Usage des symboles dans Syngué Sabour Pierre de Patience d'Atiq Rahimi( Télécharger le fichier original )par Nadia Fatima Zohra SATAL épouse CHERGUI Université Abdelhamid Benbadis Mostaganem - Algérie - Magistère, option sciences des textes littéraires 2011 |
CHAPITRE I : ENTRE SYMBOLE ET SYMBOLISME1- Au fait, qu'est-ce qu'un symbole ? 1-1-Définitions et cadre épistémologique. 1-2-Signe et symbole, symbiose ou disparité ? 1-3-Caractéristiques, fonctions et pouvoir du symbole
2- Le symbolisme 2-1-Manifeste du symbolisme 2-2-Les décadents, pionniers du symbolisme Bien qu'ayant constitué l'essence de plusieurs travaux, le symbole baigne encore dans la confusion et la mécompréhension, il n'est guère aisé de le définir ni d'en cerner les véritables dimensions à cause du caractère abstrait qu'il revêt, néanmoins nous essayerons de rassembler les plus pertinentes des définitions que nous avons pues trouver. Dans ce chapitre, nous proposons de rendre plus explicite le concept de symbole, nous lui accordons dans ce travail une certaine définition (non que nous la jugions comme juste mais du moins, c'est celle qui réponde le mieux à nos attentes). Le symbole a été depuis tous temps assujetti à la disparité puisqu'il a été synonyme de signal, d'allégorie, de métaphore, de figure et d'icône, de telle manière que sa lexicographie est l'une des plus fructueuses mais aussi des plus confuses. Nous avons jugé indispensable dans la première partie de ce chapitre, de prêter un grand intérêt aux cadres encyclopédique et épistémologique dans lesquels s'est inscrit ce concept. La deuxième partie du chapitre sera consacrée au symbolisme français exclusivement, nous y présenterons les principaux fondements et fondateurs et y éclairerons les motivations de son avènement. 1- AU FAIT, QU'EST-CE QU'UN SYMBOLE ?1-1- DÉFINITIONS ET CADRE ÉPISTÉMOLOGIQUEQu'en disent les dictionnaires ? L'Encyclopædia Universalis en ligne17(*) nous a permis d'inventorier trois significations du terme « symbole » : 1- un sens étymologique, 2- un sens courant, 3- un sens relatif au symbole logico-mathématique. 1-Etymologiquement le mot symbole vient du mot latin symbolus qui signifie « signe de reconnaissance » ou encore du verbe grec symballein qui veut dire jeter ensemble d'où dérive sumbolon, objet coupé en deux et qui constitue un signe de reconnaissance. En Grèce antique, le sumbolon était le morceau d'une poterie brisé en deux et, qu'on donnait aux ambassadeurs de deux cités alliées afin qu'ils se reconnaissent dans un temps ultérieur. Cette courte définition du dictionnaire apporte une information primordiale se basant sur la reconnaissance, en effet, un symbole doit être reconnaissable au moins par les deux protagonistes le maniant. Dans le cas échéant (celui relatif à la Grèce antique), chacun des deux émissaires est en mesure d'identifier l'autre morceau par compatibilité des formes et par conséquent de remettre ensemble les deux morceaux, ainsi, la validation de l'authenticité est garantie. 2-Couramment le terme symbole est en étroite relation avec toute analogie emblématique, l'Encyclopédie propose l'exemple de la colombe symbole de paix et du lion symbole de courage. 3-Le symbole au sens logico-mathématique est un signe graphique qui indique soit une grandeur ou prescrit une opération sur ces grandeurs. Ces trois significations du symbole nous permettent de dresser le tableau ci-dessous, nous faisons remarquer que dans un souci de dénomination, nous empruntons à Eco18(*) le terme de symbolisant pour nommer l'objet qui désigne un concept (la partie palpable et vue du symbole, soit le signifiant symbolique), et celui de symbolisé pour qualifier le concept auquel renvoie le symbolisant (sa partie abstraite, soit le signifié symbolique).
Le Robert ajoute encore : Objet ou fait naturel de caractère imagé qui évoque, par sa forme ou sa nature, une association d'idées « naturelle » dans un groupe social donné avec quelque chose d'abstrait ou d'absent19(*). Cette autre définition éclaire davantage notre perception du terme ; d'abord, le symbole y est identifier à un objet ou à un fait naturel, ce qui diffère des trois premières définitions ; ensuite, elle met en évidence l'aspect d'appartenance du symbole, selon cette définition, un symbole est relatif à un ensemble fini de personnes, qui par une opération de rassemblement peuvent joindre un objet ou un fait à quelque chose d'abstrait. Enfin le dictionnaire de philosophie Dictionnaire de la langue philosophique20(*) de Paul Foulquié, définit le symbole comme étant « image ou objet matériel qui donne un certain sentiment d'une réalité invisible ». Qu'en disent les théoriciens ? Le symbole recouvre des définitions diverses dont certaines tendent vers le rapprochement et d'autres se révèlent nettement contradictoires. Philosophes, psychanalystes, théologiens, linguistes et anthropologues se sont tous assignés la tâche de le définir, chacun avança une vision théorique propre à sa discipline et répondant à une problématique spécifique. Ces visions sont loin d'être unanimes et univoques mais du moins elles offrent d éventuelles voies d'exploration. Nous en proposons quelques unes afin d'avoir une plus ample idée du concept de symbole tel qu'il a été défini dans divers champs culturels. En psychanalyse, la psychologie des profondeurs et précisément l'interprétation des rêves chez Freud est principalement fondée sur l'étude des symboles qui y sont présents. Le symbole constitue un moyen de défense du conscient d'un individu, refoulant désirs et pulsions sexuels, ce dernier, les reconfigure dans le rêve (inconscient) sous forme de symboles. Le psychanalyste (Freud) définit le symbole comme suit : « Nous donnons à ce rapport constant entre l'élément d'un rêve et sa traduction le nom de symbolique, l'élément lui-même étant un symbole de la pensée inconsciente du rêve.»21(*) Ce-dernier élabore une méthode d'analyse du rêve en le considérant comme un ensemble cohérent et compréhensible de symboles, il est traité tel un langage qui pourrait être déchiffré, une fois les significations des symboles oniriques connues, le rêve serait systématiquement décodé. Nous ajouterons que le psychanalyste prédéfinit les symboles selon un modèle obéissant aux lois d'analogie notamment avec les organes sexuels. En parallèle, Jung met en exergue l'aspect universel du symbole onirique résultant lui-même d'un inconscient collectif. Ce dernier introduit le terme d'archétype22(*) qu'il définit comme étant des symboles-types qui prennent leurs essences dans un patrimoine universel. Le symbole ferait partie d'un ensemble commun que partagerait toute une société voire toute l'humanité. En philosophie, le symbole prend encore un autre itinéraire non pas opposé aux définitions données dans d'autres disciplines mais où il prend encore plus d'ampleur en matière de signification, Paul Ricoeur note à ce sujet :« J'appelle par symbole toute structure de signification où un sens direct, primaire, littéral, désigne par surcroit un autre sens indirect, secondaire, figuré, qui ne peut être appréhendé qu'à travers le premier .»23(*) Ricoeur suggère que le symbole est une base de significations qui renvoient outre le sens immédiat à un sens plus profond, pour Ricoeur, un symbole est tout ce qui a la faculté de détourner le sens avoué vers un sens caché. Ortigues propose encore : « D'une manière générale les symboles sont les matériaux avec lesquels se constituent une convention de langage, un pacte social, un gage de reconnaissance mutuelles entre des libertés. »24(*) Ceci dit, le symbole dans ce cas est considéré comme un apanage propre à un groupe s'en servant en guise de référence visant la reconnaissance. * 17 Jameux, Dominique, « Le symbole », Encyclopædia Universalis [en ligne] http://www.universalis-edu.com/statiques/extention_recherche/ext_recherche_v15_web_titre_CL.php?p=R171431SI2(consulté le 31 mai 2010). * 18Eco, Umberto. Sémiotique et philosophie du langage. Paris : P.U.F, 1984, p. 213. Eco utilise les termes symbolisant et symbolisé pour catégoriser les deux composantes d'un symbole. * 19LE ROBERT. Dictionnaires Le Robert, 2001. * 20 Foulquié, Paul. Dictionnaire de la langue philosophique. PUF, 1969. * 21 Freud, Sigmund. Introduction à la psychanalyse, trad. S. Jankélévitch. Paris : Payot, 1962, p.135. * 22 Koberich, Nicolas, « l'archétype » dans Merlin, l'enchanteur romantique. Paris : L'Harmattan, 2008, pp. 37-38. * 23 Ricoeur, Paul. Le conflit des interprétations. Paris : Seuil, 1969, p.16. * 24 Ortigues, Edmond. Le discours et le symbole. Paris : Beauchesne, 1962, p. 86. |
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