I.2. Les normes comptables
En dehors des difficultés juridiques et
réglementaires, les banques islamiques sont aussi confrontées
à des problèmes de normalisation sur le plan de la
comptabilité. En effet, pour mieux jouer leur rôle de supervision,
les banques centrales obligent les banques de second rang de présenter
leur bilan consolidé.
L'Analyse des produits financiers islamiques et la gestion des
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DIOP Moussa 26
Il se trouve que les banques islamiques ont souvent des
méthodes de comptabilisation un peu différentes de celles des
autres banques en ce qui concerne les opérations basées sur le
système des 3P 34 (voir Tableau 1). Ce qui entraine beaucoup
de difficultés dans l'établissement des comptes de profit ou de
perte.
Cependant des organisations comme le Conseil des Services
Financiers Islamiques (CSFI) et l'Organisation de Comptabilité et
d'Audit pour les Institutions Financières Islamiques (OCAIFI) sise au
Bahraim, sous la direction de la Banque Islamique de Développement (BID)
ont défini des normes internationales qui n'ont été
adopté pour l'instant que par quelques pays.
Les spécialistes ont donné des explications sur
certains concepts comptables. Selon le concept d'entité comptable, la
banque islamique a le devoir de considérer l'entreprise et les
propriétaires comme deux entités différentes. Ce concept
ne diffère pas de la finance conventionnelle et il suppose la
distinction des responsabilités de la banque et des actionnaires. Il y a
un autre principe qu'on appelle le principe de « going concern » qui
permet à la banque de pérenniser l'activité de la banque.
Cette notion est importante pour la valorisation des actifs au bilan, car elle
suppose que la valeur d'un bien n'est autre que ses flux futurs
actualisés. En comptabilité islamique, ce principe est
accepté cependant, la valorisation des actifs dans la finance islamique
diffère de la valorisation conventionnelle. En effet, en finance
conventionnelle c'est la méthode basée sur les flux futurs de
liquidités capitalisés qui est utilisée alors qu'en
finance islamique on préfèrera plus la méthode du «
Current Cash » qui détermine la valeur d'un actif en fonction du
montant pour lequel il pourrait être sur le marché (C. Karim,
2008. p.60).
I.3. Bilan des banques islamiques vs banques
conventionnelles
Il existe une différence de comptabilisation entre les
bilans des banques islamiques et des banques classiques. Comme nous l'avons vu
précédemment certains produits financiers islamiques sont
spécifiques à la finance islamique elle-même. L'autre
différence est que dans le bilan des banques traditionnelles il n'y a
pas d'équivalence de compte PSIA (Profit Sharing Investissment Account).
Le compte PSIA est un compte d'investissement à partir du quel les
rendements de la banque y sont déterminés.
34 Les opérations de 3P nécessitent
plusieurs comptes et leurs enregistrements sont souvent différents selon
les banques car les Comités de la Charia n'ont pas toujours les
mêmes opinions sur le caractère halal (licite) de ces
opérations (question d'école de pensée).
Le tableau suivant met en relief cette comparaison entre
banque islamique et banque conventionnelle en termes de bilan (actif et
passif)
Tableau 1 : Bilan banque conventionnelle vs bilan
banque islamique
Banque Conventionnelle Actif Banque islamique
Actif Circulant
Titres négociables Prêt standard
Découverts Autres avances
Actif immobilisé
Participation Immeubles
Actif Circulants Cash
Investissement
Financement Moucharaka Financement Moudaraba
Mourabaha interbancaires de CT
Vente à crédit
Salam Istisna'a
Mourabaha
Investissement actions, immobiliers
Actif immobilisé
Participation (Moucharaka) Immeubles
Diminishing Moucharaka
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DIOP Moussa 27
Nous constatons dans l'actif du bilan des banques que les
produits Moucharaka et Moudaraba (voir paragraphe II)
constituent les principales différences. Ces produits sont soumis au
principe de 3P (Partage des Profits et des Pertes) donc obéis à
la philosophie musulmane. Nous avons aussi, dans le bilan des banques
islamiques, deux comptes PSIA (Profit Sharing Investissement Account ou compte
d'investissement) : restreint et non-restreint. Le premier permet à son
détenteur de définir l'allocation de ses actifs. Le second est
appelé non- restreint car il délègue l'entière
gestion de ses actifs à la banque. Dans celui des banques
conventionnelles, il n'existe pas d'équivalent aux comptes PSIA (C.
Karim, 2008. p.24).
Banques conventionnelles Passif Banques islamiques
Dette CT
Dette CT
Dépôts
Emprunts et dettes financières
diverses
Dette LT
Compte courant (Qard Hassan) Compte d'investissement
(PSIA)
Restreint
Non- restreint
Compte d'épargne
Zakat et impôt anticipé
Mourabaha interbancaire de CT Provision (IRR)
Dette LT / Fonds propres
Capital action
Bénéfice
Bénéfice à purifier Réserves
(PER)
Capital action
Fonds islamiques
Bénéfice Réserves
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Source : SUNIL KUMAR K. et IOANNIS A, 2008
Théoriquement, s'agissant du passif, les banques
islamiques auront seulement à gérer des dépôts
d'investissement. Pour ce qui est de l'actif, les fonds mobilisés seront
utilisés à travers des contrats de participation aux profits
(Moucharaka et Moudaraba). Ainsi tout choc affectant l'actif
sera amorti par les dépôts d'investissement acceptant de partager
les risques. De cette manière, les banques islamiques offrent une
alternative plus stable comparativement à celle du système
bancaire traditionnel (BID, 2002, p.24).
Nous allons voir maintenant de façon plus
détaillée, les produits de la finance islamique.
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