Conditions socio- économiques des ménages congolais et comportements sexuels à risque. Cas des jeunes filles célibataires( Télécharger le fichier original )par Valentin BOPE Université de Kinshasa RDC - Licence en démographie 2012 |
0. INTRODUCTION0.1. CONTEXTE ET PROBLEMATIQUEL'entrée dans la sexualité marque une étape très importante voire décisive dans le développement physique et psychologique des individus. Ainsi, les circonstances dans lesquelles les premiers rapports sexuels se font peuvent avoir des répercussions sur la vie future des hommes ainsi que des femmes (Delaunay et al, 2001). Cependant, l'activité sexuelle précoce expose les jeunes à divers risques, entre autres les grossesses non désirées, les avortements clandestins, la contamination aux IST/VIH/SIDA. La santé sexuelle et reproductive des jeunes est un problème d'actualité. Elle est au centre des préoccupations des politiques actuelles et vise à répondre aux besoins de la jeunesse dans le monde. Ce qui est vrai notamment en Afrique centrale où les données disponibles révèlent une situation déplorable. Le rapport des Nations Unies (2001) sur la santé des jeunes, montre que dans cette région du monde, caractérisée par une population jeune (plus de 50% de la population a moins de 20 ans), l'entrée dans la vie sexuelle est précoce, le multipartenariat s'est développé et le nombre de grossesses hors mariage a augmenté suite au non usage systématique des méthodes contraceptives. Dans une étude réalisée en 2002 par le projet SFPS1(*) en côte d'ivoire sur les comportements en matière des IST/VIH/SIDA, il ressort qu'en matière de relation sexuelle, les jeunes filles qui n'ont pas d'enfants ne se distinguent pas de celles qui en ont déjà eu ; environ une jeune fille sur trois est entrée dans l'activité sexuelle avant l'âge de 15 ans ; de même, celles qui ont déjà contracté une union, ont le même comportement que celles qui n'ont jamais été en union. En effet, sur 100% des enquêtées de 15-24ans, 28% d'individus ont déclaré avoir connu leur expérience sexuelle précocement, 5% déclarent avoir de partenaires multiples et 54 % déclarent avoir utilisé les condoms. De tout ceci, il a été constaté par ailleurs que, les plus jeunes générations ont une vie sexuelle plus précoce : ceux qui ont débuté leur vie sexuelle avant l'âge de 15 ans représentent 66 % dans le groupe d'âges de 15-17 ans au moment de l'enquête contre 25 % dans le groupe de 18-20 ans et 23 % dans le groupe de 21-24 ans. Les plus âgés sont plus nombreux à entretenir des relations multiples et à avoir déjà utilisé le préservatif. Pour Davis (1989) cité par Delaunay et al, (2001), le sujet de la sexualité des jeunes renvoie aussi aux considérations psychologiques sur la maternité non désirée et aux risques sociaux qu'elle implique. C'est pourquoi, les risques sanitaires liés à l'âge et au rang de naissance sont accentués par les conditions psychologiques et sociales. Et il est souvent difficile pour une grossesse hors mariage non désirée d'être acceptée dans la société. De ce fait, les risques pour la santé des mères adolescentes ainsi que ceux de leurs enfants sont par conséquent devenus incalculables, car l'entrée précoce dans la vie sexuelle marque le début de la période d'exposition au risque des grossesses (Talnan, Anoh et Zanou, 2002). Sachant que la sexualité a été longtemps associée au mariage pour les femmes, fort serait ce constat auquel dans la plupart des pays Africains, aujourd'hui, ces deux composantes de la fécondité deviennent de plus en plus dissociées. Les auteurs comme Blanc et Way (1998) montrent qu'il y a une augmentation de l'écart entre l'âge d'entrée dans la vie sexuelle et l'âge au premier mariage pour les femmes dans la plupart des pays. Ceci se laisse voir même en RDC où l'on observe un grand écart entre l'âge au premier rapport sexuel et au premier mariage. L'EDS-RDC (2007) montre que pour les femmes de 25-49 ans en union, leur âge médian à la première union est de 18,6 ans et de 24,3 ans chez les hommes du même groupe d'âges. Par ailleurs, pour le même groupe d'âges, l'âge médian aux premiers rapports sexuels est de 16,8 ans chez les femmes et de 17,9 ans chez les hommes. Dans l'ensemble, 22 % des femmes et 12 % des hommes de 25-49 ans avaient déjà eu leurs premiers rapports sexuels avant l'âge de 15 ans exacts. Certains autres auteurs comme Rwenge, 2000 ; Diop, 1995 ; Gueye et al, 2001 cité par Talnan et al., (2002), soulignent que la recherche sur les facteurs explicatifs de changement en matière de sexualité des jeunes met en évidence l'influence de la modernisation avec son corollaire la « désorganisation sociale » qui a induit à un affaiblissement de l'autorité des aînés sur les cadets et du groupe familial sur les enfants laissant ainsi place à la liberté pour les jeunes d'avoir des conduites sexuelles contraires à la morale traditionnelle dont particulièrement les zones urbaines sont les plus concernées. Ces auteurs notent que, certaines recherches mettent l'accent sur l'approche dite «d'adaptation rationnelle » qui serait au centre de ce comportement. Comme pour dire, s'engager dans une relation sexuelle résulterait d'une décision rationnelle visant à rechercher un soutien d'ordre économique. Ainsi, les jeunes filles peuvent entretenir des relations sexuelles avec les hommes dans le but d'obtenir de l'argent, des cadeaux ou diverses autres faveurs en vue de subvenir à leurs besoins. Cette hypothèse pourrait se vérifier dans nombre des pays africains où la récession économique à laquelle est confrontée ces pays depuis le début des années 80 et la dégradation des conditions de vie en ville comme en campagne ont rendu les populations plus vulnérables. Cependant, de nombreuses normes de comportements propres à l'adolescence telles que la spontanéité, les conduites d'essai, voire de prise de risque, et l'instabilité peuvent générer des problèmes de santé liés à la sexualité. Parmi eux, on peut citer les grossesses non désirées conduisant à des interruptions volontaires de grossesse au phénomène filles-mères, aux infections sexuellement transmissibles (IST), mais aussi à la stérilité ultérieure (Godeau et al. 2005). En outre, la sexualité et la fécondité des jeunes ont des conséquences dramatiques sur leur santé. Par exemple, les risques élevés des mortalités maternelle et infantile résultant des avortements provoqués, souvent illégaux et pratiqués à partir des méthodes à haut risque, et d'exposition au SIDA. Il a été démontré que les avortements provoqués produisent l'infécondité chez les femmes (Evina, 1990). Par ailleurs, d'autres conséquences issues de ce comportement seraient le taux élevé des grossesses prénuptiales dont toutes ne sont pas désirées et pour lesquelles certaines jeunes célibataires recourent à l'avortement qui peut compromettre leur santé ou leur vie sexuelle future dans les pays où cet acte est condamnable (Calvès, 2002 ; Guillaume, 2006). Et d'autres auront impacté sur la vie scolaire des jeunes, sur leur vie maritale, sur leur structure familiale et sur l'encadrement des jeunes mères par leur famille (Rwenge, 1999b). En plus de ces conséquences, Ilinimugabo et al. (1996) ont révélé que les grossesses prénuptiales peuvent aussi provoquer des mariages de raison ou des unions consensuelles, qui sont souvent instables. Par ailleurs TANO-VE et al, (2006) font observer que l'OMS (1993); l'UNESCO et le FNUAP (1993), stipulaient que l'urbanisation actuelle, l'accroissement du chômage et de la pauvreté, la croissance rapide de la population, l'effondrement de l'autorité familiale ont favorisé également l'émergence de nouveaux comportements sexuels chez les adolescents avec une précocité sexuelle entre 14-15 ans. C'est dans cette même logique qu'Ilinimugabo et al. (1996) affirmaient que le manque de connaissances en matière de sexualité, la faiblesse du contrôle social, le manque de communication entre les parents et les jeunes enfants ,et la pauvreté des familles étaient associés à la sexualité à risque observée chez les jeunes camerounais. Pour Rwenge (2000), les jeunes économiquement démunis et ceux vivant dans des milieux moins stables sont plus susceptibles que les autres d'adopter des comportements sexuels à risque. Cependant, pour Garenne et al. 2000 ; FNUAP, 2003 mentionnés par Gastineau et Binet (2006), estiment qu'il semble être admis que les risques pris par les jeunes célibataires sont liés au manque d'informations ou de connaissances en matière reproductive ou sanitaire . Or, Calvès (2002), pour sa part, pense que les prises de risques des célibataires en matière de sexualité peuvent aussi être un fait rationnel, c'est-à-dire le fruit d'une stratégie, explicite ou implicite2(*). Cette situation est aussi très préoccupante en RDC. L'enquête par grappe à indicateurs multiples (MICS2001) avait révélé en son temps que l''âge moyen au premier rapport sexuel était quasiment le même selon le milieu de résidence, le niveau de pauvreté et le niveau d'instruction de la femme (MIN plan, 2002). Cette activité sexuelle précoce était accompagnée des certaines autres pratiques sexuelles à risque telles que le multi partenariat et le non usage du préservatif. Or, TAMBASHE et al, (2001), stipulent que ces pratiques aboutissent à des conséquences telles que les déperditions scolaires, les grossesses non désirées, les avortements provoquées et les IST/ SIDA. De tout ce qui précède, il apparait clairement que plusieurs facteurs peuvent expliquer ce comportement sexuel des jeunes célibataires dit « à risque »3(*). Pour en arrivé, quelques questions peuvent être posées, à savoir : · Qu'est ce qui justifierait les comportements sexuels à risque adoptés par les jeunes célibataires congolaises? · Quels sont les facteurs qui expliqueraient ces comportements à risque? * 1 Le projet Santé Familiale et prévention du Sida en côte d'Ivoire. * 2 Fruit d'une stratégie explicite et implicite signifie que la sexualité des jeunes devient un acte formellement expliqué ou alors un acte contenu dans ce qui est exprimé, non pas en termes formels mais de telle sorte qu'il en découle. * 3 Le comportement sexuel est dit « à risque » lorsqu'il expose les individus à des conséquences néfastes pouvant compromettre leur santé sexuelle et reproductive future à travers sa survenue précoce, son caractère multipartenaire et de non usage du préservatif. |
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