Master Humanités et Formation Administrative
Spécialité Administration territoriale
Université Charles de Gaulle - Lille 3
Promotion 2011 - 2013
« Si tu diffères de moi, mon
frère,
Loin de me léser,
Tu m'enrichis. »
Antoine de Saint-Exupéry.
(Extrait
deCitadelle)
Sommaire
Remerciements...........................................................................................p.4
Introduction...............................................................................................p.5
I. La nécessité d'une convergence des
politiques relatives aux personnes âgées et
handicapées..............................................................................................p.8
A) Freins et difficultés de notre système
actuel...................................................p.8
1. Notions confuses et
représentations................................................................p.8
2. Des prestations et un système d'évaluation qui
posent problème.............................p.10
3. ... dans un paysage institutionnel
complexe.....................................................p.13
4. Des besoins en constante
évolution...............................................................p.16
5. Dimensions sociale et territoriale : des réponses
insuffisantes................................p.19
B) Convergence, synonyme de
pertinence ?......................................................................p.23
1. Principes éthiques et sens des
réalités............................................................p.23
2. Des problématiques
communes....................................................................p.24
3. Bien-être et parcours de
vie........................................................................p.25
4. La Classification Internationale du Fonctionnement, du
handicap et de la santé...........p.27
5. Harmonisation des personnels et
professionnels................................................p.28
6. Une meilleure maîtrise des
dépenses.............................................................p.30
II. Les moyens de mise en oeuvre au regard des enjeux,
des limites et des perspectives caractérisés par cette
convergence.................................................................p.31
A) Les moyens de mise en oeuvre de cette politique de
rapprochement....................p.31
1. Une législation, des acteurs
multiples.............................................................p.31
2. La personne au coeur du
dispositif................................................................p.35
3. Vers un système moins complexe et des réponses
plus adaptées.............................p.36
4. La CNSA et les
MDA..............................................................................p.39
5. Que révèle l'étude menée par
l'ODAS ?............................................................................p.42
6. Plans, programmes et solidarité
nationale........................................................p.44
7. Vers une culture de la
prévention ?....................................................................................p.46
B) Enjeux, limites et
perspectives..................................................................p.48
1. Les
enjeux...........................................................................................p.48
1. 1. Enjeux éthiques et
sociétaux....................................................................p.48
1. 2. Enjeux économiques et
financiers...............................................................p.50
2. Les limites de la
convergence....................................................................p.53
2. 1. Nos
représentations..............................................................................p.53
2. 2. Une question
politique...........................................................................p.53
2. 3.
Financement.......................................................................................p.55
2. 4. Un droit universel
équitable.....................................................................p.57
2. 5. La justice et l'égalité des
droits.................................................................p.58
3. Les
perspectives....................................................................................p.59
3. 1. Gouvernement et volonté
politique............................................................p.59
3. 2. La création d'une prestation
unique............................................................p.62
3. 3. Une cinquième branche de Sécurité
Sociale..................................................p.63
3. 4. Un autre regard sur l'évaluation de la perte
d'autonomie...................................p.65
3. 5. Et
ailleurs ?.....................................................................................................................p.67
3. 6. L'aide aux
aidants................................................................................p.69
Conclusion..............................................................................................p.75
Liste des sigles
utilisés.................................................................................p.77
Bibliographie.............................................................................................p.79
Annexes..................................................................................................p.81
Remerciements
J'aimerais adresser mes remerciements les plus sincères
à toutes les personnes qui, de près ou de loin, m'ont
apporté leur soutien dans l'élaboration de ce mémoire.
Merci à Madame Emmanuelle JOURDAN, Responsable
pédagogique du Master et tutrice universitaire pour la deuxième
année consécutive, pour ses nombreux conseils et son
investissement dans cette formation plus qu'enrichissante.
Un grand merci également à ma tutrice de stage,
Madame Séverine VARIN, qui, tout au long de ces six mois, n'a
cessé de me conseiller et de me soutenir. Ayant fait de ma mission une
expérience pleine d'intérêt, j'ai ainsi pu mêler les
côtés théorique et professionnalisant du Master, au sein de
la fonction publique territoriale.
Par ailleurs, je voudrais aussi remercier Monsieur Dominique
DUPILET, président du Conseil général du Pas-de-Calais
pour m'avoir accueillie à la Maison du Département
Solidarité d'Hénin / Carvin, ainsi que Monsieur Ghislain
LEFEBVRE, Directeur du territoire.
J'aimerais adresser mes remerciements au Docteur Jean-Pierre
JERECZEK, médecin, diplômé de Géronto-Psychiatrie et
président du CLIC d'Hénin / Carvin : l'enquête
comparative qu'il a menée sur les grilles AGGIR et DAD dans le cadre de
son mémoire universitairem'a permis d'enrichir mon travail.
Merci à la Direction de l'Information et de la
Documentation, service rattaché au Conseil général,
où j'ai pu trouver toute une source richeen documents m'ayant
aidée dans la construction de mon mémoire.
Merci, enfin, à mon ancienne tutrice de stage,Cathy DE
SADELEER, Responsable du pôle Relations avec les Usagers à la
Maison Départementale des Personnes Handicapées du Pas-de-Calais
ainsi qu'à mes amis pour la relecture de ce mémoire et leurs
précieux conseils.
Introduction
L
es problèmes relevant des champs du handicap et de la
dépendance sont à l'heure actuelle au coeur d'une réelle
préoccupation publique. Le vieillissement accru de la population a fait
que, depuis les années 1990, la dépendance s'est imposée
comme un impératif national essentiel et ce, dans la plupart des pays
européens.
Cependant, pour un grand nombre d'entre eux, le sujet a
été traité dans le cadre du soutien au handicap sans faire
de distinction entre ces deux catégories de population. Pour des raisons
historiques, il existe en France, dans le secteur médico-social, une
séparation entre les règles applicables et les structures
destinées aux personnes handicapées de moins de 60 ans et aux
personnes âgées de 60 ans et plus en perte d'autonomie. Le
handicap et la dépendance font donc l'objet d'un traitement
différencié alors qu'ils sont traversés par une même
injonction à l'autonomie des personnes, mesurée à l'aide
de deux critères : la capacité à agir et
l'état de santé.
Dans la mesure où la similitude des logiques
d'intervention des deux champs, aussi bien sur le plan conceptuel que
technique, permettrait d'envisager une convergence des réponses
apportées à ces deux publics, une loi se trouve au coeur du
débat.
En effet, la loi du 11 février 2005
pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées, pouvant être
considérée comme l'une des plus importantes du secteur social et
médico-social depuis ces vingt dernières années, remet en
cause sous divers aspects cette distinction.
Le législateur a voulu poursuivre l'évolution
amorcée par la loi du 20 juillet 2001, relative à la
création de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA), qui
faisait du soutien à la dépendance non plus une démarche
d'action sociale mais celle d'une protection sociale caractérisée
par un droit universel à compensation, en y introduisant l'ambition
d'une prestation commune pour les deux catégories : personnes en
situation de handicap et personnes âgées en perte d'autonomie.
À côté du soutien à la
dépendance apparaît alors un nouveau concept, celui de soutien
à l'autonomie. Ce dernier relèved'une volonté de
rapprochement entre ces problématiques et donc de la
nécessité de réponses convergentes ou
complémentaires.
Nous pouvons dès lors considérer que la loi du
11 février 2005 souhaite prendre en compte cette profonde transformation
des besoins sociaux et participe de ce fait à une nouvelle conception de
la réponse sociale qui, dans une société qui semble de
plus en plus émiettée et vulnérable, recherche plus de
transversalité et moins de segmentation.
Cette vision n'est pas uniquement celle de l'Etat, pour lequel
il semble difficile d'impulser le mouvement. En revanche, les
collectivités territoriales se sont montrées pionnières en
la matière, le Département affichant un réel
intérêt de renforcer la convergence des politiques du soutien au
handicap et à la dépendance au profit du soutien à
l'autonomie.
À travers divers travaux menés à ce
sujet, ce mémoire tentera de mettre en lumière cette politique
d'accompagnement, révélateur du regard de notre
société sur la prise en charge des personnes les plus
vulnérables.
L'analyse sera conduite par la problématique suivante :
Politiques publiques en faveur de
l'autonomie :
vers une convergence « personnes
âgées / personnes
handicapées » ?
Nous commenceronspar évoquer les freins et les
difficultés relatifs aux champs de la dépendance et du handicap,
ainsi que les éléments justifiant la nécessité
d'une convergence des acteurs et des compétences (I). Puis, nous
analyseronsles moyens de mise en oeuvre au regard des enjeux, des limites et
des perspectives caractérisés par cette convergence (II).
Afin d'essayer de saisir toute l'ampleur de la
problématique, nous nous arrêterons quelques instants sur la forte
implication du département du Pas-de-Calais, appartenant à ces
Conseils généraux pionniers, s'inscrivant dans une articulation
avec la mission de mon stage, menée à la Maison du
Département Solidarité pour le territoire d'Hénin /
Carvin, à savoir la création d'un outil à destination des
acteurs concernés par ces politiques : un « Guide
ressources Autonomie ».
Avant d'aborder la première partie, faisons un point
sur quelques notions de vocabulaire pouvant parfois porter à confusion.
Elles seront indispensables pour maîtriser le sujet.
Autonomie : étymologiquement, être
autonome, signifie avoir la faculté de se gouverner soi-même, la
capacité de prévoir et de choisir, la liberté de pouvoir
agir, accepter, refuser en fonction de son propre jugement. Avec l'âge ou
du fait de certaines maladies ou d'un handicap, cette capacité à
faire nos propres choix se trouve parfois entravée.
Les notions de perte d'autonomie et de dépendance ne
s'opposent pas, ni ne se confondent. Elles sont plutôt
complémentaires.
Dépendance : la dépendance se
définit comme l'impossibilité totale ou partielle d'effectuer
sans aide les activités de la vie quotidienne ou de s'adapter à
son environnement ; cette impossibilité peut être physique,
psychique ou sociale.
L'autonomie renvoie au libre-arbitre, la
dépendance implique un besoin d'aide.
Personne âgée :une personne
âgée est une personne dont l'âge est avancé et qui
présente les attributs physiologiques et sociaux de la vieillesse tels
que la société se les représente. Pour l'Organisation
Mondiale de la Santé (OMS), une personne devient
« âgée » lorsqu'elle atteint l'âge de 60
ans. Dans la réglementation française, c'est également cet
âge qui a été retenu pour certaines prestations ou
dispositions les concernant.
Personne handicapée : en France, la
définition donnée par la loi handicap du 11 février 2005
portant sur l'égalité des droits et des chances, la participation
et la citoyenneté des personnes handicapées, définit le
handicap comme suit dans son article 114 : « Constitue un handicap, au
sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou
restriction de participation à la vie en société subie
dans son environnement par une personne en raison d'une altération
substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions
physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap
ou d'un trouble de santé invalidant. ».
Quelques chiffres sur la
dépendance...
Elle touche, sous toutes ses formes, environ un millionde
personnes en France.
En 2025, ce chiffre devrait atteindre les
1 250 000.
En 2040, le nombre de personnes dépendantes est
estimé entre 1,7 et 2,2 millions.
Les personnes âgées dépendantes atteintes
de la maladie d'Alzheimer représentent 40% des personnes
dépendantes.
Quelques chiffres sur le handicap...
Il est difficile de donner des chiffres sur le handicap.
Les diverses enquêtes menées à ce sujet ne
se basent pas toutes sur les mêmes critères.
Selon l'INSEE, il y aurait entre 9,6 millionset 12 millionsde
personnes handicapées en France.
Ces personnes se divisent en 7 groupes dont les
incapacités ou déficiences ont des degrés de
gravité extrêmement divers, permettant de bien cerner la
population des personnes handicapées.
26,4% des Françaissouffriraient d'une
incapacité, d'une limitation d'activité ou d'un handicap, soit
plus d'une personne sur quatre.
I. La nécessité d'une convergence des
politiques relatives aux personnes âgées et handicapées
A) Freins et difficultés de notre système
actuel
1. Notions confuses et représentations
L'un des problèmes régissant notre
système réside déjà dans le fait que la
« dépendance » soit une notion aux multiples
facettes.
Selon l'INSEE, l'âge moyen d'entrée dans la
« dépendance » est de 83 ans pour les femmes et de
78 ans pour les hommes.
Le terme est donc souvent associé aux personnes dites
« âgées ».
Cependant, en nous appuyant sur la définition
donnée précédemment, la dépendance est
bien la situation d'une personne qui est sujette à une
maladie
invalidante ou
incapacitante. Elle
peut dès lors concerner une
personne
âgée ou une personne handicapée, une prise en charge
par des tierces personnes étant nécessaire pour compenser le
manque d'
autonomie de celle-ci.
Dans son ouvrage intitulé La perte d'autonomie, un
nouvel enjeu de société, Jean-Claude HENRARD va dans ce
sens, en soulignant que cette notion est, en effet, assez mal définie.
Il regrette que l'aspect médical soit privilégié :
l'évaluation des incapacités, des déficiences, aura
plutôt tendance à être privilégiée
plutôt que de considérer l'autonomie au sens de
« définir son mode de vie dans le respect des
lois ».
Le sociologue Emile DURKHEIM disait que la dépendance
était l'un de ces mots « qu'on emploie couramment et avec
assurance, comme s'ils correspondaient à des choses bien connues et
définies, alors qu'ils ne réveillent en nous que des notions
confuses, mélanges indistincts d'impressions vagues, de
préjugés et de passions. »
Depuis une dizaine d'années, ce mot est
systématiquement utilisé par certains experts pour qualifier
l'accroissement numérique du groupe des « personnes
âgées dépendantes ».
Dans le dictionnaire de la langue française, la
dépendance est la « situation d'une personne qui dépend
d'autrui».
Depuis plusieurs années, c'est la définition
médicale qui s'est imposée dans le champ de la vieillesse. En
effet, la loi du 24 janvier 1997 relative à la Prestation
Spécifique Dépendance (PSD) rend officielle cet aspect
« incapacitaire » de la dépendance : un
état de la personne qui, « nonobstant les soins qu'elle est
susceptible de recevoir, a besoin d'être aidée pour
l'accomplissement des actes essentiels de la vie, ou requiert une surveillance
régulière. »
La loi relative à l'Allocation Personnalisée
d'Autonomie (APA) du 20 juillet 2001 n'apporte pas de changement à la
définition. Elle est simplement source de confusion entre
dépendance et perte d'autonomie.
Cela tient au fait que la définition incapacitaire
l'emporte : les deux notions sont alors souvent confondues.
La dépendance renvoie au pratique et au
fonctionnel : la personne ne fait pas seule les principaux actes de la vie
quotidienne.
La perte d'autonomie comporte un aspect plus éthique et
philosophique : la personne n'a plus la capacité ou le droit de se
fixer à elle-même ses propres lois (du
grec autos : soi-même et nomos :
loi, règle : l'autonomie est la loi qu'on se donne à
soi-même).
La confusion entretenue en permanence entre ces deux notions
signifierait-t-elle que les gens qui ne peuvent plus faire seuls les principaux
actes de la vie quotidienne n'ont plus le droit de décider de leur
façon de vivre ?
Cette confusion a alors des répercussions sur les
outils de mesure de la dépendance, sur l'évaluation du nombre de
personnes dites « dépendantes ».
Pour Laurence HARDY, sociologue et Responsable du centre de
ressources de l'IRTS de Bretagne, il existe une représentation sociale
dépréciative de la vieillesse.
Autrefois, la dépendance était
considérée comme constitutive du lien social. Puis, lorsque les
textes législatifs ont commencé à l'associer au grand
âge, dans les années 1975-1980, elle est devenue synonyme de
fardeau financier.
2. Des prestations et un système d'évaluation
qui posent problème...
Ne parvenant pas à la définir, les experts ont
donc baptisé « dépendance » ce qu'ils
pouvaient ou savaient mesurer. C'est pourquoi, elle s'est souvent
retrouvée réduite à un état d'incapacité, et
non à une dynamique d'interaction : mesurer un état est plus
facile que la mesure d'une interaction, surtout quand il s'agit de prendre en
compte les dimensions multiples de l'environnement d'une personne.
Cela s'observe avec la grille AGGIR (Autonomie
Gérontologique Groupes Iso-Ressources, annexe 1). Cet outil ne mesure en
effet que la dimension relevant de l'incapacité, ne pouvant
définir à lui seul le montant de l'aide accordée, principe
pourtant relatif à l'attribution de l'APA.
La Prestation de Compensation du Handicap (PCH) est, quant
à elle,une aide personnalisée destinée à financer
les besoins liés à la perte d'autonomie des personnes
handicapées, évaluée à l'aide de l'outil GEVA
(guide d'évaluation multidimensionnelle).
Nous observons une vraie dualité quant aux
systèmes relatifs aux personnes âgées et aux personnes
handicapées. Ainsi, le droit à compensation de deux personnes
présentant des déficiences ou des incapacités identiques
ne passera pas, selon la catégorie dans laquelle elles se classent, par
les mêmes canaux institutionnels et n'ouvrira pas aux mêmes
avantages.
Il existe de grandes différences entre la PCH et l'APA.
Elles apparaissent tant au niveau des modalités d'évaluation que
de la réponse des plans d'aide, comme la conception des
référentiels applicables permettant l'ouverture des droits
à compensation et des frais liés à la perte
d'autonomie.
D'autant plus que, pour bénéficier de l'APA, il
faut répondre aux critères de la grille AGGIR quand d'autres
acteurs, comme les Assureurs ou les Mutuelles, utilisent des AVQ
(Activités Elémentaires de la Vie Quotidienne), AIVQ
(Activités Instrumentales de la Vie Quotidienne)...
Notre pays est, apparemment, trop lent à
intégrer la transition concernant l'étude des facteurs influant
sur la santé et les maladies de populationsdans la structure de son
système de santé. Cela amène à une confusion entre
quatre secteurs d'activité : la prévention, le diagnostic et
les soins aux affections aigues, le suivi et le contrôle des affections
chroniques non handicapantes et le suivi, le contrôle et la compensation
des états chroniques handicapants stabilisés ou lentement
évolutifs.
En amont de l'intervention du Département dansle
soutien à l'autonomie des personnes âgées, lescaisses de
retraite (CARSAT, MSA, etc.) n'ont cessé depoursuivre leur
démarche de prévention, en accordant des aides auxpersonnes dont
le niveau de dépendance est relativement peu élevé (GIR 5
et 6). Mais les liens entre les démarches des départements et
celles des caisses de retraite restent peu développés, aussi bien
dans le domaine de l'observation partagée que dans celui de
l'organisation d'un parcours coordonné desoutien à la
dépendance. Les modalités d'évaluationdes situations qui
permettent l'attribution desaides respectives ne sont pas harmonisées,
ce quine favorise pas la reconnaissance mutuelle desévaluations. Les
situations deviennent alors souvent incompréhensibles pour les
usagers.
Certains départements ont alorsfait le choix de la
délégation : leurs équipes médico-socialesou
leurs CLIC effectuent les évaluations desGIR 5 et 6 pour le compte des
caisses de retraite.
Cependant, ce système se heurte à une
différencefondamentale d'approche entre les deux logiquesde prestation.
En effet, le paiement des prestations par les caisses de
retraite est basé sur un système àenveloppe fermée
: l'ouverture aux aides est largementconditionnée par les ressources
disponiblesau niveau de chaque caisse régionale, ce qui peut amener ces
dernières à moduler les critères d'évaluation afin
de pouvoir répondre aux besoins tout au long del'année. En
revanche, pour l'APA, c'est uniquement une logiquede droit qui s'applique comme
pourtoute prestation sociale ; les critères d'évaluation n'ont
pas de rapport autemps.
Quant aux prestations d'aide à l'autonomie et de
compensation des conséquences du handicap actuelles, l'Union Nationale
Interfédérale des OEuvres et Organismes Privés Sanitaires
et Sociaux(UNIOPSS) avance l'idéequ'elles conduiraient à un
système inégalitaire. Ainsi, une personne relèvera de
dispositifs d'aide différents, selon qu'elle est en situation de
handicap quelque temps avant ses 60 ans, ou quelque temps après, et cela
même si ses besoins d'aide sont identiques.
Avant ses besoins, c'est son âge qui sera d'abord pris
en compte. Cette situation peut paraître assez choquante etrisque de
mener à des ruptures dans l'aide apportée aux personnes durant
leur vie.
Il serait nécessaire que le dispositif d'aide repose
tout d'abord sur les besoins, les aspirations et le projet de vie de chaque
personne, et conduise ainsi à des égalités de traitement
qui ne seront plus fondées que sur le seul critère
d'âge.
Le dispositif actuel apparaît d'autant plus
inéquitable dans la mesure où d'une part, le
périmètre et le niveau de compensation des dépenses
d'aides assurés par la PCH est plus favorable que ceux de l'APA ;
et,d'autre part, en ce qui concerne l'APA, les aides les plus
élevées sont perçues par les ménages les plus
modestes mais aussi indirectement par les plus aisés lorsque les
exonérations fiscales sont prises en compte.
Se pose également le problème du ticket
modérateur pour l'aide humaine concernant l'APA qui n'existe pas pour la
PCH.
Ce qui pose la question, pour l'UNIOPSS, de
« l'égal accès de nos concitoyens aux prestations
sociales. »
Ce système favoriserait les inégalités
territoriales, mettant parfois en difficulté financière les
Conseils généraux. Les évolutions démographiques
conduisent à un accroissement des besoins, et le financement des
prestations s'avère inadapté puisqu'il repose de plus en plus sur
les Conseils généraux. Lors de la première année
d'existence de l'APA, le financement de cette aide était assuré
à 54 % par les départements et à 46 % par l'État.
Aujourd'hui, les départements assument 72 % de la
dépense, la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie
(CNSA) n'en couvrant plus que 28 %. D'autant plus que leur charge
financière va continuerà augmenter, ces derniers devront alors
assumer une part toujours plus élevée du financement du
dispositif. C'est également le cas pour la PCH. Et, au regard des
inégalités de richesses entre les départements, ceux qui
ont des potentiels fiscaux plus faibles et le nombre de personnes
âgées et handicapées le plus élevé auront de
plus en plus de mal à financer les aides à l'autonomie.
3. ... dans un paysage institutionnel complexe
En France, il y a une volonté politique quant au
maintien à domicile des personnes âgées de plus de 60 ans
et le placement en établissement des personnes handicapées de
moins de 60 ans. Ces injonctions dépendent pour une part des
représentations que se font les structures administratives
chargées de décider du maintien à domicile ou du placement
en établissement. Or, ces structures, ont du mal à imaginer la
vie à domicile des personnes en situation de handicap alors qu'elles
l'érigent comme norme, « parfois au-delà du
raisonnable ». D'autre part, les décisions d'entrée en
établissement sont fortement liées aux coûts qui impliquent
ces décisions : à dépendance équivalente, le
coût du maintien à domicile sera plus élevé pour une
personne handicapée que pour une personne âgée, et la
situation inverse s'observe pour le placement en établissement.
L'utilisation du terme
« dépendance » pour les personnes âgées
victimes de maladies ou de handicaps, à la place des termes de
« handicap » ou « invalidité »,
est révélatrice de l'organisation de notre système :
un homme ou une femme de moins de 60 ans gardant des séquelles d'un
accident vasculaire cérébral est une personne
handicapée ; ses 60 ans passés, il ou elle devient alors une
personne âgée dépendante.
Cela relève d'effets notoirement pervers. Notre
société instaure une barrière d'âge que nous
pourrions qualifier d'artificielle, qui apparaît souvent
discriminatoire.
L'âge de 60 ans ne correspond pas, et correspondra de
moins en moins, à un seuil significatif du vieillissement.
Le problème que représente la fixation de ce
seuil a été notamment avancé dans l'ouvrage de Florence
WEBER : Handicap et dépendance. Drames humains, enjeux
politiques.
En effet, pour elle, cette limite des « 60
ans », s'étant imposée du fait de la définition
salariale de la protection sociale en France, ne fait pas sens si l'on
s'intéresse aux « parcours de vie », autrement dit
aux besoins réels exprimés par la personne.
Si ces parcours, marqués par la dépendance,
devaient se rapprocher d'un âge, il serait plus celui de 50 ans. Un
second seuil, d'après l'auteur, serait celui des 85 ans.
Or, à l'heure actuelle, avoir 60 ans relève
uniquement du changement dans le régime de prestations et l'ouverture de
différents droits. D'autant plus que, en ce qui concerne les couches
sociales les plus défavorisées, les premières
difficultés dans la vie quotidienne se font bien souvent sentir
avant.
Aujourd'hui, nous pouvons dire qu'il existe une vraie
complexité du paysage institutionnel (avec la création des
Maisons Départementales des Personnes Handicapées : MDPH) et
réglementaire (avec le maintien de normes spécifiques et
complexes par public).
Les dispositifs destinés aux personnes
handicapées émanent essentiellement de leur histoire : celle
des accidentés du travail et des invalides de guerre. Les associations
ont joué un rôle primordial dans la création et la gestion
de ces dispositifs. Cependant, en fonction des types de handicap, la situation
apparaît contrastée, la cause des handicaps sensoriels et
physiques étant mieux défendue que celles des handicaps
psychiques (le handicap psychique fut reconnu comme tel avec la loi de 2005,
soit depuis environ huit ans).
En outre, en termes de politique managériale, l'un des
enjeux majeurs des départements vis-à-vis des MDPH serait de
parvenir à stabiliser leurs personnels, afin de pouvoir
développer un véritable esprit d'équipe. La
multiplicité des statuts au sein du personnel représente, en
effet, une source de complexité.
De plus, face à ces exigences, le déficit des
formations qualifiantes, notamment pour les professionnels aidantspeu
diplômés, est assez flagrant. La Cour des comptes estime à
seulement 18% le pourcentage des aides à domicile ayant une
qualification sanctionnée par un diplôme professionnel. Ceci tient
au fait que le secteur de l'aide à domicile constitue souvent un point
d'entrée sur le marché du travail pour des personnes non
diplômées.
En 1999, la proportion des titulaires du Certificat d'Aptitude
aux Fonctions d'Aide à Domicile (CAFAD) était de 9% dans les
structures associatives et de 11 % dans les Centres Communaux d'Action Sociale
(CCAS), 48% des aides à domicile n'ayant aucune formation. Aucune
qualification n'étant exigée, la formation initiale dans ce
secteur est donc peu développée.
En outre, les auxiliaires de vie gèrent des publics
divers : enfants handicapés, adultes handicapés, personnes
âgées présentant des pathologies différentes... et
donc des prises en charge à adapter.
Enfin, l'offre de qualification reste, d'une manière
globale, peu lisible dans la mesure où elle se compose de
différents diplômes aux finalités qui, même si elles
sont proches, relèvent de divers ministères.
Malgré les efforts des pouvoirs publics et les acteurs
de la personne âgée eux-mêmes pour valoriser l'approche
gérontologique et apporter des financements complémentaires pour
l'amélioration de la prise en charge, nous constatons que l'objectif de
structuration de la filière gérontologique n'est pas encore
atteint, et que de nombreux freins subsistent pour permettre cette coordination
des acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux.
Pourtant, tous oeuvrent au maintien à domicile des
personnes dans de bonnes conditions de vie. Cette méconnaissance aurait
certainement un lien avec les formations initiales ou continues
inadaptées, mais également avec l'inexistence de lieux de
rencontre et d'information, ainsi que l'absence d'une habitude de travailler en
réseau coordonné.
La logique de cloisonnement des secteurs sanitaires,
médico-sociaux, et sociaux conduit à
créer des mondes clos sans communication, alors même que la
personne circule d'un monde à l'autre et a besoin d'une prise en charge
qui s'inscrive dans la continuité.
Même si les réseaux gérontologiques et
autres se sont largement développés au cours des dernières
années, ils sont encore loin de mailler l'ensemble du territoire
français et restent assez fragiles.
Au-delà de la difficulté à objectiver les
besoins des individus, les efforts des autorités de tutelle portent
avant tout sur l'analyse des structures, et notamment sur la qualité et
la sécurité de la prise en charge.
Or, d'après Florence WEBER, si ce souci
d'amélioration constant de la qualité participe à
l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées,
il conduit cependant à oublier que la structure sanitaire ou
médico-sociale ne sont qu'un élément de la filière
gérontologique qui, elle, répond dans sa globalité aux
besoins de la personne âgée.
L'invention de la « dépendance »
crée alors un type de besoin, ce dernier n'étant ni totalement
sanitaire, ni totalement social et dont les acteurs de la prise en charge
(Etat, collectivités, soins médicaux...) ne sont pas clairement
définis.
4. Des besoins en constante évolution
Aujourd'hui, les questions liées au vieillissement de
la population relatif au grand âge ainsi qu'aux personnes en situation de
handicap appartiennent aux principales préoccupations des politiques
publiques.
Plusieurs grands facteurs entrent en jeu : l'allongement de
l'espérance de vie et ses conséquences sur la démographie,
des pathologies spécifiques,l'épuisement des aidants
familiaux...
Avec le phénomène démographique
d'augmentation du nombre de personnes âgées, l'allongement de la
durée de vie des personnes en situation de handicap, l'apparition de
besoins nouveaux chez ces personnes et la baisse constatée chez les
aidants familiaux, le besoin d'aide dans les actes de la vie quotidienne va
alors augmenter dans les prochaines années.
L'accroissement de l'espérance de vie engendre un
vieillissement de la population. En effet, le taux de la population des plus de
60 ans passera de 21 % aujourd'hui à 31 % en 2030, soit 7 millions de
plus. Chaque année, 80 000 Français dépassent les 80
ans, en 2015, deux millions auront plus de 85 ans.
Parallèlement, le nombre de personnes
âgées dépendantes augmente. Au 31 décembre 2007, 1
078 000 personnes bénéficiaient de l'APA (soit une croissance de
5,1 % par rapport à 2006). Au 30 juin 2009, elles étaient 1 117
000 à en bénéficier(soit une croissance annuelle de 2,1 %
par rapport à 2008).
Soulignons que l'allongement de l'espérance de vie
n'est pas forcément synonyme de qualité de vie, notamment en
termes de santé. L'augmentation de la dépendance croît avec
l'âge.
Souvent, les effets du vieillissement se conjuguent aux
maladieschroniques favorisant un état de très grande
fragilité, tant sur le plan sanitaire que sur celui de la
dépendance. Cette population, atteinte en moyenne de cinq à six
maladies évoluant dans le cadre d'une dépendance lourde, se
caractérise essentiellement par son grand âge (plus de 85 ans) et
par ses besoins majeurs qui les accompagnent. Les maladies les plus
fréquemment observées sont le cancer, les maladies
cardiovasculaires, la maladie d'Alzheimer (environ 225 000 cas nouveaux
diagnostiqués chaque année), la maladie de Parkinson (10 000
nouveaux cas par an)... dont les effets sont cumulatifs sur la
détérioration de la santé.
Une population qui vieillit est une population qui a besoin de
soins. Une consommation qui ne cesse d'augmenter. Les pathologies des personnes
âgées, qu'elles soient chroniques ou liées à
l'avancée en âge, évoluent, ce qui implique une
augmentation des hospitalisations. Celles-ci doublent entre 60 et 80 ans. Et
ces besoins devraient connaître une forte progression au regard des
projections démographiques.
Par ailleurs, l'hospitalisation a des conséquences sur
la vie et l'autonomie de la personne âgée, notamment pour se
réadapter à son environnement ou son domicile et sur ses
capacités à vivre seule.
À l'heure où nous parlons de population
vieillissante, la population handicapéene fait pas figure d'exception,
même si le vieillissement y est moindre. En effet, depuis une trentaine
d'années, l'espérance de vie des personnes handicapées a
considérablement augmenté, quels que soient l'origine, la nature
et le niveau de gravité du handicap.
Ce fait pose plusieurs problèmes, comme la cessation
d'activité des travailleurs handicapés en ESAT (Etablissements et
Services d'Aide par le Travail) ou l'augmentation des
bénéficiaires de la PCH.
Si le nombre de personnes handicapées est plus
difficile à estimer que celui de personnes âgées, nous
pouvons avancer les chiffres donnés en février 2006 par Philippe
BAS, alors ministre délégué à la
Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes
handicapées et à la Famille, qui affirmait que le nombre de
personnes handicapées, en France, s'élevait à 5 millions,
autrement dit plus de 7 % de la population française.
Le nombre de bénéficiaires de la PCH a
augmenté de plus de deux tiers entre mi-2008 et mi-2009, passant de 43
000 personnes à la fin juin 2008 à 71 700 personnes en juin 2009
(enquête de la DREES : Direction de la Recherche, des Etudes, de
l'Evaluation et des Statistiques).
En outre, notre société doit faire face à
de profondes mutations du schéma familial : les femmes travaillent de
plus en plus, les couples se séparent plus facilement, les enfants
s'éloignent géographiquement, etc.
Ces mutations viennent dès lors bouleverser la notion
de « solidarité familiale », qui doit aujourd'hui être
réinterrogée et adaptée aux réalités
actuelles.
L'enquête Handicap-Incapacité-Dépendance
estime à 4 millions le nombre de personnes en situation
d' « aidants ».
Six aidants sur dix sont des femmes, dont la moitié a
plus de 80 ans.
Se pose alors la question de l'épuisement des aidants,
principalement révélée par l'apparition et la forte
progression de la maladie d'Alzheimer.
La plupart du temps, les aidants familiaux sont
âgés et en couple ; ils vivent à leur domicile avec leur
conjoint. Ces derniers ont souvent tendance à assimiler la
séparation à l'abandon, chose à laquelle ils ne peuvent se
résoudre. Pour ces personnes, le danger d'épuisement est alors
bien réel.
C'est pourquoi, notre système ne peut reposer
entièrement sur une solidarité « en nature »
délivrée par les aidants familiaux. La délivrance de
soins, l'aide à la toilette, ne s'improvisent pas : à ce titre,
la prise en charge des personnes dépendantes doit être
professionnalisée et rétribuée à son juste
niveau.
La question des personnes handicapées vieillissantes a
longtemps été une question d'ordre individuel : l'on trouvait des
solutions satisfaisantes, au cas par cas, pour des personnes dont le handicap
menait à un vieillissement précoce et qui ne pouvaient rester
dans leur établissement d'origine ou encore pour lesquelles un
hébergement devait être trouvé en raison de la disparition
de leur aidant familial.
Aujourd'hui il s'agit d'une question collective, puisque le
vieillissement des personnes handicapées devient plus fréquent :
les personnes handicapées de plus de quarante ans représentent
plus de 30 % des résidants en établissement.
La longévité accrue des personnes
handicapées accueillies en établissement devrait provoquer un
besoin de places en augmentation de 20 % d'ici 2020. S'ajoute à cela la
pression des demandes provenant de personnes handicapées jusque
là prises en charge à domicile et qui ne pourront ou ne voudront
plus y rester.
Il serait donc utile de penser dès maintenant à
la planification de l'augmentation de capacité nécessaire, pour
éviter un nouvel engorgement des établissements pour adultes
handicapésmais aussi des orientations inadaptées aux projets de
vie des personnes.
Les personnes en situation de handicap qui atteignent
l'âge de 50 / 60 ans est donc un phénomène nouveau car,
auparavant, elles mouraient jeunes. Ce qui veut dire qu'elles sont ainsi
confrontées à des dispositifs pour personnes âgées
très différents de ceux qu'elles ont connus.
5. Dimensions sociale et territoriale : des
réponses insuffisantes
Alors que l'univers du handicap peut être ramené
à un perpétuel combat pour que la personne en situation de
handicap puisse accéder à une vie
« normale », il en est tout autrement pour celui de la
vieillesse, qui, dans les mentalités, est lié à la maladie
et à la mort. C'est l'une des raisons pour lesquelles, pendant une
quarantaine d'années, les politiques d'accompagnement des personnes en
perte d'autonomie ne furent pas affichées comme une priorité. La
crainte de dérapages financiers en est une autre.
Le financement
L'APA
En 2011, l'Assemblée des Départements de France
(ADF) avait déjà souligné les inégalités de
situation entre les départements au sujet de l'APA. Pour des raisons
dites « sociodémographiques », ceux étant
à dominante rurale et ouvrière sont principalement touchés
par des difficultés financières. L'ADF insiste notamment sur le
concept de « convergence sans confusion », repris de
laCaisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA), entre la prise
en charge des personnes âgées dépendantes et celles des
adultes handicapés.
Dans son rapport de 2009, la Cour des comptes s'interroge sur
les perspectives de financement de l'APA. L'augmentation du nombre de
bénéficiaires s'est ainsi accompagnée d'une hausse
significative des dépenses relatives à cette allocation :
représentant environ 4 milliards d'euros en 2005, elles atteignaient 4,5
milliards en 2007 (soit une hausse de 10,5 % en tout juste deux ans).
En parallèle, nous constatons un désengagement
de l'Etat et des disparités au niveau des territoires. L'Etat, dont le
taux de couverture était de 50 % lors de la création de l'APA,
n'est plus désormais que de 30 %. Cette baisse peut apparaître
préoccupante au regard des difficultés financières
auxquelles font face certains départements.
D'autant plus que, sur le terrain, des disparités de
traitement sont constatées. Sachant que la moyenne nationale concernant
l'APA est de 500 euros environ par mois, dans la Drôme ce montant est de
432 euros par mois contre, par exemple, 533 euros sur le territoire de
Belfort.
Des plafonds mensuels concernant l'APA sont fixés par
l'Etat : 1 235 euros pour le GIR 1 et 1 059 euros pour le GIR 2.
Or, force est de constater que ces derniers ne correspondent
plus à la réalité des besoins des personnes en perte
d'autonomie.
Ce fait est confirmé par l'étude de
février 2011 menée par la DREES révélant que 26 %
des bénéficiaires de l'APA à domicile ont un plan qui
serait « saturé », c'est-à-dire égal
au plafond (annexe 2).
En outre, pour l'Union Nationale des Centres Communaux
d'Action Sociale (UNCCAS), les principes de la loi de 2001 ayant
créé l'allocation sont dénaturés par la pression du
financement.
Les plans sont alors réduits au minimum, les
équipes pluridisciplinaires n'effectuant plus leurs missions, voulues
par cette même loi. Ces dernières en sont réduites à
gérer la pénurie d'heures d'aide à domicile que le
Département peut encore financer.
Au 31 décembre 2012, le nombre de
bénéficiaires de l'APA était de 1 228 000
(source : DREES, 2011) et de 147 000 pour la PCH (source :
DREES, 2012).
La question du reste à charge
D'après plusieurs enquêtes qu'elle a
menées au sein du MEDIPS (Modélisation de l'Economie Domestique
et Incidence des Politiques Sociales), Florence WEBER en est venue au constat
suivant : la prise en charge par la famille d'une personne
dépendante est déterminée
« économiquement » par les ressources dont les
familles peuvent bénéficier.
En Occident, les systèmes de prise en charge des
personnes âgées dépendantes varient d'un pays à
l'autre, donnant ainsi naissance à des structures familiales
différentes. Il a été constaté que la prise en
charge était, par exemple, plus institutionnelle en Europe du Nord. Ce
qui ne veut pas dire que les familles abandonnent les personnes
âgées, au contraire, elles sont présentes pour elles,
à divers degrés, dans 90% des cas en Europe.
Il semblerait qu'il y aurait une sorte de division du travail
familial : le plus souvent, les mères sont mobilisées
là où plusieurs parents pourraient l'être, tandis que les
hommes sont davantage tournés vers les relations extérieures
(médecins, etc.). L'aide mobilise donc plusieurs personnes au sein du
foyer. Celle-ci s'inscrit d'ailleurs dans un espace que l'on pourrait qualifier
de « juridiquement borné », celui de l'obligation
alimentaire1 et du devoir de secours2. Ces derniers
traduisent la volonté des institutions publiques de forcer des parents,
parfois très éloignés, à s'occuper d'un individu
par rapport au fait qu'ils soient, justement, « parent ».
Ce qui peut constituer un frein supplémentaire concernant la politique
menée par les pouvoirs publics en faveur de l'autonomie.
1 L'obligation alimentaire est une aide
matérielle qui est due à un membre de sa
famille proche (ascendant, descendant, alliés) dans le
besoin et qui n'est pas en mesure d'assurer sa subsistance. Son montant varie
en fonction des ressources de celui qui la verse et des besoins du demandeur.
(Source : Service-Public.fr)
2 Quand le divorce est prononcé pour rupture
de la vie commune, l'époux qui a pris l'initiative du divorce reste
entièrement tenu au devoir de secours. L'accomplissement du devoir de
secours prend la forme d'une pension alimentaire. Celle-ci peut toujours
être révisée en fonction des ressources et des besoins de
chacun des époux. (Source : Code civil)
Le reste à charge renvoie au montant restant à
acquitter par la personne bénéficiaire, avec ou sans le concours
d'une assurance complémentaire ou d'une mutuelle.
Là encore, des différences s'observent d'un
département à l'autre : étant, par exemple, de 88
euros par mois pour le territoire de Belfort, il est de 149 euros dans le
Calvados.
À l'heure actuelle, le coût de ces prestations
enEtablissements d'Hébergement pour Personnes Agées
Dépendantes(EHPAD) supporté par le bénéficiaire, et
bien souvent sa famille, avoisine les 1 500 euros par mois en province, et
peut même atteindre les 3 000 euros en région parisienne.
À l'inverse, pour les personnes en situation de
handicap, le financement des Etablissements Médico-Sociaux (EMS) est
pris en charge par le Conseil général (pour la partie
hébergement) et la Sécurité Sociale (pour la partie
soins).
Entreprises gouvernementales
Le rapport annuel de la Cour des comptes datant de 2009
révèle que les besoins de financements du Plan Solidarité
Grand Age (PSGA) présenté en 2006 ont été sous
évalués d'environ 1,2 milliard d'euros.
Le contexte de restriction budgétaire atteste des
incertitudes concernant la couverture des besoins de ce plan.
De plus, si l'on rapporte le financement du Plan
présidentiel Alzheimer 2008 - 2012, autrement dit 1,6 milliard d'euros,
nous constatons que cela correspond à une aide à la prise en
charge de 375 euros annuels par personne. Or, si l'on s'en tient aux
estimations de France Alzheimer, le coût de cette prise en charge
s'élève à 23 000 euros par an.
Par ailleurs, l'Union Nationale de l'Aide, des Soins et des
Services aux Domiciles (UNA) avait revendiqué, lors d'un
communiqué de presse datant du 3 septembre 2008, l'écart qui se
creusait entre les aides accordées aux personnes âgées et
celles pour les personnes handicapées. En effet, l'UNA dénonce un
« système à deux vitesses » : alors que
l'augmentation de l'Allocation de Solidarité aux Personnes Agées
(ASPA - ancien Minimum Vieillesse) n'avait augmenté, à
l'époque, que de 0,8% (représentant 633,13 euros nets par mois),
l'Allocation Adulte Handicapé (AAH) n'était que de 652,60 euros
nets par mois, montant jugé très insuffisant par la plupart des
associations de personnes en situation de handicap pour assurer un niveau
décent.
La revalorisation de 3,9% de l'AAH creuse, malgré tout,
l'écart et va ainsi à l'encontre du principe de convergence des
dispositifs d'aide entre personnes âgées et personnes
handicapées. Alors que, rappelons-le, un projet de loi a
été élaboré pour un cinquième risque de
protection sociale et pour lequel la CNSA a fait de la convergence une des
grandes orientations de ce principe.
Aujourd'hui, l'ASPA s'élève à 787,26
euros par mois et l'AAH à 776,59 euros par mois.
B) Convergence, synonyme de pertinence ?
1. Principes éthiques et sens des
réalités
Il y aurait pour Patrick GOHET, président du Conseil
National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH), un courant
naturel en faveur de la convergence, autour de la notion d'autonomie. Ce
dernier s'appuie sur des principes éthiques et sur le sens des
réalités, porté par une logique juridique et lié
à des contingences économiques. Certains types de handicaps
peuvent, en effet, se rapprocher de formes de dépendance des anciens.
Mais il faut cependant rester prudent : s'il doit y avoir un
rapprochement, l'ambition et le projet ne seront pas forcément
identiques et ces réalités ne doivent pas être
confondues.
La logique juridique se rattache à deux lois :
celle de juillet 2001 relative à l'APA et celle du 11 février
2005, évoquées précédemment, portées par un
mouvement de convergence. Ce qui est recommandé en matière de
réponses institutionnelles dans les structures est proche de l'esprit
qui préside à la loi de février 2005. Au-delà, les
contingences économiques jouent : « des mutualisations de
moyens, de formation des personnels sont possibles ».
La convergence, inscrite dans la loi, serait dès lors
un processus logique.
Hélène GISSEROT, Procureur général
honoraire auprès de la Cour des comptes, va également dans ce
sens. Pour elle, il y a une grande disparité entre ces deux publics,
bien différents. Les personnes âgées ont leur vie
derrière elles, généralement elles ont pu épargner
pour se couvrir contre le risque de perte d'autonomie et elles n'ont pas
à surmonter les mêmes difficultés d'insertion sociale et
professionnelle que les personnes en situation de handicap.
Pour autant, la dépendance des personnes
âgées est une forme de handicap et la barrière d'âge
est une source de discriminations non justifiées. Par exemple, une
personne souffrant de la maladie d'Alzheimer est considérée comme
handicapée jusqu'à 59 ans et si elle contracte la maladie
après 60 ans, elle sera une personne âgée
dépendante ; le mode de financement des établissements qui
l'accueillent sera différent et les prestations qui lui seront
versées (PCH ou APA) ne seront pas identiques.
Dans cette optique, il serait pertinent de se pencher sur un
processus d'harmonisation des deux dispositifs.
2. Des problématiques communes
Pourquoi penser un meilleur accompagnement autour du principe
de convergence envers les personnes âgées en perte d'autonomie et
les personnes en situation de handicap ?
Parce que ces deux catégories de personnes sont
amenées à rencontrer un certain nombre de problématiques
communes.
Leur accompagnement a pour objectif de compenser la perte
d'autonomie afin d'aider la personne à réaliser les actes de la
vie quotidienne.
Les problématiques communes que l'on peut identifier
sont l'accessibilité à tous les lieux publics, l'aide aux aidants
et le vieillissement.
Cet accompagnement ne doit pas, pour autant, être
uniforme et unique pour tous.
Et, si certaines études posent le principe d'une
nécessité de converger les politiques relevant du champ des
personnes handicapées et des personnes âgées, il faudrait,
avant cela, penser à une convergence des compétences et des
acteurs pour chacun des champs eux-mêmes.
Les personnes âgées représentent une
tranche d'âge s'étalant sur plus de 30 ans, dont les besoins, en
termes de prévention, d'éducation à la santé et de
soins, évoluent au cours de cette période, en fonction de leur
état de santé. La personne âgée de 65 ans n'a pas le
même besoin de recours aux compétences «
gérontologiques » qu'à 85 ans. Par ailleurs, le sujet
très âgé présente dans la plupart des cas un
état de santé très dégradé et
polypathologique qui nécessite l'intervention de plusieurs acteurs de la
gérontologie aux compétences différentes mais
complémentaires, dans le but de conserver le plus longtemps possible la
qualité de vie de la personne.
Ceci explique la multiplicité des acteurs intervenant
dans la prise en charge des personnes âgées, acteurs relevant
eux-mêmes d'institutions et de financements différents. Pour que
cette pluralité puisse pleinement répondre aux besoins des
personnes âgées, elle suppose que ces acteurs soient parfaitement
coordonnés dans leurs interventions.
De manière classique, les professionnels du secteur de
la dépendance sont regroupés en trois grandes catégories :
le sanitaire, le médico-social et le social. Mais ce classement ne
coïncide pas forcément avec le champ de compétence des
institutions et autorités de décision, et des sources de
financement associées, dont ils relèvent.
Pour toutes ces raisons, la création des Agences
Régionales de Santé (ARS) représente un espoir
évident par sa capacité à poser une vision globale au
niveau régional et par la possibilité qui lui est donnée
de contribuer au décloisonnement des différentes entités
intervenant dans le champ de la dépendance. Nous développerons ce
point dans la partie relative aux moyens de mise en oeuvre de la convergence
« personnes âgées / personnes
handicapées ».
3. Bien-être et parcours de vie
Notre société, à travers ses perceptions
et son langage, a certainement été influencée par nos
politiques publiques. Ajoutées à nos modes d'organisation, ces
dernières ont également été marquées par
notre culture.
Il semblerait alors évident qu'un changement de notre
système de la prise en charge devrait passer par un changement à
la fois des mentalités et de nos politiques.
S'il y a une différence entre le handicap et la
dépendance d'une personne âgée, c'est une question de
durée de la vie avec un handicap. C'est pourquoi, une meilleure
harmonisation entre le monde du handicap et celui de la vieillesse ne peut
qu'être bénéfique pour les personnes
concernées.1
1Paulette GUINCHARD, Députée du
Doubs, a été secrétaire d'État aux Personnes
âgées de 2001 à 2002. Elle est coauteure du
livre Mieux vivre la vieillesse, 100 réponses aux questions des
personnes âgées et de leur entourage, paru aux
Éditions de l'Atelier, 2006.
La création d'un cinquième risque est
évoquée depuis les trois dernières campagnes
électorales, mais toujours remise à plus tard. Il s'agirait d'une
branche s'ajoutant à celles qui couvrent la maladie, la famille, les
accidents du travail et les retraites. Elle doit répondre au risque
dépendance ou à la perte d'autonomie.
De l'article 13 de la loi du 11 février 2005
émane la volonté du législateur de rapprocher les
dispositifs relatifs aux personnes âgées et handicapées.
Seulement, les associations, les institutions, les acteurs
politiques et, principalement, les financeurs bloquent à
différents niveaux l'introduction de cette réforme.
Nous pouvons dès lors nous poser la question de savoir
si celle-ci est vraiment souhaitable.
Florence WEBER, qui s'est penchée sur le sujet, avance
divers arguments.
Nous pourrions dire que la convergence des deux champs ne
serait pas pertinente si l'on considère le fait que la dépendance
n'est qu'un aspect du handicap, les personnes handicapées rencontrant
d'autres difficultés que celles des personnes âgées
dépendantes (scolarisation, emploi, revenus). S'ajoute à cela la
question de la démographie. Ces deux populations représentent
deux catégories bien distinctes en fonction de leur volume ainsi que de
la durée de leur présence dans la situation. Autrement dit, le
handicap concerne, pour citer l'auteur, « peu d'individus, mais pour
une durée très longue » alors que la dépendance
concerne « beaucoup d'individus pour un coût bien moins
important par personne », étant donné que
l'espérance de vie est moins longue.
Face à ces arguments, Florence WEBER en avance un qui,
à lui seul, fait ressortir toute l'importance qu'aurait la convergence
des deux politiques : les difficultés rencontrées par ces
deux populations dans la vie quotidienne sont les mêmes. Pour elle, leurs
difficultés doivent être reconnues et compensées en
fonction de leur existence et non de l'âge de la personne
concernée.
Dans cette optique, il s'agirait donc de partir du parcours de
vie des personnes, afin de pouvoir construire, en fonction d'eux, le dispositif
de prise en charge globale des individus. Cela supposerait de revoir toutes les
institutions existantes, les prestations, les instruments d'évaluation
et les diverses philosophies rattachées à ces prestations.
Plusieurs Conseils généraux s'accordent aussi
pour dire qu'il faut une vision plurielle, privilégiant la notion de
parcours plutôt que celle de la genèse de la perte d'autonomie.
Selon les acteurs de terrain, les Maisons De l'Autonomie (MDA)
doivent également être l'occasion de réfléchir aux
évolutions sociétales communes aux deux secteurs. Comme le
vieillissement des personnes handicapées ou le fait que de plus en plus
de personnes âgées perdent leur autonomie à cause d'une
maladie invalidante. D'où la pertinence de les rattacher au champ du
handicap.
La convergence ne signifie donc pas nécessairement de
traiter de manière uniforme les attentes mais elle doit permettre, au
contraire, une similitude dans l'approche des besoins et des personnes pour
pouvoir offrir des réponses adaptées aux situations
individuelles.
La dimension d'acculturation de la population est
également importante.
4. La Classification Internationale du Fonctionnement, du
handicap et de la santé
Parmi les éléments favorables à cette
convergence, nous trouvons la lecture qui peut être faite de la
Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la
santé (CIF), adoptée par l'assemblée
générale de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en
2001.
Non seulement elle ne traite plus de manière
négative les effets du problème de santé sur la personne,
elle analyse ses retentissements sur les fonctions organiques et les structures
anatomiques sur les activités de la personne et sa participation sociale
en incluant les facteurs environnementaux qui seront facilitateurs ou
générateurs d'obstacles et les facteurs personnels liés
à l'individu.
La CIF montre qu'il ne s'agit plus de handicap ou de
handicapés mais d'un processus dynamique qui peut aboutir à la
mise en situation de handicap d'une personne par l'interaction des facteurs
physiques, environnementaux et personnels.
Personne ne naît handicapé, nous ne sommes pas
handicapés, nous pouvons nous retrouver en situation de handicap
à partir d'un problème de santé lié à une
maladie, un accident, à une anomalie génétique ou tout
simplement aux effets du vieillissement.
5. Harmonisation des personnels et professionnels
Les métiers relatifs à la prise en charge
reflètent une disparité. Si l'on peut dire que le monde du
handicap a créé ses propres métiers, via des associations
et professionnels, l'approche médicale et sanitaire reste, quant
à elle, prédominante dans l'univers des personnes
âgées. Les diplômes universitaires de gérontologie se
sont ouverts, mais les formations de kinésithérapeutes, de
psychologues et d'assistants sociaux comportent encore peu de contenus
spécifiques à la vieillesse. Et cela même si nous
connaissons aujourd'hui l'importance et l'intérêt de croiser les
disciplines. La suprématie du médical « pur »
pousse à traiter la maladie et à ne pas se mobiliser suffisamment
pour des difficultés qui apparaîtraient comme moins gênantes
ou handicapantes (la solitude, la mobilité, l'isolement ou encore
l'absence de communication), parce qu'elles ne touchent pas des fonctions
considérées comme vitales.
Si le gouvernement français souhaite aller vers une
nouvelle logique d'accompagnement concernant le handicap et la
dépendance, il faut avoir les deux approches : médicale et
sociale. La logique de l'incapacité et de l'assistance a des effets
quelque peu sournois dans tous les domaines. Une harmonisation et une meilleure
coopération entre les métiers de la vieillesse et ceux du
handicap pourraient contribuer à la mise en place d'une nouvelle
approche basée sur le respect et la promotion de l'autonomie de la
personne en charge. Le concept de la
« réhabilitation » appliqué notamment en
Allemagne et dans beaucoup de pays nordiques dans le domaine de la maladie
chronique, et favorisant l'intégration de la personne en charge par le
maintien de son autonomie et le rétablissement de ses capacités,
semble, dans ce contexte, prometteur. Il serait également judicieux
d'envisager l'amélioration des services (l'accueil de nuit, l'accueil de
jour) ainsi que la formation des professionnels, comme il serait
nécessaire de valoriser les métiers par des meilleures conditions
de travail et une formation adaptée.
Une organisation territoriale, basée sur une logique de
guichet unique et de pôles de ressources, accessible et de
proximité, semblerait alors pertinente.
Selon Janine DUJAY-BLARET, vice-présidente du
Comité National des Retraités et Personnes
Agées (CNRPA) et membre de la CNSA, les CODERPA (Comité
Départemental des Retraités et Personnes Agées) doivent
être des acteurs incontournables, notamment au sein des MDPH. Un
regroupement de ces dernières avec les Centres Locaux d'Information et
de Coordination(CLIC) permettrait certainement plus de coordination, facilitant
la lisibilité et la communication.
Un lieu unique, un lieu pour tous, faciliterait les
démarches pour les personnes et leurs aidants.
Les CLIC pourraient alors devenir les relais possibles des
MDPH et cela irait dans le sens d'une action cohérente au niveau
départemental.
Elle estime qu'il serait également intéressant
de renforcer leurs compétences gérontologiques.
La coordination de ces acteurs multiples doit, comme
l'idée a déjà avancée, s'opérer entre les
secteurs sociaux, médico-sociaux et sanitaires, dans le but de faciliter
le parcours de la personne concernée.
Pour Jean-Michel CAUDRON, Consultant en ingénierie
gérontologique, il s'agirait de travailler sur la pertinence et
l'efficience du secteur médico-social afin d'en faire un champ
précis.
Par ailleurs, un constat a été fait au sein de
plusieurs départements : les équipes chargées des
personnes âgées et celles en charge des personnes
handicapées effectuent le même travail à deux guichets
différents.
En regroupant les services et en formant des équipes
aux deux casquettes, les professionnels pourraient se remplacer. De même
qu'un dispositif commun faciliterait la vie des usagers.
C'est d'ailleurs ce fonctionnement qui a été mis
en place dans le Pas-de-Calais : les mêmes équipes
évaluent l'APA pour les personnes âgées et la PCH pour les
personnes en situation de handicap.
L'étude « Du soutien à la
dépendance au soutien à l'autonomie » menée par
l'ODAS révèle qu'un accueil commun pourrait faciliterune approche
plus stratégique de la territorialisation.
Vouloir optimiser l'accueilet l'information des personnes
âgées en perted'autonomie et des personnes handicapées a
favoriséla création de territoires communs dans prèsd'un
département sur deux. Cela peut constituer unatout important pour
consolider dans le futur unedémarche d'observation
territorialisée des besoinssociaux, qui serait bâtie sur
l'ensemble des informations recueilliesà l'occasion des rencontres avec
le public. Une perspective qui apparaît crédible sachant que les
territoires majoritairement définis pour la perte
d'autonomiecoïncident avec les territoires du service social, servant
souvent de support à l'émergence d'unprojet social local.
Toutefois, si l'on en croit cette étude, cela nécessitera une
« profonde évolutiondu service social », les
professionnels étant encorepeu familiarisés avec le passage
observé ces trentedernières années d'un traitement de la
pauvreté despersonnes âgées à un traitement de la
dépendance.
Il faudraitredéfinir la finalité même du
travail social afin de passerd'une approche par dispositif et par public
à uneapproche plutôt centrée sur un projet de territoire
visantau maintien actif dans la vie sociale des populations les plus fragiles
(précarité matérielle, différence culturelle, mais
aussi l'âge, le handicap, l'isolement, etc.).
L'harmonisation constatéedes problématiques de
la dépendance et du handicapautour d'une approche territorialisée
marquerait ainsiune avancée décisive dans une ouverture de
l'actionsociale sur le développement social.
6. Une meilleure maîtrise des dépenses
Nous constatons qu'à l'heure actuelle les moyens
financiers de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA)
et ses réserves plafonnent, s'épuisent.
Le Haut Conseil pour l'Avenir de l'Assurance Maladie (HCAAM)
soutientqu'un « meilleur accompagnement de la perte d'autonomie est
susceptible de constituer un puissant levier pour la maîtrise de la
dépense d'assurance maladie, à condition que ses modalités
d'engagement soient conçues en complémentarité
étroite avec la réponse aux besoins de soin ».
La création d'un cinquième risque
relèverait également d'un enjeu financier : une meilleure
maîtrise des dépenses.
L'UNIOPSS va dans le même sens. Pour elle, les effets de
la crise économique et son impact sur la croissance de l'emploi doivent
donner lieu à un nouveau socle de « financement
socialisé et commun de compensation pour l'autonomie des personnes
âgées et des déficiences des personnes
handicapées ».
Pour ce faire, les moyens de la CNSA doivent être
couplés à ceux d'un système général de
protection sociale afin de garantir à ce risque social, un financement
généralisé.
II. Les moyens de mise en oeuvre au regard des enjeux,
des limites et des perspectives caractérisés par cette
convergence
A) Quels sont les moyens de mise en oeuvre ?
1. Une législation, des acteurs multiples
Dans 90 % des départements, une direction de
l'autonomie regroupe désormais les services d'accompagnement de ces deux
populations. Les collectivités appliquent peu à peu l'esprit de
la loi Handicap de 2005, envisageant une convergence des réponses
apportées aux personnes âgées et aux personnes
handicapées.
La future loi Autonomie pourrait accélérer ce
mouvement de rapprochement. En vue de sa préparation, Michèle
DELAUNAY, Ministre déléguée chargée des personnes
âgées et de l'autonomie, a commandé deux rapports :
l'un au gériatre Jean-Pierre AQUINO1 et l'autre au conseiller
général Luc BROUSSY2.
Ces derniers proposent de transformer les actuelles MDPH en
Maisons De l'Autonomie (MDA), qui accueilleraient les deux publics.
Dans la liste des objectifs visés, simplification et
rationalisation sont suivies de près par la recherche d'une
équité de traitement des personnes âgées et
handicapées.
Les MDA permettraient alors d'appliquer une même logique
à l'évaluation de toute personne en perte d'autonomie, quel que
soit son âge.
1 « Anticiper pour une autonomie
préservée : un enjeu de société »,
Jean-Pierre AQUINO.
2 « L'adaptation de la
société au vieillissement de sa population : France,
année zéro ! », Luc BROUSSY.
Et même si le changement des mentalités et des
organisations ne se fait pas du jour au lendemain, cela révèle
une forte volonté de rapprochement sur le terrain.
Nous développerons au sujet de ces MDA par la suite.
La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002,
en reconnaissant le principe d'un droit universel à compensation
des incapacités, donnait une première satisfaction de principe
à la demande de convergence entre les différents dispositifs de
compensation intéressant les personnes âgées en perte
d'autonomie et les personnes handicapées.
L'annonce du plan « Vieillissement et
Solidarités » par le gouvernement à l'issue de la
catastrophe sanitaire de la canicule de l'été 2003 et les
événements de l'année 2004 qui ont suivi ont permis de
faire émerger ce principe de convergence dans les politiques publiques.
Nous pouvons citer la publication de l'avis du Conseil Economique et Social
présenté par Maurice BONNET 1, le décret
du 25 juin 2004 sur les soins à domicile et surtout la loi du 30 juin
2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes
âgées et des personnes handicapées instituant la CNSA, et
enfin l'examen et le vote par le parlement le 11 février 2005 de la loi
sur l'égalité des chances et des droits, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées, qui ont permis de
reconnaître officiellement le principe de convergence.
Les pouvoirs publics ont fini par entendre les demandes
portées non seulement par les organisations représentatives mais
également par les instances de l'Union Européenne qui demandent
instamment aux pays membres de se conformer aux prescriptions de la Charte des
Droits fondamentaux (en annexe 3, quelques pages relatives au sujet). Cette
dernière interdit toute forme de discrimination, par le sexe,
l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle dans les systèmes de
protection sociale.
L'enjeu principal étant bien celui de
l'égalité de traitement de toute personne en manque ou en perte
d'autonomie quel que soit son âge, en lisant l'article 13 de la loi du 11
février 2005 (annexe 4), nous constatons que c'est le sens même de
cette disposition législative.
Il prévoit une distinction selon l'âge en
matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais
d'hébergement en établissements sociaux et
médico-sociaux.
1 Maurice BONNET, Pour une prise en charge
collective, quel que soit leur âge, des personnes en situation de
handicap, Rapport au Conseil Economique et Social,
mars 2004.
Cet article renvoie à une harmonisation de l'APA et de
la PCH et à une réforme de la tarification des
établissements et des services sociaux et médico-sociaux. De
plus, il soulève la question des prestations d'aide sociale puisque,
depuis la loi de 2005, des personnes ayant les mêmes ressourceset les
mêmes besoins peuvent être traitées différemment
selon leur âge. Se trouve également interrogée, de
manière plus globale, la nature des interventions prises en compte dans
une future prestation de compensation intéressant toutes les
catégories de personnes en situation de handicap.
D'autres acteurs entrent en jeu : les MDPH, dont les
équipes pluridisciplinaires (PCH), les équipes
médico-sociales (APA), les centres ressources territoriaux (comme les
CLIC).
Les Agences Régionales de Santé (ARS)
apparaissent également comme un véritable atout, permettant une
concentration des outils de pilotage et de programmation au niveau
régional.
Par ailleurs, la création et l'action de la CNSA
peuvent représenter le premier signe tangible d'une convergence entre
les politiques en direction des personnes âgées et
handicapées. En effet, cette dernière conduit les
représentants de ces deux populations et les organismes oeuvrant en leur
direction à poser le problème de l'équité des
dispositifs existants.
Les discussions ouvertes au sein du Conseil de la CNSA ou, en
amont de celui-ci, dans le cadre du GR 31 (Groupe de Réflexion informel
des 31 associations représentant les personnes âgées et
handicapées et les institutions qualifiées membres du Conseil de
la CNSA) qui s'est substitué au GRITA (Groupe de Réflexion sur
les Incapacités à Tout Age), contribuent ainsi à
construire une culture commune entre les deux secteurs.
Parmi les autres acteurs ayant abordé cette question,
nous trouvons l'UNIOPSS :Union Nationale Interfédérale des
OEuvres et Organismes privés Sanitaires et Sociaux. Aux
côtés de beaucoup d'autres organisations, elle milite depuis
plusieurs années pour que cesse la discrimination par l'âge dans
les modes de compensation des incapacités et des handicaps. Pour
l'UNIOPSS, il est difficile d'admettre qu'une personne soit plus ou moins bien
prise en charge au seul motif qu'elle ait été
« handicapée » trop tôt ou trop tard.
C'est ainsi que, dès sa constitution, l'UNIOPSS a
rejoint le GRITA.
Le GRITA comportait, quant à lui, des
représentants du champ du handicap ainsi que de celui des personnes
âgées. Ce groupe avait à plusieurs reprises
déjà ouvert le débat autour de ce qu'il nommait
« la compensation universelle quel que soit l'âge ».
Pour lui, il est du ressort des pouvoirs publics de compenser les
conséquences de la situation de handicap pour favoriser
l'égalisation des chances de la personne dans tous les domaines de la
vie. Ce droit à compensation doit prendre en compte l'ensemble des
besoins résultant de la situation de la personne et vise à
restaurer son autonomie. La compensation de la situation de handicap conjugue
la mise en oeuvre coordonnée de moyens indissociables et
complémentaires tels que les aides techniques, humaines,
animalières et l'adaptation des lieux de vie. Ce droit à
compensation doit être garanti à toute personne en situation de
handicap quels que soient son âge, sa situation au regard de l'emploi et
son lieu de vie habituel.
Les moyens de compensation à mettre en oeuvre
résultent d'une évaluation individualisée des besoins de
la personne, tenant compte de l'origine et de la nature de la
déficience, de ses capacités et de ses incapacités, de son
environnement, des facteurs personnels (comme le sexe, l'âge, la culture,
les ressources...) et essentiellement de la façon dont elle veut mener
sa vie.
Pour le GRITA, cette évaluation doit être un
processus de négociation entre la personne concernée et les
équipes pluridisciplinaires. Elle ne doit pas être le
résultat de l'application mécanique d'une grille ou d'un
barème. Les équipes d'évaluateurs devraient alors
s'organiser au sein des maisons départementales communes à toutes
les personnes en situation de handicap.
Même si le législateur, à travers sa
rédaction de la loi du 11 février 2005, n'a pas retenu la notion
de handicap relative à la CIF, force est de constater qu'elle est
certainement de nature à fournir un point d'ancrage à la
convergence souhaitée en posant les analyses en termes de prise en
compte de conséquences générées par un trouble de
la santé et non plus de catégorisation selon un handicap
considéré comme originel.
Cette loi renvoie à une approche favorable de cette
convergence, avec l'intégration, dans sa définition de la
personne handicapée, des notions de limitation d'activité et de
restriction de la participation sociale. La prise en compte comme
élément premier du projet de vie de la personne sur laquelle va
s'appuyer l'évaluation de ses besoins et la constitution d'un plan
personnalisé de compensation doit aussi permettre de s'adresser de
manière identique à toute personne quelle que soit l'origine de
son problème.
Il s'agit là d'un autre levier possible : mettre
la personne au coeur du dispositif.
2. La personne au coeur du dispositif
Florence WEBER, auteur de l'ouvrage Handicap et
dépendance. Drames humains, enjeux politiques, s'est penchée
sur la question. À partir d'enquêtes statistiques et
ethnographiques, elle analyse la prise en charge du handicap et de la
dépendance par les pouvoirs publics.
Elle pointe plusieurs dysfonctionnements de notre
système, en avançant des propositions en vue de
l'améliorer.
L'un des moyens de mise en oeuvre serait d'abord d'inscrire
véritablement la personne concernée au coeur du dispositif. En
matière de handicap, ce que nous appelons le « projet de
vie » est l'élément qui sert à élaborer
les plans personnalisés de compensation au sein de la MDPH. Aux termes
de la loi, une prestation (en nature ou en espèces) est donc
attribuée en fonction des besoins exprimés par cette personne
dans son projet de vie.
Autrement dit, pour un même handicap, en fonction des
différents impacts de la déficience sur les projets de la
personne, la prestation perçue pourra ne pas être la même,
étant donné que les « besoins »
exprimés par la personne pourront ne pas être les mêmes.
La suppression de la barrière d'âge doit avoir du
sens pour les personnes. Cela suppose, selon elle, un mode d'évaluation
unique en fonction du projet de la personne.
Il faut également prendre en compte le fait que la
perte d'autonomie est une notion évolutive nécessitant une
adaptation continue de la prise en charge, puis une politique cohérente
avec le suivi des personnes.
Les parcours de vie, non linéaires, nécessitent
alors de mieux appréhender leurs besoins.
Afin de simplifier le suivi et assurer un
accompagnementcohérent de la personne lourdementdépendante, des
coopérations peuvent être organiséesentre tous les acteurs,
du champ social comme du champ sanitaire.
Il s'agirait alors de prendre en compte les besoinsdes
personnes dans toutes leurs dimensions.
Cescoopérations peuvent conduire à la mise en
placed'interventions coordonnées autour de chaque personneet d'actions
à destination non seulement despersonnes elles-mêmes, mais
également de leur entourage.
3. Vers un système moins complexe et des
réponses plus adaptées
Florence WEBER va plus loin en évoquant l'idée
suivante au sujet des personnes handicapées : « Pour
avoir la possibilité de choisir l'environnement qui leur convient le
mieux, il faudrait diminuer les frais d'hébergement des personnes
âgées les plus dépendantes et diminuer les coûts
(humains et monétaires) du maintien à domicile pour les enfants
et les adultes sévèrement handicapés ».
Un tel projet nécessite de refonder les modes de
financements et le secteur professionnel de l'aide à domicile et du soin
en établissement. Les projets de vie dépendent des solutions
offertes par nos institutions.
Afin de pouvoir réaliser cette convergence, l'auteur
propose de rapprocher les grilles d'évaluation relatives au handicap
ainsi qu'à la dépendance. En effet, les modalités qui
servent à évaluer sont rattachées à des logiques
purement administratives. Les grilles, les barèmes, les guides mettent
en oeuvre des histoires et des définitions diverses de la
catégorie « handicap », ce qui n'empêche pas
les acteurs du domaine de traiter ces problématiques sous la même
catégorie : le « handicap ».
Un guide d'évaluation unifié pourrait ainsi
être composé d'un « tronc commun » et de «
questions filtres » permettant de répartir les personnes ayant
droit à compensation entre plusieurs régimes.
On pourra dès lors aborder le problème sous deux
angles : des évaluations différentes n'empêchent pas
une même problématique de se constituer comme telle ; et si
dépendance et handicap doivent se rapprocher, quelle définition
du handicap serait mise en oeuvre par ces dispositifs ?
Il serait également pertinent d'opérer une
convergence au niveau du panier des biens pris en charge au titre de la PCH et
de l'APA. Il est vrai qu'il est parfois difficile à justifier, aux
yeux des usagers, que l'aide ménagère puisse être prise en
charge au titre de l'APA mais pas de la PCH. À l'inverse, les
allocataires de l'APA ne comprennent pas pourquoi il leur est interdit
d'indemniser ou de rémunérer un aidant familial, alors qu'un
titulaire de la PCH y est autorisé.
Il faut prendre en considération le fait que l'APA,
aujourd'hui, en dépit de la modicité des montants maximum
d'allocation, laissant un reste à charge important pour les
bénéficiaires, prend en compte l'aide aux actes de la vie
quotidienne alors que la PCH, plus généreuse dans ses montants
attribués, ne prend en compte que les seules aides aux actes essentiels
de la vie.
Hélène GISSEROT va également dans ce
sens. Elle estime pertinent d'harmoniser les outils d'évaluation (en
rapprochant les grilles AGGIR et GEVA, le GEVA est le guide d'évaluation
des besoins de compensation de la personne handicapée), d'identifier un
panier de biens et de services communs, de faire converger divers
éléments de la couverture du risque (aide sociale, reste à
charge, tarification des établissements, prise en compte des ressources,
etc.) mais tout en gardant à l'esprit que la transversalité
n'implique pas nécessairement l'uniformité de la prestation.
Toutefois, même si ce phénomène de
convergence n'est pas clairement affirmé par les pouvoirs publics,
certaines pratiques concrètes laissent pourtant déjà
penser qu'elle est réalisable.
Prenons le cas des deux allocations gérées par
les Conseils généraux : l'APA et la PCH. Ces
dernières donnent lieu, au niveau local, à des apprentissages.
Les Conseils généraux se sont basés sur les savoir-faire
acquis au moment de la mise en place de l'APA pour mettre en place la PCH. Par
exemple, des logiciels informatiques créés pour la PCH ont pu
directement inspirer ceux mis en place pour l'APA. Il est possible pour les
personnels sociaux et médico-sociaux de faire carrière dans un
domaine ou dans l'autre. Les compétences circulent, contrairement
à ce que pourrait laisser imaginer la segmentation des grilles et des
référentiels.
Toujours dans le but de faire ressortir toute la pertinence
qu'aurait la convergence des deux politiques, Florence WEBER insiste sur un
autre point : la structuration des professions qui accompagnent les
personnes en situation de dépendance. Pour elle, il serait
intéressant, voire nécessaire, de constituer une profession
autour des services d'aides à la personne. Pour ce faire, il faudrait
donner une base solide au statut professionnel des aidants, ces derniers
gagnant alors en légitimité pour être appuyés sur
l'aspect médical des pratiques réalisées. Ces
métiers, qui attirent essentiellement des mères de famille en
reprise d'emploi, sont en perte d'attractivité : les femmes sont de
plus en plus diplômées et s'arrêtent moins de travailler
lors de l'arrivée d'un enfant. Renforcer leur statut permettrait de
relativiser ces professions.
L'auteur propose la création d'un
« conseiller handicap et dépendance », qui aurait
à la fois des compétences médicales et sociales et qui,
surtout, ne serait pas relié aux instances finançant les
prestations. Il est vrai que de nombreux acteurs intervenant dans les
évaluations (médecins, assureurs...) ne sont pas toujours neutres
dans la mesure où l'évaluation va déterminer le montant de
prestation.
Par ailleurs, une meilleure coordination entre les acteurs
permettra incontestablement d'aller vers un système moins complexe, en
apportant des réponses plus adaptées.
Elle manque aux échelons politiques.
Afin de remédier à ce problème, les
ministères sociaux, le ministère du développement durable
(au titre des transports) et celui des sports ont installé, le 19 avril
2012, un Comité national de coordination de la prévention de la
perte d'autonomie.
Privilégier la prise en compte de la perte d'autonomie
au cours de la vie plutôt que l'approche sectorielle des handicaps
relève de l'intention de la plupart des départements. En effet,
ces derniers souhaitent également améliorer l'approche
territoriale de la question, certains usagers se retrouvés souvent
dépassés par la multitude de dispositifs enchevêtrés
sur le territoire : CLIC, MDPH, services APA du Conseil
général, réseaux MAIA (Maisonpour l'Autonomie et
l'Intégration des malades Alzheimer)...
Le nombre d'acteurs laisse à penser que l'action est
donc pénalisée, la rendant coûteuse.
Il faudrait être plus pragmatique.
C'est dans cette optique que le département du Gard,
pour le citer en exemple, s'est engagé dans la convergence des
dispositifs relatifs aux personnes âgées et handicapées. En
mutualisant certaines réponses, en optimisant les ressources, le Conseil
général a su offrir plus de lisibilité aux usagers.
Dans une approche dynamique, il ne s'est pas contenté
de juste compenser la perte d'autonomie ou la dépendance, mais a
réellement apporté une aide quant au maintien à domicile,
le plus longtemps possible.
Nous avons vu qu'il existait deux outils : la grille
AGGIR relative aux personnes âgées et la grille GEVA relative aux
personnes handicapées. Le département travaille sur le
développement de l'outil GEVA A, à destination des deux
populations.
4. La CNSA et les MDA
Comme nous l'avons vu précédemment, le
financement de l'accompagnement reflète des inégalités
croissantes entre les départements. Si ces derniers ont toujours eu la
responsabilité des prestations sociales en direction des personnes
âgées, il faut néanmoins que l'État garde certaines
compétences, notamment en ce qui concerne la répartition des
moyens.
La création de la Caisse Nationale de Solidarité
pour l'Autonomie (CNSA) est une réelle avancée. En effet, elle
facilite en particulier la péréquation et la convergence entre
les dispositifs des personnes handicapées et ceux des personnes
âgées. La CNSA peut véritablement être
considérée comme un lieu de réflexion, de coordination et
d'évaluation des politiques publiques.
Selon Hélène GISSEROT, la CNSA peut assurer la
cohérence d'une nouvelle branche de protection sociale
dédiée à la dépendance. Elle a le volet handicap et
le volet dépendance ; elle gère les crédits de
l'ONDAM médico-social ; elle assure les relations avec les conseils
généraux et il lui incombe de veiller à
l'équité territoriale. Par ailleurs, elle rassemble l'ensemble
des acteurs, associatifs et publics, intervenant dans le champ de la
dépendance.
En 2012, elle a consacré, par ses ressources propres et
les crédits d'assurance maladie qu'elle gère, 20,5 milliards
d'euros au financement des politiques d'aide à l'autonomie, presque
à parts égales entre personnes âgées et personnes
handicapées. L'État, la Sécurité Sociale et des
Conseils généraux y ont également contribué. Nous
sommes donc face à un ensemble de réponses qui doivent progresser
et mieux s'articuler afin de renforcer la solidarité pour
l'autonomie.
Cependant, quelques points de vigilance sont à
observer. À moyen et long terme, il ne faudrait pas sous-estimer les
risques de cette création. D'après un rapport de la Cour des
comptes, il conviendra de rendre transparente la complexité des
systèmes de décision et de prévoir un financement
pérenne de ce nouveau risque social. En particulier, le rôle des
Conseils généraux, comme l'égalité en
matière de financement d'un département à l'autre, devra
être très rapidement clarifié.
En 2011, Luc BROUSSY, alors vice-président de la
commission des politiques sociales et familiales de l'ADF, avait annoncé
vis-à-vis de la CNSA, que « la création de cette caisse
est une des meilleures choses qui soient arrivées au secteur depuis
2005 ».
Il avait toutefois pointé deux modifications
souhaitables : étendre la contractualisation entre CNSA et
départements sur le handicap, autour des MDPH, à celle des
personnes âgées (fait à ce jour) ;
réfléchir à une autre gouvernance de la CNSA : un
comité d'orientation auquel participeraient toutes les associations,
à côté d'un conseil réunissant l'Etat, les Conseils
généraux et les parlementaires. Un comité qui serait
vraiment responsable du financement et de la caisse.
L'UNCCAS, quant à elle, évoque même
l'idée d'une transformation future de la CNSA en véritable caisse
de Sécurité Sociale en charge du risque
« Autonomie ». Et, de ce fait, donner une place plus
significative aux collectivités territoriales comme aux
représentants des gestionnaires et des usagers au sein de ses instances
de gouvernance.
C'est donc à travers cette volonté d'optimiser
les politiques à destination de ces deux publics que la CNSA a
apporté son soutien à quelques départements pionniers,
s'engageant dans l'expérimentation d'un rapprochement des dispositifs
concernant l'information, l'accueil et l'évaluation de la situation des
personnes âgées et handicapées, sous la forme de Maisons De
l'Autonomie (MDA).
Une étude de l'Observatoire National de l'Action
Sociale Décentralisée (ODAS), rendue publique le 6 septembre
2011, révèle que six d'entre eux ont fait l'objet de visites
approfondies pour leur forte implication dans l'articulation des politiques
touchants aux domaines du handicap et de la dépendance.
Il s'agit de l'Aube, de la Corrèze, du Morbihan, de
l'Oise, du Pas-de-Calais et des Yvelines.
Depuis la loi du 20 juillet 2001, définissant le droit
et la structuration de l'attribution de l'APA et la loi du 11 février
2005 relative à la prise en compte du handicap, nous pouvons relever
trois dispositifs existant sur le terrain :
- les équipes médico-sociales des Conseils
généraux (EMS) ;
- les Centres Locaux d'Information et de Coordination (CLIC),
qui peuvent avoir plusieurs statuts et sont désormais sous la
responsabilité des Conseils généraux ;
- les Maisons Départementales des Personnes
Handicapées (MDPH).
Dans ce contexte, faire émerger des MDA pourrait
constituer un point d'appui important, tant pour organiser un travail
coordonné à un niveau local, proche des usagers, tant que dans la
préparation et l'accompagnement de la mutualisation des
procédures entre les secteurs du handicap et de la perte d'autonomie.
Ces MDA devraient alors répondre à plusieurs
objectifs :
· Mettre à la disposition de toute la population
et des acteurs du territoire un lieu unique d'accueil et d'information de
proximité ;
· Appliquer une même logique à
l'évaluation globale de la situation d'une personne effectuant une
demande de compensation et ce, quel que soit son âge ;
· Harmoniser et optimiser la mise en oeuvre des
réponses aux besoins de la personne suite à l'évaluation
réalisée ;
· Offrir aux personnes âgées et aux
personnes handicapées, un suivi personnalisé et adapté
à la situation de chacune d'elles, reposant sur un
« référent professionnel » :
o pendant la phase d'évaluation et de traitement de la
demande ;
o pendant la période de réalisation du plan
d'aide ;
o avec une fonction particulière et nouvelle pour les
situations complexes(fonction de coordonnateur-référent),telle
que celle de gestionnaire de cas expérimentée par les MAIA mises
en place dans le cadre du plan Alzheimer.
Observer les besoins de la population sur le territoire de
la MDA afin d'élaborer des projets permettant d'adapterles
réponses à ses spécificités.
Ces Maisons De l'Autonomie peuvent être
envisagées de deux manières différentes.
Elles peuvent, tout d'abord, s'inscrire dans un rapprochement
géographique de leurs équipes d'accueil et parfois
d'évaluation de la situation des personnes âgées ou
handicapées ; les départements s'engageant ainsi dans le
prolongement d'une territorialisation de leurs politiques.
Elles peuvent, ensuite, faire le choix de mutualiser leurs
pratiques professionnelles, optant alors pour une mise en commun des outils,
des méthodes, des professionnels et des dispositifs mobilisés,
les prestations accordées restant quant à elles toujours
différentes.
5. Que révèle l'étude menée par
l'ODAS ?
Afin d'optimiser leurs compétences techniques et
voulant faire coïncider l'évolution des besoins sociaux et leur
organisation, les départements sont très majoritairement
favorables à une conception unifiée du soutien à
l'autonomie.
Cela se vérifie non seulement dans les organigrammes et
dans les missions d'observation et de prospective, étude menée
par l'ODAS en partenariat avec la CNSA et la DGCS (Direction
Générale de la Cohésion Sociale), mais également
dans l'articulation des politiques publiques et la territorialisation de leurs
services, traduisant une volonté d'organisation autour d'un accueil et
d'une orientation communs.
Il s'agit, de par la proximité avec les publics, de
mieux adapter les réponses par un diagnostic de territoire.
Nous nous pencherons dès lors sur les moyens de mise en
oeuvre possibles, à travers cette étude intitulée «
Du soutien à la dépendance au soutien à l'autonomie, La
décentralisation de l'accueil, de l'information, de l'orientation et de
l'évaluation des personnes âgées dépendantes et des
personnes handicapées ».
Les départements ont développé une
logique d'organisation intégrée des services.
D'une part, en développant desservices communs. En
2011, ils étaient 91 % à avoir créé des
« directions de l'autonomie » ou des « directions de la
solidarité pour l'autonomie ».
Ce qui a permis, pour les deux tiers des départements,
de mutualiser des missions importantes comme l'autorisation et la tarification
des établissements et services.
D'autre part, ils ont décidé de procéder
à une analyse commune des besoins sociaux, s'inspirant davantage du
concept de soutien à l'autonomie que de celui de personnes
âgées ou de personnes handicapées.
Dans cette optique de convergence, des thèmes communs
aux deux problématiques peuvent être abordés, comme l'aide
aux aidants (du fait du vieillissement des personnes handicapées),
l'isolement, ou encore l'accessibilité en milieu urbain ou la
mobilité en milieu rural...
Les départements recherchent des pistes de
complémentarité tant dans la prise en charge en
collectivité (établissements spécialisés et accueil
en maison de retraite classique) qu'à domicile (aides techniques, aides
à la vie sociale, aménagement de l'environnement...).
Nous constatons que les habitudes et les regards
évoluent plus facilement vers une perception commune des besoins des
personnes âgées dépendantes et des personnes
handicapées. Notons que la mutualisation s'articule autour de l'offre de
services, favorisant la mise en oeuvre de formations communes,
dorénavant organisées dans la moitié des
départements, pour les personnels en charge des personnes
âgées dépendantes et des personnes handicapées.
Par ailleurs, cette organisation peut tendre à
favoriser l'articulation des politiques publiques.
Une politique axée sur le soutien à l'autonomie
tend à une approche transversale : en raison de l'implication des
politiques publiques, un réel partenariat doit s'instaurer, à
l'interne et à l'externe.
Une transversalité qui conduirait à une
coopération, pouvant s'inspirer de l'expérience des programmes
interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte
d'autonomie (PRIAC) qui regroupent, dans un document unique, la programmation
des établissements et services en matière de handicap et de
dépendance.
Une idée qui va dans le sens des schémas
départementaux.
Les départements ont dû aussi renforcer leurs
services et procéder progressivementà leur
territorialisationmême si, bien souvent, les communes (notamment par le
biais des Centres Communaux d'Action Sociale) ont continuéd'assurer une
fonction d'accueil et d'orientation.
L'étude révèle que cette
territorialisation favorise l'accueil commun, les départements
multipliant les points d'accueil et d'informationdes personnes
handicapées.
On peut ainsi observer que les MDPH s'appuient pourl'accueil
et l'orientation sur :
· les CCAS, voire les CIAS (Centres Intercommunaux
d'Action Sociale) (37% des départements) ;
· les CLIC et autres structures
gérontologiques (32% des départements) ;
· les associations locales de personnes
handicapées (31% des départements) ;
· les structures de maintien à domicile, tels
que servicesd'accompagnement à la vie sociale (SAVS), lesservices
d'accompagnement médico-social pouradultes handicapés (SAMSAH),
les services d'éducationspéciale et de soins à domicile
(SESSAD) (19% des départements).
Claudy LEBRETON, le président de l'ADF, avait
d'ailleurs souligné en 2011 la nécessité d'avoir un
débat commun, un débat qui doit être national, traduisant
une forte volonté des départements de vouloir s'associer aux
travaux conduits par le gouvernement.
6. Plans, programmes et solidarité nationale
La CNSA a fait un bilan intermédiaire de la
création de places prévues par les plans Solidarité grand
âge et Alzheimer et le programme pluriannuel pour les personnes
handicapées.
Trois plans vont se poursuivre jusqu'en 2016. 1,2 milliard
d'euros pour 39 540 places seront consacrés au secteur du handicap et
842 millions d'euros pour 85 276 places concernant le secteur du grand
âge.
Les objectifs devraient être atteints à l'horizon
2016. Quelques ajustements sont en perspective : créer plus de places
permanentes en établissements (par le plan Solidarité grand
âge), ainsi que plus de places pour les enfants et moins pour les
adultes, dans le programme pluriannuel pour personnes handicapées.
Un déséquilibre a été
constaté entre le nombre de places d'Etablissements d'Hébergement
pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) et celui de places de
services (Services de Soins Infirmiers à Domicile - SSIAD - et accueil
temporaire) : les premières ont été
privilégiées au détriment des autres structures.
Et même si le taux d'autorisation des SSIAD a
progressé de manière significative en 2012, l'objectif du plan
semble difficilement réalisable : 21 629 places ont été
autorisées sur les 36 000 programmées.
La CNSA avance plusieurs explications : la prudence des
gestionnaires dans un contexte de réforme de la tarification, la
difficulté à recruter des personnels soignants dans certaines
régions ou encore la faible mobilisation des gestionnaires pour
développer une offre au-delà de certains seuils.
À noter également que 80 % des places
créées en SSIAD le sont pour augmenter la capacité d'une
structure existante. C'est beaucoup moins le cas pour l'offre en accueil de
jour, en EHPAD ou en hébergement temporaire, développée
à partir de rien.
En outre, l'année 2012 a permis de concrétiser
les projets financés depuis 2010 et d'ouvrir 5 653 places
supplémentaires en Pôles d'Activités et de Soins
Adaptés (PASA), plateformes de répit, SSIAD
spécialisés et Unités d'Hébergement
Renforcées (UHR), pour atteindre un total de 13 076 places
installées depuis le début du plan.
En cinq ans, 27 413 places nouvelles ont été
autorisées, soit 69% du programme.
Une fois autorisés, les services, pour enfants comme
pour adultes, s'installent sans difficulté particulière. Les
places d'établissements demandent logiquement un peu plus de temps, mais
nous constatons une progression depuis la fin de l'année 2011.
Pour finir à ce sujet, à la demande du
Secrétariat général des ministères chargés
des Affaires sociales, la CNSA a réalisé, avec l'appui d'un
consultant, un état des lieux des schémas régionaux
d'organisation médico-sociale (SROMS) adoptés par les ARS.
Il est prévu que ce dernier soit publié à
la rentrée, venant ainsi alimenter les réflexions pour les
prochains plans au niveau national.
Ces SROMS, au nombre de vingt-six, ont été
publiés entre juin 2011 et décembre 2012. La moitié
distingue les orientations relatives aux personnes en situation de handicap, de
celles relatives aux personnes en perte d'autonomie, mais dans certains cas,
des thématiques sont traitées en commun. Nous constatons
généralement pour les deux catégories de publics des
orientations en matière de fluidification des parcours, d'efficience, de
recomposition et d'adaptation de l'offre médico-sociale.
Il existe, par ailleurs, des programmes européens tel
que Grundtvig (2007 - 2009) qui avait pour thème :
« Seniors actifs, adoptez la saine habitude ! ».
L'objectif de ce programme était la formation des personnels
intervenants auprès des personnes âgées à une
meilleure communication quant à l'intérêt d'adopter une vie
saine dans le but de préserver leur autonomie.
En outre, l'Etat s'est lancé dans
l'expérimentation des Maisons pour l'Autonomie et l'Intégration
des malades d'Alzheimer(MAIA) sur 17 sites, pilotée par la CNSA et en
voiede généralisation. L'expérimentation MAIA s'inspiredu
Programme de Recherches sur l'Intégration desServices pour le Maintien
à l'Autonomie (PRISMA)expérimenté entre 1990 et 2005 au
Québec. L'objectif était de pouvoir répondre de
manière continue aux besoins des personnesâgées en
situation de dépendance d'unterritoire et résoudre en particulier
le problème defragmentation du système de soins et de
services.
Présentée plutôt comme une boîte
à outils, maisavec également des personnels dédiés
à la coordinationdes situations, la MAIA apporte des
éléments méthodologiques dans le but de favoriser la
coordination detous les partenaires (sanitaire, médico-social,
social),autour de la personne.
À noter que les personnes handicapées sont
exclues de ce dispositif.
Au regard des différentes pistes de financement
envisageables (une cinquième branche de Sécurité Sociale,
un nouveau prélèvement sur la CSG, la création d'une
seconde journée solidarité...), l'UNCCAS défend le
principe d'un droit fondamental à l'aide à l'autonomie dont le
financement reposerait essentiellement sur la solidarité nationale
(autrement dit une répartition du coût sur l'ensemble de la
société).
Ceci implique donc, pour elle, de limiter le recours aux
assurances privées et une assiette de contribution la plus large
possible.
7. Vers une culture de la prévention ?
Concernant le grand âge, l'approche française est
centrée sur la prise en charge de la dépendance. Les politiques
commencent juste à percevoir l'intérêt financier et social
d'une démarche préventive.
Pour ce faire, il est nécessaire de développer
les actions, la coordination entre les différents acteurs et les
financements ainsi que de s'inscrire dans un véritable projet pour les
personnes concernées.
Il y a, en effet, un enjeu de société majeur
à promouvoir le bien vieillir et à retarder la perte d'autonomie.
Nous devrions aller vers une vraie
« culture » de la prévention de la perte
d'autonomie.
Les moyens à mettre en oeuvre seraient centrés
sur l'évaluation et la détection des facteurs de risque de la
dépendance, l'aménagement du domicile et plus largement des
villes, ainsi que sur la lutte contre l'isolement et la désinsertion
sociale des personnes âgées.
Il s'agit donc de penser un nouveau parcours de vie, afin de
« donner de la vie au temps et pas seulement du temps à la
vie », comme le souligne le Directeur de l'action sanitaire et
sociale et des services aux personnes à la caisse centrale de la MSA,
Bruno LACHESNAIE.
Une prévention efficace suppose de parvenir à
toucher les personnes qui en ont le plus besoin. Or, bien souvent, ces
dernières ne demandent rien. Conscientes du problème, les caisses
de retraite s'organisent afin de proposer des actions communes et pour mieux
mailler le territoire.
La plupart du temps, l'offre à domicile se cantonne aux
actes essentiels de la vie quotidienne, sans forcément tenir compte du
besoin d'épanouissement des personnes.
Dans cette optique de culture de la prévention,
l'idée serait de redonner vie à leur quotidien.
C'est alors l'environnement tout entier de la personne
concernée qui doit être pensé si l'on veut rendre effective
une stratégie de prévention digne de ce nom.
L'UNCCAS va dans ce sens et estime qu'une politique de la
prévention est indispensable.
D'après elle, la réforme autour d'un
cinquième risque ne doit pas aboutir au « sacrifice de la
prévention ». Les actions de prévention retardent les
effets dits « invalidants » du vieillissement et sont,
à long terme, autant d'économies sur les dépenses lourdes
de prise en charge (médicalisation, etc.).
C'est aussi la raison pour laquelle l'UNCCAS
préfère la notion « d'aide à
l'autonomie » plutôt que celle, trop réductrice, de
« prise en charge de la dépendance ».
B) Enjeux, limites et perspectives
1. Les enjeux
L'un des principaux enjeux d'une convergence
« personnes âgées / personnes
handicapées » serait que toute personne en perte d'autonomie
puisse obtenir une réponse en adéquation avec ses besoins, quels
que soient son âge et l'origine de sa situation de handicap.
2. Enjeux éthiques et sociétaux
Dépendance, autonomie, handicap, vieillissement sont
des mots qui véhiculent des représentations, déterminent
l'action et fondent nos attitudes par rapport à l'autre.
Pour Janine DUJAY-BLARET, vice-présidente
du Comité National des Retraités et Personnes
Agées (CNRPA) et membre de la CNSA, nous sommes toujours
dépendants de quelqu'un. Le vieillissement n'est pas synonyme de
handicap mais peut parfois être associé à une perte
d'autonomie qui devrait être compensée par une aide directe
humaine ou par une aide matérielle. La question du rapprochement du
secteur de la vieillesse et du handicap n'est pas nouvelle. La loi
d'orientation en faveur des personnes handicapées de 1975 n'avait pas
envisagé de séparer les deux secteurs. Ce sont les questions
réglementaires et financières qui ont, depuis une dizaine
d'années, induit cette séparation, en posant la barrière
arbitraire d'âge de 60 ans. Mais, selon elle, cela ne peut pas convenir
à notre société et c'est pourquoi nous sommes
obligés, à l'heure actuelle, de travailler à rapprocher
les politiques relatives aux champs de la vieillesse et du handicap.
L'un des moyens pour agir sur le regard que porte notre
société sur le handicap et la vieillesse serait, pour la
vice-présidente, de travailler avec les médias.
Le choix de supprimer un jour férié pour
financer la dépendance a suscité de vives controverses.
Paulette GUINCHARD l'estime injuste « parce
qu'il ne touche pas toutes les formes de revenus ». En faisant appel
à la Contribution Sociale Généralisée (CSG), on
aurait plus témoigné de la solidarité de l'ensemble des
couches sociales et des générations. Ce débat a
manqué l'occasion de redéfinir ce qu'est profondément la
Sécurité Sociale et de rappeler que le handicap, quel que soit
l'âge auquel il survient, en fait partie, tout comme la maladie ou les
accidents du travail.
Une nouvelle politique d'accompagnement devra également
davantage fonctionner dans une logique de soutien des familles. C'est
l'idée de la Députée du Doubs. En effet, elle rappelle
que, de nos jours, les familles sont souvent les premières
concernées par le défi du handicap, quel que soit l'âge de
la personne à leur charge. Cependant, la flexibilisation du travail, la
dispersion des membres de la famille et l'augmentation du nombre de familles
recomposées ont durablement changé l'organisation de la vie en
commun. Toute politique devra prendre en compte ces nouvelles
réalités.
Il ne peut y avoir de politique de l'accompagnement sans
politique de la famille et notamment sans politique pour la
famille. C'est pour cela qu'il serait nécessaire que les questions
liées à la dépendance et au handicap deviennent, en
France, partie intégrante des politiques de la famille.
L'ancienne secrétaire d'État aux Personnes
âgées va même plus loin en évoquant le souhait
que cette volonté politique se manifeste à travers « un
grand ministère de la Famille » qui prenne en compte tous les
âges de la vie afin d'organiser la réalité sociale et
médicale de nos citoyens de la naissance à la fin de la vie.
En parallèle, afind'améliorer notre
système de la prise en charge, il faudrait changer le regard de la
société sur la vieillesse :« Vieillir, c'est
vivre, c'est vivre seul ou en famille, c'est vivre autonome ou en situation de
handicap, c'est partager et participer ! ».
Nous pourrions imaginer que la généralisation
éventuelle des MDA sera l'occasion d'une remise à plat, en
particulier sur les territoires où les dispositifs sont absents ou alors
trop compliqués.
Cependant, dans son rapport, Luc BROUSSY rappelle que guichet
unique ne veut pas dire opérateur unique. Les MDA devront organiser
l'animation du territoire, tout en s'appuyant sur ce qui existe
déjà et qui fonctionne bien.
Chaque département risque de faire à sa
façon, à moins que la loi Autonomie à venir n'harmonise le
futur dispositif.
3. Enjeux économiques et financiers
La différenciation entre le handicap avant et
après 60 ans a été introduite pour la première fois
en janvier 1997 avec la création de la Prestation Spécifique
Dépendance (PSD). En même temps que la barrière des 60 ans,
le mot « dépendance », affecté de
façon implicite aux personnes âgées, se trouvait introduit
dans la loi.
L'objectif était alors de permettre une maîtrise
de la charge pesant sur le budget face à un allongement de la vie qui
risquait d'entraîner une augmentation trop importante du nombre de
situations de handicap. Soulignons qu'à l'époque, ce dispositif a
permis aux départements d'économiser la somme de 250 millions
d'euros par an, en réduisant le montant de l'aide après 60 ans,
diminuant d'autant les sommes consacrées à l'accompagnement des
personnes concernées. L'Allocation Personnalisée d'Autonomiequi
fut introduite en 2001 a, d'abord, repris cette barrière abolissant le
recours sur succession. Or, le gouvernement JOSPIN a toujours confirmé
la volonté de prévoir sa suppression et d'aller vers
l'idée d'une prestation unique.
Comme nous l'avons vu, la création d'une
cinquième branche de protection sociale est au coeur des débats
financiers et de gouvernance.
Aujourd'hui, la PCH est largement surfinancée : les
crédits ouverts par la CNSA représentant 200 à 300 % des
dépenses réelles des départements.
Deux éléments sont à prendre en compte
:
? La montée en charge de cette prestation est loin
d'être achevée. Contrairement à l'APA, elle doit financer
des durées de perte d'autonomie beaucoup plus longues, pouvant aller
jusqu'à une vie entière ou tout au moins plusieurs
décennies. Aussi, à l'heure actuelle,au regard des
difficultés quant à l'évaluation du montant des
dépenses concernant la PCH aux termes de sa montée en charge, il
serait faux de penser que l'enveloppe prévue par la CNSA pour son
financement est disproportionnée ;
? Le financement de l'APA connaît une pression toujours
plus forte, et plus généralement en ce qui concernecelui de la
dépendance liée à l'âge.
Au total, la Cour des comptes évalue à 16
milliards d'euros l'effort public déjà réalisé en
faveur de la prise en charge de la perte d'autonomie, ce qui représente
près de 1 % du PIB.
Et cet effort devrait encore s'accentuer dans les
années à venir, sous l'influence de trois facteurs :
- l'augmentation de la prévalence de la
dépendance liée à l'âge : le nombre de
personnes âgées en perte d'autonomie devrait augmenter en moyenne
de 1 % par an jusqu'en 2040 ;
- l'amélioration de la couverture de certains
besoins : des catégories de besoins restent mal prises en charge
pour les personnes âgées, notamment les aides techniques. La
situation pourrait s'aggraver pour d'autres types de besoins et comme les
aidants familiaux se font de plus en plus rares, cela pourrait conduire
à une demande accrue de prise en charge d'aidants
professionnels ;
- la hausse probable des coûts de personnels :
compte tenu de leur faible rémunération, les professionnels de
l'aide à domicile sont aujourd'hui une denrée rare. La
professionnalisation du secteur, indispensable pour rendre ces métiers
plus attractifs, entraînera nécessairement une augmentation du
niveau moyen des
salaires.
D'après le rapport GISSEROT1, le coût
total de la prise en charge de la perte d'autonomie pour les finances publiques
devrait connaître une augmentation moyenne de 4,7 % par an d'ici 2025,
soit 2,5 points de plus que l'évolution spontanée des recettes
actuelles. Le reste à charge net des ménages, quant à lui,
pourrait augmenter de 2,7 % par an, dont seulement 1,1 % serait couvert par
l'évolution du montant des pensions.
.
En 2009, les deux milliards d'euros rapportés par le
lundi de Pentecôte, transformé en journée nationale de
solidarité à la carte, n'ont représenté que 12 %
des crédits de la CNSA.
La réforme de la prise en charge de la
dépendance suppose en effet de nouvelles ressources.
1« Perspectives financières de la
dépendance des personnes âgées à l'horizon
2025 : prévisions et marges de choix », rapport remis par
Hélène GISSEROT au ministre délégué à
la Sécurité Sociale, aux personnes âgées, aux
personnes handicapées et à la famille, Mars 2007.
L'Association des Paralysés de France (APF) avait
formulé une revendication qu'elle avait appelée reconnaissance
d'un risque Autonomie, passant par un droit universel à compensation
pour couvrir tous les risques liés à la perte d'autonomie. Ce
droit universel impliquerait la création d'une branche
« Autonomie » au sein de la Sécurité Sociale,
la mise en place d'une couverture financière intégrale de tous
les besoins constatés.
Les rapports BLANC et du Centre d'Analyse Stratégique
vont également dans le sens d'une évolution des sources de
financement pour soutenir les personnes en manque ou en perte d'autonomie quel
que soit leur âge et proposent une remise à plat de l'aide sociale
en établissement.
Le rapport BLANC suggère en outre d'harmoniser les
règles tarifaires dans les deux champs, de poursuivre l'adaptation des
référentiels et des grilles d'évaluation des
capacités et des besoins des personnes et d'encourager les
rapprochements, prévus par la loi de 2005, entre les MDPH et les
CLIC.
Un besoin de ressources sera alors nécessaire. Selon
Hélène GISSEROT, ce dernier pourrait être couvert par la
croissance ou par des reploiements en matière d'assurance-maladie. Une
autre solution serait d'aménager la CSG, en alignant progressivement le
taux appliqué aux revenus de remplacement, notamment aux retraites, sur
celui appliqué aux revenus d'activité.
Elle jugerait pertinent que le financement de la
dépendance serait relié avec celui des retraites et de l'ensemble
de la protection sociale.
Dans son rapport sur la dépendance, l'UNCCAS a
étudié plusieurs pistes de financements possibles, compte tenu de
la situation actuelle du pays.
Dans l'attente d'un système de financement
pérenne, elle avance l'idée de créer un fonds unique de
financements qui pourrait regrouper les enveloppes budgétaires qui
existent déjàet qui seraient complétées par des
financements nouveaux.
Pour rappel, les financements qui existent sont ceux des
Conseils généraux, ceux propres à la CNSA et ceux de
l'assurance maladie gérés par la CNSA.
Les pistes dès lors proposées par l'UNCCAS sont
les suivantes :
- La majoration du taux de CSG
- Le relèvement des droits de succession
- L'institutiond'une taxe sur les revenus du capitalet de
placements
Ces modes de financements complémentaires mis en place
à court terme pourraient soit diminuer progressivement, de façon
à prendre fin, soit s'intégrer au dispositif à long terme,
ce qui viendrait baisser le niveau des cotisations salariales de la branche
« Autonomie ».
4. Les limites de cette convergence...
4. 1. Nos représentations
L'une des premières limites à cette politique de
convergence serait liée à nos représentations. En effet,
il semble que nous soyons dans l'incapacité à sortir du concept
de personnes âgées comme représentant une population
homogène, obligatoirement en difficulté et en perte d'autonomie.
Nous sommes, apparemment, incapables de parler simplement des personnes
âgées dépendantes (même si le terme est à
revoir dans le cadre des discussions liées à la convergence) et
de considérer que la mise en oeuvre d'une compensation de la perte
d'autonomie ne concerne que cette partie de la population des personnes
âgées. Il serait donc nécessaire de relativiser la notion
de personne âgée et le besoin de compensation.
Un autre frein à la convergence viendrait de cette
idée reçue : les personnes âgées n'ont plus de
projet de vie. Là encore, nous serions incapables de comprendre que les
attentes et les besoins sont, par définition, individuels,
personnalisés et donc différents... mais existants tout au
moins.
Pourtant, et c'est aussi le cas chez les personnes en
situation de handicap, il existe des projets de fin de vie dont le but est le
confort de la personne.
4. 2. Une question politique
Au début de l'année 2012, nous avons pu observer
un certain revirement négatif se traduisant par l'abandon de la
politique de convergence et l'abrogation des barrières d'âge dans
la Convention d'Objectifs et de Gestion (COG), signée à la fin du
mois de février par l'Etat et la CNSA.
En parallèle, nous pouvons également parler de
recul par rapport au fait que les MDA ne soient plus considérées
comme une perspective d'évolution des MDPH.
Quant à la CNSA, elle est revenue sur l'idée
d'un droit universel à une compensation personnalisée pour
l'autonomie.
D'après le document rapportant les faits de la
journée du 20 mars 2012 consacrée à la question du
rapprochement des politiques d'autonomie en direction des personnes
âgées et handicapées à l'INSET d'Angers, nous sommes
en train d'assister aujourd'hui à une politique qui avance à
petits pas et un renoncement à une ambition nationale et politique
forte. D'autant plus que l'absence de réflexion au niveau national
risque d'empêcher que nous puissions adapter un cadre légal
réglementaire.
Nous avons évoqué précédemment la
forte implication du Département dans cette politique de
rapprochement : il y a, en effet, un réel décalage entre
échelon national et local.
L'année 2006 voit la signature d'un rapport par la CNSA
stipulant qu'il est nécessaire de travailler à un rapprochement
des deux champs. Le rapport GISSEROT de mars 2007 et celui de Paul BLANC de
juillet 2007 viennent pourtant la contredire en prétendant qu'un
mélange entre personnes âgées et handicapées est
impossible.
C'est alors que la CNSA propose un droit universel à
compensation pour le maintien de l'autonomie dans les gestes de la vie
quotidienne et dans la participation à la vie sociale quels que soient
l'origine du handicap et l'âge de la personne concernée.
En 2008, le rapport du Sénat va dans le sens de
l'impossibilité d'une convergence, en évoquant des divergences de
problèmes et des enjeux financiers.
Puis, d'après le rapport ROSSO-DEBORD, en 2010, nous ne
devrions légiférer que pour les personnes âgées,
alors que celui du Sénat (janvier 2011) était plus
modéré à ce sujet.
En novembre 2011, le président de la République
avait dit qu'il réformerait la dépendance, mais son discours ne
tenait alors pas un mot au sujet de la convergence.
L'une des questions que nous pourrions nous poser aujourd'hui
serait de savoir si nous sommes face à une accélération de
la centralisation ou dans une recentralisation de l'Etat au niveau des
régions.
Quant à Florence WEBER, si elle considère que la
convergence se réalise déjà peut-être à bas
bruit, elle pense que cette dernière nécessitera une
décision politique afin de pouvoir sortir les deux populations des
sentiers historiques différents dans lesquels ils se trouvent
actuellement.
La place des associations n'est pas sans importance :
s'affirmant dans le débat politique, elles peuvent jouer un rôle
déterminant. Elles mobilisent les ressources médiatiques et
symboliques à leur disposition, par la publication de guides, de
plateformes, en rencontrant des candidats...
Il s'agit donc d'un sujet politiquement sensible, amenant
parfois à un clivage entre chacune des forces politiques en
présence, ne leur permettant pas toujours de se différencier du
parti concurrent.
Un point sombre resterait néanmoins à soulever
au sujet de la loi du 11 février 2005 : celui de la compréhension
de l'approche voulue par le législateur et particulièrement de sa
mise en oeuvre effective par les MDPH.
4. 3. Financement
Par ailleurs, la question du financement peut également
représenter une limite à ce rapprochement des deux politiques.
Les personnes handicapées craignent que cela ne joue en
leur défaveur, étant donné le nombre plus important de la
population des personnes âgées. Ces premiers redoutent un
nivellement par le bas des prestations qui leur sont actuellement offertes,
ajouté à une peur que les gens ne fassent l'amalgame entre les
deux publics.
Mais la loi a strictement défini les financements
respectifs destinés aux personnes handicapées ou
âgées : la CNSA ne peut transférer les enveloppes
financières d'un secteur à l'autre. De ce fait, ni l'une ni
l'autre des deux populations n'a donc à craindre d'être
spoliée.
Il est vrai qu'à moyen et long termes, compte tenu des
prévisions démographiques, il convient d'anticiper la progression
prévisible du coût du risque dépendance. Or, il est
très difficile d'anticiper avec des ressources publiques et cette
difficulté est accrue par l'importance de la dette publique (à la
fin du 1er trimestre 2013, elle s'établissait à 1 870,3 milliards
d'euros, soit 91,7% du PIB).
Mettre fin aux discriminations coûterait cher.
Si nous analysons les chiffres...
En 2009, 1,1 million de personnes âgées
percevaient l'APA pour un montant moyen de 406 euros à domicile et de
307 euros en établissement.
Dans le même temps, 71 000 personnes percevaient la
PCH pour un montant moyen de 980 euros.
Ces chiffres révèlent trois
réalités :
- les titulaires de l'APA sont quinze fois plus nombreux que
les titulaires de la PCH ;
- la PCH est quant à elle d'un montant moyen
près de trois fois supérieur à l'APA, le montant des plans
d'aide n'étant pas plafonné et le « ticket
modérateur » beaucoup plus faible ;
- aligner demain l'APA sur le niveau de la PCH coûterait
donc entre 5 et 8 milliards d'euros à nombre constant de
bénéficiaires.
Des données qui laissent penser que cette convergence
serait presque irréaliste.
Monica YUNES, Directrice du CLIC des Portes de l'Essonne et
membre de l'association des coordinateurs de CLIC, a d'ailleurs exprimé
son « malaise », lors de la journée du 20 mars 2012
consacrée au thème du rapprochement entre les champs relatifs aux
personnes âgées et handicapées, quant au fait que
l'idée de rationalisation de la dépense publique primait bien
souvent sur le bien-être de la population au sein des dialogues
initiés en vue d'une convergence.
5. Un droit individuel équitable
Selon Bernard ENNUYER, Directeur d'un service à
domicile et docteur en sociologie, si la convergence se résume à
mettre les personnes âgées et les personnes handicapées
« dans le même sac », ne faisant alors plus de
distinctions entre elles, la convergence serait synonyme d'aberration. En
outre, l'un des enjeux clé est de garantir au citoyen, âgé
ou handicapé, un droit individuel collectivement
équitable. Or, l'attribution de l'APA montre que « la
politique gérontologique et du handicap revient à
légaliser l'inéquité en France ». Il serait donc
nécessaire d'instaurer une régulation... c'est, pour lui, le
rôle de la CNSA.
Toutefois, cette dernière présente aussi
certaines limites.
En effet, cette caisse, présentée par les
pouvoirs publics comme une nouvelle branche de la protection sociale, tout en
introduisant un nouveau mode de gouvernance impliquant les organisations
oeuvrant auprès des personnes âgées et handicapées,
n'a répondu, pour certains, que partiellement à cette
définition et s'apparente encore davantage à un fonds de collecte
de financements issus de la solidarité nationale.
Assurer la cohérence de l'offre de service et
éviter de doubler un certain nombre de dispositifs : si tel est
l'enjeu soulevé par la question du rapprochement entre les institutions
des deux mondes du grand âge et du
handicap,
l'idée peut toutefois être nuancée.
Il est vrai que nous pourrions nous demander si une
convergence complète, autrement dit un dispositif unique de
compensation, serait une réponse totalement adéquate.
Certes, la barrière de l'âge ne semble pas
pertinente pour fonder une différence de traitement entre personnes
âgées et handicapées, mais cette distinction est
néanmoins admissible pour d'autres raisons, plus fondamentales,
liées à la différence objective de situation de ces deux
publics.
S'agissant des personnes âgées, le
dispositif de prise en charge doit tenir compte du fait que la
dépendance liée à l'âge est un horizon
prévisible pour tous. Cela justifie de laisser à la charge des
intéressés et de leur famille une part, éventuellement
importante, des frais entraînés par la perte d'autonomie : on
se situe alors dans un cadre où la prévoyance, individuelle ou
collective, peut et même doit avoir sa place.
Par ailleurs, si l'on considère le plan de
l'évaluation des besoins, on constate des situations relativement
homogènes en termes de pathologies et donc de besoins à
compenser. Cela justifie, cette fois-ci, le recours à une approche
synthétique. De plus, la question de la prise en charge des personnes
dépendantes doit être évaluée au regard de leur
rapport au temps : l'enjeu de la prise en charge n'est pas de permettre la
réalisation d'un projet de vie, mais simplement d'assurer une
qualité de vie, pour la personne et pour sa famille. La dimension d'aide
aux aidants étant particulièrement importante pour les personnes
âgées.
À l'inverse, la prise en charge des personnes
handicapées repose sur l'idée que le handicap est un malheur
« rare », imprévisible qui justifie une compensation
aussi intégrale que possible par la solidarité nationale, afin de
rétablir une forme d'égalité des chances.
La question de l'évaluation des besoins de compensation
est plus complexe que dans le cas des personnes âgées, le handicap
étant par définition multiforme et difficilement
réductible à une seule grille de lecture. Chaque situation
individuelle exige des solutions personnalisées, d'autant plus que
l'objectif de la compensation est de permettre la réalisation d'un
projet de vie et la participation de tous en tant que citoyen.
Au final, la différenciation entre la compensation de
la perte d'autonomie des personnes âgées et la compensation des
conséquences du handicap reste fondée et il est légitime
que le risque le plus rare - le handicap - soit intégralement
solvabilisé alors que les risques courants - la dépendance
liée à l'âge - soient, au moins en partie, pris en
charge à travers une forme de prévoyance, individuelle ou
collective.
2. 5. Justice et égalité des droits
La convergence ne doit pas être synonyme de confusion.
Patrick GOHET, président du Conseil national consultatif des personnes
handicapées (CNCPH), évoque que la personne handicapée a
une valeur égale à celle de n'importe quel citoyen. Pour lui, il
faut aller au-delà de la solidarité, relation asymétrique
entre celui qui en a besoin et celui qui l'apporte ; il faut être
dans la justice, dans l'égalité des droits.
Mais les besoins sont différents. En ce qui concerne la
personne âgée, il s'agit, je le cite, de
« perpétuer un acquis en s'adaptant et éviter le risque
de rupture avec ce qui a été » ; pour la personne
handicapée, il s'agit d'acquérir un état dans la
société qui soit l'égal de celui des autres, sans risque
de recul.
Par ailleurs, nous constatons que la politique relative aux
personnes âgées renvoie à un saupoudrage hésitant de
mesures empiriques ; pour le handicap, ce saupoudrage a prévalu
pendant une vingtaine d'années.
Il faut aujourd'hui redéfinir la notion de justice
sociale et un traitement inégal de personnes différentes ne
signifie pas forcément injustice.
Dans cette optique, l'UNIOPSS préconise l'adoptiond'une
loi permettant la mise en oeuvre par étape du droit universel à
l'autonomie.
Cette loi fixerait les principes pouvant inspirer
immédiatement la réforme de la dépendance des personnes
âgées et à moyen terme l'ouverture aux personnes
handicapées.
La loi pourrait ainsi prévoir plusieurs mesures :
- le principe même de convergence et de suppression de
la barrière d'âge ;
- la construction de la prestation à partir du besoin
d'autonomie et du projet de vie de chacun ;
- la place majoritaire de la solidarité nationale dans
le financement du régime ;
- une gouvernance de la CNSA faisant appel aux
collectivités territoriales et au monde associatif de la
solidarité.
3. Les perspectives
3. 1. Gouvernement et volonté politique
Pour qu'il y ait possibilité de convergence, il faut
nécessairement une forte volonté politique.
Début septembre 2012, Michèle DELAUNAY, la
ministre en charge des personnes âgées, a annoncé que la
réforme sur la dépendance devrait donner lieu à une loi
entrant en vigueur au début de l'année 2014. Cette
dernière souhaite une vision globale de l'avancée en âge,
autrement dit de la sortie de la vie professionnelle à la fin de la
vie.
Le partenariat pour l'autonomie serait une piste
intéressante et un mode innovant de financement. La régulation de
l'offre d'accueil reste, quant à elle, un sujet majeur. En effet, le
secteur médico-social compte plus de 1,5 million de lits, et les besoins
en construction et en restructuration sont évalués à plus
de 5 milliards d'euros.
Ces besoins sont considérables et ne peuvent être
satisfaits à l'aide des seuls dispositifs habituels de financement.
L'urgence d'une réponse adaptée, la complexité
liée à une évolution médicale forte dans ce secteur
nécessiterait le recours à des modalités de financement
qui sont précisément celles que permet le contrat de partenariat.
C'est ce qui a été fait dans le secteur hospitalier dans le cadre
du Plan Hôpital 2007 et 2012.
Compte tenu des objectifs du Décret relatif à la
procédure d'appel à projet dans le secteur médico- social,
le recours au contrat de partenariat devrait permettre de répondre aux
besoins d'équipements prioritaires. La démarche peut trouver son
application dans les procédures prévues pour les projets
innovants ou expérimentaux, soit au niveau régional, soit au
niveau national.
Elle s'appuierait sur l'utilisation du contrat de partenariat
à même d'apporter à cette mission d'intérêt
général, les compétences du secteur privé, ses
capacités de financement, dans le cadre d'un appel d'offre et d'un
engagement contrôlé de la performance. En effet, le Partenariat
Public Privé (PPP) répond à six exigences : la mise en
concurrence, la gestion contractualisée, le partage des risques par les
financeurs, la maîtrise des coûts, la mesure de la performance et
l'étalement du coût d'investissement dans le temps.
Avec la réforme sur la dépendance, la
société s'apprête à relever des défis d'ordre
majeur : coûts élevés des soins et de
l'hébergement, soutien aux aidants, prévention...
Afin de limiter les besoins financiers, le gouvernement va
mettre l'accent sur la prévention et l'adaptation des logements, cela
permettra aux personnes âgées de vieillir dans de meilleures
conditions. Il est également important de penser aux aidants, en
prévoyant notamment une réduction du reste à charge
supporté par les familles.
Mais, malgré ces mesures, les Français seront
mis à contribution. Les points positifs à avancer seraient que le
vieillissement de la population va créer de nouveaux besoins, soutenir
la demande d'entreprises et entraîner la création de dizaines de
milliers d'emplois.
Un chantier qui s'avère quelque peu urgent. Si nous
nous penchons sur les chiffres relatifs à la dépendance, nous
constatons qu'un tiers des Français auront plus de 60 ans en 2035, dont
1,7 million de personnes âgées dépendantes (soit 50 % de
plus qu'en 2010).
Nous disposons d'autres données : il manquerait en
moyenne entre 350 et 500 euros pour faire face aux dépenses
d'hébergement ; 4,3 millions de personnes aident un proche
dépendant (dont un tiers décède avant) ; les
dépenses liées à la perte d'autonomie
s'élèvent à 34 milliards d'euros chaque année et,
d'ici à 2040, ce besoin est estimé à 10 milliards d'euros
supplémentaires par an.
Michèle DELAUNAY souhaite que les aides publiques
soient davantage orientées vers ceux qui en ont le plus besoin.
En outre, des expérimentations visant à la
création de gérontopôles ont été
initiées. Sur le modèle des cancéropôles, ces
pôles visant à coordonner l'ensemble des acteurs, des moyens, des
financements, des recherches et des actions de formation ;
l'expérimentation de gérontopôles a été
approuvée par l'Etat en avril 2007 sur le territoire de
compétences du CHU de Toulouse.
Cependant, là encore, nous assistons à une sorte
de cloisonnement des deux dispositifs.
À travers le souhait du gouvernement de vouloir faire
de la « dépendance » un sujet prioritaire de son action, le
PPP et les gérontopôlesseraient des initiatives et des dispositifs
qui pourraient répondre aussi bien aux exigences de coordination et
d'efficacité qu'aux contraintes budgétaires qu'il est
nécessaire d'anticiper, afin de répondre au mieux aux besoins
actuels et à venir en matière de dépendance.
Quant au sujet des personnes handicapées
vieillissantes, l'obligation de s'adapter à l'accueil représente
également un poids pourles établissements du secteur relatif aux
personnes âgées. Il est impossibled'exclure, dans un certain
nombre de cas, la solution d'un accueil en EHPAD.
De plus, dans la mesure où le vieillissement intervient
souvent de façon plus précoce chez les personnes
handicapées, ce public est, la plupart du temps, en moyenne plus jeune
que lepublic classique des EHPAD. De ce fait, les établissements
devraient être contraints à mettre en oeuvre des politiques
d'animation adaptées.
Pour finir, dans la perspective du vieillissement des aidants
familiaux, il serait également utile d'envisager le développement
d'unités d'accueil parents-enfants, pour préserver les liens
familiaux des personnes handicapées.
3. 2. La création d'une prestation unique
Comme nous l'avons dit précédemment, l'article
13 de la loi du 11 février 2005 prévoyait un élargissement
de la PCH aux personnes âgées de plus de 60 ans et ce, dans un
objectif de cinq ans.
La question se pose alors quant à la façon dont
il est possible d'envisager la perte d'autonomie des personnes
handicapées et des personnes âgées dépendantes de la
même manière et, ainsi, instaurer une prestation de compensation
unique.
Fusionner l'APA et la PCH relève d'un objectif ancien,
dont la mise en place d'un « cinquième risque »
devrait permettre la réalisation.
Des étudiants de l'Ecole des Hautes Etudes en
Santé Publique en ont fait le thème d'un mémoire
l'année dernière. D'après leurs recherches, les deux
prestations présentent des différences qui conduiraient à
distinguer la prise en charge entre les personnes âgées
dépendantes et les personnes handicapées. Mais elles
révèlent aussi qu'une convergence est possible, notamment au
regard des ressemblances quant aux besoins des publics concernés. C'est
à travers une analyse de terrain qu'il a été
constaté une prise en compte des similitudes par les acteurs aboutissant
au développement d'une culture commune dans la prise en charge de la
perte d'autonomie, en mettant en place des méthodes et des outils
partagés.
Toutefois, l'idée reste à nuancer.
L'étude menée à ce sujet montre certaines
résistances, certains obstacles, tout au moins à court terme,
quant à la fusion de l'APA et de la PCH. En effet, des réponses
spécifiques sont à apporter à chacun des deux publics. Une
prise en charge unifiée de la perte d'autonomie est rendue difficile de
par des aspects techniques et les enjeux apparaissent plus forts, notamment
d'un point de vue financier, en ce qui concerne l'APA.
Leurs travaux les ont menés à penser que des
objectifs plus modestes seraient à envisager, afin de répondre de
manière efficiente à l'enjeu soulevé par la
dépendance.
De ce fait, une convergence ciblée à travers la
revalorisation de l'APA doit être opérée mais tout en
maintenant cet effort de complémentarité entre outils et
méthodes.
Il faut alors poursuivre le débat sur la mise en place
d'un cinquième risque, à travers une organisation et des logiques
restant à arbitrer.
Selon l'UNIOPSS, il serait nécessaire d'ériger
cette nouvelle prestation universelle. Elle permettrait de tourner
définitivement le dos au régime assistantiel des prestations
d'aide sociale dont l'APA et la PCH n'étaient jamais parvenues à
s'extraire.
Pour ce faire, elle préconise la création d'un
cinquième risque, dont la gestion serait confiée à la
CNSA.
Celle-ci a, comme nous l'avons déjà dit, prouver
sa capacité à piloter des politiques publiques tout en
réussissant à associer les acteurs les plus concernés
à leur mise en oeuvre.
3. 3. Une cinquième branche de
Sécurité Sociale
Le médecin et professeur émérite de
santé publique, Jean-Claude HENRARDse révèle être un
excellent connaisseur de l'aide à l'autonomie et de ses enjeux. Il a
travaillé des dizaines d'années sur ces questions, publiant
de nombreuses études et travaux au sein de l'Institut
fédératif et interdisciplinaire "Santé, Vieillissement,
Société".
Il a également été impliqué dans
des cabinets ministériels.
Depuis 2006, il partage ses
réflexions et ses propositions au sein du collectif « Une
société pour tous les âges » ainsi que le
collectif "Pour un vrai 5e risque".
La création d'un cinquième risque de
Sécurité Sociale serait-elle alors une réponse à la
perte d'autonomie ?
Pour Jean-Claude HENRARD, oui.
Il s'agirait de répondre aux attentes, aux besoins de
la population ciblée, de définir le périmètre du
risque, le prévenir (intégration dans la vie sociale, adaptation
de l'habitat, accessibilité)...
Les études traduisent que les enjeux financiers sont
accessibles de 0,5 à 0,9 points de PIB d'ici 20 ans.
Il manque un système d'information compatible entre
les différentes strates :
- Les flux financiers nationaux (selon lui, la CNSA pourrait
devenir cette cinquième branche)
- Les dotations régionales
- Les prestations ciblées
- Les bénéficiaires
- Les services répondant aux plans d'aides et de
soins
- Le référent professionnel pour les situations
complexes de besoins d'aides et de soins.
Pour l'auteur, nous sommes face à un enjeu hautement
politique.
L'UNCCAS, dans son rapport sur la dépendance, s'est
également penchée sur la question.
Pour elle, au regard du vieillissement de la population, la
perte d'autonomie constitue, aujourd'hui, plus qu'un risque social. En effet,
contrairement à la maladie, aux accidents du travail ou à
l'invalidité, la perte d'autonomie est un état de fait qui
concernera tout le monde, de façon directe ou indirecte.
Selon l'UNCCAS, sa prise en charge nécessite alors de
trouver des financements « pérennes et
fléchés ».
La prise en charge de la perte d'autonomie s'intègre
d'autant plus pleinement dans les principes ayant présidé
à la mise en place de la Sécurité Sociale au lendemain de
la Seconde Guerre Mondiale : le préambule de la Constitution de
1946 impose, en effet, de garantir la dignité, la protection sociale et
la sécurité sociale à tout être humain en prenant en
compte sa situation, son état physique ou mental et son âge
(annexe 5).
L'UNCCAS préconise donc l'assurance du financement de
la perte d'autonomie par la création d'une cinquième branche de
Sécurité Sociale qui serait
« modernisée », aux côtés des quatre
branches existantes et dont le financement relèverait principalement
d'apports contributifs ainsi que par la solidarité nationale, comme nous
l'avons évoqué précédemment, afin de venir en aide
aux plus démunis.
3. 4. Une autre évaluation de la perte
d'autonomie
Le Docteur Jean-Pierre JERECZEK, diplômé de
Géronto-Psychiatrie et président du CLIC d'Hénin /
Carvin a mené, il y a quelques années, lorsqu'il suivait ses
études à l'Université Paris-VI, une enquête
comparative sur la grilleAGGIR (Autonomie Gérontologie Groupes
Iso-Ressources) et la grille DAD (DisabilityAssessment of Dementia).
Lors de ses recherches, il en est venu à plusieurs
constats intéressants.
L'espérance de vie sans handicap augmentant, il n'en
demeure pas moins que la fin de vie sera invalidée par une perte
d'autonomie induite par une pathologie médicale, avec des
conséquences sociales ou l'inverse.
Rappelons que la perte d'autonomie est évaluée
par les services de l'APA à l'aide de la grille AGGIR.
Dans cette évaluation de la perte d`autonomie,
Jean-Pierre JERECZEK s'est alors posé la question de savoir s'il
était possible d'améliorer la coordination de notre prise en
charge médico-administrative.
Il serait nécessaire, d'après lui, d'effectuer
une évaluation au service de la personne.
Le but serait de pallier à un état de
dépendance de celle-ci, afin de lui redonner l'autonomie au sens de
liberté de choix de critères de vie (nous pouvons nous rapporter
à la définition, page 7), de lui donner la maîtrise sur le
monde extérieur.
Il serait alors pertinent d'utiliser ces grilles dans un
esprit de complémentarité.
La grille AGGIR a pour but de fixer le montant de l'aide
financière pour mettre en place les aides à domicile.
Elle est :
- légalement imposée
- commune à toute pathologie
- non spécifique de l'évaluation de la perte
d'autonomie en cas de démence
- sous-évaluative des pathologies psychiatriques en
général et des états démentiels en particulier.
En fait, elle ne met en évidence que
l'incapacité de « faire ».
La grille DAD, quant à elle, n'a pas pour but de fixer le
montant de l'aide financière pour mettre en place les aides à
domicile.
Elle est :
- non légalement imposée
- spécifique de l'évaluation de la perte
d'autonomie en cas de démence.
Elle met en évidence l'incapacité de «
faire » (la possibilité de faire) et le« vouloir
faire »(la volonté de faire).
La grille DAD reprend des variables contenues dans la grille
AGGIR, soit des activités de la vie quotidienne (hygiène,
habillage, continence, alimentation)et des activités instrumentales de
la vie quotidienne (usage du téléphone, travaux ménagers,
utilisation des moyens de transport, gestion de ses biens) auxquelles
s'ajoutent les sorties, le courrier, les loisirs (40 variables au total)
(annexe 6).
Elle va non seulement s'intéresser à la
performance effective (le « faire ») de ces variables mais
aussi à leur initiation, leur planification et leur organisation (le
« vouloir faire »),avec comme finalité la
définition de la perte d'autonomie de la personne ou plus exactement, ce
que le Docteur nomme « l'évaluation de l'incapacité
fonctionnelle » : ce que peut faireactuellementet ce que fait
effectivement le patient.
La DAD est remplie au cours d'un entretien avec l'aidant
principal, il dure une dizaine de minutes.
Après avoir fait l'analyse de l'usage combiné de
la grille AGGIR et de la grille DAD, ce spécialiste en
Géronto-Psychiatrie en est venu à plusieurs conclusions.
La grille DAD combinée à la grille AGGIR peut
être d'une aide précieuse.
En effet, elle permet de mieux définir le classement en
GIR de la personne en perte d'autonomie en analysant le
« faire » et le « vouloir faire » de la
personne, alors que la grille AGGIR n'analyse que la capacité de
« faire ».
Il va plus loin, en préconisant, à l'emploi de
ces deux grilles, l'ajout de l'usage du NPI (Neuro-PsychiatricInvotory) afin de
ne pas méconnaître les troubles psycho-comportementaux,
d'évaluer le fardeau d'aidant ainsi que l'isolement de la personne.
Selon lui, la perte d'autonomie ne peut pas être
résumée symboliquement à un chiffre en GIRouà un
pourcentage d'autonomie. Elle concerne des personnes nécessitant un plan
d'aide individualisé coordonné. C'est pourquoi il ne faut pas
appréhender la perte d'autonomie sous l'angle de l'incapacité,
invalidant la personne (vision « négative »: ne fait pas),
mais bien l'appréhender sous l'angle de la personne invalidée par
la perte de capacité, ou plus exactement par la perte de maîtrise
sur le monde extérieur (vision « positive » : pourra faire
avec aide).
L'aide des psychologues est dès lors indispensable et
nécessaire pour cette évaluation.
Il conclut son mémoire sur l'idée qu'une prise
en charge interdisciplinaire médico-psycho-sociale du type
« care management » (gestion de cas individualisés)
s'avère nécessaire avec redéfinition de la finalité
de chaque grille d'évaluation, soit l'obtention de l'aide
financière à l'aide de la cotation en GIR par la grille AGGIR
et la mise en place des aides à domicile par l'usage combiné de
la grille DAD (interactive aussi) avec la grille AGGIR et la fiche de
coordination médico-psycho-sociale.
Il ne faut pas non plus oublier la nécessité de
redéfinir les rôles de chacun et leur
complémentarité dans la prise en charge globale
« médico-psycho-socio-associative et administrative de la
perte d'autonomie »au bénéfice de la personne et de son
autonomie ; c'est-à-dire « la capacité pour tout
individu de se donner des critères de vie fondés sur sa
tridimensionnalité physique, psychique et symbolique ».
3. 5. Et ailleurs ?
Jean-Claude HENRARDs'est également
intéressé aux différents modèles de réponses
apportées en Europe face à la dépendance ou aux
problèmes de santé.
Les pays au modèle "social démocrate" au nord de
l'Europe impliquent les acteurs et notamment les municipalités.
Celles-ci peuvent être amenées à financer les recours indus
aux services hospitaliers.
Elles investissent dans les référents
professionnels ou gestionnaires de cas pour les situations complexes
requérant de l'aide et des soins.
Les pays à assurance sociale obligatoire comme
l'Allemagne ou la France vivent plutôt des tensions sur les finances
publiques, et les définitions, les outils d'évaluations, de
recours aux prestations.
Les pays du sud de l'Europe, eux, s'appuient beaucoup plus sur
l'engagement des familles, des aidants.
Dans pratiquement tous les pays européens, il existe
une législation spécifique pour les personnes handicapées
de moins de 60 / 70 ans et une législation liée à la
perte d'autonomie due au vieillissement. La situation française n'a donc
rien d'exceptionnel. En revanche, la tendance est plutôt au rapprochement
des législations : l'Espagne a voté une loi regroupant
légalement les divers dispositifs et l'Allemagne a mis en place une
assurance dépendance qui fait de même.
À Bruxelles, un dispositif d'hébergement
proposé depuis 1981 par le Centre Public d'Action Sociale (CPAS) est
venu en réponse à l'allongement des listes d'attentes pour les
maisons de retraites traditionnelles.
Le CPAS a cherché une formule susceptible de
répondre à la problématique du lien social tout en
permettant aux personnes de conserver leur autonomie.
L'antenne comporte des assistantes familiales, des assistantes
sociales et une psychologue. Il existe une réelle collaboration avec les
services de soins à domicile et une coordination des professionnels de
santé est assurée, permettant ainsi une cohérence des
interventions et une bonne transmission de l'information.
L'Europe face à la perte d'autonomie :
quelques chiffres...
10 % de la population des pays de l'OCDE aura plus de 80
ans en 2050.
18 % des entreprises britanniques ont des
travailleurs à temps partiel car s'occupant de personnes malades.
2,9 % : c'est la part du PIB des pays de
l'OCDE qui sera consacrée aux dépenses publiques liées
à la dépendance en 2050.
La Suède y consacre déjà 3,6 % de sa
richesse.
Chaque semaine, un tiers des aidants familiaux passent
20 heures à soutenir leur proche dépendant.
3. 6. L'aide aux aidants
Qu'est-ce qu'un aidant ?
Les aidants dits naturels ou informels sont les personnes non
professionnelles qui viennent en aide à titre principal, pour partie ou
totalement, à une autre personne dépendante de son entourage pour
les activités de la vie quotidienne.
Cette aide régulière peut être
prodiguée de façon permanente ou non et peut prendre plusieurs
formes : soins, accompagnement à la vie sociale et au maintien
à domicile, soutien psychologique, communication, etc.
Les aidants sont aussi les professionnels, du domicile et des
établissements du social, du médico-social et du sanitaire qui
participent au maintien à domicile de ces deux populations (aides
à domicile, auxiliaires de vie, ergothérapeutes,
infirmières...).
Nous l'avons vu, dans l'ensemble des pays européens, le
vieillissement de la population est devenu un enjeu politique et social majeur.
L'augmentation de la part des femmes sur le marché du travail, la
mobilité géographique des familles, le
« déficit » des aidants, posent aujourd'hui la
question de la prise en charge des personnes âgées en perte
d'autonomie.
Par ailleurs, le contexte de restriction budgétaire
touchant la plupart des pays d'Europe rend difficile le développement de
services ou de nouveaux dispositifs. Les familles sont dès lors
confrontées à une diversité d'obligations, tant sur le
plan personnel que professionnel.
Au regard du rôle pivot des aidants familiaux, nous
comprenons que cette question soit devenue cruciale.
À l'exception des pays scandinaves, il n'y a pas, en
Europe, de véritable politique en la matière répondant aux
besoins et aux attentes des aidants, tout en s'insérant dans la
politique globale d'aide aux personnes en perte d'autonomie.
La Suède concilie aide et travail. Le
pays a investi de façon précoce (dans les années 1960 -
1970) et de façon continue dans une politique d'aide aux personnes
âgées en perte d'autonomie, politique financée par
l'impôt. Il a su adapter la nature de l'aide aux aidants et a mis en
place une politique active de l'emploi et du travail, favorisant ainsi la mise
en place de réponses adaptées aux besoins spécifiques des
aidants.
L'Angleterre, quant à elle, pallie le
fort déficit en services professionnels. L'intervention des aidants y
est vitale : 88 % des personnes âgées dépendantes
bénéficient de l'aide de quatre millions d'aidants, dont 30 %
délivrent plus de 20h d'aide par semaine. Le rôle des associations
y est majeur et on peut douter de la capacité des mesures mises en
oeuvre par le pays afin d'offrir aux aidants un ensemble de conditions
favorables leur permettant de combler le déficit en aide
professionnelle.
L'Italie a recours à la main-d'oeuvre
féminine immigrée. Là-bas, la responsabilité de la
politique d'aide aux personnes âgées dépendantes est
partagée de manière peu organisée entre l'Etat, les
régions et les municipalités. Jusqu'au début des
années 2000, l'aide informelle très dominante (90 %) reposait sur
les familles, surtout les femmes, en raison du fort taux de cohabitation
intergénérationnelle, du faible taux d'emploi féminin et
de la quasi-absence de services professionnels publics. La situation a
profondément évolué depuis les quinze dernières
années. Des émigrants des pays de l'Est ou d'Afrique, souvent en
situation illégale, sont devenus les principaux pourvoyeurs de l'aide
à domicile. Depuis environ six ans, afin de mieux contrôler
l'emploi de ces personnels et d'assurer une qualité minimale de l'aide,
l'Etat a développé une législation visant à
régulariser leur situation (octroi de permis de travail) dès lors
qu'ils s'engagent à suivre une formation à la fois linguistique
et professionnalisante.
L'Allemagne répond à
l'augmentation du taux d'emploi des femmes. La personne âgée
dépendante bénéficiaire peut choisir entre deux types de
prestations, monétaire ou en nature, ou un mélange des deux, le
choix du monétaire permettant de rémunérer un aidant,
familial ou autre. En 2008, une réforme a augmenté le financement
de l'assurance dépendance, permettant ainsi de développer
l'accès au répit. Les Länder ont été
dotés de nouveaux moyens de contrôle de la qualité de
l'aide informelle et ont pris en charge l'information aux familles sur les
dispositifs d'aide existants.
Quels enseignements pour la France ?
Ces exemples montrent un besoin général de
développer l'aide aux aidants pour compléter l'aide
professionnelle. Cette politique n'est envisageable que s'il existe un
accès adéquat des personnes âgées en perte
d'autonomie à des services professionnels. Elle comprend
généralement des mesures qui répondent aux besoins des
aidants âgés comme à ceux en âge de travailler ou en
emploi. La France apparaît en position difficile en raison d'un
marché de l'emploi tendu, des relations sociales au sein des entreprises
dégradées, du peu de flexibilité de l'organisation du
travail qui fait que les seniors, depuis une trentaine d'années,
constituent une variable d'ajustement du taux d'emploi et que
l'égalité des genres piétine.
En France, la politique d'aide, centrée sur les aidants
Alzheimer tend à détourner la réflexion des autres publics
concernés. Faire de la conciliation entre
« travail » et « aide » un des axes
prioritaires de la nouvelle politique d'aide aux aidants suppose une
véritable refondation de la politique visant les personnes
âgées dépendantes.
Dans le département du
Pas-de-Calais...
L'une des trois Directions de politiques publiques du
Pôle des Solidarités du Conseil général du
Pas-de-Calais est la DAS : Direction de l'Autonomie et de la
Santé.
Son rôle consiste en l'élaboration et la mise en
oeuvre des politiques départementales dans les domaines de la perte
d'autonomie des personnes âgées et handicapées ainsi que de
la santé.
Pour ce faire, la DAS exerce ses compétences
légales (en attribuant l'APA, l'ASH et en payant la PCH) et des choix
politiques volontaristes. De plus, rappelons que le Département est
devenu le chef de file en matière d'action sociale et
médico-sociale (par la loi du 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales).
Il est alors au coeur de divers partenariats : ARS,
services de l'Etat, caisses de retraite.
Dans ce cadre, le département du Pas-de-Calais a mis en
place un projet territorial de l'autonomie, concernant ses neuf territoires.
Le projet se décline en trois axes :
- L'organisation de l'information, de l'accueil, de
l'orientation et du suivi des personnes en perte d'autonomie avec le
développement progressif sur chaque territoire d'une Maison De
l'Autonomie ;
- Le développement et l'organisation des
réponses de répit permettant de soutenir les aidants avec le
développement sur chaque territoire d'une Plateforme d'Aide aux
Aidants ;
- Le développement d'une palette complète de
réponses suffisantes et diversifiées, à domicile et en
établissement, permettant de répondre à la
variété et à l'urgence des besoins.
Les informations concernant la Plateforme d'Aide aux Aidants
peuvent se résumer sous forme de tableau synthétique :
LA PLATEFORME TERRITORIALE D'AIDE AUX
AIDANTS
OBJECTIF
|
Organiser, structurer l'ensemble des formules d'aide
individuelle et collective, à l'échelle d'un territoire, en vue
d'améliorer la réponse à apporter à l'usager.
Il s'agit d'un espace - ressources pour les aidants.
Il s'agit d'une coordination et fédération
d'acteurs autour de l'aide aux aidants.
|
CHAMPS
|
Personnes âgées - Personnes handicapées
|
PUBLICS CIBLES
|
?Aidants naturels,
?Aidants professionnels du domicile et des
établissements du social, du médico - social et du sanitaire
participant au maintien à domicile (accueil de jour, accueil temporaire,
halte - répit...)
?Aidants bénévoles (associations...)
|
MISSIONS
|
?Mission 1 : accueillir, informer, orienter les
aidants sur et vers les formules d'aide aux aidants
Exemple : droits et prestations, offres de
répit...
?Mission 2 : Ecouter, évaluer, traiter la
demande et accompagner l'aidant vers la réponse d'aide
?Mission 3 : Animer localement le réseau
des prestataires de répit
?Mission 4 : Mettre en oeuvre des réponses
d'aide aux aidants ou aider à la mise en oeuvre de nouvelles formules
|
LIENS avec les Maisons de l'Autonomie ou les
MAIA
|
La cohérence, la complémentarité doit
être recherchée.
La plateforme doit être un outil complémentaire
et intégrée aux autres dispositifs
|
L'organisation de la réponse à domicile
constitue un enjeu majeur du Département et de l'Etat. Le soutien
à domicile est, en effet, le meilleur vecteur d'intégration de la
personne handicapée ou âgée dans la vie de la
cité.
Les aidants naturels ou professionnels sont des acteurs
souvent essentiels au maintien à domicile. Or, l'accompagnement d'une
personne âgée ou en situation de handicap a un impact
incontestable sur la santé des aidants ainsi que sur leur vie sociale et
professionnelle.
Les deux schémas départementaux en faveur de ces
deux publics ont un objectif commun : encourager la solidarité
familiale par le soutien des aidants, afin que ces derniers puissent assurer
leur rôle le plus longtemps possible et dans les meilleures
conditions.
Dans ce contexte, une stratégie départementale
d'aide aux aidants de personnes âgées ou handicapées a
été validée par les élus du Conseil
général le 20 septembre 2010 (annexe 7).
Elle repose sur 3 axes :
- La diversification et le développement de l'offre
alternative à l'hébergement permanent (accueil de jour,
hébergement temporaire...) ;
- Le soutien des aidants à travers de nouvelles
formules non institutionnelles de répit (halte-répit Alzheimer,
café des aidants...) ;
- La mise en place de « Plateformes d'Aide aux
Aidants » sur les territoires.
C'est dans le cadre de ce dernier axe que Séverine
VARIN, Chef de projet de la Plateforme d'Aide aux Aidants pour les territoires
Lens / Liévin et Hénin / Carvin a fait appel à moi pour
une mission bien spécifique : la création
d'un« Guide ressources Autonomie », relatif aux champs des
personnes âgées et handicapées.
Il s'agit de constituer un outil offrant plus de
lisibilité et de cohérence, à destination des
professionnels, afin de répondre au mieux aux besoins des usagers.
Le Guide comporte cinq items :
- Le maintien à domicile : aides, soins et
services
- Hébergement, structures d'accueil et
établissements spécialisés
- Aides, droits et devoirs
- L'aide aux aidants
- À qui puis-je m'adresser ?
Il devrait voir le jour sous une forme informatisée, en
collaboration avec la Direction de l'Information et de la Documentation,
service rattaché au Conseil général.
Une version papier, moins dense, est également
envisagée.
Il s'agit d'une mission passionnante dont la
nécessité est authentique et concrète.
Conclusion
À la question de savoir si une politique commune aux
personnes âgées et aux personnes handicapées est
nécessaire, nous ne pouvons pas répondre non de manière
catégorique. Les personnes âgées ne sont pas
handicapées. En revanche, il serait pertinent de fonder une politique
commune relative à l'ensemble des personnes se trouvant être
handicapées quel que soit leur âge. La volonté de garder
son indépendance, celle de maîtriser sa vie constitue un argument
majeur en faveur de cette politique de rapprochement entre les personnes en
situation de dépendance et de handicap.
La société doit changer son regard sur la
vieillesse, et cela prendra du temps. Des dispositifs importants, dont nous
avons évoqué les pistes, sont à prendre en
considération afin de faire face aux freins et aux difficultés
rencontrés dans notre système actuel.
Dans cette optique, un réel besoin de solidarité
nationale s'impose. Un besoin qui doit cependant faire l'objet de consensus.
Il faut dès lors reconstituer la possibilité
d'avoir le même accès au droit et le même droit, quelle que
soit l'origine des fragilités des uns et des autres : la
convergence oblige à une vision plus universelle du droit.
Par ailleurs, en attendant une réelle convergence des
politiques relatives aux personnes âgées et handicapées, ne
devrions-nous pas plutôt parler de « convergences »
au pluriel ?
Convergence de regard qui permette de sortir de cette coupure
de la société en deux mondes distincts pour gérer des
conséquences identiques.
Convergence des principes et des démarches
d'évaluation des besoins respectant les attentes et les projets de
chacun.
Convergence des moyens au sein d'un véritable risque de
protection sociale unifié garantissant à tous une
égalité de traitement.
Convergence, enfin, au niveau social dans le respect d'une
égalisation des chances, non pas dans l'utopie d'une
société totalement égalitaire, mais dans la perspective de
permettre à chacun de demeurer au plus près de ce qu'il aurait pu
être sans la perte d'autonomie.
Au-delà des enjeux que nous avons
évoqués, réformer la prise en charge de la
dépendance des personnes âgées et handicapées doit
aussi être l'occasion d'un progrès social. Ce n'est qu'en
apportant une réponse cohérente, équitable, durable et
collective que nous pourrons relever ce défi.
Liste des sigles utilisés
ADF : Assemblée des Départements de France
AFP : Association des Paralysés de France
AGGIR (grille) : Autonomie Gérontologie Groupes
Iso-Ressources
APA : Allocation Personnalisée d'Autonomie
ARS : Agence Régionale de Santé
AAH : Allocation Adulte Handicapé
ASPA : Allocation de Solidarité aux Personnes
Agées
CCAS : Centre Communal d'Action Sociale
CIF : Classification Internationale du Fonctionnement, du
handicap et de la santé
CLIC : Centre Local d'Information et de Coordination
CNSA : Caisse Nationale de Solidarité pour
l'Autonomie
DAD (grille) : Disability Assessment of Dementia
DREES : Direction de la Recherche, des Etudes, de
l'Evaluation et des Statistiques
EHPAD : Etablissement d'Hébergement pour Personnes
Agées Dépendantes
ESAT : Etablissements et Services d'Aide par le Travail
GRITA : Groupe de Réflexion sur les
Incapacités à Tout Age
MAIA : Maisonpour l'Autonomie et l'Intégration des
malades Alzheimer
MDA : Maison De l'Autonomie
MDPH : Maison Départementale des Personnes
Handicapées
OCDE : Organisation de Coopération et de
Développement Economiques
ODAS : Observatoire National de L'Action Sociale
Décentralisée
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PCH : Prestation de Compensation du Handicap
PSD : Prestation Spécifique Dépendance
UNA : Union Nationale de l'Aide, des Soins et des Services
aux Domiciles
UNCCAS : Union Nationale des Centres Communaux d'Action
Sociale
UNIOPSS : Union Nationale Interfédérale des
Ouvres et Organismes privés Sanitaires et Sociaux
Bibliographie
2012 - 2017, Préoccupations prioritaires et demandes de
l'UNIOPSS, Personnes âgées et personnes en situation de
handicap.
Le rapprochement des politiques d'autonomie en direction
des personnes âgées et handicapées, INSET d'Angers,
Pôle Autonomie, le 20 mars 2012, CNFPT.
Rapport d'information, en application de l'article 145 du
Règlement, par la Commission des Affaires sociales, en
conclusion des travaux de la mission sur la prise en charge des personnes
âgées dépendantes, enregistré
à la Présidence de l'Assemblée Nationale le 23
juin 2010.
Du soutien à la dépendance au soutien
à l'autonomie, Les cahiers de l'ODAS, Juillet 2011.
Florence WEBER, Handicap et dépendance. Drames
humains, enjeux politiques, Paris, Editions Rue d'Ulm, 2011.
Jean-Claude HENRARD, La perte d'autonomie, un nouvel enjeu
de société, L'Harmattan, 2012.
Dépendance, un enjeu de solidarité
nationale, Positionnement de l'UNCCAS pour un droit universel à
l'aide à l'autonomie, Février 2011.
Rapport de Luc BROUSSY - L'adaptation de la
société au vieillissement de sa population - Mars 2013.
Rapport d'information n° 359 (2006-2007) de M. Paul
BLANC, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé
le 3 juillet 2007.
La fusion de la PCH et de l'APA : report utile,
abandon nécessaire ou recul incompréhensible ?,
Mémoire d'étudiants de l'Ecole des Hautes Etudes en
Santé Publique, Module interprofessionnel de santé publique,
2012.
Convergence personnes âgées / personnes
handicapées, Juillet 2007, Documents Cleirppa, Cahier n°27.
La grille AGGIR sous-évalue t-elle le
Groupe-Iso-Ressources en cas de déclin cognitif ?,
Mémoire du Docteur Jean-Pierre JERECZEK, Diplôme
universitaire de Géronto-Psychiatrie, Université Paris VI,
2008.
Annexes
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3
CHAPITRE III
ÉGALITÉ
Article 20
Égalité en droit
Toutes les personnes sont égales en droit.
Article 21
Non-discrimination
1. Est interdite, toute discrimination fondée notamment
sur le sexe, la race, la couleur, les originesethniques ou sociales, les
caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les
convictions, lesopinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance
à une minorité nationale, la fortune, lanaissance, un handicap,
l'âge ou l'orientation sexuelle.
2. Dans le domaine d'application du traité instituant
la Communauté européenne et du traité surl'Union
européenne, et sans préjudice des dispositions
particulières desdits traités, toute discriminationfondée
sur la nationalité est interdite.
Article 22
Diversité culturelle, religieuse et linguistique
L'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et
linguistique.
Article 23
Égalité entre hommes et femmes
L'égalité entre les hommes et les femmes doit
être assurée dans tous les domaines, y compris en
matièred'emploi, de travail et de rémunération.
Le principe de l'égalité n'empêche pas le
maintien ou l'adoption de mesures prévoyant des
avantagesspécifiques en faveur du sexe sous-représenté.
Article 24
Droits de l'enfant
1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins
nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimerleur
opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets
qui les concernent, en fonctionde leur âge et de leur maturité.
2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient
accomplis par des autorités publiques ou desinstitutions privées,
l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une
considération primordiale.
3. Tout enfant a le droit d'entretenir
régulièrement des relations personnelles et des contacts
directsavec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son
intérêt.
Article 25
Droits des personnes âgées
L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes
âgées à mener une vie digne et indépendante et
àparticiper à la vie sociale et culturelle.
Article 26
Intégration des personnes handicapées
L'Union reconnaît et respecte le droit des personnes
handicapées à bénéficier de mesures visant à
assurerleur autonomie, leur intégration sociale et professionnelle et
leur participation à la vie de la communauté.
Annexe 4
LOI
Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour
l'égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées
(1)
NOR: SANX0300217L Version consolidée
au 28 avril 2012
· TITRE Ier : DISPOSITIONS GÉNÉRALES.
Article
1
A modifié les dispositions suivantes :
o Crée
Code
de l'action sociale et des familles - art. L146-1 A (V)
Article 2
o Modifié par
Décision
n°2010-2 QPC du 11 juin 2010 - art. 2, v. init.
I.-Paragraphe modificateur
II.-1. Les trois premiers alinéas du I de l'article 1er
de la
loi
n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et
à la qualité du système de santé deviennent
l'article
L.
114-5 du code de l'action sociale et des familles.
2. (Abrogé)
III.-Les dispositions du a du 2° du I et du II du
présent article sont applicables à Mayotte et dans les Terres
australes et antarctiques françaises.
IV.-Paragraphe modificateur
NOTA:
Dans sa décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010
(NOR CSCX1015592S), le Conseil constitutionnel a déclaré
contraire à la Constitution le 2 du paragraphe II de l'article 2 de la
loi n° 2005-102 du 11 février 2005.
Article
3
A modifié les dispositions suivantes :
o Crée
Code
de l'action sociale et des familles - art. L114-2-1 (V)
· TITRE II : PRÉVENTION, RECHERCHE ET ACCÈS
AUX SOINS.
Article
4
A modifié les dispositions suivantes :
o Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L114-3 (V)
Article
5
A modifié les dispositions suivantes :
o Modifie
Code
de la santé publique - art. L3322-2 (V)
Article
6
A modifié les dispositions suivantes :
o Crée
Code
de l'action sociale et des familles - art. L114-3-1 (V)
Article
7
A modifié les dispositions suivantes :
o Crée
Code
de la santé publique - art. L1110-1-1 (V)
Article
8
A modifié les dispositions suivantes :
o Modifie
Code
de la santé publique - art. L1411-2 (V)
o Modifie
Code
de la santé publique - art. L1411-6 (M)
Article
9
A modifié les dispositions suivantes :
o Crée
Code
de la santé publique - art. L1111-6-1 (M)
Article
10
A modifié les dispositions suivantes :
o Modifie
Code
du travail - art. L122-26 (M)
· TITRE III : COMPENSATION ET RESSOURCES
o Chapitre Ier : Compensation des conséquences du
handicap.
Article
11
A modifié les dispositions suivantes :
§ Crée
Code
de l'action sociale et des familles - art. L114-1-1 (V)
Article
12
A modifié les dispositions suivantes :
§ Modifie
CODE
GENERAL DES IMPOTS, CGI. - art. 81 (MMN)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L131-2 (M)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L232-23 (V)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-1 (V)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-10 (V)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-11 (V)
§ Crée
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-12 (V)
§ Crée
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-13 (V)
§ Crée
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-14 (V)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-2 (V)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-3 (V)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-4 (V)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-5 (V)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-6 (M)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-7 (V)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-8 (AbD)
§ Modifie
Code
de l'action sociale et des familles - art. L245-9 (V)
Article
13
Dans les trois ans à compter de l'entrée en
vigueur de la présente loi, la prestation de compensation sera
étendue aux enfants handicapés. Dans un délai maximum de
cinq ans, les dispositions de la présente loi opérant une
distinction entre les personnes handicapées en fonction de
critères d'âge en matière de compensation du handicap et de
prise en charge des frais d'hébergement en établissements sociaux
et médico-sociaux seront supprimées.
Annexe 5
Préambule de la Constitution du 27 octobre
1946
1. Au lendemain de la victoire
remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont
tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple
français proclame à nouveau que tout être humain, sans
distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits
inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les
droits et libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la
Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus
par les lois de la République.
2. Il proclame, en
outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps,
les principes politiques, économiques et sociaux ci-après :
3. La loi garantit
à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à
ceux de l'homme.
4. Tout homme
persécuté en raison de son action en faveur de la liberté
a droit d'asile sur les territoires de la République.
5. Chacun a le devoir
de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être
lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines,
de ses opinions ou de ses croyances.
6. Tout homme peut
défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale
et adhérer au syndicat de son choix.
7. Le droit de
grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
8. Tout travailleur
participe, par l'intermédiaire de ses délégués,
à la détermination collective des conditions de travail ainsi
qu'à la gestion des entreprises.
9. Tout bien, toute
entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un
service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la
propriété de la collectivité.
10. La Nation assure
à l'individu et à la famille les conditions nécessaires
à leur développement.
11. Elle garantit à
tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux
travailleurs, la protection de la santé, la sécurité
matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en
raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation
économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit
d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.
12. La Nation
proclame la solidarité et l'égalité de tous les
Français devant les charges qui résultent des calamités
nationales.
13. La Nation
garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à
l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture.
L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous
les degrés est un devoir de l'Etat.
14. La
République française, fidèle à ses traditions, se
conforme aux règles du droit public international. Elle n'entreprendra
aucune guerre dans des vues de conquête et n'emploiera jamais ses forces
contre la liberté d'aucun peuple.
15. Sous
réserve de réciprocité, la France consent aux limitations
de souveraineté nécessaires à l'organisation et à
la défense de la paix.
16. La France forme
avec les peuples d'outre-mer une Union fondée sur
l'égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni
de religion.
17. L'Union
française est composée de nations et de peuples qui mettent en
commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer
leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et
assurer leur sécurité.
18. Fidèle
à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont
elle a pris la charge à la liberté de s'administrer
eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres
affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur
l'arbitraire, elle garantit à tous l'égal accès aux
fonctions publiques et l'exercice individuel ou collectif des droits et
libertés proclamés ou confirmés ci-dessus.
Annexe 6
Annexe 7
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