SOMMAIRE
Introduction
générale......................................................................................1
PREMIÈRE PARTIE : LES DIFFICULTÉS DE MISE
EN OEUVRE DE LA COOPÉRATION SÉCURITAIRE : UN FACTEUR
D'ENRACINEMENT ET DE RECRUDESCENCE DE LA CRIMINALITÉ
TRANSFRONTALIÈRE DANS LE GOLFE DE
GUINÉE..............................................................................................17
Chapitre I : La faillite de l'Etat dans le golfe de
Guinée : un facteur structurant de multiplication des actes de
criminalité
transfrontalière.............................................18
Chapitre II : L'inadéquation des initiatives
actuelles de lutte contre la criminalité transfrontalière dans le
golfe de
Guinée...............................................................41
Conclusion de la première
partie.......................................................................59
DEUXIÈME PARTIE : LES VOIES DE RENFORCEMENT DE LA
COOPÉRATION SÉCURITAIRE ENTRE LES ETATS DANS LE GOLFE DE
GUINEE : MODERNISER LA GOUVERNANCE DES ESPACES TRANSFRONTALIERS ET
CONCRETISER UN SYSTEME AUTONOME DE SECURITE
COLLECTIVE..................................................60
Chapitre III : Moderniser la gouvernance des zones
frontalières nationales: Coupler les reformes économique et
sociopolitique aux solutions
sécuritaires.................................61
Chapitre IV : La concrétisation d'un
système autonome de sécurité collective : Un moyen de
renforcement de la coopération sécuritaire entre les Etats dans
le golfe de Guinée............78
Conclusion de la deuxième
partie.......................................................................95
Conclusion
générale......................................................................................96
DÉDICACES
Au Seigneur Tout-puissant et miséricordieux, pour sa
présence et sa magnificence dans ma vie ;
A la mémoire de DJAM Ramatou Clarisse
Laure, ma mère, qui consacra sa vie à la recherche de
notre réussite sociale, mais très tôt partie et
à jamais exilée dans l'Au-delà ;
A maman EBENG Fatima Antoinette, pour son
indéfectible amour providentiel ;
A ma famille, mes ami(e)s et connaissances, qu'il leur plait
de trouver ici le témoignage de ma profonde gratitude pour leur
constante sollicitude.
REMERCIEMENTS
Nous exprimons notre profonde gratitude tout d'abord, à
la direction de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) et
à son personnel enseignant pour la formation académique et
scientifique reçue ainsi que pour le sens de la rigueur et le gout de
l'effort ; toutes qualités dont nous avons été en
permanente quête durant notre parcours à l'institut ;
Ensuite à notre encadreur, le Professeur Joseph Vincent
NTUDA EBODE, pour sa disponibilité, son suivi bienveillant et ses
conseils multiformes ; sans oublier les facilités qu'il nous a
accordées pour l'accès à la bibliothèque du Centre
de Recherche d'Etudes Politiques et Stratégiques (CREPS) de
l'Université de Yaoundé II-SOA dont il a la charge, pour
l'aboutissement de ces travaux ;
Enfin, pour aller au bout de notre parcours, nous avons
bénéficié des conseils bienveillants des ainés
académiques dont Charles Guy MAKONGO de la promotion Contentieux
International 2007. De même qu'il nous a fallu toute la
convivialité et toute l'affection de nos dynamiques camarades de la
promotion IRMIC 2010, baptisée « Promotion de la
Renaissance Africaine », pour qui le respect et l'estime que
nous les vouons demeureront fermes. A tous, nous disons la main sur le
coeur : mille fois merci !!!
ABSTRACT
Notre étude intitulée, La
coopération sécuritaire face au défi de la
criminalité transfrontalière dans le golfe de
Guinée : état des lieux et esquisse de solution,
s'est structurée autour de la question suivante : comment renforcer
la coopération sécuritaire au regard de l'enracinement et de la
recrudescence des pratiques de criminalité transfrontalière dans
le golfe de Guinée ? De ce fait, après avoir analysé
les difficultés de mise en oeuvre de la coopération
sécuritaire face à la multiplication des actes de
criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée, nos
recherches ont scruté les voies de renforcement de ladite
coopération. Lesquelles privilégient la modernisation de la
gouvernance des espaces transfrontaliers et la concrétisation d'un
système autonome de sécurité collective dans le golfe de
Guinée qui, avec le soutien de l'extérieur, pourrait permettre de
juguler plus efficacement le phénomène de la criminalité
transfrontalière qui menace, aussi bien la navigation maritime, que la
paix et la sécurité régionale et internationale.
Our case study entitled, Security cooperation facing
the challenge of transborder criminality along the gulf of Guinea: an overview
and a proposed solution, was focused on following question: How to
reinforce security cooperation in regards of deep-rooting and rising of
transborder criminal acts along the gulf of Guinea? Thereby, after analyzing
the difficulties of setting up a good security cooperation challenging the
multiplication of transborder criminal acts in the gulf of Guinea, our research
scrutinized the means of reinforcing the said cooperation. These means put
emphasize on the modernization of the administration of the transborders spaces
and the implementation of an autonomous system of collective security in the
gulf of Guinea which, with the foreign contribution, can enable to check more
effectively the phenomenon of transborder criminality which threatens good and
peaceful maritime navigation as well as regional and international peace and
security.
ABRÉVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES
UTILISÉS
AFRICOM : US African Command/
Commandement Américain pour l'Afrique
AG/ONU : Assemblée
Générale de l'Organisation des Nations Unies
ALPC : Armes Légères et de
Petit Calibre
AMC : African Marine Commando
BAD : Banque Africaine de
Développement
BEAC : Banque des Etats de l'Afrique
Centrale
BFF: Bakassi Freedom Fighters
BIR: Bataillon d'Intervention Rapide
BM: Banque Mondiale
BSR/AC-CEA: Bureau Sous Régional pour
l'Afrique Centrale de la CEA
CBLT: Commission du Bassin du Lac Tchad
CDS : Commission de Défense et de
Sécurité
CEA : Commission Economique des Nations
Unies pour l'Afrique
CEDEAO : Communauté Economique
Des Etats de l'Afrique de l'Ouest
CEEAC : Communauté Economique des
Etats de l'Afrique Centrale
CEMAC : Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale
CEN-SAD : Communauté Economique
des Etats Sahélo-sahariens
CEPGL : Communauté Economique des
Pays des Grands Lacs
CER : Communauté Economique
Régionale
CGG : Commission du Golfe de
Guinée
CIJ : Cour Internationale de Justice
CIRGL : Conférence Internationale
pour la Région des Grands Lacs
CMS : Commission Mixte de
Sécurité
CNF : Commission Nationale des
Frontières
CNS : Conseil National de
Sécurité
CNUDM : Convention des Nations Unies sur
le droit de la mer
COPAX : Conseil de Paix et de
Sécurité de l'Afrique Centrale
CREPS : Centre de Recherches d'Etudes
Politiques et Stratégiques
CRESMAC : Centre de Coordination
Régionale pour la Sécurité Maritime en Afrique Centrale
CS/ONU : Conseil de
Sécurité de l'ONU
EMR : Etat-major Régional
FAA : Force Africaine en Attente
FES : Fondation Friedrich Ebert
Stiftung
FLEC : Front de Libération de
l'Enclave du Cabinda
FMI : Fonds Monétaire
International
FN : Forces Nouvelles
FOMUC : Force Multinationale en
Centrafrique
FPAE : Fondation Paul ANGO ELA pour la
Géopolitique en Afrique Centrale
FSJP : Faculté des Sciences
Juridiques et Politiques
GRIP : Groupe de Recherche et
d'Information sur la Paix et la Sécurité
HCR : Haut Commissariat des Nations
Unies pour les Refugiés
HRW : Human Rights Watch
IPAG : Institut Panafricain de
Géopolitique
IRIC : Institut des Relations
Internationales du Cameroun
IRIS : Institut des Relations
Internationales et Stratégiques
IRMIC : Intégration
Régionale et Management des Institutions Communautaires
ITIE : Initiative de Transparence dans
les Industries Extractives
LRA : Armée de Résistance
du Seigneur
MEND : Mouvement pour l'Emancipation du
Delta du Niger
MICOPAX : Mission de consolidation de la
paix en Centrafrique
MLC : Mouvement de Libération du
Congo
MOSOP : Mouvement pour la Survie du
Peuple Ogoni
MRU : Mano River Union/ Union du Fleuve
Mano
MTISC : Centre d'Echanges d'Informations
sur le Commerce Maritime
NEPAD : Nouveau Partenariat pour le
Développement de l'Afrique
OCHA : Bureau de Coordination des
Affaires Humanitaires de l'ONU
OMC : Organisation Mondiale du
Commerce
ONU : Organisation des Nations Unies
ONUCA : Bureau Régional des
Nations Unies pour l'Afrique Centrale
ONUDC : Office des Nations Unies contre
la Drogue et le Crime
ONUWA : Bureau Régional des
Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest
OSC : Organisation de la
Société Civile
OUA : Organisation de l'Unité
Africaine
PAMINT : Patrouille Mixte
Internationale
PAS : Programmes d'Ajustement
Structurel
PF-CEEAC : Programme Frontière de
la CEEAC
PF-UA : Programme Frontière de
l'Union Africaine
RCA : République
Centrafricaine
RCSP : Revue Camerounaise de Science
Politique
RDC : République
Démocratique du Congo
RECAMP : Programme de Renforcement des
Capacités Africaines de Maintien de la Paix
SADC : Southern African Development
Community
UA : Union Africaine
UE : Union Européenne
UEMOA : Union Economique et
Monétaire Ouest-africaine
UNESCO : Organisation des Nations Unies
pour l'Education, la Science et la Culture
UNITA : Union Nationale pour
l'Indépendance Totale de l'Angola
UYII/SOA : Université de
Yaoundé II/SOA
INTRODUCTION GÉNÉRALE
I. CONTEXTE ET OBJECTIF DE L'ÉTUDE
Le golfe de Guinée, producteur de pétrole
dès l'aube des indépendances africaines, est devenu ces
dernières décennies une surface de jeux politico-diplomatiques
entre acteurs locaux et étrangers, mais surtout un espace d'enjeux
géopolitiques pour le contrôle de ses abondantes ressources
naturelles et humaines. Concomitamment à son érection comme zone
d'intérêts stratégiques, objet de toutes les convoitises y
compris de la part de réseaux criminels, cette région est devenue
un espace dangereux du fait de l'insécurité
transfrontalière qui s'y est généralisée à
l'ensemble des pays. Souvent présentée comme le seul fait de
bandes armées, la criminalité transfrontalière qui
résulte essentiellement des activités de piraterie maritime et
de criminalité terrestre, apparait également comme l'oeuvre des
compagnies multinationales, des pays industrialisés et des Etats
africains qui participent à sa production et ou à sa
régulation1(*).
Lesquels, paradoxalement, prétendent la combattre. Ce
phénomène, qui se décline essentiellement en
criminalité maritime et terrestre, fait l'objet, au moins dans son
aspect maritime, de préoccupations au sein de la communauté
internationale. En effet, le Conseil de Sécurité de l'ONU,
à travers sa résolution 2039 du 29 Février 2012, a
recommandé la tenue effective d'un sommet de Chefs d'Etat et de
Gouvernement sur la piraterie maritime et les vols à main armée
dans le golfe de Guinée. Un tel sommet aura pour objectif de favoriser
la réflexion sur les solutions pouvant permettre de juguler ce
phénomène qui met en péril la navigation internationale,
la sécurité et le développement économique des pays
concernés. Pour ce faire, une réunion du comité
préparatoire dudit sommet regroupant l'ONU et les organisations
régionales dont la CEDEAO, la CEEAC et la CGG s'est tenue à
Libreville (GABON) du 29 au 31 Mai 2012. Cette initiative rend compte, selon
les termes du communiqué conjoint délivré à cet
effet, « de la détermination de la communauté
internationale et des différentes parties prenantes à mutualiser
leurs efforts pour faire face, de manière collective et
concertée, à la piraterie maritime et aux vols à main
armée en mer dans le Golfe de Guinée, ainsi qu'à toutes
les autres menaces transversales, régionales et
transfrontalières »2(*). A la suite de cette réunion, une
série d'autres tenues successivement en Juin, Octobre et Décembre
2012 ont été convoquées à l'effet d'élaborer
la feuille de route du Sommet régional en préparation sur la
question. Celles-ci témoignent de l'engagement de la CEEAC, de la CEDEAO
et de la CGG en faveur d'une stratégie collective de paix, de
sécurité et de développement pour la région3(*).
C'est fort de l'actualité et de la sensibilité
de la problématique de lutte contre le phénomène de la
criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée que,
sur les plans scientifique et pratique, cette étude a pour principal
objectif de contribuer à la réflexion sur les difficultés
de mise en oeuvre de la coopération sécuritaire entre les Etats
dans le golfe de Guinée ainsi que les voies et moyens de mieux la
renforcer. Pour y parvenir, ces travaux de recherche procèdent à
une meilleure compréhension des risques et menaces liés à
ce phénomène dans la région ; au diagnostic de ses
causes profondes, manifestations et répercussions sur les
économies et la sécurité régionales et même
internationales ; avant d'établir la nécessité
d'implémenter un système autonome de sécurité
collective viable et efficace dans le cadre d'une coopération
sécuritaire régionale dans le golfe de Guinée.
Concrètement, nos recherches militent pour une intégration
sécuritaire au travers de la mutualisation et de la rationalisation des
initiatives endogènes (CEDEAO, CEEAC, CGG, Etats africains) et
exogènes (États-Unis, France, Chine, Union Européenne...)
de sécurisation de la région, afin de mieux juguler le
phénomène de la criminalité transfrontalière qui
menace la stabilité sociopolitique et la viabilité
économique de cet espace aux ressources naturelles et humaines
avérées.
II. REVUE DE LA LITTÉRATURE
Deux principales conceptions meublent et caractérisent
l'essentiel des études consacrées aux questions de
sécurité et de défense dans le golfe de Guinée. La
première se nourrit de la prolifération de coups d'Etat,
mutineries, guerres civiles et interétatiques. Certaines des recherches
issues de cette conception traitent essentiellement, sur la base de l'emploi de
métaphores alarmistes, misérabilistes et chaotiques, de la
périphérisation et donc de la dépendance de cette
région vis-à-vis de la communauté internationale4(*). D'autres mettent en
évidence les contraintes sécuritaires internes et externes qui
pèsent sur les Etats de la région relativement à la
gestion de leurs ressources naturelles5(*).
La seconde conception, qui rétablit la
centralité du golfe de Guinée dans les enjeux
géopolitiques internationaux du fait que cet espace est devenu une
source stratégique d'énergies fossiles, développe des
approches multidimensionnelles sur les dynamiques sécuritaires internes
et externes autour de la région. Les études qui en
relèvent révèlent non seulement, l'impact de
l'émergence de nouveaux acteurs privés spécialisés
dans la criminalité et les activités illicites sur
l'équilibre sécuritaire de la région, mais aussi mettent
en lumière le redéploiement stratégique post guerre froide
et 11 septembre 2001 d'acteurs dominants du système international dans
la même région. Ainsi, si certaines de ces études analysent
les enjeux pétroliers du golfe de Guinée6(*) ainsi que leurs
conséquences sur la stabilité politico-sécuritaire des
Etats de la région, d'autres montrent les différentes
stratégies de prévention et de lutte contre
l'insécurité7(*) qui menace les plateformes pétrolières
et minières de la région.
C'est dans le sillage de cette dernière
problématique que des études sur les stratégies
collectives et concertées de protection et de
sécurisation8(*) des
espaces maritimes du golfe de Guinée vont émerger dans le champ
scientifique. Dans un premier temps, celles-ci analysent les
intérêts occidentalo-centrés de telles initiatives9(*)et, dans un second, elles
diagnostiquent les difficultés inhérentes à la mise en
place d'un système de sécurité collective10(*) interne aux Etats de la
région. Ce n'est donc qu'à partir de l'irruption de nouveaux
défis sécuritaires comme le développement de la
criminalité transfrontalière que la thématique de la
coopération sécuritaire dans le golfe de Guinée s'est
imposée dans le champ scientifique des études relatives aux
questions de sécurité et de défense de cette
région11(*).
Des deux conceptions évoquées ci-dessus, notre
étude s'inscrit dans le prolongement de la dernière,
c'est-à-dire dans la continuité des réflexions
consacrées aux stratégies sécuritaires de lutte contre
l'insécurité transfrontalière dans le golfe de
guinée. Toutefois, sa particularité réside dans le choix
pertinent de responsabiliser davantage les Etats et organisations
régionales du golfe de Guinée dans la gestion de leur propre
destin sécuritaire, par la mise en oeuvre de réformes
structurelles globales durables. Ainsi, convient-il pour eux de se doter d'un
véritable système inclusif et autonome de sécurité
collective, capable de s'opérationnaliser automatiquement et
systématiquement, avec le soutien international, pour lutter contre la
criminalité terrestre et maritime dans le golfe de Guinée. Car,
c'est la concrétisation effective de ce système de
sécurité commune qui pourrait conférer une plus grande
efficacité à la coopération sécuritaire mise en
oeuvre dans le cadre de la lutte contre la criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée.
III. PROBLÉMATIQUE
- Définition des concepts
opératoires
Toute étude scientifique à l'instar de celle qui
retient notre attention nécessite, pour une meilleure saisie de son sens
et de sa signification, une analyse des concepts qui la structurent. Etant
donné que les concepts sont généralement le produit d'un
contexte socio-historique, c'est-à-dire d'un lieu, d'une époque
et d'acteurs déterminés, il nous semble fondamental non pas de
les définir littéralement en leur donnant un sens commun, mais de
les expliciter en les situant dans notre contexte d'étude. Dans cette
optique, notre sujet intitulé La coopération
sécuritaire face au défi de la criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée : état des
lieux et esquisse de solution, mérite pour sa bonne
compréhension que l'on s'appesantisse sur l'analyse de quelques concepts
opératoires et expressions clés.
Coopération sécuritaire :
Cerner cette expression revient à appréhender d'abord le concept
de coopération avant d'analyser l'épithète
sécuritaire. Le concept de coopération peut
essentiellement revêtir deux sens. Le premier désigne pour un
acteur A l'action d'agir conjointement avec un acteur B. Le résultat de
cette action conjointe aboutit généralement à des gains
mutuels. Le second renvoie à la politique d'échanges et d'actions
conjointes dans divers domaines d'ordre politique, économique, social,
culturel, sportif, technique... entre divers acteurs étatiques ou
infra-étatiques12(*). La coopération revêt
généralement le caractère bilatéral lorsqu'elle
concerne uniquement deux Etats, ou multilatéral lorsqu'elle lie un Etat
aux autres au sein d'une organisation intergouvernementale. En tout état
de cause, la coopération suppose un accord de volonté de deux ou
plusieurs acteurs de la société internationale sur un ou
plusieurs domaines précis afin d'en tirer des bénéfices
mutuels.
L'épithète sécuritaire
désigne le caractère de cette coopération. En effet, selon
la perspective hobbesienne de la science politique classique,
« la sécurité est au coeur de l'existence de tout
Etat. La stratégie de sécurité nationale a pour objectif
de parer aux risques et menaces susceptibles de porter atteinte à la vie
de chaque nation »13(*). C'est dire la nature régalienne de cette
coopération.
Au regard de ce qui précède, la
coopération sécuritaire renvoie à la politique
d'échanges et d'actions conjointes dans le domaine de la
sécurité et de la défense entre Etats. Elle prend
très souvent des formes technique, logistique ou informationnelle. Elle
se matérialise par des accords qui sont des arrangements entre deux ou
plusieurs Etats « proches par leurs idées ou
leurs sentiments »14(*) et désireux de collaborer dans le domaine
sécuritaire. En d'autres termes, la coopération
sécuritaire a pour objectif de parer aux risques et menaces
susceptibles de porter sensiblement atteinte à l'intégrité
territoriale, à la stabilité politique, à la
viabilité économique et à la sécurité des
populations de chacun des Etats parties. Ainsi cet accord peut être
perçu comme « un engagement d'alliance militaire, un
regroupement d'intérêts politique ou économique ou tout
simplement un contrat convenu par un accord de
volontés ».15(*)
Stratégiquement, la coopération
sécuritaire englobe non seulement l'assistance militaire technique,
mais également des actions de coopération ponctuelles
matérialisées par des accords de défense, d'assistance
mutuelle et de non-agression qui créent entre les Etats des liens plus
étroits. Plus qu'une simple alliance militaire, la
coopération sécuritaire entraine une certaine
harmonisation de la vie diplomatique des Etats parties et même
généralement l'existence d'institutions politiques
communes.16(*) Ce qui
donne souvent lieu à la mise en place d'un système de
sécurité homogène efficace composé de
l'armée, de la gendarmerie, de la police, de l'appareil judiciaire et
pénitentiaire et de l'administration gouvernementale au sein de chaque
Etat.
Golfe de Guinée : Le golfe de
Guinée peut être appréhendé
comme « une sous région dont les contours
réels et définitifs sont difficiles à
saisir »17(*). Le Golfe de Guinée apparaît de
ce fait comme un concept géographique et géopolitique encore
flou. Dès lors, nous allons l'appréhender sous deux conceptions
distinctes mais complémentaires :
- Dans sa dimension historique et géoculturelle, le
golfe de Guinée correspondait à l'ancienne
« côte des esclaves »18(*) qui s'étendait des
cotes littorales de l'actuelle Côte-d'Ivoire au Delta du Niger au
Nigeria. Aujourd'hui, cette région peut être
considérée comme « la façade
côtière atlantique allant du Sénégal à
l'Angola »19(*) où vivent actuellement une mosaïque
de peuples issus des civilisations bantou et sahélienne, pratiquant les
religions chrétienne, musulmane et animiste, et repartis dans divers
Etats issus de la colonisation anglaise (Nigéria), belge (RDC),
espagnole (Guinée Equatoriale), française (Gabon) et portugaise
(Angola). C'est dire que cet espace représente un arc-en-ciel de
civilisations, d'où sa riche diversité culturelle.
- Concernant sa dimension politico-institutionnelle
(conception retenue dans le cadre de cette étude), le golfe de
Guinée s'identifie d'abord au domaine maritime des huit Etats
membres et observateurs de la Commission du Golfe de Guinée
(CGG)20(*)
créée les 18 et 19 novembre 1999 à Libreville. Cependant,
avec la découverte de nombreuses ressources naturelles au sein des Etats
voisins de l'hinterland à ceux de la CGG à partir de la
décennie 90, cette sous région réalise désormais la
synthèse des Etats de l'Afrique occidentale et centrale ayant une
ouverture réelle ou fictive sur l'océan Atlantique. D'où
la présente recherche a été étendue au Tchad,
à la RCA et même au Niger.
In fine, ses nombreuses richesses et sa position
géostratégique font du golfe de Guinée un espace
de compétition où, face au foisonnement des activités
illicites, les Etats s'organisent pour sa sécurisation.
Criminalité
transfrontalière : Pour saisir le sens de cette
expression, il convient d'abord d'appréhender la signification des
notions de crime et de criminalité. En droit pénal, un crime se
définit comme « une infraction de droit commun ou
infraction politique, sanctionnée, pour les personnes physiques, de la
réclusion ou de la détention à perpétuité ou
à temps, voire d'une peine d'amende et de peines complémentaires,
et, pour les personnes morales, de l'amende et, dans les cas prévus par
la loi, de peines privatives ou restrictives de
droits ».21(*) La criminalité quant à elle renvoie
à l' « ensemble des infractions à la loi
pénale commises pendant une période de référence
(en général l'année) dans un pays déterminé.
On distingue la criminalité légale (ensemble des infractions
sanctionnées par les juridictions légales), la criminalité
apparente (ensemble des faits apparemment constitutifs d'infractions connus des
autorités publiques), la criminalité réelle (ensemble des
infractions commises, en incluant, par une évaluation, celles
demeurées inconnues) ».22(*)
Au regard de ce qui précède, la
criminalité renvoie à l'ensemble des infractions de toute nature,
punies par les lois en vigueur, se produisant dans un territoire donné
au cours d'une période déterminée. Elle épouse
diverses formes allant du vol en bandes organisées à la piraterie
maritime en passant par le trafic de drogues et autres stupéfiants,
d'organes et ossements humains ainsi que le commerce illégal des
matières premières. La particularité de ce
phénomène est qu'elle s'opère de part et d'autre des
frontières nationales de plusieurs Etats. D'où son
caractère transfrontalier du fait de la mondialisation qui a
favorisé le phénomène et l'a fortement amplifié. En
effet, la porosité des frontières nationales, la libre
circulation et le blanchiment des capitaux ainsi que la
déréglementation tous azimuts ont favorisé
l'émergence d'une économie parallèle où
s'échangent illégalement des biens licites et d'un marché
illégal pour l'échange des biens illégaux23(*).
Il convient de noter que ce phénomène s'organise
autour de groupes structurés en réseaux à travers les
frontières étatiques des divers Etats du golfe de Guinée.
Ainsi, la Convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée signée par 124 Etats le 15
décembre 2000 définit l'expression groupe organisé comme
un groupe structuré de trois personnes ou plus, existant depuis un
certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs
infractions graves, pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage
financier ou autre. De cette définition, les experts en tirent quatre
principaux traits caractéristiques : le caractère permanent
et organisé du groupe, la recherche du profit et ou du pouvoir, le
recours à la violence, à la peur, à l'influence et la
corruption au-delà des frontières et la spécialisation
dans des activités illégales à dimension transnationale.
Dans la région du golfe de Guinée ces groupes se sont
constitués autour des diasporas camerounaise, congolaise,
nigériane...
- Question de recherche
Selon le Bureau maritime International (BMI), le golfe de
Guinée fait désormais partie des trois zones de piraterie dans le
monde, avec le golfe d'Aden et le Sud-est asiatique24(*). Même si l'attention
médiatique et politique de la communauté internationale reste
encore focalisée sur les côtes somaliennes,
considérées comme l'épicentre de la piraterie maritime
dans le monde25(*), il
convient de relever que le centre de la criminalité maritime et
terrestre semble de plus en plus se déplacer vers le golfe de
Guinée, du fait de l'abondance des ressources offshore dans ses eaux et
de la professionnalisation accrue des agents vecteurs de ce
phénomène. En effet, le golfe de Guinée
« perd annuellement environ un million de dollar de revenu
à cause de la pêche illégale ; 60% du trafic des
êtres humains se passe en Afrique Subsaharienne selon les Nations
Unies ; le déplacement illicite du pétrole dans le Delta du
Niger vaut trois millions de dollars par jour selon Human Rights Watch
organisation ; un quart de la cocaïne consommée en Europe
passe par l'Afrique de l'Ouest selon l'Office des drogues et des crimes des
Nations Unies ; la piraterie mondiale a augmenté de 10% en 2007,
cette augmentation étant directement attribuée aux attaques en
Afrique. »26(*) Concernant ce dernier volet, le BMI a
recensé 53 actes de piraterie et de vol à main armée dans
le golfe de Guinée en 201127(*). De plus, la région comprise entre le Delta du
Niger au Nigéria28(*) et la Zone D des eaux maritimes des Etats du golfe de
Guinée membres de la CEEAC29(*) semble être la plus touchée par ce
phénomène. Tandis que les confins transfrontaliers
RCA-Tchad-Cameroun constituent un véritable « triangle de
la mort »30(*) du fait de l'insécurité galopante
qui y sévit. Et ce, malgré l'existence d'initiatives de
coopération sécuritaire en vue d'y remédier dans le golfe
de Guinée.
De ce qui précède, notre étude est
portée par une intention noble, une volonté de
compréhension et d'élucidation du réel. Celle de rendre
intelligible les enjeux et surtout les défis, ainsi que les perspectives
de la coopération sécuritaire face au foisonnement des actes de
criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée.
Ainsi, la question qu'il convient de se poser est celle de savoir :
comment renforcer la coopération sécuritaire au regard de
l'enracinement et de la recrudescence des pratiques de criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée ?
- Délimitation spatio-temporelle du
sujet
Délimiter un sujet consiste à circonscrire de
façon précise et explicite ses frontières,
c'est-à-dire décider de ce qui fait partie ou non du sujet, dans
toutes ses dimensions, en justifiant clairement les choix effectués.
Aussi, notre étude prend-elle en compte les décennies allant des
années 1970 aux années 2010. Décennies au cours desquelles
le golfe de Guinée a fait l'objet d'une invasion d'attaques et d'actes
d'origine criminelle de toute sorte, tant au niveau de ses cotes maritimes
qu'au niveau de son espace terrestre, créant de ce fait un climat
d'insécurité généralisée dans la
région. Période également au cours de laquelle des
initiatives diverses d'origine endogène et exogène ont vu le jour
dans l'optique de sécuriser cet espace géostratégique.
De même, cette étude va couvrir l'ensemble des
Etats identifiés comme faisant partie du golfe de Guinée, membres
ou non de la CGG. Toutefois, un accent particulier sera mis sur l'interaction
des dynamiques criminelle et sécuritaire au sein de la zone maritime
commune au Cameroun, au Gabon, à la Guinée-Equatoriale, au
Nigéria et à Sao-Tomé et Principe. Les eaux territoriales
partagées par ces Etats constituent en effet l'épicentre de la
piraterie maritime dans le golfe de Guinée. Les espaces terrestres
prendront, quant à eux, en compte les espaces transfrontaliers
considérés comme le « triangle de la
mort »31(*)
et les territoires du Nord-Nigéria et de la RDC, zones de
prédilection où s'opérationnalisent les pratiques
criminelles et illicites de diverse nature.
IV. HYPOTHÈSES
Une hypothèse est une réponse provisoire
à une question. « Etymologiquement, une
hypothèse est une thèse mal fondée, qui n'est pas encore
étayée et qui peut finalement se révéler juste ou
fausse. Ainsi, les hypothèses de travail sont des réponses a
priori à l'ensemble des questions que l'on se pose. Il s'agit souvent
d'intuitions qui n'ont au départ comme fondement que l'expérience
du chercheur ou l'avis d'une personne qui connaît bien le
sujet »32(*).
Ainsi comme hypothèses de travail à cette
étude, nous suggérons :
1- Les difficultés de mise en oeuvre de la
coopération sécuritaire seraient un facteur déterminant
d'enracinement et de multiplication des actes de criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée.
2- Les voies de renforcement de la coopération
sécuritaire passeraient par la modernisation de la gouvernance des
espaces transfrontaliers et la concrétisation d'un système
autonome de sécurité collective dans le golfe de
Guinée.
V. MÉTHODOLOGIE
La méthodologie employée dans le cadre de ce
travail s'articule autour de trois axes complémentaires, permettant
d'assurer la logique et la cohérence de notre démarche
scientifique.
- Collecte des données
Pour vérifier les hypothèses
susmentionnées, la méthode de collecte des données
axée à la fois sur l'analyse documentaire et sur l'observation
empirique des faits nous a semblé opportune.
En effet, la recherche documentaire consistait à
consulter la littérature spécialisée sur la question
faisant l'objet de notre étude d'une part, et des déclarations,
résolutions, communiqués et actes juridiques officiels, ainsi que
des données statistiques d'autre part émanant des organismes
publics et privés. Dès lors, outre les travaux consacrés
aux enjeux et défis sécuritaires dans le golfe de Guinée
lues et étudiées provenant essentiellement du Centre de Recherche
d'Etudes Politiques et Stratégiques (CREPS) de l'Université de
Yaoundé II-SOA, de la Fondation Paul ANGO ELA de Géopolitique en
Afrique Centrale (FPAE) et de la bibliothèque de l'IRIC, nous avons
également exploité les supports numériques et sources
fiables d'information provenant de nos recherches sur Internet.
Sur le terrain, l'observation a été
particulièrement sensible à l'évolution de
l'actualité sur les dynamiques sécuritaires en cours, eu
égard au foisonnement des actes de criminalité dans les espaces
considérés.
- Analyse des données
Les données collectées ont été
passées au crible d'une analyse pluridisciplinaire. Le choix de ce
modèle d'analyse se justifie par les données de diverse nature
exploitées dans le cadre de nos recherches.
Le modèle économique nous a permis de mettre en
exergue le paradoxe existant entre le potentiel des ressources naturelles dont
regorgent les Etats du golfe de Guinée et la pauvreté dans
laquelle sont plongées leurs populations. Ainsi, nous pouvons expliquer
la multiplication des actes illicites et de piraterie maritimes qui essaiment
la région à partir des motivations d'ordre économique.
Le modèle juridique nous a permis d'analyser les
instruments juridiques nationaux, bilatéraux, régionaux et
internationaux adoptés par les Etats dans le golfe de Guinée pour
lutter contre les actes de criminalité transfrontalière. A cet
effet, nous expliquerons la faiblesse opérationnelle de la
coopération sécuritaire dans cette région par l'absence de
textes juridiques de coopération bilatérale, régionale et
interrégionale adéquats.
Le modèle sociologique nous a permis de mettre en
relief les revendications des différents groupes sociaux
impliqués dans la production et ou la régulation de
l'insécurité dans le golfe de Guinée, susceptibles
d'expliquer la diversité voire l'inconciliabilité des motivations
et intérêts de chaque acteur et groupe d'acteurs.
Le modèle géopolitique enfin a été
convoqué pour analyser les logiques et intérêts des
différents acteurs riverains et étrangers impliqués dans
la sécurisation des zones dangereuses du golfe de Guinée. Etant
entendu que cette région revêt une importance
géostratégique, eu égard à l'importance de ses
ressources naturelles. C'est donc à partir de la course vers
l'exploitation de ces ressources que nous pouvons comprendre
l'intérêt que les grandes puissances portent à cette
région, à travers la mise en oeuvre des stratégies
solitaires de sécurisation de leurs approvisionnements miniers et
halieutiques.
C'est donc à partir du modèle de la
pluridisciplinarité que nous avons pu analyser les jeux et enjeux de la
coopération sécuritaire à l'aune de la multiplication des
pratiques de criminalité transfrontalière dans le golfe de
Guinée.
- Interprétation des
données
Pour interpréter les données collectées
et analysées dans nos recherches, nous avons eu recours à trois
paradigmes des relations internationales :
Tout d'abord, il s'agit du paradigme de
l'intergouvernementalisme. En effet, ce paradigme postule que les
décisions des organisations internationales résultent d'un
processus de marchandages-négociations entre les Etats rationnels,
membres de celles-ci. Stanley HOFFMANN considère ainsi la mise en commun
des souverainetés nationales au sein des organisations internationales
et régionales comme un facteur de multiplication de la puissance. Ainsi,
les difficultés actuelles de mise en oeuvre de la coopération
sécuritaire dans le golfe de Guinée pour lutter contre la
criminalité transfrontalière dans cette région semblent
tributaires du faible degré de coordination et d'harmonisation des
politiques sécuritaires des différentes initiatives à
l'oeuvre dans cet espace. De ce fait, cette coopération
sécuritaire apparait comme une contingence et comme le produit d'un
processus de marchandages-négociations entre les Etats africains entre
eux au sein de la CEDEAO, de la CEEAC et de la CGG, et entre ces derniers et
les partenaires étrangers.
Ensuite, nous avons le paradigme réaliste. A travers ce
paradigme, nous voudrons montrer que le concept de sécurité
nationale est à la fois au fondement et à la fin de toute
politique extérieure de l'Etat, y compris celui du golfe de
Guinée. Pour ce faire, ce dernier, en coopération avec d'autres,
devrait concilier ses moyens politico-diplomatiques à ses
capacités militaires pour mieux se prémunir des effets du
phénomène de la criminalité transfrontalière qui
menacent sa sécurité. D'où l'édification d'un
système autonome de sécurité collective dans le golfe de
Guinée, qui permettrait de lutter efficacement contre ce
phénomène et de réaliser la sécurité
nationale de tous par tous et pour tous, s'avère être un
impératif catégorique pour la viabilité
politico-sécuritaire de la région.
Enfin, nous avons convoqué le paradigme du
transnationalisme pour mettre en exergue l'importance du rôle de la
pluralité d'acteurs autres que les Etats dans la production et la
régulation de la criminalité transfrontalière dans le
golfe de Guinée. Car, du fait de la nature même de la
criminalité qui écume la région, nous sommes amenés
à constater que les groupes criminels constitués en
réseaux maffieux profitent de la porosité et du
décloisonnement des frontières nationales pour transnationaliser,
régionaliser et internationaliser leurs activités qui menacent
l'équilibre sécuritaire du golfe de Guinée. De ce fait, il
faudrait que les Etats de la région renforcent le volet
opérationnel de leur coopération par l'institution de patrouilles
conjointes au niveau de leurs frontières terrestre et maritime s'ils
espèrent dissuader, démanteler et arrêter les gangs de
banditisme transfrontalier.
VI. CHOIX ET JUSTIFICATION DU PLAN D'ANALYSE
Pour étayer notre analyse, nous avons structuré
notre argumentaire autour de deux grandes parties subdivisées chacune en
deux chapitres s'achevant par une conclusion.
La première s'intitule Les difficultés de
mise en oeuvre de la coopération sécuritaire : un facteur
d'enracinement et de recrudescence des actes de criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée. Il s'agit ici de
procéder à l'état des lieux des difficultés que
rencontre la coopération sécuritaire déployée pour
sécuriser le golfe de Guinée. Pour y parvenir, celle-ci
s'articule autour de La faillite de l'Etat dans le golfe de
Guinée : un facteur structurant de multiplication des actes de
criminalité transfrontalière (Chapitre I) et
L'inadéquation des initiatives actuelles de lutte contre la
criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée
(Chapitre II).
La seconde s'intitule Les voies de renforcement de la
coopération sécuritaire entre les Etats dans le golfe de
Guinée : Moderniser la gouvernance des espaces transfrontaliers et
concrétiser un système autonome de sécurité
collective. Nous esquissons ici les voies et moyens pouvant contribuer au
renforcement de la coopération sécuritaire, afin de la rendre
plus efficace dans sa lutte contre les pratiques criminelles
transfrontalières dans le golfe de Guinée. Pour ce faire, elle se
décline en deux chapitres : Moderniser la gouvernance des zones
frontalières nationales : Coupler les reformes économique et
sociopolitique aux solutions sécuritaires (Chapitre III) ;
La concrétisation d'un système autonome de
sécurité collective : un moyen de renforcement de la
coopération sécuritaire entre les Etats dans le golfe de
Guinée (Chapitre IV).
Une conclusion générale interviendra enfin pour
faire le bilan de l'analyse en suggérant des recommandations à
l'endroit des destinataires premiers de ces travaux, à savoir les
décideurs et acteurs impliqués dans la sécurisation du
golfe de Guinée au quotidien.
PREMIÈRE PARTIE :
LES DIFFICULTÉS DE MISE EN OEUVRE DE LA
COOPÉRATION SÉCURITAIRE : UN FACTEUR D'ENRACINEMENT ET DE
RECRUDESCENCE DES ACTES DE CRIMINALITÉ TRANSFRONTALIÈRE
DANS LE GOLFE DE GUINÉE
CHAPITRE I :
LA FAILLITE DE L'ETAT DANS LE GOLFE DE
GUINÉE : UN FACTEUR STRUCTURANT DE MULTIPLICATION DES ACTES DE
CRIMINALITÉ TRANSFRONTALIÈRE
Parler de la faillite de l'Etat dans le golfe de
Guinée, en tant qu'acteur ayant vocation à assurer la
défense et la sécurité de son territoire, des personnes et
des biens à l'intérieur de ses frontières nationales,
c'est procéder à l'étude des causes et des symptômes
de sa défaillance dans quelques unes de ses « fonctions
essentielles ou simplement légitimantes »33(*). Ces fonctions
s'objectivent dans la capacité que possède ce dernier à
assurer la défense et la sécurité de tout son espace
territorial et à fournir des services sociaux de base34(*) à sa population en
proie à la pauvreté et à l'insécurité.
C'est suite à l'incapacité de l'Etat dans le
golfe de Guinée d'assumer efficacement ces fonctions que celui-ci va
progressivement connaitre la faillite dans l'accomplissement effectif et
efficace de ses missions régaliennes, notamment la sécurisation
de son espace territorial.
Par voie de conséquence, de nombreux acteurs
privés infra et transétatiques dont le rôle et l'influence
prendront de l'importance dans le golfe de Guinée ces dernières
décennies vont émerger, parmi lesquels les groupes criminels
figurent en première place. Ayant saisi la fenêtre
d'opportunités qui s'ouvrait à eux avec le
phénomène de la mondialisation, à travers la
dérégulation financière, les mouvements de capitaux et de
populations ainsi que le décloisonnement et la porosité des
frontières étatiques, pour régionaliser et
internationaliser des activités illicites et illégales jusque
là circonscrites aux limites territoriales nationales, ces entrepreneurs
privés du crime organisé représentent aujourd'hui une
menace sérieuse à la paix et la sécurité
régionales et internationales.
Dès lors, analyser la faillite de l'Etat comme facteur
déterminant de multiplication des actes de criminalité dans le
golfe de Guinée revient de prime abord à étudier le sens
et le contenu de cette faillite (Section I). Ensuite, nous nous appesantirons
sur les conséquences politico-sécuritaires de la
désagrégation de l'Etat dans la région du golfe de
Guinée (Section II).
SECTION I : DE LA FAILLITE DE L'ETAT DANS LE GOLFE
DE GUINÉE : SENS ET CONTENU
Entreprendre d'étudier les causes profondes et les
manifestations durables de la faillite de l'Etat dans le golfe de Guinée
s'avère être un exercice difficile, tant la question a
déjà fait l'objet de réflexions savantes et prolifiques de
la part des spécialistes de « la science politique
africaniste »35(*). Toutefois, loin du débat sur
l'indigénisation de l'Etat importé en Afrique36(*), c'est un exercice
nécessaire qui nous permettra de mettre en relief la corrélation
objective qui s'établit entre cette faillite et l'émergence, puis
la multiplication des actes de criminalité transfrontalière dans
le golfe de Guinée.
Aussi, cette réflexion va-t-elle s'articuler autour de
deux axes essentiels : les considérations générales
sur la faillite de l'Etat dans le golfe de Guinée (paragraphe I) et les
expressions de la criminalité transfrontalière dans la
région (paragraphe II).
Paragraphe I : Considérations
générales sur la faillite de l'Etat dans golfe de
Guinée
Durant les premières décennies de leur existence
en tant qu'acteurs souverains de la société internationale, les
nouveaux Etats du golfe de Guinée, aux infrastructures
économiques primaires et arriérées sur le plan
technologique et aux structures politiques embryonnaires, vont s'enliser dans
une spirale de crises économique, financière, sociale,
institutionnelle et politique qui vont les conduire à ce que de nombreux
auteurs ont qualifié de faillite de l'Etat africain. Pour mieux
appréhender cette faillite, nous allons mettre un accent sur les
approches théoriques de celle-ci (A), avant d'envisager les
symptômes empiriques de la désagrégation de cet Etat
(B).
A. Approches théoriques sur la faillite de
l'Etat dans le golfe de Guinée
Toute étude sur la faillite de l'Etat dans le golfe de
Guinée, ses causes et ses manifestations, s'inscrit logiquement dans le
sillage des réflexions menées en amont depuis plusieurs
décennies sur la crise de l'Etat en Afrique. Les productions
écrites qui en ressortent tentent d'expliquer cette faillite à
partir de deux conceptions théoriques, complémentaires et
imbriquées, de l'Etat africain : la théorie de
« l'Etat-politique du ventre » et celle de
« l'Etat néo-patrimonial ».
S'agissant de la première conception théorique
sur la faillite de l'Etat en Afrique, celle de l'Etat-politique du
ventre, elle a pour chef de file Jean-François BAYART37(*). Comme le souligne Mwayila
TSHIYEMBE38(*), Directeur
de l'Institut Panafricain de Géopolitique (IPAG) à Nancy, la
thèse centrale de cet auteur est que « l'accès
au pouvoir d'Etat est également l'accès aux ressources
matérielles et morales de cet Etat (pp. 103-118). Il désigne ce
processus d'accaparement arbitraire de l'Etat et de ses ressources par le terme
« d'accumulation ». Cette accumulation devient
« la politique du ventre » (p.122) car
« l'appareil d'Etat est en soi un morceau de ce gâteau
national » et un espace de coercition (p.300). Il s'ensuit que les
accapareurs constituent ou tentent de constituer une classe dominante (p.125),
qui exerce ou cherche à exercer l'hégémonie (pp. 146-147)
et invente la gouvernementalité ou les cultures originales de
l'Etat (p.304). Cet Etat repose sur des fondements autochtones et sur
un processus de réappropriation des institutions coloniales qui en
garantissent l'historicité (p.317).»39(*) Autrement dit,
l'Etat-politique du ventre est un Etat à la merci d'une élite
gouvernante extrêmement minoritaire ayant comme mode de régulation
sociale la corruption et le clientélisme.
Concernant le second modèle explicatif de la faillite
de l'Etat africain, celui de l'Etat néo-patrimonial, il est
l'oeuvre de Jean-François MEDARD40(*). Pour lui en effet, la faillite de l'Etat en Afrique
est en premier lieu celle de l'Etat néo-patrimonial. Ce dernier se
caractérise par un mode de gestion très particulier ignorant
régulièrement et respectant très rarement la distinction
entre le domaine public de l'Etat et le domaine privé individuel. Ce
type d'Etat apparait intrinsèquement comme autoritaire, car le recours
à la coercition et au patronage étant les deux ressorts
fondamentaux de celui-ci. Tout comme J.-F. BAYART qui parle de fondements
autochtones, J.-F. MEDARD estime que cet Etat est une société
politique organisée sur des bases traditionnelles et archaïques.
D'ailleurs il l'affirme en soulignant que « le patrimonialisme
constitue le commun dénominateur de pratiques diverses si
caractéristiques de la vie politique africaine, à savoir le
népotisme, le clanisme, le tribalisme, le régionalisme, le
clientélisme, le copinage, le patronage, le prébendalisme, la
corruption, la prédation, le factionnisme, etc., qu'elles soient
fondées sur l'échange social ou sur l'échange
économique »41(*). C'est dire que c'est un type d'Etat qui
fonctionne essentiellement en marge des principes républicains de
respect de la chose publique, de la poursuite et la sauvegarde
perpétuelles de l'intérêt collectif, en tant que patrimoine
inaliénable de la communauté nationale.
Certes, les thèses exposées ci-dessus ont fait
l'objet de nombreuses critiques42(*). Cependant, la prolifération des crises
économiques et financières et des tensions politiques et sociales
qui ont ébranlé les institutions républicaines de cet Etat
dans la jonction des décennies 80-90, vont finir par consacrer sa
faillite dans le plein accomplissement effectif de ses missions essentielles et
légitimantes. Par voie de conséquence, la survenance de ces
bouleversements sociopolitiques en Afrique va rendre pertinents ces
modèles explicatifs.
C'est donc à partir de ces conceptions
théoriques sur la faillite de l'Etat en Afrique qu'il convient de mettre
en exergue les symptômes empiriques de la désagrégation de
ce dernier dans le golfe de Guinée.
B. Les symptômes empiriques de la
désagrégation de l'Etat dans le golfe de Guinée
Aborder les symptômes de la désagrégation
de l'Etat du golfe de Guinée, c'est ressortir les principaux indices
annonciateurs de sa faillite. En effet, ceux-ci sont nombreux et divers. Mais
pour les besoins de l'analyse, nous nous limiterons à leurs aspects
économiques et politiques.
Tout d'abord, les Programmes d'Ajustement Structurel (PAS)
conçus et appliqués pour redresser et adapter les
économies sous-développées d'Afrique à la
modernité de l'économie mondiale, ont largement été
un échec social dans le golfe de Guinée. En effet, les PAS n'ont
pas permis d'accélérer le processus de modernisation et de
diversification en favorisant la production de nouveaux produits
manufacturés et des services à contenu technologique
élevé. Au contraire, ces plans ont réduit les prix des
matières premières et détérioré les termes
de l'échange, de sorte que la production de ces dernières
n'était plus rentable pour les pays exportateurs. La réduction
des recettes d'exportation qui s'ensuivra, conjuguée à la
libéralisation rapide et systématique de l'économie
à travers la privatisation des sociétés d'Etat, va
conduire ces pays dans les abimes d'une crise sociale43(*) : le chômage et la
pauvreté vont s'installer durablement dans le corps social. Il
s'ensuivra une scission sociale44(*).
Amplifiés par le phénomène de l'explosion
démographique urbaine, le chômage, consécutif à la
fermeture d'usines, à la compression des effectifs dans les entreprises
publiques et parapubliques ainsi qu'à la non-qualification de la
main-d'oeuvre abondante ; et la pauvreté, reflet de l'inadaptation
et de l'insuffisance de services sociaux de base, deviennent des plaies
béantes de la société nationale susceptible de la plonger
dans un cancer de crises et de violences endémiques
généralisées à l'ensemble de la région. En
effet, la population urbanisée, qui s'organise dans l'anarchie et ce,
dans le cadre d'une économie informelle qui déborde le pouvoir
central avec ses revendications, constitue désormais une menace
permanente à l'ordre public et à la stabilité politique de
l'Etat. « Souvent, cette population, généralement
sans emploi ou sous-employée, exclue de la consommation nationale et
mondiale, ayant des racines encore fraiches, urbanisée, sans
véritable conscience nationale, cherche à affirmer son
identité (...) à travers ses affinités ethniques ou
provinciales (...), lesquelles peuvent arriver à se transformer en
mouvements rejetant violemment la modernité comme les fondamentalistes
islamiques (...) ou d'autres mouvements qui firent leur apparition dans des
pays où l'Etat n'est pas basé sur une base
intégrée. »45(*)
Si les ajustements structurels ont stabilisé les
économies sous-développées de l'Afrique subsaharienne au
prix d'énormes sacrifices sociaux, ils ont surtout entrainé les
Etats du golfe de Guinée à recourir à l'aide
internationale, aux prêts publics et aux crédits privés
internationaux46(*) pour
survivre. Et ce recours ne se fera pas sans conditionnalités d'ordre
politique relatif à l'ouverture démocratique.
Asphyxiés d'en haut par la crise économique qui
les secoue et déchiquetés d'en bas par la crise sociale qui couve
et menace d'exploser en violences généralisées du fait de
la pauvreté et de l'exclusion sociale dans lesquelles les populations
urbanisées sont engluées, les Etats du golfe de Guinée
vont connaitre une mutation structurelle, sous la double contrainte interne des
revendications populaires et externe des bailleurs de fonds internationaux,
avec la libéralisation de l'espace public/politique au début des
années 1990.
En effet, frustrées par une longue période
d'hibernation et de musèlement politiques47(*), les populations du golfe de
Guinée, devenues majoritairement urbanisées et mieux
éduquées, vont saisir la fenêtre d'opportunités que
leur offre le rétablissement des libertés publiques et politiques
pour chercher à s'émanciper des différents régimes
en place. Cette émancipation va s'objectiver dans des manifestations
contestataires et populaires ayant pour principales revendications : plus
de démocratie avec l'alternance au sommet de l'Etat ; plus de
libertés avec la libération des leaders d'opinion et autres
opposants incarcérés ; mais également la soif de
progrès social et l'affirmation de l'indépendance
économique du pays par l'émancipation de l'Etat du diktat des
plans d'ajustement imposés par les bailleurs de fonds internationaux. En
bref, ces manifestants voulaient en découdre avec le pouvoir en place,
responsables selon eux de leur retard économique et politique.
Mais c'était sans compter sur l'inamovibilité
des régimes en place qui avaient pour préoccupations
premières, aidés en cela par les puissances
étrangères48(*)qui cherchaient avant tout à préserver
leurs intérêts stratégiques dans la région, de
maintenir l'ordre public et la stabilité politique à
l'intérieur de leurs territoires nationaux respectifs. En effet, pour
ces pouvoirs et leurs alliés occidentaux, toute revendication de
réforme politique, sociale ou économique est
appréhendée comme une source potentielle de désordre
social et d'instabilité politique. Car, ils ont une conception de la
stabilité qui se réduit à la protection de l'Etat et du
pouvoir en place. C'est ce qui justifie la violente répression des
manifestations populaires appelant à l'insurrection et à la
désobéissance civile.
C'est dans ce contexte de terreur et de violence
généralisées que vont se constituer des sanctuaires de
l'insécurité et donc de la criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée.
Paragraphe II : Expressions et acteurs de la
criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée
La conséquence immédiate pour tout pays et toute
région en proie aux violences et à l'instabilité politique
est la destruction que celles-ci infligent, au-delà des souffrances
humaines, à l'organisation sociale, économique, légale et
politique de la société, autrement dit aux institutions de
l'Etat.
L'observation faite de la dynamique des actes de
criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée nous
permet de constater qu'elle abhorre une variété d'actions et une
diversité d'acteurs. Sans prétention aucune à un
inventaire exhaustif, nous allons les catégoriser en deux variables
typologiques afin de mieux cerner les jeux et les enjeux de ce
phénomène. De ce fait, nous distinguerons, bien qu'elles
entretiennent des liens étroits l'une l'autre, la criminalité de
conviction (A) de celle de situation (B).
A. La criminalité de conviction : une
criminalité à connotation politique
Partant de la définition que nous donne le dictionnaire
de français Larousse, édition 2008, du terme conviction
comme étant une « croyance ferme », nous
pouvons dire que la criminalité de conviction renvoie à une
criminalité en laquelle les acteurs impliqués croient fermement
comme étant vertueuse pour eux. C'est-à-dire un ensemble
d'infractions criminelles commises à partir de croyances d'ordre
politique, économique, voire idéologique solides et
inébranlables. Autrement dit, c'est une criminalité qui est
projetée avec la ferme intention de défendre une cause
fédératrice de revendications d'ordre socioéconomique et
politico-religieuse. En bref, la criminalité de conviction pourrait
désigner, dans le cadre de cette étude, l'ensemble des
activités illégales et illicites commises par un acteur ou un
groupe d'individus organisés, dans un espace territorial diffus, dont
l'intention ferme est de nuire délibérément et
sensiblement à l'ordre établi en revêtant ainsi une
connotation politico-idéologique, bien qu'elle ait des
conséquences socioéconomiques.
Dès lors, il convient de souligner deux traits
caractéristiques qui transparaissent dans cette définition.
L'intention de nuire, c'est-à-dire la volonté ferme de porter
atteinte à la stabilité politique et au climat de paix sociale
qui règnent dans l'espace public en question d'une part. Et sa
connotation politico-idéologique, cristallisant ainsi les revendications
d'un groupe d'acteurs en marge du pouvoir politique d'autre part.
De ce fait, la criminalité de conviction met en jeu des
luttes de pouvoir dans un espace politique donné pour le contrôle
des positions de rente et la prédation des ressources naturelles. Elle
est l'oeuvre de groupes et mouvements politico-armés ou paramilitaires
qui s'investissent dans la compétition politique en contestant, par le
biais de la violence, la légitimité des autorités
centrales de l'Etat en question. Cette contestation porte
généralement sur le contrôle et la gestion de la rente
pétrolière et minière au bénéfice de la
communauté nationale. Plusieurs acteurs dominants de ce type de
pratiques, souvent assimilés invariablement à tort ou à
raison aux groupes terroristes par la communauté internationale, ont
été répertoriés dans le golfe de
Guinée49(*). Il
s'agit entre autres de l'ex groupe de rebelles de l'Union Nationale pour
l'Indépendance Totale de l'Angola (UNITA), du Front de Libération
de l'Enclave du Cabinda (FLEC) en Angola ; du Movement for the Survival of
the Ogoni People (MOSOP), du Movement for the Emancipation of the Niger Delta
(MEND) au Nigeria ; du Bakassi Freedom Fighters (BFF) dans la
péninsule de Bakassi au Cameroun ; et des mouvements
politico-armés aux velléités sécessionnistes et
autonomistes du Sud-KIVU et de l'Est de la République
Démocratique du Congo (RDC) tel le Mouvement de Libération du
Congo (MLC)... etc. Ces mouvements politico-militaires à consonance
identitaire et nationaliste luttaient et luttent encore pour certains, les
armes à la main, « pour l'émancipation des peuples
opprimés qui s'en réclamaient »50(*).
Dès lors, les modes opératoires
privilégiés par cette catégorie d'acteurs se
résument en deux variables : la première qui concerne les
pays producteurs de pétrole consiste à lancer des attaques contre
des plateformes d'exploitation pétrolière offshore. Ces attaques
se soldent généralement par le sabotage de celles-ci et les
prises d'otages, voire des morts suite à un échange de tirs. La
seconde concernant les pays non pétroliers mais diversement dotés
en ressources naturelles, le mode opératoire consiste en une
rébellion-invasion d'une partie du territoire richement dotée en
ressources minières, pour leur exploitation à des fins
criminelles. En tout état de cause, il s'agit dans les deux cas d'une
criminalité dite « spectaculaire et
publicitaire »51(*) qui inclut la piraterie maritime et
l'insurrection organisée. Car, la criminalité de conviction qui
sévit dans le golfe de Guinée s'apparente à un nouveau
type de guerre, la « guerre des ressources »52(*) dont les desseins sont
à la fois politique et économique et implique aussi bien des
acteurs internes qu'externes.
Dans cette dernière hypothèse, notons qu'aussi
bien les acteurs étatiques (Etats du Golfe de Guinée, Etats
africains, puissances étrangères...) que non-étatiques
(compagnies multinationales essentiellement) contribuent à sa production
et ou à sa régulation, « soit par logique
d'intérêts propres, soit par riposte ou
représailles »53(*) et endossent une partie de la
responsabilité. A cet effet, le rapport final du groupe d'experts de
l'ONU sur le pillage des ressources de la RDC54(*) est très
éloquent sur cette complicité entre les représentants des
Etats55(*), les
sociétés transnationales56(*) et les groupes criminels dans l'exploitation du
coltan, des diamants et d'autres ressources et richesses de ce pays.
C'est donc à partir de la conception de la
criminalité de conviction qui implique les acteurs de divers ordres et
produit des conséquences désastreuses sur la stabilité
politique et la viabilité économique d'un Etat, d'une
région donnés qu'il convient d'analyser ce que nous appelons la
criminalité de situation.
B. La criminalité de situation : une
criminalité de subsistance économique
De la notion de situation, le dictionnaire Larousse
en donne la définition suivante : « position
géographique, emplacement de quelque chose, état, fonction de
quelqu'un par rapport aux autres, emploi rémunéré,
état d'une nation, d'une collectivité etc. dans un domaine
particulier : situation économique... ».
De ce qui précède, le terme situation
signifie et désigne tantôt la position géographique de
quelqu'un ou de quelque chose, l'état d'une personne, d'un groupe
organisé ou d'une collectivité à un moment donné du
temps. Ici, ce qui retient notre attention, c'est le caractère à
la fois structurel et conjoncturel de quelqu'un ou de quelque chose.
C'est-à-dire, le fait que la situation d'une donnée quelconque
ou d'un groupe de personnes puisse être immuable ou essentiellement
dynamique.
Par analogie, la criminalité de situation pourrait
s'entendre comme la criminalité qui se nourrit d'un certain nombre
d'éléments à la fois statiques et dynamiques. Autrement
dit, c'est une criminalité qui trouve ses fondements dans les
caractéristiques géophysiques du golfe de Guinée57(*), l'état de satisfaction
matérielle d'une collectivité donnée à une
période déterminée. C'est dire le caractère
consubstantiel de la position géographique, du niveau de
développement économique d'un groupe humain ou d'une
communauté avec la prolifération des activités
criminelles. D'où l'importance de la prise en considération des
facteurs géographique et socioéconomique pour expliquer ce type
de criminalité.
Concernant le facteur géographique, il convient de dire
que le golfe de Guinée est une région hybride qui concentre
à la fois des Etats insulaire (Sao-Tomé et Principe),
côtiers (Nigéria, Cameroun, Gabon, Guinée-Equatoriale,
Angola, etc.) et enclavés dépendants directement de ces derniers
(Tchad, République Centrafricaine, etc.). C'est dire que le golfe de
Guinée constitue certes un passage stratégique pour le
développement des échanges commerciaux transfrontaliers car il
favorise le transit maritime et terrestre international, mais est surtout la
plaque tournante des trafics illicites empruntant la mer58(*). Dès lors, à
l'instar du Golfe d'Aden, les Etats du Golfe de Guinée sont en proie
à la piraterie maritime, aux attaques diverses, aux prises d'otages, aux
braquages spectaculaires dans les villes côtières des Etats
riverains (Angola, Benin, Cameroun, Gabon, Guinée-Equatoriale,
Nigéria, Togo...). Par ailleurs, cette région constitue un espace
de fertilisation de l'immigration clandestine, du transit illicite des drogues
et autres stupéfiants, de la contrebande et du commerce illégal
des pierres précieuses (or, diamant) pillés dans la partie
continentale de ces Etats. Ceci se justifie par la présence ici d'Etats
faillis aux administrations corrompues et dotés d'une capacité
d'intervention insuffisante. Car, « lorsque l'Etat riverain en
question ne dispose pas de moyens pour intervenir et pour poursuivre les
pirates, ceux-ci se sentent réconfortés dans leurs actes qu'ils
s'emploieront à poursuivre, tant qu'ils ne seront pas
inquiétés ou arrêtés et punis »59(*). D'où la
nécessité pour ces Etats d'avoir la maitrise de leurs eaux
territoriales afin de juguler ce phénomène.
Concernant le facteur socioéconomique, la
criminalité de situation est consubstantielle à la conjonction
des facteurs liés à la misère et à l'exclusion
sociale de la majorité des populations (chômage conduisant
à l'oisiveté) d'avec la présence supposée ou
réelle des richesses naturelles, sans oublier la faiblesse, voire la
démission de l'Etat de l'essentiel de ses missions régaliennes.
Dans cette optique, cette forme de criminalité se développe et
s'enracine davantage dans les espaces transfrontaliers enclavés du golfe
de Guinée. En effet, ces espaces sont pour la plupart peu dotées
d'infrastructures de base en bonne qualité (routes, hôpitaux,
écoles...). En plus, l'état de misère et de sous
scolarisation des populations de ces aires est des plus déplorables.
Aussi, se développent-ils au fil du temps, la nature ayant horreur du
vide, des activités illicites et illégales en l'absence de
structures étatiques de sécurisation et de coercition
efficaces.
C'est ainsi que ces régions, plongées dans une
situation économique alarmante avec des populations nourrissant un
sentiment d'exclusion sociale, voient se constituer de nouveaux pôles
d'allégeance constitués de groupes de bandits et de mouvements
paramilitaires60(*). C'est
dans ce sens que les zones transfrontalières partagées par le
Cameroun, le Tchad et la RCA ont été qualifiées de
« triangle de la mort »61(*) en raison de l'insécurité
généralisée qui y règne. Car ici,
« l'insécurité prend plusieurs visages et se
décline de plus en plus sous la forme des actes de coupeurs de route, du
trafic et de la circulation illicites des armes légères et de
petit calibre (ALPC), du vol de bétail, voire de la prise d'otages avec
demande de rançon. »62(*). De ce fait, cette insécurité est
activement et principalement « entretenue par d'ex-combattants,
de militaires démobilisés et de bandits de grand
chemin »63(*).
En tout état de cause, qu'elle soit favorisée
par des déterminants géographiques (ouverture maritime et zones
transfrontalières accidentées) ou stimulée par les
facteurs socioéconomiques alarmants (misère et exclusion sociale
des populations), la criminalité de situation s'enracine
considérablement dans le golfe de Guinée. Tout comme la
criminalité de conviction, celle-ci épouse plusieurs formes
(trafics de tous genres, contrebande, piraterie maritime...) qui mettent en
scène une diversité d'acteurs (groupes organisés, mafias
diasporiques, autorités étatiques, compagnies
multinationales...).
Par ailleurs, et il convient de le relever, il existe
également un type contemporain de criminalité organisée
sur et à l'aide de systèmes informatiques et
cybernétiques, appelée la cybercriminalité64(*). Celle-ci, plus complexe, est
davantage l'oeuvre des diasporas nigérianes et camerounaises
constituées en réseau sur la toile.
C'est donc à partir de cette typologie heuristique de
la nature des activités et des acteurs de la criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée, qu'il convient
d'analyser les conséquences politico-sécuritaires de ce
phénomène dans la région.
SECTION II : LES REPERCUSSIONS DE LA
DÉSINTÉGRATION DE L'ETAT DANS LE GOLFE DE GUINÉE :
ENTRE INSTABILITE POLITIQUE ET INSECURITE REGIONALE
L'échec de l'Etat dans la gestion des contraintes
générées par la mondialisation, notamment la grave crise
économique des décennies 80-90 et le vent de
démocratisation qui s'en est suivi, va entrainer une fragilisation
croissante de l'autorité étatique dans les pays du golfe de
Guinée. Cette désintégration de l'autorité de
l'Etat va transformer ces pays en entités nationales
ingouvernables65(*)
où le désordre et la prédation vont s'installer.
Aussi, l'affaiblissement, voire le retrait de l'Etat de
certaines portions du territoire national, vont-ils conduire à
l'émergence, puis à la formation de réseaux d'acteurs
parallèles qui vont se ruer à la conquête et au
contrôle des ressources naturelles localisées dans ces espaces
délaissés. Cette conquête et ce contrôle vont
essentiellement s'opérationnaliser par le mode de la violence
politico-armée. Ainsi, le monopole étatique de la violence
armée va être relativisé66(*) avec une privatisation croissante de celle-ci. Pour
comprendre les conséquences politico-sécuritaires de la faillite
des missions régaliennes de l'Etat dans le golfe de Guinée, il
convient d'analyser de prime abord les effets de l'attraction des ressources
naturelles, objet de toutes les convoitises (Paragraphe I), avant d'envisager
les conséquences de l'extension régionale de
l'insécurité (Paragraphe II).
Paragraphe I : Contrôle des ressources
naturelles et privatisation de la violence politico- armée
La crise économique sévère et durable qui
a frappé de plein fouet les Etats de la région du golfe de
Guinée dès les années 1980 a considérablement
érodé les assises sociétales et territoriales de ceux-ci.
Ces derniers présentent dès lors des caractéristiques
d'Etats faibles, divisés, incapables, effondrés ou assaillis.
Avec la labellisation de la région comme zone de ressources naturelles
stratégiques, il s'y est installée une sorte
d' « anomie sociale avec l'apparition de nouveaux acteurs,
aussi variés que redoutables, qui font leur entrée dans le cercle
des opérateurs privés de la violence »67(*). Et ces nouveaux
opérateurs privés de la violence sont essentiellement
constitués de mouvements politico-armés de diverse nature, et aux
objectifs politiques et économiques imbriqués. Nous en recensons
globalement deux catégories qui se livrent au pillage des ressources
naturelles de cette région : les mouvements de revendications
communautaristes (A) et l'oligarchie politico-militaire (B).
A. Revendications d'ordre communautariste, guerre des
ressources et entreprenariat politique
Au cours des deux dernières décennies, les
contraintes multiformes tant internes qu'externes ont accentué la crise
de légitimité dont souffraient déjà maints
régimes africains civils et militaires68(*). Cette crise sera exacerbée avec l'exclusion
sociale des populations qui entrainera des animosités sociales,
ethniques, religieuses ou culturelles au point de faire éclater les
luttes d'auto prédation nationale. Celles-ci mettent en scène des
affrontements entre diverses composantes du tissu social qui concourent
à l'éclosion d'un climat de tensions et de chaos
généralisées par l'expression de la violence politique et
armée, dont le dessein est de contrôler une portion du territoire
potentiellement riche en ressources naturelles. Car, « toutes les
cultures et civilisations ont rationalisé et glorifié l'exemple
par excellence de la déprédation humaine : la
guerre »69(*). La guerre dans ce cas devient donc ainsi le moyen
légitime de faire triompher les ambitions de la tribu, du clan ou de la
région. Car les populations d'ici estiment avoir payé un lourd
tribut lié à l'exploitation des ressources naturelles qui les
appauvrit, déstabilise leur société et pollue leur
environnement, voire met en danger leurs vies.
Avec la fin du monolithisme politique, les pluralismes
communautaires ont éclaté dans une logique contestataire
prononcée contre les pouvoirs centraux des régimes en place dans
le golfe de Guinée. Des leaders de toute sorte ont crée des
causes communautaires dont ils s'instituent les hérauts et engagent des
revendications politiques violentes au nom de leurs groupes. La contestation
qui s'ensuit est fondée tantôt sur un sentiment d'exclusion de la
gestion des affaires publiques, tantôt et surtout sur une insatisfaction
dans la répartition de la manne financière issue de
l'exploitation des richesses naturelles localisées dans leurs milieux
de vie. En effet, la territorialisation ethnique ou régionaliste des
ressources naturelles se traduit par les revendications de leur appropriation
et de leur exploitation locales en totalité ou en partie. L'Etat
déjà affaibli dans ses assises socioéconomiques, se voit
dès lors contesté son monopole de la violence par ces nouveaux
acteurs. Le mouvement d'émancipation du Delta du Niger (MEND) au
Nigéria70(*)et les
rebellions-invasions dans les provinces minières de la RDC constituent
des exemples éloquents de cette privatisation de la violence
armée par des mouvements politico-armés.
Par ailleurs, les revendications d'un meilleur partage de la
manne générée par les ressources naturelles servent
souvent de prétexte aux revendications de partage du pouvoir
politique71(*).
Dans une région multiculturelle, la discrimination
ethnique et tribale est en partie au coeur de la désunion politique.
Les mouvements sécessionnistes et autonomistes à l'Est et
au Sud-est de la RDC, en Angola72(*) et au Nigéria témoignent ainsi de
l'instrumentalisation des revendications communautaires à des fins
politiques. De ce fait, ces mouvements créent des alliances
conjoncturelles, à la fois avec les forces extérieures73(*) et les réseaux
maffieux, avec qui ils se livrent au pillage des richesses localisées
dans les territoires dont ils ont le contrôle. Ces mouvements se
constituent ainsi en marchands de l'insécurité et de la terreur,
contribuant à l'instabilité politique de ces Etats.
La désintégration des Etats du golfe de
Guinée qui en résulte offre, de ce fait, une fenêtre
d'opportunités à un ensemble d'acteurs et d'élites
politico-militaires qui vont, à leur tour, criminaliser ceux-ci.
B. Prédation de l'oligarchie politico-militaire
et criminalisation de l'Etat74(*)
Avec l'émergence et l'immersion de nouveaux acteurs,
notamment les mouvements politico-armés, dans le partage des ressources
naturelles par le moyen de la violence, la « conversion du
service public en une source de gain privé est devenue une partie
constitutive de la culture du pouvoir »75(*)au sein des Etats riverains du
golfe de Guinée. En effet, une fraction de l'élite politique et
de l'oligarchie bureaucratique confisque l'appareil d'Etat76(*) en s'alliant à
l'Armée, déjà très affaiblie par les violentes
attaques des mouvements politico-armés. « Regroupée
autour d'un noyau ethnique, bénéficiant de solides appuis
intérieurs et disposant du contrôle absolu des organes de
répression (...), elle s'appuie, en outre, sur d'importants
réseaux extérieurs et sur des connections tissées à
la faveur des privatisations et au détour de ses propres participations
aux réseaux internationaux de la « finance
informelle » (contrebande, trafic de pierres précieuses et
d'émeraudes, de diamants, d'ivoire ou de la drogue) »77(*).
C'est à partir de l'implication de l'oligarchie
politico-militaire dans le pillage des ressources naturelles que l'Etat va se
criminaliser. Dès lors, l'Etat gestionnaire des ressources communes au
bénéfice de l'ensemble de la communauté nationale fait
l'objet d'une patrimonialisation privée de la part des autorités
gouvernantes corrompues78(*). D'où le népotisme et la corruption
s'institutionnalisent en mode de régulation politique et de gouvernance
économique permettant aux personnes socialement importantes, grâce
à leurs pouvoirs financiers construits autour du contrôle de la
« finance informelle »79(*), de s'acheter des positions de
pouvoir au sein de l'appareil d'Etat. Ce qui conduit à la constitution
d'une certaine alliance stratégique entre cette oligarchie
prévaricatrice et des groupes d'intérêts d'origine
extérieure engendrant de ce fait, l'emprise et la consolidation des
positions de pouvoir des agents criminels de l'Etat80(*). Dès lors, l'Etat, qui
doit être le régulateur de la société, est devenu
lui-même, par l'entregent de son élite politico-militaire, une
source de conflits et de criminalité81(*), « un fauteur de trouble et de
violence ».82(*)
Cette course armée vers le contrôle des
ressources naturelles de la part d'acteurs divers va, tel un effet boule de
neige, étendre l'insécurité dans la région ;
transformant ainsi le golfe de Guinée en une
«nouvelle zone à haut risque »83(*).
Paragraphe II : Les effets de l'extension
régionale de l'insécurité dans le golfe de
Guinée
L'apparition et la multiplication des pratiques de la
criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée sont
favorisées par l'histoire agitée de la vie sociopolitique des
Etats riverains de cet espace géographique, laquelle a fourni plusieurs
opportunités aux acteurs criminels qui écument la
région.
Analyser les effets de l'extension régionale de
l'insécurité dans le golfe de Guinée revient, dès
lors, à poser un regard critique et objectif sur les conséquences
provoquées par la gestion problématique des frontières et
de l'insécurité transfrontalière propres à cette
région. A cet effet, nous allons opérer deux grands constats
qu'il convient d'analyser : l'absence d'un climat de paix,
sécurité et stabilité dans le Golfe de Guinée
(paragraphe I) et l'insécurité transfrontalière entravant
les processus d'intégration régionale en cours dans cette
région (paragraphe II).
A- L'absence d'un climat de paix,
sécurité et stabilité dans le golfe de Guinée
Cette absence de paix, sécurité et
stabilité s'objective par la gestion problématique de vagues de
réfugiés en provenance de pays plongés dans le chaos et la
violence généralisée, ainsi que dans l'insuffisance de
moyens étatiques de contrôle et de surveillance des flux
transfrontaliers.
La constante de l'insécurité au niveau des
espaces transfrontaliers du golfe de Guinée produit des effets
néfastes directs sur les populations victimes des actes de
criminalité et de violence politique commis, soit par l'appareil
militaire étatique, soit par les groupes criminels privés. En
effet, la violence infligée aux personnes, notamment par la destruction
des villages, des assassinats, des enlèvements, des viols et autres
exactions massives, induit des vagues de mouvements de refugiés et
déplacés internes84(*), «qui le plus souvent, sinon tout le temps,
emportent avec eux des armes légères et de petit calibre (ALPC)
facilement transportables et dissimulables à cause de leur
légèreté »85(*). La problématique relative à la
gestion des refugiés et personnes déplacées internes met
en exergue le spectre des risques sécuritaires encouru par les Etats de
la région. Surtout que ceux-ci présentent des failles dans la
gestion de cette catégorie de populations.
La faillite des Etats dans la gestion des refugiés et
personnes déplacées ouvre dès lors une voie royale aux
trafics de tous genres et principalement à celui des ALPC86(*). La prolifération
anarchique de ces armes contribue à l'essor du grand banditisme, comme
en témoigne le phénomène des « coupeurs de
route » dans les confins transfrontaliers RCA-Tchad-Cameroun.
D'ailleurs, l'Assemblée Générale des Nations Unies
(AG/ONU) «reconnait que l'absence de normes internationales est un
facteur contribuant aux conflits armés, aux déplacements des
populations, à la criminalité organisée et au terrorisme,
et porte ainsi atteinte à la paix, à la réconciliation,
à la sureté, à la stabilité et au
développement économique et social durable »87(*).
Par ailleurs, la gestion des refugiés pose les
problèmes de la protection de la nationalité et celui des
différends potentiels entre nationaux et réfugiés88(*). C'est notamment le cas dans
la gestion des refugiés centrafricains de l'Est-Cameroun, estimés
à près de 84000 personnes selon le Haut Commissariat des Nations
Unies pour les Refugiés (HCR).
De plus, la présence prolongée des
refugiés dans certains Etats riverains du golfe de Guinée
encouragent généralement les velléités
expansionnistes de leurs Etats d'origine. C'est ce qui explique en partie la
recrudescence des conflits à l'Est de la RDC où le Rwanda est
formellement accusé d'annexer cette partie du territoire qui abrite des
milliers de refugiés rwandais depuis près de deux
décennies.
En fin de compte, la gestion problématique des
refugiés pose de nombreuses contraintes sécuritaires aux Etats de
la région. Ceci s'explique notamment par l'insuffisance de moyens de
contrôle aux frontières tant en période
d'instabilité que de paix.
L'une des caractéristiques des frontières
terrestres et maritimes dans le golfe de Guinée, au-delà des
querelles dont elles font l'objet, c'est le déficit d'infrastructures et
services de gestion de celles-ci.
Selon le document de projet du Programme Frontière de
la CEEAC (PF-CEEAC), ce déficit intègre « le manque
des moyens de gestion des frontières au niveau local (nombre très
réduit des postes frontières, absence de certains services
(santé), équipements inexistants ou vétustes, insuffisance
de personnel, etc.) ; le manque de coordination des services nationaux
impliqués dans la gestion des frontières au sein de chaque Etat
(police, renseignement, immigration, eaux et forêts, santé,
etc.) ; le manque de coopération transfrontalière entre les
services homologues, à la fois au niveau local et au niveau
central ; le manque de qualification des personnels chargés de la
gestion des frontières ; la présence d'une
règlementation surabondante dans certains domaines, lacunaire dans
d'autres, dont la pertinence et l'application n'ont pas été
expertisées de longue date ; et une corruption endémique des
agents des services frontaliers. »
C'est dire, au moins concernant les frontières de la
CEEAC, que celles-ci font l'objet d'une gestion archaïque, sans vision de
développement stratégique autour d'elles de la part des Etats.
D'où l'insuffisance de contrôle des flux transfrontaliers
observée dans cette région, facilitant ainsi la croissance des
actes de criminalité de part et d'autre des zones frontalières
des Etats concernés89(*).
Concernant le déficit de sécurisation des
frontières maritimes et de contrôle des eaux territoriales dans le
golfe de Guinée, il faut signaler que les actes de piraterie maritime et
les vols à main armée en mer prospèrent davantage sur les
cotes maritimes des pays incapables d'assumer efficacement leurs missions
régaliennes sur la mer90(*). Cela traduit généralement une absence
d'autorité établie et respectée qui fait place au
désordre maritime. Théoriquement, il est établi que l'Etat
qui subit des actes de piraterie dans ses eaux territoriales est un Etat en
faillite, sinon faible et non organisé. D'ailleurs l'absence de cadres
compétents et de garde-côtes entrainés et
équipés permet aux pirates d'opérer en toute
quiétude. Car en l'absence en nombre suffisant de moyens
opérationnels de qualité pour intervenir et poursuivre les
pirates, ces derniers se sentent réconfortés dans leurs actes
qu'ils s'emploient à poursuivre, tant qu'ils ne sont pas
arrêtés et punis91(*).
In fine, l'absence d'un climat de paix, sécurité
et stabilité dans le Golfe de Guinée due à la constance de
l'insécurité transfrontalière impacte
considérablement sur les différents processus
d'intégration régionale dans la région.
B- La lente évolution des processus
d'intégration régionale engagés dans le golfe de
Guinée
Au-delà du bilan sociopolitique et économique
chiffré92(*) de la
criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée, il
convient de dire que ce phénomène emporte des conséquences
plus importantes qui n'épargnent aucune économie de la
région. Car l'insécurité qui règne au niveau des
frontières pose une entorse considérable aux différents
processus d'intégration engagés dans la région ;
puisqu'elle freine les échanges commerciaux intra-zone et restreint du
même coup la libre circulation des biens et des personnes.
Depuis les indépendances, cette région a connu
un foisonnement d'organisations et d'institutions communautaires qui ont
structuré au fil du temps sa géopolitique93(*). Toutefois, les
Communautés Economiques Régionales (CER) les plus
représentatives de cette région sont la CEDEAO et la CEEAC qui
constituent, à elles seules, la synthèse des traits
caractéristiques géographique, économique, sociologique et
politique de la région. A l'observation de leurs dynamiques sur le
champ spatial de la compétition économique, ces CER semblent
connaitre une progression lente de leurs échanges commerciaux intra
zone. La cause profonde semble être, outre la sédimentation des
marchés nationaux et la structure de production et d'exportation
analogue de ces Etats, la constance de l'insécurité
transfrontalière qui sévit autour et à l'intérieur
de ces CER.
En effet, l'insécurité transfrontalière a
provoqué de sérieux troubles politiques en Angola, en RDC, au
Congo, au Tchad, en RCA, au Burundi et au Rwanda au cours des décennies
80, 90 et même 2000, qui ont détourné l'attention et les
priorités des dirigeants de la CEEAC. Ceux-ci étant trop
préoccupés par « le rétablissement de leur
autorité à l'intérieur de leurs frontières pour
investir du temps, de l'argent et du capital politique dans le
développement des liens »94(*) économiques et commerciaux avec leurs
voisins. De même, l'instabilité politique récurrente au
Nigéria et en Côte-d'Ivoire, considérés comme les
deux géants d'Afrique de l'Ouest, participe également de la
relative faiblesse des échanges commerciaux dans la CEDEAO.
Le faible degré d'intégration économique
et commerciale au sein des CER de la région du golfe de Guinée se
matérialise sur le terrain par une insuffisance d'infrastructures
transfrontalières de facilitation des échanges intra zone telles
que les routes, les marchés et l'approvisionnement en eau et
électricité, les ponts, les aménagements portuaires
propres à promouvoir l'activité économique
transfrontalière. D'ailleurs, les échanges intracommunautaires
des CER de la région présentent des disparités
économiques que l'on pourrait imputer aux contraintes
sécuritaires inhérentes aux Etats de la région. Ainsi
convient-il de constater que « le marché régional
de l'Afrique Centrale demeure le moins performant en Afrique, avec pour 2006
des échanges intracommunautaires oscillant entre 0.5 et 1% du commerce
total des Etats membres, contre (...) 10% pour la CEDEAO »95(*).
Aussi, nous est-il donné de constater que la situation
sécuritaire d'une région conditionne son niveau
d'intégration économique, et donc de mobilité des facteurs
de production.
Cependant, et à l'observation des processus
d'intégration en cours dans le golfe de Guinée, il ressort que
l'application du principe de la libre circulation, notamment des populations et
des biens, se fait selon une intensité à géométrie
variable, en fonction de l'espace d'Afrique de l'ouest ou centrale
considéré.
Si dans le premier cas, la liberté de circulation est
un acquis de plus en plus consacré dans son effectivité, du fait
d'une relative accalmie sécuritaire, une longue expérience de
migrations itinérantes entre divers groupes sociaux, d'un environnement
géophysique favorable et de la volonté politique de ses
dirigeants à renforcer leurs liens séculaires, tel n'est pas le
cas en Afrique centrale. En effet, le paysage géographique de cet espace
est marqué par un foyer de tensions et une géopolitique de la
méfiance et de la défiance généralisées
à l'ensemble des leaders de la sous région ; autant de
facteurs qui ne favorisent pas l'effectivité de la libre circulation des
biens et surtout des personnes, pourtant consacrée par les
différents traités fondateurs des CER de l'Afrique Centrale.
Ici l'insécurité transfrontalière
résultant de ce climat exacerbe la multiplication des contrôles le
long des corridors commerciaux96(*) ainsi qu'aux postes frontières, laquelle
alimente la corruption systématique des agents des services frontaliers.
Ce qui impacte directement sur le respect du principe de libre circulation dans
ces CER.
En tout état de cause, la constance de
l'insécurité transfrontalière, par les effets qu'elle
induit sur le niveau de développement du commerce intra zone et sur
l'intensité de la libre circulation des facteurs de production,
constitue l'une des causes structurelles de la lente progression des processus
d'intégration régionale mis en oeuvre dans le golfe de
Guinée.
En somme, le golfe de Guinée est une région en
proie à la criminalité transfrontalière, laquelle met en
scène divers acteurs qui charrient les conflits et produisent
l'insécurité transfrontalière autour des ressources
naturelles et dont les conséquences sociopolitiques et
économiques ne sont plus à démontrer. De par sa situation
géographique, le golfe de Guinée offre dès lors, une
fenêtre d'opportunités pour l'expérimentation et la
germination des activités criminelles de tout acabit. De ce fait, cette
région constitue un concentré de toutes les formes de
criminalité visible et invisible.
C'est à partir de l'étude des causes,
manifestations et conséquences de la faillite de l'Etat du golfe de
Guinée dans l'accomplissement optimal de ses missions régaliennes
de sécurité et de défense de l'intégrité
territoriale qu'il convient d'envisager, dans le chapitre suivant,
l'inadéquation des mesures actuelles de lutte contre les actes de
criminalité transfrontalière comme facteur explicatif de la
recrudescence de ce phénomène dans la région.
CHAPITRE II : L'INADÉQUATION DES
INITIATIVES ACTUELLES DE LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ
TRANSFRONTALIÈRE DANS LE GOLFE DE GUINÉE.
Avec l'enracinement durable des actes du
phénomène de la criminalité transfrontalière dans
les espaces transfrontaliers terrestres et maritimes dans le golfe de
Guinée, cette région s'est criminalisée. De sorte qu'il
n'existe plus d'Etat, plus de zone transfrontalière dans cette
région qui ne soit en proie à ce phénomène. Aussi,
pour y remédier, un ensemble de mesures vont-elles être mises en
oeuvre par divers acteurs institutionnels97(*)originaires ou ayant intérêt dans la
région. Cependant, celles-ci vont s'avérer être
inadéquates, c'est-à-dire inadaptées et
inappropriées pour pouvoir contenir, endiguer et éradiquer le
phénomène de la criminalité qui s'est répandu dans
cet espace géographique. Cette inadéquation trouve ses fondements
essentiellement dans la présence de « nombreuses
pesanteurs inhérentes à la géopolitique régionale,
aux égoïsmes nationaux et des facteurs externes »
98(*) qui rendent toute
initiative de coopération problématique. Leur décryptage
s'impose dès lors pour évaluer les différentes
initiatives, solitaires ou concertées, de sécurisation de flux
transfrontaliers autour et au sein de la région du golfe de
Guinée mises en oeuvre jusqu'ici.
Pour ce faire, le présent chapitre va s'évertuer
à décrypter l'inadéquation des mesures actuelles de
sécurisation de la région. De ce fait, il sera question
d'analyser les limites des options souverainistes de lutte contre la
criminalité (section I), tout en s'attelant à souligner les
défauts inhérents aux initiatives concertées de
sécurisation des espaces transfrontaliers, comme moyen de
prévention et de lutte contre ce phénomènes (section
II).
SECTION I : LES LIMITES DES INITIATIVES
SOUVERAINISTES DE LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ DANS LE GOLFE DE
GUINÉE
Ayant progressivement pris conscience de la menace et du
danger que représentent désormais les actes de criminalité
sur leurs économies et pour la stabilité politique de leurs
régimes respectifs, les Etats du golfe de Guinée vont pour la
plupart appréhender la lutte contre ce phénomène sous le
prisme de la défense et de la sécurité nationales.
Minimisant la portée transfrontalière et
régionale de ce phénomène, ces Etats vont dès lors,
et par égoïsme national, opter chacun pour une approche
souverainiste exclusive pour l'éradiquer ; c'est-à-dire
apporter des solutions exclusivement nationales dictées par des
impératifs de sécurité intérieure. C'est ainsi que,
par cette erreur de vision stratégique, les politiques solitaires
nationales de sécurisation des zones frontalières qui vont
être mises en oeuvre connaitront un échec (paragraphe I). Cet
échec va engendrer, sous l'épreuve des faits et la contrainte des
difficultés, la conclusion d'accords bilatéraux, de nature
endogène et exogène, qui présenteront également des
limites opérationnelles dans l'atteinte des objectifs escomptés
(paragraphe II).
Paragraphe I : L'échec des politiques
solitaires nationales de sécurisation des zones frontalières dans
le golfe de Guinée
« Parce qu'elles correspondent à des
histoires et à des identités nationales et qu'elles sont
associées à la souveraineté, les frontières
constituent des enjeux symboliques et politiques importants dans les relations
internationales. (...)Le contrôle des frontières est depuis
longtemps une activité fondamentale des Etats dont la défense et
la régulation économique constituent les aspects les plus
classiques. »99(*)
Si telle qu'elle est définie ci-dessus, la
frontière remplit classiquement plusieurs fonctions100(*), il convient de relever
qu'en Afrique, et singulièrement dans le golfe de Guinée, elle
conserve encore son sens ancien. En effet, du fait de l'histoire tumultueuse du
continent et du « continuum conflictuel »101(*) qui a traversé
la région du golfe de Guinée ces dernières
décennies, le concept de frontière, est
dérivé de front ; et signifie ainsi d'abord
« le front d'une armée, puis vers la fin du XIIIème
siècle une place fortifiée faisant face à
l'ennemi.»102(*)
C'est à partir de la conception belliciste des
frontières qu'ont les Etats du golfe de Guinée, qu'il convient
d'analyser l'échec des politiques solitaires nationales exclusives de
sécurisation de celles-ci dans la région. Aussi apparait-il
nécessaire d'étayer cette analyse en questionnant l'environnement
politico-sécuritaire qui prévaut de manière
récurrente dans la région (A), avant d'évaluer les
ressources techniques et structurelles dont disposent ces Etats en vue
d'assurer la sécurité de leurs frontières (B).
A. Un environnement politico-sécuritaire
imbibé de méfiance et de défiance entre Etats de la
région
L'un des facteurs structurant l'échec des politiques
solitaires nationales exclusives de sécurisation des zones
frontalières du golfe de Guinée, est sans nul doute le climat de
suspicion généralisée caractérisé par une
« géopolitique de la méfiance »103(*) et de la
défiance réciproques qui prévaut dans la région. En
effet, du fait des contentieux irrésolus relatifs aux querelles des
frontières et des guerres civiles internes des années 1990 qui
ont considérablement impacté sur l'équilibre
sécuritaire de la région, la coopération
sécuritaire à l'intérieur des CER du golfe de
Guinée, dont la CEEAC et dans une moindre mesure la CEDEAO, ne pouvait
être engagée sur des bases politiques sincères. D'ailleurs,
la plupart des contentieux liés aux disputes des frontières n'ont
pas et continuent de ne pas trouver des solutions au sein de ces CER,
considérés comme le reflet du pouvoir d'influence de certains
Etats aux ambitions hégémoniques régionales
présumées104(*). Ainsi en est-il du différend territorial
entre le Gabon et la Guinée-Equatoriale au sujet de l'île de
MBANIE105(*), ainsi que
du différend frontalier opposant l'Angola à la RDC au sujet de la
délimitation de leurs frontières maritimes, dont la CEEAC n'a pas
été appelée à se prononcer.
D'un autre côté, les actes de défiance se
multiplient aussi dans la région. En témoigne l'incident qui
s'est produit à l'aéroport de Malabo, en marge du sommet sur les
questions de sécurité en Afrique Centrale tenu dans la capitale
équato-guinéenne les 24 et 25 Février 2000. En effet, la
délégation camerounaise fut retenue quelques moments par les
services de sécurité de cet aéroport. Pour le Professeur
Joseph Vincent NTUDA EBODE, Directeur du Centre de Recherche en Etudes
Politiques et Stratégiques (CREPS) de l'Université de
Yaoundé II-SOA, « cette situation n'était pas le
fruit d'un hasard. Tout au contraire, elle s'inscrivait dans un contexte de
revendications frontalières et de suspicion
généralisée des autorités de Malabo
vis-à-vis de Yaoundé.»106(*) De même, la RCA avec le Président
Ange Félix PATASSE avait, en son temps, « accusé le
Cameroun d'avoir servi de transit aux armes ayant failli le
renverser.»107(*)
La géopolitique de la méfiance et de la
défiance généralisées observée en Afrique
Centrale au début du troisième millénaire s'est
également étendue à l'Afrique de l'Ouest. Ici, l'on a
assisté aux accusations, à tort ou à raison, du
régime de l'ancien Président Laurent GBAGBO de
Côte-d'Ivoire à l'endroit du Président Blaise COMPAORE du
Burkina-Faso, coupable d'après lui d'avoir soutenu financièrement
et militairement les Forces Nouvelles (FN) de Guillaume SORO, l'ex
rébellion qui occupa le Nord de ce pays durant près d'une
décennie.
C'est donc dans ce contexte de suspicion
généralisée que les Etats du golfe de Guinée vont
opter pour des mesures solitaires et exclusives de sécurisation de leurs
espaces frontaliers, afin de mieux se prémunir contre les attaques des
criminels dont l'Etat voisin est souvent accusé d'abriter les bases
arrières.
Cependant, cette option solitaire va s'avérer
être un gros échec, notamment du fait de l'insuffisance des
capacités internes des Etats à sécuriser efficacement
leurs frontières respectives.
B. L'insuffisance des capacités internes des
Etats à assurer efficacement la sécurité de leurs zones
frontalières
L'insuffisance des capacités internes des Etats
à assurer efficacement la sécurité de leurs
frontières met ici en scène le défaut de moyens
structurels et techniques suffisants et de bonne qualité dans
l'accomplissement de cette tache. Car bien que l'Etat initie et met en oeuvre
des actions de démarcation et de délimitation des
frontières, très souvent de concert avec les Etats voisins,
celles-ci ne s'inscrivent que très rarement dans une politique
harmonieuse de gestion durable de leurs frontières nationales.
D'ailleurs, de par les attributs de sa souveraineté,
l'Etat va mettre à contribution une batterie de mesures structurelles et
techniques nationales en vue de protéger ses frontières.
D'où la mise en place de commissions nationales des frontières,
comme structures chargées de la gestion et de la sécurisation des
zones frontalières étatiques. De même, les capacités
des services chargés de la gestion des frontières vont être
développées. Il s'agit notamment du renforcement des
capacités logistiques et techniques opérationnelles des services
de police, de l'immigration, des douanes, des garde-côtes, bref de tout
l'appareil sécuritaire de l'Etat.
Ces mesures vont s'avérer être insuffisantes. Car
en Afrique centrale, « on constate qu'hormis quelques exceptions
(Burundi), les commissions nationales des frontières des Etats membres
de la CEEAC, lorsqu'elles existent, ne se réunissent que d'une
manière épisodique et leurs travaux ne produisent que peu
d'effets »108(*).
Par ailleurs, avec la professionnalisation et la
cartellisation sans cesse croissantes des entrepreneurs privés du crime
et de la violence transfrontaliers aux méthodes et techniques
innovantes, les moyens de sécurisation des frontières
s'avèrent limités et inadaptés, du fait de l'absence d'une
politique intégrée cohérente de gestion des
frontières. Cette insuffisance de moyens techniques et structurels
internes de sécurisation des espaces transfrontaliers conforte les
acteurs criminels dans la poursuite de leurs activités.
D'où le constat d'échec des logiques
souverainistes exclusives de sécurisation des zones
transfrontalières. Dès lors, la volonté de
fédérer les efforts à travers une synergie d'actions
bilatérales et multilatérales de lutte contre le
phénomène de la criminalité dans le golfe de
Guinée, va poindre à l'horizon. Cependant, la mise en oeuvre de
telles synergies va également présenter des défauts qu'il
convient à présent d'analyser.
Paragraphe II : Les limites des initiatives
concertées de lutte contre la criminalité transfrontalière
dans le golfe de Guinée
Le caractère transfrontalier et même
régional de la criminalité et de l'insécurité dans
le golfe de Guinée n'a eu de cesse de rappeler la
nécessité pour les Etats de coopérer en matière de
sécurité. Et ainsi d'élaborer des cadres
politico-institutionnels normatifs et opérationnels permettant
d'impulser et de mettre en oeuvre ces initiatives de sécurisation des
zones frontalières de la région. Mais ici encore, les synergies
qui vont naitre présentent le défaut de privilégier les
intérêts égoïstes des co-contractants sans s'inscrire
dans une vision globale, régionale, coopérative et
homogène de lutte contre la criminalité transfrontalière
dans le golfe de Guinée. Les limites de ces synergies s'objectivent au
travers de la prolifération des accords de coopération
sécuritaire sans cohérence (A), ainsi que par l'imbroglio des
partenariats avec l'extérieur (B).
A. La prolifération d'initiatives de
coopération sécuritaire dépourvues de cohérence
homogène : facteur d'inefficacité
Les pays du golfe de Guinée, dans le but d'endiguer la
dynamique du phénomène de la criminalité
transfrontalière qui se déploie le long de leurs
frontières communes, se sont lancés à la course vers les
partenariats de sécurité, sans s'assurer de leur cohérence
qui est gage de leur efficacité. En effet, la coopération
sécuritaire dans le golfe de Guinée, en dépit des pactes
de non agression et d'assistance mutuelle signés au sein des CER,
privilégie les systèmes d'alliance bilatérale, voire
trilatérale. Dès lors l'approche communautaire (CEDEAO, CEEAC...)
de la sécurisation des espaces transfrontaliers de leurs régions
respectives présente le défaut d'être postérieure
à ce type d'alliance nouée par les Etats à
l'intérieur et en dehors de la région. De plus, la
démultiplication de ces alliances laisse transparaitre le germe de leur
inefficacité, car les Etats qui les concluent le font très
souvent avec l'idée de concurrencer celles qui existent
préalablement.
Ainsi en est-il, au niveau de la CEEAC, du pays le plus en
proie à la criminalité et à l'insécurité
transfrontalières, la RDC dont la multiplication des accords
sécuritaires et militaire semble montrer un défaut de
cohérence apparente. En effet, hormis les accords fragiles qui la lient
au Rwanda109(*), la RDC
entretient une coopération militaire chacune avec les Etats-Unis
(KISANGANI), la Chine (KAMINA), l'Angola (KITONA), la Belgique (KINDU et
KANANGA), l'Afrique du Sud (MURA) et la France (MBANZA NGUNGU). Chacun de ces
pays cités dispose à cet effet d'une base militaire en RDC et
forme ou a formé des militaires congolais. Cette situation n'est pas
uniquement propre à la RDC. D'ailleurs, la quasi majorité des
pays de la région se sont assurés un filet de
sécurité grâce aux accords de coopération et
d'assistance militaires noués avec les puissances
étrangères et continentales, dont la France110(*), les Etats-Unis111(*), le Maroc112(*), la Chine113(*), Israël114(*) et l'Afrique du
Sud115(*). Le constat
que l'on pourrait établir ici est qu'il ya une sorte de concurrence qui
se dessine en filigrane dans la conclusion de ces accords, du fait notamment de
l'abondance des ressources naturelles prouvées dans la région. Il
est en fait légitime de penser que ces pays étrangers poursuivent
d'abord la sécurisation de leurs intérêts miniers et
pétroliers dans le Golfe de Guinée.
Avec ce trop plein d'accords bilatéraux, l'engagement
des pays membres de la CEDEAO et de la CEEAC reste secondaire dans leur
politique commune de sécurité qui ressemble plus à un
sursaut d'orgueil qu'à une réelle volonté politique
d'édification d'un instrument de sécurisation harmonieux.
Toutefois, il convient de mettre à l'actif de la CEEAC la signature le 6
Mai 2009 d'un accord technique établissant les modalités de la
coopération, en vue de la sécurisation les intérêts
vitaux maritimes du golfe de Guinée des Etats membres. Il s'agit en fait
de sécuriser les eaux territoriales du Cameroun, du Gabon, de la
Guinée-Equatoriale et de Sao-Tomé et Principe, les quatre Etats
membres de la CEEAC les plus en proie au phénomène de la
piraterie maritime et des vols à main armée en mer dans le golfe
de Guinée. Les eaux territoriales de ces pays forment la Zone D du golfe
de Guinée116(*).
Cependant, étant donné la dimension transrégionale de
l'insécurité maritime, nous déplorons encore l'inexistence
d'un cadre formel de coopération qui s'élargirait au bloc de la
CEDEAO en intégrant le Nigéria, le Benin et le Togo, trois des
pays les plus touchés par la piraterie maritime en Afrique de
l'Ouest117(*).
Par ailleurs, des six zones transfrontalières118(*) identifiées par la
feuille de route « paix et sécurité » de la
CEEAC en avril 2010, dans le sillage du Programme Frontière de l'UA
(PF-UA), visant à traiter le problème de
l'insécurité et de la criminalité transfrontalières
dans ces zones, il apparait qu'aucune d'entre elles n'a encore fait l'objet du
déploiement d'une patrouille mixte ou conjointe de sécurisation,
du fait d'un manque de coopération effectif des différents
services nationaux concernés. D'ailleurs, l'initiative Tripartite de
2005 RCA-Tchad-Cameroun, en vue de lutter contre l'insécurité
transfrontalière dans leurs frontières communes, et
étendue au Gabon, à la Guinée-Equatoriale et au Congo en
mai 2009, est une initiative louable des CER (CEEAC, CEMAC et CEN-SAD), avec le
soutien du Bureau des Nations Unies pour l'Afrique Centrale (ONUCA), mais
encore insuffisante119(*) et inefficace par rapport à l'ampleur du
phénomène du banditisme transfrontalier. Car ce type
d'initiatives est davantage réactif et donc incapable de prévenir
les actes de criminalité dans la région considérée.
De ce fait, il est à regretter « l'absence de
stratégies de prévention à long terme qui viseraient,
d'une part, à anticiper les risques imminents et, d'autre part, à
éradiquer les racines profondes de
l'insécurité »120(*) , les patrouilles de surveillance maritime
de la Zone D du golfe de Guinée, bon exemple d'action anticipatrice,
relevant de l'exception.
Les initiatives concertées de sécurisation du
golfe de Guinée, du fait de leur foisonnement incohérent et de la
concurrence à laquelle elles se livrent, apparaissent, en fin de compte,
inefficaces. Cette inefficacité est renforcée par l'imbroglio des
partenariats extérieurs aux objectifs stratégiques
concurrents.
B. Le poids de l'extérieur : la
sécurisation du golfe de Guinée sous influence
étrangère
Les Etats du golfe de Guinée, dans leur volonté
de mieux se prémunir contre les effets néfastes de la
criminalité transfrontalière, cherchent à s'assurer un
parasol de sécurité auprès des partenaires
étrangers. Ceux-ci motivent leur présence dans cette
région, non seulement par la nécessité de protéger
leurs ressortissants en proie aux menaces de groupes terroristes, mais aussi et
surtout d'assurer leurs approvisionnements en ressources naturelles dans le
golfe de Guinée.
En effet, les conséquences conjuguées de la fin
de la Guerre Froide et des bouleversements intervenus suite aux attentats du 11
septembre 2001, ainsi que l'érection du golfe de Guinée en nouvel
eldorado minier et pétrolier, ont attisé les
convoitises121(*) des
grandes puissances, faisant place aux « appels
d'empire »122(*) dans la région. De ce fait, les enjeux
miniers et pétroliers123(*) ici vont induire un redéploiement militaire
et stratégique des grandes puissances dans cette région. Aussi,
va-t-on assister, sous le prétexte de la croisade mondiale contre le
terrorisme international et la piraterie maritime en haute mer, ainsi que le
trafic international des drogues, à une succession de programmes de
formation et de renforcement des capacités d'intervention des militaires
africains, au travers d'exercices opérationnels de
démonstration/simulation financés par les puissances
étrangères. Parmi les puissances en présence dans la
conquête et la sécurisation de leurs positions de rente, nous
avons principalement la France et les Etats-Unis.
Concernant la France, elle est particulièrement
présente dans les Etats francophones de cette région et apporte
un soutien logistique et financier aux troupes nationales et régionales
constituées dans le cadre des CER, à travers son programme
RECAMP. De plus, elle participe spécifiquement aux missions de
sécurisation des cotes maritimes du golfe de Guinée à
travers son bâtiment naval de guerre CORYMBE124(*) qui sillonne les eaux
territoriales de la région. Les objectifs d'une telle présence
s'articulent autour de la sécurisation des activités maritimes et
commerciales des compagnies pétrolières et de transit
françaises.
Pour ce qui concerne les Etats-Unis, le renforcement de leur
présence dans la région s'explique par la définition de
leur nouvelle politique énergétique visant à s'assurer au
moins 25% de la production pétrolière du Golfe de Guinée
à l'horizon 2015125(*). Dès lors, le Commandement militaire
américain pour l'Afrique (AFRICOM)126(*) va être redynamisé le 7 février
2007 et mis à contribution dès Octobre 2008127(*). D'ailleurs, l'US
NASHVILLE128(*) fit
escale dans cinq ports de la région pour dispenser des stages de
formation dans les domaines aussi divers que la protection des plateformes
pétrolières, la lutte contre les incendies ou encore le droit
maritime. A la suite de ces exercices de démonstration et pour aller
plus loin, les Etats-Unis ont formulé une demande de coopération
renforcée avec la CEEAC dans l'optique de renforcer les capacités
de l'Etat-major régional (EMR)129(*).
Au demeurant, la multiplication et la diversification des
accords de partenariat sécuritaire avec l'extérieur ne manquent
pas de produire des effets pervers. Car ces accords conduisent
« les pays membres à faire peu d'efforts pour
pérenniser »130(*) la coopération sécuritaire
régionale. Cet état de fait « peut même se
traduire par un sentiment de désappropriation, le financement et le
suivi des programmes étant laissés aux partenaires
extérieurs. Ces partenariats se traduisent aussi par un transfert des
systèmes militaires (...) de l'aidant à l'aidé et ils
posent la question des tentatives d'instrumentalisation. »131(*)
Par son financement et son expertise technique et
opérationnelle essentiellement occidentalo-centrés, la
sécurisation du golfe de Guinée apparait donc être sous
tutelle étrangère. Ce qui n'est pas de nature à favoriser
sa viabilité et à assurer son efficacité à long
terme. Car, étant à la merci des jeux et enjeux
stratégiques des puissances étrangères.
C'est à partir des limites des logiques souverainistes
ci-dessus étudiées qu'il convient d'étayer les
défauts techniques de conception et de mise en oeuvre des
stratégies de lutte contre la criminalité transfrontalière
dans le golfe de Guinée.
SECTION II : LES DÉFAUTS TECHNIQUES DE
CONCEPTION ET DE MISE EN OEUVRE DES INITIATIVES DE LUTTE CONTRE LA
CRIMINALITÉ DANS LE GOLFE DE GUINÉE.
Si les mesures adoptées jusqu'à présent
dans l'optique de la sécurisation du golfe de Guinée se sont
toutes révélées inadéquates, du fait des limites
que présentent les options souverainistes étudiées
ci-dessus, c'est davantage parce qu'elles présentent des défauts
techniques inhérents à leur conception et à leur
opérationnalisation. En effet, l'observation faite dans la mise en
oeuvre de ces initiatives met en relief une faible coordination structurelle
(paragraphe I) et une mise en oeuvre peu efficace (paragraphe II).
Paragraphe I : Une conception plurielle insuffisamment
coordonnée
Diverses initiatives de dimensions nationale,
bilatérale, trilatérale et multilatérale ont
été mises à contribution dans l'optique de
sécuriser les zones transfrontalières de la région du
golfe de Guinée. Elles sont l'oeuvre des Etats et CER de la
région avec le soutien multiforme des puissances et organisations
étrangères et internationales. Cependant, le foisonnement de ces
initiatives souffre d'un défaut de coordination, facteur
générateur de leur inefficacité. Ceci s'explique par
l'absence d'une structure homogène unique de coordination (A) et le
traitement asymétrique des expressions de la criminalité dans le
Golfe de Guinée (B).
A. L'absence d'une structure de coordination des
initiatives de lutte contre la criminalité dans le Golfe de
Guinée
Hormis la prolifération des initiatives
endogènes et exogènes gouvernementales de sécurisation du
golfe de Guinée, bon nombre d'organisations africaines et
internationales se sont investies dans cette activité. Celles-ci sont
entre autres la CEMAC, la CEEAC, la CEN-SAD, la CEDEAO, la CIRGL, la CEPGL, la
CBLT, la CGG, l'UA et l'UE, ainsi que les Bureaux régionaux de l'ONU
pour l'Afrique de l'Ouest (UNOWA) et du Centre (UNOCA). De ce fait, il ya
presqu'autant d'initiatives qu'il existe d'acteurs sans que le tout soit
pensé et mis en oeuvre dans un cadre stratégique cohérent,
homogène et unique. D'où la question de leur coordination se pose
avec acuité.
Bien qu'il existe un cadre formel132(*) sensé établir
une étroite collaboration entre l'UA et les CER (CEDEAO, CEEAC...) en
matière de paix et de sécurité en Afrique, force est de
reconnaitre que la communication entre-elles est insuffisante. D'ailleurs,
l'organisation continentale panafricaine et les deux CER de la région du
golfe de Guinée éprouvent des difficultés à
délimiter le périmètre de leur coopération, car la
première est souvent accusée par les secondes de
passivité, d'ingérence, voire de non-respect de son principe
informel de subsidiarité133(*). Ce déficit de collaboration et de
communication rend difficile la possibilité d'harmoniser et de
coordonner toutes les initiatives de sécurisation du golfe de
Guinée, car les relations entre la CEEAC, la CEDEAO, la CIRGL et les
autres organisations sectorielles africaines impliquées dans les actions
de sécurisation de la région se limitent
généralement à des contacts formels sporadiques134(*).
La création récente de l'UNOCA, à
l'instar de l'UNOWA, a pour objectif de conduire à une
coopération renforcée entre les Nations Unies et ces CER.
Toutefois, compte tenu de l'accroissement des risques dans la région,
l'absence d'une structure homogène unique de coordination de toutes les
initiatives de sécurisation du Golfe de Guinée, permettant une
gestion globale et intégrée des questions de
sécurité, s'avère être un défaut majeur. Bien
que la CEEAC a mis en place un centre de coordination régionale pour la
sécurité maritime en Afrique Centrale (CRESMAC) comme structure
de coordination des approches maritimes nationales des Etats membres,
permettant l'intensification des patrouilles maritimes conjointes, il est
à déplorer le manque d'engagement de l'Afrique de
l'Ouest135(*) dans le
sens d'une fédération des synergies.
Outre leur défaut de coordination, les initiatives de
sécurisation du golfe de Guinée posent également le
problème du traitement différencié qu'elles
réservent à la question de la criminalité dans la
région.
B. Le traitement asymétrique des expressions de
la criminalité dans le golfe de Guinée
A l'analyse du traitement réservé par les
médias nationaux et internationaux des actes de criminalité
transfrontalière dans la région, il ressort que ceux-ci sont
sujets à une médiatisation asymétrique
différenciée. Car, on note une sorte de
d' « apartheid » dans l'information que rapportent les
médias de ces actes. Tandis que le phénomène de la
piraterie maritime, des vols à main armée en mer du golfe de
Guinée et du trafic international des drogues dans les aéroports,
de par leur nature spectaculaire, publicitaire et sensationnelle, font l'objet
d'une hyper médiatisation, et donc d'une politisation, dans l'espace
public, les autres expressions de la criminalité comme les trafics de
tous genres (ossements et organes humains, enfants, ressource naturelles ...),
le phénomène des « coupeurs de route », ainsi
que le vol de grosses cylindrées, du fait de leur banalisation à
outrance, font l'objet d'un traitement dans la rubrique « faits
divers » des organes de presse.
Cette différenciation médiatique induit
indubitablement une asymétrie dans leur gestion par les
politiques136(*).
D'où le défaut d'une vision globalisante des différentes
facettes de la criminalité transfrontalière et par
conséquent, l'absence d'une réponse stratégique
transversale permettant d'endiguer et d'éradiquer le
phénomène. Aussi, observe-t-on en lieu et place d'une
stratégie unique, la prépondérance d'initiatives
plurielles, éparses, segmentées et sans cohérence
entre-elles qui prolifèrent dans l'optique de sécuriser le golfe
de Guinée. Dans ce sens, outre les Commissions Mixtes de
Sécurité (CMS)137(*) dans le cadre bilatéral, des initiatives
trilatérale138(*)
et multilatérale139(*) ont été créées.
Sans denier aux Etats de la région leur
compétence relationnelle à pouvoir conclure des accords de toute
nature avec qui bon leur semble, il convient de dire ici qu'aucune de ces
initiatives de sécurisation du golfe de Guinée ne s'inscrit dans
une vision globale140(*), transversale141(*) et globalisante142(*) préalablement définie au niveau
supranational dans un document stratégique uniforme, afin de les rendre
harmonieuse, cohérente et plus efficace. Car il apparait évident
aujourd'hui que la fragmentation de la question sécuritaire dans la
région ne permet pas d'apporter une réponse ferme, efficace, dans
son entièreté au problème de la criminalité
transfrontalière. Ce qui conforte la communauté internationale
à travers les Nations Unies143(*), et sous la houlette des grandes puissances
cherchant à préserver leurs intérêts
pétroliers dans la région, à focaliser davantage
l'attention et à déployer ses efforts pour la sécurisation
des voies maritimes navigables du golfe de Guinée face à la
recrudescence de la piraterie maritime. Pendant ce temps, les zones
transfrontalières terrestres144(*) de la région continuent à être
le terreau des seigneurs du crime et de la violence armée sans foi ni
loi.
A cet effet, la distorsion observée dans le traitement
et la gestion des problèmes de criminalité
transfrontalière et des questions de sécurité dans le
Golfe de Guinée ne contribue pas à l'efficacité des
initiatives de sécurisation de cette région de manière
durable.
Dès lors, la conception plurielle et insuffisamment
coordonnée des initiatives de sécurisation du golfe de
Guinée constitue une entorse à l'efficacité de la
coopération sécuritaire mise en oeuvre dans ce sens.
Paragraphe II : Une mise en oeuvre
opérationnelle des initiatives aux résultats peu probant
Des défauts inhérents aux initiatives de
sécurisation de la région du golfe de Guinée, la phase de
leur mise en oeuvre opérationnelle constitue sans doute le facteur
générateur de leur inefficacité. En effet,
témoignant une certaine politique volontariste des Etats de la
région à juguler le phénomène de la
criminalité transfrontalière dans leur environnement
immédiat, ces initiatives peinent à produire les résultats
escomptés dans leur phase opérationnelle. L'inefficacité
de la coopération sécuritaire qui en découle pourrait
s'expliquer par le défaut d'un droit de poursuite automatique entre
Etats dans la poursuite d'éventuels criminels (A), ainsi que la
problématique soulevée par l'incohérence des
systèmes militaires à l'oeuvre (B).
A. Le défaut d'un droit de poursuite automatique
entre les Etats concernés145(*)
De par le caractère transfrontalier des actes de
criminalité qui menacent la sécurité des pays du golfe de
Guinée, l'on se serait attendu à la mise en oeuvre d'une
coopération sécuritaire qui intègre la possibilité
d'un droit de poursuite automatique entre les différents services
étatiques146(*).
Autrement dit, le droit pour un Etat X de poursuivre automatiquement un
éventuel criminel, coupable d'atteinte à sa
sécurité, à l'intérieur des frontières d'un
autre Etat Y et vice-versa. Or, les initiatives de sécurisation du golfe
de Guinée ne sont pour l'instant pas assez efficaces,
précisément parce qu'elles ne reposent pas sur un cadre normatif
et opérationnel rigoureux consacrant la possibilité de
l'application du droit de poursuite de part et d'autre des frontières
interétatiques. Pour l'instant, l'éventualité d'un droit
de poursuite s'applique uniquement sur la base de programmes volontaristes,
c'est-à-dire que ce droit relève encore de l'exception et non du
principe.
Le vide juridique qui en découle limite dès lors
l'efficacité des initiatives de prévention et de lutte contre la
criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée. On
en veut pour preuve, la mort programmée de la Patrouille Mixte
Internationale (PAMINT), créée par la CBLT le 15 Avril 1986 dans
le but d'assurer la sécurité de la zone du Lac-Tchad, en
transcendant les frontières sans porter atteinte à la
souveraineté des Etats riverains147(*). En effet, chacun des Etats impliqués
possédait en principe une représentation nationale de la PAMINT,
qui devait être constituée des soldats des quatre Etats riverains
du Lac-Tchad. Dès lors, chaque Etat membre devait envoyer ses soldats
dans chacune de ces représentations nationales, afin d'assurer
conjointement des patrouilles dans l'espace territorial de l'Etat en question.
De ce fait, la PAMINT était sensée, par la mutualisation des
forces opérationnelles, combattre de manière consensuelle et
transparente les actes de criminalité dans cet espace.
Mais, pour des raisons diverses liées, tantôt aux
prétentions hégémoniques du Nigéria148(*), tantôt à la
faillite et aux protestations de l'Etat tchadien149(*) dans l'exercice de ses
fonctions régaliennes ou encore au manque d'intérêt de la
part du Niger150(*), la
PAMINT est entrée en hibernation. Ce qui a donc hypothéqué
l'efficacité de la PAMINT, notamment pour la partie camerounaise qui a
conservé sa représentation nationale et ses troupes, dans la
poursuite et la lutte contre les entrepreneurs de l'insécurité
transfrontalière qui se réfugiaient hors des zones camerounaises
du Lac-Tchad.
Et pourtant, les patrouilles de la PAMINT ont permis de
limiter sensiblement les incursions des combattants tchadiens et la dynamique
de la criminalité transfrontalière autour du Lac-Tchad. Sa
désagrégation « accroit de manière
substantielle le banditisme, les crimes et trafics transfrontaliers à la
faveur de l'inexistence d'un droit de poursuite que seule la PAMINT
possédait dans sa version originale »151(*).
Question lancinante, la problématique du droit de
poursuite automatique apparait désormais comme la condition sine qua
non de l'efficacité des initiatives de sécurisation du golfe
de Guinée. D'où l'urgence de sa consécration juridique et
opérationnelle, à laquelle il faudra également adjoindre
la réflexion sur la question de l'incohérence des systèmes
militaires à l'oeuvre.
B. La problématique de l'incohérence des
systèmes militaires à l'oeuvre dans la sécurisation du
Golfe de Guinée
La question de la sécurisation du golfe de
Guinée est devenue si prégnante que les différents Etats
de la région se sont engagés dans des accords de partenariat avec
les puissances étrangères152(*) dans l'optique de réaliser cet objectif. Ces
partenariats avec l'étranger emportent automatiquement la greffe des
systèmes militaires de ces puissances dans la conduite des forces
armées des pays de la région. Cependant, au regard de la
multiplicité de ces partenariats, ces systèmes militaires ne
manquent pas de soulever le problème de leur incohérence sur le
terrain.
En effet par système militaire, on entend l'ensemble
constitué de la doctrine d'emploi, de l'organisation ou encore de
l'interopérabilité des équipements qui caractérise
une force armée. Le transfert des systèmes militaires de ces
puissances aux Etats, dans le cadre de leur coopération
sécuritaire pose, non seulement la difficulté de leur adaptation,
de leur assimilation ou encore de leur tropicalisation en contexte africain,
mais aussi le problème de leur cohérence, car traditionnellement
divergents et intrinsèquement concurrents. D'ailleurs les tentatives
d'instrumentalisation que ces systèmes véhiculent, ainsi que les
faibles capacités d'absorption et d'assimilation dont disposent les
Etats bénéficiaires, posent dès lors la
problématique de leur inefficacité dans leur phase
opérationnelle.
Car en effet, si le processus de formation de la culture
stratégique des forces armées africaines oscillent
généralement entre dynamiques d'extraversion et
d'introversion153(*),
force est de reconnaitre que les armées africaines éprouvent
beaucoup de peine à trouver le juste équilibre154(*). D'ailleurs, la
multiplicité des systèmes militaires à mettre en oeuvre
sur le plan opérationnel, du fait de la concurrence à laquelle
ils se livrent155(*),
servent d'abord les intérêts des puissances
étrangères qui en profitent pour monnayer leur expertise et
vendre leurs équipements d'intervention.
Conclusion de la première partie
Dans cette partie, il était question de vérifier
l'hypothèse selon laquelle les difficultés de mise en oeuvre de
la coopération sécuritaire seraient un facteur structurant
d'enracinement et de recrudescence des actes de criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée.
A cet effet, il nous a été tout d'abord
donné de constater que l'enracinement des actes de criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée est consécutif
à la faillite des Etats de cette région à assumer
efficacement leurs missions régaliennes de défense et de
sécurité de leurs territoires, du fait de la conjugaison d'un
certain nombre de facteurs que nous avons étudiés. Car, s'il est
vrai qu'aucune société politique organisée, fut-elle
développée ou occidentale, n'est à l'abri de pratiques
criminelles transfrontalières, il apparait clairement que l'enracinement
et la multiplication des pratiques de ce phénomène dans le golfe
de Guinée sont exacerbés par la criminalisation des élites
politico-militaires gouvernantes, l'abondance des ressources naturelles, la
gestion problématique des frontières interétatiques ainsi
que la paupérisation et le sentiment d'exclusion sociale de la
majorité des populations qui y vivent.
Ensuite la recrudescence des pratiques criminelles
transfrontalières dans le golfe de Guinée s'explique, comme nous
l'avons analysé, par l'inadéquation des initiatives actuelles de
sécurisation de la région. Car, nous notons que les Etats ont
davantage privilégié une réponse sécuritaire
exclusive, solitaire et souverainiste pour répondre au problème
du phénomène de la criminalité qui se développait
dans leur environnement. Mais, face à la multiplication et à
l'extension régionale des actes de ce phénomène, ces Etats
ont noué des accords sécuritaires de coopération
bilatérale, sous régionale et régionale pour y faire face.
Toutefois ceux-ci, du fait de leur prolifération non coordonnée
et des défauts techniques inhérents à leur conception et
à leur mise en oeuvre, se sont avérés inadéquats
pour lutter efficacement contre ces actes.
C'est donc à partir de la plausibilité de cette
première hypothèse qu'il convient d'appréhender et
d'analyser la seconde. Celle-ci postule que les voies et moyens de renforcement
de la coopération sécuritaire passeraient à la fois par la
modernisation de la gouvernance des espaces transfrontaliers et la
concrétisation d'un système autonome de sécurité
collective.
DEUXIÈME PARTIE :
LES VOIES DE RENFORCEMENT DE LA COOPERATION SECURITAIRE
ENTRE LES ETATS DANS LE GOLFE DE GUINEE : MODERNISER LA GOUVERNANCE DES
ESPACES TRANSFRONTALIERS ET CONCRETISER UN SYSTEME AUTONOME DE SECURITE
COLLECTIVE
CHAPITRE III : MODERNISER LA GOUVERNANCE DES ZONES
FRONTALIERES NATIONALES : COUPLER LES REFORMES ECONOMIQUE ET
SOCIOPOLITIQUE AUX SOLUTIONS SECURITAIRES
Moderniser la gouvernance des espaces transfrontaliers
revient, dans le cadre de cette étude, à la
nécessité pour chaque Etat de la région de mettre en
oeuvre une « bonne administration publique »156(*) de ses
frontières nationales terrestre et maritime. Car en effet,
« généralement définie comme une limite
stable et définitive séparant un Etat des autres et confirmant
l'étendue géographique sur laquelle s'exerce son autorité
et s'applique son ordre juridique »157(*), la frontière semble n'avoir jamais
vraiment fait l'objet d'une gestion intégrée cohérente,
susceptible de participer au renforcement des relations amicales
transfrontalières basées sur le respect et la confiance
réciproques dans le golfe de Guinée. En tout état de
cause, la modernisation de la gouvernance des zones transfrontalières de
la région du golfe de Guinée produirait à long terme la
cessation des querelles de frontières, à l'origine de conflits
potentiels et de l'insécurité.
De ce fait, cette modernisation de la gouvernance
nécessite de mettre en oeuvre immédiatement des solutions
globales qui intègrent, outre l'approche strictement sécuritaire,
les reformes sociopolitique et économique. Celles-ci permettraient sans
doute de s'attaquer aux causes profondes de la criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée.
Etant donné que la criminalité trouve un terreau
fertile partout où la marginalisation économique, la
pauvreté et la corruption sont durablement installées, la mise en
oeuvre rapide de solutions extra-sécuritaires devrait
précéder, sinon s'accompagner de mesures militaires et
sécuritaires dans chaque pays riverain du golfe de Guinée.
Dès lors, pour pouvoir juguler le phénomène de la
criminalité nationale et ou transnationale qui menace leurs
économies et attentent à la stabilité et à
l'intégrité de leurs territoires respectifs, chaque Etat de la
région doit d'abord, sans ménagement aucun, engager un vaste
chantier de réformes structurelles à long terme (section I).
Puis, se doter d'une véritable politique sécuritaire
adaptée (section II), étant entendu que
l'insécurité est d'abord une question de sécurité
nationale, avant d'être une affaire régionale ou
internationale.
SECTION I : ENGAGER DES REFORMES STRUCTURELLES DE
LONG TERME : LIMITER LES FACTEURS FAVORABLES A L'INSECURITE
Pour endiguer durablement la criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée, les Etats de la
région ont davantage apporté une réponse militaire en
reléguant ainsi, en arrière plan, les préoccupations
relatives aux questions de réformes économiques et
sociopolitiques pourtant à l'origine de ce phénomène.
C'est la raison pour laquelle, nous en appelons à l'engagement de
réformes structurelles de longue durée de la part des Etats.
Celles-ci revêtiraient essentiellement les aspects économique
(paragraphe I), et sociopolitique (paragraphe II).
Paragraphe I : Au niveau économique
Comme nous l'avons démontré dans les
développements précédents, la criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée trouve ses racines dans
l'incapacité de l'Etat à fournir à ses populations les
services sociaux de base et à les prémunir de la pauvreté
et du chômage qui ne cessent de les engluer au quotidien. Cette
défaillance de l'Etat fait peser en lui, telle une épée de
Damoclès, d'importants risques d'ordre social et même
sécuritaire. Il convient dès lors, que celui-ci s'active à
la réduction de tels risques, afin de sceller la fenêtre
d'opportunités pouvant favoriser la constitution et le foisonnement
d'acteurs criminels. Pour ce faire, la modernisation de la gouvernance des
ressources publiques (A) et le développement des régions
défavorisées (B) sont les deux axes d'action prioritaires.
A. Moderniser la gestion des ressources publiques
Etant donné le caractère stratégique des
richesses naturelles158(*) dont regorge la région du golfe de
Guinée, la force militaire ne suffit plus pour lutter efficacement
contre le foisonnement des actes de criminalité transfrontalière
et menaces connexes dans cette partie du continent159(*). De plus, l'affaiblissement
de l'Etat dans le golfe de Guinée a entrainé une crise de
gouvernabilité160(*) des autorités étatiques dans la
gestion des ressources financières générées par
l'exploitation des richesses naturelles161(*). Il ne fait donc plus l'ombre d'un doute que la
mauvaise gouvernance des fonds générés par l'exploitation
des ressources naturelles et le déficit démocratique du jeu
politique interne constituent les éléments matriciels du
désordre et des conflits observés dans la région162(*). De ce fait, il faudrait que
les Etats riverains du golfe de Guinée engagent le chantier de la
modernisation de leur gouvernance interne, afin de limiter les facteurs de
trouble et de désordre dans leurs environnements respectifs.
En effet, le chantier de la modernisation de la gouvernance
des ressources publiques est un impératif catégorique qui
implique que les Etats de la région s'engagent à rendre
transparente la gestion de celles-ci. Cette gestion transparente induirait
indubitablement des effets bénéfique : une meilleure
répartition des dividendes de la manne pétrolière et
minière au niveau des différentes couches sociales, un
investissement dans les infrastructures sociales (hôpitaux, routes,
écoles...) et une stimulation du développement industriel. Dans
ce sens, l'adhésion de la quasi-totalité des Etats miniers et
pétroliers du Golfe de Guinée à l'Initiative de
Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) constitue un début
d'engagement politique de ceux-ci. En effet, l'ITIE est une coalition d'Etats,
des compagnies multinationales et des organisations de la société
civile (OSC) qui veulent améliorer la transparence et la gouvernance,
afin que les revenus du secteur extractif profitent au plus grand nombre. Cette
initiative comporte de nombreux avantages et impacts pour les populations.
Comme avantages nous avons :
- Accès à l'information sur les revenus
tirés de l'exploitation du sous-sol.
- Bonne gouvernance, transparence et traçabilité
des flux financiers y relatifs.
- Lutte contre les détournements et la corruption.
Comme impacts, il s'agit entre autres de :
- Optimisation des finances publiques.
- Amélioration des conditions de vie des
populations.
Pour ce faire, cette initiative recommande aux Etats un
certain nombre d'obligations, manifestation de leur engagement
politique :
- Divulguer les paiements à l'Etat des compagnies
exploitant les ressources du sous-sol.
- Divulguer les revenus de l'Etat issus des compagnies du
secteur extractif.
- Produire régulièrement les rapports de
conciliation.
- Disséminer les rapports de conciliation auprès
du public le plus large possible.
Il reste à espérer que de telles initiatives
soient effectivement concrétisées sur le terrain par la pleine
application des résolutions et recommandations formulées et
contenues dans ces textes internationaux, pour le bénéfice
collectif des sensibilités sociopolitiques plurielles et diverses de ces
Etats. Car, la modernisation de la gouvernance économique
escomptée pourrait réduire les risques sécuritaires qui
naissent généralement de sentiments d'exclusion sociale de la
grande majorité des populations locales de la jouissance des
retombées financières issues de l'exploitation des ressources
naturelles, ainsi que du verrouillage du jeu politique au profit d'un groupe
ultra minoritaire.
Cette modernisation induirait indubitablement des effets
bénéfiques sur les capacités de l'Etat à stimuler
le développement163(*) de ses zones enclavées.
B. Stimuler le développement de régions
défavorisées
La réduction des facteurs de risques
sécuritaires internes passe également, outre la modernisation de
la gouvernance des ressources financières, par le désenclavement
des régions défavorisées de l'Etat d'où sont
généralement exploitées lesdites richesses. Car,
la pauvreté et le manque d'infrastructures sociales de base ainsi que la
rareté des moyens de subsistance favorisent généralement
les populations à s'adonner aux actes de criminalité. D'où
la nécessité pour l'Etat d'investir les retombées
financières issues de l'exploitation des richesses naturelles dans ces
régions, en ciblant les secteurs porteurs de croissance
économique : les routes, l'électricité,
l'accès à l'eau, la santé, l'éducation, etc.
Aussi, faudrait-il que les Etats investissent massivement au
niveau de leurs cotes littorales pour développer le secteur maritime,
créateur d'emplois. En effet, il est avéré que les zones
maritimes du golfe de Guinée sont un milieu riche en plancton, et de ce
fait, en ressources biologiques. Pour AWOUMOU Côme Damien Georges, cet
espace regorge de « variétés d'essences et de
biodiversité d'une valeur insoupçonnable et encore
inestimée. Leurs vertus quant à la recherche biologique et
pharmaceutique, la protection et la régulation de la biosphère,
du climat mondial et de l'environnement en général ont
été amplement mises en avant, pendant et après le sommet
de RIO de 1992 sur l'environnement et le
développement »164(*). Hormis ce réservoir en ressources
biologiques, les côtes maritimes de la région sont un vivier en
protéines animales pouvant contribuer à la sécurité
alimentaire des populations riveraines, mais malheureusement encore mal
exploité dans l'intérêt des Etats riverains.
Dès lors ces derniers gagneraient à stimuler la
pêche artisanale et commerciale, encore largement inexploitée,
afin qu'elle profite à la fois aux communautés locales de
pêcheurs et aux finances publiques. De ce fait, la pêche artisanale
permettrait non seulement d'employer des milliers de personnes, mais aussi
d'assurer leur sécurité alimentaire. La pêche commerciale
quant à elle devrait non seulement favoriser l'exportation de produits
halieutiques, mais aussi promouvoir l'entreprenariat local chargé de la
transformation à des fins de consommation, en conformité avec les
normes internationales165(*).
Pour ce qui concerne les régions terrestres, les Etats
et les multinationales qui exploitent les richesses naturelles devraient
s'assurer que les communautés villageoises d'où sont extraites
ces richesses bénéficient directement de leurs retombées,
à travers la création d'emplois, d'infrastructures et de
programmes sociaux. De ce fait, les Etats doivent anticiper sur les besoins de
formation qualifiante de leurs populations pour qu'elles en profitent.
La généralisation de ce type de réformes
à l'ensemble des zones défavorisées des pays du golfe de
Guinée permettrait d'endiguer les risques d'enracinement du
phénomène de la criminalité dans chaque Etat. Et par
conséquent, induire une réduction des facteurs de risques
sécuritaires internes. Aux réformes économiques, il
faudrait adjoindre celles sociopolitiques pour prévenir en amont la
survenance de facteurs générateurs de la criminalité.
Paragraphe II : Au niveau sociopolitique
Au-delà des reformes économiques qui doivent
sans délai être mises en oeuvre, celles sociopolitiques doivent
également être amorcées par les différents Etats du
golfe de Guinée pour rendre efficace la prévention des
activités criminelles au sein de leurs territoires respectifs. Ces
reformes sociopolitiques doivent prioritairement prendre en compte les
préoccupations de la jeunesse, couche de la population la plus nombreuse
et la plus vulnérable, en lui offrant les perspectives d'un avenir
meilleur (A). De même, ces reformes ne pourront être pertinentes et
efficaces que si un cadre de dialogue promouvant une véritable culture
de la paix entre les différentes forces de la scène politique
à l'intérieur des pays concernés est institué
(B).
A. Offrir d'autres alternatives aux jeunes166(*)
Entre ses fonctions régaliennes de défense et
de sécurité du territoire national d'une part, et celles de
pourvoyeur du bien-être collectif d'autre part, l'Etat du golfe de
Guinée s'est retrouvé débordé de toutes parts. La
défaillance qui s'en est suivie a mis en difficulté les couches
vulnérables de la population, notamment les plus jeunes. N'ayant pas
d'autres alternatives favorables immédiates, certains se sont facilement
constitués en groupes, milices et autres réseaux maffieux, aussi
variés que redoutables. Et d'autres, avec l'effritement de
l'autorité de l'Etat, sont devenus soit le réservoir de
main-d'oeuvre abondante et bon marché des opérateurs
privés de la violence167(*) se rêvant d'un destin politique providentiel
hypothétique, soit systématiquement des contestataires
anti-gouvernementaux qui ont uniquement en partage
« l'inquiétude face à
l'avenir »168(*).
Concernant ce dernier aspect, la contestation est souvent
l'oeuvre de jeunes diplômés de grandes écoles et
universités sans emplois, ouverts au monde occidental dont ils caressent
généralement le rêve d'accéder aux mêmes
facilités de leur jeunesse, mais qui sont « réduits
à scruter un horizon sans promesse »169(*). Le sentiment
d'exclusion qui nait de la situation de paupérisation dans laquelle ils
sont plongés les radicalise et les positionne ouvertement en pourfendeur
de l'Etat et de ses institutions. « Un fossé dangereux se
creuse ainsi entre nombre d'Etats... (du golfe de Guinée) et
leur jeunesse ; il est annonciateur des crises sociales futures dont on ne
peut prévoir l'ampleur. »170(*)
En tout état de cause, en démissionnant de ses
fonctions de producteur du bien-être pour tous, l'Etat du golfe de
Guinée n'a pas offert d'autres alternatives à sa jeunesse.
D'où il devient impératif que celui-ci investisse à
nouveau massivement sur cette dernière, afin qu'elle puisse
bénéficier de meilleures perspectives de vie. Pour ce faire,
chaque Etat de la région devrait engager la mise en oeuvre de
stratégies qui visent l'autonomisation des jeunes, à travers une
offre de formation professionnelle adaptée aux besoins du marché
du travail et la promotion de l'entreprenariat jeune par des mesures fiscales
incitatives et des procédures administratives simplifiées de
création d'entreprises.
Seule l'autonomisation de la jeunesse urbaine et rurale,
diplômée ou peu, pourrait détourner celle-ci de la voie
facile du banditisme et de la criminalité en leur offrant l'espoir
d'horizons futurs meilleurs.
Outre le fait d'offrir de meilleures perspectives à sa
jeunesse, l'Etat devrait également promouvoir une véritable
culture de la paix entre toutes les composantes sociopolitiques de sa
société, afin de se mettre à l'abri d'un
revirement-basculement vers la violence et l'insécurité
généralisées.
B. Promouvoir la culture de la paix171(*)
Dans l'optique de prévenir la survenance de troubles et
crises sociopolitiques pouvant dégénérer en conflits, il
est nécessaire de comprendre tous les contours de leurs origines. Il
faut aussi faire en sorte que la violence ne soit pas l'option la plus facile
à choisir. Enfin, il faut veiller à ce que l'action
préventive ne soit pas source d'injustices. Car la violence trouve ses
partisans lorsque la population ne dispose d'aucun moyen pour faire entendre sa
voix aux autorités gouvernantes. D'où la nécessité
de promouvoir une véritable culture de la paix à
l'intérieur de chaque Etat du golfe de Guinée par
l'institutionnalisation d'un dialogue inclusif et permanent entre
autorités gouvernementales, membres de l'opposition et leaders de la
société civile.
En effet, la culture de la paix est un ensemble de valeurs,
d'attitudes et de modes de comportement et de vie qui rejettent la violence et
préviennent les conflits en s'attaquant à leurs causes profondes
afin de résoudre les problèmes par la négociation et le
dialogue entre les individus, les groupes et les nations. Pour cela, il
faudrait prendre en compte la dimension religieuse dans la promotion de cette
culture. Car les chefs religieux, en particulier, ont un rôle
spécifique à jouer en tant qu'agents du changement, du dialogue
interreligieux et de la coexistence pacifique172(*).
Pour soutenir ces initiatives, il semble nécessaire
d'élaborer des mesures structurelles visant à renforcer les
normes et les institutions au service de la paix. De ce fait, les
sociétés qui peuvent maitriser les conflits sociaux et tensions
politiques de manière non-violente sont généralement
caractérisées par des institutions politiques et sociales
ouvertes à tous et tenues de rendre des comptes.
En fin de compte, la naissance et le développement
d'une culture de paix au sein des sociétés du golfe de
Guinée devraient être la solution la plus durable. Car, il faut
considérer le poids des mentalités et l'implication des
populations dans la prévention et la lutte contre la violence et
l'insécurité.
Transcender l'approche strictement sécuritaire pour
lutter efficacement contre la criminalité dans la région, passe
donc par la mise en oeuvre des réformes structurelles
sus-évoquées. A présent, il convient d'envisager
l'adoption de politiques sécuritaires adaptées capables
d'apporter une réponse durable au phénomène de la
criminalité tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur des frontières de l'Etat dans le golfe de
Guinée.
SECTION II : SE DOTER DE POLITIQUES
SÉCURITAIRES ADAPTÉES
La criminalité transfrontalière, de par ses
effets néfastes évoqués plus haut, fait désormais
peser d'énormes menaces sécuritaires qui impactent
considérablement sur l'équilibre sociopolitique,
économique et géopolitique des Etats du golfe de Guinée.
Dès lors, face au constat d'inefficacité des différentes
initiatives de lutte contre ce phénomène que nous avons pu
établir, il apparait donc urgent, en plus des réformes
structurelles évoquées ci-dessus, que les Etats de la
région se dotent chacun de véritables dispositifs
sécuritaires appropriés de prévention et de lutte contre
la criminalité. Pour ce faire, chacun d'eux devrait concomitamment
renforcer son action de sécurisation de son territoire sur terre et sur
mer (Paragraphe I), tout en mettant en oeuvre la phase de répression de
la criminalité sous toutes ses formes (Paragraphe II).
Paragraphe I : Renforcer l'action de
sécurisation de l'Etat sur terre et en mer
Dans le vaste et ardu chantier des reformes qu'il convient de
mettre rapidement en oeuvre en vue de la pleine sécurisation du golfe de
Guinée, les défis à relever au plan endogène ou
régional sont les plus prégnants. En effet, ceux-ci sont un
préalable qui permettrait de mettre en perspectives la vision commune
propre aux Etats de la région. Car, pour prévenir et lutter
efficacement contre les actes de criminalité transfrontalière qui
ne cessent de foisonner dans cet espace, il faudrait que les Etats de la
région renforcent leur présence sur tous les segments frontaliers
terrestres et maritimes de leurs territoires respectifs. Ce qui se traduirait
par une action de sécurisation multimodale harmonisée et
coordonnée. Raison pour laquelle la pleine réussite de cette
mission passe par la création d'un comité interministériel
en charge des questions sécuritaires terrestre et maritime (A).
Celui-ci, à travers son action, induirait la réduction drastique
des facteurs générateurs de conflits et de criminalité
transfrontalière (B).
A. Mettre en place un comité
interministériel en charge des questions sécuritaires maritime et
terrestre
D'entrée de jeu, nous partageons les avis des experts
et professionnels des questions de sécurité et de
criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée, qui
convergent tous sur la nécessité de coordonner l'action de
sécurisation de l'Etat à travers la mise en place d'une structure
unique dédiée aux questions sécuritaires maritimes et
terrestres. Ladite structure serait chargée de définir et
d'appliquer à l'échelle nationale une seule et même
politique sécuritaire globale prenant en compte tous les moyens de
prévention et de lutte contre les actes de piraterie maritime173(*) et de vols à main
armée en mer, d'insécurité
transfrontalière174(*), ainsi que toute forme d'activités illicites
et menaces connexes qui essaiment dans l'un quelconque espace de cet Etat.
Concrètement, il s'agit de créer et
d'opérationnaliser un comité interministériel en charge
des questions de sécurité terrestre et maritime dans chaque Etat
qui devrait comprendre , outre les chefs de département des
ministères, les experts des ministères des
« Affaires sociales, des Affaires étrangères, de la
Défense, de l'Intérieur, des Transports, de l'Economie, du
Travail, de l'Environnement, de la Pêche et des Ressources
naturelles »175(*). Son rôle serait de faire de la lutte
contre toutes les formes de criminalité une priorité à
travers la définition et la mise en oeuvre d'une stratégie
maritime et terrestre globale et transversale s'attaquant à la fois aux
menaces immédiates et aux causes profondes.
Pour cela, ce comité devra renforcer et mettre en
oeuvre la politique anti-criminalité de l'Etat par les actions
suivantes :
- L'adhésion à tous les instruments juridiques
internationaux pertinents, dont le Traité sur le commerce des armes de
2009, la Convention des Nations Unies contre la criminalité
transnationale organisée du 15 décembre 2000, la Convention de
Montego Bay sur le droit de la mer de 1982 et le protocole de 2005 relatif
à la convention pour la répression d'actes illicites contre la
sécurité de la navigation maritime. Les intégrer dans le
droit domestique et former le personnel et les magistrats chargés de les
appliquer ;
- Etablir une force interservices contre toutes les formes de
criminalité pour enquêter, poursuivre et arrêter les
organisations de criminels sur terre et sur mer ;
- Maintenir les forces navales et terrestres sur les zones
transfrontalières afin de surveiller et de sécuriser les
activités commerciales et migratoires qui s'y déroulent au
quotidien
- Enquêter sur les réseaux de trafic de carburant
et autres ressources naturelles afin d'identifier les compagnies
impliquées dans des activités illicites.
C'est seulement à travers la mise en oeuvre effective
de telles actions que ce comité pourrait envisager avec
sérénité de réduire sensiblement les facteurs
générateurs de la criminalité dans les zones
transfrontalières dans le golfe de Guinée.
B. Réduire les facteurs
générateurs de conflits et de criminalité aux
frontières
La réduction des facteurs générateurs de
conflits frontaliers et de criminalité transfrontalière se ferait
essentiellement par la réalisation par le comité
interministériel chargé des questions sécuritaires
maritimes et terrestres de deux objectifs suivants : la
délimitation et la démarcation des frontières
étatiques ; et la promotion d'une coopération
transfrontalière de type informel.
En premier, il est clair que l'absence de délimitation
et de démarcation claires des frontières nationales engendre des
« zones floues » à l'intérieur desquelles
l'exercice de la souveraineté nationale ne peut être que
problématique. D'ailleurs de l'avis même de l'UA,
« moins d'un quart des lignes frontalières africaines sont
aujourd'hui définies. Cette absence de définition engendre des
zones floues à l'intérieur desquelles l'exercice de la
souveraineté nationale ne peut être que
problématique »176(*). Par ailleurs dans ces zones,
« un simple différend entre deux communautés peut
entrainer des tensions interétatiques. Lorsque ces zones incertaines
recèlent des ressources naturelles (eau, forêt, pétrole,
minerais, etc.), leur gestion se révèle souvent difficile et
source de malentendus. »177(*)
Aussi, devient-il nécessaire de procéder
à la délimitation et la démarcation claires de toutes les
frontières maritimes et terrestres dans la région du golfe de
Guinée. Car sans démarcation précise de celles-ci, il est
techniquement difficile de mettre en place de postes de contrôle
conjoints entre deux Etats. D'où il incombe à l'Etat par le
truchement de son comité interministériel d'initier et de mettre
en oeuvre des politiques de démarcation et de délimitation des
frontières, d'un commun accord avec les Etats voisins. Pour ce faire, il
faudrait qu'un cadre juridique et réglementaire permettant de faciliter
les échanges et d'assurer la gestion sécurisée des zones
frontalières soit défini.
La délimitation et la démarcation des
frontières escomptées ne seraient rendues possibles que si les
capacités techniques de l'Etat sont renforcées et si
l'identification et la matérialisation des frontières
spécifiques sont effectives. C'est dans ce sens qu'on assiste de plus en
plus partout dans le Golfe de Guinée et ce, sous la houlette des
organisations régionales (CBLT, CGG, CEEAC essentiellement) avec l'appui
technique de l'ONU, à la matérialisation effective des limites
frontalières maritimes, lacustres et terrestres de chaque Etat membre
desdites organisations. De plus, les Etats vont davantage loin, dans le cadre
de commissions bilatérales de sécurité178(*), pour assurer
l'intangibilité de leurs frontières et l'intégrité
de leurs territoires respectifs.
En tout état de cause, la délimitation claire et
la démarcation précise des frontières seraient d'un apport
indéniable au dessein de réduction drastique des facteurs de
survenance de conflits dans les zones frontalières partagées par
deux ou plusieurs Etats. Pour rendre ce dessein viable à long terme, il
convient également de favoriser la coopération
transfrontalière informelle.
Comme l'affirme Dominique BANGOURA, spécialiste
française des questions de paix et sécurité africaines,
les frontières sont des « espaces charnières
d'échanges »179(*)entre les différentes populations et
communautés qui les partagent de part et d'autre. D'ailleurs pour ces
dernières, « les liens culturels, familiaux et
communautaires l'emportent sur la « frontière » du
reste faiblement ou non matérialisée par les
Etats. »180(*)
Dès lors, pour mieux réduire substantiellement
les facteurs d'irruption de l'insécurité et des conflits à
l'intérieur des zones transfrontalières du golfe de
Guinée, il importe d'encourager et de favoriser la naissance, puis le
développement des liens de coopération transfrontalière de
type informel dans ces espaces. Pour cela, il faudrait créer les
conditions favorables à la multiplication de contacts informels entre
élites, populations et communautés locales installées de
part et d'autre des limites territoriales étatiques clairement et
préalablement définies, afin d'éviter la survenance de
différends entre elles. Cela passe inévitablement par la
facilitation des échanges commerciaux avec la création de
marchés frontaliers181(*)et la construction d'infrastructures au rôle
intégrateur (routes, hôpitaux, écoles, approvisionnement en
eau et électricité...), ainsi que par la
célébration d'unions mixtes entre différentes
communautés issues des différents Etats géographiquement
voisins.
Par ailleurs, le développement des liens
transfrontaliers informels pourrait aboutir à l'établissement
d'une véritable « diplomatie des autorités
locales »182(*). Cette dernière permettrait en effet, au
niveau de tous les espaces transfrontaliers du golfe de Guinée, de
résoudre certains conflits latents opposant les différentes
communautés localisées sur ces lignes de contact
interétatique. Car, du fait de la survenance régulière
d'incidents entre ces communautés d'une part, et de l'éloignement
de ces zones des centres de décision d'autre part, les autorités
centrales devraient décentraliser et déléguer une partie
du « pouvoir de règlement des conflits mineurs aux
autorités administratives et traditionnelles
locales »183(*). Cette délégation aurait
l'avantage « d'accélérer les procédures en
gagnant en coût et en efficacité, dans la mesure où ces
responsables locaux se côtoient au quotidien. »184(*)
En fin de compte, la réduction à la fois des
facteurs de risques sécuritaires internes et de ceux de
l'insécurité et des conflits transfrontaliers constitue les axes
majeurs du renforcement de l'engagement politique de l'Etat, en vue de la
mutualisation des initiatives de prévention et de lutte contre la
criminalité dans le Golfe de Guinée.
Avec le renforcement des capacités de l'action de
sécurisation maritime et terrestre de l'Etat, ce dernier
possèderait à coup sur tous les leviers d'une action de
coercition envers les groupes criminels.
Paragraphe II : Combattre fermement les groupes
criminels
Une fois le renforcement des capacités juridiques et
techniques de l'Etat réalisé, la politique sécuritaire de
ce dernier n'aurait aucune visibilité si elle ne s'accompagnait pas de
son aspect opérationnel, gage de son efficacité. En effet, il
urge pour l'Etat d'agir contre toutes les formes de criminalité
terrestre et ou maritime. Cela passe irrémédiablement par la
lutte effrénée contre les groupes criminels par le double
procédé de la dissuasion (A) et de l'arrestation (B).
A. La dissuasion des criminels
A l'observation des expériences internationales de
lutte contre les différentes formes de criminalité, notamment en
matière de lutte contre la piraterie dans le golfe d'Aden, nous notons
que la prévention contre les attaques de criminels n'est qu'un aspect
partiel de la solution. Endiguer de façon durable et définitive
la criminalité requiert à la fois de dissuader et d'arrêter
les groupes issus du crime organisé qui financent, orchestrent et
exécutent ces attaques. Cela implique un travail approfondi de police et
de renseignement, en mer et sur terre.
Le défi le plus urgent pour chaque Etat du golfe de
Guinée est de réduire le risque d'attaques criminelles au niveau
des zones frontalières afin de permettre la continuité de la
circulation des flux humains et commerciaux en toute sécurité.
Pour dissuader les attaques, les acteurs étatiques et les acteurs
privés, compagnies pétrolières, de transport et de
pêche, doivent travailler de manière complémentaire et en
bonne intelligence. Les premiers doivent fournir une surveillance
opérationnelle permanente de leurs frontières maritime et
terrestre et les seconds doivent adopter des systèmes de défense
de leurs navires en ce qui concerne la zone maritime.
A cet effet, les forces navales de chacun de ces Etats
« doivent protéger autant que possible la circulation
commerciale en dissuadant les assaillants potentiels par une présence
visible en mer et en réagissant promptement en cas d'attaque. Elles
devraient maintenir des patrouilles dans les zones d'ancrage et les eaux
territoriales, particulièrement la nuit. Les actes de piraterie se
déroulant de plus en plus loin des côtes, les marines devraient
également patrouiller dans les eaux internationales lorsqu'elles
disposent des navires adéquats. Des vols de reconnaissance
réguliers devraient être effectués afin de dissuader les
pirates. Marines et polices maritimes devraient être prêtes
à réagir rapidement lorsque des attaques sont
signalées »185(*).
Par ailleurs, des mesures dissuasives de
sécurité doivent être prises par les navires marchands et
les compagnies pétrolières en offshore. De ce fait,
« les armateurs devraient prendre des mesures afin de
protéger leurs navires, comme par exemple, conformément aux
recommandations de l'industrie du transport maritime, la garde permanente,
l'éclairage du pont, l'installation de fil barbelé autour du
navire et la création d'une pièce ou d'une citadelle
sécurisée où l'équipage peut se réfugier en
cas d'abordage par des pirates. Les navires entrant au port ou venant s'amarrer
devraient demeurer au moins à 50 milles marins (93 kilomètres) au
large des côtes jusqu'à ce qu'un pilote et un poste d'amarrage
soient disponibles. L'OMI186(*), en consultation avec l'industrie du transport et
les forces navales, devrait définir les « meilleures pratiques
» et un code de conduite adaptés aux menaces du golfe de
Guinée. En attendant, l'industrie devrait se référer au
Best Management Practices 4 (BMP 4), un manuel de lutte contre la piraterie au
large de la Somalie »187(*)
Au regard de ce qui précède, il apparait clair
que l'Etat du golfe de Guinée a à sa disposition une batterie de
mesures dissuasives de prévention et de lutte contre les actes de
criminalité transfrontalière. Toutefois, nous notons que ces
mesures demeurent insuffisantes, d'où la nécessité de
procéder aux poursuites et arrestations de criminels.
B. La poursuite et la mise aux arrêts des
criminels
Toute politique sécuritaire étatique ne peut
démontrer son efficacité que si, dans sa mise en oeuvre, elle
permet à la fois de dissuader et de mettre aux arrêts ou hors
d'état de nuire les éventuels auteurs d'actes criminels. Outre la
sécurisation des différents trafics terrestre et maritime
transfrontaliers, les Etats devraient aussi chercher activement à
appréhender et emprisonner les auteurs d'actes de piraterie et de
criminalité terrestre, qu'il s'agisse de petits groupes opportunistes
effectuant des raids occasionnels près du rivage ou de réseaux
criminels transnationaux capables de mener des opérations de
détournement et de vol sophistiquées. Les marines, les polices
maritimes, la police des frontières, les services douaniers et les
diverses agences de maintien de l'ordre, en étroite collaboration avec
le système judiciaire, doivent établir des relations de travail
coopératives afin d'emprisonner ces criminels. L'expérience
somalienne a démontré le rôle crucial de la coordination
entre Etats et entre acteurs militaires et de l'industrie et du partage
d'informations entre tous les acteurs concernés. Dans chaque Etat de la
région du golfe de Guinée, une force interservices contre la
criminalité terrestre et maritime, comprenant au moins le renseignement
naval et terrestre ainsi que la police des frontières devrait être
établie. Puisque les criminels traversent librement les
frontières, les Etats se doivent de coopérer.
C'est ainsi par exemple qu'en ce qui concerne les espaces
maritimes, « les enquêtes menées sur terre et en mer
devraient viser à découvrir les bases des pirates, les caches de
bateaux, d'armes et de moyens de communication. Elles devraient identifier les
sources d'équipement, de financement et de renseignement. Afin de
récolter autant d'informations que possible, les enquêteurs
devront établir des relations étroites avec l'ensemble des
opérateurs maritimes : les compagnies pétrolières, de
transport et de pêche, les agents maritimes, les sociétés
de sécurité privées, et surtout les pêcheurs
artisanaux. Ces derniers vivent et travaillent au sein des communautés
du littoral et peuvent fournir de précieuses informations sur
l'activité criminelle. »188(*)
Poursuivre et appréhender les criminels de tout acabit
est essentiel afin de dissuader davantage d'individus, notamment les jeunes de
basculer dans la criminalité. Il est également crucial que les
Etats de la région du golfe de Guinée disposent des
capacités juridiques nécessaires à la poursuite de
présumés criminels. Enfin, ils devraient s'assurer que leurs
forces navales, les forces de l'ordre et les composantes civiles soient tenues
informées des nouvelles législations et qu'ils les appliquent en
conséquence189(*).
Transcender l'approche purement sécuritaire permet,
nous l'avons relevé dans ce chapitre, de s'attaquer aux racines et aux
causes profondes de la criminalité dans chaque Etat riverain du golfe de
Guinée. Cette approche hybride190(*), mesures sociopolitique et économique d'une
part et instruments sécuritaires d'autre part, montre à
suffisance que les acteurs étatiques disposent de leviers suffisants
pour assurer la sécurité de leurs territoires.
Toutefois, pour une sécurisation optimale des espaces
transfrontaliers de cette région, le temps est venu de conférer
une effectivité et une efficacité à la coopération
sécuritaire en vue de la prévention et de la lutte contre la
criminalité transfrontalière dans le Golfe de Guinée. Pour
ce faire, il convient d'envisager, de manière prospective, les actions
à engager dans ce sens.
CHAPITRE IV : LA CONCRETISATION D'UN SYSTEME
AUTONOME DE SECURITE COLLECTIVE : UN MOYEN DE RENFORCEMENT DE LA
COOPERATION SECURITAIRE ENTRE LES ETATS DANS LE GOLFE DE GUINEE
Parmi les voies et moyens de prévention et de lutte
contre les pratiques criminelles transfrontalières dans le golfe de
Guinée, figure en bonne place la nécessité de
concrétiser dans la réalité un véritable
système autonome et inclusif, de caractère interrégional,
de sécurité collective. Celui-ci aurait l'avantage de renforcer
la coopération sécuritaire entre tous les acteurs
étatiques impliqués dans la croisade contre
l'insécurité et la criminalité transfrontalières
dans le golfe de Guinée. Ce qui permettrait également de
responsabiliser les Etats de la région en faisant d'eux les acteurs de
leur propre sécurité.
La mutualisation des initiatives escomptée, en tant
qu'instrument consensuel, intégrée et homogène de
prévention et de lutte contre les actes de criminalité dans la
région, donnerait lieu à l'adoption d'un cadre stratégique
concrétisant une vision globale de toutes les formes de
criminalité et une fédération transversale des synergies
de tous les acteurs impliqués dans la sécurisation du golfe de
Guinée. Cette mutualisation se réaliserait sous l'observation
scrupuleuse d'une double condition intimement liée : la
construction d'une capacité autonome régionale et ou
interrégionale de sécurité collective dans le golfe de
Guinée (section I) et la nécessité de coordonner le
soutien de la communauté internationale (section II).
SECTION I : DE LA CONSTRUCTION D'UN SYSTÈME
AUTONOME DE SÉCURITÉ COLLECTIVE191(*) DANS LE GOLFE DE GUINÉE
L'un des éléments structurant la mise en oeuvre
d'un système de sécurité collective endogène et
autonome capable de prévenir et de lutter efficacement contre les actes
de criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée,
c'est sans doute la responsabilisation de tous les acteurs étatiques de
la région dans la sécurisation de leurs propres espaces de vie
(Paragraphe I). En faisant des Etats de la région les acteurs de leur
propre sécurité, il convient de mettre en exergue la
nécessité d'un leadership unipolaire, bipolaire et multipolaire
capable de donner corps, sens et consistance à cette responsabilisation
(Paragraphe II).
Paragraphe I : Faire des Etats de la région les
acteurs responsables de leur propre sécurité
La nature transfrontalière des actes de
criminalité dans le golfe de Guinée fait de « la
coopération bilatérale, régionale et interrégionale
un élément clé d'une réponse
globale »192(*). Responsabiliser les Etats de la région
dans la préservation de leur propre sécurité passe donc
par le renforcement de leur coopération sécuritaire. Celle-ci
vise à atteindre deux principaux objectifs globaux : définir
et adopter une vision commune (A) ; mutualiser et coordonner les
ressources (B).
A. Adopter une vision stratégique commune et
intégrée : définir les priorités et
rationnaliser les initiatives en cours de mise en oeuvre
Il nous semble opportun d'envisager une stratégie
innovante de mutualisation de toutes les initiatives de sécurisation du
golfe de Guinée, qui aurait le double avantage de définir les
priorités et de rationnaliser ces initiatives. Cette stratégie,
qui s'apparenterait à un renouveau de la coopération
sécuritaire dans la région, serait une nouvelle donne
stratégique permettant l'adoption d'une vision commune uniforme
intégrant les différentes facettes de la criminalité
transfrontalière ainsi que les champs d'action possibles de sa pleine
opérationnalisation.
Concrètement, cette nouvelle vision stratégique,
en tant qu'instrument-cadre de prévention et de lutte contre toutes les
formes de criminalité transfrontalière dans le Golfe de
Guinée, permettrait de ne plus envisager séparément les
questions de sécurité maritime et terrestre dans la
région. Elle permettrait désormais, au regard de leur
complémentarité évidente du fait du continuum
d'insécurité qui règne dans les zones frontalières
terrestres, lacustres et maritimes au sein du golfe de Guinée, de les
aborder et de les traiter de manière holistique ;
c'est-à-dire comme un bloc homogène, afin d'en avoir une vision
globale, même si sa mise en oeuvre opérationnelle serait
modulée en fonction des spécificités du milieu
géophysique considéré. Dans ce sens, la globalisation des
questions sécuritaires d'ordre maritime, terrestre, spatiale, voire
cybernétique, ne pourra être une réalité effective
que les différentes stratégies sécuritaires nationales
(Etats du Golfe de Guinée) et communautaires (CEDEAO, CEEAC notamment)
sont fédérées au sein d'une vision stratégique
uniforme. Pour cela, il faudrait que la coopération en matière de
sécurité dans le Golfe de Guinée entre la CEDEAO et la
CEEAC soit formalisée sous la supervision de l'UA, par la signature
effective de deux documents clés : le Mémorandum d'entente
entre la CEDEAO et la CEEAC relatif à l'appui de la
sécurité maritime régionale dans la région maritime
de l'Afrique de l'ouest et du centre et l'Accord multilatéral relatif
à la coopération visant à éradiquer les
activités illicites dans la région maritime de l'Afrique de
l'ouest et du centre193(*). Cette coopération ainsi formalisée
permettrait de rationnaliser les initiatives déjà mises en oeuvre
dans chacune des deux CER et de définir, d'un commun accord, un
mécanisme efficace de coordination. Ledit mécanisme pourrait se
limiter à une coordination pure et simple de type intra régional,
interrégional ou internationale, ou alors procéder à la
fusion de ces initiatives au profit d'une structure de type supranational.
Dans cette dernière hypothèse, il est
impératif que cette nouvelle vision stratégique soit mise en
oeuvre par une structure réformée. D'où la question de
l'avenir de la Commission du Golfe de Guinée (CGG) se pose avec
acuité.
Militer pour la revitalisation de la CGG semble un exercice
risqué. Tant la pertinence de son existence et l'évaluation de
son bilan sont hypothétiquement péjoratifs. Car voici une
organisation, à la terminologie fort évocatrice quant à
son périmètre de compétences, sur laquelle beaucoup
d'espoirs ont été fondés lors de sa création le 19
novembre 1999 à Libreville au Gabon. Mais qui, plus d'une
décennie d'existence après, ressemble davantage à un
projet avorté, un rêve évanoui, bref à un regard
posé sur une illusion. En effet, créée pour s'occuper
prioritairement de l'étude « des voies et moyens
susceptibles de préserver la paix, la sécurité et la
stabilité dans le Golfe de Guinée »194(*), la CGG s'est
retrouvée rapidement sclérosée, dépassée et
incapable de remplir précisément cet objectif, du fait de la
croissance et de l'enracinement des actes de criminalité
transfrontalière (piraterie maritime et trafics illicites de tous
genres...) dans cet espace géographique.
Si la délimitation des frontières maritimes des
Etats membres, abritant d'importants gisements de pétrole offshore, est
à mettre à son actif, notamment dans la résolution des
conflits frontaliers entre le Congo et l'Angola ou entre Sao-Tomé et
Principe et le Nigéria, c'est précisément la
cristallisation de l'essentiel de ses actions autour des questions
pétrolières et halieutiques qui constitue paradoxalement la
source de son inefficacité actuelle dans la sécurisation du golfe
de Guinée. Car, étant essentiellement « un
instrument diplomatique (...) pouvant encourager la coopération et
canaliser les menaces de confrontation entre les pays de cette organisation qui
sont tous dotés de capacités
pétrolières »195(*), la CGG est restée confinée
à cette tache en feignant d'ignorer que la principale menace
sécuritaire qui pèse sur la région est celle de la
criminalité transfrontalière. Plutôt, elle a davantage fait
l'objet de tentatives d'instrumentalisation de la part de ses deux principaux
concepteurs, le Gabon et le Nigéria, qui voulaient la mettre au service
de leurs « desseins sous-régionaux »196(*).
A présent, il convient de la réformer
structurellement afin de lui conférer une véritable
capacité régionale de mutualisation des efforts en vue de la
sécurisation globale et transversale du golfe de Guinée dans ses
postures institutionnelle197(*) et géopolitique198(*). A cet effet, les actions
suivantes sont à mener :
Tout d'abord procéder à la révision de
son Traité fondateur. Cette révision permettrait de doter
l'organisation d'une véritable capacité d'intervention de
caractère supranational, en lieu et place de son rôle actuel de
simple coordination et d'harmonisation peu efficaces des politiques des Etats
membres199(*). Par le
renforcement de son rôle, elle se verrait doter de
compétences200(*)
transversales contraignantes sur toute l'étendue de l'espace du golfe de
Guinée en transcendant celles des organisations régionales qui
s'y trouvent.
Ensuite, pour lui conférer une visibilité
géographique et une pertinence géopolitique, il faudrait
l'élargir aux autres Etats de la région sur la base d'un lien de
continuité et de contiguïté géographiques. Pour ce
faire, il conviendrait de faire sa promotion auprès des Etats non
membres dont le lien géographique avec l'un des Etats membres actuels de
la Commission est clairement établi afin qu'ils y adhèrent.
Enfin, il faudrait que la CGG réformée soit
dotée de moyens conséquents pour fonctionner et remplir
efficacement son objectif téléologique de sécurisation du
golfe de Guinée. C'est dire l'importance de mettre à sa
disposition un personnel civil et militaire compétent qui
bénéficierait d'un traitement hautement compétitif ;
de moderniser sa gouvernance interne par l'allègement des
procédures, la responsabilisation des cadres et la facilitation du
processus décisionnel ; de la doter de ressources
financières propres par l'institution d'un mécanisme de
financement autonome, avec prélèvement direct et
disponibilité intégrale des fonds dont la gestion rationnelle et
transparente devra être garantie par des contrôles d'audit
réguliers.
Ces défis à relever et qui s'apparentent
à une tache titanesque au niveau régional, ne pourront prendre
forme que si les ressources sont mutualiser et coordonner.
B. Mutualiser et coordonner les ressources
Responsabiliser les Etats de la région dans la prise en
charge de leur propre destin sécuritaire revient aussi, outre l'adoption
d'une vision stratégique commune autonome, à mutualiser let
à coordonner les ressources en faible disponibilité.
Pour ce qui concerne la mutualisation des ressources, il
s'agit particulièrement de rendre opérationnel et
d'élargir le champ des compétences du Centre de coordination
régionale pour la sécurité maritime de l'Afrique centrale
(CRESMAC) dont le rôle est de mettre en commun les compétences
militaires et civiles des Etats de la CEEAC. La stratégie de la CEEAC
vise notamment six objectifs : échange et gestion de
l'information ; surveillance commune de l'espace maritime ;
harmonisation des actions en mer ; institution d'une taxe maritime
régionale ; acquisition d'équipements communs et
institutionnalisation d'une conférence maritime régionale. Le
CRESMAC a été implanté à Pointe-Noire en
République du Congo et son financement doit provenir d'une taxe maritime
régionale dont les modalités sont encore à définir
ainsi que les contributions budgétaires des Etats membres201(*).
A terme, ce centre doit s'accompagner de la création
d'une école régionale de sécurité maritime et
terrestre afin d'améliorer et de mettre en commun la connaissance et la
surveillance des espaces transfrontaliers terrestres et maritimes dans le golfe
de Guinée. En sus, en synergie avec le CRESMAC, cette école
pourrait également accueillir des ressortissants de tous les pays du
golfe de Guinée afin d'optimiser les effets bénéfiques de
la mutualisation des ressources.
De même, « afin d'améliorer la
surveillance et la diffusion rapide et efficace de l'information, les Etats de
la CEEAC et de la Cedeao devraient envisager sérieusement la conversion
du centre d'échange d'informations sur le commerce maritime (MTISC), en
voie d'être établi au Ghana, en centre interrégional de
partage d'information. Le MTISC utilise un mode de collecte d'information en
provenance des Etats et de l'industrie qui a fait ses preuves au large de la
Somalie.»202(*)
Pour ce qui concerne la coordination des ressources
intergouvernementales, il convient de relever que celle-ci devrait s'objectiver
dans les efforts sécuritaires pour des zones transfrontalières
spéciales. A cet effet, la constitution ou encore la redynamisation des
commissions bilatérales de sécurité aux frontières
à l'oeuvre en Afrique de l'ouest et centrale participe de cette
volonté de coordination desdites ressources. Dans ce sens, les
engagements pris en Juillet 2011 dans le cadre de la commission mixte
Cameroun-Nigéria constituent des étapes importantes qui doivent
désormais se concrétiser. En effet, les deux pays ont convenu de
régler définitivement la question de leur frontière
terrestre et maritime et de renforcer leur coopération contre les
groupes armés et les réseaux criminels.
Seules la mutualisation et la coordination des ressources en
conformité avec la vision stratégique globale
préalablement définie peuvent participer à la
responsabilisation des Etats du golfe de Guinée en les rendant maitres
et acteurs de leur propre sécurité.
Toutefois, certes l'édification d'un système de
sécurité collective autonome dans le golfe de Guinée passe
par la responsabilisation de chaque Etat de la région dans la gestion de
son destin sécuritaire, mais ce système ne pourrait avoir de
pertinence et de consistance que s'il existe un leadership
militaro-sécuritaire capable de le rendre viable.
Paragraphe II : De l'appel d'un leadership
régional garant du système de sécurité collective
dans le golfe de Guinée
Selon AWOUMOU Côme Damien Georges, chercheur à la
Fondation Paul ANGO ELA de géopolitique en Afrique Centrale,
« le Golfe de Guinée souffre de l'absence d'une puissance
motrice et mobilisatrice pouvant s'imposer comme le leader incontesté,
de par sa capacité d'influence voire de nuisance, aussi bien au sein
qu'en dehors de ladite zone, apte à s'opposer aux convoitises que
suscite la région. »203(*) Or, pour donner corps et consistance au
système de sécurité collective en émergence, il
importe qu'un leadership, bipolaire ou multipolaire, s'affirme dans la
région. Pour ce faire, nous allons d'abord procéder à
l'analyse des principales forces en présence (A). De cette analyse, nous
dégagerons ensuite la possibilité d'un leadership
collégial structuré autour du tandem Abuja-Yaoundé (B).
A. Analyse des principales forces en
présence
L'analyse des principales forces susceptibles de donner forme
et consistance au système de sécurité commune autonome,
afin de lutter efficacement contre les actes de criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée, ne prendra en compte
que celles des Etats membres de la CGG. Ce choix s'objective par le fait que
c'est la seule organisation de coopération à vocation
sécuritaire qui comprend effectivement divers Etats originaires
d'Afrique centrale et de l'ouest. En effet, il s'agira de décrypter les
atouts et faiblesses du Nigéria, de l'Angola et du Cameroun
principalement204(*)
à l'aune de divers critères d'ordre diplomatique,
socioéconomique et militaire.
S'agissant tout d'abord du Nigéria, ce pays est
généralement perçu comme le leader naturel du golfe de
Guinée, du fait de nombreux atouts qui plaident en sa faveur. En effet,
sur le plan diplomatique, « il a toujours affirmé sa
vocation au leadership (...) ; il revendique un siège de membre
permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU ; il est membre du
Conseil de Paix et de Sécurité de l'UA et l'un des moteurs du
NEPAD ; pilier de la CEDEAO, il se positionne également comme
médiateur dans différents conflits et a créé un
« fonds spécial du Nigéria » domicilié
à la BAD. »205(*) Sur le plan économique, le
Nigéria est le premier producteur africain de pétrole avec en
2010 une production journalière qui s'élevait à 2,4
millions de barils par jour.206(*) Sur le plan militaire, avec un cinquième du
budget de l'Etat alloué aux forces de sécurité, (4,4
milliards d'euros207(*),
soit environ 2886 milliards de FCFA), le Nigéria est la première
puissance armée de la région208(*).
Toutefois, ce pays est « handicapé par le
caractère déplorable de son image de marque : succession de
coups d'Etats, montée de l'islamisme, corruption endémique,
perception comme pays de grande mafia et de blanchiment d'argent, trafic de
stupéfiants, provincialisme et arnaque
internationale. »209(*) Bref, le Nigéria est
considéré comme l'épicentre de toutes les formes de
criminalité dans la région. En effet, avec ses 170 millions
d'habitants dont la majorité est en proie à l'extrême
pauvreté, les bandes criminelles prospèrent grâce à
la mauvaise gouvernance des affaires publiques conjuguée à la
corruption des pouvoirs publics, auxquels s'ajoute une longue histoire de
violence politique dans le Delta du Niger210(*).
Concernant ensuite l'Angola, ce pays est souvent
présenté comme « la puissance de
substitution »211(*) au Nigéria. En effet, situé
à la lisière de l'Afrique centrale et australe, ce pays
présente quelques atouts qui participent de son rayonnement
régional et continental. Pays richement doté de ressources
pétrolières212(*), diamantifères et forestières,
l'Angola mène une « diplomatie
économique »213(*) d'influence dans la région214(*) par le biais de la SONANGOL,
l'entreprise publique qui exploite le pétrole et gère ses
revenus. Sur le plan militaire, avec une armée de plus de 135000 hommes,
bien équipés et aguerris par plus de deux décennies de
guerre civile, l'Angola a une réelle capacité de dissuasion dont
elle s'est servie au cours de divers conflits dans la région215(*).
Cependant, l'Angola reste encore un Etat fragile dont les
fondements peuvent vaciller à tout moment. En effet, pour objectiver sa
puissance, les autorités angolaises se doivent de
« réimplanter l'administration surtout dans les zones
anciennement occupées par l'UNITA, réinsérer les personnes
déplacées et les ex-combattants confinés dans des camps,
restaurer la paix dans le Cabinda, combattre la corruption au sein de la
hiérarchie politique et militaire, diversifier l'économie,
résorber la crise des cadres (...), s'attaquer à la montée
du racisme dans le pays (legs de l'opposition ethno-raciale qui a sous-tendue
la guerre civile angolaise). »216(*)
Enfin, en ce qui concerne le Cameroun, ce pays est
incontestablement présenté comme le leader naturel de l'Afrique
centrale-CEMAC217(*) en
dépit des velléités contestataires de certains de ses
voisins, à l'instar du Gabon et de la
Guinée-Equatoriale218(*). En effet, considéré comme un oasis de
paix et de stabilité politique dans un désert
d'instabilité et de désordre sociopolitiques récurrents,
le Cameroun dispose de nombreux atouts : géographiquement, il
constitue une zone de contact219(*) entre l'Afrique de l'ouest et celle du centre, les
deux sous-régions qui forment le golfe de Guinée ;
diplomatiquement220(*),
membre du conseil de paix et de sécurité de l'UA ainsi que de la
CEEAC, le Cameroun a toujours privilégié le non recours à
la force dans le règlement des conflits221(*) et la coexistence pacifique
des nations ; militairement, avec un budget estimé à 175,353
milliards, les forces de défense camerounaise contribuent aux
opérations de maintien de la paix dans la région222(*) et dans le cadre continental
et onusien. Considérant ce dernier aspect, le Cameroun dispose de
nombreux atouts géophysiques permettant la tenue dans son territoire
d'exercices opérationnels conjoints223(*) de protection et de sécurisation du golfe de
Guinée, permettant ainsi d'entrainer les forces militaires des
différents Etats riverains de la région avec l'appui technique et
financier des partenaires étrangers.
Cependant, le Cameroun « demeure (...)
recroquevillé sur lui-même et ne saurait dès lors
assumer seul ce rôle »224(*) de leader dans le golfe de Guinée. Car,
projeté à cette échelle, le Cameroun s'apparente à
une puissance moyenne qui ne saurait faire cavalier solitaire dans la gestion
efficace de ses nombreuses contraintes sécuritaires. En effet, avec un
effectif évalué à environ 3000 hommes en 2010, le
Bataillon d'Intervention Rapide (BIR), l'unité d'élite
spécialisée dans la lutte contre le grand banditisme et
chargé de la sécurisation des zones frontalières
terrestres et maritimes du territoire, ne semble pas encore en mesure d'assumer
efficacement son rôle225(*) et d'empêcher les attaques menées
envers et contre les intérêts du Cameroun226(*), miné qu'il est par
les querelles intestines propres à l'armée camerounaise227(*).
Au regard de ce qui précède, il ressort que le
leadership régional en matière sécuritaire ne peut
revêtir qu'un caractère dual structuré autour de l'axe
Abuja-Yaoundé. Plusieurs raisons corroborent cette option.
B. Configuration et effets escomptés d'un
leadership bipolaire structuré autour de l'alliance228(*) Abuja-Yaoundé
L'analyse faite des principales forces susceptibles de donner
corps et consistance à un système autonome de
sécurité collective, à même de prévenir et de
lutter efficacement contre les actes de criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée, permet d'aboutir au
constat de « l'improbable légitimation d'un leader
solitaire »229(*) dans la région. Dès lors, ce
système devrait être garanti par un leadership bipolaire
structuré autour de l'alliance Abuja-Yaoundé230(*). Plusieurs raisons militent
en effet pour cette approche :
Tout d'abord, pour des raisons d'ordre affectif. En effet, le
Nigéria et le Cameroun sont deux pays unis par l'histoire231(*) et la
géographie232(*).
Mais pour des raisons de souveraineté et de fierté nationales,
ces deux pays ont entretenu des relations dominées par la
méfiance233(*)
parce qu'ayant été opposés durant quatre décennies
au sujet du différend autour de la délimitation de leurs
frontières terrestre et maritime, trivialement connu sous l'appellation
de conflit de Bakassi234(*). La résolution pacifique de ce
différend a rehaussé la qualité de l'image des deux pays
au niveau international et augure de l'établissement d'une meilleure
coopération consulaire et sécuritaire basée sur le respect
mutuel et le partage d'informations.
Ensuite pour des raisons d'ordre strictement
sécuritaire, il convient de relever que les frontières terrestre
et maritime partagées par ces deux Etats entre eux d'une part235(*) et avec les autres pays
voisins d'autre part236(*) peuvent être considérées comme
des espaces de criminalité paroxysmique. Dès lors, ces deux pays
sont condamnés à coopérer étroitement pour pouvoir
juguler le phénomène de la criminalité
transfrontalière qui menace de porter atteinte à leurs
intérêts vitaux.
Enfin pour des raisons d'ordre géopolitique, ces deux
Etats sont les deux leaders objectifs de leurs arrière-cours
régionale237(*)
et sous régionale238(*) respectives, quoiqu'à géométrie
variable239(*). Leur
situation privilégiée au sein de ces zones d'influence offre une
plus grande légitimité à ce tandem dans l'exercice
conjoint du leadership dans le golfe de Guinée.
De ce qui précède, la configuration de ce
leadership bipolaire légitimé autour de l'axe
Abuja-Yaoundé pourrait s'articuler de la manière
suivante :
- Au niveau bilatéral et régional, le
Nigéria et le Cameroun doivent encourager les ententes entre voisins
directs afin de favoriser une coopération étroite entre les
autorités maritimes et terrestres et les forces de police en
matière de lutte contre la criminalité transfrontalière.
Pour ce faire, ils doivent organiser à brève
échéance des opérations de surveillance conjointe de leurs
frontières communes, notamment l'étendue de l'opération
Prosperity240(*) entre
le Nigéria et le Bénin aux eaux togolaises ; la
création d'une patrouille mixte permanente entre le Cameroun et le
Nigéria au niveau de leurs frontières communes et la remise
à jour de la PAMINT dans le cadre de la CBLT. De même, ils doivent
participer pleinement aux efforts de la CEEAC et de la CEDEAO visant à
définir une vision stratégique globale et transversale de la
sécurité maritime et terrestre et mutualiser leurs ressources.
- Au niveau interrégional, les deux Etats doivent
oeuvrer pour la signature du Mémorandum d'entente entre la CEEAC et la
CEDEAO à l'appui de la sécurité maritime régionale
dans la région maritime de l'Afrique centrale et de l'ouest, ainsi que
l'Accord multilatéral relatif à la coopération visant
à éradiquer les activités illicites dans la région
maritime de l'Afrique de l'ouest et du centre. Dans cette logique, le
Nigéria et le Cameroun doivent favoriser la constitution du centre
d'échange d'informations sur le commerce maritime (MTISC), en cours
d'établissement au Ghana, un instrument de collecte et de diffusion
d'information pour tous les Etats du golfe de Guinée, tout en faisant du
centre régional de formation à la sécurité maritime
prévu par la CEEAC un centre de dimension interrégionale. Tous
ces centres, afin d'optimiser leur efficacité sur le terrain, doivent
élargir leurs champs de compétences aux aspects terrestres de la
criminalité et être placés sous la coordination
institutionnelle de la CGG préalablement restructurée.
L'édification d'un système de
sécurité collective matérialisé par l'adoption
d'une vision stratégique de sécurité commune, mise en
oeuvre par un leadership bipolaire incarné par l'axe
Abuja-Yaoundé, serait sans doute le préalable à toute
possibilité de coopération sécuritaire efficace dans le
golfe de Guinée dont la concrétisation effective nécessite
la contribution de la communauté internationale241(*).
SECTION II : LA NÉCESSAIRE CONTRIBUTION DE
LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
Etant donné les effets septicémiques possibles
des nouvelles menaces sécuritaires localisées dans le golfe de
Guinée pour le reste du monde242(*), les réponses à y apporter ne peuvent
plus seulement faire l'objet d'une réflexion et d'une mobilisation des
Etats riverains, fussent-elles régionales. Désormais, pour la
recherche de solutions pérennes et adaptées, l'apport de la
communauté internationale est plus que nécessaire. Car
« les Etats du golfe de guinée ne seront pas en mesure de
surmonter les défis posés par l'insécurité maritime
(et terrestre) sans le soutien des partenaires
internationaux »243(*). Dans ce sens, ce soutien pourrait prendre la forme
de réponse politique (Paragraphe I) et d'appui technico-financier
(Paragraphe II).
Paragraphe I: La réponse politique attendue de la
communauté internationale
Dans l'optique de sécuriser et de consolider leurs
intérêts stratégiques dans le golfe de Guinée, les
puissances étrangères ont mis en oeuvre diverses
stratégies qui n'assurent pas toujours la sécurité de
cette région avec succès. Ceci s'explique notamment par l'absence
d'une vision homogène de sécurisation effective et efficace des
zones frontalières de la région qui transcende l'approche
strictement sécuritaire244(*).
En effet, ces stratégies sont principalement l'oeuvre
de trois acteurs dominants : la France, les Etats-Unis et la Chine. Si les
Etats-Unis misent sur la sécurisation militaire avec AFRICOM comme
cheval de Troie, et la France sur leurs liens traditionnels et l'aide au
développement, la Chine quant à elle troque des infrastructures
contre l'exploitation des ressources. Seulement, il se pose le problème
de l'incompatibilité des intérêts de ces acteurs quant au
renforcement de la sécurité de la région245(*).
C'est sans doute pour remédier à ce
défaut qu'il convient d'interpréter l'action de la
communauté internationale, à travers le Conseil de
Sécurité de l'ONU (CS/ONU), en faveur d'une sécurisation
participative des espaces maritimes du Golfe de Guinée. En effet, le
CS/ONU a adopté la résolution N° 2039 le 29 Février
2012, en vue de recommander la tenue imminente d'un sommet des Chefs-d'Etat et
de gouvernement pour favoriser la réflexion sur les solutions
pérennes permettant de juguler le phénomène de la
piraterie maritime et des vols à main armée en mer dans le golfe
de Guinée, ainsi qu'à toutes les autres menaces transversales,
régionales et transfrontalières. La tenue effective de ce sommet
permettrait certainement d'apporter une réponse politique de la
communauté internationale, en rapport avec la vision des Etats et des
organisations du Golfe de Guinée. A condition que ces derniers aient
accordé leurs violons dans le sens de l'adoption d'une vision
stratégique uniforme intégrant toutes les formes de
criminalité qui sévissent dans la région et les meilleurs
moyens de les éradiquer.
L'adoption d'un plan stratégique international
constituerait donc une feuille de route permettant une synergie d'actions entre
acteurs endogènes et exogènes de la région du golfe de
Guinée. Cette réponse politique devrait donc ainsi induire la
mobilisation facile de l'appui technique et financier international en
direction des opérations de prévention et de lutte contre la
criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée.
Paragraphe II : La mobilisation de l'appui
technico-financier de la communauté internationale : gage
d'efficacité
La mobilisation de l'appui technico-financier de la
communauté internationale nous semble être le support
indéniable à la sécurisation effective du Golfe de
Guinée. Car, elle permettrait de mettre à la disposition des
structures opérationnelles de prévention et de lutte contre
toutes les formes de criminalité qui prolifèrent dans la
région, des moyens technologiques de pointe tout en mettant à
leur disposition l'expertise technique246(*) et les ressources financières
conséquentes.
Pour ce faire, il faudrait que la communauté
internationale, sous l'égide de l'ONU, des Etats-Unis et de la France,
multiplient les exercices d'entrainement et de perfectionnement aux techniques
de combat et d'intervention aérospatiales, navales et terrestres
à l'endroit des forces opérationnelles du golfe de Guinée.
Ces exercices devraient intégrer les troupes de tous les Etats du golfe
de Guinée, sans conditionnalités liées au respect ou non
des règles de démocratie, de bonne gouvernance ou encore des
droits de l'Homme247(*).
Car, l'objectif ici est de doter les Etats de capacités techniques
opérationnelles leur permettant de participer à la pleine
sécurisation efficace de cet espace. Or, l'exclusion de certains Etats
de ces exercices pourrait servir de terreau fertile aux criminels qui
pourraient aller y constituer leurs bases arrière, du fait de leurs
faiblesses. Dès lors, on devrait inéluctablement s'acheminer vers
un partage de rôles entre les Etats-Unis, la France et l'ONU.
« Les premiers s'occuperaient de la sécurité
maritime tandis que l'assistance de la seconde prendrait la forme d'un soutien
militaire logistique aérien et terrestre. »248(*) Tandis que l'ONU,
à travers l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime
(ONUDC) en partenariat avec Interpol249(*), devraient fournir conseil et assistance pour le
suivi des flux financiers aux Etats du golfe de Guinée dans le cadre des
enquêtes sur les organisations de pirates, de bandes criminelles et sur
le trafic des hydrocarbures. Cette répartition des rôles devrait
être coordonnée par une structure opérationnelle
spécialisée, la CGG réformée250(*) à l'occurrence, pour
leur donner une cohérence et un sens.
Quant à l'appui financier, la communauté
internationale devra proportionner son assistance aux capacités
d'absorption de la future structure opérationnelle de prévention
et de lutte contre la criminalité transfrontalière dans le golfe
de Guinée et aligner cet appui sur les priorités de paix et de
sécurité adoptée dans la vision stratégique de
sécurité collective de la région du golfe de
Guinée. Pour ce faire, il convient de créer un fonds
international, alimenté par les centimes additionnels
prélevés sur les bénéfices des compagnies
multinationales qui exploitent les richesses naturelles de la région
ainsi que par les dotations annuelles des grandes puissances et autres
partenaires multilatéraux, pour le financement des besoins de
sécurisation du golfe de Guinée.
En fin de compte, la sécurisation effective et efficace
du golfe de Guinée nécessite la conjugaison d'un certain nombre
de réformes de dimension régionale appuyées par un soutien
international coordonné. Ces actions devraient aboutir à la
mutualisation des forces, des moyens et des ressources disponibles, afin de
conférer une effectivité et une efficacité à la
coopération sécuritaire déployée dans le cadre de
la prévention et la lutte contre la criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée.
Conclusion de la deuxième partie
Ce second volet de notre analyse nous a amené à
vérifier l'hypothèse selon laquelle les voies de renforcement de
la coopération sécuritaire passeraient à la fois par la
modernisation de la gouvernance des espaces transfrontaliers et la
concrétisation d'un système autonome de sécurité
collective dans le golfe de Guinée. Car, comme nous l'avons sous-entendu
dans le premier acte de nos recherches, à mesure que l'importance
stratégique du golfe de Guinée s'est accrue avec la
découverte de nombreuses richesses de l'industrie extractive, cette
région est devenue, après le golfe d'Aden aux larges des cotes
somaliennes, « la nouvelle zone à haut
risque »251(*) pour la sécurité nationale,
régionale et internationale.
De ce fait, si jusqu'ici les différentes initiatives,
tant endogènes252(*) qu'exogènes253(*), n'ont pas suffisamment permis d'endiguer et de
juguler les risques sécuritaires relatifs à la
prolifération du phénomène de la criminalité
transfrontalière dans cette région, certaines mesures s'imposent
désormais sur l'agenda politique régionale et internationale.
Celles-ci concernent globalement la nécessité d'adopter une
approche inclusive de lutte contre ce phénomène qui
transcenderait les réponses exclusivement sécuritaires, afin de
mieux s'attaquer à ses racines profondes ; et le renforcement de la
coopération sécuritaire régionale avec le soutien de la
communauté internationale, par la définition de nouveaux
instruments de coopération bilatérale et multilatérale
permettant de doter la région d'un système autonome de
sécurité collective effective, gage d'efficacité.
Dès lors, seules la mutualisation et la mise en
cohérence desdites initiatives, à travers leur pleine
coordination, constituent aujourd'hui l'horizon indépassable de la
coopération sécuritaire dans le golfe de Guinée. A
défaut, la criminalité transfrontalière pourrait continuer
d'essaimer dans la région jusqu'à atteindre un seuil critique
comparable à celui-ci du golfe d'Aden.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Tout au long de nos recherches, nous avons
étudié le sujet suivant : La coopération
sécuritaire face au défi de la criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée : état des
lieux et esquisse de solution. Cette étude s'est
structurée autour de la question de savoir : comment renforcer la
coopération sécuritaire au regard de l'enracinement et de la
recrudescence des pratiques de criminalité transfrontalière dans
le golfe de Guinée?
Pour répondre à cette question, nous avons
émis deux hypothèses :
1- Les difficultés de mise en oeuvre de la
coopération sécuritaire seraient un facteur déterminant
d'enracinement et de recrudescence des actes de criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée.
2- Les voies de renforcement de la coopération
sécuritaire passeraient à la fois par la modernisation de la
gouvernance des zones transfrontalières et par la concrétisation
d'un système autonome de sécurité collective dans le golfe
de Guinée
De ce fait, concernant la première hypothèse,
nous avons effectivement vérifié, à l'épreuve des
faits, les difficultés de mise en oeuvre de la coopération
sécuritaire comme un facteur déterminant d'enracinement et de
recrudescence de la criminalité transfrontalière dans le golfe de
Guinée. Ces difficultés se matérialisant par la faillite
de l'Etat du golfe de Guinée dans la gestion de ses contraintes
sociopolitiques, économiques et sécuritaires internes et
l'inadéquation des initiatives actuelles de prévention et de
lutte contre la criminalité transfrontalière dans le golfe de
Guinée. Ce qui a contribué à l'apparition et à la
professionnalisation d'entrepreneurs privés du crime et de la violence
armée dans cette région.
De même, la seconde hypothèse a également
été vérifiée par le renforcement de la
coopération sécuritaire entre les Etats dans le golfe de
Guinée. Et ce, à travers une meilleure compréhension des
facteurs d'ordre économique, sociopolitique et sécuritaire de
multiplication de la criminalité transfrontalière dans la
région, en vue de l'édification d'un système autonome de
sécurité collective dans le golfe de Guinée pouvant rendre
cette coopération sécuritaire plus efficace. Seule
l'érection de ce système, comme cadre de concertation inclusive
interrégionale avec la participation et le soutien effectifs des
partenaires étrangers, pourrait conférer une plus grande
efficacité à la coopération sécuritaire dans la
prévention et la lutte contre les actes de criminalité
transfrontalière dans le golfe de Guinée.
En tout état de cause, la coopération
sécuritaire dans le golfe de Guinée pourrait demeurer inefficace
si les priorités ne sont pas définies, les initiatives
rationnalisées et la mutualisation des efforts, qui intègrerait
toutes les dimensions de la criminalité transfrontalière
identifiées dans la région, réalisée.
En somme, en nous engageant dans cette aventure
intellectuelle, nous l'avons fait en étant imprégné de
l'assertion de Christophe COLOMB selon laquelle : « On
ne va jamais aussi loin que lorsqu'on ne sait pas où l'on
va. » De ce fait, nous espérons n'avoir pas travesti
l'objectif téléologique noble que nous nous étions
assigné au début de cette étude, à savoir
contribuer à la réflexion sur les difficultés de mise en
oeuvre de la coopération sécuritaire entre les Etats dans le
golfe de Guinée ainsi que les voies et moyens de mieux la renforcer.
Davantage, nous espérons avoir poussé la réflexion
suffisamment loin sur la meilleure façon d'articuler et de rendre plus
efficace la coopération sécuritaire, afin qu'elle relève
effectivement et efficacement le défi de la prévention et de la
lutte contre la criminalité transfrontalière dans la
région.
In fine, au regard de ce qui précède, le golfe
de Guinée constitue désormais une surface de jeux et surtout un
espace d'enjeux. Dès lors, nous recommandons aux décideurs et
acteurs institutionnels chargés de la gestion quotidienne des
problématiques de paix et de sécurité dans la
région de s'approprier les principales voies de solution auxquelles nous
avons abouti, afin que la sécurisation effective et efficace de celle-ci
soit érigée en enjeu de stabilité sociopolitique et de
viabilité économique de ses Etats riverains en particulier et de
l'Afrique en général.
ANNEXES
ANNEXE A : CARTE DU GOLFE DE GUINEE
251652608
ANNEXE C
Source : International Crisis Group, Le Golfe de
Guinée : la nouvelle zone à haut risque, Rapport Afrique
N°195, Dakar/Naibori/Bruxelles, 12 décembre 2012
ANNEXE B : CARTE DES ZONES MARITIMES DE LA
CEEAC
Source : International Crisis Group, Le Golfe de
Guinée : la nouvelle zone à haut risque, Rapport Afrique
N°195, Dakar/Naibori/Bruxelles, 12 décembre 2012
ANNEXE C
Indications bibliographiques
I- Ouvrages
A- Ouvrages
généraux :
- BADIE, Bertrand, L'Etat importé. L'occidentalisation
du monde, Paris, Fayard, 1992.
- BANGOURA, Dominique (sous la direction de), L'Union
africaine face aux enjeux de paix, de sécurité et de
défense, Paris, l'Harmattan, 2003, 253 P.
- BAYART, Jean-François, L'Etat en Afrique. La
politique du ventre, Paris, l'Harmattan, 1989.
- BAYART, Jean-François et al, La criminalisation de
l'Etat en Afrique, Bruxelles, Editions Complexe, 1997, 167 p.
- BSR/AC, Les économies de l'Afrique Centrale,
Dijon-Quevigny, Je publie, 2009.
- CHARILLON, Frédéric (sous la direction de),
Les relations internationales, Paris, les notices, 2008.
- DE RIVERO, Oswaldo, Le mythe du développement. Les
économies non-viables du XXIème siècle, Tunis, Editions
CERES, 2003, 240 P.
- KAMTO, Maurice (sous la direction de), L'Afrique dans un
monde en mutation. Dynamiques internes ; marginalisation
internationale ?, Yaoundé, Afrédit, 2010, 354 P.
- KOUNOU, Michel, Le panafricanisme : De la crise
à la renaissance. Une stratégie globale de reconstruction
effective pour le troisième millénaire, Yaoundé, Editions
Clé, 2007, 600 P.
- KOUNOU, Michel, Pétrole et pauvreté au sud du
Sahara. Analyse des fondements de l'économie politique du pétrole
dans le Golfe de Guinée, Yaoundé, Editions Clé, 2006.
- NTUDA EBODE, Joseph Vincent (sous la direction de), La
gestion coopérative des ressources transfrontalières en Afrique
Centrale : Quelques leçons pour l'intégration
régionale, CREPS-FES, Yaoundé, Editions Clé, 2011, 184
P.
B- Ouvrages
spécialisés:
- EWANGUE, Jean Lucien (sous la direction de), Enjeux
géopolitiques en Afrique Centrale, Paris, l'Harmattan, 2009, 426 P.
- FOGUE TEDOM, Alain, Enjeux géostratégiques et
conflits politiques en Afrique Noire, Paris, l'Harmattan, 2008, 420 P.
- NTUDA EBODE, Joseph Vincent (sous la direction de),
Terrorisme et piraterie : De nouveaux défis sécuritaires en
Afrique Centrale, CREPS-FES, Yaoundé, Presses Universitaires d'Afrique,
2010, 241 P.
- ONANA MFEGUE, André-Hubert, Le Cameroun et ses
frontières : une dynamique complexe, Paris, l'Harmattan, 2004, 286
P.
II- Rapports et mémoires
académiques
- DOURIANG DOMGA Michel, La défense militaire des iles
camerounaises du Lac Tchad, mémoire du CREPS, Septembre 2010, 68 P.
- MENDANA MBATAMA Patricia Carine, Le Nigéria et ses
voisins (Cameroun, Niger, Tchad) face à la menace BOKO HARAM,
mémoire du CREPS, Année académique 2010-2011, 78 P.
- OWONA ALIMA Kisito Marie, La prolifération des ALPC
en Afrique Centrale : Etude du phénomène et critique des
mécanismes de contrôle de ces armes, mémoire du CREPS,
Année académique 2006-2007, 91 P.
- SUYRU Vernuy Eric, L'état des lieux des
législations nationales en matière de lutte contre la
cybercriminalité en Afrique Centrale, Rapport de stage académique
effectué au BSR-AC de la CEA, IRIC, Année académique
2010-2011, 30 P.
- TCHIBAYINGA Sorelle, L'appui de l'UE au renforcement des
capacités de sécurité collective africaines,
mémoire de l'IRIS, 2010.
III- Articles, revues, communications et
séminaire
A- Articles et revues:
- Anatole AYISSI, « Illusoire interdiction de coups
d'Etat », Le monde diplomatique (Manière de voir),
N°51.
- Cameroon Tribune, édition spéciale BAKASSI,
N°9161/5360, 14 Aout 2008.
- Cameroon Tribune, N°9887, 14 Juillet 2011.
- Collette BRAECKMAN, « La République
Démocratique du Congo dépecée par ses voisins »,
Le monde diplomatique, N°547, Octobre 1997.
- Yves-Alexandre CHOUALA, « Conjoncture
sécuritaire, champ étatique et ordre politique au Cameroun :
Eléments d'analyse anthropo-politiste d'une crise de l'encadrement
sécuritaire et d'un encadrement sécuritaire de crise »,
Polis, RCSP, Vol.8, N°Spécial, 2001.
- Gérard CONAC, « L'Afrique et la science
politique », in Revue Mondes et Cultures, XLI-4, 20 novembre 1981,
PP. 711-733.
- Elf, fric, politique et pétroleuse... l'empire
d'essence, enquête sur un super scandale d'Etat, Les dossiers du Canard
enchainé, Mars 1998, 98 P.
- Christian GEFFRAY, « Etat, richesse et
criminels », in Michel SCHIRAY (sous la direction de), Trafic de
drogues et criminalités économiques, Paris et Bruxelles, Mondes
en Développement, 2000, PP.15-30.
- Jeune Afrique, « Au secours ! Les
américains débarquent... », N°2428, Sept-Oct.
2007.
- Jeune Afrique, « L'ilot de la
discorde », 3 Mars 2O11.
- Jeune Afrique, « Le Nigéria est-il
gouvernable ? », N°2663, du 22 au 28 Janvier 2012.
- Philippe LEYMARIE, « Sous le choc de la
révolution congolaise », Le monde diplomatique, Juillet
2007.
- Michel LUNTUMBUE, Insécurité maritime dans le
golfe de Guinée : vers une stratégie régionale
intégrée ?, Note d'analyse du GRIP, Bruxelles, 31
décembre 2012, 13 P.
- Philippe MARCHESIN, « Mitterrand
l'africain », Politique Africaine n°58, Paris, Karthala, Juin
1995.
- Achille MBEMBE, « Du gouvernement privé
indirect », Dakar, CODESRIA, 1999.
- Jean-François MEDARD, « L'Etat
néopatrimonial en Afrique noire », in Jean-François
MEDARD (sous la direction de), Etats d'Afrique : formation,
mécanismes, crise, Paris, Karthala, 1991, PP.323-353.
- Jean-François MÉDARD, La crise de
l'État néo-patrimonial et l'évolution de la corruption en
Afrique sub-saharienne, in Mondes en Développement, XXVI, 1998, PP.
56-67.
- Joseph Vincent NTUDA EBODE, « Les enjeux
pétroliers du Golfe de Guinée », Diplomatie Magazine,
N°8, Paris, 2004.
- Issa SAIBOU, « Le mécanisme
multilatéral de la CBLT pour la résolution des conflits et de la
sécurité dans le bassin du Lac-Tchad », Enjeux, FPAE,
Décembre 2004.
- Issa SAIBOU, « La prise d'otages aux confins du
Cameroun, de la Centrafrique et du Tchad : une nouvelle modalité du
banditisme transfrontalier », Polis, RCSP, Vol.1-2.
- Mwayila TSHIYEMBE, « La science politique
africaniste et le statut théorique de l'Etat africain : un bilan
négatif », disponible sur www.google.fr
- Alex de WALL, « Crises africaines et interventions
internationales : en toute impunité humanitaire », Le
monde diplomatique, Avril 1998.
- Bulletin du CREPS, N°001, Janvier 2012.
- Honneur et Fidélité, Magazine des Forces de
Défense Camerounaises, N° Spécial 20 Mai 2009.
B- Communications et
séminaire :
- AWOUMOU Côme Damien Georges, Le golfe de
Guinée face aux convoitises, communication, Assemblée du
CODESRIA, Maputo, 2005.
- Georges NZONGOLA-NTALAJA, La dynamique des conflits en
Afrique Centrale. Acteurs et processus, communication, 14ème
Congrès biennal de l'Association Africaine de Science Politique, Durban,
Juin 2012.
- Frédéric HERAN, La réalisation d'un
document scientifique, mémoire de DEA, thèse, article...,
séminaire méthodologique de l'école doctorale des sciences
économiques et sociales, Université de Lille I, 2003
IV- Rapports
institutionnels :
- Rapport final du groupe des experts de l'ONU sur
l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de
la République Démocratique du Congo, Conseil de
Sécurité, Nations Unies, 16 Octobre 2002.
- Rapport du Secrétaire Général sur les
activités du Bureau Régional des Nations Unies pour l'Afrique
Centrale et les zones où sévit l'Armée de
Résistance du Seigneur, Conseil de Sécurité, Nations
Unies, 11 Juin 2012.
- Rapport du Secrétaire Général sur les
activités du Bureau régional des Nations Unies pour l'Afrique de
l'Ouest, Conseil de Sécurité, Nations Unies, 30 Décembre
2011.
- AG/ONU, 2009, Traité sur le commerce des armes, A/C,
1/64/L. 38/Rev.1. , 28 Octobre 2009.
- « Projet de programme frontière de la
CEEAC », rapport de la CEEAC présenté à
l'atelier des experts, 21-23 Mai 2009.
- International Crisis Group, Cameroun : les dangers d'un
régime en pleine fracture, Rapport Afrique N°161, Dakar/Bruxelles,
24 Juin 2010, 31 P.
- International Crisis Group, Mettre en oeuvre l'architecture
de paix et de sécurité (I) : l'Afrique Centrale, Rapport
Afrique N°181, Nairobi-Bruxelles, 7 Novembre 2011, 41 P.
- International Crisis Group, Le golfe de Guinée :
la nouvelle zone à haut risque, Rapport Afrique N°195,
Dakar/Nairobi/Bruxelles, 12 Décembre 2012, 46 P.
- Jason IPE et al, La mise en oeuvre de la stratégie
anti-terroriste mondiale de l'ONU en Afrique de l'Ouest, Rapport du Center on
Global Counterterrorism Cooperation, 2010, 36 P.
V- Atlas, dictionnaires et lexique
- Atlas de l'Afrique (2011), Paris, les éditions du
Jaguar, Décembre 2010, 255 P.
- Dictionnaire de français Larousse, Paris, 2008.
- Philippe MOREAU DEFARGES, Dictionnaire de
géopolitique, Paris, Armand Colin, 2002, 188 P.
- Marie-Claude SMOUTS et al, dictionnaire des relations
internationales. Approches- concepts- doctrines, Paris, Dalloz,
2ème édition, 2006, 553 P.
- Raymond GUILLIEN et al, Lexique des termes juridiques,
Paris, Dalloz, 14ème édition, 2003.
VI- Liens
électroniques :
- www.africa-union.org
- www.cameroon-tribune.cm
- www.ceeac-eccas.org
- www.congopage.com
- www.fpae.net
- www.google.fr
- www.grip.org
- www.hrw.org
- www.icc-ccs.org
- www.lemondediplomatique.fr
- www.mémoireonline.com
- www.rfi.fr
- www.un.org
Table des matières
Sommaire...................................................................................................i
Dédicaces...................................................................................................ii
Remerciements............................................................................................iii
Abstract.....................................................................................................iv
Abréviations, acronymes et sigles
utilisés..............................................................v
Introduction
générale.....................................................................................1
Première partie : Les difficultés de mise
en oeuvre de la coopération sécuritaire : un facteur
d'enracinement et de recrudescence des actes de criminalité
transfrontalière dans le golfe de
Guinée......................................................................................................17
Chapitre I : La faillite de l'Etat dans le golfe de
Guinée : un facteur structurant de multiplication des actes de
criminalité transfrontalière
...........................................18
Section I : De la faillite de l'Etat du golfe de
Guinée : sens et contenu...............................19
Paragraphe I : Considérations
générales sur la faillite de l'Etat du golfe de
Guinée............19
A- Approches théoriques sur la faillite de l'Etat du
golfe de Guinée........................20
B- Symptômes empiriques sur la
désagrégation de l'Etat du golfe de
Guinée..............22
Paragraphe II : Expressions et acteurs de la
criminalité transfrontalière dans le golfe de
Guinée......................................................................................................24
A- La criminalité de conviction : une
criminalité à connotation politique...................25
B- La criminalité de situation : une
criminalité de subsistance économique................27
Section II : Les répercussions de la
désintégration de l'Etat dans le golfe de Guinée :
entre instabilité politique et insécurité
régionale............................................................30
Paragraphe I : Contrôle des ressources naturelles
et privatisation de la violence
politico-armée.......................................................................................................31
A- Revendications d'ordre communautariste, guerre des
ressources et entreprenariat
politique..........................................................................................31
B- Prédation de l'oligarchie politico-militaire et
criminalisation de l'Etat..................33
Paragraphe II : Les effets de l'extension
régionale de l'insécurité dans le golfe de
Guinée...35
A- L'absence d'un climat de paix, sécurité et
stabilité dans le golfe de Guinée............35
B- La lente évolution des processus
d'intégration régionale engagés dans le golfe de
Guinée.............................................................................................38
Chapitre II : L'inadéquation des initiatives
actuelles de lutte contre la criminalité transfrontalière dans le
golfe de
Guinée...............................................................41
Section I : Les limites des initiatives souverainistes de
lutte contre la criminalité dans le golfe de
Guinée..................................................................................................42
Paragraphe I : L'échec des politiques solitaires
nationales de sécurisation des zones frontalières dans le golfe
de
Guinée....................................................................42
A- Un environnement politico sécuritaire imbibé
de méfiance et de défiance entre Etats de la
région..........................................................................................43
B- L'insuffisance des capacités internes des Etats
à assurer efficacement la sécurité de leurs zones
frontalières
.........................................................................45
Paragraphe II : Les limites des initiatives
concertées de lutte contre la criminalité transfrontalière
dans le golfe de
Guinée..............................................................46
A- La prolifération d'initiatives de coopération
sécuritaire dépourvues de cohérence homogène :
facteur
d'inefficacité.............................................................46
B- Le poids de l'extérieur : la
sécurisation du golfe de Guinée sous influence
étrangère..........................................................................................49
Section II : Les défauts techniques de conception
et de mise en oeuvre des initiatives de lutte contre la criminalité
dans le golfe de
Guinée.........................................................51
Paragraphe I : Une conception plurielle insuffisamment
coordonnée.............................51
A- L'absence d'une structure homogène unique de
coordination des initiatives de lutte contre la criminalité dans le
golfe de Guinée................................................52
B- Le traitement asymétrique des expressions de la
criminalité dans le Golfe de
Guinée.............................................................................................53
Paragraphe II : Une mise en oeuvre opérationnelle
des initiatives aux résultats peu
probant.....................................................................................................55
A- Le défaut d'un droit de poursuite automatique entre
les Etats concernés...............56
B- La problématique de l'incohérence des
systèmes militaires à l'oeuvre dans la sécurisation du
Golfe de
Guinée..............................................................57
Conclusion de la première
partie.......................................................................59
Deuxième partie : Les voies de renforcement de la
coopération sécuritaire entre les Etats dans le golfe de
Guinée : Moderniser la gouvernance des espaces transfrontaliers et
concrétiser un système autonome de sécurité
collective.......................................................................60
Chapitre III : Moderniser la gouvernance des zones
frontalières nationales : Coupler les reformes économique et
sociopolitique aux solutions
sécuritaires.................................61
Section I : Engager des réformes structurelles de
long terme.......................................62
Paragraphe I : Au niveau
économique.................................................................62
A- Moderniser la gouvernance des ressources
publiques......................................63
B- Stimuler le développement des régions
défavorisées.......................................65
Paragraphe II : Au niveau
sociopolitique..............................................................66
A- Offrir d'autres alternatives aux
jeunes........................................................66
B- Promouvoir la culture de la
paix...............................................................68
Section II : Se doter de politiques sécuritaires
adaptées.............................................69
Paragraphe I : Renforcer l'action de sécurisation
de l'Etat sur terre et en mer..................70
A- Mettre en place un comité interministériel en
charge des questions sécuritaires maritime et
terrestre.............................................................................70
B- Réduire les facteurs générateurs de
conflits et de criminalité aux frontières.........72
Paragraphe II : Combattre fermement les
criminels.................................................74
A- La dissuasion des
criminels.....................................................................75
B- La poursuite et la mise aux arrêts des
criminels..............................................76
Chapitre IV : La concrétisation d'un
système autonome de sécurité collective : un moyen de
renforcement de la coopération sécuritaire entre les Etats dans
le golfe de Guinée............78
Section I : De la construction d'un système
autonome de sécurité collective dans le golfe de
Guinée.....................................................................................................
79
Paragraphe I : Faire des Etats de la région les
acteurs responsables de leur propre sécurité...79
A- Adopter une vision stratégique commune et
intégrée : définir les priorités et
rationnaliser les initiatives en cours de mise en
oeuvre.....................................79
B- Mutualiser et coordonner les
ressources......................................................82
Paragraphe II : De l'appel d'un leadership
régional garant du système de sécurité collective
dans le golfe de
Guinée..................................................................................84
A- Analyse des principales forces en
présence..................................................84
B- Configuration et effets escomptés d'un leadership
bipolaire structuré autour de l'alliance
Abuja-Yaoundé......................................................................88
Section II : La nécessaire contribution de la
communauté internationale........................91
Paragraphe I : La réponse politique attendue de la
communauté internationale................91
Paragraphe II : La mobilisation de l'appui
technico-financier de la communauté
internationale..............................................................................................93
Conclusion de la deuxième
partie......................................................................95
Conclusion
générale......................................................................................96
Annexes....................................................................................................99
Indications
bibliographiques...........................................................................103
Table des
matières.......................................................................................109
* 1 Marc-Louis ROPIVIA,
« criminalité et activités illicites dans le Golfe de
Guinée : interprétation critique et typologie »,
in Joseph Vincent NTUDA EBODE (sous la direction de), Piraterie et
Terrorisme : de nouveaux défis sécuritaires en Afrique
Centrale, Presses Universitaires d'Afrique, Yaoundé, 2010, 241P.
* 2 Voir les termes complets
dudit communiqué en Annexe C.
* 3 La dernière
réunion a désigné le Cameroun comme pays hôte dudit
Sommet des Chefs d'Etats de la région sur la question, prévu
courant Avril 2013.
* 4 Voir notamment, Alex de
WALL, « crises africaines et interventions internationales : en
toute impunité humanitaire », Le monde diplomatique, Avril
1998 ; Anatole AYISSI, « Illusoire interdiction de coups
d'Etat », Le monde diplomatique (Manière de voir) N°
51 ; Philippe LEYMARIE, « sous le choc de la
révolution congolaise », Le monde diplomatique, Juillet 2007.
* 5 Elf, fric, politique,
barbouze et pétroleuse... l'empire d'essence, enquête sur un super
scandale d'Etat, Paris, Les dossiers du canard enchainé, Mars 1998,
98P. ; Collette BRAECKMAN, « la République
Démocratique du Congo dépecée par ses voisins »,
Le monde diplomatique, N° 547, Octobre 1997, PP 16-17 ; Achille
MBEMBE, « Du gouvernement privé indirect », Dakar,
CODESRIA, 1999 ; Alain FOGUE TEDOM, histoire diplomatique, extraversion
étatique et conflits politiques en Afrique noire. Approche
stratégique des conflits politiques et analyse des enjeux autour de la
sécurité en Afrique noire, Thèse de Doctorat nouveau
régime soutenue le 12 Décembre 2002, IEP de Strasbourg, 381P et
Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique Noire,
Paris, l'Harmattan, 2008, 420 P. ; Michel KOUNOU, Pétrole et
pauvreté au sud du Sahara. Analyse des fondements de l'économie
politique du pétrole dans le golfe de Guinée, éditions
Clé, Yaoundé, 2006, 165P. ; Yves Alexandre CHOUALA,
« criminalité organisée et insécurité au
Cameroun », in Jean Lucien EWANGUE (sous la direction de), Enjeux
géopolitiques en Afrique Centrale, Paris, l'Harmattan, 2009, PP.
299-305. ; Issa SAIBOU, « la prise d'otages aux confins du
Cameroun, de la Centrafrique et du Tchad : une nouvelle modalité du
banditisme transfrontalier », in Polis, RCSP, Vol. 1-2, 2006.
* 6 Joseph Vincent NTUDA
EBODE, « Les enjeux pétroliers du Golfe de
Guinée », Diplomatie Magazine, N°8, Paris, 2004 ;
AWOUMOU Côme Damien Georges, « Le Golfe de Guinée face
aux convoitises », Maputo, communication du CODESRIA, 2005. ;
Jean-Lucien EWANGUE (sous la direction de), Enjeux géopolitiques en
Afrique Centrale, op.cit.
* 7 Joseph Vincent NTUDA
EBODE (sous la direction de), Piraterie et Terrorisme : De nouveaux
défis sécuritaires en Afrique Centrale, op.cit. ; Issa
SAIBOU, « Le mécanisme multilatéral de la CBLT pour la
résolution des conflits et de la sécurité dans le Bassin
du Lac Tchad », in Enjeux, FPAE, décembre 2004.
* 8 Michel LUNTUMBUE,
L'insécurité maritime dans le golfe de Guinée : vers
une stratégie régionale intégrée ?, Note
d'analyse du GRIP, Bruxelles, 31 décembre 2012, 13 P. ;
Lieutenant-colonel Léandre Emmanuel KENMEGNE, « Golfe de
Guinée : Ensemble pour la sécurité
maritime », Honneur et Fidélité, N° Spécial
20 Mai 2009 ; Capitaine de Vaisseau Jean-Pierre
MELOUPOU, « Le Golfe de Guinée et l'intégration
sécuritaire : enjeux, défis et perspectives »,
Honneur et Fidélité, op.cit.
* 9 « Au
secours ! Les américains débarquent... », Jeune
Afrique, N° 2428, 30 Sept.-06 Oct. 2007, PP. 22-27
* 10 International Crisis
Group, Mettre en oeuvre l'architecture de paix et de sécurité
(I) : l'Afrique Centrale, Rapport Afrique N° 181, Nairobi-Bruxelles,
7 Novembre 2011, 41 P.
* 11 International Crisis
Group, Le Golfe de Guinée : la nouvelle zone à haut risque,
Rapport Afrique N°195, Dakar/Nairobi/Bruxelles, 12 décembre 2012,
46 P.
* 12 C'est dans ce sens que
l'on parle souvent de coopération internationale
décentralisée.
* 13 Aicha PEMBOURA,
« Le processus de formation de la culture stratégique
camerounaise : Entre extraversion et introversion », in Bulletin
du CREPS, N° 001, Janvier 2012, PP. 15-17
* 14 Hassan NJIFON
NJOYA, « Les défis sécuritaires de la
coopération militaire au Cameroun », in Bulletin du CREPS,
op.cit. , PP.18-19
* 15 Idem. PP. 18-19
* 16 Ibid.
* 17 AWOUMOU Côme
Damien Georges, « Le Golfe de Guinée face aux
convoitises », op.cit.
* 18 International crisis
Group, Le golfe de Guinée : la nouvelle zone à haut risque,
op.cit., p.2
* 19 Idem, p.2
* 20 Il s'agit de :
Angola, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée-Equatoriale, Nigéria, RDC
et Sao-Tomé et Principe.
* 21 Raymond GUILLIEN et al,
Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 14ème
édition, 2003, p.180
* 22 Idem, p.181
* 23 Joseph Vincent NTUDA
EBODE, « L'insécurité transfrontalière dans la
zone RCA-Tchad-Cameroun et l'initiative tripartite », in Joseph
Vincent NTUDA EBODE (sous la direction de), Terrorisme et Piraterie. De
nouveaux défis sécuritaires en Afrique Centrale, op.cit.
* 24 Sources :
www.icc-ccs.org/piracy-reporting-centre/live-piracy-map.
* 25 En effet, environ 28000
bateaux, soit 40% du transport maritime mondial, traversent les eaux
somaliennes chaque année. Et, selon les statistiques du BMI, 237
attaques dont 28 détournements ont réussi, ont été
recensées contre les navires en 2011. Voir Annexe E du rapport Afrique
d'International Crisis Group, Le golfe de Guinée : la nouvelle zone
à haut risque, op.cit.
* 26 NDOUTOUME NGOME
Jonathan, « Terrorisme et piraterie : quelle
sécurité pour les mers du Golfe de Guinée », in
Joseph Vincent NTUDA EBODE (sous la direction de), op.cit., p.176
* 27 «Report for the
period 1 january-31 December 2011», disponible sur www.icc-ccs.org,
op.cit.
* 28 Selon le BMI, le nombre
d'attaques et de tentatives de piraterie au large des cotes nigérianes
entre 2006 et 2009, période de l'insurrection du Delta du Niger. Si on
en comptait 12 en 2006, ce chiffre a cru en 2007 pour atteindre 42 et se
stabilisé en 2008 autour de 40.
* 29 En 2009 par exemple, 39
attaques ont été signalées aux larges des cotes
camerounaises, sans compter les attaques spectaculaires qui ont frappé
les intérêts équato-guinéens, gabonais et
santoméens durant cette période.
* 30 Joseph Vincent NTUDA
EBODE, « l'insécurité transfrontalière dans la
zone RCA-Tchad-Cameroun et l'initiative tripartite », in Joseph
Vincent NTUDA EBODE (sous la direction de), op.cit.
* 31 « Le triangle
de la mort » renvoie aux frontières communes du Tchad, du
Cameroun et de la RCA où le phénomène des coupeurs de
route s'est enraciné et transformant ainsi cette zone en espace
dangereux. Voir Joseph Vincent NTUDA EBODE,
« L'insécurité transfrontalière dans la zone
RCA-Tchad-Cameroun et l'initiative tripartite », in Joseph Vincent
NTUDA EBODE (sous la direction de), Terrorisme et Piraterie. De nouveaux
défis sécuritaires en Afrique Centrale, op.cit.
* 32 Frédéric
HERAN, La réalisation d'un document scientifique, mémoire de DEA,
thèse, article..., séminaire méthodologique de
l'école doctorale des sciences économiques et sociales,
Université de Lille I, 2003, p. 35
* 33 Maurice KAMTO,
« Crises de l'Etat et réinvention de l'Etat en
Afrique », in Maurice KAMTO (sous la direction de), L'Afrique dans un
monde en mutation. Dynamiques internes ; marginalisation
internationale ?, Yaoundé, Afrédit, 2010, p. 55
* 34 Notamment
l'accès démocratique de la population aux soins de santé,
à l'éducation, au logement... etc.
* 35 L'expression est de
Gérard CONAC, « L'Afrique et la science politique »,
in Revue Mondes et Cultures, XLI-4, 20 novembre 1981, PP. 711-733 ;
cité par Mwayila TSHIYEMBE, « La science politique africaniste
et le statut théorique de l'Etat africain : un bilan
négatif », disponible sur www.google.fr
* 36 Bertrand BADIE, L'Etat
importé. L'occidentalisation du monde, Paris, Fayard, 1992.
* 37 Jean-François
BAYART, L'Etat en Afrique. La politique du ventre. Paris, Fayard, 1990.
* 38 Mwayila TSHIYEMBE,
« La science politique africaniste et le statut théorique de
l'Etat africain : un bilan négatif », op.cit.
* 39 Idem.
* 40 Jean-François
MEDARD, « L'Etat néopatrimonial en Afrique noire »,
Jean-François MEDARD (sous la direction de), Etats d'Afrique :
formation, mécanismes, crise, Paris, Karthala, 1991, PP.323-353 ;
Jean-François MÉDARD, La crise de l'État
néo-patrimonial et l'évolution de la corruption en Afrique
sub-saharienne, in Mondes en Développement, XXVI, 1998, PP. 56-67.
* 41 Jean-François
MEDARD, « L'Etat néopatrimonial en Afrique noire »,
Jean-François MEDARD (sous la direction de), Etats d'Afrique :
formation, mécanismes, crise, idem, p.330.
* 42 Les critiques portent
notamment sur le caractère ethnocentrique de ces thèses. A ce
propos, voir Mwayila TSHIYEMBE, op.cit.
* 43 Car la propension des
populations à déclencher des hostilités est intimement
liée à la stagnation économique et à la
pauvreté.
* 44 Cette scission sociale
oppose la majorité des populations de ces Etats à une oligarchie
capitaliste locale. Cette dernière, plutôt réactionnaire,
est essentiellement parasitaire et dépendante, et utilise tous les
moyens avec l'appui actif de l'extérieur pour confisquer le pouvoir et
dénier aux populations une souveraineté durement acquise et cela,
malgré les conséquences politiques et économiques
dramatiques qu'engendre une telle hégémonie sociale.
* 45Oswaldo De RIVERO, Le
mythe du développement. Les économies non-viables du
XXIème siècle. , Tunis, Editions CERES, 2003. , p.33.
* 46 Ce qui va renforcer
leur dépendance vis-à-vis de l'extérieur.
* 47 Du fait du culte du
parti unique, seul cadre d'expression et d'exercice total du pouvoir par un
seul homme, le chef de l'Etat, chef du parti.
* 48 On pense notamment
à la France avec son pré-carré en Afrique noire
francophone. Lire à ce sujet Philippe MARCHESIN, Mitterrand l'africain,
Politique Africaine N° 58, Paris, Karthala, Juin 1995, p.10
* 49Voir Marc Louis ROPIVIA,
« criminalité et activités illicites dans le Golfe de
Guinée : interprétation, critique et typologie »,
in Joseph Vincent NTUDA EBODE (sous la direction de), Piraterie et
Terrorisme : de nouveaux défis sécuritaires en Afrique
Centrale, op.cit. PP. 221-234.
* 50 Idem, p.222
* 51 Ibid., p.228
* 52 Georges
NZONGOLA-NTALAJA, « La dynamique des conflits en Afrique. Acteurs et
processus », disponible sur www.google.fr
* 53 Marc Louis ROPIVIA, op.
Cit., p.231
* 54 Voir Rapport final du
groupe des experts de l'ONU sur l'exploitation illégale des ressources
naturelles et autres richesses de la République Démocratique du
Congo, Conseil de Sécurité, Nations Unies, New-York, 16 octobre
2002.
* 55 Parmi les huit Etats
impliqués dans la guerre interafricaine à savoir, le Rwanda,
l'Ouganda et le Burundi comme agresseurs, l'Angola, le Zimbabwe, la Namibie et
le Tchad comme alliés de la RDC, quatre sont considérés
par ce rapport comme les prédateurs des richesses de la RDC : il
s'agit de la RDC elle-même, du Rwanda, de l'Ouganda et du Zimbabwe dont
les parents et les proches collaborateurs des chefs d'Etat sont
considérés comme pilleurs.
* 56 Les
sociétés transnationales incriminées dans ce rapport
proviennent de tous les coins du globe et comprennent de nouvelles compagnies
montées pour la cause dans les pays suivants : Afrique du Sud,
Allemagne, Belgique, Canada, Chine, Emirats-Arabes unis, Etats-Unis, Finlande,
France, Hong-Kong, Israël, Kazakhstan, Malaisie, Pays-Bas, Royaume-Uni,
Suisse, ainsi que les sociétés appartenant aux marchands d'armes
tel que Victor BOUT.
* 57 L'ouverture à la
mer et un relief très accidenté difficilement accessible.
* 58Voir Eric NJONOU
AKOUTOU, « La sauvegarde des approches maritimes nationales : un
défi partagé », in Honneur et Fidélité,
spécial 20 Mai 2009, PP. 28-29.
* 59 Fweley DIANGITUTKWA,
« Terrorisme et piraterie dans le Golfe de Guinée :
esquisses de solutions », in Joseph Vincent NTUDA EBODE (sous la
direction de), op.cit. p.100
* 60 Nous pensons
spécifiquement ici à l'Armée de Résistance du
Seigneur (LRA) du rebelle d'origine ougandaise Joseph KONY qui commet des
exactions massives à la lisière de la frontière RCA-RDC. A
ce sujet voir, Rapport du Secrétaire Général sur les
activités du Bureau régional des Nations Unies pour l'Afrique
Centrale et les zones où sévit l'Armée de
Résistance du Seigneur, Conseil de Sécurité, Nations
Unies, 11 Juin 2012.
* 61Joseph Vincent NTUDA
EBODE, « l'insécurité transfrontalière dans la
zone RCA-Tchad-Cameroun et l'initiative tripartite », in Joseph
Vincent NTUDA EBODE, op.cit. p.150
* 62 Joseph Vincent NTUDA
EBODE, « La nouvelle posture géopolitique du Cameroun et la
lutte contre la piraterie dans le Golfe de Guinée », op.cit.
p.75
* 63 Idem, p.75
* 64 Voir à ce sujet
SUYRU Vernuy Eric, L'état des lieux des législations nationales
en matière de lutte contre la cybercriminalité en Afrique
centrale, Rapport de stage académique effectué au Bureau sous
régional pour l'Afrique centrale (BSR-AC) de la Commission Economique
des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), IRIC, Année académique
2010-2011, 30p.
* 65 En effet, des postes de
police et des bases militaires du Nigéria vont être pillés
ici et là, d'où des armes vont être emportées pour
ensuite librement circuler de manière illicite sur les marchés
locaux.
* 66 Il est consacré
avec Max WEBER que l'Etat détient le monopole de la violence publique et
légitime à travers les instruments de coercition à sa
disposition : police, forces armées, appareil judiciaire...
* 67 Maurice KAMTO, op.cit.,
p.83
* 68 Voir à ce sujet
Achille MBEMBE, « Réformes économiques, contraintes
extérieures et production du politique en Afrique noire », in
Maurice KAMTO, op.cit. p.115
* 69 Oswaldo de RIVERO,
op.cit. p.162
* 70 Le MEND conteste
violemment l'exploitation des ressources du Delta du Niger par les attaques
contres les plates-formes pétrolières qui se soldent par les
prises d'otages et les morts d'hommes.
* 71 A ce sujet, les leaders
des mouvements rebelles du RCD/GOMA, du RCD/ML et du MLC ont ainsi pu
accéder aux fonctions présidentielles et gouvernementales
importantes à la faveur de l'accord global inclusif mettant une
trêve aux violents combats qui ont embrasé la RDC au début
des années 2000.
* 72 Notamment le combat
politico-armé mené par les dirigeants et combattants du Front de
Libération de l'Enclave de Cabinda (FLEC)
* 73 Nous pensons notamment
au rôle joué par les puissances occidentales et
étrangères qui fournissent des armes et munitions de guerre
à ces mouvements en échange de l'accès aux ressources
naturelles.
* 74 Cette criminalisation
est le fruit de la récurrence de coups-d'Etat et de la militarisation du
corps social.
* 75 Achille MBEMBE, op.
cit., p.118
* 76 Cette oligarchie abuse de
ses fonctions privilégiées au sein de l'appareil étatique
et s'en autorise pour se lancer dans des activités de trafic illicite et
de contrebande de diverses natures. Voir pour plus de précision
Christian GEFFRAY, « Etat, richesse et criminels », in
Michel SCHIRAY (sous la direction de) Trafic de drogues et criminalités
économiques, Paris et Bruxelles, Mondes en Développement, 2000,
PP.15-30; Jean-François BAYART, Stephen ELLIS, Béatrice HIBOU, La
criminalisation de l'État en Afrique, Bruxelles, Éditions
Complexe, 1997, 167 p.
* 77 Idem, pp. 120-121
* 78 On assiste dès
lors à une priorisation des dépenses militaires d'ordre
sécuritaire au détriment des préoccupations sociales
nécessaires et urgentes. Voir BSR/AC, Les économies de l'Afrique
Centrale, Dijon-Quevigny, Je publie, 2009.
* 79 La finance informelle
s'entend ici comme l'ensemble des activités souterraines
illégales et illicites génératrices de revenus et
structurées autour de la contrebande, du trafic de pierres
précieuses et d'émeraudes, d'armes, de diamants, d'ivoires, de la
drogue et autres stupéfiants, d'organes et ossements humains, de la
piraterie maritime, de prise d'otages, d'immigration clandestine,
d'hydrocarbures... etc.
* 80 Il se crée ainsi
une sorte de dépendance chronique et pernicieuse envers les armes
importées et l'expertise étrangère.
* 81 Favorisant l'irruption
de conflits armés et la sophistication du mercenariat à travers
le transfert, l'afflux et le trafic des armes de divers calibres dans le Golfe
de Guinée.
* 82 Maurice KAMTO, op.
cit., p.83
* 83 International Crisis
Group, « Le golfe de Guinée : la nouvelle zone à
haut risque », op.cit., 46 p.
* 84 C'est le cas dans les
zones transfrontalières Cameroun-Tchad-RCA et dans l'Est de la RDC.
* 85 OWONA ALIMA Kisito
Marie, La prolifération des ALPC en Afrique Centrale : Etude du
phénomène et analyse critique des mécanismes de
contrôle de ces armes, Mémoire de Master en Stratégie,
défense, sécurité, gestion des conflits et des
catastrophes, CREPS-UYII/SOA, année académique 2006-2007, p.25
* 86 La circulation
anarchique des ALPC bénéficie surtout de l'incohérence des
législations nationales et de l'absence de normes internationales
contraignantes en la matière.
* 87 Confère AG/ONU,
2009, Traité sur le commerce des armes, A/C, 1/64/L. 38/Rev.1, 28
Octobre 2009, p.2
* 88 Joseph Vincent NTUDA
EBODE, « La région de l'Est-Cameroun et ses
refugiés : mariage pour le meilleur ou pour le
pire ? », Bulletin du CREPS, op.cit., PP.7-8.
* 89 Pour une analyse
complète des conséquences liées à cette
insuffisance de moyens de contrôle des flux transfrontaliers, voir Joseph
Vincent NTUDA EBODE, « L'insécurité
transfrontalière dans la zone RCA-Tchad-Cameroun et l'initiative
tripartite », op. Cit.
* 90 Fweley DIANGITUKWA,
« Terrorisme et piraterie dans le Golfe de Guinée, esquisses
de solutions », op. Cit.
* 91 Idem
* 92 L'Afrique perd environ
un million de dollars par an du fait de la pèche illégale ;
60% du trafic des êtres humains s'opère dans la région
selon les Nations Unies ; Un quart de la cocaïne consommée en
Europe transite par les cotes africaines selon l'Office des drogues et de
crimes de l'ONU ; Le trafic illicite du pétrole coute trois
millions de dollars par jour dans le Delta du Niger selon Human Rights
Watch..., chiffres communiqués par NDOUTOUME NGOME Jonathan,
« Terrorisme et Piraterie : quelles sécurité pour
les mers du Golfe de Guinée », in Joseph Vincent NTUDA EBODE
(sous la direction de), op.cit., PP. 159-182
* 93 Il s'agit entre autres
de la CEEAC, de la CEDEAO, de la CEMAC, de l'UEMOA, de la CEN-SAD, de la MRU,
de la CEPGL, de la CIRGL, etc.
* 94 International Crisis
Group, Mettre en oeuvre l'architecture de paix et de sécurité
(I) : l'Afrique Centrale, Rapport Afrique N° 181, op.cit., p.5
* 95 CEA/BSR-AC, Les
économies de l'Afrique Centrale 2009, Je publie, Dijon-Quetigny, p.26
* 96 Il s'agit notamment des
corridors Douala-Ndjamena-Douala et Douala-Bangui-Douala dans le cadre de la
CEMAC.
* 97 Il s'agit entre autres
des Etats riverains du golfe de Guinée, des puissances
étrangères, des autres Etats africains, des CER de la
région et d'ailleurs et même des organisations onusiennes.
* 98 International Crisis
Group, Mettre en oeuvre l'architecture de paix et de sécurité...,
op.cit., p.1
* 99 Marie-Claude SMOUTS et
al. Dictionnaire des relations internationales..., op.cit., PP. 245-246.
* 100 La frontière
remplit classiquement les fonctions de délimitation territoriale,
d'interface pour les échanges économiques, de déterminant
identitaire, d'exercice de la souveraineté, etc.
* 101 Niagalé
BAGAYOKO-PENONE, « L'Afrique subsaharienne entre violence et
régulation », in Frédéric CHARILLON (sous la
direction de), Les relations internationales, Les notices, Paris, 2006,
p.189
* 102 Marie-Claude SMOUTS
et al, op.cit., p.245
* 103 International Crisis
Group, Mettre en oeuvre l'architecture de paix et de
sécurité..., op.cit., p.18
* 104 La CEEAC par exemple a
été considérée comme un levier du pouvoir
d'influence régionale et internationale du Gabon de l'époque du
Président Omar BONGO ONDIMBA, tout comme le Nigéria influence la
politique de la CEDEAO.
* 105 Dans cette affaire, les
deux pays ont décidé de recourir à la médiation
internationale de l'ONU, susceptible de déboucher sur une solution
judiciaire de la part de la CIJ. Voir « l'ilot de la
discorde », Jeune Afrique, 3 Mars 2011.
* 106 Joseph Vincent NTUDA
EBODE, « La redistribution de la puissance en Afrique Centrale
médiane CEMAC : la nouvelle configuration des alliances sous
régionales », in Jean-Lucien EWANGUE (sous la direction de),
op.cit., p.50
* 107 Idem., p.50
* 108 Document du PF-CEEAC,
op.cit.
* 109 Cet accord vise
à mettre fin à la crise sécuritaire et politique à
l'Est de la RDC.
* 110 Nous pensons
notamment ici aux accords qui lient la France au Tchad, au Cameroun, au Gabon,
au Congo-Brazzaville, à la Centrafrique, au Togo, au Benin, à la
Côte-d'Ivoire, lesquels s'inscrivent dans le cadre du programme de
renforcement des capacités africaines au maintien de la paix (RECAMP) et
dont certains ont fait l'objet de révision depuis Mars 2009.
* 111 Avec son dispositif
militaire African Command (AFRICOM).
* 112 Ce pays a un accord
militaire avec la Guinée-Equatoriale.
* 113 Outre le fait qu'elle
dispose d'une base militaire à KAMINA en RDC, la Chine participe aussi
à la formation de militaires africains.
* 114 Le Cameroun
bénéficie des conseils et de l'expertise militaire d'officiers
israéliens, qui ont notamment permis de rendre opérationnel le
Bataillon d'intervention rapide (BIR), une unité d'élite qui
combat spécialement la criminalité terrestre et maritime qui
menace la stabilité et la sécurité du territoire
camerounais.
* 115 Ce pays entretient une
coopération militaire chacune avec la RDC et la RCA.
* 116 Le golfe de
Guinée a été divisé en quatre zones dont les zones
A, B et D s'étendent de la frontière angolaise au sud jusqu'au
nord du Nigéria. Voir cartes des eaux territoriales de la CEEAC et du
golfe de Guinée en Annexes.
* 117 Cette
coopération pourrait facilement s'opérationnaliser dans le cadre
de la Commission du Golfe de Guinée (CGG) qui comprend
déjà comme membre l'Angola, le Cameroun, le Congo-Brazzaville, le
Gabon, la Guinée-Equatoriale, le Nigéria, la RDC et
Sao-Tomé et Principe, et qui pourrait s'ouvrir au Benin et au Togo.
* 118 Il s'agit de :
Tchad-Soudan-Tchad ; Tchad-Cameroun-RCA ; Cameroun-Guinée
Equatoriale-Nigéria ; Angola-Congo-RDC ; RCA-Congo-RDC et le
fleuve Congo, ainsi que RDC-Burundi-Rwanda.
* 119 Voir à ce
sujet, Joseph Vincent NTUDA EBODE, « L'insécurité
transfrontalière dans la Zone RCA-Tchad-Cameroun et l'initiative
tripartite », in Joseph Vincent NTUDA EBODE (sous la direction de),
op.cit. PP.149-158
* 120 Document PF-CEEAC,
op.cit.
* 121 Come Damien Georges
AWOUMOU, Le Golfe de Guinée face aux convoitises, op.cit.
* 122 Voir Wullson MVOMO
ELA, « Pétrostratégie et appels d'empire dans le Golfe
de Guinée », in Jean-Lucien EWANGUE (sous la direction de),
op.cit., PP. 181-194
* 123 Voir Joseph Vincent
NTUDA EBODE, « Les enjeux pétroliers dans le Golfe de
Guinée », op.cit.
* 124 Cette base
d'entrainement flottante permet la tenue des exercices conjoints des
équipages, en vue de renforcer les capacités des forces marines
des pays de la région. Voir Eric NJONOU AKOUTOU, « La
sauvegarde des approches maritimes nationales : un défi
partagé », in Honneur et Fidélité, op.cit., PP.
28-29
* 125 Voir « Le
pétrole d'Afrique noire. Filet de sécurité pour
l'économie mondiale. », p.1, disponible sur
www.congopage.com
* 126Lire à ce
propos Alain FOGUE TEDOM, « Le mythe de la marginalisation
stratégique de l'Afrique : analyse de la dynamique
américaine et chinoise autour du pétrole africain », in
Maurice KAMTO, op.cit., PP. 255-291
* 127 On assiste dès
lors à une opération de séduction de la marine
américaine sur les cotes maritimes des pays du golfe de Guinée
dont les personnels militaires et civils vont participer aux exercices de
perfectionnement et de renforcement des capacités en vue lutter contre
la piraterie maritime et les attaques contre les plateformes
pétrolières.
* 128 Navire de guerre
américain pesant 17 000 tonnes et comptant environ 420 membres
d'équipage.
* 129 Voir International
Crisis Group, Mettre en oeuvre l'architecture de paix et de
sécurité (I) : l'Afrique Centrale, op.cit., p.21
* 130 Idem, p.22
* 131 Ibid., p.22
* 132 Un protocole d'accord
a été adopté en 2008 entre l'UA d'une part, la CEDEAO et
la CEEAC d'autre part notamment. Celui-ci, le « protocole d'accord de
coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité
entre l'UA, les CER et les mécanismes de coordination des brigades
régionales en attente de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique du
Nord », reconnait le rôle des CER dans la prévention, la
gestion et le règlement des conflits dans leur zone de juridiction et
prévoit un échange régulier d'informations,
l'élaboration d'activités et de programmes conjoints dans le
domaine de la paix et de la sécurité.
* 133 Principe en vertu
duquel la prééminence de l'UA devrait céder le pas
à l'expertise régionale des CER dans le traitement des dossiers
où l'intervention continentale n'est pas nécessaire. Voir
International Crisis Group, Mettre en oeuvre l'architecture de paix et de
sécurité (I) : l'Afrique Centrale, op.cit., p.22 ;
Dominique BANGOURA (sous la direction de), L'Union Africaine face aux enjeux de
paix, de sécurité et de défense, Paris, l'Harmattan,
2003, 253 P.
* 134 Il convient de
relativiser ce propos en ajoutant qu'on note ici et là une certaine
volonté de rapprochement des CER telles que la CEEAC et la CEDEAO dans
la perspective d'une meilleure synergie d'actions dans la sécurisation
de l'espace maritime du golfe de Guinée. Mais, à l'heure de cette
réflexion, ce rapprochement ne s'est pas encore concrétisé
par un protocole d'accord formel.
* 135 Depuis le 26
Février 2006, le Conseil de Paix et de Sécurité de
l'Afrique Centrale (COPAX), sous la houlette du Secrétaire
Général de la CEEAC, a commis une étude qui vise à
proposer une « stratégie de sécurisation des
intérêts vitaux en mer des Etats de la CEEAC du Golfe de
Guinée, articulée autour du COPAX et favorisant une synergie
avec la Commission du Golfe de Guinée et la CEDEAO ». Les
termes de référence de ladite étude ont été
validés lors de la 8ème réunion de la
Commission de Défense et de Sécurité (CDS) du COPAX tenue
le 02 Mai 2008 à Yaoundé, et la stratégie qui en ressort a
été positivement censurée le 5 Décembre 2008
à Kinshasa à l'occasion de la 9ème session du
CDS.
* 136 Et pourtant, nous
convenons avec Michel LUNTUMBUE du Groupe de Recherche et d'Information sur la
Paix et la Sécurité (GRIP) que, la stratégie de
sécurité maritime, devrait, pour être efficace, englober
les politiques visant à combattre les menaces posées par d'autres
formes de criminalité transfrontalière. Voir Michel LUNTUMBUE,
Insécurité maritime dans le golfe de Guinée : vers
une stratégie régionale intégrée ?, op.cit.
* 137 Le Cameroun a par
exemple signé des accords de coopération instituant des CMS avec
tous ses voisins, en dépit des difficultés d'application sur le
terrain qui s'expliquent par les égoïsmes nationaux, les conflits
internes et l'ignorance des règles en vigueur dans les pays
d'accueil.
* 138 Il s'agit notamment
de l'initiative tripartite Cameroun-Tchad-RCA pour la sécurisation de
leurs frontières terrestres communes.
* 139 L'on pense ici au
CRESMAC qui vise à sécuriser les intérêts vitaux en
mer des Etats de la CEEAC du Golfe de Guinée.
* 140 Une vision globale de
la criminalité transfrontalière dans le Golfe de Guinée
permettrait de traiter toutes les formes de criminalité (terrestre,
maritime, voire cybernétique) avec la même détermination
qui offrirait l'occasion d'apprécier leurs interactions, tout en
différenciant les méthodes de prévention et de lutte.
* 141 Une vision
transversale de prévention et de lutte contre la criminalité dans
le golfe de Guinée permettrait de ratisser large en prenant en compte
toutes les sphères territoriales d'Afrique de l'Ouest et du Centre ayant
un lien géographique ou une connexité géopolitique avec la
région.
* 142 La vision
globalisante quant à elle aurait l'avantage de définir la place,
le rôle et la contribution des partenaires étrangers qui ont leurs
intérêts stratégiques à sécuriser et à
préserver dans le Golfe de Guinée.
* 143 En témoigne la
réunion initiée par les Nations Unies le 31 Mai 2012 à
Libreville. Celle-ci portait sur la mise en place d'un comité
préparatoire au sommet des Chefs-d'Etat et de Gouvernement sur la
piraterie maritime et les vols à main armée en mer dans le golfe
de Guinée. Composé des experts de la CEEAC, de la CEDEAO, de la
CGG, de l'UA, de l'UNOCA et de l'UNOWA, ce comité à pour objectif
de favoriser « la réflexion sur les solutions pouvant
permettre de juguler ce phénomène qui met en péril la
navigation internationale, la sécurité et le développement
des pays concernés. » Voir communiqué final en
annexe.
* 144 Si les regards
semblent se focaliser sur la piraterie maritime et les vols à main
armée en mer dans le golfe de Guinée, les autres modalités
de la criminalité continuent de sévir à travers les
frontières terrestres en mettant sensiblement en péril la
sécurité des personnes et des biens, ainsi que la
stabilité sociopolitique des Etats concernés ; sans que des
efforts suffisants et des moyens conséquents ne soient mobilisés
et déployés pour y remédier.
* 145 Nous notons par
exemple que, dans la coopération bilatérale sécuritaire
Cameroun-Nigéria, il n'existe pas de droit de poursuite, compte tenu des
différences des systèmes militaires qu'ils emploient. Toutefois,
un protocole d'accord devrait prochainement être conclu pour
résoudre les problèmes d'extradition entre les deux pays.
* 146 En témoigne,
la prise d'otages de sept touristes français dans la localité de
DABANGA dans la région de l'Extrême-Nord au Cameroun par un groupe
de criminels se revendiquant de la secte islamiste et terroriste BOKO HARAM, le
19 février 2013, et qui ont été amenés au
Nigéria, ne permettant pas ainsi aux forces de défense et de
sécurité camerounaises de pouvoir les poursuivre en territoire
nigérian.
* 147 Cette PAMINT
concernait les troupes du Cameroun, du Niger, du Nigéria et du Tchad.
* 148 Le Nigéria
s'est retiré de la PAMINT en I991 et a fermé sa
représentation nationale pour des raisons stratégiques, car il
préparait ses revendications sur les localités camerounaises
situées à l'Est du Lac-Tchad.
* 149 L'armée
tchadienne était composée de certains éléments
véreux qui s'adonnaient au rançonnement des populations, ainsi
qu'à la violation des frontières lacustres entre le Tchad et le
Cameroun ; et qui furent arrêtés par la gendarmerie
camerounaise pour être venus commettre des exactions dans l'ile
camerounaise de NIMERY. En guise de protestation, le Tchad se retira en
2009.
* 150 Le Niger se retira
dès lors qu'il considérait que la PAMINT n'avait plus aucun
intérêt pour lui suite à la disparition des eaux du Lac de
son coté.
* 151 Michel DOURYANG DOMGA,
La défense militaire des iles camerounaises du Lac-Tchad, Mémoire
de Master en stratégie, défense, sécurité, gestion
des conflits et des catastrophes, CREPS-UYII-SOA, Septembre 2010, p.53
* 152 Il s'agit, en guise
de rappel, de la France, des Etats-Unis, de la Chine, de l'Angola et de
l'Afrique du Sud notamment.
* 153 Voir à ce
sujet Aicha PEMBOURA, « Le processus de formation de la culture
stratégique camerounaise : entre extraversion et
introversion », in Bulletin du CREPS, op.cit., PP.15-17
* 154 Cet équilibre
n'est qu'imparfaitement trouvé entre l'héritage de
systèmes militaires des anciennes puissances coloniales, le transfert
des systèmes issus des accords de coopération sécuritaire
et militaire noués avec d'autres puissances, ainsi que les contraintes
nées de l'évolution technologique.
* 155 Nous notons ici que
le programme américain AFRICOM est une réponse au programme
français RECAMP ; a cet effet, le navire de guerre français
CORYMBE et celui américain US NASHVILLE ont sillonné les cotes
maritimes du golfe de Guinée l'un après l'autre.
* 156 Marie Claude SMOUTS et
al. Dictionnaire des relations internationales, op.cit. , p.250
* 157 Joseph Vincent NTUDA
EBODE, « La nouvelle posture géopolitique du Cameroun et la
lutte contre la piraterie dans le Golfe de Guinée », op.cit.,
p.50
* 158 Pour une typologie
exhaustive des richesses naturelles du golfe de Guinée, voir Joseph
Vincent NTUDA EBODE (sous la direction de), La gestion coopérative des
ressources transfrontalières en Afrique Centrale : Quelques
leçons pour l'intégration régionale, FES et CREPS,
Yaoundé, éditions Clé, 2011, 184 P.
* 159 Jason IPE et al, La
mise en oeuvre de la stratégie antiterroriste mondiale de l'ONU en
Afrique de l'Ouest, Rapport du Center on Global Counterterrorism Cooperation,
2010, 36 P.
* 160 Cette crise de la
gouvernabilité se caractérise particulièrement par
l'effondrement de la maitrise de l'Etat sur ses frontières territoriales
et maritimes et sur les mouvements migratoires des personnes au niveau des
zones de contact transfrontalier.
* 161 Ceci se traduit
notamment par une absence de socialisation de ces richesses et un
déficit de démocratisation de leur gestion. Voir à ce
sujet Michel KOUNOU, Pétrole et pauvreté au sud du Sahara.
Analyse des fondements de l'économie politique du pétrole dans le
Golfe de Guinée. , Yaoundé, Editions Clé, 2006.
* 162 En Afrique comme
ailleurs, les problèmes de gouvernance, de stabilité politique,
de croissance ou de développement sont quasi-indissociables. Car la
recherche de la justice est une des motivations des personnes qui se lancent
dans les activités illicites. Et même ceux qui poursuivent
d'autres buts finissent toujours par invoquer la justice pour légitimer
leurs actes.
* 163 Car la clé du
futur se trouve dans un investissement continu et planifié dans la
richesse humaine.
* 164 AWOUMOU Côme
Damien Georges, op.cit.
* 165 Voir International
Crisis Group, Le golfe de Guinée : la nouvelle zone à haut
risque, op.cit., p.28
* 166 Car les jeunes
représentent un réservoir de talents et d'intelligence dont les
pays du golfe de Guinée, sous-développés, ne peuvent s'en
passer pour atteindre leur émergence. En effet, ceux-ci auront besoin
d'un capital humain, d'une classe créative capable de relever ce
défi.
* 167 Maurice KAMTO,
op.cit. p.83
* 168 Idem, p.83
* 169 Ibid., p.83
* 170 Ibid., p.84
* 171 Le concept de culture
de la paix trouve son fondement philosophique dans le préambule de
l'Acte constitutif de l'UNESCO selon lequel, la guerre prenant naissance
dans l'esprit des Hommes, c'est dans l'esprit des Hommes qu'il d'ériger
les défenses pour la paix.
* 172 L'insurrection
islamiste menée par la secte BOKO HARAM contre les églises et
communautés chrétiennes du Nigéria et
particulièrement dans sa partie Nord témoigne de l'exacerbation
des tensions religieuses dans ce pays. D'où il apparait important que
les autorités religieuses de tous bords s'activent auprès de
leurs communautés de fidèles respectives pour endiguer la spirale
de violence interreligieuse dans ce pays et promouvoir l'esprit de
tolérance religieuse entre les populations d'un même pays.
* 173 Voir entre autres
Cyrille Serge ATONFACK GUEMO, « La mutualisation des moyens de lutte
contre les actes de piraterie dans la sous région CEEAC », in
Joseph Vincent NTUDA EBODE (sous la direction de), op.cit., PP.123-147 et
Jonathan NDOUTOUME NGOME, « Terrorisme et piraterie : quelle
sécurité pour les mers du Golfe de
Guinée ? », idem, PP.159-182.
* 174 Voir Joseph Vincent
NTUDA EBODE, « L'insécurité transfrontalière
dans la zone RCA-Tchad-Cameroun et l'initiative tripartite », ibid.,
PP.149-158.
* 175 International Crisis
Group, Le golfe de Guinée : la nouvelle zone à haut risque,
op.cit. p. ii
* 176 Voir Projet de PF-CEEAC,
op.cit.
* 177 Idem.
* 178 Le Cameroun a par
exemple conclu des accords de création de commissions mixtes de
sécurité transfrontalière avec ses voisins, dont le
Nigéria (12 Février 2012), le Tchad (23 octobre 2007) et la RCA
(Aout 2006). Ces commissions visent à instituer un cadre de confiance et
de dialogue régulier pour la résolution concertée des
problèmes de sécurité qui se posent au niveau de leurs
frontières communes.
* 179 Dominique BANGOURA,
« Frontières et espaces frontaliers en Afrique
Centrale », in Jean-Lucien EWANGUE (sous la direction de), op.cit.,
p.225
* 180 Idem, p.225
* 181 On pense notamment
ici au marché frontalier de KYE-OSSI qui met en interaction des
commerçants camerounais avec des populations gabonaises et
équato-guinéennes majoritairement de l'ethnie FANG.
* 182 Joseph Vincent NTUDA
EBODE, « La nouvelle posture géopolitique du Cameroun et la
lutte contre la piraterie dans le Golfe de Guinée », in Joseph
Vincent NTUDA EBODE (sous la direction de), op.cit., p.72
* 183 Idem, p.73
* 184 Ibid., p.73
* 185 International Crisis
Group, Le golfe de Guinée : la nouvelle zone à haut risque,
op.cit. p.29
* 186 L'OMI entendue comme
l'Organisation Maritime Internationale.
* 187 International Crisis
Group, Le golfe de Guinée: la nouvelle zone à haut risqué,
op.cit., p.30
* 188 Ibid., p.31
* 189 Ibid., p.31
* 190 La solution militaire
n'aura de sens que si elle s'accompagne d'une solution politique.
* 191 Ce système de
sécurité collective devrait s'appuyer sur la solidarité et
la responsabilité de tous les Etats du golfe de Guinée et
garanti par un leadership collégial structuré autour de l'axe
Abuja-Yaoundé. A terme, il vise à mutualiser les efforts de
prévention et de lutte contre la criminalité
transfrontalière dans la région.
* 192 International Crisis
Group, Le golfe de Guinée : la nouvelle zone à haut risque,
op.cit., p.31
* 193 Idem, p.32
* 194 Etanislas NGODI et
Mathias Eric OWONA NGUINI, op.cit., p.223
* 195 Idem, p. 223 et
224.
* 196 AWOUMOU Côme
Damien Georges, op.cit.
* 197 Institutionnellement
le golfe de Guinée se réduit aux Etats membres de la CGG.
* 198
Géopolitiquement, le golfe de Guinée s'étendrait des cotes
libériennes jusqu'au Cap en Afrique du Sud et s'élargirait aux
Etats pétroliers et miniers de l'hinterland de cette région.
* 199 Car comme le
démontre Cyrille Serge ATONFACK GUEMO, Commissaire de la Marine
camerounaise, les souverainetés des Etats membres sont un facteur
préjudiciel au bon fonctionnement de la CGG. Voir Cyrille Serge ATONFACK
GUEMO, op.cit., p.139 et 140.
* 200 La CGG doit de ce
fait élaborer et mettre en oeuvre des politiques sectorielles de
renforcement de la sécurité de la région en
conformité avec la vision stratégique définie
préalablement.
* 201 International Crisis
Group, Le golfe de Guinée : la nouvelle zone à haut risque,
op.cit., p.22
* 202 Idem, p.32
* 203 AWOUMOU Côme
Damien Georges, op.cit., p.6
* 204 La RDC, géant
géographique et démographique en Afrique Centrale, aurait pu
également être analysée si elle n'était pas en proie
à une instabilité politique chronique et une
insécurité endémique qui menacent de la balkaniser et
relativisent sérieusement son influence dans la région.
* 205 Idem, p.9
* 206 Sources : Jeune
Afrique N°2663 du 22 au 28 Janvier 2012, p.24
* 207 Idem
* 208 Le Nigéria se
classe en tête tant en matière d'équipements que
d'effectifs avec une force navale d'environ 15000 hommes, une quinzaine de
vedettes Defender, une dizaine de patrouilleur hauturier pour la
sécurisation des installations maritimes, une dizaine de patrouilleurs
côtiers destinés à la surveillance du littoral ainsi que de
petits bâtiments de débarquement amphibie. Voir International
Crisis Group, Le Golfe de Guinée : la Nouvelle zone à haut
risque, op.cit., p.6
* 209 AWOUMOU Côme
Damien Georges, op.cit., p.9
* 210Voir International
Crisis Group, Le Golfe de Guinée : la Nouvelle zone à haut
risque, op.cit., p.7
* 211 AWOUMOU Côme
Damien Georges, op.cit.
* 212 L'Angola était
en 2006 le deuxième producteur africain de pétrole avec 1,6
millions de barils par jour. Idem.
* 213 Ibid.
* 214 Notamment en RDC
où la SONANGOL jouit d'un agrément de distribution
d'hydrocarbures. Ibid.
* 215 Nous pensons au
conflit congolais dans les Grands Lacs et à la récente crise
postélectorale ivoirienne dans lesquels l'Angola a apporté son
soutien aux pouvoirs en place avec des fortunes diverses.
* 216 AWOUMOU Côme
Damien Georges, op.cit.
* 217 Avec environ 50% de
la population, du PIB et de la masse monétaire en circulation dans la
zone CEMAC, le Cameroun possède de nombreux atouts faisant de lui le
pole universitaire, industriel et agricole de la sous-région.
* 218 Ce pays, du fait de
ses avoirs financiers sans cesse croissant grâce à l'exploitation
pétrolière, a d'ailleurs réclamé et obtenu
l'inscription du principe de la rotation à la tête des
institutions de la CEMAC, mettant ainsi fin au consensus de Fort-Lamy de 1972
qui réservait certains postes de responsabilité à certains
Etats de l'organisation. C'est ainsi que ce pays obtenu le poste de gouverneur
de la BEAC, au grand dam du Gabon qui l'occupait depuis plus de trois
décennies déjà.
* 219 Du fait de son double
héritage culturel issu de son passé colonial, le Cameroun
réalise la synthèse des deux principaux courants d'expression du
golfe de Guinée, le français et l'anglais, et peut donc ainsi
atténuer la méfiance qui caractérise les relations entre
Etats dits francophones et ceux dits anglophones de la région.
* 220 Diplomatiquement, le
Cameroun, après avoir piloté la mise en oeuvre du COPAX, a
été désigné comme pays hôte du Sommet des
Chefs d'Etats de la région sur les questions de piraterie maritime et
des vols à main armée dans le golfe de Guinée prévu
courant Avril 2013 à Yaoundé. Tout ceci témoigne du poids
certain du réseau politique et diplomatique camerounais dans le golfe de
Guinée.
* 221 Comme l'atteste le
règlement pacifique du différend frontalier et terrestre qui
l'opposa au Nigéria au sujet de la péninsule de Bakassi, par le
mode juridictionnel et diplomatique.
* 222 Ainsi en est-il de
l'envoi de 120 soldats du Bataillon d'Intervention Rapide (BIR) dans le cadre
de la mission de consolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX) en
décembre 2012, en vue d'apporter un soutien militaire aux
autorités de Bangui en proie à la menace des rebelles du
mouvement SELEKA qui comptait les renverser.
* 223 Nous pensons ici
notamment à l'opération OBANGAME 2013, un exercice
opérationnel conjoint de simulation/riposte d'attaques aux larges des
eaux du golfe de Guinée qui s'est tenu au Cameroun durant la
dernière semaine de Février 2013.
* 224 AWOUMOU Côme
Damien Georges, op.cit., p.11
* 225 Cette perception est
corroborée par l'enlèvement par un groupe se revendiquant de la
secte islamiste et terroriste BOKO HARAM de sept touristes français le
19 Février 2013 dans la localité de DABANGA, dans la
région de l'Extrême-Nord. Selon les informations fournies par les
autorités camerounaises et relayées par les médias
officiels, cette bande de ravisseurs s'est ensuite introduite au Nigéria
en franchissant la frontière commune aux deux Etats au grand
désarroi du dispositif sécuritaire camerounais
déployé à cet effet.
* 226 Comme en
témoigne la prise en otage du sous-préfet de Bakassi en
février 2011 qui a été revendiquée par l'African
Marine Commando (AMC). Cette autorité aurait été
libérée après versement d'une rançon. Peu de temps
auparavant, un autre sous-préfet enlevé avait été
exécuté par ses ravisseurs. Voir International Crisis Group, Le
Golfe de Guinée : la nouvelle zone à haut risque, op.cit.,
p.17
* 227
Considéré comme une armée dans une armée, le BIR
bénéficie d'un traitement spécial, avec des avantages et
primes qui sont conférés à ses éléments et
dont ne bénéficient pas toujours les soldats ordinaires, ce qui
suscite jalousies et tensions au sein de l'armée. Voir International
Crisis Group, Cameroun : les dangers d'un régime en pleine
fracture. , Rapport Afrique N°161, 24 juin 2010, p.9
* 228 Pour Philippe MOREAU
DEFARGES, une alliance est une composante essentielle des relations
internationales « classiques », donc du jeu
géopolitique. Dans le cas d'espèce, l'alliance entre Abuja et
Yaoundé devrait se créer autour d'un ennemi commun, le
phénomène de la criminalité transfrontalière qui
constitue une menace sérieuse pour leur stabilité et leur
sécurité communes. Voir Philippe MOREAU DEFARGES, Dictionnaire
de géopolitique, Paris, Armand Colin, p. 9.
* 229 AWOUMOU Côme
Damien Georges, op.cit.
* 230 Contrairement
à ce que pense AWOUMOU Côme Damien Georges, un axe
Abuja-Yaoundé-Luanda nous semble impertinent et inapproprié pour
cause du faible engagement de l'Angola au sein de la CEEAC, plus attiré
par les avantages économiques que lui procure son appartenance à
la SADC. Et pourtant, la CEEAC est la CER la plus viable en Afrique centrale et
la plus engagée dans la lutte contre la criminalité et
l'insécurité maritimes dans le golfe de Guinée.
* 231 Historiquement le
Nigéria et le Cameroun occidental, d'avant la réunification du
1er Octobre 1961 avec la République du Cameroun, ont
été administrés par la même puissance coloniale,
l'Angleterre. Raison pour laquelle les deux pays ont en partage l'anglais comme
langue officielle.
* 232
Géographiquement, ces deux pays partagent environ 1690 Km de limites
frontalières mettant en contact des populations de part et d'autre. Ces
populations entretiennent des liens culturels et historiques de
vassalité surtout dans la partie Nord des deux pays.
* 233 Joseph Vincent NTUDA
EBODE, « La nouvelle posture géopolitique du Cameroun et la
lutte contre la piraterie dans le Golfe de Guinée », in Joseph
Vincent NTUDA EBODE (sous la direction), Piraterie et Terrorisme : de
nouveaux défis sécuritaires en Afrique centrale, op.cit., p.56
* 234 Ce conflit a pris un
terme après la signature le 12 juin 2006 des accords de Greentree
définissant le processus de rétrocession de Bakassi au Cameroun,
conformément à l'arrêt de la Cour Internationale de Justice
(CIJ) du 10 Octobre 2002. Le 14 Aout 2008, le transfert effectif
d'autorité sur la péninsule de Bakassi à la partie
camerounaise s'est déroulé à Calabar, en République
du Nigéria. Pour un historique assez exhaustif sur le
déclenchement, le déroulement et le dénouement de ce
conflit, voir Cameroon Tribune, édition spéciale BAKASSI, N°
9161/5360, 14 Aout 2008.
* 235 En effet, les eaux
territoriales de la zone D du golfe de Guinée à laquelle
appartient le Cameroun et celles voisines du Nigéria sont les plus en
proie aux attaques des pirates en mer. Par ailleurs, avec la montée de
l'islamisme fondamentaliste et la radicalisation insurrectionnelle de la secte
islamiste et terroriste BOKO HARAM dans le Nord du Nigéria, ces deux
pays partagent la même inquiétude sécuritaire quant aux
conséquences des actes susceptibles d'être menés de part et
d'autre des frontières par les membres de ce groupe.
* 236 A ce niveau, les
confins transfrontaliers RCA-Tchad-Cameroun sont considérés comme
le « triangle de la mort ». Voir Joseph
Vincent NTUDA EBODE, « L'insécurité
transfrontalière dans la zone RCA-Tchad-Cameroun et l'initiative
tripartite », op.cit.,
* 237 C'est le cas du
Nigéria au sein de la CEDEAO où il est soupçonné
par les pays d'expression francophone d'impérialisme
militaro-économique régional.
* 238 C'est le cas du
Cameroun dans la CEMAC qui, malgré les velléités
offensives de la Guinée-Equatoriale, demeure encore la plaque tournante
de la sous-région.
* 239 Il est clair que la
CEMAC, regroupement de 6 Etats faiblement peuplés et
économiquement non viables, ne saurait équivaloir la CEDEAO,
organisation d'une quinzaine d'Etats fortement peuplés et aux
économies croissantes.
* 240 C'est une
opération lancée le 28 septembre 2011 conjointement par le
Nigéria et le Bénin et qui vise à prévenir les
attaques de pirates au large de leurs eaux territoriales.
* 241 Comme le souligne le
Professeur Joseph Vincent NTUDA EBODE, « la lutte contre la
criminalité organisée est un objectif de défense et de
politique extérieure. (...) Il devient indispensable d'avoir une
approche globale de la lutte contre cette forme de criminalité, en
renforçant la coopération internationale... ».
Voir Joseph Vincent NTUDA EBODE, « L'insécurité
transfrontalière dans la zone RCA-Tchad-Cameroun et l'initiative
tripartite », in Joseph Vincent NTUDA EBODE (sous la direction de),
op.cit., p.155
* 242 Comme en témoigne
l'enlèvement de sept ressortissants français dans la zone
frontalière Cameroun-Nigéria par un groupe se revendiquant de la
secte islamiste et terroriste BOKO HARAM le 19 Février 2013. Ou encore
la prise d'otages de 3 membres d'un équipage russe à BAKASSI le
week-end du 24 Février 2013.
* 243 International Crisis
Group, Le golfe de Guinée : la nouvelle zone à haut risque,
op.cit., p.33
* 244 En effet, la
communauté internationale ne devrait pas se limiter à une
solution sécuritaire exclusive du problème de la
criminalité transfrontalière dans le golfe de Guinée. Elle
devrait élargir la gamme de solutions aux aspects liés à
la gouvernance économique, le développement, l'application de la
loi, en impliquant tous les ministères et organismes concernés.
Idem.
* 245 Cette présence
des puissances étrangères participe de la guerre
économique pour les ressources naturelles à laquelle elles se
livrent dans le golfe de Guinée. Ce qui donne lieu à un grand jeu
à quatre (Etats riverains, France, Etats-Unis et Chine) ou les pays du
golfe de Guinée jouent essentiellement sur la concurrence
sino-occidentale pour l'accès aux ressources, afin de renforcer leur
pouvoir de négociation.
* 246Les Etats et les
donateurs doivent identifier ensemble les besoins en matière de
renforcement des capacités et répartir les taches en fonction de
la volonté et des domaines d'expertise des bailleurs.
* 247 L'opération
OBANGAME qui s'est déroulée en Mars 2011 a permis la formation
sur les techniques de communication maritimes des personnels du Cameroun, du
Gabon, du Nigéria et de Sao-Tomé et Principe. La
Guinée-Equatoriale n'a pas été invitée à y
participer par les Etats-Unis à cause des allégations sur ses
violations des droits de l'Homme.
* 248 International Crisis
Group, Mettre en oeuvre l'architecture de paix et de
sécurité : l'Afrique centrale (I), op.cit., p.21
* 249 Interpol, à
travers sa Maritime Piracy Task Force qui travaille déjà à
la collecte de preuves, à l'échange de données et au
renforcement des capacités afin de traduire les pirates somaliens devant
les tribunaux, devrait étendre ses opérations dans le golfe de
Guinée.
* 250 Elle rendrait en
effet les efforts de la communauté internationale complémentaires
en direction des Etats membres, pour éviter les doubles emplois et les
offres concurrentes de matériel et de formation.
* 251 International Crisis
Group, Le golfe de Guinée : la nouvelle zone à haut risque,
op.cit. 46 p.
* 252 Les stratégies
solitaires d'Etats, organisations sous régionales et régionales
du golfe de Guinée.
* 253 Les initiatives des
puissances étrangères visant à sécuriser leurs
intérêts vitaux dans le golfe de Guinée.