5. Dimensions sociale et territoriale : des
réponses insuffisantes
Alors que l'univers du handicap peut être ramené
à un perpétuel combat pour que la personne en situation de
handicap puisse accéder à une vie
« normale », il en est tout autrement pour celui de la
vieillesse, qui, dans les mentalités, est lié à la maladie
et à la mort. C'est l'une des raisons pour lesquelles, pendant une
quarantaine d'années, les politiques d'accompagnement des personnes en
perte d'autonomie ne furent pas affichées comme une priorité. La
crainte de dérapages financiers en est une autre.
Le financement
L'APA
En 2011, l'Assemblée des Départements de France
(ADF) avait déjà souligné les inégalités de
situation entre les départements au sujet de l'APA. Pour des raisons
dites « sociodémographiques », ceux étant
à dominante rurale et ouvrière sont principalement touchés
par des difficultés financières. L'ADF insiste notamment sur le
concept de « convergence sans confusion », repris de
laCaisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA), entre la prise
en charge des personnes âgées dépendantes et celles des
adultes handicapés.
Dans son rapport de 2009, la Cour des comptes s'interroge sur
les perspectives de financement de l'APA. L'augmentation du nombre de
bénéficiaires s'est ainsi accompagnée d'une hausse
significative des dépenses relatives à cette allocation :
représentant environ 4 milliards d'euros en 2005, elles atteignaient 4,5
milliards en 2007 (soit une hausse de 10,5 % en tout juste deux ans).
En parallèle, nous constatons un désengagement
de l'Etat et des disparités au niveau des territoires. L'Etat, dont le
taux de couverture était de 50 % lors de la création de l'APA,
n'est plus désormais que de 30 %. Cette baisse peut apparaître
préoccupante au regard des difficultés financières
auxquelles font face certains départements.
D'autant plus que, sur le terrain, des disparités de
traitement sont constatées. Sachant que la moyenne nationale concernant
l'APA est de 500 euros environ par mois, dans la Drôme ce montant est de
432 euros par mois contre, par exemple, 533 euros sur le territoire de
Belfort.
Des plafonds mensuels concernant l'APA sont fixés par
l'Etat : 1 235 euros pour le GIR 1 et 1 059 euros pour le GIR 2.
Or, force est de constater que ces derniers ne correspondent
plus à la réalité des besoins des personnes en perte
d'autonomie.
Ce fait est confirmé par l'étude de
février 2011 menée par la DREES révélant que 26 %
des bénéficiaires de l'APA à domicile ont un plan qui
serait « saturé », c'est-à-dire égal
au plafond (annexe 2).
En outre, pour l'Union Nationale des Centres Communaux
d'Action Sociale (UNCCAS), les principes de la loi de 2001 ayant
créé l'allocation sont dénaturés par la pression du
financement.
Les plans sont alors réduits au minimum, les
équipes pluridisciplinaires n'effectuant plus leurs missions, voulues
par cette même loi. Ces dernières en sont réduites à
gérer la pénurie d'heures d'aide à domicile que le
Département peut encore financer.
Au 31 décembre 2012, le nombre de
bénéficiaires de l'APA était de 1 228 000
(source : DREES, 2011) et de 147 000 pour la PCH (source :
DREES, 2012).
La question du reste à charge
D'après plusieurs enquêtes qu'elle a
menées au sein du MEDIPS (Modélisation de l'Economie Domestique
et Incidence des Politiques Sociales), Florence WEBER en est venue au constat
suivant : la prise en charge par la famille d'une personne
dépendante est déterminée
« économiquement » par les ressources dont les
familles peuvent bénéficier.
En Occident, les systèmes de prise en charge des
personnes âgées dépendantes varient d'un pays à
l'autre, donnant ainsi naissance à des structures familiales
différentes. Il a été constaté que la prise en
charge était, par exemple, plus institutionnelle en Europe du Nord. Ce
qui ne veut pas dire que les familles abandonnent les personnes
âgées, au contraire, elles sont présentes pour elles,
à divers degrés, dans 90% des cas en Europe.
Il semblerait qu'il y aurait une sorte de division du travail
familial : le plus souvent, les mères sont mobilisées
là où plusieurs parents pourraient l'être, tandis que les
hommes sont davantage tournés vers les relations extérieures
(médecins, etc.). L'aide mobilise donc plusieurs personnes au sein du
foyer. Celle-ci s'inscrit d'ailleurs dans un espace que l'on pourrait qualifier
de « juridiquement borné », celui de l'obligation
alimentaire1 et du devoir de secours2. Ces derniers
traduisent la volonté des institutions publiques de forcer des parents,
parfois très éloignés, à s'occuper d'un individu
par rapport au fait qu'ils soient, justement, « parent ».
Ce qui peut constituer un frein supplémentaire concernant la politique
menée par les pouvoirs publics en faveur de l'autonomie.
1 L'obligation alimentaire est une aide
matérielle qui est due à un membre de sa
famille proche (ascendant, descendant, alliés) dans le
besoin et qui n'est pas en mesure d'assurer sa subsistance. Son montant varie
en fonction des ressources de celui qui la verse et des besoins du demandeur.
(Source : Service-Public.fr)
2 Quand le divorce est prononcé pour rupture
de la vie commune, l'époux qui a pris l'initiative du divorce reste
entièrement tenu au devoir de secours. L'accomplissement du devoir de
secours prend la forme d'une pension alimentaire. Celle-ci peut toujours
être révisée en fonction des ressources et des besoins de
chacun des époux. (Source : Code civil)
Le reste à charge renvoie au montant restant à
acquitter par la personne bénéficiaire, avec ou sans le concours
d'une assurance complémentaire ou d'une mutuelle.
Là encore, des différences s'observent d'un
département à l'autre : étant, par exemple, de 88
euros par mois pour le territoire de Belfort, il est de 149 euros dans le
Calvados.
À l'heure actuelle, le coût de ces prestations
enEtablissements d'Hébergement pour Personnes Agées
Dépendantes(EHPAD) supporté par le bénéficiaire, et
bien souvent sa famille, avoisine les 1 500 euros par mois en province, et
peut même atteindre les 3 000 euros en région parisienne.
À l'inverse, pour les personnes en situation de
handicap, le financement des Etablissements Médico-Sociaux (EMS) est
pris en charge par le Conseil général (pour la partie
hébergement) et la Sécurité Sociale (pour la partie
soins).
Entreprises gouvernementales
Le rapport annuel de la Cour des comptes datant de 2009
révèle que les besoins de financements du Plan Solidarité
Grand Age (PSGA) présenté en 2006 ont été sous
évalués d'environ 1,2 milliard d'euros.
Le contexte de restriction budgétaire atteste des
incertitudes concernant la couverture des besoins de ce plan.
De plus, si l'on rapporte le financement du Plan
présidentiel Alzheimer 2008 - 2012, autrement dit 1,6 milliard d'euros,
nous constatons que cela correspond à une aide à la prise en
charge de 375 euros annuels par personne. Or, si l'on s'en tient aux
estimations de France Alzheimer, le coût de cette prise en charge
s'élève à 23 000 euros par an.
Par ailleurs, l'Union Nationale de l'Aide, des Soins et des
Services aux Domiciles (UNA) avait revendiqué, lors d'un
communiqué de presse datant du 3 septembre 2008, l'écart qui se
creusait entre les aides accordées aux personnes âgées et
celles pour les personnes handicapées. En effet, l'UNA dénonce un
« système à deux vitesses » : alors que
l'augmentation de l'Allocation de Solidarité aux Personnes Agées
(ASPA - ancien Minimum Vieillesse) n'avait augmenté, à
l'époque, que de 0,8% (représentant 633,13 euros nets par mois),
l'Allocation Adulte Handicapé (AAH) n'était que de 652,60 euros
nets par mois, montant jugé très insuffisant par la plupart des
associations de personnes en situation de handicap pour assurer un niveau
décent.
La revalorisation de 3,9% de l'AAH creuse, malgré tout,
l'écart et va ainsi à l'encontre du principe de convergence des
dispositifs d'aide entre personnes âgées et personnes
handicapées. Alors que, rappelons-le, un projet de loi a
été élaboré pour un cinquième risque de
protection sociale et pour lequel la CNSA a fait de la convergence une des
grandes orientations de ce principe.
Aujourd'hui, l'ASPA s'élève à 787,26
euros par mois et l'AAH à 776,59 euros par mois.
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