La croissance sans précédent du
tourisme mondial, ces dernières années, pose pour les pays
pauvres, ou émergeants la question des conséquences du tourisme
sur leur développement. Quel type de développement induit-il?
Quatre questions sont au moins au centre du débat à savoir
:
Le tourisme a-t-il un impact économique
réel ou marginal ?
Les populations locales peuvent-elles profiter des
retombées du tourisme ? Les ressources naturelles sont-elles
menacées ?
Le choc socioculturel est-il trop important
?
C'est un fait acquis, dans certains pays
pauvres ou émergents, la part du tourisme dans le Produit
intérieur brut (P.I.B) n'a cessé de progresser au cours des
dernières années. D'autres plus avancés, comme la
République Dominicaine, les Maldives, la Tunisie ou l'Egypte par
exemple, ont vu la part du tourisme dans leur P.I.B se renforcer fortement et
contribuer à leur croissance économique. Un flux de touristes est
souvent accompagné d'un repli du P.I.B. C'est le cas de la Turquie en
1999. Pour d'autres, à l'inverse, le développement du Tourisme
s'est fait parallèlement à une décroissance du P.I.B (cas
de la Thaïlande de 1996 à 2000) de sorte que l'on peut s'interroger
sur ses réels bienfaits.
Au-delà de la question de la richesse
créée, se pose celle de sa répartition et des
retombées pour les populations locales. En se développant, le
secteur du tourisme s'est industrialisé et s'est
internationalisé. Dans sa forme la plus visible, le tourisme est
associé au tourisme de masse dont les principaux opérateurs sont
des groupes européens ou américains. Peut-on pour autant dire que
ces formes du tourisme bénéficient moins aux populations locales
? Le raccourci est sans doute trop rapide, tant des formules d'exploitation des
entreprises touristiques divergentes. En particulier, la question se pose
lorsque les pays sont plus avancés dans le cycle du développement
touristique. Signalons que les ressources naturelles ne sont pas
épargnées. Il reste à savoir si elles sont menacées
ou pas.
Cependant, à l'instar de la culture intensive
dans le secteur agricole, les conséquences du développement par
le tourisme sur l'environnement et sur les ressources naturelles des pays
pauvres sont également au centre du débat. On peut en effet se
demander si les contraintes de rentabilité rapide exigées par les
financeurs ne rentrent pas en contradiction à long terme avec
l'équilibre environnemental. Encore une fois, s'il est probable que le
tourisme de masse peut être associé à ces risques, on peut
s'interroger sur les réponses parfois apportées et sur les
risques inhérents aux autres formes du tourisme.
Enfin, on peut se demander si les pays pauvres sont
globalement préparés à accueillir des flux de touristes
étrangers : la distance socioculturelle n'est-elle pas trop importante
pour ne pas réduire des déséquilibres sociétaux
difficilement surmontables ?24
Au-delà des principes généraux,
il n'en reste pas moins que la réussite en matière de
développement touristique s'articule pour les pays pauvres autour d'au
moins quatre axes :
- Préparer les professionnels et les
populations locales aux flux touristiques ;
- L'accès aux capitaux et aux financements
;
- Le rôle des pouvoirs publics : transport,
aménagement du territoire et promotion des destinations
- La connaissance des attentes des touristes et
adaptation de l'offre à la demande.
En rapport avec le premier axe, on peut se demander
s'il est évident que la formation des populations locales aux langues
étrangères est une condition indispensable à tout
développement par le tourisme, la fidélisation des
clientèles étrangères et la pérennisation du
tourisme passent nécessairement aussi par des politiques ambitieuses de
formations générales. Ces formations doivent bien
24 Sébastien C., Op.cit, p269-271
entendu s'appuyer sur l'apprentissage des langues et
des cultures étrangères. Elles doivent également
être axées sur les différents métiers de l'industrie
touristique (transport, restauration, hôtellerie, agences de
voyage,...).
En rapport avec le deuxième axe, si le
tourisme peut, avec des investissements relativement modestes, profiter aux
populations locales, les projets qui vont entrainer les plus fortes
retombées nécessitent des capitaux volumineux.
L'expérience récente montre que le développement du
tourisme favorise également l'émergence des groupes nationaux, y
compris dans les pays pauvres. Citons au moins trois exemples : les groupes
hôteliers Abou Nawa en Tunisie, Camino Real au Mexique ou Dusit Thani en
Thaïlande. Ces trois groupes, qui pèsent de façon notable
dans leurs pays respectifs, sont nés de l'essor du tourisme et l'on
accompagné.
En rapport avec le troisième axe, les pouvoirs
publics ont un rôle central à jouer en matière de promotion
des destinations. La communication adoptée et les cibles (pays
émetteurs) conditionnent en effet largement le type de tourisme
accueilli. S'il est certain que cette communication répond
généralement à la demande en produits touristiques, les
outils utilisés et les messages véhiculés sont largement
à l'origine des formes de tourisme développées. Ainsi, le
choix des workshops (ateliers), salons et supports de communication
est-il susceptible d'influencer fortement le type de tourisme. La communication
adoptée par la République Dominicaine (campagnes d'affichages
grand public et large présence dans les guides des
tour-opérateurs) s'oppose par exemple à celle de Seychelles ou de
l'île Maurice, plus ciblée vers les clientèles qui
disposent d'un pouvoir d'achat plus élevé.
En rapport avec le quatrième axe, on peut
retenir qu'un autre risque majeur pour les pays pauvres est de se laisser
« griser » par la manne touristique, de développer des projets
qui ne répondent pas aux attentes ou qui sont surdimensionnés.
Ainsi, à 'instar des pays les plus riches, les pays pauvres doivent se
doter d'un appareil sophistiqué d'observation et de connaissance du
profil, des caractéristiques du séjour et des attentes de la
clientèle. Il va également de soit que
les études d'implantation ou des études
d'impact doivent précéder le développement des projets
ambitieux, à fortiori si ceux-ci sont subventionnés par
les pouvoirs publics. La mise en place d'observatoires des performances
relatives de chaque marché, par pays, métropole, type de site
(littoral, centre-ville, périphérie, zones rurales,...) et des
performances des différents acteurs (hôtellerie, restauration,
agences de voyage) est également indispensable. La mise en place de tels
outils permet une meilleure connaissance du marché et permet de
réduire les risques inhérents au développement de nouveaux
projets, puis réorienter l'offre, si nécessaire, en fonction
d'une demande qui évoluerait.