L'incrimination du délit d'initié en France. Atouts et faiblesses d'une répression( Télécharger le fichier original )par Pierre ROCAMORA Faculté de droit et science politique, Université Paul Cézanne Aix-Marseille III - Master 2 prévention et répression de la délinquance économique et financière 2007 |
2. ELEMENT MORALEn matière de Droit pénal des affaires, l'élément moral tend à s'atténuer en considération de la responsabilité de fonction des délinquants. L'élément intentionnel du délit est suffisamment établi dès lors que l'auteur de l'acte "sait" qu'il bénéficie d'une information privilégiée17(*), et que dès lors, il doit s'abstenir. Ainsi, l'article L.465 du CMF sanctionne un délit intentionnel, mais la preuve de cette intention ne soulève guère de problème. Certaines personnes sont présumées initiées de façon irréfragable. Quant aux autres, il suffira d'établir qu'elles ont agi volontairement en ayant conscience de détenir des informations privilégiées, conscience qui provenait des fonctions exercées. En réalité, le délit d'initié apparaît très proche d'un simple délit matériel imposant aux initiés une abstention totale. Dans l'affaire PECHINEY18(*), la cour d'appel de Paris le 6 juillet 1994, a ainsi pu condamner pour délit d'initié l'un des prévenus en raison des opérations réalisées par un autre prévenu en affirmant : « qu'il suffit en effet que l'initié ait eu conscience, au préalable, de ce que les informations privilégiées qu'il livrait étaient destinées à être utilisées par les opérateurs sur le marché ». Dans l'arrêt de cassation de la même affaire, en date du 26 octobre 1995, la Cour ajoute qu'il n'est même pas nécessaire que celui qui permet sciemment à des tiers de réaliser des opérations sur le marché « connaisse l'identité des opérateurs, ni les modalités des opérations réalisées ». Par conséquent, du fait du particularisme du droit pénal des affaires au regard de la procédure pénale19(*), la caractérisation de l'élément moral du délit d'initié, ne soulèvera pas de difficultés pour le juge. * 17 Décision du Tribunal de grande instance de Paris du 18 avril 1979 : www.legifrance.fr * 18 Signalons que c'est au cours de cette affaire qu'a été consacrée l'incrimination de « recel » de délit d'initié. * 19 Ce particularisme du droit pénal des affaires (DPA) se manifeste tout d'abord dans le domaine du droit de la preuve, et des investigations. Les infractions du DPA sont généralement portées à la connaissance du procureur de la République après détection par des professionnels et acteurs du monde des affaires, et non pas suite à une plainte de témoins, victimes... Ce particularisme se traduit également par des spécificités dans le domaine de l'action civile et publique. |
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