II. GENERALITES SUR LES MALFORMATIONS CONGENITALES
II.1. Historique
L'histoire de l'étude des monstruosités est
extrêmement ancienne. Ainsi, Ctésias, médecin grec à
la cour d'Artaxerxès Mnémon, en Perse, est le premier à
rapporter l'accouchement d'un enfant sans tête par Roxane, épouse
de Cambyse, en 426 av. J.C. (Charon, 2005).
Ambroise Paré (1585) publie le cas d'un monstre femelle
sans tête, né en l'an 1562, premier jour de novembre, à
Villefranche de Beyran, en Gascogne (Charon, 2005).
Jusqu'au XVIIIe siècle, l'opinion a continué
à penser que les malformations congénitales faisaient partie de
la liste des punitions que Dieu infligeait aux couples
désobéissants. Ainsi, les Grecs ont appelé la science qui
s'occupait de ce genre d'enfants « TERATOS » qui signifie «
prodige ». Il s'agissait d'une science d'enfants « prodigieux »
qui sont venus ou revenus dans ces couples pour les discipliner. La
tératologie a commencé à connaître son vrai essor en
1961, avec la tragédie de la thalidomide (Baudet, 1990). La
compréhension de l'étiopathogénie des malformations
congénitales a marqué une avancée significative
grâce aux progrès réalisés par la biologie
moléculaire.
Frédéric et Hausman-Hagemeyer ont
remarqué en 1967 que les anomalies chromosomiques ont été
responsables de la majorité des malformations congénitales. En
1969, « The National Foundation » (USA) a publié une
étude qui a démontré que les malformations
congénitales dues aux aberrations chromosomiques ont été
statistiquement moins nombreuses que celles causées par des troubles
génétiques en général. Avec l'apport de la biologie
moléculaire depuis ces 25 dernières années, les
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anomalies génétiques sont
différenciées en deux groupes : 1. mutations géniques ; 2.
aberrations chromosomiques.
II.2. Définitions et Classification
II.2.1. Définitions
Le terme malformation congénitale est essentiellement
générique et vague; il recouvre un nombre très
élevé de situations diverses et variées (Gillerot et Mols,
2009).
En termes généraux, et sans tenir compte de la
cause, une malformation est une déviation morphologique significative
d'un organisme en développement et qui se traduit « in fine »
par une altération importante du phénotype. Une malformation est
une défectuosité d'un champ survenue dès son origine; le
phénotype atteint intrinsèquement en son tout début en est
profondément modifié (Gillerot et Mols, 2009). Ce terme est
à différencier de :
- disruption: c'est l'altération secondaire d'un champ
initialement normal (defect
in field)
- déformation : il s'agit de la modification du
phénotype d'un champ normal mais
ayant subi secondairement l'influence de forces mécaniques
externes.
Figure 3: Différence schématique entre
malformations, disruptions et déformations (Dimmick et Kalousek,
1992)
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En ce qui concerne les ensembles malformatifs, l'on distingue
principalement les séquences et les syndromes.
- une séquence est un ensemble d'anomalies survenues en
cascade et étant la
conséquence d'une défectuosité primaire
qui peut être assez insignifiante. L'exemple classique est celui de la
séquence de l'oligohydramnios survenant par exemple à la suite
d'une obstruction urétrale. Ce défect mineur engendre une
séquence malformative dramatique avec la survenue d'une
mégavessie, d'un reflux vésico-urétéral, et la
destruction progressive du parenchyme rénal, une hypoplasie pulmonaire,
des contractures des membres, une compression de la face et une atrophie
progressive de la musculature abdominale donnant plus tard l'aspect en «
prune belly ».
- un syndrome est dû à l'altération
initiale de plusieurs champs de développement
relevant d'un seul agent étiologique. Les anomalies
chromosomiques en sont des exemples classiques. On parle de syndrome disruptif
lorsqu'un processus disruptif survenu assez précocement dans la
grossesse affecte plusieurs champs de développement et peut ainsi «
copier » de façon étonnante un syndrome poly malformatif
classique. Citons ici l'exemple des brides amniotiques.
- Notion de champs embryonnaire : Ce concept avait
déjà été imaginé par Boveri. Il stipule que
le jeune embryon est divisé en « champs » dans lesquels la
formation et la genèse de telle structure anatomique plus ou moins
complexe se fait de façon synchrone, ordonnée et
hiérarchisée.
1. La synchronisation dans le temps fait référence
au réglage précis et simultané
avec lequel se déroulent au sein de ces champs des
événements morphogénétiques contigus de sorte que
l'un ne soit pas déphasé par rapport à l'autre. Exemple :
la synchronisation qui s'opère entre la croissance des doigts et la
disparition des palmures interdigitales.
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2. L'agencement spatial fait allusion au fait que les
différentes parties de cette structure complexe assument leur propre
localisation et orientation par l'intermédiaire d'une intrication de
mouvements morphogénétiques actifs et passifs, de croissance et
de relation mutuellement inductrice.
Exemple : la malformation dénommée «
cyclopie » est la conséquence d'une absence de relation
mutuellement inductrice entre le cerveau antérieur et l'étage
moyen de la face.
3. Enfin la hiérarchisation rappelle que le
développement au sein d'un champ se fait du pluri potentiel
réversible au hautement différencié irréversible,
du non fonctionnel au fonctionnel, du petit au grand, du simple au complexe ...
L'organisation du zygote en un certain nombre de champs de développement
résulte très vraisemblablement de la réduction progressive
au cours de l'évolution des vertébrés du système
métamérique en structures moins nombreuses mais plus
complexes.
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