du souci d'améliorer la santé mentale des personnes incarcérées, de même que la sécurité dans les établissements pénitentiaires, force est de constater qu'elle rencontre la résistance de certains détenus, adeptes par exemple de la consommation des stupéfiants. C'est le cas de deux détenus que les effets du chanvre indien qu'ils ont consommé ont poussé à s'en prendre violemment aux gardiens de prison. Les sources disponibles nous permettent de dégager deux actes de violence : le premier se déroule pendant la garde du 19 février 1978 et le second au cours de la garde du 27 août 1984. Pour le premier cas, le chef de poste du jour, principale victime, le nommé Jean de dieu Beko Mballa raconte : A 9h15 mn, les détenus Balomé Luc Paul et Elangué David ont été arrêté ayant 4 paquets de chanvre indien chacun. Selon les déclarations de Balomé Luc Paul, ces paquets qu'il avait appartenaient au détenu Makong Joseph de la cellule 11. Pour l'autre, ça l'appartenait. En tant que chef de poste j'ai appelé ce dernier pour qu'il vienne me donner les explications. Le bon monsieur a complètement refusé en me disant qu'il peut se déplacer de sa cellule à moins si c'est le chef gardien qui l'appelle. Je vais alors pour le faire sortir de sa cellule, il va sous son mandat prendre son couteau et un bâton ; il vient me donner un coup de bâton sur la tête. Me laissant, il rejoint le chef Moriba ayant le couteau à main. .Quand alors les camarades ont entendu les cris, ils sont venus ensemble avec le patron lui-même. ..30 Il n'est donc guère surprenant que les détenus tentent d'instaurer à leur manière une politique pénitentiaire qui épouse leur point de vue, contre laquelle 30 APM, Registre de Main courante, 1978. 88 il faut employer la force. Utilisant plusieurs techniques de dissimulation des drogues, les détenus se sont heurtés néanmoins à la ténacité des gardiens qui font montre d'une extrême vigilance malgré les pratiques violentes aux quelles ils sont exposés. En témoignent, ces propos du chef de poste de garde, le sieur Pougnong en date du 27 août 1984 : A 18h30 min, nous recevons au poste de garde de détenu Wirkar Boniface qui s'amène avec un sac de vivres. J'ordonne à ma sentinelle de le fouiller minutieusement. Dans un premier temps, il a découvert dans un sac de farine de maïs 6 bâtons de cigarettes. Red club. En nous voyant strict, il nous a dit qu'il voulait prendre un sachet contenant ses bijoux à quelques pas du poste. Ayant remarqué son attitude, j'ai demandé à ma sentinelle d'aller voir. Tout juste quand il partait, le détenu le suivait à toute vitesse. Brusquement, il a prit un paquet pour mettre dans sa bouche, voulant avaler. Au moment où on voulait savoir de quoi il s'agissait, il nous allongea les coups de poing et retira ce paquet dans sa bouche pour lancer à quelques mètres dans les herbes. Nous l'avions maîtrisé en sifflant l'alerte...Nous avons fouillé dans les herbes et trouvé un paquet où il confirme que c'est du chanvre indien qu'il a ramené...31 Deux observations émanent de ces propos des deux chefs de poste du jour à la prison de Mantoum : - L'évidence de la vigilance du service de garde qui est prêt à barrer la voie à l'introduction des stupéfiants en prison ; - La ténacité voilée des détenus à introduire dans le pénitencier des substances toxiques dont la consommation pourra à coup sur atténuer les effets de l'incarcération, même au prix de la violence exercée sur les gardiens. Comme on peut bien le constater, l'absorption des stupéfiants porte sérieusement atteinte aux facultés mentales des détenus avec induction de troubles du comportement pouvant entraîner l'agressivité. Les agressions contre les gardiens relevées précédemment constituent une illustration parfaite des maux qui minent les prisons camerounaises. En gros, l'introduction des stupéfiants en prison constitue un danger pour la santé mentale des détenus et du personnel pénitentiaire du point de vue du respect des prescriptions disciplinaires. 31 APM, Registre de main courante, 1984. 89 De façon générale, les pensionnaires souffrent de nombreuses maladies qui sont à mettre à l'actif des conditions de couchage, de l'hygiène approximative, de l'état des locaux et bien sûr du régime alimentaire de la prison. Aussi, les détenus connaissent des désordres psychologiques et psychiques qui témoignent de la précarité de leurs conditions de vie. Malgré toutes ces difficultés, des associations privées et publiques se déploient dans tous les sens pour une prise en charge rationnelle des détenus malades des deux pénitenciers. C. La prise en charge des détenus maladesTout détenu malade a droit à des soins qui lui sont prodigués par l'administration pénitentiaire par le canal de l'infirmerie. Mais, compte tenu des difficultés plurielles de l'infirmerie, les âmes de bonne volonté participent à leur façon à la prise en charge médicale des détenus. Ainsi, au niveau de la prison de Dschang, les soeurs "Caritas" de la mission catholique de Dschang apportent une aide très considérable à la population carcérale32. Il convient ici d'examiner d'une part la prise en charge médicale des pensionnaires des deux prisons par les associations caritatives et d'autre part par les hôpitaux publics. 1. L'action des associations caritativesElles oeuvrent considérablement à la prise en charge des détenus malades des prisons de Dschang et de Mantoum. Au pénitencier de Dschang, l'administration pénitentiaire donne la possibilité à des congrégations religieuses d'effectuer leur ministère auprès des détenus. Elles considèrent que c'est un devoir divin d'oeuvrer à la propagation de la bonne nouvelle et de prier pour les pêcheurs emprisonnés. 32 En dehors des soins médicaux, elles participent aussi à l'évangélisation des pensionnaires et à l'organisation des cours d'alphabétisation. Elles offrent régulièrement aux détenus des repas et mettent à leur disposition du matériel d'hygiène. 90 L'action des missions catholiques est très appréciée dans ce domaine. Elle est menée à la prison de Dschang par l'aumônier catholique qui est assisté depuis 1990 par les soeurs "caritas" de la grande mission catholique de Dschang. Ces soeurs en Christ ont fait de la santé des détenus une préoccupation particulière. Ainsi, de commun accord avec l'administration pénitentiaire, depuis 1976, elles s'investissent tous les mardis de la semaine à distribuer des médicaments de premiers secours aux détenus malades de la prison de Dschang et s'occupent aussi financièrement de certains examens médicaux des détenus33. Cette action sans doute capitale se combine à celle des personnes privées, physiques ou morales en faveur des détenus. Quant à la prison de Mantoum, les détenus ne bénéficient que de manière épisodique des aides multiples de quelques grands hommes d'affaires de Foumban et de Malantouen34. L'action des associations religieuses est très limitée ici35. Ces différentes actions ne doivent pas occulter l'oeuvre des structures publiques que sont les infirmeries des prisons de Dschang et de Mantoum et les hôpitaux des localités où se trouvent les deux pénitenciers. 2. L'action des structures publiquesLes détenus malades sont pris en charge par l'infirmerie de la prison et au cas où la gravité de la maladie est prouvée, ils sont accueillis par l'hôpital public le plus proche. a) La prise en charge médicale par les prisons Pour les deux prisons, cette prise en charge est assurée par l'infirmerie. Cette dernière administre aux pensionnaires des soins multiples dans le traitement des diverses maladies comme la toux, la gale, les douleurs gastriques, l'amibiase, la blennorragie, les plaies et le paludisme. Toutes ces maladies sont soignées à l'infirmerie ; mais elles peuvent se compliquer. En effet, selon 33 Fabien Tsafack, détenu, entretien du 03.02.2010 à la PPD. 34 Adamou Yap et Emmanuel Gayo, entretien des 24 et 28 Août 2009 à Mantoum 35 Ibid. 91 Ibrahim Njoya, "une maladie d'apparence bénigne au départ peut ultérieurement se transformer en maladie grave et même très grave...l'infirmier doit donc suivre l'évolution de celle-ci et le cas échéant, procéder à l'évacuation sanitaire du malade"36. Le tableau suivant renseigne sur la constance des évacuations sanitaires de la prison de Mantoum pour l'hôpital de Foumban ou de celui d'arrondissement de Malantouen de 1987 à 1990. Tableau n°7 : Prison de Mantoum : Relevé des évacuations sanitaires des détenus de 1988 à 1990.
Source : Compilation faite à partir des données contenues dans les registres de consultations médicales des détenus de la prison de Mantoum pour les années 1987, 1988, 1989 et 1990. Le tableau précédent, en ressortant le nombre d'évacuations sanitaires, rend compte du volume des détenus malades. Le caractère fluctuant de ces évacuations montre que les pensionnaires souffrent de plusieurs maladies et qu'au même moment, les autorités pénitentiaires mènent un combat sans merci contre les maladies en milieu carcéral. La prise en charge médicale des détenus malades n'incombe pas toujours à l'infirmerie de la prison. En effet, le traitement intégral de certaines infections est le plus souvent supporté par le détenu. C'est le cas de la blennorragie, maladie sexuellement transmissible dont le traitement reste quasi intégralement à la charge du détenu de la prison de Dschang37. Concernant cette maladie, nous n'avons pu avoir les raisons de cette particularité tout au long de nos enquêtes de terrain. Mais, on pourrait dire que le fait que le pensionnaire s'occupe seul de 36 Ibrahim Njoya, RAPPM, entretien du 17.08.2009 à Mantoum 37 APD, registre de consultations médicales, 1990. 92 son traitement est une punition que lui inflige l'administration de la prison, car c'est une maladie qui peut être évitée par l'observation stricte de certaines mesures à la fois personnelles et médicales. Toujours est-il que les hôpitaux départementaux s'occupent aussi de la prise en charge médicale des pensionnaires. b. La prise en charge médicale par les hôpitaux publics Les hôpitaux départementaux de Dschang et de Foumban en relais avec l'hôpital d'arrondissement de Malantouen accueillent la plupart du temps les détenus malades en provenance de la prison de Dschang et de Mantoum suivant le cas. Les détenus sont reçus dans ces formations sanitaires pour y être soit consultés, soit hospitalisés et se prêter aux examens médicaux essentiels. Les examens médicaux concernant le paludisme aigu, la méningite, la tuberculose, le mal gastrique, le diabète et le sida depuis le début des années 1990 sont les plus courants. Les frais d'hospitalisation des détenus sont supportés par le budget de la prison d'une part et par la famille du détenu d'autre part. Mais, il arrive que ces frais soient uniquement à la charge du détenu. C'est le cas du détenu Dadeu Miba de la prison de Dschang. Après avoir subi une opération chirurgicale en date du 06 septembre 1990, ce dernier a réintégré la prison à la demande du major du bloc opératoire de l'hôpital départemental de Dschang38 - encore appelé hôpital de district de Dschang- .Le motif avancé est "le non paiement des frais d'hospitalisation, soit une somme de 23 925 F CFA"39. Les détenus souffrent aussi du manque de considération pendant leur prise en charge médicale. Certains, pour leur statut de prisonnier, d'autres pour conduite déplorable pendant leur hospitalisation. Le détenu Corantin Teledjio du pénitencier de Dschang est une illustration parfaite de conduite déplorable. Tuberculeux de son état et admis en hospitalisation, il a été renvoyé de l'hôpital 38 APD, registre de consultations médicales, 1990. 39 Ibid. 93 départemental parce qu'"il lui est reproché d'avoir non seulement volé une somme de 10 000 F CFA appartenant à une garde malade, mais également d'avoir emporté un matelas appartenant à l'hôpital"40. Ces actes montrent que les détenus n'ont que partiellement accès au droit à la santé qui est pourtant réglementée par les instruments juridiques nationaux et internationaux. C'est ainsi qu'en cas de complication de leur maladie combinée à leur état d'extrême pauvreté, il ne leur reste plus qu'à attendre la mort. Dans une perspective globale, la prise en charge médicale des détenus leur apporte du soulagement et leur donne l'espoir de mieux vivre leur détention. Mais, elle ne semble pas avoir mis un terme aux énormes difficultés du suivi médical de ces derniers. II .LE SUIVI MEDICAL DES DETENUSLe droit à la santé est une prérogative reconnue à tout détenu de se faire administrer des soins en cas de maladie. Sur le plan médical, le suivi rigoureux de l'état sanitaire des détenus vise la préservation de la vie de ces derniers. A la prison de Dschang comme à celle de Mantoum de 1960 à 1992, les autorités médicales compétentes ont déployé des efforts -même si ceux-ci ont été insuffisants - pour faire de la santé des détenus une préoccupation particulière. Le suivi médical des détenus est en effet handicapé par une insuffisance criarde de crédits alloués aux soins de santé et par un déficit en matière de couverture sanitaire. Tous les manquements constatés dans le suivi médical aboutissent à un même résultat : celui du nombre élevé de décès dans les deux prisons. A. Insuffisance des crédits spécifiquement alloués aux soins de santé L'entretien des détenus qui implique le déclenchement d'un certain nombre de droits inaliénables ne s'effectue pas toujours sans heurts au grand dam des locataires des prisons à cause de l'insuffisance des crédits alloués aux 40 APD, registre de consultations médicales, 1990. 94 soins de santé. En effet, l'institution d'une allocation globale d'entretien constitue le premier handicap pour une réponse efficiente aux problèmes de santé des détenus41. Cette situation rend donc problématique le suivi médical des pensionnaires aussi bien pour le pénitencier de Dschang que pour celui de Mantoum. Les autorités pénitentiaires camerounaises reconnaissent elles-mêmes ces défaillances car, Dans la pratique de la répartition de l'enveloppe globale, la part revenue à la santé relève jusqu'à présent du bon vouloir des régisseurs qui, dans la plupart des cas, relèguent au second plan la santé en voulant privilégier l'alimentation ; dans cette situation de l'arbitraire les proportions sont souvent de l'ordre de 1/10 au détriment de la santé42. De ces propos, nous ne pouvons tirer qu'une une leçon : La santé des détenus bien que régie par les textes réglementaires est reléguée au second plan par les responsables pénitentiaires. Ainsi, le détenu qui est déjà meurtri dans sa chair par l'emprisonnement et ses corollaires subit un second choc qui est le peu de considération accordée à sa santé. Les restrictions budgétaires, dans leur diversité expliquent le peu d'enthousiasme accordé à la santé des détenus. L'infirmier chef de la prison principale de Dschang déclarait dans un constat d'impuissance : "Les moyens alloués s'avèrent insuffisants pour faire face aux problèmes de santé parfois complexes. De plus, le fait que le crédit dédié à la santé soit soumis à la procédure du bon d'engagement - impôts et taxes diverses - en réduit encore le montant"43. Cette affirmation vient confirmer davantage le principe de l'insuffisance des moyens financiers pour résoudre efficacement les problèmes de santé des détenus. Pour le régisseur, le budget de la prison ne permet pas de s'occuper 41 Michel Woumlack et Ibrahim Njoya, entretien du 17.08.2009 à Mantoum. 42 Delphin Zono Nga Onana, "Evaluation de l'effectivité des droits de l'homme et de la sécurité en milieu carcéral", in séminaire national des responsables des établissements pénitentiaires, Palais des Congrès 20, 21 et 22 octobre 2003, pp56-57. 43 Isaac Piedjo, entretien du 03.09.2009 à Dschang 95 rationnellement de la santé des pensionnaires, situation qui empire avec des prélèvements d'impôts et autres taxes. Sur un tout autre plan, quand on sait que l'allocation moyenne d'entretien par détenu en elle-même se situe en deçà du seuil tolérable, il y a lieu tout simplement de s'apitoyer du sort réservé à la santé des pensionnaires. A ceci s'ajoute un déficit chronique de couverture sanitaire. B. Le déficit en matière de couverture sanitaireLa couverture sanitaire qui est l'équilibre constant entre le personnel soignant, le nombre de malades et les infrastructures constitue en elle-même un autre handicap dans le suivi médical des détenus des prisons de Dschang et de Mantoum. En effet, l'effectif du personnel soignant est en - deçà des normes requises. Il est évident qu'un tel effectif44 ne saurait assurer un meilleur encadrement sanitaire de la population carcérale des deux pénitenciers, la priorité étant accordée aux prisons de grande importance45. Ceci dit, la prison de Dschang bénéficiait en 1983 des services de trois infirmiers46 alors que la population carcérale était estimée à 322 personnes. La population carcérale du pénitencier de Mantoum en 1978 était estimée à 490 personnes pour un seul infirmier, du nom de M. Benoît Essougou47. En 1990, le personnel soignant n'a pas augmenté ; il est toujours d'un seul infirmier pour une population carcérale 44 Au moment de nos enquêtes sur le terrain, les deux prisons disposent chacun d'un infirmier et le plus souvent, c'est un détenu qui assiste ce dernier dans son travail. 45 Il s'agit dans le cas d'espèce des prisons centrales d'orientation ou de sélection créées par le décret n°73/774 du 11 décembre 1973 portant régime pénitentiaire au Cameroun. Aux termes de l'article 3 de ce décret, les prisons centrales ou d'orientation sont implantées aux chefs-lieux de province et reçoivent : les personnes condamnées à des peines d'emprisonnement dont la durée excède un an, avant orientation dans des prisons appropriées après une période d'observation. Tous les mineurs de moins de 18 ans condamnés par les tribunaux ou placés dans un centre de rééducation pour observation et orientation. Les personnes condamnées à de courtes peines par les juridictions de la province. La réforme pénitentiaire de 1992 fera d'elles des prisons centrales -confère article 9 alinéa 1. Mais, par arrêté n°0230 - A- MINAT-DAPEN-SEP du 4 juin 1992, les prisons centrales sont implantées dans les chefs-lieux de province et en plus des catégories pénales citées plus haut, elles reçoivent aussi les évacués sanitaires qui ne peuvent recevoir un traitement approprié dans les ressorts administratifs de leurs prisons d'incarcération. 46 Fabien Tsafack, détenu, entretien du 03.02.2010 à la PPD. 47 APM, registre de Main courante, 1978. 96 de 320 personnes. L'infirmier de l'époque, le sieur Gilbert Djami faisait beaucoup plus face à des problèmes de santé relatifs au paludisme, aux coliques et aux dermatoses diverses. D'ailleurs, il est fait état de son intervention rapide qui a pu sauver in extremis le détenu Gaston Koumétio souffrant d'un paludisme chronique qui le mettait souvent dans un état de convulsion prononcé48. Dans la prison de Dschang en 1990, un seul infirmier - major des prisons, le Sieur Isaac Piedjo- s'occupait seul des ennuis de santé de la population carcérale de 318 personnes. C'est grâce à son professionnalisme que le détenu Daniel Fopa a été sauvé d'une crise mentale. Il a été évacué à l'hôpital central et annexe Jamot de Yaoundé en Janvier 199049. Le registre de consultations médicales de la même année ressort d'ailleurs qu'il "y a lieu de souligner le retour dans notre établissement du détenu Daniel Fopa, lequel était transféré...pour troubles psychiques. Ajoutons pour s'en réjouir l'absence jusqu'ici de signes symptomatiques faisant penser à la rechute éventuelle du patient50" Sous le prisme des considérations supplémentaires dont doivent bénéficier les détenus malades, le personnel médical des deux prisons est très insuffisant pour encadrer efficacement la population carcérale toujours nombreuse. Malgré cette insuffisance, il s'atèle néanmoins à assurer le droit à la santé de cette population. Les exemples cités plus haut illustrent à suffisance cette vision des choses. Cette couverture sanitaire somme toute insuffisante est une véritable entorse qui apparaît comme du plomb logé dans les ailes de l'administration pénitentiaire camerounaise et plus particulièrement des prisons de Dschang et de Mantoum. Combinée au régime alimentaire médiocre, aux conditions de couchage sans cesse mauvaises et à une hygiène approximative, l'insuffisance de la couverture sanitaire est à l'origine de nombreuses maladies 48 APM, registre de Main courante, 1990. 49 APD, registre de consultations médicales, 1990 50 Ibid. 97 qui entraînent d'innombrables décès dans la population carcérale des deux prisons. C. Les décèsL'univers carcéral quel que soit le régime appliqué, génère non seulement des maladies, mais aussi des décès qui apparaissent comme un révélateur de l'impuissance et un malaise des autorités pénitentiaires face à ce drame tragique51. Dans l'ensemble, les décès sont causés par la permanence des pathologies liées à l'environnement carcéral. A la prison de Dschang, les risques de maladies provoqués par le froid intense de la saison de pluie se trouvaient accrus par l'absence quasi-permanente de lits, et quand bien même il y en avait, la literie faisait défaut. Les détenus s'entassaient sur des lits en bambou et ceux qui ne trouvaient pas de place dormaient à même le sol52. On comprend dès lors qu'une telle situation conjuguée avec une alimentation insuffisante en quantité et en qualité débouche sur des maladies dont les unes soient aussi meurtrières que les autres. Aussi, les méthodes élémentaires d'hygiène appliquées de manière approximative et le trop plein des cellules ne pouvaient que contribuer à créer un terrain propice aux maladies- Les épidémies carcérales de gale de 1976 et de diarrhée de 1984 en sont des preuves évocatrices- diverses parmi lesquelles la diarrhée, le paludisme et la pneumonie. Outre la diarrhée et le paludisme, la santé des détenus à Dschang était menacée en permanence par d'autres maladies telles que les infections gonococciques, la hernie, la bilharziose intestinale et de nombreuses maladies hautement contagieuses. Le tableau ci-dessous donne une vue panoramique des décès enregistrés à la prison de Dschang pour les années dont nous avons retrouvé les données. 51 Alioum : "Les prisons au ...", 2006, p.168. 52 Entretien avec Martin Djoufack, 67 ans, détenu, PPD, 03.02.2010. De nos jours, l'inflation carcérale garde les détenus dans ce même état. 98 Tableau n°8 : Prison de Dschang : Origines des décès des détenus de 1974 à 1990.
Source : Compilation faite à partir des données contenues dans les registres de consultations médicales et d'écrou de la prison de Dschang pour les années suivantes : 1974, 1976, 1980, 1982, 1983, 1984, 1990. Mis à part les années dont nous n'avons pu retrouver les données, la prison de Dschang enregistre entre 1974 et 1990, 48 décès parmi les détenus ; ce qui donne une moyenne annuelle de 6, 85 décès. 12 de ces décès, soit 25 % sont causés par la diarrhée. Le paludisme et la pneumonie sont aussi responsables respectivement de la mort de 09 et 07 détenus au cours de ces années indiquées. Nous ne négligeons par les maladies sexuellement transmissibles qui figurent pour 8, 33% dans la colonne des causes ayant provoqué la mort des pensionnaires. Les taux de décès les plus élevés se recensent en 1976, 1982 et 1984. Les années 1974, 1983 et 1990 occupent respectivement la quatrième, la cinquième et la sixième position de ce macabre palmarès. La prison de Mantoum quant à elle présente les mêmes types de pathologies qui ont conduit au décès d'un grand nombre de ses pensionnaires. A 99 la différence du pénitencier de Dschang, certaines pathologies, à l'instar des hémorroïdes, de l'hypertension artérielle et de la gastro-entérite y sont particulières, car elles ne relèvent pas directement des mauvaises conditions de détention. D'autres par contre sont intimement liées à la précarité des conditions de vie et leur prévalence est source de nombreux décès survenus dans la prison. Le tableau ci-après présentant l'état des décès dans cette prison de 1976 à 1992 illustre à suffisance nos propos. Tableau n°9 : Prison de Mantoum : pathologies ayant causé les décès des détenus de 1976 à 1992.
Source : Compilation faite à partir des données contenues dans les registres de consultations médicales, de main courante et d'écrou de la prison de Mantoum pour les années suivantes : 1976, 1977, 1978, 1982, 1984, 1987, 1988, 1990, 1992. Une observation attentive du tableau qui précède montre que de 1976 à 1992, la prison de Mantoum a enregistré 75 décès parmi la population carcérale. Il se dégage donc une moyenne annuelle de 8, 33 % décès dont 11 et 10 sont 100 causés respectivement par la diarrhée et le paludisme. Ces deux pathologies sont liées aux conditions d'hygiène et de couchage somme toute médiocres. Les années 1987, 1988 et 1992 enregistrent les taux de décès les plus élevés. Au total, la crise du personnel médical conjuguée à des conditions de détention déplorables expliqueraient et justifieraient tous ces décès. De plus, la méfiance et la peur des évasions sont à mettre à l'actif des décès. En effet, "les prévenus ne peuvent bénéficier d'une consultation en dehors de la prison ou d'une évacuation sanitaire qu'après accord du procureur. Du fait des lenteurs administratives, l'autorisation arrive parfois après le décès du malade".53 En définitive, de 1960 à 1992, les prisons de Dschang et de Mantoum ont fait face à des maladies diverses auxquelles étaient exposés les détenus. Les nombreuses pathologies recensées, bien qu'ayant fait l'objet de consultations et d'hospitalisations, étaient liées à l'hygiène approximative, à la promiscuité dans les cellules, aux mauvaises conditions de couchage, à l'alimentation et à l'eau. A la prison de Mantoum par exemple, ce sont les détenus corvéables à merci qui ravitaillaient la prison en eau au cours de la décennie 1990 du fait que la prison ne disposait pas de point d'eau. La crise de l'eau a d'ailleurs fait l'objet de la correspondance N° 114/L/REG/PP/MANT du 28 décembre 1992 du régisseur Gabriel Tchamani à Monsieur le Vice premier Ministre chargé de l'Administration Territoriale à Yaoundé. Dans cette correspondance, le régisseur sollicitait un crédit spécial de renforcement du pénitencier et d'aménagement de point d'eau à hauteur de 800.000 F CFA54. Comme quoi, l'eau était une denrée rare dans l'enceinte de la prison de Mantoum. En plus des maladies de la peau comme la gale - Kotomalongo en Jargon carcéral- et celles liées au froid comme la pneumonie, l'otite et le rhume, s'ajoutent les maladies vénériennes (syphilis, blennorragie etc....) la hernie, la diarrhée et le paludisme qui témoignent du mauvais état général de la santé des pensionnaires. La dure 53 Fabien Tsafack, entretien du 03.02.2010 à la PPD. 54 APM, Correspondance n°114/L/REG/PP/MANT du 28.12.1992. 101 réalité carcérale et l'absence totale du suivi psychiatrique ont généré aussi des tentatives de suicide et la consommation des drogues pouvant induire des troubles de comportement chez les détenus. La prise en charge médicale des détenus des deux prisons, malgré l'aide constante des bonnes volontés s'est le plus souvent montrée défaillante, ce qui a conduit à l'enregistrement de nombreux décès qui symbolisent l'impuissance du système pénitentiaire au Cameroun post-colonial. Toutes ces défaillances et lacunes conjuguées aux conditions précaires de détention ne font que renforcer l'idée d'après laquelle "les prisons camerounaises sont puantes et sales. On y meurt bien souvent avant d'avoir fini de purger sa peine. On ne souhaite à personne d'y séjourner"55. Aussi, l'étude du cadre global du droit à la santé des détenus dans les prisons de Dschang et de Mantoum à travers l'etude des différentes structures des soins médicaux et le régime des inspections sanitaires renseigne sur leurs caractères communs et distinctifs. 55 RJ. Lique, in Africa International 1991, p16, cité par Krystelle Ntegomo, "les droits de l'homme dans le milieu carcéral de Dschang", Mémoire de Maîtrise en droit, Université de Dschang, 1997-1998, p.22. 102
103 Dans la classification générale des droits de l'homme, le droit à la santé appartient aux droits de la seconde génération encore appelés des droits créances, c'est-à-dire des "droits dont la réalisation est subordonnée à l'organisation des services publics par l'Etat"1. Prosaïquement, ils n'exigent pas de l'Etat une abstention mais plutôt une action et généralement une prestation2. Mais, cette vision globalement adoptée ne doit pas occulter le fait que c'est à l'individu de prendre d'abord soin de sa santé avant de faire appel à l'Etat. Tel semble être ce que doit faire le détenu des prisons de Dschang et de Mantoum de 1960 à 1992. Le cadre général de ces pénitenciers est organisé après 1960 par l'arrêté du 08 juillet 1933 et le décret du 11 décembre 1973 portant régime pénitentiaire au Cameroun et offre l'essentiel des infrastructures indispensables au droit à la santé des détenus. Dans l'ensemble, ces textes organiques prescrivent l'aménagement des structures de soins médicaux à l'usage des détenus et prévoient, parallèlement, des inspections sanitaires à divers niveaux pour assurer la santé des détenus. Faisant de la santé des détenus une préoccupation particulière, ces textes sont proches par leur esprit des règles minima relatives au traitement des détenus - objet de la résolution du Conseil Economique et Social de l'Organisation des Nations Unies du 13 Juillet 1955-. Ainsi, ce chapitre ambitionne de revisiter dans leur ensemble les structures de soins médicaux des prisons de Dschang et de Mantoum d'une part et d'autre part, le régime des inspections sanitaires au sein de ces pénitenciers. 1 Jean Rivero, Les libertés publiques, Tome 1, Paris, PUF, 1981, p.111. 2 Benjamin Boumakani, Démocratie, droits de l'Homme et Etat de droit, annales de la FSJP, Université de Dschang, Tome 1, volume 2, 1997, p.6. 104 I- LES STRUCTURES DE SOINS MEDICAUX DES PENSIONNAIRESL'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus insiste sur la nécessité, pour chaque établissement pénitentiaire, de disposer des services médicaux organisés en relation étroite avec l'administration générale du service de santé de la communauté ou de la nation3. En écho à cette convention internationale, le décret du 11 décembre 1973 prévoit l'aménagement, au sein des pénitenciers, d'une infirmerie ou d'un local, et la possibilité d'une intervention de l'autorité médicale la plus proche en ce qui concerne des soins médicaux à apporter aux détenus4. Les structures de soins médicaux indispensables à la mise en oeuvre du droit à la santé des détenus des prisons de Dschang et de Mantoum sont l'infirmerie et l'hôpital d'arrondissement ou départemental le plus proche. A. L'infirmerie des deux prisonsPremière structure aménagée pour offrir des soins médicaux aux pensionnaires, l'infirmerie de la prison de Dschang n'a pas suivi la même trajectoire historique que celle de Mantoum. La première est créée pour répondre aux objectifs du projet colonial et la seconde pour résoudre les problèmes relatifs aux troubles de l'après indépendance. Il nous revient de présenter cette importante structure de l'administration des deux prisons en insistant sur le local, le personnel médical et le matériel des soins disponible. 1. Le local de l'infirmerieConformément aux articles 25 et 26 du décret de 1973 portant sur l'hygiène et les soins médicaux des détenus, les établissements pénitentiaires camerounais ont été dotés d'une infirmerie. A ce sujet Jacques Oberlin Mbock affirme que : 3 Règle 22 alinéa 1 de l'ERMTD 4 Article 34 du décret n°73/774 du 11 Décembre 1973. 105 Quant à la santé des détenus, outre la visite médicale systématique qui doit précéder l'incarcération, tout malade doit bénéficier gratuitement de soins et de la fourniture de spécialité pharmaceutique dont l'emploi est autorisé dans les hôpitaux publics. Les prisons camerounaises ont été dotées d'une infirmerie pourvue d'un équipement permettant de donner de menus soins et des traitements conseillés aux détenus malades. Ces infirmeries dont le fonctionnement est assuré par l'autorité médicale la plus proche ont des aides soignants comme personnel permanent depuis 19815. L'infirmerie de la prison de Dschang est incorporée au bloc de détention du pénitencier que l'on voit dès l'entrée principale tout juste en face du bureau de l'assistance sociale. Placée sous la direction d'un infirmier qui dispense quotidiennement des soins aux détenus et aux personnels malades ; elle tient sur deux mètres de large et quatre de long avec une toiture en tôles noircies par le temps. Le sol du pénitencier est cimenté dans toute sa superficie. Mais "le petit local qui n'a pas de plafond est tellement étroit qu'on ne peut pas y hospitaliser un malade. Un simple lit aux dimensions modestes ne peut pas y trouver place"6. Cette infirmerie connaît également de sérieuses difficultés relatives à son équipement. En dehors d'une table et d'une chaise, elle manque de fauteuil, de nappe pour les soins et de plaque chauffante pour stériliser le matériel médical7. Ces difficultés ont par ailleurs été au centre des préoccupations de l'infirmier chef dans sa correspondance adressée au régisseur en date du 09 avril 1989: ...Nous ne répéterons jamais assez le manque à l'infirmerie d'un dispositif de stérilisation de nos instruments de petite chirurgie et/ou d'injection. La plaque chauffante que vous avez promis (sic) n'a jamais été donnée. Nous nous contentons jusqu'à l'heure actuelle ou (sic) on parle de plusieurs modes de transmission de porter nos objets à ébullition sur les 03 pierres dans les marmites des détenues. Cela nécessite inéluctablement notre constante disponibilité au quartier féminin durant 2 à 3 heures du temps affilés. Les médicaments de premiers recours et le potentiel de pansement sont épuisés8... De ces propos de l'infirmier chef de la prison, il se dégage trois observations : 5 Mbock, "La prison...", 1987, p.162. 6 Entretien avec Jean Teumo, 60 ans, planteur incarcéré en 1986, PPD, le 04.01.2010. 7 APPD, registre de consultation et statistiques des détenus malades, 1988-1991, P5 8 Ibid, p10. 106 D'abord le local réservé à l'infirmerie est inapproprié à cause de son étroitesse, ce qui suppose que l'établissement répond très peu à l'exigence de l'article 34 du décret du 11 décembre 1973 ; Ensuite, à cette carence infrastructurelle vient se greffer le manque criard de matériels de soins médicaux ; ce qui entraîne le recours aux techniques hygiéniques peu recommandables. Sinon comment peut-on stériliser des instruments médicaux dans une marmite destinée à d'autres usages ? Enfin, le manque de médicaments met en péril la santé des détenus et paralyse l'action même du personnel soignant. Or, pour prodiguer des soins de santé aux détenus, il est nécessaire de disposer des médicaments en adéquation avec les types de pathologies traités. Cette situation a perduré dans le temps et donne l'impression que la prison de Dschang semble violer le droit à la santé des détenus. Situation déplorable à travers les propos suivants de l'infirmier major, le Sieur Isaac Piedjo, qui, dans son rapport mensuel de consultation médicale adressée au régisseur en date du 1er février 1990, souligne que : Quant à nos moyens d'intervention, ils sont pour le moins dérisoire...la stérilisation du matériel d'injection constitue également une illusion doublée d'un danger certain. Notre bureau revêt toute la souillure des pansements. A la longue, cela indisposera les usagers et partant abîmera à coup sûr le matériel de l'état (sic)9. L'infirmerie de la prison de Mantoum n'a pas la même configuration que celle de Dschang. Construite pour des raisons déjà évoquées plus haut, l'infirmerie du pénitencier de Mantoum est également incorporée dans le bloc de détention. Elle s'ouvre à cet effet sur la grande cour près du stade de football aux dimensions respectant les normes internationales. C'est une salle aux grandes dimensions dotée d'un réfrigérateur qui servait à garder les doses de vaccin 9 APPD, registre de consultation médicale ; 1989-1992, p.14. 107 destinées aux assignés ou internés administratifs10. Elle dispose également d'un bureau et d'une salle d'hospitalisation équipée de plusieurs lits métalliques. Elle tient sur 10 mètres de large et 12 mètres de long avec une charpente métallique qui a des effets dissuasifs11. Dans l'ensemble, le dispositif de ce local explique son caractère premier de centre d'internement administratif dont l'objectif était de réformer et modifier le comportement des citoyens à la moralité douteuse12. Cette infirmerie a un rôle fondamental : celui de satisfaire les besoins sanitaires primaires de ses pensionnaires. "Malheureusement, cette infirmerie manque de personnels qualifiés et de médicaments...Les malades sont négligés. Et le plus souvent, ceux qui se déclarent malades sont soupçonnés de simulation par l'administration"13. C'est dans cette enceinte qu'officie le personnel médical. 2. Le personnel médicalC'est un acteur clé de la prison, car de l'efficacité de son travail dépendent la vie ou la mort des détenus. Chaque prison doit avoir à sa disposition un personnel médical en nombre suffisant pour répondre aux besoins de la population carcérale. Il s'agit donc pour le médecin de la prison de "surveiller la santé physique et mentale des détenus"14. La prison de Dschang depuis 1960 a toujours eu un personnel médical insuffisant, et de surcroît pas du tout qualifié pour un suivi médical rassurant des détenus malades. Mais ce personnel s'occupait à sa manière des détenus malades15. Les propos suivants de Gabriel Tsafack, ancien pensionnaire au cours de la décennie 1960 en sont évocateurs : 10 Ce sont des personnes retenues pour "faits de subversion", donc faute de charges suffisantes justifiant une procédure judiciaire. De nombreux camerounais étaient assignés à résidence surveillée dans des CRC-Mantoum, Tcholliré et autres - au cours de la décennie 1960. 11 Ibrahim Njoya, 48 ans, Mantoum, 17.08.2009 12 Ibid 13 Ngbayou, "Le centre de...", 2004-2005, p.29. 14 Règle 25 alinéa 1 de l'ERMTD. 15 Entretien avec Jean Pierre Kenfack, 67 ans, ex-détenu, Fongo-Tongo, 20.12.2009. 108 Il faut comprendre qu'il y a la prison en prison. On m'avait arrêté parce qu'on disait que j'étais un maquisard et étais parmi ceux qui refusaient de respecter les lois du gouvernement d'Ahidjo. J'étais blessé au pied et ma blessure s'infectait. Nous étions nombreux et l'aide-soignant de la prison recevait plus de cinquante personnes pour panser les blessures. Fatigué le plus souvent, il versait juste une petite quantité de mercurochrome et passait au suivant. Nous étions comme des animaux dans des enclos. Pourtant si la prison avait deux ou trois infirmiers beaucoup de camarades allaient être sauvés de cet enfer.16 On comprend dès lors que le personnel médical de l'infirmerie de la prison de Dschang a toujours été insuffisant par rapport à l'effectif de la population carcérale. Pour Isaac Piedjo, le déficit en matière de couverture sanitaire s'explique par des contraintes budgétaires. Une telle situation est appelée à se généraliser à toutes les prisons du territoire et perdure encore17. De toute façon, il est évident qu'un tel effectif ne saurait assurer un meilleur encadrement sanitaire à l'ensemble de la population carcérale, car la priorité étant en grande partie accordée aux prisons de grande importance depuis près de quatre décennies18. A l'opposé, la prison de Mantoum de l'époque du C.R.C était placée sous la tutelle de la présidence de la République19 et bénéficiait à cet effet de la plus grande attention du régime. Bien que l'infirmerie manquait de personnel qualifié, "ce n'est pas n'importe qui y assumait les fonctions de l'infirmier : il fallait être à l'origine un homme discret et réservé, avoir une formation d'infirmier breveté complétée par un stage au CNFRAP20 de Buéa"21. Cette 16 Entretien avec Gabriel Tsafack, 89 ans, ex-détenu, Foréké, 19.12.2009. 17 Isaac Piedjo, 50 ans, infirmier des prisons, Dschang, 06.09.2009. 18 Ibid. 19 Ngbayou, "Le centre de...", 2004-2005, p.64. 20 Signifie Centre National de Formation et Recyclage pour le personnel d'Encadrement de l'Administration pénitentiaire. Crée par décret n°73/307 du 21.06.1973, il a pour vocation de former le personnel de l'administration pénitentiaire. Il a été remplacé par l'ENAP (Ecole Nationale de l'Administration Pénitentiaire) créée par décret présidentiel du 03 Avril 1992. 21 Mama Ndam, 67 ans, ex-gardien du CRC de Mantoum, Mantoum, 25.08.2009. 109 vision ne cadre pas toujours avec la réalité, car le plus souvent, l'infirmier était un détenu qui avait des connaissances rudimentaires en soins primaires et que la routine rendait apte à offrir des soins à ses camarades co-détenus22. De toutes les manières, après 1975, c'est un gardien de prison spécialisé en soins infirmiers qui tient l'infirmerie de la prison de Mantoum. Mais le contexte socio-économique de la décennie 1980 lié à la récession économique a provoqué une dégradation de la situation sanitaire au Cameroun et l'Etat est devenu incapable de soutenir les charges sociales. Les prisons en ont pris un sérieux coup et le pénitencier de Mantoum n'y échappe pas, car le personnel médical vieillissant allait à la retraite sans remplacement23. Bref, le personnel médical bien qu'existant est insuffisant pour offrir des soins adéquats à toute la population carcérale. Malgré cet état de choses, l'infirmerie de la prison de Dschang tout comme celle de Mantoum disposent d'un matériel en soins infirmiers pour les besoins sanitaires des détenus. 3. Le matériel des soins des détenusLe matériel de soins est un adjuvant capital dans le maintien de la santé des détenus. Ce matériel, que ce soit au pénitencier de Dschang ou de Mantoum, peut être classé en trois groupes : En premier lieu, on a le registre d'identification des détenus qui viennent à l'infirmerie pour des consultations et des soins divers. Une fiche médicale leur est par ailleurs consacrée. Mais ils ont l'obligation de disposer d'un carnet médical qui retrace l'historique de leur maladie et le profil des soins administrés. Ensuite viennent pour le cas de la prison de Dschang divers instruments techniques à l'instar d'une table faisant office de bureau de l'infirmier, des pinces et des ciseaux pour le pansement de diverses blessures contractés par les pensionnaires, un tensiomètre pour prendre la tension des détenus malades, une 22 Martin Messing, 70 ans, ancien assigné du CRC de Mantoum, Yaoundé, 21.04.2010. 23 Ibid. Source : Journal en quantité et en valeur des sorties et des entrées, CRC de Mantoum. ,1973-1974 110 sonde pour le nettoyage des plaies profondes et un brancard. La prison de Mantoum dispose quant à elle d'un microscope électronique, de nombreux lits qui servent à l'hospitalisation des assignés, d'un réfrigérateur servant à stocker des doses de vaccin, de nombreuses tables, de bancs d'attente et de nombreux instruments de petite chirurgie. Enfin, les deux prisons disposent chacune en ce qui la concerne d'une micro pharmacie approvisionnée avec le budget de la prison. Mais, le ratio dégage que la pharmacie du CRC de Mantoum était plus fournie en divers produits de première nécessité et variés que celle de Dschang qui demeure un centre de détention des détenus de droit commun. La nomenclature des médicaments disponibles dans les deux infirmeries fournit un éclairage utile sur les maladies des pensionnaires. Les deux tableaux suivants illustrent clairement notre affirmation. Tableau n°10 : Rubrique entretien et soins des assignés du CRC de Mantoum en 1973.
111 Tableau n°11 : Stock pharmacie de la PPD en 1989.
Source : Registre de consultations et statistiques des détenus malades, PPD, 1989. A la lecture de ces deux tableaux, deux constats se dégagent : Au CRC de Mantoum, la variété des médicaments montre que les assignés souffraient de plusieurs maladies à l'instar de la carence de vitamine, le paludisme, les parasites intestinaux, le mal des yeux et les plaies diverses. D'ailleurs, "en avril 1973, quatorze assignés souffrant de nombreuses infections oculaires étaient transférés sur Douala pour y subir un traitement. Quatre sont 112 revenus presque aveugles"24. Bref, au CRC de Mantoum, "les maladies les plus répandues sont le paludisme, les coliques ou maux de ventre, les palpitations et les hémorroïdes"25. Adamou Yap, fournisseur de pain au CRC de Mantoum de 1963 à 1975 souligne que "plusieurs assignés souffraient du paludisme et des coliques. C'est le cas de Bélibi Ottou qui eut la vie sauve grâce à l'intervention énergique du tout premier infirmier chef du centre, le nommé Moïse, originaire du Mbam en 1970"26. A la prison de Dschang, le listing des médicaments ci-dessus montre que les plaies, les infections microbiennes, le paludisme, les maladies de la peau et hydriques sont les affections les plus courantes. Il faut noter cependant que les malades les plus sérieusement atteints bénéficiaient d'une évacuation sur l'hôpital départemental de la Menoua où un pavillon spécial leur était réservé. Mais, la santé générale des détenues de cette prison prit un sérieux coup et s'en ressentit gravement en 1990. Dans son rapport mensuel de consultations médicales adressé à Monsieur le régisseur en date du 05 mars 1990, l'infirmier chef major de la prison déclare : Aussi à titre d'information, nous signalons le manque de médicaments de première nécessité dans notre pharmacie d'approvisionnement. Pour preuve, le reliquat de notre commande de l'an dernier demeure non servi. Et comme cela ne suffisait pas, la trésorière s'en est mêlée. La conséquence immédiate en est que la pharmacie est plus ou moins régulièrement fermée pour défaut d'impôts27. A l'observation, la pharmacie ne joue pas son rôle de pourvoyeuse de médicaments destinés aux soins des détenus. Les restrictions budgétaires constituent le premier handicap pour une réponse efficiente aux problèmes de santé. Quand on sait que l'allocation moyenne d'entretien par détenu en elle-même se situe en - deçà du seuil tolérable, il y a lieu tout simplement de s'apitoyer du sort réservé à la santé. 24 Sylvestre Fogouoh, 71 ans, ex-assigné du CRC de Mantoum, Foumbot, 14.07.2009. 25 Ngbayou, "Le centre de...", 2004-2005, p.29. 26 Adamou Yap, 80 ans environ, ouvrier au chantier de construction et fournisseur du pain local au CRC de Mantoum de 1963 à 1974, Mantoum, 26.08.2009. 27 Registre de consultations médicales, PPD, 1990, p6. 113 Globalement, les deux infirmeries présentent néanmoins quelques manquements relatifs aux matériels de soins sans oublier l'insuffisance criarde du personnel médical. Les normes internationales exposées dans l'ERMTD exigent que chaque établissement pénitentiaire puisse disposer des services "d'un médecin qualifié qui devra avoir des connaissances en psychiatrie"28. Avec un personnel insuffisant, les prisons de Dschang et de Mantoum sont loin de cet objectif. Fort heureusement, les hôpitaux départementaux de Dschang et de Foumban (relais avec l'hôpital de Malentouen) selon l'esprit du texte organique de 1973 interviennent au côté de l'infirmerie de la prison. B. La contribution des hôpitaux départementauxLes infirmiers de la prison de Dschang et celui du CRC de Mantoum travaillent en étroite collaboration avec les responsables des hôpitaux départementaux de Dschang et de Foumban. Le CRC de Mantoum a cette particularité de bénéficier aussi du soutien de l'hôpital d'arrondissement de Malentouen. Les deux hôpitaux départementaux dispensent au quotidien des soins généraux aux malades ordinaires ainsi qu'aux détenus. Elles ont pour vocation d'intervenir auprès de l'administration publique départementale pour tout ce qui concerne la santé publique. Le décret du 11 décembre 1973 portant régime pénitentiaire au Cameroun indique que le "fonctionnement de l'infirmerie est assuré par l'autorité médicale la plus proche"29. L'allusion de cette disposition montre qu'au niveau des départements de la Menoua et du Noun, c'est l'hôpital du département qui abrite l'autorité médicale la plus proche. Mais, à la prison de Mantoum, c'est l'hôpital d'arrondissement de Malantouen qui est censé jouer le rôle de la structure médicale la plus proche. A cet égard, l'hôpital départemental de Dschang et l'hôpital d'arrondissement de Malantouen sont les plus sollicités en matière de 28 Règle 22 alinéa 1 de l'ERMTD. 29 Article 34 du décret du 11 décembre 1973. 114 santé des détenus. L'intervention de l'hôpital départemental de Dschang et d'arrondissement de Malantouen au sujet de la santé des détenus prend le relais de l'infirmerie des pénitenciers de Dschang et de Mantoum. Les infirmeries de la prison de Dschang et de Mantoum s'occupent en premier lieu de la santé des détenus. Ce sont elles qui posent le diagnostic de la maladie, prescrivent les médicaments et décident si le cas mérite d'être porté à la connaissance de l'hôpital départemental ou d'arrondissement30. Dans l'ensemble, cette intervention se justifie à trois principaux niveaux : les consultations médicales, les examens médicaux et les cas de maladies sérieuses dépassant la compétence de l'infirmier. 1. Les consultations médicales des détenusElles sont décidées par l'infirmier-chef et en fonction de l'état de développement de la maladie du détenu. Ce dernier est conduit à l'hôpital le plus proche sous bonne escorte pour être consulté par le médecin. Au cours de nos recherches sur la prison de Mantoum, nous avons remarqué qu'en 1973, de nombreux pensionnaires souffrant de coliques et de mal de dent ont été consultés par le médecin de l'hôpital de Malantouen31. D'autres ont par ailleurs été consultés pour des infections beaucoup plus sérieuses en 1984. C'est le cas du détenu Liyoufemou Joseph admis en consultation le 28 août 1984 car "depuis deux jours, il ne fait pas pipi et lorsqu'il tousse, ses crachats sont teintés de sang"32. Dans la prison de Dschang, les consultations médicales opérées en 1976, concernaient des affections comme les vers intestinaux, la diarrhée, le paludisme et les infections gonococciques. Mais le cas le plus effarant fut celui du détenu 30 Isaac Piedjo, 50 ans, infirmier des prisons, Dschang, 06.0.2009. Les propos d'Ibrahim Njoya du pénitencier de Mantoum vont dans le même sens. 31 Registre de consultations médicales, infirmerie, CRC de Mantoum, 1970. 32 Registre de main courante, prison, de production de Mantoum, 1984, p221 115 Jean Noudem qui souffrait " d'une énorme hernie. Hospitalisé depuis une semaine, il a été ramené à la prison où il n'a reçu aucun soin"33. Aussi, importe-t-il de signaler que nous ne pouvons évoquer tous les cas de consultations admises dans les hôpitaux départementaux. Il convient de noter que le médecin consultant peut, en cas de besoin, exiger des détenus des examens médicaux. 2. Les examens médicaux des détenusIls sont dans l'ensemble prescrits par le médecin traitant ou par l'infirmier de la prison. Ils concernent des examens de sang, d'urines et de selles. Dans la prison de Dschang, ils étaient uniquement effectués au laboratoire d'analyses médicales de l'hôpital départemental pour la simple raison que le pénitencier ne disposait pas d'une telle structure sanitaire. A l'opposé, le CRC de Mantoum était pourvu des nécessaires médicaux : un microscope, des réactifs divers pour les examens médicaux des détenus34. D'ailleurs, lors des enquêtes sur le terrain, nous avons pu voir l'existence d'un microscope et d'un réfrigérateur, des lits métalliques datant de l'ère du CRC qui contribuaient à assurer de manière efficiente le droit à la santé des détenus. Mais, après 1975, les examens médicaux ne se faisaient plus à l'intérieur du pénitencier, les détenus étaient désormais orientés sur Malantouen ou Foumban pour effectuer ces examens35. Notre interlocuteur justifie ce changement brusque par le fait que la détention politique n'était plus pratiquée et la taille de l'épaisseur de l'enveloppe budgétaire allouée auparavant avait diminué36. La prison perdit ainsi sa fonction originelle en devenant une prison de production placée sous la tutelle du Ministre de l'Administration territoriale. Faute de moyens matériels et financiers, la prison n'était plus en mesure de faire face aux 33 Registre de consultations médicales, prison de production de Dschang, 1976. 34 Mama Ndam, 67 ans, ex-gardien du CRC de Mantoum, Mantoum, 25.08.2009. 35 Ibid. 36 Ibid. 116 défis qui l'interpellaient à l'instar de sa capacité à pouvoir faire elle -même des examens médicaux de ses pensionnaires37. Même si les examens étaient encore effectués, ils entraient plutôt dans le cadre des formalités quotidiennes pouvant aggraver l'état de santé des pensionnaires38. Cet état des choses était en violation du principe 24 de l'ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement qui dispose que : Toute personne détenue ou emprisonnée se verra offrir un examen médical approprié dans un délai aussi bref que possible après son entrée dans le lieu de détention ou d'emprisonnement... elle bénéficiera de soins et traitements médicaux chaque fois que le besoin s'en fera sentir...39 Compte tenu de l'état de la maladie, les détenus étaient le plus souvent admis en hospitalisation à l'hôpital départemental. 3. Hospitalisation des détenusEn dehors des consultations et des examens médicaux, l'hôpital départemental de la circonscription de la prison reçoit aussi les détenus. Ainsi, compte tenu de la gravité de la maladie et de l'état des soins justifiés par les maladies, les détenus peuvent être hospitalisés dans les structures de l'hôpital départemental de la Menoua ou du Noun, voire de Njissé-Foumban-. En ce qui concerne l'hospitalisation des détenus malades des deux prisons étudiées, nous avons relevé que la politique sanitaire carcérale s'est heurtée à de nombreuses difficultés qui sont en grande partie liées à la faiblesse des ressources budgétaires. Les sources archivistiques disponibles fournissent des éléments 37 Mama Ndam, 67 ans, ex-gardien du CRC de Mantoum, Mantoum, 25.08.2009. 38 Ibid 39 Principe 24 de l'ensemble de principe pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement. Extrait de www2.ochr.org/french/ détention.htm.consulté le 08.02.2010 117 discontinus de quantification des éléments liés à la santé carcérale dans les prisons de Dschang et de Mantoum, à savoir le nombre exact de malades hospitalisés, de consultations et même de décès. De même, nous avons remarqué que les diagnostics établis restent dans l'ensemble très vagues et la gravité de l'état des malades n'est pas souvent indiquée. Il faut aussi noter l'absence de précision dans la détermination des types de pathologies traités. Toutefois, les archives consultées nous ont permis de relever que de 1960 à 1992, environ six cent vingt -620- détenus du pénitencier de Dschang ont été hospitalisés contre sept cent quatorze -714- du CRC puis de la prison de production de Mantoum de 1962 à 1992. L'hospitalisation des détenus malades est donc une réalité incontestable de l'univers carcéral camerounais. Pour une plus grande efficacité et surtout aux fins de s'assurer que le droit à la santé des détenus est assuré et respecté, les inspections médicales sont effectuées dans des locaux pénitentiaires à l'intention des détenus. II- LES VISITES ET INSPECTIONS MEDICALES DES DETENUS ET DES PRISONSElles sont réglementées par les instruments juridiques internationaux et nationaux. Les normes internationales disposent que le médecin doit faire des inspections régulières et conseiller le directeur -régisseur -en ce qui concerne l'alimentation, l'hygiène, l'habillement et la literie des pensionnaires40. En respect de cette disposition internationale, le décret du 11 décembre 1973 dispose que "le médecin chef départemental ou son suppléant est tenu d'inspecter chaque trimestre les locaux pénitentiaires. Il peut demander que lui soient présentés les détenus"41. Il ressort de ces textes organiques que les détenus et les locaux de détention sont soumis à des visites médicales et des 40 Règle 26 de l'ERMTD. 41 Article 35 du décret n°73/774 du 11 décembre 1973. 118 inspections sanitaires. De telles prescriptions valent également pour les prisons de Dschang et de Mantoum .Il s'agit à présent de scruter profondément au niveau de ces deux pénitenciers, l'inspection médicale des détenus et l'inspection sanitaire des locaux de détention. A. La visite médicale des détenusLe décret n°73/774 du 11 décembre 1973 insiste sur l'inspection médicale des détenus et précise les diverses périodes auxquelles ces inspections doivent avoir lieu. De nombreux événements dans la vie des détenus donnent droit à des inspections médicales. Le décret de 1973 conformément aux articles 33, 34 et 36 permet d'observer que les événements concernés sont au nombre de trois à savoir : l'incarcération ou l'emprisonnement, le transfèrement et les situations de maladie. 1. L'emprisonnementIl marque le premier contact avec les locaux de détention. Aux termes de l'article 33 du décret de 1973, "chaque détenu est soumis au moment de son incarcération à une visite médicale"42. A cette disposition, on peut adjoindre l'article 34 qui demande au médecin consultant l'obligation de consigner les observations relatives à l'état du malade dans un cahier spécial de visites médicales43. A la lecture de cette disposition, il apparaît clairement que la visite médicale est réservée aux détenus condamnés à des peines d'emprisonnement. A cet effet, la règle 24 de l'ERMTD renchérit que " le médecin doit examiner chaque détenu aussitôt que possible après son admission et aussi souvent que cela est nécessaire ultérieurement, particulièrement en vue de déceler l'existence possible d'une maladie physique ou mentale..."44. 42 Article 33 du décret précité. 43 Article 34 du décret du 11 décembre 1973. 44 Règle 24 de l'ERMTD. 119 A l'observation des dispositions du décret de 1973 et de la règle 24 de l'ERMTD, nous pouvons distinguer plusieurs raisons importantes pour lesquelles on doit offrir aux détenus une visite médicale à leur arrivée en prison. Tout d'abord, " elle permet d'avoir une indication sur l'état sanitaire d'un détenu et dans le cas où il est malade, de lui épargner les corvées susceptibles de menacer sa vie"45. Les autres raisons et non les moindres sont les suivantes : -Une telle visite permet au personnel médical de dépister les problèmes de santé existants et de leur apporter un traitement approprié46. - Elle permet de fournir un soutien approprié aux personnes qui peuvent souffrir des effets du manque de drogue. Cet aspect est important à plus d'un titre car "en détention, certains délinquants et criminels dépendants tentent de chercher des substances qu'ils consommaient avant même leur incarcération pour atténuer les effets de l'emprisonnement"47. - Elle facilite l'identification des blessures éventuelles qui ont pu être infligées durant la détention initiale48. - Elle permet en fin de compte au personnel formé d'évaluer l'état mental des détenus et de fournir un soutien approprié à ceux qui risquent de s'automutiler49. Toutefois, la visite médicale au moment de l'incarcération ne s'effectuait pas le plus souvent dans les prisons de Dschang et de Mantoum. Ainsi, au cours de la décennie 1960, aucun détenu n'était soumis à la visite médicale au moment de son incarcération. En effet, affirme Gabriel Tsafack, "les détenus étaient incarcérés en groupe de 20 ou 30. L'infirmier n'avait pas le temps de les consulter. Ils étaient considérés comme des maquisards et ne méritaient pas 45 Alioum, "les prisons au..." 2006, p.291. 46 Isaac Piedjo, 50 ans, infirmier des prisons, Dschang, 06.09.2009. 47 Marie Théodule Beng Elingui, "l'administration pénitentiaire : Toxicomanie et troubles du comportement en milieu carcéral", Justitia, n°002 de Juin 2008, p.49. 48 Coyle, Gérer les prisons...", 2002, p.52. 49 Ibid. 120 d'attention"50. Le contexte de l'époque semble expliquer ce choix car c'est dans un environnement de troubles politiques après 1960 dans la Région Bamiléké que de nombreuses personnes furent incarcérées et dans une telle atmosphère délétère, la visite médicale n'était pas envisagée. Notre interlocuteur réaffirme que sa toute première visite médicale fut faite après sept mois de détention lorsqu'il souffrait des problèmes oculaires et digestifs. Comme quoi, les textes règlementant l'univers carcéral en matière de visite médicale préalable à l'incarcération étaient ignorés. Mais, il convient de dire que même si ces visites étaient effectuées, elles étaient pour la plupart des cas bien rares51. Ces allégations épousent aussi celles d'Adamou Yap du pénitencier de Mantoum : Le plus souvent, les assignés parlaient de visites médicales qui n'étaient pas faites au moment de leur incarcération. Bien que l'infirmerie du CRC était bien dotée en matériel, les assignés étaient consultés rien qu'en cas de maladie et au moment de leur évacuation pour hospitalisation à l'hôpital protestant de Njissé ou départemental de Foumban52. Ceci peut s'expliquer par le fait que la problématique dominante de l'époque demeurait la question de mettre hors d'état de nuire des adversaires politiques supposés ou réels du pouvoir en place53. Néanmoins, l'inspection médicale des détenus pouvait aussi s'opérer avant leur transfèrement. 2. Le transfèrementDans le but de mettre en oeuvre les différentes politiques pénitentiaires, le transfèrement peut être envisagé. Il intervient dans le cadre du désengorgement des prisons surpeuplées et de l'approvisionnement en main d'oeuvre pénale des prisons moins nanties en détenus. Mais, il peut aussi intervenir en cas de maladies des pensionnaires. C'est pourquoi, "pour les malades qui ont besoin de 50 Gabriel Tsafack, 89 ans, ex-détenu, Foréké, 19.12.2009. 51 Ibid 52 Adamou Yap, 80 ans environ, fournisseur de pain local et ouvrier au chantier de construction du CRC, entretien du 28.08.2009 à Mantoum 53 Souligné par nous. 121 soins médicaux, il faut prévoir le transfèrement vers des établissements pénitentiaires spécialisés ou vers des hôpitaux civils"54. Les normes onusiennes indiquent quant à elles que lors des transfèrements, les détenus ne doivent faire l'objet ni d'une quelconque curiosité, ni de publicité et encore moins recevoir des insultes de la part du public55. Avant le transfert d'un détenu d'une prison à l'autre, l'article 36 du décret du 11 décembre 1973 stipule que "le régisseur peut le soumettre à une visite médicale. Le certificat de visite médicale fait alors partie du dossier qui l'accompagne"56. Dans un autre registre, il peut s'écouler un temps relativement long depuis l'incarcération d'un détenu justifiant que celui-ci soit à nouveau soumis à une visite médicale préalable à son transfert dans un autre pénitencier. A la différence de la visite médicale au moment de l'incarcération qui est obligatoire et recommandée par les textes nationaux et internationaux, celle qui intervient avant le transfèrement d'un détenu est soumis aux caprices du régisseur. Il peut décider ou non de soumettre le détenu à ce rituel. De toutes les façons, il serait souhaitable que tout détenu en cours de transfèrement soit obligatoirement soumis à une visite médicale de peur de contaminer le cas échéant la population carcérale qui l'accueille s'il est infecté d'une maladie contagieuse. En fait, les détenus étaient transférés d'une prison à une autre sans être soumis à une visite médicale.Tel semble être le cas du détenu Fabien Tsafack de la prison de Dschang. Incarcéré en 1982, il a connu plusieurs transfèrements sans être soumis à une quelconque visite médicale. D'abord, la prison de Bafoussam en 1986, ensuite, celle de Mantoum en 1988, Bandjoun en 1990 et enfin Dschang depuis 199157. C'est aussi le cas d'Emmanuel Gayo, transféré de Bafoussam pour Mantoum en 1988. Emmanuel nous révèle par 54 Règle 22 alinéa 2 de l'ERMTD. 55 Règle 45 alinéa 1 de l'ERMTD 56 Article 36 du décret n°73/774 du 11 décembre 1973. 57 Fabien Tsafack, 45 ans environ, manoeuvre, PPD, 03-02-2010. 58 Emmanuel Gayo, 60 ans, ex-détenu, Mantoum, 24.08.2009. 59 Règle 25 alinéa 1 de l'ERMTD. 60 Article 34 du décret n°73/774 du 11 décembre 1973 122 ailleurs qu'il ne fut consulté par un médecin qu'en 1992 quand il souffrait des problèmes gastriques58. En général, si l'inspection médicale avant le transfèrement est soumise aux humeurs du régisseur, il va de soi qu'il n'a pas de choix lorsque le détenu en cours de transfert se trouve dans une situation telle qu'il soit nécessaire de s'assurer avant tout de son état de santé. Néanmoins, les antécédents sanitaires du détenu, perceptibles dans son dossier médical aident le régisseur à se déterminer sur son état. Tout compte fait, un détenu malade doit être soumis à une profonde visite médicale avant son transfèrement. Aussi, tout détenu est-il soumis à l'inspection médicale pendant qu'il fait la maladie. 3. Pendant la maladieParce que le détenu, en tant qu'être humain, bénéficie de tous les droits sauf le droit à la liberté, il est soumis à de visites médicales au moment de son incarcération, de même qu'au moment de son transfèrement, à plus forte raison lorsqu'il est malade. D'après la règle 25 alinéa 1 de l'ERMTD, "le médecin est chargé de surveiller la santé physique et mentale des détenus. Il doit voir chaque jour tous les détenus malades, tous ceux qui se plaignent d'être malades..."59 Cette règle onusienne fait du médecin le garant officiel de la santé des détenus au même titre que l'article 34 du décret de 1973 qui souligne que "Les détenus malades sont conduits à la visite médicale"60. Cette visite peut se dérouler à l'infirmerie de la prison ou à l'hôpital public le plus proche. Malgré ces dispositions textuelles, quelques faits relevés dans les archives dépouillés au cours de nos multiples descentes sur le terrain nous amènent à penser que les règles relatives à la visite médicale des détenus ne furent pas toujours appliquées aux pénitenciers de Dschang et de Mantoum pendant la 123 période indiquée de notre étude. Au pénitencier de Dschang en 1975 et précisément au mois de février, le chef de poste signale "la mise en cellule du prévenu Mbouna Jean...les gardiens ont constaté que ce dernier doit avoir une crise mentale et souhaitent qu'il soit conduit devant le docteur qui pourra déterminer cette inconduite"61. Mais, au mois de mai de la même année, le détenu est toujours gardé en prison alors que les normes onusiennes demandent que "les détenus atteints d'autres affections ou anomalies mentales doivent être observés et traités dans les institutions spécialisées ..."62. Concernant toujours ce détenu déséquilibré mentalement, le chef de poste descendant en date du 1er Juin 1975 se lance dans une fuite en avant en laissant les consignes suivantes au service de garde : Nous demandons aux gardiens de garde de se méfier du fou qui est en cellule disciplinaire, surtout au moment où il bavarde beaucoup. Il menace les gardiens avec les coups de dents. Lui donner régulièrement la ration. Ne pas entrer seul dans sa cellule car il est dangereux parfois...63. Malgré ces précautions, ce détenu malade mental ne fut pas interné dans une institution spécialisée comme le prévoient les textes. Il était resté en cellule sans qu'aucune visite médicale ne soit effectuée sur lui, son mal allait grandissant si bien qu'en date du 09 Juin 1975, le paroxysme était atteint. En effet et selon le chef de poste de garde André Wandoum,"...il sème le désordre dans la cellule, il a déchiré les pagnes des autres dans la chambre et boire les urines, se oindre avec les cacas"64. Plus loin encore, le chef de poste de garde du 20 juin Georges Nguti tire la sonnette d'alarme en remarquant: "I fear that he may one day kill some of the prisoners with whom he sleeps"65 61 APD, Guard Book, opened the 09.12.1974.p.42. 62 Règle 82 alinéa 2 de l'ERMTD 63 APD, Guard Book, opened the 09.12.1974, p.43. 64 Ibid, p57 65 APD, Guard Book, opened the 09.12.1974, p.62 124 L'absence de visite médicale n'est pas l'apanage unique de la prison de Dschang. Au pénitencier de Mantoum, les mêmes travers ont été constatés. C'est ainsi que lors du service de garde du 11 mars 1978, le chef de poste Désiré Mbassa souligne qu'il "s'avère que le détenu Ombassi se trouve dans un état lamentable et quand à nous hommes de garde, nous avons été obligés de rouvrir la porte centrale de la prison...pour constater les faits dans la cellule de l'intéressé, aucun traitement n'a été donné à celui-ci"66. Tout comme dans la prison de Dschang, cette situation nous montre que les détenus malades ne sont pas soumis à la visite médicale ; ils ne sont pas généralement consultés par des médecins spécialistes, alors même que la gravité de leur état de santé impose le recours à des spécialistes. N'est-il pas aussi question, à l'article 34 du décret de 1973 de "médecin consultant" ? Or, les détenus, le plus souvent, sont consultés au niveau de la prison par l'infirmier du pénitencier qui n'est pas un médecin. En dehors de la difficulté liée à la crise du personnel soignant, s'ajoute en raison de la surpopulation carcérale, l'impossibilité manifeste à assurer aux détenus des visites médicales telles que prescrites par les textes régissant l'administration pénitentiaire. Au total, le manque à la fois de médecins généralistes et spécialistes n'a pas permis à la prison de Dschang et de Mantoum d'assurer convenablement aux détenus les différentes visites médicales auxquelles ils pouvaient prétendre. Loin de s'apitoyer sur cet état des choses, les diverses législations en la matière mettent un point d'honneur sur l'inspection sanitaire des locaux de détention. B. L'inspection sanitaire des locaux de détentionLes locaux de détention occupent une place de choix dans le traitement pénitentiaire. Les inspections sanitaires des locaux de détention sont réglementées par les règles 9 à 14 et 26 alinéas 1 et 2 de l'ERMTD. Si l'on s'en tient à ces dispositions, tout ou presque serait à inspecter dans les prisons : la 66 APM . Registre de Main courante, 1978, p.400. 125 nourriture, les cellules ou chambres destinées à l'isolement, les salles de bain, la cuisine et autres. SSous l'angle sanitaire, l'inspection des locaux de la prison doit s'attacher à rechercher s'ils répondent aux exigences de l'hygiène et de salubrité, compte tenu de l'environnement et de la configuration des installations. Le décret du 11 décembre 1973 met l'accent sur l'inspection des locaux pénitentiaires et impartit au médecin chef départemental ou son suppléant l'obligation d'inspecter les locaux pénitentiaires67. A cet égard, une telle tâche au niveau de Dschang et Malantouen- plus proche de Mantoum - incombe aux autorités médicales compétentes. Epiloguer sur la question des inspections médicales revient à nous interroger sur la fourchette chronologique de celles-ci, l'élaboration des rapports d'inspection par l'autorité médicale compétente et leur incidence notable sur la santé des pensionnaires. 1. La fourchette chronologique des inspectionsL'article 35 du décret de 1973 renseigne que l'inspection sanitaire des locaux pénitentiaires a lieu "chaque trimestre". Il ressort de cette disposition qu'elle intervient quatre fois en une année. L'épaisseur considérable de cette intervention témoigne à n'en point douter de l'importance qu'elle revêt aux yeux du législateur. La multiplication des inspections sanitaires dans l'année est sans doute liée au fait qu'il est pleinement conscient des risques de dégradation des conditions d'hygiène et de salubrité dans les prisons. Cette multiplication viserait deux objectifs : Amener d'abord l'administration de la prison à humaniser dans sa totalité la vie carcérale, ensuite informer le plus tôt possible l'autorité administrative afin qu'elle puisse, dans la mesure du possible, prendre des mesures qui s'imposent pour remédier des situations de risque. A l'issue de l'inspection, le médecin chef départemental qui est l'autorité médicale territorialement compétente rédige un rapport adressé au Ministre responsable 67 Article 35 du décret n°73/774 du 11 décembre 1973. 126 de l'administration pénitentiaire dans lequel il "peut signaler toutes observations utiles sur l'hygiène et la santé des détenus". En fait, quelles sont les grandes articulations du rapport d'inspection des locaux de détention ? 2. Le rapport d'inspectionLe texte de 1973 confère à l'autorité médicale la mission d'inspection des locaux pénitentiaires. A cet effet, elle enregistre tous les faits et anomalies constatés. Etant donné que les détenus sont au centre de toute politique pénitentiaire, elle ne peut manquer de s'intéresser à eux. L'inspection des détenus ne doit en aucun cas occulter la visite médicale puisqu'elle ne saurait se substituer à cette dernière et ne peut faire un double emploi avec elle. De toutes les façons, elle est capitale pour l'accès des détenus au droit à la santé. Intervenant à la fin de la mission d'inspection, le rapport, établi par l'autorité médicale et adressé au ministre responsable de l'administration pénitentiaire, contient toutes les observations utiles sur l'hygiène de la prison et la santé des détenus. Si les rapports d'inspection médicale des locaux pénitentiaires sont dans l'ensemble adressés au ministre responsable de l'administration pénitentiaire, on ne peut affirmer que leurs contenus, le plus souvent alarmants sur la situation des pénitenciers étudiés, reçoivent toute l'attention qu'on pouvait espérer. En nous basant sur le contenu des archives disponibles, nous avons remarqué qu'à la prison de Dschang, à partir de 1986, les différents rapports d'inspection ont, de manière récurrente, attiré l'attention sur l'état de dégradation avancée des locaux de détention -prison délabrée et frappée d'obsolescence : effritement des mûrs, dégradation de la toiture, détachement des débris - de l'inconfort des lits des pensionnaires dont certains sont faits en bambous. Le rapport d'inspection de l'année 1988 enfonce le clou car "dans la cellule n° 1, il y a trente lits de bambou sur lesquels les détenus s'entassent et ceux qui ne trouvent pas de place dorment à même le sol, la toiture laisse couler 127 de l'eau en temps de pluie"68. Plus loin le rapport note : " ceux de la cellule 04 se plaignent gravement de l'alimentation. Elle est faite d'eau avec de l'huile de palme sans sel, une boule de couscous de maïs"69. Sur un tout autre plan, " la prison dispose de chambres d'hospitalisation qui, faute d'aménagement, ne sont pas fonctionnelles. C'est une situation qui perdure depuis des années malgré les rapports d'inspection qui en appellent à leur aménagement"70. Grosso modo, les rapports d'inspection médicale stigmatisent la vétusté des locaux du pénitencier de Dschang qui ne répondent plus aux normes architecturales internationales surtout avec l'inflation carcérale, source de nombreux problèmes de santé des pensionnaires. Il convient de préciser ici que l'absence des sources concernant la prison de Mantoum n'a pas pu faire prospérer nos analyses sur cet aspect, mais l'exploitation peu rationnelle des rapports d'inspection est à l'origine de la récurrence des problèmes de santé des détenus aussi bien à la prison de Dschang qu'à celle de Mantoum. 3. La récurrence des problèmes sanitaires des pensionnairesLes inspections médicales des prisons ont un objectif. Celui de voir l'état général des locaux de détention afin de faire des suggestions d'amélioration sur des aspects hygiéniques et de la vie sanitaires des détenus. Malgré les observations critiques relevées par les différents rapports, le commun des pensionnaires se rend très vite à l'évidence que les problèmes de santé persistent. Ainsi, du fait des mauvaises conditions hygiéniques, la quasi-totalité des détenus du pénitencier de Dschang est menacée et souffre de maladie. En effet " le matériel de couchage existe, mais la quantité est réduite, la plupart des lits a servi à plusieurs génération de détenus. Ils ne sont pas désinfectés avant toute nouvelle utilisation d'où la présence permanente de puces, punaises et 68 APD, rapport d'inspection médicale, 1988. 69 Ibid. 70 Pierre Kuené, 50 ans, infirmier des prisons, Dschang, 24.11.2009. 128 vermines qui donnent la gale"71. De même à la prison de Mantoum, les détenus se plaignaient le plus souvent de la présence de poux, de cafards, de la vétusté du matériel de couchage qui les prédisposaient aux affections paludéennes surtout en période de pluie72. Comme on peut le remarquer, l'axe principal des mesures sanitaires prises dans les deux prisons a consisté à soigner autant que faire se peut les malades qui se présentent à la consultation. Mais, les lourdeurs de procédures et le peu d'intérêt accordé à l'exploitation rationnelle des rapports d'inspection ont eu pour effet d'augmenter le taux de morbidité au sein de la population carcérale de sorte que les maladies mentales ont pris de l'ascendant sur les maladies physiques73. En somme pour ce chapitre, les structures des soins médicaux et le régime des inspections sanitaires des prisons - Dschang et Mantoum -sont sur le plan national définis et codifiés par le texte organique de 1973 et sur le plan international par plusieurs textes dont l'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus en constitue l'ossature. L'analyse des différentes structures de soins médicaux mises en place pour assurer le droit à la santé des pensionnaires a permis d'établir que l'infirmerie des deux prisons, quoique existante, n'arrive pas toujours à assurer ses prestations à cause du personnel médical insuffisant et de la vétusté du matériel de soins ainsi que des difficultés de son approvisionnement en médicaments de première nécessité. Malgré cet état des choses, les hôpitaux départementaux proches des deux prisons ont joué un rôle très important pour assurer au quotidien le droit à la santé des détenus, ce dernier se résumant aux consultations, aux examens médicaux et bien sûr aux 71 Martin Djoufack, 67 ans, manoeuvre, incarcéré en 1983, PPD, 03.02.2010. 72 Emmanuel Gayo, 60 ans, ex-détenu, PPM Mantoum, 24.08.2009. 73 Les archives dépouillées et les entretiens oraux permettent d'affirmer que les pathologies mentales ont pris à un moment donné de l'avance sur les pathologies physiques dans les deux prisons qui n'ont d'ailleurs pas de spécialiste en psychiatre. En dehors du cas illustratif de Jean Mbougna de la prison de Dschang, des cas similaires sont relevés à la prison de Mantoum et n'avait été la vigilance des co-détenus et du service de garde, on aurait pu enregistrer des suicides. 129 hospitalisations en cas de gravité de l'état sanitaire des pensionnaires. L'hôpital départemental ou central de Foumban, protestant de Njissé et d'arrondissement de Malantouen recevaient pour le cas d'espèce les malades du CRC puis de la prison de production de Mantoum tandis que leur homologue de Dschang en faisait de même pour les détenus malades du pénitencier de Dschang. Dans les deux prisons, les inspections médicales ont souvent été rarement effectuées en conformité avec les textes en vigueur, de même la négligence de leur contenu par les différents acteurs de la chaîne pénitentiaire et les solutions de fortune envisagées n'ont pas permis de freiner la propagation des maladies en milieu carcéral. Il convient aussi de noter que les pathologies les plus fréquentes résultent globalement des conditions de détention dans l'ensemble mauvaises. 130 CONCLUSION GENERALE131 Au terme de notre analyse, il convient de souligner qu'en intitulant notre étude : "Les pouvoirs publics camerounais et la santé des détenus : le cas des prisons de Dschang et de Mantoum, 1960 - 1992", nous avons voulu jeter un regard critique sur les prisons camerounaises en général et celles de Dschang et da Mantoum en particulier. Pour mener à bien notre analyse et apporter des réponses à notre problématique, une présentation claire desdites prisons a été faite dans le premier chapitre de notre étude. Ainsi, il ressort de l'exploitation des données et des analyses effectués que ce sont les enjeux de sécurité publique et le souci d'obtention de la main d'oeuvre pour une exploitation rationnelle de la colonie que les Français érigèrent le fortin allemand de Dschang en centre de détention en 1927. Située près des postes administratifs de la localité, la prison de Dschang permettait aux autorités d'exercer un contrôle plus direct sur les détenus en disposant à tout moment d'une main d'oeuvre gratuite. Elle a par ailleurs connu une double dénomination : D'abord, la prison civile de Dschang de 1927 à 1973, date de la toute première réforme pénitentiaire du Cameroun indépendant. Ensuite, la prison de production de Dschang de 1973 à 1992, date de la deuxième réforme pénitentiaire du Cameroun. Quant à la prison de Mantoum, elle fut créée dans des circonstances particulières. Centre d'internement administratif, elle voit effectivement le jour en 1962 et ses pensionnaires pour la plupart ignorent les motifs de leur incarcération. En effet, elle portait le nom de CRC- Centre de Rééducation Civique - de Mantoum dont le but était de réduire au silence les adversaires politiques supposés ou réels du pouvoir en place1. En clair, la rééducation civique dont il est question n'était qu'un ensemble de procédés visant à donner une éducation nouvelle aux 1 Les C.R.C ont d'ailleurs inspiré des ouvrages intéressants à certains de leurs pensionnaires notamment : Emmanuel Bityeki ; Tcholliré : la colline aux oiseaux ; Albert Mukong, prisoner without a crime; Nouk Bassomb, le quartier spécial ; Détenu sans procès au Cameroun. 132 opposants du régime et des lois en vigueur, dans l'optique de leur faire acquérir les qualités de citoyen..."2. A partir de 1975, le C.R.C va disparaître pour céder la place à la prison de production de Mantoum- désormais, elle reçoit les détenus de droit commun - qui devient prison principale en 1992. Par la suite, dans un souci de logique et de cohérence, le deuxième chapitre a été consacré aux différents instruments juridiques nationaux et internationaux qui garantissent la protection de la santé des détenus. Il met en exergue les aspects variés de ces législations tout en faisant l'inventaire des droits destinés à préserver la santé des prisonniers que sont le droit à la santé proprement dit, à l'hygiène, à l'habillement, à la literie, à l'alimentation et aux sports, loisirs et activités culturelles. Le troisième chapitre s'est focalisé sur les différentes pathologies auxquelles étaient confrontés les détenus de ces prisons de 1960 à 1992 ainsi que les conséquences qui découlaient du mauvais suivi médical. L'analyse a montré que les pensionnaires des prisons de Dschang et de Mantoum ont souffert de nombreuses maladies liées indubitablement aux conditions de couchage, à l'hygiène approximative, à l'insuffisance qualitative et quantitative de l'alimentation et à l'eau le plus souvent de mauvaise qualité. Aussi, la précarité de la santé dans ces deux prisons découlait-elle d'une part des carences et défaillances du suivi médical et d'autres part de l'état même des locaux dans l'ensemble vétustes et précaires ainsi que de l'absence du suivi psychiatrique. Les maladies, issues de tous les manquements relevés, ont entraîné globalement des décès parmi la population carcérale de ces prisons, objet de notre étude. Dans le quatrième chapitre, nous avons mis l'accent sur les structures de soins médicaux et du régime des inspections sanitaires. A ce niveau, il s'est agi d'abord de se pencher sur l'infirmerie des deux prisons en l'étudiant en profondeur à travers la présentation physique du local, le personnel médical ainsi que le matériel de soins. Ensuite, dégager la contribution des hôpitaux 2 Ngbayou, "Le centre de ..." ,2004-2005, p52. 133 environnants dans le traitement carcéral en passant en revue les consultations, les hospitalisations et les examens médicaux des détenus. Enfin, relever l'épineux problème des inspections médicales qui ne se sont pas toujours faites selon l'esprit des textes réglementaires. En effet, le droit à la santé des détenus des prisons de Dschang et de Mantoum s'est trouvé ainsi fortement entravé, car ils n'ont pas toujours subi des examens médicaux lors de leur incarcération, ni bénéficié d'un suivi médical sérieux après décèlement d'une maladie, pire encore, les détenus victimes de maladies contagieuses ont eu à partager les mêmes locaux avec les pensionnaires non malades. Les inspections médicales ont été négligées de même que l'exploitation des rapports y afférents, le plus souvent n'ont pas été établis selon les règle de l'art. Toute chose qui a prédisposé les détenus à de graves problèmes de santé. Ainsi, les prisons camerounaises en général et celles de Dschang et Mantoum en particulier sont de véritables mouroirs d'où on n'est jamais sûr de sortir vivant car "le Cameroun est présenté comme le pays où le système carcéral est le plus meurtrier d'Afrique pour ses traitements dégradants, inhumains, tortures, malnutrition et absence d'hygiène"3 Toutefois, on ne saurait affirmer que la prison Camerounaise est un milieu où les droits de l'homme et plus singulièrement les droits à la santé ne sont pas respectés. Des signes de changement sont observables même si, en dépit des efforts consentis, tout n'est pas rose du fait de l'insuffisance des moyens financiers alloués par l'Etat. La création par exemple d'une sous -direction de la santé pénitentiaire à la direction de l'Administration Pénitentiaire en vertu du décret 95/232 du 06 Novembre 1995 portant organisation du Ministère de l'Administration Territoriale et le rattachement de l'Administration Pénitentiaire au Ministère de la justice le 08 décembre 2004 participent du souci constant d'humanisation des prisons camerounaises et partant des pénitenciers de Dschang et de Mantoum. Ces mesures, très évocatrices, éviteraient que la prison 3 Aurore plus, N°1140 du Mardi 14 Juillet 2009.p.3. 134 ne devienne un microcosme hallucinant de la honte et de la misère surtout à une époque où les notions du respect des droits de l'homme et d'humanisation de la vie carcérale sont devenues au fil des ans, le cheval de bataille des organisations humanitaires et caritatives. ANNEXES135 136 Annexe N° 1 : Fiche d'enquêteSource : Conception de Guy Roger Voufo 137 138 139 Annexe N° 2 : Arrêté du 08 Juillet 1933 règlementant le régime pénitentiaire au Cameroun Source : ANY 1AC74 : Prison, réglementation, 1933. 140 141 142 143 144 145 Annexe N° 3 : Ensemble des Règles Minima pour le Traitement des Détenusde 1955 Source : www2.ohchr.org/french/Law/détenus. Htm. 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 Annexe N° 4 : Décret n°73/774 du 11 décembre 1973 portant régime pénitentiaire au Cameroun Source : APM. Dossiers divers. 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184
185 I.SOURCES ORALES
186
II.ARCHIVES
Registre des consultations médicales, infirmerie, CRC de Mantoum, 1964, 1966, 1968, 1970, 1972, 1974. Registre de main courante, sécurité, CRC de Mantoum, 1970. Journal en quantité et en valeur des entrées et des sorties du CRC de Mantoum, 1973, 1974. 187 Registre d'écrou CRC de Mantoum, 1973, 1974, 1975. Registre de main courante des années 1981, 1984, 1985, 1987, 1989, 1990, 1991, 1992. Rapport d'activités de la Prison de Production de Mantoum, 1er trimestre de l'année 1990/1991 adressé à Mr le Sous-préfet de l'Arrondissement de Malantouen III.OUVRAGESAlata, J.P ; Prison d'Afrique : 5 ans dans les geôles de Guinée, Paris, Seuil, 1983, 192p. Bassomb, Nouk ; Le quartier spécial : détenus sans procès au Cameroun, Paris, l'Harmattan, 192p. Beaud, Michel ; L'art de la thèse : Comment préparer et rédiger une thèse de doctorat, un mémoire de DEA ou de Maîtrise ou tout autre travail universitaire, Paris, La découverte, 2001, 203p. 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