II/ LES FACTEURS ENDOGENES DE SON EFFRITEMENT
A l'instar des facteurs exogènes, nous avons aussi
mis l'accent sur les facteurs endogènes qui ont été l'une
des causes immédiates de la disparition de l'OCAM. Ces facteurs
endogènes sont d'abord la persistance des divergences
politico-idéologiques entre les Etats membres de l'OCAM. Et enfin, les
démissions incessantes de ses membres qui se traduisaient par des
retraits répétés.
1)-La persistance des divergences
politico-idéologiques au sein de l'OCAM.
Après notre étude sur les facteurs
exogènes cités plus haut, nous voulons mettre le cap sur les
facteurs endogènes. Ces facteurs ont eu un impact sur la vie de l'OCAM
jusqu'à ce qu'elle disparaisse un jour. Parlant de persistance des
divergences politico-idéologiques au sein de la grande famille OCAM,
c'est pour nous une façon de dire que ces divergences ont
commencé avant même la naissance de l'OCAM. En effet, nous
pouvons dire que ces divergences sont parties du fait que lors de la
création de l'OCAM, certains États membres étaient
absents. Par ailleurs, cette conférence des Chefs d'États membres
n'était pas destinée à substituer l'UAMCE mais
plutôt à signer sa charte.
35Jacques BAULIN, op.cit., p.169
Mais, il s'est avéré que le Président
Félix Houphouët-Boigny, principal instigateur des regroupements
francophones, n'a vraiment pas tenu compte du point de vue de ses
collègues pour créer l'OCAM à Nouakchott(Mauritanie) le 12
février 1965. Ceci était un premier problème qui n'a pas
été réglé. Et puis quand survient le
problème de l'admission du Congo-Léopoldville du premier ministre
Moise Tschombé au sein de l'OCAM, cela va constituer le noeud de la
persistance des divergences entre ses États membres.
Le président de la République Islamique de
Mauritanie et son homologue Ahmadou Ahidjo du Cameroun se sont opposés
systématiquement quand le gouvernement français et la grande
majorité des gouvernements de ladite Organisation, ont voulu faire
adhérer sans préavis le Congo-Léopoldville36 de
Moïse Tschombé. Le président Léopold Sédar
Senghor du Sénégal, faisait partie de ceux qui étaient
partie prenante de cette nouvelle adhésion. L'admission du
Congo-Léopoldville cautionnée par le président
Félix Houphouët-Boigny et une bonne partie de ses collègues,
va sonner le glas dans les relations des membres de ce regroupement
francophone, suscitant le retrait précipité de certains d'entre
eux.
2)-Les démissions incessantes de ses
membres (1965-1982)
Cet axe nous permet de donner les raisons pour
lesquelles plusieurs membres se sont retirés de l'OCAM. Nous pouvons
à cet effet dire que de façon générale, les
divergences survenues sur la question de Moïse Tschombé, et celle
de voir l'ingérence de la France dans les Affaires communes de l'OCAM,
ont été les raisons fondamentales.
Le Président Moktar Ould DADDAH n'a vraiment pas
apprécié la conférence extraordinaire qui s'est tenue
à son insu à Abidjan le 26 Mai 1965 et en l'absence d'Ahidjo du
Cameroun et de deux autres chefs d'Etats. A ce sommet, les chefs d'Etats
réunis ont décidé d'admettre le Congo-Léopoldville
dans l'organisation commune Africaine et Malgache. Pour le président
Mauritanien qui a vu la dignité bafouée de son pays,
décide de quitter l'OCAM le 06 Juillet 1965.
36Ancienne appellation de l'actuelle République
Démocratique du Congo
Après le retrait officiel de la Mauritanie, la question
qui reste à poser est de savoir si la pleine implication de la France
dans cette Organisation, ne va-t-elle pas aussi pousser d'autres à
quitter l'OCAM ?
Les raisons de ces départs sont simples à
identifier. En effet, la plupart des Etats l'ont quittée pour des
raisons politiques, la jugeant à tort ou à raison trop
inféodée à la France. Pour certains, l'OCAM était
perçu comme un « club francophone » ; En
d'autres termes, comme instrument du néocolonialisme français en
Afrique, souvent opposé dans les instances internationales à
l'OUA, aux Etats arabes, lorsque ceux-ci dénoncent avec acuité la
maladresse de la politique française sur le continent
africain.37
Après l'entrée de l'île Maurice en janvier
1969 au sein de l'OCAM, dont le sigle signifie Organisation Commune Africaine
Malgache et Mauricienne, la situation de son adhésion coïncide avec
des retraits récurrents de ses collègues membres de l'OCAM.
Successivement le 04 juillet 1973 le Madagascar se retire de l'OCAM par des
accords généraux signés avec la France. Ce qui va donner
Organisation Commune Africaine et Mauricienne. Le Congo-Léopoldville
venu maintenir l'effectif de l'OCAM à 14 après le départ
de la Mauritanie, décide de partir le 17 Avril 1972. Le Président
Tchadien, François Tombalbaye abandonne la Présidence de l'OCAM
en cette même année ; tandis que le Président Marcel
Yassingbé Eyadéma du Togo, refuse obstinément d'en devenir
le président.
Le 15 Août 1972, c'est autour de la République
populaire du Congo de s'en retirer. Le Tchad et le Cameroun emboîtent le
pas en 1973 respectivement les 03 Juillet et 31 Juillet. Le Gabon aussi quitte
cette organisation en Septembre 1976. L'île Maurice qui
représentait le quinzième membre depuis son arrivée en
1969, se retire en 1982 de l'OCAM.
De l'Organisation Commune Africaine et Malgache, en passant
par l'Organisation Commune Africaine Malgache et Mauricienne, pour en arriver
à l'Organisation Commune Africaine et Mauricienne, cette Organisation
qui a totalisé seize(16) membres à l'origine, passe à
huit lors de sa dissolution, décidée d'un commun accord le 23
Mars 1985 lors de son XIIe sommet à Lomé,
au Togo.
37Pierre NANDJUI, Idem, p. 122
CONCLUSION
La diversité des colonialismes qui ont
sévi en Afrique, ont exposé l'OUA à d'inévitables
divisions. En particulier, les clivages linguistiques à base historique
ont suscité dès 1960 une solidarité entre États
francophones sous l'impulsion de Félix Houphouët-Boigny, laquelle
donna Union Africaine et Malgache(U.A.M) . Cette solidarité
institutionnalisée prit plusieurs formes passant de l'UAM à
l'UAMCE (Union Africaine et Malgache de Coopération Economique) et enfin
à l'OCAM.
Le groupe anglophone que dirigeait Kwamé N'Krumah sera moins
consistant et en tout cas éphémère au sein de l'OUA.
Ces rivalités ont
cédé progressivement le pas à des alliances
idéologiques et politiques chevauchant les frontières
linguistiques. La fissuration idéologique du continent née des
rivalités entre les superpuissances s'est profondément
répercutée au sein de l'organisation panafricaine au point que
même les questions de décolonisation sur lesquelles on croyait
l'unanimité définitivement acquise entre États africains,
ont donné lieu à des oppositions irréductibles entre
tendances « progressiste » et « modérée.»
Ainsi au lendemain de l'indépendance de l'Afrique
en général et surtout de l'Afrique francophone en particulier,
les États sortis des colonies ont jugé bon de s'organiser tout
comme les puissances colonisatrices. Mais ce rêve n'a pu se
concrétiser pour cause de malentendus. L'organisation commune africaine
et malgache (OCAM), une Organisation politique qui a regroupé des pays
francophones s'est inscrite dans le concert des successions des organisations.
Succédant le 12 février 1965 à Nouakchott, d'abord
à l'Union Africaine et malgache(U.A.M) et enfin à l'Union
Africaine et Malgache de Coopération Economique, cette Organisation a
eu une naissance «difficile ». La naissance de l'OCAM n'a d'une part
pas été approuvée par le groupe des
révolutionnaires qui souhaitent que le panafricanisme soit rependu dans
toute l'Afrique. Une idéologie qu'encourageait le Président
Ghanéen Kwamé N'krumah. Et d'autres parts, ce regroupement a
connu une naissance contestée par ses propres membres qui avaient aussi
auparavant assisté et accepté les deux Organisations qui ont
précédé l'OCAM. C'est alors donc depuis la naissance de
cette organisation, que les véritables maux ont commencé à
miner son fonctionnement. Malgré la «Guerre» qui lui a
été déclarée par le Groupe de «
Casablanca», elle a continué d'exister. Mais, la tension au sein
de la grande famille des États Francophones a commencé lorsque,
l'OCAM créée par Houphouët sous le parrainage de la Grande
Puissance France, a imposé l'admission du Congo-Léopoldville de
Moise Tschombé aux membres dudit regroupement. Ce problème
interne que nous qualifions de divergences politico-idéologiques prend
une autre tournure quand La République islamique de Mauritanie du
Président Moktar Ould Daddah quitte officiellement l'OCAM quatre mois
après sa création, soit le 06 juillet 1965. Après le
départ de cet État membre, la situation se dégrade de plus
en plus avec la défection d'autres États membres. Car ceux-ci
reprochent à l'OCAM d'être trop inféodée à la
France. Cette Formation critiquée violemment, contestée, agonise
du fait de ces difficultés liées aux divergences
politico-idéologiques qui ont atteint leur paroxysme. C'est ce qui a
fait que cette Institution n'a pu maintenir en vie cet objectif de
solidarité et de coopération qu'elle s'est fixée depuis
Nouakchott en 1965. Malgré les tentatives du président
Félix Houphouët-Boigny de la sauver de cette léthargie
institutionnelle à laquelle se sont greffés de nombreux blocages
fonctionnels, l'OCAM a fini par s'effriter le 23 mars 1985 seulement
après Vingt ans d'existence.
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