PARAGRAPHE II: Etat des lieux
Nous mettrons l'accent sur les différentes
évolutions de la décentralisation au Bénin.
I. De la conférence nationale aux premières
élections communales et municipales
Le Bénin, est le premier Etat d'Afrique francophone
à amorcer le processus de la démocratie. C'est à travers
l'organisation de la conférence nationale des forces vives de la nation
de Février 1990. Cette conférence s'est tenue suite à la
proclamation le 30 novembre 1974 du `'marxisme-léninisme'' à la
place Goho à Abomey. Après cette proclamation, l'effet fut
catastrophique dans les esprits du peuple béninois.
La première conséquence directe de cette
proclamation fut l'interdiction de la mise en place de toutes organisations
démocratiques. Seul le parti de la révolution populaire fut
créé pour occuper toute la place. La dictature s'est alors
installée. Le pays était gouverné d'une main de fer par
les dirigeants d'alors. La situation économique et financière du
pays allait de mal en pire. Les partenaires techniques et financiers
étaient très réticents pour financer les projets de
développement. Vu que le pays était dirigé par le parti
unique, ce dernier n'arrivait plus à avoir l'oeil sur la situation
économique et financier des zones rurales. C'est dans cet état de
dépression générale que les béninois
vécurent jusqu'en 1989. Cette année, les trois ordres de
l'enseignement y compris le secteur privé se sont successivement mis en
grève illimitée. Cette grève a été
inaugurée par les étudiants dès début janvier 1989.
Le pays était alors paralysé.
C'est ainsi que la situation économique et
financière catastrophique du pays et l'envie des Béninois de
vivre dans un pays démocratique ont fait naître dans le coeur des
dirigeants l'idée d'une conférence nationale. Après un
consensus national autour de cette idée, le pouvoir politique en a pris
l'initiative. Le peuple y a adhéré tout en restant sur ses
gardes. Un comité préparatoire de la conférence a
été alors mis en place car il ne suffisait pas aux
autorités centrales de l'Etat et du parti unique de décider d'une
conférence nationale pour qu'elle ait effectivement lieu. La tâche
assignée au comité était de réunir toutes les
forces vives de la nation et d'être disponible pour accepter toutes
suggestions. Les travaux du comité furent terminés le 18
février 1990 et la conférence débuta le 19 février
1990.
Avec l'organisation de cette conférence, plusieurs
objectifs fixés par les dirigeants ont été atteints. Cette
conférence a permis d'insérer dans leur programme de
développement la démocratie à la base. Désormais
les habitants des zones rurales pourront avoir la priorité pour diriger
eux-mêmes l'économie et les finances locales.
Au lendemain de cette conférence, la constitution du
Bénin a été ratifiée par le peuple lors d'un
referendum le 02 Décembre 1990 et promulguée le 11
Décembre 1990. Les articles 150, 151, 152 et 153 de cette constitution
sont consacrés à la décentralisation.
Selon l'article 150, « les
collectivités territoriales de la République sont
créées par la loi. » et à l'article 151,
il est précisé que « les collectivités
s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions
prévues par la loi. »
L'article 152 indique qu' « aucune
dépense de souveraineté de l'Etat ne saurait être
imputée à leur budget. »
Enfin, l'article 153 stipule : « l'Etat
veille au développement harmonieux de toutes ces collectivités
territoriales sur la base de la solidarité nationale des
potentialités régionales et de l'équilibre
interrégionale. »
La conférence et surtout la constitution du
11 décembre 1990 ont ainsi posé les jalons de la
décentralisation. Désormais certains pouvoirs devront être
transférés aux communes. Ces dernières ont le devoir de
bien les diriger.
Cependant, pendant plusieurs années, les
différents gouvernements et régimes politiques qui se sont
succédé à la tête du Bénin n'ont pas fait
grand cas de la décentralisation. Malgré toutes les dispositions
prises lors de la conférence, le premier tour des élections
communales et municipales ont été organisées au
Bénin en 2002, c'est-à-dire douze ans après la tenue de la
conférence nationale.
Cela s'explique par le fait que l'orientation
marxiste-léniniste qui a marqué le système politique
béninois était basée sur le « centralisme
démocratique ». La gestion des collectivités locales
était confiée aux instances du parti unique. Ce qui fait que les
autorités n'arrivaient pas à avoir l'oeil sur toutes les
communes.
Les dispositions de la constitution du 11
Décembre 1990 relatives à la décentralisation
étaient alors les bienvenues. Elles permettaient désormais de
transférer certains pouvoirs et de les laisser diriger par les
populations elles-mêmes.
A ce propos, Stanislas KPOGNON dit dans son ouvrage
intitulé : Décentralisation et exigences
éthiques, p.12 que : « Le partage des pouvoirs
offre aux citoyens des villes et des campagnes, grâce à une
participation citoyenne informée, d'assurer la gestion de leurs propres
affaires locales ».
Mais, comme il est notifié un peu plus haut,
ce processus a connu des difficultés avant sa mise en oeuvre effective
qui s'est traduite par l'organisation des élections communales et
municipales.
Trois ans après la conférence des forces vives
de la nation en 1990, les états généraux de
l'administration territoriales ont été organisés du 07 au
10 janvier 1993 à Cotonou. Une manière d'appuyer les textes de
loi proposés par la conférence et de proposer au gouvernement les
principes et orientations qui fondent la réforme administrative. A
partir du 15 janvier 1995, les textes de loi sont adoptés.
Désormais, les départements sont devenus les circonscriptions
administratives du Bénin et les communes deviennent des
collectivités décentrées gérées par un
maire. Elles disposent de larges pouvoirs autonomes et de compétences
propres. Tout cela est développé dans cinq lois à savoir
:
Ø La loi n°97-028 portant orientation de
l'organisation de l'administration territoriale
Ø La loi n°97-029 portant organisation des
communes
Ø La loi n°98- 005 portant organisation des
communes à statut particulier (Cotonou, Porto-Novo, Parakou)
Ø La loi n°98-006 portant régime
électoral communal et municipal
Ø La loi n°98-007portant régime financier
des communes.
Avec cette nouvelle réforme et ces textes de
lois, les circonscriptions administratives passent de six à douze avec
deux catégories de communes : les communes de droit communs et les
communes à statut particulier. Ces dernières sont Cotonou,
Porto-Novo et Parakou.
Après l'élaboration de ces textes de
loi, plusieurs étapes ont été franchies avant
l'organisation des premières élections locales. Il s'agit entre
autres de l'organisation d'un séminaire de programmation de la
réforme administrative sous le haut parrainage du président de la
République Mathieu KEREKOU. Au cours du séminaire, il a
émis son souhait de voir les élections municipales et communales
se tenir en Avril 1996.Ce qui n'a pu être réalisé.
Le 07 Avril 1997 à l'ouverture de la première
session ordinaire de l'Assemblée nationale, le président du
parlement Bruno AMOUSSOU a déclaré que : « les
travaux de cette session seront essentiellement consacrés à
l'étude et à l'adoption des lois relatives à la
décentralisation de l'administration territoriale. » Ce fut
alors le début de l'étude des projets de loi par la commission
des lois de l'Assemblée nationale. Une fois encore, il a
été dit que les élections municipales se
dérouleront en 1998.
C'est au cours de la session extraordinaire du 28 Juillet 1997
que deux textes de loi sur l'administration territoriale ont été
votés. Il s'agit de la loi n°97-028 portant organisation de
l'administration territoriale et de la loi n°97-029 portant organisation
des communes. Quant à la loi n°98-005 portant organisation des
communes à statut particulier, elle a été votée au
cours de la deuxième session ordinaire de la même année.
Les lois n°98-006 portant régime électoral communal et
municipal et n°98-007 portant régime financier des communes ont
été votées lors de la session extraordinaire qui a
été convoquée après la deuxième session
ordinaire de l'année 1997.
Cependant, le 13 Mars 1998, la Cour
constitutionnelle a décidé que les deux premières lois
sont non conformes à la constitution. Le 31 Mars 1998, elle
décide que les autres lois sont non conformes à la constitution.
Une fois encore, les élections n'ont pu se tenir le premier semestre de
l'an 1998 comme l'a demandé le chef de l'état le
général Mathieu KEREKOU.
Après ces différentes étapes,
ces lois ont fini par être promulguées courant 1999-2000. Cette
fois-ci, les élections locales sont programmées pour le
quatrième trimestre de l'année 2000. Il fallait s'assurer que
toutes les conditions sont réunies y compris l'assimilation et
l'adhésion des populations à la décentralisation avant les
premières élections locales. Tout a été mis en
place, et les populations sont allées aux urnes pour les
élections communales et municipales le Dimanche 15 Décembre
2OO2.
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