Faculté d'Economie Appliquée & Faculté
de Droit
Centre d'Etudes des Techniques Financières et
d'Ingénierie - CETFI
Centre de Recherche en Matière Pénale Fernand
Boulan
Groupe Européen de Recherche sur la Délinquance
Financière et la Criminalité Organisée
L'INCRIMINATION DU DELIT D'INITIE EN FRANCE:
ATOUTS ET FAIBLESSES D'UNE REPRESSION
Master II professionnel Economie-Droit,
spécialité :
« Prévention & répression
de la délinquance financière
et de la criminalité
organisée »
Pierre ROCAMORA
SOMMAIRE
Introduction..................................................................................4
I : Un dispositif législatif
exhaustif .....................................................8
A : Eléments constitutifs du
délit......................................................8
1. Elément
matériel...................................................................8
2. Elément
moral.....................................................................13
B : Personnes
concernées............................................................14
1. Personnes
physiques..............................................................14
2. Personnes
morales................................................................16
II : L'euphémisation de la répression en
matière de délits boursiers..............17
A : La dualité des
poursuites...........................................................18
B : Enjeux
situationnels................................................................21
Conclusion.................................................................................26
INTRODUCTION
« Is white Collar Crime a
Crime? » le crime en col blanc est-il un crime comme les autres
? , s'interrogeait déjà, en 1945 le sociologue Edwin H.
Sutherland dans un article publié par l'American Sociological
Review1(*). Plus de
cinquante ans plus tard, malgré l'accumulation
répétée d'affaires exemplaires, cette délinquance
économique et financière continue de bénéficier
d'une image de moindre gravité, et ceux qui sont poursuivis pour de tels
faits campent le plus souvent sur une position de déni. Un début
d'explication nous est fourni par l'argumentation de certains
spécialistes -juristes et acteurs du monde des affaires- qui consiste
à dire que si la délinquance « ordinaire »,
celle qui porte atteinte aux personnes, aux biens et à l'autorité
de l'Etat, constitue une menace réelle, la délinquance
économique et financière n'est qu'artificielle. Elle ne
reposerait sur aucune intention nuisible, ne révèlerait aucune
dangerosité particulière et ne causerait pas de victimes
identifiables. Toute action répressive à leur égard
serait donc sans objet. Il en ressort ainsi une minimisation
systématique de ces comportements, comme si cette forme de
délinquance financière n'en était pas vraiment une.
La criminalité économique et financière
désigne de manière générale toute forme de
criminalité non violente qui a pour conséquence une perte
financière2(*).
Cette forme particulière de criminalité couvre
ainsi une large gamme d'activités illégales telles que l'abus de
biens sociaux, la corruption, la fraude fiscale, le blanchiment, ou encore le
délit d'initié. C'est cette dernière incrimination qui
retiendra notre attention.
Un des principes directeurs en matière boursière
est le principe d'égalité sur le marché entre les
investisseurs. L'égalité des investisseurs est essentiellement
une égalité d'information. Elle est rompue si certains d'entre
eux savent ce que les autres ignorent. Afin que cette égalité
soit respectée, et que les différents acteurs financiers
accordent leur confiance aux entreprises du marché, le
législateur a décidé d'établir des normes qui
régissent l'ensemble des transactions boursières. Il existe ainsi
en droit français un dispositif complet prévoyant et
réprimant les comportements déviants sur les marchés.
C'est suite aux divers scandales politico financier survenus
aux Etats-Unis vers la fin des années 1960, que le décideur
public est intervenu afin de réglementer les différentes
opérations effectuées sur le marché boursier. Intervention
qui s'est traduite par la création d'un organe, un « gendarme
de la bourse », la Commission des opérations de bourse3(*) (COB), chargée de veiller
au bon fonctionnement du marché. Cet organe administratif ayant fait
l'objet des critiques les plus acerbes, et ayant démontré son
incapacité à exercer ses missions en conformité notamment
avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme4(*) (CEDH), fut
remplacé par l'Autorité des marchés financiers (AMF), en
20035(*). C'est dans ce
cadre que la surveillance actuelle des transactions boursières
s'effectue, surveillance complétée par des incriminations
réprimant des comportements déviants. Au rang de ces
incriminations, la plus connue des infractions est le délit
d'initié.
La première incrimination connue sous le nom de
« délit d'initié » est due à la loi du
22 décembre 1970 (art. 70-1) dont les dispositions ont été
insérées dans l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre
1967. Elle sanctionnait l'utilisation illicite d'informations
privilégiées par les personnes qui en disposent à titre
professionnel. Cette infraction était destinée à punir
ceux qui faussent le jeu du marché et l'égalité qui doit
régner entre tous ceux qui désirent opérer en bourse.
L'actuel règlement général de l'AMF définit le
manquement d'initié à travers sont article L.622-1, lequel
déclare que « Toute personne mentionnée à
l'article 622-2 doit s'abstenir d'utiliser l'information
privilégiée qu'elle détient en acquérant ou en
cédant, (Arrêté du 30 décembre 2005) ou en tentant
d'acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte
d'autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers
auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels
ces instruments sont liés ».
Ce dispositif est complété par l'article
621-1 du règlement général de l'AMF qui vient
préciser ce que l'on doit entendre par la notion d'information
privilégiée. Enfin, l'infraction pénale du délit
d'initié est prévue par l'article 465-1 du Code monétaire
et financier.
Ladite disposition énonce qu' « Est
puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 1 500 000 euros
dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre,
jusqu'au décuple du montant du profit éventuellement
réalisé, sans que l'amende puisse être inférieure
à ce même profit, le fait, pour les dirigeants d'une
société mentionnée à l'article L.225-109 du Code du
commerce, et pour les personnes disposant, à l'occasion de l'exercice de
leur profession ou de leurs fonctions, d'informations
privilégiées sur les perspectives ou la situation d'un
émetteur dont les titres sont négociés sur le
marché réglementé ou sur les perspectives
d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché
réglementé, de réaliser ou de permettre de
réaliser, soit directement, soit par personne interposée, une ou
plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces
informations ». Les alinéas 2 et 3 du même article
énonce les autres personnes susceptibles de voir leur
responsabilité engagée, avec une variation quant à la
peine d'emprisonnement, qui ne peut excéder pour ces personnes, un an
ferme.
Une des affaires qui a porté le délit
d'initié à la connaissance du public est sans aucun doute
l'affaire PECHINEY-TRIANGLE, dont les faits remontent à 19886(*). Malgré la
sévérité des réquisitions du procureur de la
république Jean-Claude MARIN, qui dénonçait alors
« la voyoucratie de l'argent sale7(*) », les peines prononcées à
l'encontre des prévenus furent relativement légères.
Avant cette ultime étape du procès, les organes
poursuivant vont se heurter à différentes difficultés,
notamment en matière de détection de l'infraction, mais
également d'établissement de la preuve. Mais au-delà de
ces barrières procédurales, se pose d'autres interrogations, dont
une en particulier, à laquelle nous nous efforcerons de
répondre.
Dans quelle mesure la réponse pénale
donnée à l'infraction de délit d'initié, nonobstant
un dispositif législatif satisfaisant, n'est pas assurée
convenablement ?
Par conséquent, il conviendra dans un premier temps,
d'étudier le dispositif législatif encadrant cette incrimination
(I), dans le but d'en apprécier l'étendue et la
portée. Ensuite, nous nous questionnerons sur les raisons qui
entraînent un adoucissement de la répression en matière de
délit d'initié (II), notamment en ce qui
concerne la dualité des poursuites et les enjeux situationnels gravitant
autour de l'infraction.
I : UN DISPOSITIF LEGISLATIF EXHAUSTIF
A l'instar de toutes les autres incriminations, le
délit d'initié doit regrouper plusieurs éléments
dits « constitutifs », afin d'être établi. Ce
n'est que lorsque tous les éléments légalement
exigés seront remplis, que « l'initié »
pourra être poursuivi. Nous étudierons dans cette partie les
éléments constitutifs d'un tel délit, et les personnes
susceptibles d'être inquiétées.
A : ELEMENTS CONSTITUTIFS DU DELIT
1. ELEMENT MATERIEL
1.1 Elément matériel
préalable : une information privilégiée
Il existe en matière de délit d'initié,
diverses dispositions législatives qui viennent définir ce que
l'on doit entendre par la notion d'information privilégiée.
Le règlement général de l'AMF8(*), à travers son article
621-1, donne une définition très précise de cette notion
d'information privilégiée au titre du manquement d'initié.
Ledit article énonce qu' « une information
privilégiée est une information précise qui n'a pas
été rendue publique, qui concerne directement ou indirectement,
un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs
instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait
susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments
financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont
liés ».
Sur le critère de précision, l'information sera
précise lorsqu`elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un
événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se
produire, et si il est possible d'en tirer une conclusion quant à
l'effet probable de ces circonstances ou de cet événement sur le
cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers
qui leur sont liés. Quant aux termes « avoir une influence
sensible », ils signifient que l'investisseur raisonnable serait
susceptible d'utiliser cette information comme l'un des fondements de ses
décisions d'investissements.
En parallèle à cette définition
exhaustive du règlement général de l'AMF, l'article
L.465-1 du Code monétaire et financier ne précise quant à
lui, aucun des caractères requis pour une telle information, condition
préalable de l'élément matériel du délit
d'initié. C'est donc principalement à la jurisprudence et
à la doctrine qu'est revenu le soin de combler cette absence de
définition légale de l'information privilégiée.
Selon une jurisprudence constante, il doit s'agir d'une information
confidentielle, précise, de nature à influer
sur les cours et déterminante des opérations
réalisées.
- En premier lieu, l'information doit être
confidentielle, en d'autres termes secrète et non connue du public.
Cette confidentialité de l'information est justifiée par la
théorie économique. Si certains agents utilisent une information
boursière inconnue du grand public pour en tirer profit, alors d'autres
opérateurs peuvent perdre confiance dans le marché et diriger
leur capacité de financement vers d'autres placements. De plus, les
organes de direction et de surveillance d'une société
étant nécessairement collégiaux, la détention d'une
information par plusieurs initiés ne lui fait pas perdre son
caractère confidentiel. Dans la mesure où la diffusion d'une
information est caractérisée par une publication selon les
modalités propres au droit d'information des actionnaires, la
jurisprudence l'entend de façon restrictive. Ainsi, l'information ne
perd son caractère confidentiel que lorsqu'elle est communiquée
par un canal officiel : un communiqué, une publicité
légale ou encore une lettre aux associés.
- En second lieu, l'information doit être
précise. Cette condition permet d'écarter les renseignements
vagues ou les simples rumeurs. Sont par exemple des informations
précises selon la jurisprudence, des opérations régies par
le droit des marchés financiers telles qu'un projet de prise de
participation significative dans le capital d'une société, la
préparation d'une offre publique d'achat. Dans l'affaire
Pechiney-Triangle la Cour de cassation dans son arrêt du 26 octobre 1995
énonce que l'information privilégiée porte sur
« des renseignements suffisamment précis pour être
immédiatement exploités sur le marché 9(*)». Cette précision de
l'information constitue la deuxième pierre d'échoppe de
l'information privilégiée, de vagues rumeurs ne remplissant pas
l'exigence prétorienne.
- L'information doit également être
« de nature à influer sur le cours de la valeur ». Ce
critère jurisprudentiel est largement inspiré des
différentes directives européennes10(*), selon lesquelles
l'information se doit d'être « susceptible d'influencer de
façon sensible le cours des instruments financiers concernés si
elle était rendue publique », ou encore une information
qu « un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser
en tant que faisant partie des fondements de ses décisions
d'investissements ».
- Enfin, l'information doit être déterminante.
Cette dernière condition posée par la jurisprudence11(*) doit permettre à un
initié d'invoquer des faits justificatifs lorsqu'il a poursuivi un
intérêt autre que personnel. Selon les pénalistes, un fait
justificatif est une cause légitime d'impunité qui fait
disparaître la qualification pénale de l'acte par neutralisation
de l'élément légal de l'infraction. Ce caractère
déterminant permet ainsi au prévenu d'échapper à
toute condamnation s'il prouve simplement que son intervention sur le
marché financier n'était pas dictée par la connaissance de
l'information privilégiée mais par une stratégie
financière préalablement définie12(*). Cette condition peut
engendrer une confusion, en faisant de la prise en compte du mobile une cause
justificative du délit d'initié. Le mobile, qui par principe est
indifférent en droit pénal, sauf lorsque la loi l'érige en
dol aggravé ou en dol spécial, est pris en compte en
matière de délit d'initié. Ainsi, l'exigence d'un
intérêt personnel de l'initié s'inscrit en porte à
faux de la ratio legis du délit d'initié qui a vocation
à protéger l'égalité des opérateurs sur le
marché financier. La rupture de cette égalité
informationnelle via l'utilisation d'une information confidentielle,
précise et sensible, devrait suffire à qualifier l'information de
privilégiée.
1.2 Elément matériel à proprement
dit : L'utilisation d'une information privilégiée
L'article L.465-1 punit l'initié qui aura
réalisé ou sciemment permis de réaliser sur le
marché, soit directement, soit par personne interposée, une ou
plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces
informations. La loi incrimine donc aussi bien les opérations
effectuées par les initiés directement que celles
réalisées, pour leur compte, par personne interposée. Dans
les deux cas, l'initié est l'auteur du délit. Mais la loi
sanctionne également les initiés pour les opérations
effectuées par des tiers qu'ils auront « sciemment »
fait bénéficier d'informations
privilégiées13(*).
Concernant la date des opérations et donc de
l'utilisation de l'information, le texte n'incrimine que les opérations
réalisées avant que le public ait connaissance des informations.
Le délit suppose en effet que soit rapportée la preuve de
l'antériorité des opérations boursières sur la
divulgation dans le public d'informations jusqu'alors confidentielles. Le juge
répressif doit donc établir la chronologie des
événements, certains juges ont même été
amenés à vérifier minutieusement la chronologie
« à la minute près ».14(*) Ce travail qui rend la
détection du délit plus complexe est cependant absolument
nécessaire car, être initié, c'est savoir ce que les autres
ne savent pas ou, plus exactement, savoir avant les autres.
Les comportements interdits portent donc sur l'utilisation
d'une information privilégiée par un initié qui
souhaiterait réaliser des opérations sur les titres d'une
société cotée ou tout autre instrument financier dans le
but d'en dégager un profit. Il est ainsi interdit à un
initié d'exploiter une information privilégiée en sa
possession avant que celle-ci n'ait été rendue publique.
Concrètement l'initié sera sanctionné
s'il effectue un acte positif, c'est-à-dire s'il acquiert ou cède
des valeurs mobilières pour son compte ou pour le compte d'autrui en
utilisant directement ou indirectement une information
privilégiée.
Par conséquent, tout initié voit peser sur lui
une obligation d'abstention, mais également de discrétion.
D'abstention, car l'initié ne doit commettre aucun acte lorsqu'il est en
possession d'une information privilégiée tant que cette
information n'est pas connue du public. De discrétion, ce qui implique
ici que l'initié ne doit en aucun cas communiquer une information qu'il
sait privilégiée à un tiers, avant que cette information,
là encore, soit connue du public.
L'information et le modèle
cybernétique
L'information qui est au coeur du délit
d'initié, et qui constitue dans nos sociétés modernes un
élément essentiel, a fait l'objet de plusieurs études
ayant pour but d'analyser et de comprendre ses origines, sa destination et ses
effets. Ainsi, les hommes ont pu définir le concept de la communication,
en se basant sur trois modèles : Le modèle
systémique, le modèle linguistique et le modèle
cybernétique. C'est sur ce dernier modèle, qui renvoi directement
à la théorie de l'information, en mettant l'accent sur la
formalisation des processus de transmission que nous nous pencherons.
La cybernétique peut être définit comme la
prise de conscience du processus vital qui maintient en équilibre
l'ensemble des phénomènes. C'est la science de
l'efficacité et du gouvernement par le contrôle organisé de
toutes les informations y compris celles qui concernent les perturbations de
toute nature, en vue de leur traitement, pour parvenir à la
régulation optimale de tout phénomène organique, physique
ou esthétique. Cette théorie de la communication, voit le jour
à la fin de la seconde guerre mondiale, et l'on en attribue la
paternité au mathématicien Norbert WIENER15(*). Selon lui, la
cybernétique doit être perçue comme une science qui
étudie exclusivement les communications et leurs régulations dans
les systèmes naturels et artificiels. Par conséquent, la
cybernétique désigne d'abord un moyen de connaissance, qui
étudie l'
information au sens de
la
physique, dans la
définition qu'en donne Norbert Wiener: « De même que
l'
entropie est
une mesure de désorganisation, l'information fournie par une
série de messages est une mesure d'organisation16(*) ».
Ce modèle cybernétique suit un
déroulement logique qui peut être résumé en cinq
étapes :
- Un émetteur qui transforme l'information en la
codant
- Un canal d'information, c'est-à-dire un
système physique dans lequel circule le message
- Un récepteur, qui recueille l'information en la
transformant
- Un répertoire de signes dans lequel les
protagonistes, le récepteur et l'émetteur puisent pour construire
le message, côté émetteur, et pour l'identifier
côté récepteur.
- Le feedback, qui couvre le processus d'information en
retour.
La transmission de l'information n'est pas qu'un transfert par
flux codé canalisé voire traduit par transcodage ou transcription
pour des besoins de commandement, d'ordre ou d'uniformisation (classe
d'équivalence), mais bien un processus de l'information faisant
intervenir de la diffusion, de la dispersion, de la diffraction avec
interférences multiples, où tout phénomène de
transformation, d'induction, de mutuelle, de transduction, d'influence voir
d'inertie et même de percolation ou d'interaction et
d'inter-réaction, est possible.
L'information qui par nature, a pour fonction de servir aux
intérêts des hommes, peut donc être employée et
déformée, dans le but, pour ceux qui en font un tel usage, d'en
tirer quelconque bénéfice. Ce modèle cybernétique
peut ainsi être approché de l'incrimination du délit
d'initié, de par le fait que l'information dans un tel système
joue un rôle primordial et aura des conséquences selon
l'utilisation que certains en font.
2. ELEMENT MORAL
En matière de Droit pénal des affaires,
l'élément moral tend à s'atténuer en
considération de la responsabilité de fonction des
délinquants. L'élément intentionnel du délit est
suffisamment établi dès lors que l'auteur de l'acte "sait" qu'il
bénéficie d'une information privilégiée17(*), et que dès lors, il
doit s'abstenir. Ainsi, l'article L.465 du CMF sanctionne un délit
intentionnel, mais la preuve de cette intention ne soulève guère
de problème. Certaines personnes sont présumées
initiées de façon irréfragable. Quant aux autres, il
suffira d'établir qu'elles ont agi volontairement en ayant conscience de
détenir des informations privilégiées, conscience qui
provenait des fonctions exercées. En réalité, le
délit d'initié apparaît très proche d'un simple
délit matériel imposant aux initiés une abstention totale.
Dans l'affaire PECHINEY18(*), la cour d'appel de Paris le 6 juillet 1994, a ainsi
pu condamner pour délit d'initié l'un des prévenus en
raison des opérations réalisées par un autre
prévenu en affirmant : « qu'il suffit en effet que
l'initié ait eu conscience, au préalable, de ce que les
informations privilégiées qu'il livrait étaient
destinées à être utilisées par les opérateurs
sur le marché ». Dans l'arrêt de cassation de la
même affaire, en date du 26 octobre 1995, la Cour ajoute qu'il n'est
même pas nécessaire que celui qui permet sciemment à des
tiers de réaliser des opérations sur le marché
« connaisse l'identité des opérateurs, ni les
modalités des opérations réalisées ». Par
conséquent, du fait du particularisme du droit pénal des affaires
au regard de la procédure pénale19(*), la caractérisation de l'élément
moral du délit d'initié, ne soulèvera pas de
difficultés pour le juge.
B : PERSONNES CONCERNEES
· Les personnes physiques
L'article L.465-1, alinéa 1 du C.M.F désigne
« les dirigeants d'une société mentionnée
à l'article L.225-109 du Code de commerce et les personnes disposant
à l'occasion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions
d'informations privilégiées ». Le législateur
distingue donc deux catégories de personnes physiques :
- Les dirigeants de société cotée:
L'article L.465-1 dans sa rédaction actuelle, vise les
« dirigeants d'une société mentionnée à
l'article L.225-109 du Code de commerce ». Il s'agit du
président, des membres du directoire d'une société, des
personnes physiques exerçant dans cette société les
fonctions d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance et des
représentants permanents des personnes morales qui exercent ces
fonctions.
Ces initiés de droit ou initiés
« primaires » sont frappés d'une intervention
absolue d'opérer. En effet, ces personnes sont réputées
initiées en raison des fonctions qu'elles exercent et la
présomption qui pèse sur elles est considérée comme
irréfragable.
- En deuxième lieu, il faut évoquer les
initiés externes : Aux termes de l'article L.465-1, toute personne
peut aussi être réputée initiée dès lors
qu'elle dispose d'informations privilégiées, non pas seulement
dans l'exercice de sa profession ou de ses fonctions, mais aussi
« à l'occasion » de cet exercice,
ce qui étend considérablement le champ de l'incrimination. Cette
catégorie de personne ne voit peser sur elle aucune présomption,
ni irréfragable ni même simple, d'initié. Tel est le cas du
directeur financier ou administratif, d'un employé ayant accès
à des dossiers confidentiels, d'un trader d'une société de
bourse...
- En troisième lieu, la loi du 15 novembre 2001 a
allongé la liste des initiés externes en insérant à
l'article L.465-1 du CMF, un alinéa 3, qui vise « toute
personne » possédant une information
privilégiée, ce qui permet d'atteindre tous ceux qui n'entrent
pas dans les prévisions des deux alinéas
précédents. Dans tous les cas l'initié est punissable,
qu'il agisse directement, indirectement ou par personne interposée, et
cela aussi bien lorsqu'il exploite personnellement l'information
privilégiée que lorsqu'il permet à un tiers de le
faire.
De plus, le règlement de l'AMF du 12 novembre 2004
semble aller au-delà dans l'énumération des personnes
susceptibles de commettre un « manquement
d'initié ». Son article 622-2 vise toute
personne détenant une information privilégiée et qui
sait ou aurait dù savoir qu'il s'agit d'une information
privilégiée sans faire référence aux circonstances
dans lesquelles cette information lui est parvenue. Il s'agit des membres des
organes d'administration, de direction, de gestion ou de surveillance de
l'émetteur, ou encore de personnes ayant une participation dans le
capital de l'émetteur...
Cet ensemble de dispositions démontre que le
législateur a voulu doter les organes répressifs de moyens
convenables pour qualifier et poursuivre de telles infractions. Le champ
d'application du délit s'est ainsi considérablement
élargi, et toute personne visée se voit dans l'obligation de
s'abstenir d'agir, tant que l'information n'est pas connue du public. Le
décideur public est même allé plus loin dans cette
inflation législative, avec la loi du 20 juillet 200520(*). Cette loi entraîne
l'obligation pour chaque émetteur de créer et mettre à
jour une liste21(*) de
personnes -travaillant en son sein- ayant accès à des
informations privilégiées concernant l'émetteur et une
liste de tiers ayant accès à ces informations dans le cadre de
leurs relations professionnelles.
Cette disposition démontre encore une fois la
volonté du décideur public d'encadrer strictement ce genre de
comportement qui porte atteinte à l'égalité des
investisseurs.
Encadrement trop ferme aux yeux de certains
spécialistes, qui s'interrogent sur la portée d'une telle
obligation. Cette procédure consistant à établir une liste
d'initié « crée-t-elle une présomption de
culpabilité ou de quasi-culpabilité ? 22(*)». Selon l'avocat Pierre
CLERMONTEL, ces dispositions traduisent une « obsession
normophile » qui « frappe particulièrement
le droit financier et le transforme en outil de communication destiné
à convaincre que l'Etat protecteur contrôle la puissance
capitaliste et son cortège de méfaits ».
Me CLERMONTEL dénonce ainsi « une
défiance tenace à l'égard du monde économique et de
l'entreprise », transformant chaque acteur en
« délinquant virtuel ». Ce dernier allant
même jusqu'à comparer cet inflation à une période
noire de la France en déclarant que « ...tout comme au
temps de la Terreur, doivent être établies des listes de suspects
sur qui pèsera une suspicion de malversations ».
Il est donc important de souligner qu'une certaine
volonté apparente du législateur se traduit par son intervention
constante dans la vie des affaires. Cette intervention permet de
délimiter et réprimer en apparence les comportements qualifiables
de délit boursier. Comme nous venons de le voir avec la théorie
de M.CLERMONTEL, ces mesures législatives excessives peuvent engendrer
des conséquences néfastes pour les professionnels en relation
avec ce monde des affaires. Cependant, ces dispositions apparaissent comme un
mal nécessaire à la survie des relations financières,
permettant de réglementer un domaine ou la transparence et la
clarté doivent être de principe.
Or, nonobstant l'adoption de toutes ces mesures, qui peuvent
entraîner un risque de confusion et des conséquences nuisibles
pour les professionnels du monde des affaires, il reste néanmoins des
zones d'ombre. On peut ainsi s'apercevoir que l'inflation législative
destinée à lutter contre les comportements d'initiés, ne
s'accompagnent pas de la répression optimale qu'il serait souhaitable
d'appliquer dans ces cas là. Par conséquent, nous pouvons nous
questionner sur l'utilité de telles mesures
législatives23(*)
-pourtant nécessaire- qui en théorie, encadrent de façon
satisfaisante le délit d'initié, mais qui n'emporte pas les
mêmes conséquences en pratique sur le plan répressif.
· Les personnes morales
Jusqu'à la loi du 2 juillet 1996, l'ordonnance de 1967
ne retenait pas le principe de la responsabilité pénale des
personnes morales. Ce texte disposait que dans le cas où les
opérations auront été réalisées par une
personne morale, les dirigeants de droit ou de fait de celle-ci seront
pénalement responsables des infractions commises.
Désormais, les dispositions de la loi du 2 juillet
1996, reprises dans l'article L.465-3, prévoient que les personnes
morales peuvent être déclarées pénalement
responsables de toutes les infractions définies aux articles L.465-1 et
L.465-2. Il est donc nécessaire d'établir - conformément
aux dispositions de l'article 121-224(*) du Code pénal- que les faits ont
été commis par les organes ou représentants de la personne
morale agissant pour son compte. En outre, la responsabilité de la
personne morale n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices
des mêmes faits.
Le principe de spécialité qui s'appliquait
alors, n'a plus lieu d'être aujourd'hui, et il en résulte qu'il
n'est plus nécessaire qu'un texte particulier prévoit la
responsabilité des personnes morales en cas d'infraction. Ce principe de
généralité de la responsabilité des personnes
morales, vient ainsi faciliter les possibles actions répressives contre
les sociétés.
Ce dispositif peut cependant s'avérer néfaste
pour l'entreprise, particulièrement pour son personnel. Condamner la
société à une peine d'amende, équivaut à
mettre en péril toute la structure financière et le
fonctionnement de celle-ci.
II / L'EUPHEMISATION25(*) DE LA REPRESSION EN MATIERE DE DELITS BOURSIERS
La réponse pénale face aux actes de
délinquance économique et financière reste bien souvent en
deçà de ce qu'elle devrait être. Il apparaît en effet
que la répression des individus poursuivis pour de tels actes,
s'avère moindre, voire nulle, parallèlement à la tendance
fortement répressive ou punitive des pouvoirs publics envers des actes
de délinquance de proximité. D'après M.Pierre LASCOUMES,
il existe une « euphémisation sociale des transgressions
de la criminalité économique » qui
« contraste avec la dramatisation d'autres formes de
délinquance ». Nous pouvons dès lors nous
interroger sur les raisons pour lesquelles il existe cet adoucissement
répressif en matière de criminalité financière,
notamment pour le délit d'initié. Deux possibilités seront
envisagées dans cette partie, tout d'abord sur la dualité des
sanctions pouvant être prononcées à l'égard des
initiés, mais également sur les enjeux situationnels gravitant
autour de ce délit.
A/ LA DUALITE DES POURSUITES
La répression des infractions boursières,
notamment en matière de délit d'initié, connaît une
particularité, quant à la dualité des poursuites. Il est
possible en effet de poursuivre et de condamner un individu qui a commis un tel
délit, deux fois pour le même acte : l'AMF en tant qu'organe
administratif pourra condamner la personne à une peine d'amende, tout
comme le juge pénal qui pourra, outre la condamner à une amende,
prononcer une peine d'emprisonnement ferme.
Or, il existe un principe en droit, le principe de
« non bis in idem ». Cet adage latin est un
principe classique de la procédure pénale, déjà
connu du droit romain, selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni
pénalement deux fois en raison des mêmes faits. Ce principe
entraîne ainsi l'impossibilité pour une personne de se voir
infliger deux sanctions pour un même acte délictueux. Cette
règle qui répond à une double exigence
d'équité et de sécurité juridique, est reconnue par
la plupart des systèmes juridiques. En France, elle figure notamment
à l'article 368 du Code de procédure pénale et le Conseil
d'Etat considère qu'elle fait partie des principes à valeur
constitutionnelle. Elle est également consacrée au niveau
international, notamment par le protocole n° 7 à la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales, en date du 22 novembre 1984. Elle figure enfin dans la Charte
des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Pourtant, l'ordonnance du 28 septembre 196726(*) dans sa rédaction du 2
août 1989, prévoit un cumul des sanctions pénales et
administratives, pour les mêmes comportements.
Le comportement punissable pénalement par l'article
10-1 de l'ordonnance de 1967 -qui constitue un délit correctionnel- pour
une infraction à une disposition de celle-ci, peut également
être puni par une sanction administrative de l'AMF, pour violation
-manquement- à l'un de ses règlements.
Ce cumul de sanctions est incompatible avec le principe non
bis in idem, lequel s'oppose à un cumul des sanctions de
différentes poursuites concernant la même infraction. Le fondement
de ce principe réside dans l'intérêt de l'accusé de
connaître qu'il ne sera pas à nouveau poursuivi pour le même
fait. De cette manière sont garantis, comme vu
précédemment, l'exigence générale
d'équité, la sécurité juridique et les droits de la
défense avant le procès.
De plus, nous relèverons que la sanction administrative
remplit une fonction distincte de la fonction pénale. L'AMF utilise son
pouvoir répressif comme moyen de régulation. Le but de l'amende
étant de respecter le bon équilibre des marchés financiers
et non pas de maintenir l'ordre public. Saisi, le conseil constitutionnel a
précisé dans sa décision du 28 juillet 198927(*) que « si
l'éventualité d'une double procédure peut effectivement
conduire à un cumul de sanctions, le principe implique qu'en tout
état de cause, le montant global des sanctions éventuellement
prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevée
de l'une des sanctions encourues » et qu « il
appartiendra aux autorités administratives et judiciaires
compétentes de veiller au respect de cette exigence ».
Ainsi, le conseil est parvenu en fait, à des
résultats équivalents à ceux qu'engendraient une
application du principe non bis in idem, entre sanctions de nature
différente, venant sanctionner le même acte.
C'est pour répondre à ces questions, que le
législateur, sept ans après la décision du conseil
constitutionnel, a prévu la possibilité de non cumul entre
sanctions pénales et administratives de même type
(pécuniaire). En effet, la loi du 2 juillet 1996, modifiant l'ordonnance
du 28 septembre 1967, en admettant en même temps qu'une sanction
pénale et une sanction administrative peuvent être appelées
à réprimer les mêmes faits, ou des faits connexes,
prévoit dans l'art. 9-3 que « lorsque la COB a
prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive avant
que le juge pénal ait statué définitivement sur les
mêmes faits ou des faits connexes, celui-ci peut ordonner que la sanction
pécuniaire s'impute sur l'amende qu'il prononce ».
Par ce moyen, le législateur a exclu indirectement une
partie de la sanction pénale, puisqu'il a laissé la
faculté au juge, le soin d'imputer ou pas la sanction administrative sur
la sanction pénale.
Par conséquent, ce cumul des poursuites pour des faits
identiques porte en germe un risque de confusion et de contradiction quant aux
décisions prises par la justice pénale et l'AMF, les deux
instances risquant de se prononcer en même temps en rendant deux
décisions contradictoires et ce, même si les incriminations
pénales et administratives se sont rapprochées notamment quant
à la définition du délit d'initié.
Par ailleurs, ce cumul risque de ne pas être admis par
la Cour européenne des droits de l'homme. En effet, dans l'arrêt
« GRADINGER c/ Autriche du 23 octobre 1995, relatif à un
accident de la route, la Cour déclare qu'elle « n'ignore
pas que les dispositions en cause se distinguent non seulement sur le plan de
l'appellation des infractions mais aussi sur celui, plus fondamental de leur
nature et de leur but. « Elle relève en outre
que l'infraction punie » par le code de la route «
ne représente qu'un aspect du délit
sanctionné » par le Code pénal.
« Néanmoins, les deux décisions litigieuses se
fondent sur le même comportement. Partant, il y a eu violation de l'art.
4 du protocole n°7 28(*)». Ainsi, comme la loi prévoit un cumul
des sanctions pécuniaires, d'une part pénales, d'autre part
administratives, la question qui se pose est, quel est l'intérêt
de cette double procédure, notamment quand elle aboutit à des
sanctions de même type ?
Dans un arrêt récent du 9 mars 2006, la Cour de
justice des Communautés européennes est venue confirmer cette
conception. Cette affaire concernait un ressortissant belge, qui avait
été condamné en Norvège pour importation
illégale de stupéfiants à une peine de cinq ans
d'emprisonnement. Après avoir purgé sa peine, il était
retourné dans son pays, où il a été poursuivi pour
exportation illégale de stupéfiants. La Cour de Justice a
estimé que le principe « non bis in idem »
était applicable en l'espèce, étant donné que
l'importation et l'exportation des mêmes stupéfiants constituaient
des faits identiques, indépendamment de leur qualification juridique.
Par cet arrêt, la Cour de justice a donc estimé que la notion de
« mêmes faits » « vise la seule
matérialité des faits en cause, à l'exclusion de leur
qualification juridique ».
Cette non application du principe non bis in idem,
entraîne des conséquences préjudiciables quant à la
répression du délit d'initié. Il apparaît en effet,
que cette possibilité de condamner deux fois pour le même acte
délictueux une personne soupçonnée d'avoir commis un
délit d'initié, crée, au contraire de ce que l'on pourrait
croire, un adoucissement de la répression. La raison de cet
adoucissement est simple : la sanction prononcée par l'AMF
intervient le plus souvent avant la décision du juge pénal ;
il ne restera dans la plupart des cas, que la possibilité pour le juge
répressif d'aligner sa répression sur celle de l'AMF, et
d'imputer l'amende sur le montant fixé par l'AMF. D'où une
exclusion quasi-systématique de la répression pénale, face
aux décisions de l'organe administratif. Rares sont les cas ou le
jugement du tribunal correctionnel intervient avant la décision de
l'AMF, mais même dans un tel cas, la tendance répressive est
légère. La sanction privilégiée restera donc
l'amende ; une amende qui peut aller jusqu'au décuple du profit
engendré. Mais une telle sanction, lourde en apparence pour le commun
des mortels, ne dissuade pas ces délinquants en « col
blanc » - qui brassent des millions d'euros quotidiennement- de
commettre ce délit.
La nécessité de l'organe administratif,
spécialisé dans la détection des fraudes dans le domaine
boursier ne doit pas être remis en cause. Cependant, afin d'apporter une
réponse ferme à ces comportements délictueux, il
apparaît opportun de se questionner sur la légitimité du
pouvoir de sanction de l'AMF. Ne vaudrait-il pas mieux laisser la
répression au juge pénal29(*), tout en gardant l'organe administratif en tant
qu'enquêteur spécialisé dans un domaine
particulièrement complexe ?
Il ressort donc de l'étude de la jurisprudence en
matière de délit d'initié, que les personnes poursuivies
pour de tels actes, se voient infliger dans la majorité des cas, des
sanctions pécuniaires. Or, pour que la dissuasion de commettre un
délit -objectif de la politique pénale de chaque Etat- soit
effective, il apparaît nécessaire de punir des individus en
appliquant à leur égard des peines d'emprisonnement ferme. Une
telle sanction devrait mettre un frein à l'attrait toujours plus
poussé de ces délinquants d'affaire pour l'argent ; des
délinquants qui, pour satisfaire leur appétit d'argent facile,
usent et abusent des privilèges que leur procure leur fonction.
B/ ENJEUX SITUATIONNELS
A L'instar d'autres infractions telles que le trafic de
stupéfiants, la contrebande de cigarettes, ou le
proxénétisme, le délit d'initié s'avère
être un délit véritablement profitable pour les
délinquants qui le commettent. Dans un premier temps, il faut souligner
qu'un tel délit ne peut être effectué que par une certaine
catégorie de personnes, des « initiés », qui
connaissent et maîtrisent parfaitement les instruments financiers. Cette
sphère de financiers, qui disposent d'informations
privilégiées, a ainsi une marge de manoeuvre totalement libre
pour utiliser ces informations afin de générer un maximum de
bénéfice. D'autre part, ces initiés qui
bénéficient de la confidentialité de l'information, savent
pertinemment que la répression à leur égard sera
légère. Encore faut-il pour qu'il y ait répression, que le
délit soit détecté et que l'autorité poursuivante
arrive à constituer l'infraction dans tous ses éléments.
Par conséquent, un initié commet une manoeuvre illicite qui lui
rapporte énormément, sans être en contrepartie
inquiété outre mesure par la justice. Il est donc
nécessaire d'agir afin que ce délit soit moins attractif pour les
initiés qui le commettent, action qui ne peut passer que par une refonte
du système répressif en matière de délit
boursier.
Selon M.Pierre KOPP30(*), la population qui enfreint ces lois du marché
« n'a pas forte appétence pour le risque ». Pour ce
dernier, la répression des actes commis par les individus constitue le
premier vecteur d'action de la politique criminelle. Il suppose dès lors
« qu'un individu décidé à s'engager dans une
telle activité pèse le bien-fondé de son attitude en
fonction du gain qu'il espère obtenir, de la probabilité qu'il a
d'être arrêté, de l'amende et de la durée de prison
qu'il encourt, de la durée de l'emprisonnement et de la valeur
négative qu'il attribue au temps passé en
prison ». Pour cet auteur, la politique criminelle permet de
recalibrer les choix des criminels en leur imposant des sanctions qui rendent
le crime moins attractif. Dans le cadre du délit d'initié, la
personne qui commet le délit engendre des bénéfices
colossaux, pour un minimum de risques pénaux. Il y a donc minimisation
des risques pour une maximisation des profits.
Concernant la répression du délit
d'initié, les chiffres communiqués par l'AMF sur ce point sont
éloquents. D'après cette autorité, il y a eu pour
200531(*), 27
procédures ayant abouti à une décision de sanction. En
matière de délit d'initié, seulement deux
procédures ont abouti à des décisions de sanctions. Quant
aux suites judiciaires données aux dossiers transmis par l'AMF à
la justice, le constat s'avère également mitigé. C'est ce
que nous tenterons de démontrer à travers le tableau de
synthèse32(*)
suivant, réalisé à partir des données de l'AMF.
DATE DE TRANSMISSION
|
NOM DE L'AFFAIRE
|
SUITES DONNEES
|
Paris, le 31 juillet 1989
|
Marché du titre SOCIETE GENERAL
|
Jugement du TC de Paris du 20/12/02 condamnant l'un
des trois prévenus à 2,2 millions d'euros d'amende et relaxant
les deux autres.
|
Besançon, le 4 novembre 1993
|
Marché du titre et information financière
diffusée par la société CENTREST
|
Ordonnance de non-lieu33(*) du 4 octobre 2001
|
Paris, le 12 mai 1995
|
Marché du titre et information financière
diffusée par la société COMPAGNIE IMMOBILIERE PHENIX
|
Ordonnance de non-lieu du 23 mars 2001
|
Paris, le 2 février 1999
|
Marché des titres SALOMON et ADIDAS et de leurs
dérivés
|
Ordonnance de non-lieu du 5 mars 2004
|
Saint-Denis de La Réunion,
le 22 juin 1999
|
Marché du titre PRIMISTERES-REYNOIRD
|
Classement sans suite34(*)
|
Paris, le 28 juin 1999
|
Marché du titre EUROPEENNE DE CASINOS
|
Ordonnance de non-lieu du 5 novembre 2004
|
Paris, le 11 octobre 1999
|
Activités de marché de Monsieur Claude LEONI
|
Ordonnance de non-lieu du 2 septembre 2003
|
Paris, le 2 juin 2000
|
Marché du titre et information financière
diffusée par la société COMPAGNIE EUROP.DE TELESECURITE
|
Ordonnance de non-lieu du 2 septembre 2003
|
Paris, le 9 novembre 2000
|
Marché du titre DEXIA FRANCE
|
Ordonnance de non-lieu du 15 décembre
2004
|
Paris, le 15 novembre 2001
|
Marché du titre LABINAL
|
Ordonnance de non-lieu du 10 septembre
2004
|
De ce tableau synthétique, il ressort principalement
que les poursuites entamées suite à la transmission des dossiers
de l'AMF aux parquets, aboutissent le plus souvent à des ordonnances de
non-lieu, ou à des classements sans suite. Il n'est donc apporté
aucune réponse pénale satisfaisante à ces comportements
délictueux, qui rompent l'égalité entre investisseurs, et
nuisent à l'ensemble du monde financier. De plus, force est de constater
que les peines d'emprisonnement prévues par le législateur
restent lettre morte, et ne sont dans la majorité des cas, jamais
appliquées. Preuve en est, dans toute l'histoire du délit, une
seule personne a été condamnée à une peine
d'emprisonnement ferme, Alain BOUBLIL35(*), dans le cadre de l'affaire PECHINEY-TRIANGLE.
Le législateur a certes prévu des peines
d'amendes pour réprimer ce comportement. Il est ainsi possible de
condamner un initié à une amende de 1 500 000 euros,
dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre,
jusqu'au décuple du montant du profit éventuellement
réalisé. Ces sommes qui semblent énormes en apparence,
sont toutefois relatives pour ces financiers, qui jonglent quotidiennement avec
des millions d'euros36(*).
Dissuasive en apparence, cette sanction pécuniaire, si elle n'est
accompagnée d'aucune peine d'emprisonnement s'avère inefficace.
Ainsi, pour qu'un niveau optimal de répression soit atteint en
matière de délit d'initié, il semble nécessaire de
coupler la sanction administrative, avec une peine d'emprisonnement ferme. Sans
faire de la prison l'alpha et l'oméga de toute répression,
l'incarcération reste la seule sanction effective qui assure une
certaine égalité devant la loi.
Contrairement aux délinquants de « droit
commun », dont le parcours criminel est fait de violence et de rixes
diverses, les délinquants d'affaires sont bien souvent issus de hautes
écoles, possèdent une bonne éducation...Condamnées
ces derniers à des peines de prison ferme, constituerait un
véritable frein à leurs ardeurs effrénées de
bénéfices. Une politique d'avantage répressive serait
souhaitable pour de tels agissements, afin de mettre un terme à
l'attractivité qu'engendre ce délit. Serait ainsi assuré
l'égalité de traitement des infractions pénales, tout
individu transgressant la loi quelque soit son statut, pourrait être
condamné à de la prison ferme.
CONCLUSION
La volonté du décideur public d'intervenir dans
la vie des affaires, a permis d'encadrer de façon satisfaisante tous
comportements d'initiés rompant avec le principe d'égalité
des investisseurs. Il existe une palette de mesures qui donne la
possibilité de réprimer toute action illicite de la sorte. Cette
intervention a essentiellement pour but d'instaurer une certaine éthique
dans cette vie des affaires, à travers des règles à ne pas
franchir. Cependant, la réponse pénale apportée à
ces actes de délinquance financière est pratiquement inexistante.
Les initiés condamnés se voient infliger dans la plupart des cas
des peines d'amende, qui n'ont pas, malgré leur lourdeur, l'effet
dissuasif escompté. Objectivement, l'amende ne sanctionne que les
délinquants moyens. Les délinquants d'affaire savent parfaitement
organiser leur insolvabilité, et n'ont que faire de cette sanction
pécuniaire qui n'égratigne que légèrement leur
patrimoine. Ainsi, limiter la répression de cette délinquance en
col blanc à l'amende, c'est accepter qu'une partie de la
« grande délinquance financière » reste en
réalité impunie.
Le coeur du problème semble venir de la dualité
des sanctions qui peuvent être prononcées à l'encontre de
ces individus. Le pouvoir de sanction de l'AMF apparaît tout à
fait inapproprié, et entraîne forcément un adoucissement de
la répression. Le juge pénal s'érige en simple spectateur,
et greffera sa décision sur celle de l'organe administratif. Le tribunal
correctionnel, une fois la décision de l'AMF rendue, imputera son amende
sur celle de l'organe administratif, et ne prononcera pas de peine
d'emprisonnement. En ce sens, d'après M.François Roche37(*), laisser à l'organe
administratif la possibilité de sanctionner de tel comportement,
revient à laisser « à l'appréciation de
l'AMF, donc à la communauté des affaires, un petit monde
où la plupart se côtoient depuis longtemps », le
choix de sanctionner ou non leur pair. Il apparaît donc nécessaire
de laisser à l'appréciation unique du juge pénal, le choix
d'une sanction appropriée à ces actes
répréhensibles. Pour cela, il conviendrait de supprimer le
pouvoir de sanction de l'AMF, laissant à cet organe administratif un
rôle de détection et d'investigation. Cette réforme du
système répressif boursier n'est cependant pas à l'ordre
du jour.
Enfin, l'acceptation par notre droit français des
« actions de groupe » semble être une solution
opportune pour parer à ces comportements délictueux. Cette
procédure collective, que l'on désigne parfois sous son nom
anglais « class action38(*) », est une action en justice,
intentée par un grand nombre de personnes, afin de faire
reconnaître leurs droits. Les avantages de cette procédure sont
liés au fait que le recours collectif fusionne un grand nombre de
plaintes individuelles dans un procès unique. Autrement dit, un recours
collectif assure que le défendeur qui a commis des actes
préjudiciables à une grande échelle -mais de faible
importance pour chaque plaignant individuel- dédommage les individus
pour les préjudices subis39(*). Dans le cas du délit d'initié, les
pertes subies par des milliers d'actionnaires d'une société
cotée en bourse, peuvent être trop faibles pour justifier des
requêtes individuelles séparées, tandis qu'un recours
collectif peut être effectué de manière efficace au nom de
tous les actionnaires. Une menace supplémentaire pèserait ainsi
sur la tête de l'initié, menace qui pourrait faire hésiter
ce dernier à transgresser la norme.
Cela étant dit, la nécessité d'instaurer
constamment des règles censées réprimer ces comportements
déviants, n'intervient-elle pas dans le but de masquer le bafouement
constant de ces délinquants en « col blanc », des
règles fondamentales d'éthiques et de morales, fondements de
notre société démocratique ?
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages :
· Michel VERON : Droit pénal des
affaires, Ed. Armand COLIN, 6ème édition.
· Mireille DELMAS-MARTY : Droit pénal des
affaires, Ed PUF, 2000.
· François ROCHE : Le Bal des
initiés, Ed. DUNOD.
· Brigitte HENRI : SECRETS, Ed FISRT, octobre
2004.
Articles de presse :
· Le Figaro, « EADS :
Lagardère se défend de tout délit
d'initié », 31 mai 2007.
· Le Canard enchaîné, 30 mai 2007.
· Michel CABIROL et Martine ORANGE :
« Les six mois qui ont fait chanceler EADS »,
La Tribune, 29 mai 2007.
· Pierre LASCOUMES, « Les privilèges
de la délinquance économique et
financière », Alternatives Economiques n°65
-Hors série- Le capitalisme ; 3ème trim.2005.
· Pierre CLERMONTEL, « Chasse aux suspects
dans la finance », Les Echos, 19
décembre 2005, n°19564.
· L'expansion : « 1% Part de
la délinquance économique et financière sur l'ensemble des
délits sanctionnés en France », 8 août
2002.
· Renaud LECADRE et Armelle THORAVAL,
Libération, 25 septembre 2001.
· Bruno PEUCHAMIEL, L'humanité, 27 avril
1994.
· L'expansion : « L'heure du
dénouement arrive », 23 septembre 1993.
Travaux de recherches et
Mémoires
· Le bloc-notes boursier, courrier d'information
édité par le cabinet d'avocat FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER,
printemps 2006.
· La Lettre, Contentieux pénal et
commercial, sept/oct. 2006 -n°4.
· Rapport de l'AMF : « Enquêtes et
sanctions », 2005/ 2004.
· Onzième Congrès des Nations Unies pour la
prévention du crime et la justice pénale, 18-25 avril 2005,
Bangkok ( Thailande).
· Marianne LEBLANC-MARTIN : La criminalité
économique et financière, 2004.
· Olivier PAULHAN : « Quelles
sanctions pour le délit d'initié ? », 23
juillet 2002.
· Pierre KOPP : Analyse de la délinquance
économique et financière, 2001.
· Igor REITZMAN : Délinquances.
(Mémoire)
· Gatien-Hugo RIPOSSEAU :
« Pénalisation et dépénalisation en droit des
affaires 1970-2005 ». (Mémoire)
· Colloque du 23 mars 2001, à la Sorbonne,
consacré aux « Sciences juridiques de
l'économie ? Un défi pour les économistes et juristes
européens ! », animé par Bruno DEFFAINS et
Frédéric STASIAK.
· Bruno DEFFAINS et Frédéric STASIAK :
SYNTHESE : « Organisation des dipositifs de lutte
contre la criminalité économique et financière en
Europe : droits nationaux, droit comparé et droit
international ». 2001 ;.
· Cours de Philippe GIVRY : Les marchés
d'instruments financiers.
Sites Internet
· Site de l'Autorité des marchés
financiers : www.amf-france.org
· www.latribune.fr
· www.lefigaro.fr
· www.lesechos.fr
· www.lexpress.fr
· www.lemonde.fr
·
www.laviefinancière.com
· www.cnil.fr
· www.lepoint.fr
· www.lexpansion.com
· www.actufinance.fr
· www.lexinter.net
· www.legifrance.fr
· http://www.diploweb.com
· www.journaldunet.com
· www.lhumanité.fr
Codes et Règlements
· Code monétaire et financier
· Code des sociétés et des marchés
financiers
· Règlement général de
l'Autorité des marchés financiers
* 1 M. Pierre LASCOUMES,
« Les privilèges de la délinquance économique et
financière », Alternatives économiques n° 65
-Hors série- Le capitalisme-2005, p48.
* 2 Définition de la
criminalité économique et financière proposée lors
du onzième congrès des Nations Unies pour la prévention du
crime et la justice pénale des 18-25 avril 2005, Bangkok
(Thaïlande).
www.11uncongress.org
* 3 La C.O.B a été
instituée par l'ordonnance n°67-833 du 28 septembre 1967 sur le
modèle de la sécurities exchange commission (SEC), née en
1933. Autorité de régulation des marchés financiers,
crée pour encadrer de manière satisfaisante les rapports
économiques, et donner des solutions pertinentes à des situations
nouvelles auxquelles les administrations traditionnelles ne sont pas bien
adaptées.
* 4 La jurisprudence de la CEDH
a condamné à plusieurs reprises les procédures de
sanctions émanant de la COB, car ne respectant pas les exigences du
procès équitable, exigences aux rangs desquelles figurent le
principe du respect des droits de la défense.
* 5 L'autorité des
marchés financiers a été crée par la loi
n°2003-706 dite de sécurité financière du
1er août 2003, et installée le 24 novembre de la
même année. L'AMF résulte de la fusion de la Commission des
opérations de bourse (COB), le Conseil des marchés financiers
(CMF) et le Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF).
* 6 Il s'agissait dans cette
affaire du rachat de la firme américaine TRIANGLE par le géant
français de l'aluminium PECHINEY. Plusieurs financiers et hommes
politiques étaient suspectés d'avoir communiqué ou
reçu des informations privilégiées sur cette
opération. Les actions de TRIANGLE sont passées de 8 à 52
dollars à l'occasion du rachat. C'est suite à cette affaire que
l'ancienne COB sera investie du pouvoir de sanction.
* 7 Bruno PEUCHAMIEL,
L'humanité, 27 avril 1994.
* 8 www.amf-france.org
* 9 M.Michel VERON, Droit
pénal des affaires, 6ème édition, Armand
COLIN, p.296
* 10 Directives
Européennes du Parlement Européen et du Conseil de l'Union
européenne : n°2003/6/CE art.1er du 28 janvier 2003
et n°2003/124/CE art.1er du 22 décembre 2003
* 11 Arrêt de la chambre
criminelle de la Cour de cassation du 26 juin 1995 ; Affaire PECHINEY
* 12 La jurisprudence a
considéré que l'intérêt social pouvait justifier une
opération d'initié ; Cour d'appel de Paris, 11 septembre
2001, Caisse centrale de crédit coopératif contre Commission des
opérations de bourse.
* 13 M.Michel VERON, Droit
pénal des affaires, 6ème édition ;
Armand COLIN, p.298
* 14 Ibid.
* 15 Autre pionnier en
matière de cybernétique, Louis COUFFINGNAL définit pour sa
part cette théorie comme « L'art de rendre efficace
l'action ».
* 16 Norbert WIENER :
Cybernétique et société, 1950.
* 17 Décision du
Tribunal de grande instance de Paris du 18 avril 1979 :
www.legifrance.fr
* 18 Signalons que c'est au
cours de cette affaire qu'a été consacrée l'incrimination
de « recel » de délit d'initié.
* 19 Ce particularisme du droit
pénal des affaires (DPA) se manifeste tout d'abord dans le domaine du
droit de la preuve, et des investigations. Les infractions du DPA sont
généralement portées à la connaissance du procureur
de la République après détection par des professionnels et
acteurs du monde des affaires, et non pas suite à une plainte de
témoins, victimes...
Ce particularisme se traduit également par des
spécificités dans le domaine de l'action civile et publique.
* 20 Loi DDAC (Diverses
dispositions d'adaptation au droit communautaire) n° 2005-811 du 20
juillet 2005.
* 21 Ces listes doivent
être communiquées à l'AMF dès qu'elle en fait la
demande, et doivent être conservées pendant cinq ans à
compter de leur création ou de leur mise à jour.
* 22 M.Pierre CLERMONTEL,
« Chasse aux suspects dans la finance » ; Les
Echos du 19 décembre 2005,
N° 19564, p.15.
M.Pierre CLERMONTEL est avocat, associé du cabinet
Delevoise &Plimpton LLP.
* 23 D'autant plus qu'au terme
d'une procédure de concertation avec l'AMF et plusieurs organisations
professionnelles, la CNIL a adopté, le 6 juillet 2006, une
délibération dispensant de toute déclaration les
traitements automatisés relatifs aux listes d'initiés, mis en
oeuvre par les sociétés émettrices d'instruments
financiers négociés sur un marché réglementé
et leurs prestataires disposant également d'informations
privilégiées ;
www.cnil.fr
* 24 L'article 121-1 du Code
pénal énonce : « Les personnes morales,
à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les
disctinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour
leur compte, par leurs organes ou représentants ».
* 25 Terme employé par
M.Pierre LASCOUMES, directeur de recherche au CNRS, Cevipof, Sciences Po, dans
un article paru dans le magazine Alternatives Economiques n°65
-Hors-série- Le capitalisme ; 3ème trim.2005
* 26 L'ordonnance du 28
septembre 1967 a institué la COB.
* 27 Décision
n°89-260 DC du 28 juillet 1989
www.legifrance.gouv.fr
* 28 L'art. 4 du protocole
n°7 §1 énonce : « Nul ne peut être
poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en
raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été
acquitté ou condamné par un jugement définitif
conformément à la loi et à la procédure
pénale de cet Etat ». Ce principe est également
prévu par l'art.6 dans le cadre d'une interprétation extensive
de celui-ci. L'art. 6 contient une règle assez générale
sur le procès équitable dans le sens qu'il serait interdit de
punir une personne deux fois pour le même acte.
* 29 Une certaine doctrine
pense au contraire qu'il vaut mieux confier au droit pénal le domaine
des infractions troublant l'ordre social, composée de valeurs de haute
protection, et laisser les infractions économiques à la
compétence de l'AMF.
* 30 Pierre KOPP, Analyse
économique de la délinquance financière (rapport),
p.33
http://www.pierrekopp.com/contenu/publications/Gip%20crim%20fin.pdf
* 31 Bilan de l'AMF 2005 :
Annexe 5, enquêtes et sanctions ;
www.amf-france.org
* 32 Tableau
élaboré par l'étudiant représentant une
synthèse des poursuites judiciaires données aux infractions de
délit d'initié à partir du bilan 2005 de l'AMF
NB : Selon l'AMF, les chiffres communiqués ne font
pas état de l'ensemble des dossiers qui ont été
adressés aux parquets, et en particulier, il ne reprend pas tous ceux,
souvent les plus importants, encore en cours d'instruction.
* 33 Une ordonnance de non-lieu
est une décision par laquelle une juridiction d'instruction, se fondant
sur un motif de droit ou une insuffisance des charges, ne donne aucune suite
à l'action publique.
* 34 Un classement sans suite
est une décision prise par le ministère public en vertu du
principe de l'opportunité des poursuites, écartant
momentanément la mise en mouvement de l'action publique.
* 35 M.Alain BOULIL alors
ancien directeur de cabinet de M.Pierre BEREGOVOY au ministère des
finances, a été condamné à deux ans
d'emprisonnement dont un avec sursis et 2,5millions de francs d'amende le 6
juillet 1994, par la 9éme chambre de la Cour d'Appel de Paris.
Décision qui sera confirmée par la Cour de cassation dans son
arrêt du 26 juin 1995.
* 36 A titre d'exemple, dans
l'affaire « EADS » en cours d'instruction, les juges
soupçonnent Arnaud LAGARDERE, d'avoir effectué une plus value
d'environ deux milliards d'euros, en vendant les 7,5% de sa participation dans
le capital de la société : La Tribune du 29 mai 2007,
p.9 et Le Canard enchaîné du 30 mai 2007.
* 37 M.François ROCHE,
Le bal des initiés, radioscopie de la planète finance,
p.222. Edition DUNOD 2004
* 38 Notons que cette
procédure est déjà admise aux Etats-Unis et au Canada.
* 39 Une décision de la
11ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance
de Paris du 12 septembre 2006, a admis la recevabilité d'une action de
masse (« class action »), dans le cadre de poursuites des
chefs de diffusions d'informations inexactes et mensongères et
délit d'initié. En l'espèce, deux associations de
défense des petits porteurs actifs solliciter réparation des
moins-values latentes ayant affectées les titres achetés ou
conservés par les actionnaires. Le tribunal correctionnel à donc
poser une première pierre à l'acception de cette procédure
d'action de masse.
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